Terre du Milieu - Système J

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Résumé, compte rendu, impression des joueurs des séances précédente.
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Psychopat
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Re: Terre du Milieu - Système J

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Alors que nous prenions place sur l’embarcation, que certains donnèrent des ordres au marin, que d’autres recherchèrent dans la pénombre notre amie Vif et que moi-même m’occupait de Geralt ayant reçu une très grave blessure d’un archer isolé, une chose de terrible se produisit ! Une forme jaillit de l’onde et s’était une panthère que tous reconnurent comme étant Vif transformée en félin pour sauver chèrement sa peau, le magicien et les nombreux voleurs ne l’avaient pas épargné elle aussi. Au dessus d’elle, une vision d’épouvante, une énorme tête de félin apparue subitement comme pour protéger l’aventurière. Toutes les personnes qui assistèrent à ce spectacle eurent une blessure mortelle, tant physique que psychique, car, s’ils réussirent à s’en sortir vivant, les témoins de la scène récurent pour toujours une blessure qui ne se refermera point et les hanterait à jamais…

Ma magie et peut être mon sang m’a permis d assister à la scène sans aucun traumatisme que celle d’avoir rencontré une apparition du seigneur des chats en personne. J’étais peut être désigné à rencontrer d’autres seigneurs de cette grandeur lors de mon inaccessible quête et les valar, a qui j’adresse toutes mes prières quand je dois retrouver force et courage, ont décidé que mon chemin ne se terminerait pas ici et que je devais une fois de plus aider mes amis.

Je garde en moi néanmoins ce souvenir impérissable et je pense qu’il faudra me taire à l’avenir pour ne pas rouvrir la terrible blessure de mes proches. Il faudra qu’ils restent le plus possible dans l’ignorance et que je ne leur remémore plus cette vision de cauchemar. Ce sera un point commun supplémentaire entre Vif et moi-même…
"Allez tous vous faire déchirer..."



Asako Moharu :
"Un rikugunshokan infaillible peut-il commettre une erreur Daïdoji-san ?"
Daïdoji Asami :
"Un rikugunshokan Grue ou un rikugunshokan Lion Asako-sama ?"
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Niemal
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Tharbad - 6ème partie : poker menteur

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1 - Retour à Tharbad
Dans le soir tombant, une petite bourgade fut traversée - celle-là même que la barque avait longée lors du périple sur le fleuve Gwathló. Une courte pause fut faite afin d'acheter - cher - quelques vêtements pour Vif. Le marchand n'avait pas le temps de prendre ses mesures et de les confectionner, mais il put trouver certains qu'il avait en stock et qui ne nécessitaient pas d'ajustements. Et la route fut reprise en direction de Tharbad, alors que les premières étoiles commençaient à apparaître...

Malgré les protestations véhémentes d'Isis, le groupe avait en effet décidé de tenter le tout pour le tout : il allait retourner voir la guilde des voleurs pour une partie de poker menteur. Autrement dit, l'équipe allait mettre en avant ses "pouvoirs" qui avaient permis de tuer ou rendre fous plus d'une centaine de voleurs. De cette manière, elle espérait peser fort dans les marchandages pour récupérer le grand-père de Narmegil, Tarcandil. Restait à préparer les arguments et le meilleur angle d'approche.

Ainsi, certains souhaitaient passer aux Maisons de Guérison en premier, afin d'apprendre le plus de choses possible de la part des personnes affectées par la folie magique. Geralt (ainsi que d'autres) aurait voulu se reposer d'abord, et guérir un peu de ses blessures, comme la flèche dans le dos et la crise cardiaque. Les soins de Sîralassë furent à nouveau mis à contribution, et des couvertures furent enflammées avec de l'huile pour pouvoir faire une infusion d'athelas. Mais il fallait encore du temps pour que la guérison soit effective...

D'autres, comme Vif, préféraient aller directement voir les voleurs, dès leur entrée dans la ville. L'air de dire : "vous avez plus de cent morts, et nous, nous sommes frais comme des gardons, et vous ne pouvez rien contre nous". Bref, accentuer le coup de bluff le plus possible. Après discussion, c'est ce qui fut décidé, malgré Isis qui parlait de la sécurité de son enfant, malgré Geralt qui gémissait sur ses blessures et sa fatigue... et son moral en berne. Les plus fatigués se reposèrent dans la charrette, tandis que cette dernière progressait sur la route surélevée. En effet, le terrain était fréquemment inondé par la crue du fleuve, comme en ce moment, et l'eau clapotait sur les bords de la route, des deux côtés.

La nuit était tombée lorsqu'ils arrivèrent à la porte du Gwathló. Cette dernière, porte mineure de Tharbad, était fermée. Drilun, encore bien affecté par sa crise cardiaque, ne parvint pas à être très convaincant dans sa tentative de faire rouvrir la porte aux gardes. Mais Narmegil, très motivé, s'imposa en tant que seigneur dúnadan. Il obtint de rouvrir les portes et de pouvoir passer avec ses amis, et pour un prix modique en plus. Puis la charrette de Dirhavel parcourut la ville jusqu'au cœur de l'île de la cité : là, l'alchimiste déposa les aventuriers, au croisement d'une avenue qui amenait tout droit au quartier des voleurs...

2 - Le quartier et la citadelle des voleurs
Le groupe commença à progresser dans Rath Aran, la "Rue Royale", une grand-rue qui longeait l'ancien palais du roi du Cardolan. Les bandes de gamins qui vinrent se frotter à l'équipe dans l'espoir de pouvoir récupérer quelque chose en furent pour leurs frais : devant l'attitude résolue du grand Dúnadan, et ses menaces d'autant plus impressionnantes qu'il tenait sa lance elfique à la main, bien visible, ils comprirent vite qu'il valait mieux rester à l'écart.

Arrivèrent enfin les fortifications qui annonçaient le quartier des voleurs, petit bout de l'île et centre historique de Tharbad. Un portail restait ouvert mais était gardé par des voleurs, qui virent d'un œil inquiet approcher ces étrangers résolus. Lorsqu'ils furent assez près pour être reconnus à la lueur de torches et lanternes avoisinantes, un des gardes partit en courant prévenir ses supérieurs. Manifestement, ses compagnons l'enviaient plus qu'un peu, et ils paraissaient tentés de faire de même.

Respectant toujours le plan établi sur la route, Narmegil, en verve cette nuit-là, fit comprendre aux gardes qu'ils étaient venus parler aux maîtres de la guilde des voleurs, maintenant et pas plus tard, et qu'il valait mieux les aider que leur faire obstacle. Passés les premiers moments de surprise voire de panique des gardes, le groupe put entrer dans le quartier, accompagné par une foule grandissante - mais à distance respectable. Jusqu'à arriver à Ostinen Turambar, la citadelle à moitié en ruines qui servait de quartier général et place forte de la guilde.

De nouveau, les voleurs montrèrent qu'ils étaient pris au dépourvu. De nouveau, il y eut un flottement, le temps qu'un envoyé aille demander des ordres aux chefs. Enfin, les portes furent ouvertes, et les aventuriers entrèrent dans la cour. En passant, Geralt repéra un ancien compagnon d'armes, Eskel, avec qui il put échanger quelques mots. Mais manifestement, son ancien ami n'était pas prêt à parier un centime sur ses chances de survie. Puis ils furent tous conduits dans la citadelle en partie retapée. Ils montèrent des escaliers, et on les fit entrer dans une grande pièce occupée par une grande table, à laquelle siégeaient trois individus.

Les trois personnes représentaient les trois "têtes" de la guilde. Au centre, le maître de la guilde, et véritable chef des voleurs. A sa gauche, un prénommé Balt, responsable des assassins et autres missions les plus brutales de la guilde. De l'autre côté, une personne plus vieille et grasse, qui devait représenter la partie de la guilde consacrée aux enfants et aux mendiants. Suite à une invitation, les aventuriers prirent chacun un siège, Geralt face à Balt, Narmegil face au chef, et Sîralassë le plus loin de Geralt.

L'équipe avait une porte dans le dos, deux fenêtres en partie fermées par des volets intérieurs sur sa gauche, et une autre porte se trouvait derrière les maîtres de la guilde. De nombreuses personnes se tenaient dos au mur sur le pourtour de la pièce, dont une bonne part d'anciens collègues de Geralt ou autres voleurs parmi les plus costauds. Un geste, un ordre, la porte par laquelle les aventuriers étaient venus fut fermée. La réunion allait enfin commencer.

3 - Bluff, sang-froid et provocation
La réunion commença donc, avec des allures de partie de poker... menteur. En effet, le groupe, dont la moitié des membres avait sa tête mise à prix, ne devait sa "tranquillité" qu'au doute des voleurs sur les pouvoirs de l'équipe ; en particulier, sur sa capacité à faire table rase des vies dans un rayon de quelques dizaines de mètres, comme la nuit précédente. Et pour s'assurer que les voleurs le croient pour de bon, Narmegil et ses amis faisaient tout pour paraître sûrs d'eux et invulnérables.

En particulier Geralt, qui, face à son ancien patron et chef des assassins, Balt, avait remarqué la fureur à peine contenue de ce dernier à son égard. Il n'hésita pas à l'asticoter encore un peu, voire à le provoquer franchement, par exemple en étalant en pleine réunion les désirs d'indépendance de son ancien chef. Cela ne fit guère de vague auprès des autres voleurs, et notamment les deux autres chefs à la table, mais il y eut quand même un effet : à un moment, vif comme l'éclair, Balt sortit une dague et il la lança en direction de Geralt.

Ce dernier tenta d'esquiver, bien que d'être assis sur une chaise n'était pas la meilleure des positions pour ce faire. Heureusement, il fut aidé par son ami Drilun, qui put utiliser sa magie pour dévier légèrement la trajectoire de l'arme. Qui, du coup, ne fit que frôler sa cible, avec à peine une égratignure, pour finir sa course dans la cuisse d'un voleur qui se tenait non loin. Voleur qui se mit à pousser de grands cris, non seulement en raison de sa blessure, mais aussi parce que sa cuisse enflait et la douleur avec : la lame avait été enduite avec un poison puissant et rapide !

Mais le chef de la guilde calma tout le monde, et accepta la proposition de Sîralassë de soigner l'homme, ce qu'il fit avec son habituelle efficacité. Balt aussi finit par se calmer et ne plus répondre aux provocations de Geralt. De son côté, Vif arrivait, grâce à son ouïe extrêmement fine, à comprendre les échanges à voie basse entre les maîtres de la guilde : malgré l'état manifestement blessé de certains aventuriers, comme Geralt, les voleurs ne pouvaient avoir la certitude que leurs interlocuteurs ne bluffaient pas.

La réunion reprit, dans une ambiance toujours un peu tendue mais néanmoins plus calme. D'un côté, la position des voleurs était claire. Ils voulaient :
- 1000 pièces d'or pour Tarcandil, le grand-père de Narmegil
- 1000 pièces d'or pour Isis
- 1000 pièces d'or pour Geralt
- 10000 pièces d'or pour Vif !
Sans quoi ils caressaient la menace de ne jamais laisser les aventuriers partir... vivants.

De l'autre côté, Narmegil et ses amis avançaient d'autres arguments :
- ils étaient pressés de récupérer Tarcandil
- ils commençaient à douter que la guilde des voleurs ait encore le grand-père en sa possession
- ils n'étaient aucunement prêts à payer quoi que ce fût
- la guilde était manipulée par Angmar à son insu, comme lors de l'embuscade de la veille
- la guilde ferait mieux d'aider les aventuriers à lutter contre Angmar, ennemi commun
Tout en prétendant clairement posséder une magie qui les mettait à l'abri des menaces des voleurs.

4 - Nouveaux incidents et accords
La nuit avançait, mais les discussions, guère : les voleurs ne donnaient rien tant qu'ils n'avaient pas un peu de concret à se mettre sous la dent - si possible du concret sonnant et trébuchant. Ils admettaient des bizarreries dans l'attitude de certains des leurs, mais ne rejetaient pas systématiquement Angmar, dont ils avaient pu profiter. Et qui leur avait promis un jackpot encore jamais atteint avec la remise de la tête de Vif ! Néanmoins, ils n'étaient pas contre certaines mesures, en particulier concernant les soi-disant "prophètes" dont ils commençaient à mesurer l'influence... Mais là encore, ils ne voulaient pas bouger les premiers. Aux aventuriers de faire les premiers pas !

Mais les magiciens du groupe eurent bientôt un sentiment étrange, comme si de la magie avait été utilisée à la limite de leurs perceptions, et tout proche... Ils haussèrent le ton, en prévenant que des sorciers étaient peut-être à l'œuvre ici même. Vif demanda à ouvrir les volets pour pouvoir inspecter la cour, ce qui fut accepté. Mais alors qu'elle s'approchait des fenêtres, elle distingua que deux voleurs préparaient leurs armes. A peine eut-elle le temps de prévenir ses amis, que l'un d'eux fonçait sur elle, tandis que l'autre se précipitait dans le dos de Sîralassë.

Tandis que Geralt faisait un roulé-boulé maladroit sur la table (ses blessures se rappelaient trop à lui), Drilun empêchait un voleur de s'attaquer au dos du soigneur. Narmegil, lui, prenait sa lance, tandis que la femme féline esquivait l'attaque qui lui était destinée. Isis prépara un sort, mais elle n'eut pas le temps de le lancer, vu la brièveté du combat : le Dúnadan empala un voleur de sa lance, tandis que Geralt assommait l'autre avec une blessure à la tête qui aurait pu être fatale, sans l'intervention du soigneur.

Les autres voleurs, qui avaient commencé à prendre leurs armes, furent calmés par leurs chefs. Une fois de plus, les attitudes étranges de certains voleurs pourtant de confiance accréditaient les dires des aventuriers. L'un des agresseurs était mort, et l'autre ne serait pas conscient avant peut-être une journée. Néanmoins, l'elfe noldo et soigneur annonça qu'il sentait de la magie noire sur le survivant. Il utilisa sa magie et le déclara lavé de cette corruption, dont l'origine était évidente...

Ce qui entraîna l'adoption d'une trêve de la part des voleurs. Ils proposèrent à Narmegil et ses amis de s'occuper sur-le-champ des "prophètes" qui étaient peut-être à l'origine de cette magie, bien qu'il n'y ait aucune preuve. Mais cela arrangeait la guilde de ne plus les avoir dans les pattes. Des voleurs furent envoyés quadriller la ville pour repérer où étaient chacun des trois prophètes, tandis que l'équipe s'apprêtait à s'occuper de ces sorciers dès qu'elle pourrait leur mettre la main dessus. La chasse à l'homme fut ainsi lancée, dans la nuit.

5 - Chasse aux prophètes - un puissant inconnu
Deux voleurs furent chargés d'escorter les aventuriers, tant pour les guider et faire le lien avec le réseau de la guilde, que pour vérifier qu'ils menaient à bien ce à quoi ils s'étaient engagés. La nuit était calme, ponctuée par les cris des voleurs qui s'interpelaient et s'organisaient dans leur quartier, avant d'envahir le reste de Tharbad. Les gardes du Canotar, postés sur l'avenue principale qui allait de la porte nord à la porte sud, ne bougèrent pas. Peut-être avaient-ils l'habitude, ou tout simplement savaient-ils qu'ils n'avaient pas les moyens humains de faire une enquête sur ce qui se passait...

En progressant, néanmoins, les aventuriers furent témoins d'une chose étrange : un éclair proche sembla tomber sur la ville, sans bruit, alors que le ciel était clair et les étoiles bien visibles. Les magiciens du groupe suspectèrent de la magie à l'œuvre, sans pour autant en savoir plus. Sauf pour Sîralassë : lui avait bien senti quelque chose, sa perception magique ne pouvait le tromper. En revanche, cette magie, bien que puissante, était fort bien masquée. Sans doute l'œuvre d'un puissant magicien...

Des voleurs arrivèrent bientôt qui firent leur rapport : un prophète avait été repéré, dans un bâtiment à l'abandon qu'il occupait avec ses disciples et fanatiques. Mais il s'était passé quelque chose de bizarre : de nombreuses personnes étaient sorties du bâtiment en courant, comme pressées de s'enfuir. Il y avait bien eu quelques bruits à l'intérieur, comme des échanges verbaux, quelques cris... Puis un éclair était comme tombé sur le toit, et tout était ensuite resté silencieux. Bien entendu, tout le monde était resté à l'écart et s'était bien gardé d'entrer.

Ce que fit l'équipe, une fois arrivée. Le bâtiment était en piteux état, sans même une porte à l'entrée, et des traces récentes de présence humaine étaient bien en vue : feu, repas en cours, etc. Vu la hauteur, il comportait au moins un étage. Le silence intérieur n'était troublé par aucun son, aucun signe de présence humaine. Mais Isis utilisa sa magie afin de savoir, à partir des traces sur le sol, ce qui avait bien pu se passer. Elle utilisa son pouvoir à plus d'une occasion, au cours du périple dans la pauvre demeure, afin de reconstituer le cours des événements.

Il semblait qu'une personne était entrée, calmement, qu'elle avait parlé aux habitants, ce qui avait été suivi par la fuite des gens présents au rez-de-chaussée. La même chose s'était passée à l'étage, sauf pour un individu qui avait trouvé refuge sur le toit. Toit où ne restait plus qu'un corps sanguinolent et fumant, comme celui d'un homme qui a été frappé par un puissant éclair... Des traces montraient enfin une personne, toujours très calme, qui quittait tranquillement le bâtiment par une porte arrière. Sans laisser de signes visibles dans la rue, et sans s'être fait remarquer.

6 - Deuxième prophète : une rixe mortelle
Après avoir constaté que le corps était bien celui d'un prophète - d'après les restes de ses vêtements - la chasse reprit pour trouver ses deux autres compagnons. Bientôt des voleurs vinrent prévenir que l'un d'eux avait été retrouvé. Mais une rixe avait éclaté entre le prophète et ses disciples, et d'autres voleurs. Cela se passait sur les quais, il semblait que l'homme avait cherché à s'enfuir dans une barque. Mais son propriétaire - une femme nommée Grani, déjà rencontrée - n'avait pas été d'accord et avait rameuté d'autres voleurs ; dont certains qui savaient qu'un groupe devait venir s'occuper du prétendu prophète, qu'il fallait donc retarder.

Arrivés sur les lieux, les aventuriers ne purent que constater les dégâts. En effet, si la rixe avait bien encore lieu, elle ne dura plus très longtemps : dès que certains remarquèrent que des renforts étaient sur le point d'arriver, diverses personnes arrêtèrent le combat pour se jeter à l'eau. En laissant quelques corps sur le carreau, dont le fameux prophète... Sîralassë l'examina, mais l'homme était bien mort. La blessure qu'il avait reçue n'était pourtant pas mortelle, mais les traits déformés par la souffrance indiquaient plutôt l'utilisation d'un puissant poison...

Tout se passait comme si une personne s'évertuait à éliminer les indices juste avant que les aventuriers ne mettent la main dessus. Était-ce le troisième prophète qui faisait le ménage ? Quoi qu'il en fût, ce dernier restait introuvable. Les voleurs firent chou blanc, laissant entendre qu'ou bien il s'était enfui et n'était plus en ville, ou bien qu'il avait été tué d'une manière qui ne permettait pas de le retrouver.

Dans le reste du temps qui restait à attendre les éventuels renseignements apportés par les voleurs, l'équipe décida de passer aux Maisons de Guérison. Le groupe passa par le pont, où les soldats mirent en garde Narmegil concernant ses fréquentations, en voyant les deux voleurs qui l'accompagnaient. Le groupe arriva sans mal aux maisons de soins, où l'on finit par les faire tous entrer lorsqu'il fut question de soigner les personnes atteintes de folie lors de l'épisode magique de la veille.

La femme qui fit entrer les aventuriers expliqua que la dame Pelenwen avait déjà soigné une bonne part des fous grâce à ses dons. Ils étaient donc partis, mais il en restait encore certains dont elle n'avait fait qu'atténuer le mal. Sîralassë se fit alors connaître et déclara pouvoir user de ses dons à lui, et il prouva qu'il pouvait faire aussi bien sinon mieux que leur hôtesse et baronne de Tyrn Gorthad. Il arriva à soigner la moitié des personnes encore affectées, dont Lambert, un autre ancien compagnon de Geralt. Mais personne ne se souvenait de rien.

En fin de compte, les aventuriers retournèrent chez Pelenwen, tandis que les voleurs partaient de leur côté. La belle femme fut enchantée de les revoir, ayant craint pour leur vie après tout ce qui s'était passé, et qu'elle avait appris aux Maisons de Guérison, tôt la veille. Elle fut brièvement mise au courant, mais devant l'état d'épuisement et les blessures de certains, elle mit fin à la conversation pour permettre à tous d'aller se reposer.

7 - Troisième prophète : un rêve prémonitoire
En se réveillant en milieu de matinée, Geralt fit part à ses compagnons d'un rêve étrange qu'il avait fait. Il s'était retrouvé dans le Quartier des Voleurs, mais comme s'il n'était pas vraiment là. C'était la nuit, pourtant il voyait parfaitement un des prophètes, caché dans un coin sombre, non loin d'une intersection. Intersection comportant une grille dans le sol, grille à travers laquelle se déversaient les eaux usées, une lourde grille mais assez facile à lever depuis la rue. Une grille sous laquelle une échelle métallique permettait d'atteindre les égouts, quelques mètres plus bas.

Ce songe semblait tout sauf naturel, et il fleurait bon le piège également. Mais y avait-il le choix ? C'était une piste intéressante, quoi qu'elle puisse apporter. Aussi l'équipe fut-elle bientôt prête à repartir chez les voleurs. Après quelques petites consignes laissées aux serviteurs pour prévenir la dame Pelenwen partie aux Maisons de Guérison, les aventuriers se mirent en route. Ils se firent reconnaître au Quartier des Voleurs, et préparèrent une expédition dans les égouts sur le site même que Geralt avait vu en songe. Lorsque des voleurs arrivèrent pour les accompagner comme témoins, ils s'attachèrent entre eux, ainsi qu'avec deux voleurs. Puis ils descendirent.

La crue du fleuve avait envahi les égouts, dont l'essentiel était submergé. La taille des canalisations ne permettait même pas à Vif - pourtant la plus petite - de se tenir complètement debout. Et seule la tête dépassait du niveau de l'eau, animée d'un fort courant, entraînant des difficultés à avancer sans se cogner constamment la tête pour pouvoir respirer. Si l'on rajoutait une eau assez froide et une odeur pas vraiment engageante - mais il paraît que c'était bien pire l'été - cela ne donnait pas vraiment envie de rester très longtemps.

Les plus perceptifs finirent par entendre comme un cheminement au loin, dans une canalisation. Cheminement qui fut plus perceptible après un moment passé à évoluer dans le labyrinthe des égouts. En fin de compte, Sîralassë et Vif se détachèrent pour progresser plus vite et rejoindre le fuyard qui manifestement les avait entendus. Mais l'homme était sans doute épuisé et transi de froid, ayant cherché sans succès une issue. Car toutes les canalisations finissaient sous l'eau, et Geralt savait qu'elles se terminaient par des grilles, quoiqu'en mauvais état pour certaines, voire susceptibles de laisser passer quelqu'un... mais difficilement sous l'eau et avec ce courant.

L'homme plongea pour essayer d'échapper au grand elfe, mais il n'arriva pas à trouver la sortie et commença à se noyer. Ce faisant, il entraîna le soigneur sous l'eau en s'agrippant à lui, mais la Femme des Bois arriva à les sortir de là et à leur faire reprendre leur respiration. S'ensuivit une série de questions auxquelles le "prophète" se laissa soumettre de mauvaise grâce. C'était bien un sorcier d'Angmar, et il savait ce qu'il advenait à ceux qui échouaient : son sort était moins enviable que celui d'un porc qu'on égorge...

8 - Maigres informations
Mais les voleurs attendaient en grelottant que son compte fut réglé. Aussi, Narmegil prit-il une initiative : il fit comprendre au prophète ce qu'il allait faire, puis il fit mine de lui enfoncer sa lance dans le corps. L'homme joua le jeu et poussa un hurlement avant de sombrer, et les deux voleurs se dépêchèrent de remonter au sec et à l'air libre. L'homme émergea ensuite : il était étonné et parla plus facilement, voyant que peut-être sa mort n'était pas pour tout de suite...

Mais il ne savait pas grand chose : il ne faisait pas partie des sorciers venus pour acheter Tarcandil aux voleurs. Par contre, il savait que ces derniers avaient revu les gens d'Angmar pour d'ultimes tractations, la veille, suite à la magie qui avait causé tant de morts. Il ne savait pas non plus qui avait tué les autres prophètes. Il n'avait aucunement connaissance d'une personne d'Angmar capable de lancer des éclairs, mais par contre, tous utilisaient plus ou moins les poisons.

Enfin, il avait connaissance d'un autre sorcier venu spécifiquement pour tuer Vif, mais il ne l'avait jamais vu, ayant de ses nouvelles uniquement par des intermédiaires. Il avait participé de loin à l'embuscade de l'avant-veille, en poussant ses disciples à attaquer Vif dès que l'ordre serait donné. Mais il n'avait pas vu exactement ce qui s'était passé, et lorsque la magie de mort et de folie s'était déclenchée, il avait eu la peur de sa vie et n'avait pas demandé son reste. En revanche, tous ses disciples étaient morts, eux.

Narmegil, bien qu'il lui en coûtât, dit à l'homme qu'il était libre et lui conseilla de se faire oublier. Ses amis et lui ressortirent des égouts, tous trempés et certains écorchés voire légèrement blessés dans leur progression dans les canalisations. Hormis les elfes, la plupart grelottaient. Mais ils ne perdirent pas de temps à se sécher : ils se dirigèrent tout de suite vers la forteresse des voleurs, Ostinen Turambar. Ils avaient rempli leurs obligations, aux voleurs d'apporter quelque chose à présent. Les négociations allaient maintenant reprendre.
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 18:31, modifié 2 fois.
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Niemal
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Tharbad - 7ème partie : changement de tête

Message non lu par Niemal »

1 - Inquiétude
Les voleurs suivaient le groupe ruisselant, qui ralentissait peu à peu. En fin de compte, face au pont qui menait à la forteresse des voleurs, l'équipe s'arrêta. La plupart de ses membres exprimaient le besoin d'aller se sécher et s'occuper un peu d'eux avant de reprendre les négociations. En fin de compte, les aventuriers firent demi-tour, et devant l'air décidé de Narmegil, nul ne chercha à les retenir. Le Dúnadan annonça juste que ses amis et lui reviendraient plus tard dans la journée, après s'être reposés et faits plus présentables...

La maison du baron de Tyrn Gorthad fut bientôt atteinte. Pelenwen n'était pas là - elle restait toute la journée aux Maisons de Guérison avec deux gardes - mais un serviteur s'empressa de s'occuper de ses invités. Des bains furent pris, des vêtements nettoyés et séchés, de la nourriture fut consommée, et plusieurs prirent un repos bien mérité. Geralt dormait encore, alors que le soir tombait, lorsque le groupe décida de retourner voir les voleurs - non sans une préalable infusion de bonneherbe (réussie comme jamais par le soigneur) pour les fortifier. L'assassin râla comme à son habitude, mais il suivit ses compagnons.

La figure imposante de Narmegil et son attitude menaçante envers les voleurs et mendiants qui s'approchaient trop firent comme d'habitude place nette : tous se tenaient à l'écart de sa lance et de sa personne, et l'ensemble du groupe pouvait ainsi progresser sans mal dans la ville et certaines rues bondées. Néanmoins, Isis distribua quelques pièces à ses ex-compatriotes : elle avait passé pas mal d'années à Tharbad, sous les traits d'une humaine, et elle avait appris beaucoup à la guilde des voleurs, et fait de nombreuses rencontres dont elle gardait maints souvenirs...

Et justement, en donnant une pièce à un individu qui lui fit un clin d'œil, elle reconnut une vieille connaissance. Un petit échange suivit, mais très bref, la personne ayant sans doute peur de possibles représailles. Elle donna quelques vagues nouvelles sur l'ancien maître d'Isis, Alucar, réfugié dans le Gondor. Mais surtout, elle dit que des nouvelles venues de l'extérieur étaient parvenues aux chefs de la guilde, qui attendaient à présent les aventuriers de pied ferme. Ils semblaient plus sûrs d'eux et déterminés, et dans leurs consignes l'équipe était considérée avec plus de fermeté et moins d'incertitude.

L'équipe progressa plus lentement, faisant diverses haltes pour discuter plus avant des dernières nouvelles. Certains, comme Geralt et Isis, trouvaient pure folie d'aller voir les voleurs chez eux, pour un coup de bluff déjà éventé. Mais Narmegil tenait à retrouver la piste de son grand-père, et personne ne put proposer d'alternative qui le satisfasse. Isis pointa du doigt le fait que son époux n'était nullement le chef du groupe. Mais si certains se sentaient libres de partir, la présence de près de deux cents voleurs tout autour, voire plus, fit beaucoup pour garder le groupe uni. La forteresse était là, et quand le vin est tiré, il faut le boire. Devant la porte ouverte et l'insistance des voleurs, ils entrèrent.

2 - Avancée et menaces
Le groupe traversa la cour et il fut mené jusqu'au bâtiment principal, puis à un escalier et une pièce qu'ils connaissaient déjà. A la table, trois silhouettes les attendaient, toujours les mêmes, comme si elles n'avaient pas bougé depuis la dernière fois. A peu de choses près, les aventuriers prirent les mêmes places, entourés de nombreux voleurs - dont beaucoup d'ex-collègues de Geralt - parmi les plus costauds. Contrairement à la fois précédente, nombreux étaient ceux qui portaient un arc et des flèches.

Après quelques menus préambules entre Narmegil et le chef des voleurs, ce dernier prit une attitude qui se voulait généreuse et magnanime - ou était-ce plutôt une attitude de moquerie ? Il parla de la mort des "prophètes" et du contrat que l'équipe avait menée à bien ; même si elle n'était pas responsable de deux des trois morts... En conséquence, il voulait bien céder sur un point : le grand-père de Narmegil. Mais Tarcandil avait en fait été vendu aux gens d'Angmar, qui étaient repartis avec lui la veille, en cours de matinée.

Le Dúnadan du groupe fulminait, mais il s'attendait trop à cette nouvelle pour laisser éclater sa colère. Le maître de la guilde continua en donnant quelques détails : les gens d'Angmar étaient six, dont trois serviteurs ou gardes du corps, tous en noir, et pas le genre qu'on intimide facilement - le contraire plutôt. Malgré leur âpreté au marchandage, ils avaient paru inquiets après l'éclat de magie qui avait tué une centaine de personnes. Du coup, ils avaient cédé aux voleurs, les avaient payés, et étaient partis le plus vite possible avec le noble aïeul.

Mais alors que Narmegil faisait mine de se lever, le chef de la guilde lui fit signe qu'il n'avait pas fini. Bien sûr, il pouvait partir, de même que son serviteur dunéen (Drilun) et son grand ami elfe (Sîralassë). Mais ni Geralt ni Isis, qui "appartenaient" à la guilde, et qui n'avaient pas eu l'heur de payer une certaine somme réclamée. Pas plus que Vif, pour laquelle un contrat mirifique courait, que la guilde ne tenait pas à laisser filer comme cela...

Les aventuriers se montrèrent intimidants quant à leurs pouvoirs magiques, et ils se moquèrent des voleurs qui croyaient si facilement qu'Angmar respecterait sa parole. Mais le chef de la guilde répondit qu'Angmar avait déjà été un bon client, et qu'un si gros contrat méritait bien quelques risques. Quant aux fameux pouvoirs des personnages, il ne semblait guère s'en inquiéter. Sur un claquement de doigts, des arcs se tendirent, flèches encochées... en direction d'Isis principalement. Le noble Dúnadan en face de lui n'allait pas mettre en danger la vie de son épouse et de l'enfant à naître ?

Et leur interlocuteur continua en disant qu'au cours de sa petite enquête, la guilde avait trouvé quelqu'un. Au lever du jour, la veille, il avait vu une barque, à un petit village sur le fleuve, en aval. Barque dans laquelle plusieurs personnes - mais pas Vif - gisaient, apparemment épuisées ou inconscientes, à tel point qu'elles n'avaient pu arrêter la barque et accoster sur les quais. La magie qui avait si durement affecté les voleurs ne venait pas des aventuriers, et elle leur avait même porté un rude coup, semblait-il...

3 - Duel
Les paroles de colère ou raison de Narmegil ne rencontrèrent aucun écho. La menace d'Angmar sur les peuples d'Eriador en général et de Tharbad en particulier était du domaine de l'avenir. Balt souriait en regardant Geralt en face de lui, comme jouissant de pensées particulièrement agréables à son égard. Mais l'homme aux cheveux blancs prit soudain une inspiration, et il se dressa : Geralt défiait son ancien supérieur, selon les lois des assassins. Balt était un incapable qui prenait les plus mauvaises des décisions, et il allait le montrer. Il demandait un duel avec lui. Immédiatement.

La perspective fit sourire le chef des assassins, dont l'œil s'écarquilla de plaisir anticipé. Narmegil proposa de faire également un duel, mais on l'écarta en lui disant qu'il ne faisait pas partie de la guilde. Par ailleurs, son épouse et son ami elfes ne devaient pas être témoins du duel, les voleurs n'ayant aucune confiance dans leurs pouvoirs. Narmegil et Vif choisirent de rester avec eux dans la pièce, mais Drilun préféra descendre et accompagner son ami dans la cour. Auparavant, le soigneur du groupe avait remis une petite noix dans la main de Geralt, en lui souhaitant bonne chance.

En bas, l'assassin flemmard entraperçut son ancien compagnon Eskel qui lui envoya un encouragement. Les voleurs faisaient un large cercle - une trentaine de mètres de diamètre - tandis que Balt et Geralt étaient emmenés à deux points opposés à l'extérieur du cercle. Le premier devait préparer ses poisons, mais le second mangeait la noix de l'écureuil remise par l'elfe. Enfin, le cercle s'ouvrit aux deux bouts, et les combattants entrèrent dans le cercle bien éclairé par des torches et lanternes - la nuit était désormais tombée.

Tandis que les deux assassins s'approchaient lentement l'un de l'autre en tournant, une épée levée, Balt énumérait la liste des blessures et sévices qu'il allait infliger à son adversaire... mais aussi tous ceux qu'il avait eu le bonheur de lui faire par le passé. Les mots étaient soigneusement choisis, et ils faisaient mouche, mettant mal à l'aise Geralt avec ces souvenirs douloureux. Sur un côté, Drilun ne cessait de se concentrer sur un sort, attendant la valse des lames pour gêner celle de Balt.

A cinq mètres l'un de l'autre, ce dernier lança brusquement une dague qu'il avait sortie et avec laquelle il jonglait depuis un moment. Bien entendu, la lumière jetait des reflets huileux sur la lame, preuve de la présence d'un poison probablement violent. Mais Geralt dévia la dague avec sa lame sans grand problème, et il fonça sur son adversaire. Les deux assassins étaient extrêmement rapides, et l'homme aux cheveux blancs sentait encore la douleur de l'arrêt de son cœur il y avait un jour et demi de cela. Mais entre la bonneherbe prise moins d'une heure auparavant, et la drogue fantastique qu'était la noix de l'écureuil, Geralt était gonflé à bloc et rapide comme jamais.

Les lames virevoltèrent dans un ballet incroyablement rapide et difficile à suivre. Le chef des assassins, prudent, choisit de parer la première attaque de Geralt, plus rapide, et sa contre-attaque resta prudente, l'homme restant sur la défensive. L'attaque fut donc facilement parée par Geralt, qui avait choisi de la bloquer entièrement. Mais il put à son tour contre-attaquer, perçant la défense de son adversaire. Balt s'écroula, le corps transpercé. Le combat avait duré une demi-douzaine de secondes seulement, pendant lesquelles trois passes d'armes avaient été effectuées... Le plus rapide l'avait emporté.

4 - Tractations et promesses
Des hourras s'élevèrent pour fêter ce nouveau chef des assassins. Eskel félicita son ancien collègue, en répétant plusieurs fois qu'il avait du mal à reconnaître le timide Geralt d'antan. Pour ne rien dire de sa prodigieuse rapidité. Elle était extraordinaire déjà auparavant, mais là... Suite à des questions sur la manière dont il avait appris à bouger aussi vite, Geralt se contenta de dire qu'il avait bénéficié de l'entraînement des elfes. Il promit aussi à certains qu'il pourrait éventuellement les entraîner.

Balt respirait encore, mais il saignait abondamment, sa vie n'était plus qu'une question de minutes. Geralt savait que Sîralassë pouvait le sauver, mais y tenait-il ? Le garder en vie risquait de poser des problèmes pour après, sans compter que les autres assassins pouvaient prendre cela comme un signe de faiblesse. Balt l'avait torturé, autant fermer définitivement cette période de sa vie. Il fit donc ce que les autres assassins attendaient de lui : il dépouilla son adversaire tombé. Il récupéra ainsi des dagues et une épée de bonne facture, des fioles de poison, et une bonne bourse contant près d'une pièce d'or en menue monnaie. Ainsi qu'une veste de cuir robuste et légère à la fois, qu'il ne serait pas dur de réparer.

Drilun et lui remontèrent ensuite dans la pièce où les deux autres chefs les attendaient. Geralt prit la place de Balt cette fois-ci, à la gauche du chef de la guilde. Chef qui l'accueillit - avec un air un peu forcé - en tant que nouveau chef des assassins. Le troisième larron, probablement le chef des mendiants, avait un air plutôt inquiet. Puisque Geralt était "rentré dans le rang", et prêt à diriger les assassins, sa tête n'était plus mise à prix. Mais pour Isis et Vif, les contrats courraient toujours.

Geralt demanda alors à parler sans la présence des aventuriers. Ces derniers sortirent et la porte fut refermée, bien que Vif arriva à saisir quelques mots à distance. Leur ami savait que Balt avait son propre butin personnel, même s'il n'avait aucune idée du lieu - quelque part dans la forteresse - ni de la quantité. Mais il offrit l'ensemble du butin contre le contrat sur la tête d'Isis. Cela ne couvrait peut-être pas toute la somme, mais le poids des assassins au sein de la guilde était un autre facteur que les deux autres chefs devaient prendre en compte...

En fin de compte, les aventuriers furent invités à revenir, et le chef de la guilde annonça la chose : avec générosité, la guilde épongeait la "dette" sur la tête d'Isis, qui était libre de partir - et de ne pas revenir. En revanche, la commande d'Angmar - 10.000 pièces d'or contre la tête de Vif - restait pleine et entière, et la femme des bois ne quitterait pas la pièce. Ni les menaces des aventuriers, ni la position de Geralt, ne firent fléchir le chef. Ce dernier tenait à savoir pourquoi Angmar avait mis un tel prix, mais la réponse des aventuriers - "des trucs de magie impossibles à expliquer" - ne put le contenter.

En fin de compte, l'assassin aux cheveux blancs fit une nouvelle annonce : il apporterait la somme, ou du moins une bonne partie, dès qu'il pourrait aller la chercher ou faire chercher. Il avait effectivement laissé nombre de bijoux, récupérés dans le trésor du dragon, chez maître Elrond. Il donna sa parole de chef des assassins qu'il tiendrait sa promesse, et arriva à persuader que ce trésor, même moindre que le prix donné par Angmar, comportait moins de risques et valait la peine d'être pris. Il put négocier un délai de trois mois pour accomplir cette tâche. Au-delà, sa tête comme celle de Vif ne tiendraient guère longtemps sur leurs épaules, l'ensemble des assassins y veilleraient.

5 - Organisation et préparatifs
La pièce se vida rapidement, tant des voleurs que des aventuriers. Geralt réunit les assassins et leur fit part de ses consignes. En son absence, il nommait Eskel comme second et demandait à tous de lui obéir comme à lui. Son autre ancien collègue, Lambert, fut élevé au rang de garde du corps d'Eskel. Il donna quelques autres consignes en vue de son départ, et annonça qu'à son retour, il pensait changer diverses choses concernant la politique des assassins. Il ordonna aussi de faire profil bas vis-à-vis des voleurs, tout en suggérant que les choses pourraient changer à l'avenir, une fois revenu. A Eskel, il recommanda de bien faire attention : en son absence, il y aurait sûrement des manœuvres pour lui reprendre le contrôle des assassins...

L'équipe repartit en ville, en direction de la maison de Pelenwen et de son frère, sans être nullement dérangée par les bandes de jeunes et les mendiants : Geralt avait donné des ordres en ce sens. La nouvelle du duel et du changement de chef des assassins s'était rapidement répandue en ville, et la rapidité et la "propreté" du combat feraient encore causer sans doute de nombreux jours durant. D'adversaire, la guilde était maintenant plus ou moins alliée. Pour trois mois tout au moins, ou au plus.

La dame Pelenwen fut ravie de revoir ses invités et d'entendre des nouvelles fraîches, mais elle fronça les sourcils en considérant qu'elle abritait le chef des assassins. Car ces derniers restaient un ennemi et la plaie de Tharbad, du Cardolan et d'Arthedain même. Geralt objecta que les choses changeraient et qu'il comptait peser de tout son poids pour faire changer cela, mais son hôtesse restait sceptique. Mais il y avait d'autres choses plus urgentes à considérer.

Narmegil annonça qu'ils avaient besoin de chevaux pour partir à la poursuite des ravisseurs de son aïeul. Il était prêt à acheter ceux de la dame Pelenwen, qui était venue avec six montures pour ses gardes, ses serviteurs et elle. Mais l'argent ne signifiait rien pour elle, même si sa maison n'était pas bien riche. Que Narmegil prenne ses chevaux, la vie de son grand-père et la lutte contre Angmar étaient plus importants que l'argent. Le Dúnadan insista néanmoins pour lui offrir une petite somme d'or, ne serait-ce que pour aider aux soins ou toute autre chose dont son hôtesse trouverait l'utilité.

Tandis que les membres humains de l'équipe se reposaient, les deux elfes sortirent de ville pour chercher des traces. Les voleurs avaient donné quelques indications - le groupe de cavaliers serait parti le long du fleuve, en direction de Fennas Drúnin - mais Isis voulait vérifier par elle-même. Il y avait trop de traces pour qu'elle puisse en tirer quelque chose à l'aide de sa magie, mais elle appela des animaux pour la renseigner. Le deuxième se rappela avoir vu un groupe semblable à celui qu'elle décrivait prendre la route en question.

6 - Voyage vers le nord-est
Après avoir dormi et pris quelques provisions, le groupe fut amené aux écuries par un des serviteurs avant même le lever du soleil. Malgré les protestations de Geralt, le groupe fut parti au petit matin. Le temps était clément, les chevaux bien reposés, mais les cavaliers n'étaient pas tous aussi compétents que le Dúnadan ou le Noldo. Drilun en particulier était mal à l'aise, mais si un autre cavalier dirigeait sa monture à l'aide d'une corde, il pouvait tenir en selle... d'ordinaire. Isis chevauchait avec son époux, mais ils devaient souvent changer de cheval, qui se fatiguait vite. L'allure ne fut donc pas très rapide, un petit trot là où Narmegil aurait voulu un grand galop.

En milieu de matinée, le groupe arriva à un gué sur un des affluents de la Mitheithel (Fontgrise), la rivière qu'ils remontaient. Mais c'était la saison des pluies et de la fonte des neiges, et le gué n'était pas facile à passer, même à cheval. Certains, comme Vif, étaient néanmoins plus à l'aise à pied que sur une selle, et préférèrent franchir le gué ainsi. Mais il fallut faire un feu pour se sécher ensuite. Néanmoins, tous arrivèrent à passer, avec plus ou moins de difficultés et de petites frayeurs.

La journée se déroula sans grand problème autre que la faible allure de leur cavalcade, plus quelques chutes. Drilun désespérait de faire un jour un bon cavalier. Peu avant la tombée de la nuit, un nouveau gué fut atteint, franchi avec autant de maladresse que le premier, voire plus. Mais franchi quand même. Vu l'avancée de la journée, il fut décidé de faire un camp et de se reposer. La Femme des Bois prépara un abri et recueillit de la nourriture aux alentours, tandis que le temps se faisait de plus en plus menaçant.

Isis en profita, avec l'aide de Vif, pour trouver des traces de passage récent et confirmer avec l'aide d'un sort que le groupe qu'ils poursuivaient était bien passé par là. Sa magie lui permit aussi de déterminer que deux bonnes journées les séparaient de Tarcandil et de ses ravisseurs. Les cavaliers qu'ils poursuivaient semblaient bien meilleurs qu'eux. Aussi Narmegil décida-t-il de poursuivre sa chevauchée seul, la nuit et le lendemain, en direction de Fennas Drúnin, au confluent de la Mitheithel et de la Bruinen (Sonoronne). Rendez-vous fut pris dans cette petite ville, et le cavalier dúnadan fut parti avec un cheval magiquement reposé grâce à Sîralassë.

Malheureusement, la pluie arriva au bout de quelques heures et se transforma vite en déluge. Si Narmegil avait pu avancer à une bonne allure à ses débuts, aidé par du trèfle de lune qui améliorait sa vision nocturne, il dut vite ralentir. Il poursuivit néanmoins sa chevauchée toute la nuit durant, au petit trot, en essayant de ménager sa monture le plus possible. Puis il continua sur le petit matin, un peu plus vite : il y voyait mieux et la pluie était moins forte. Il arriva enfin au confluent, et aperçut la ville de Fennas Drúnin de l'autre côté de la rivière.

De leur côté, les amis et épouse du Dúnadan avaient passé une nuit humide mais améliorée par la magie récupératrice de l'elfe noldo. Le départ au matin fut une autre paire de manches, et seules des cordes empêchèrent Drilun de chuter et trop ralentir le groupe. Il fit l'essentiel du voyage la tête en bas, alternant un côté, puis l'autre. Ce fut une bien triste journée, sans avoir vu personne, suivie par une nuit toute aussi triste et humide. Heureusement il restait la magie des soins de Sîralassë, une nouvelle fois, pour leur remonter le moral.

Le groupe repartit le lendemain, pour arriver au confluent en fin de matinée. Mais peu auparavant, alors qu'un sentier partait sur la gauche, Vif remarqua des traces de sabot miraculeusement épargnées par la pluie, sous un arbre. Traces sur lesquelles Isis fit un sort, qui confirma leurs doutes : les cavaliers qu'ils poursuivaient n'étaient pas passés par Fennas Drúnin, ils avaient poursuivi le long de la rivière, vers le nord. Il y avait trois jours de cela.

7 - Fennas Drúnin
Premier arrivé, Narmegil ne vit aucun moyen immédiat de franchir la rivière : il n'y avait aucun pont. En explorant les lieux à proximité de bâtiments vides, il découvrit une corde tendue entre la ville et là où il se tenait : manifestement, un bac devait faire régulièrement l'aller-retour, mais vu la pluie qui tombait, peut-être fallait-il s'attendre à du retard. Le bruit de la pluie sur l'eau de la rivière emporta ses cris lorsqu'il tenta de se faire remarquer. Au bout du compte, il lui fallut attendre une heure ou deux avant que des gens sortent de la ville. Ils le remarquèrent et amenèrent le bac pour lui faire franchir la rivière, à lui et son cheval - contre paiement.

Les hommes n'avaient pas vu de groupe de cavaliers noirs, ni son grand-père. Il laissa son cheval complètement fourbu à une bonne écurie, tenue par un certain Feagwin. Ce dernier lui apprit qu'il n'avait pas de chevaux disponibles, en raison de la guerre récente avec le Rhudaur, qui les accaparait tous. Puis le Dúnadan se sécha et se restaura à la meilleure et plus vieille auberge de la ville, "La chênaie", où on lui apprit qu'un autre seigneur dúnadan était passé quelques mois auparavant, un certain Taurgil. Ce qui rappela au grand cavalier des histoires sur un groupe d'aventuriers qui avait tué un dragon à Nothva Rhaglaw - le dénommé Taurgil en faisait partie.

Après quoi Narmegil se renseigna et essaya d'obtenir un entretien avec le chef de la ville, ou plutôt le chef du conseil qui dirigeait la ville, un certain Paetric. Il le reçut après quelques heures et lui confirma que personne n'avait vu son grand-père ni le groupe qu'il recherchait. Néanmoins, les cavaliers avaient pu continuer vers le nord en longeant la rivière, et la franchir au Dernier Pont, où passait la Grande Route de l'Est. Narmegil remercia, et en attendant ses amis et épouse, il alla traîner chez un vieil herboriste dúnadan, Andalyn, et lui acheta quelques herbes, dont un très rare don-de-vipère.

Il finit par retrouver ses compagnons le lendemain, après une nuit à l'auberge et une matinée à attendre. Tous partagèrent les informations qu'ils avaient recueillies, tout en laissant leurs montures à l'écurie et en allant se restaurer à l'auberge. Ils discutèrent de la route à prendre : Narmegil était tenté de couper à travers l'Angle, la région entre les rivières Mitheithel et Bruinen, mais c'était une terre de conflits entre le Cardolan et le Rhudaur. Plusieurs préféraient partir sur les traces des cavaliers, le long de la Mitheithel : la route était plus longue, mais ils ne perdraient pas la trace de Tarcandil.

Ce point ne fut pas tranché, mais il fut convenu de rester se reposer et de ne repartir que le lendemain - au grand plaisir de Geralt. Sîralassë en profita pour se faire connaître auprès de Paetric, chef du conseil de la ville, qui le reçut tout de suite. Il lui parla de sa sœur qui avait autrefois été emportée par les eaux, en amont. Cela rappela quelque chose à Paetric, qui parla d'une personne recueillie à la même période par un riche marchand de la ville, Amrill. Ce dernier avait ensuite déclaré qu'il l'avait envoyée en Gondor, mais la ville avait plus tard découvert que le marchand était en fait un agent d'Angmar, démasqué par Taurgil et ses amis.

L'identité de la personne recueillie et son emplacement actuel restaient donc inconnus. Aussi le soigneur décida-t-il d'écrire un message sur un parchemin, parchemin qu'il remit ensuite à Paetric avec une forte somme. Cinq pièces d'or à remettre à la personne, si jamais il la revoyait, plus une pièce d'or au chef du conseil de Fennas Drúnin pour sa peine. En espérant qu'il s'agissait bien de sa sœur, qu'elle était vivante... qu'elle repasserait peut-être... qu'elle aurait son message et son or... et qu'enfin ils pourraient se retrouver. Il en aurait, des choses à lui dire !
Modifié en dernier par Niemal le 23 septembre 2017, 23:41, modifié 3 fois.
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Tharbad - 8ème partie : concours d'appâts

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1 - Un prisonnier peu docile
En fin de compte, Narmegil se rangea à l'avis de la majorité : ils partiraient tous sur les traces des ravisseurs, et ne chercheraient pas à prendre un hasardeux raccourci qui risquait de leur faire perdre la piste. Par contre, le temps jouait contre eux, et donc il fut accepté de partir tout de suite sans attendre le lendemain. Il fallut réveiller Geralt, qui prenait goût au lit de l'auberge, et payer les personnes chargées de gérer le bac qui permettait de franchir la rivière : Narmegil demanda un passage supplémentaire, il ne souhaitait pas attendre celui de fin de journée. Sîralassë s'était occupé des chevaux, et la magie qu'il leur avait insufflée leur avait fait oublier la fatigue. Et des vivres furent achetées avant le départ.

Après un peu moins de trois jours et une bonne averse, la piste était froide et difficile à suivre. Mais les talents de pisteuse de la Femme des Bois, associés à la magie du Dunéen et de la belle elfe, eurent raison - non sans mal - de cette difficulté. La piste fut suivie jusqu'aux ruines d'un village, en bord de rivière, où les ravisseurs avaient fait un camp. Comme la nuit tombait, ce fut l'occasion de préparer un camp aussi, d'économiser leurs vivres en allant se servir dans la nature, de se sécher - une petite pluie continuait à tomber - et de préparer le voyage du lendemain, car le sentier suivi jusque-là partait dans une direction inattendue.

Les talents combinés des uns et des autres permirent de savoir à quoi s'en tenir sur la route à suivre : il fallait bien suivre le sentier, même s'il partait vers le nord-ouest, s'éloignant de la rivière et du Rhudaur. Par ailleurs, une vision magique montra que Tarcandil était loin de se laisser faire, et il ne ratait pas une occasion de ralentir ses ravisseurs. Malgré son âge, et malgré les coups qu'il recevait sans doute, il menait la vie dure aux cavaliers d'Angmar. Ces derniers étaient meilleurs cavaliers qu'eux, et ils utilisaient leur magie pour améliorer les conditions météorologiques en leur faveur, mais le boulet qu'ils traînaient était tout sauf inerte. Chaque halte était pour lui l'occasion d'essayer de fausser compagnie aux sorciers et rôdeurs noirs d'Angmar.

Ils s'en rendirent à nouveau compte le lendemain : après avoir suivi le sentier, qui contournait un bois, ils parvinrent à l'ancienne haie d'épineux qui marquait la frontière entre le Cardolan et le Rhudaur. Les cavaliers d'Angmar l'avaient suivie vers l'est, jusqu'à trouver un passage pour passer de l'autre côté. Et là, les traces montraient clairement qu'un cheval était parti au galop dans une direction opposée, bientôt suivi par trois autres. La suite fut facile à reconstituer en suivant les traces : Tarcandil avait réussi à prendre la maîtrise de son cheval, mais après quelques miles il avait été rattrapé et maîtrisé - brutalement - par ses trois poursuivants. Mais cela avait encore fait perdre un peu de temps...

Un rapace appelé par magie confirma le chemin global pris par les cavaliers trois jours auparavant : ils avaient rejoint la rivière et l'avaient suivie vers le nord et le Dernier Pont sur la Grande Route de l'Est. Sachant cela, les aventuriers ne perdirent plus de temps à suivre les traces et ils galopèrent le plus vite possible dans cette direction. Au grand dam de Drilun, mauvais cavalier qu'il fallait attacher au cheval par des cordes : il passa une partie du trajet la tête en bas, tandis que Sîralassë ou Narmegil, meilleurs cavaliers du groupe, tiraient le cheval par la bride. Mais l'état d'Isis demandait aussi de fréquents arrêts pour se reposer : son état de femme enceinte supportait mal ce train d'enfer.

Vers la fin de la journée, des traces de camp furent atteintes, et la cavalcade s'arrêta là pour le groupe. En plus d'une occasion, des traces avaient montré que le grand-père de Narmegil n'avait pas hésité à se laisser tomber de cheval pour ralentir la progression des gens d'Angmar. Mais Isis était aussi une gêne, et les aventuriers ne pouvaient faire mieux que maintenir la distance entre les deux groupes, ils n'arrivaient pas à la réduire. Et ils n'étaient plus loin du Dernier Pont et des probables armées du Rhudaur.

2 - Scènes de famille
Le soir, en cherchant à manger, Vif eut un échange avec le lynx blanc qui les suivait toujours, et qui s'énervait de voir sa protégée continuer avec ses idiots d'amis dans une zone si dangereuse. Mais comme elle ne semblait pas vouloir céder, le lynx profita de la nuit pour faire fuir trois chevaux, dont deux seulement furent récupérés. Le dernier finit égorgé, malgré une flèche d'Isis qui pensait avoir touché le lynx. Il fallut appeler magiquement une monture sauvage, le lendemain, afin de compenser cette perte. Mais le petit félin blanc finit par bientôt disparaître, au grand soulagement de l'équipe.

Il ne fallut pas longtemps, le lendemain matin, pour arriver à la Grande Route de l'Est et au Dernier Pont sur la Mitheithel. Une auberge se tenait toute proche, sur la rive orientale, gérée par la famille Grumm, et quelques fermes avoisinantes complétaient le tableau. Les traces relevées permirent de montrer que les cavaliers d'Angmar avaient fait halte là un bref moment, sans doute pour qu'un des cavaliers puisse acheter des provisions, ce qui fut confirmé par les aubergistes, qui avaient bien remarqué le prisonnier maintenu à l'écart.

Mais là, Isis avoua son ras-le-bol et sa décision d'arrêter les frais : son état ne lui permettait plus de continuer, et de plus elle était un frein pour l'équipe. Elle ne continuerait pas avec Narmegil et ses amis, elle allait rentrer chez eux, dans la Comté. Ce à quoi le grand Dúnadan répondit qu'il comprenait parfaitement, mais qu'il ne pouvait la laisser seule dans ce territoire dangereux, où ils avaient rencontré des orcs à leur dernier passage. Il abandonnait donc la poursuite et choisissait d'assurer la sécurité de son épouse et de leur enfant.

La discussion escalada en un débat plus vif : l'elfe magicienne savait que la perte de son grand-père porterait un coup au moral de son époux, et elle le poussa à continuer la poursuite. Mais l'époux en question ne pouvait admettre de laisser son épouse seule ou même avec Geralt - qui ne demandait pas mieux que de revenir tranquillement à Tumulus - dans un lieu si dangereux. Un loup-garou rôdait pas loin, et l'assassin et la magicienne n'étaient pas de taille à l'affronter. Et pas question de laisser Isis à l'auberge une ou deux semaines, les risques étaient trop grands.

La scène de ménage dura un moment, chacun mettant l'intérêt de l'autre avant le sien, et aucun n'acceptant de céder à l'autre. Isis avait beau montrer à son époux qu'il perdait du temps et que les chances de retrouver le grand-père s'amincissaient à chaque minute, Narmegil ne pouvait admettre de lui faire prendre des risques : il resterait avec elle jusqu'à un endroit véritablement sûr. Éventuellement en perdant l'espoir de revoir son grand-père, qui à ses yeux était moins important que son épouse.

Mais une solution fut avancée par le reste de l'équipe : entre la vision d'un rapace qui avait confirmé que les cavaliers étaient partis vers l'est, et la connaissance que Drilun avait du Rhudaur, un compromis semblait possible. Les cavaliers d'Angmar avaient sans doute continué jusqu'à la route d'Angmar, à quelques dizaines de miles à l'est d'ici, avant de prendre au nord. Mais ce carrefour n'était pas très éloigné d'Imladris - peut-être une demi-journée à cheval à bonne allure. La proposition - qui fut acceptée - fut de déposer Isis à Fondcombe et de reprendre seulement ensuite la poursuite.

3 - Rencontres hostiles
Le groupe remonta en selle - sauf ceux qui montaient à cru - et partit au galop plein est. La route pavée était un régal de facilité pour l'équitation, malgré quelques endroits mal voire non entretenus. La vitesse était donc excellente, pour un confort équivalent à celui des jours précédents : le paysage défilait, fait de bois et de collines de plus en plus escarpées à mesure que les Monts Brumeux se rapprochaient dans le lointain. Il avait cessé de pleuvoir, et les six chevaux avançaient bien. D'autant qu'il fallait régulièrement s'arrêter pour faire souffler Isis, entre autres.

Mais une première patrouille de Dunéens du Rhudaur fut rencontrée. Une douzaine de fantassins à l'air méfiant, qui interpelèrent le groupe dans leur langue. Manifestement, les étrangers n'étaient pas les bienvenus ici, hormis les marchands réguliers et connus... et qui s'acquittaient des taxes. La conversation se passa sans trop de mal néanmoins, jusqu'au moment où Narmegil, à travers Drilun qui jouait au traducteur, demanda des nouvelles d'un groupe de cavaliers passé trois jours auparavant, et qu'ils recherchaient.

Manifestement, les Dunéens avaient eu des ordres de ces mêmes cavaliers, car ils prirent tout de suite leurs armes et marchèrent sur les aventuriers. Leur chef, en commandant à ses hommes de se préparer au combat, laissa entendre que Narmegil et ses amis étaient ceux qu'ils cherchaient. Mais nos amis n'avaient pas de temps à perdre, et les montures furent éperonnées. Subjugués par la présence magique et la détermination de Sîralassë et Narmegil, les hommes du Rhudaur s'écartèrent bien vite et laissèrent le groupe passer sans oser rien faire.

Plus tard dans la matinée, un autre groupe fut repéré sur la route, à un carrefour vers le sud. Mais là il s'agissait d'une plus grosse compagnie, plusieurs dizaines d'hommes d'armes, dont des cavaliers. Les aventuriers n'avaient pas été repérés, aussi fut-il décidé de faire un large détour pour éviter le groupe armé et reprendre la route un peu plus loin. Mais cela fit perdre du temps, même si l'allure avait été assez bonne jusque-là.

Dans le courant de l'après-midi, en revanche, les cavaliers arrivèrent en vue du carrefour avec la route d'Angmar, probablement prise par les gens qu'ils pourchassaient. Mais là, à distance, ils ne virent rien de moins qu'une petite armée campant autour du croisement, sur le site d'un ancien village en ruines. Le relief, escarpé, rendait tout contournement difficile et facilement repérable vers le nord, où les collines escarpées étaient dénudées et visibles de loin. Aussi le groupe préféra-t-il avancer sous le couvert des bois sur leur droite, au sud de la route.

Il fallut avancer au pas à travers les arbres, mais la progression arriva vite à un terme, lorsque la forêt fit place à la route menant au sud. L'équipe n'était qu'à quelques centaines de mètres au sud-ouest de l'armée en contrebas, au centre de la cuvette au fond de laquelle les routes se croisaient. Impossible de progresser au nord ou à l'est sans se faire repérer, il n'y avait plus de couvert boisé et protecteur au-delà de la position du groupe. Sauf de l'autre côté de l'armée et du croisement, au nord-est, mais il était impossible d'y arriver sauf en volant. Le groupe était bloqué.

4 - Rencontre amicale
Depuis un moment déjà, Vif avait repris certains traits félins, à savoir leurs yeux et oreilles. Aussi son ouïe était-elle assez fine pour percevoir bientôt qu'ils n'étaient pas seuls dans la forêt de ce côté-ci de la route : un groupe d'hommes du Rhudaur était sans doute occupé à ramasser du bois et de la nourriture, et il revenait à présent dans leur direction. Ils seraient bientôt là, et il était hors de question de les combattre, au risque de vite prévenir l'armée si proche.

L'équipe mit donc pied à terre pour s'écarter discrètement avec les chevaux, sauf Drilun qui était toujours attaché... et il ne restait plus assez de temps pour le détacher. Malheureusement, le mauvais cavalier qu'il était ne put rester bien longtemps en selle avec toutes les branches et le sol pentu qu'ils foulaient. Sa chute, retenue par les cordes, dérangea néanmoins sa monture qui poussa un petit hennissement. Mais les hommes, maintenant proches, ne l'entendirent pas ou n'y firent pas attention, le prenant peut-être pour celui d'un des chevaux de l'armée non loin.

Un peu plus loin, Drilun écouta magiquement le sol et perçut les présences des Dunéens aux alentours. Mais également d'autres présences, bien plus discrètes, sous le couvert des bois au nord-est. Vif monta alors dans un arbre avec la longue-vue de Sîralassë. Elle observa les alentours, et notamment la forêt de l'autre côté de l'armée, quand elle vit brusquement, en haut d'un arbre, la silhouette d'un elfe connu apparaître et faire un geste dans sa direction ! Niemal, déjà rencontré dans l'Arthedain, semblait l'avoir repérée malgré la distance. Il disparut peu après, et elle se dépêcha de redescendre prévenir ses amis.

Sîralassë décida alors d'appeler magiquement un rapace pour transmettre un message, comme il l'avait déjà fait quelques heures auparavant, mais sans savoir où d'éventuels elfes de Fondcombe pouvaient se trouver. Un épervier apparut bientôt, mais avant même de pouvoir lui dicter un message, l'oiseau en récita un que Niemal venait de lui transmettre : rendez-vous était donné pour la nuit, pendant laquelle les aventuriers devraient franchir l'espace les séparant.

Le reste de l'après-midi fut donc occupé à se reposer, jusqu'à la tombée de la nuit. Alors que le groupe discutait de la voie à prendre, une brume descendit sur les lieux qui obscurcit complètement la zone où l'armée était installée. Peu de temps après, Vif entendit quelqu'un approcher, seul, alors que les chevaux commençaient à se faire nerveux. Elle finit par reconnaître un ours, et suspecta un envoyé des elfes venu pour les guider, ce qui était le cas. Les chevaux furent maîtrisés sans grand mal, et l'ours, arrivé assez près, grogna comme s'il attendait qu'on le suive...

Ce que fit l'équipe. Le plantigrade semblait savoir où il allait, et surtout, il reniflait régulièrement l'air, identifiant la présence proche d'hommes du Rhudaur et modifiant sa route en conséquence. Narmegil et ses amis purent ainsi traverser sans mal la zone surveillée par l'armée, et arriver enfin aux bois de l'autre côté. Où ils retrouvèrent un groupe d'une bonne douzaine d'elfes, dont Niemal, groupe mené par Glorfindel de la maison d'Elrond, et Mithrandir, ces deux derniers à cheval. La rencontre fut chaleureuse et Narmegil oublia un moment son grand-père loin de lui. La sécurité d'Isis était assurée.

5 - Aide appréciable et appréciée
Effectivement, une demi-douzaine d'elfes allaient escorter Isis jusqu'à Imladris en prenant des chemins que bien peu pouvaient suivre. Elle ne risquait donc plus rien, a priori, et le reste du groupe était libre de poursuivre vers le nord pour rejoindre Tarcandil. Ce dernier ne s'était pas éloigné tant que ça : d'une part, le groupe de cavaliers avait été escorté par un groupe armé, plus lent, d'autant que les cavaliers avaient vite perdu leurs chevaux. Il faut dire qu'un autre groupe d'elfes les avait suivis et harassés tout du long avec leurs flèches, et ils avaient même pu faire en sorte que leur route croise celle de quelques trolls en maraude !

Et même si la route était bien gardée, les elfes pouvaient passer par des chemins secrets. Et leur magie permettait d'avancer rapidement et sans fatigue, et ils pouvaient en faire profiter les aventuriers. Certes, les ravisseurs de Tarcandil avaient été retardés, mais ils ne tarderaient pas à rejoindre Cameth Brin, la capitale du Rhudaur. Mais en ne prenant aucun repos, Narmegil et ses amis pourraient peut-être les rejoindre, ou en tout cas diminuer très fortement l'écart entre les deux groupes. De toute manière, y avait-il le choix ?

A une question des aventuriers, il fut répondu qu'il faudrait conserver les chevaux : les elfes pouvaient sans mal traverser les Fourrés aux Trolls, mais à partir de Cameth Brin le couvert boisé cédait la place aux Landes d'Etten. La discrétion des elfes n'était plus suffisante pour continuer aussi près de leurs ennemis. Le groupe serait à nouveau livré à lui-même, et les chevaux seraient certainement nécessaires pour rattraper les cavaliers d'Angmar. La rapidité risquait alors de primer sur la discrétion.

Glorfindel et Mithrandir ne prendraient pas part à l'expédition. Ils avaient un autre gibier à chasser, un gibier malin et plein de ressources : Tina, le véritable nom du lynx blanc qui suivait et protégeait Vif. Mais avant de se quitter, ils avaient quelques présents à remettre de la part d'Elrond et de sa maisonnée :
- une épée de Gondolin, épée de roi confiée à nouveau - provisoirement - au soigneur
- diverses herbes, dont de l'athelas et de la bonneherbe, remises par Niemal
- une veste légère de peau de dragon enfin apprêtée, grâce à l'insistance de Mithrandir auprès des elfes, portée par Drilun
- une terrible armure de cuir de dragon qui rendait son porteur intimidant, et que Geralt choisit de porter

Et pendant une journée et deux nuits, les aventuriers avancèrent au chant des elfes, dont Sîralassë. Un peu comme dans un rêve, ils traversèrent des miles et des miles de forêts sans rencontrer personne, sans sentir la fatigue, en menant les chevaux par la bride. Tous les Fourrés aux Trolls furent ainsi traversés. Ils rencontrèrent d'autres elfes qui donnèrent des nouvelles de ceux qu'ils poursuivaient. Ils avaient fait halte à l'ancien château de Minas Brethil, mais les nouveaux chevaux et troupes qu'ils y avaient trouvés avaient vite connu les mêmes difficultés qu'au début de la route d'Angmar...

A la fin de la deuxième nuit, ils arrivèrent tout au bout de la forêt. Cameth Brin n'était pas loin, derrière des collines à peut-être une quinzaine de miles de là. Tarcandil et ses ravisseurs n'y étaient parvenus que la veille, et dans la matinée il était probable qu'ils repartiraient jusqu'à un système de bac sur la rivière Mitheithel, un peu plus au nord. Après discussion, il fut décidé de jouer sur la vitesse : au matin, le groupe filerait vers le nord et renverserait tous les obstacles sur son chemin.

Mais près de 48 h s'étaient écoulés depuis le dernier véritable repos pris par les aventuriers. A présent que le chant des elfes s'était tu, tous aspiraient à un sommeil réparateur. Mais le jour n'était pas loin, et la poursuite allait vite reprendre. Comment la concilier avec un repos nécessaire ? Une halte de trois heures environ fut décidée. Tandis que Sîralassë méditait à la façon des elfes, ses quatre compagnons humains se voyaient attribuer une tisane de marchand de sable, un somnifère au fort pouvoir récupérateur. Après un peu plus de trois heures, tous étaient en pleine forme !

6 - Cavalcade et bain forcé
Lorsqu'ils furent tous prêts, Niemal leur apprit qu'un groupe de cavaliers avait quitté Cameth Brin une heure auparavant, avec un prisonnier qui était sans nul doute Tarcandil. Sans parler des crebain qui volaient au-dessus d'eux. En faisant vite, il était possible de les rattraper au niveau du bac sur la Mitheithel. Le passage des Rhudauriens prendrait sans doute du temps, mais ils seraient sûrement passés à l'arrivée de l'équipe. Des infusions de bonneherbe furent faites pour les cinq aventuriers, qui, remontés à bloc, montèrent à cheval et partirent au galop. Drilun avait tout de même été attaché à sa monture par des cordes, afin d'éviter de le laisser en arrière dans cette région hostile...

Des collines masquaient Cameth Brin aux yeux du groupe, qui en déduisit que les informations transmises par Niemal lui avaient été données par un quelconque observateur ailé. Narmegil et ses amis pénétraient une vaste zone agricole, où ils ne passèrent pas inaperçus longtemps. Mais la plupart des hommes du Rhudaur se contentaient de les laisser passer voire de s'écarter. Des appels de cor se firent néanmoins entendre, et une vingtaine de cavaliers apparurent bientôt sur la route qui longeait la rivière. Ils cherchèrent à empêcher les aventuriers de rejoindre la route, mais ces derniers furent les plus rapides.

Toujours au galop, suivis par ces guerriers à cheval, les cinq amis virent bientôt un groupe de fantassins se préparer à les arrêter, plus en amont sur la route. Une douzaine de guerriers, armés de lances, situés à un endroit où il était difficile de les contourner. Mais Narmegil et Sîralassë utilisèrent leur magie afin d'exprimer toute leur prestance royale. Même Drilun sut se montrer intimidant, bien que sa position pas franchement à la place attendue par un cavalier le desservait sans doute. Les douze Rhudauriens abandonnèrent bien vite leur position en courant, intimidés, et l'équipe passa sans problème.

La zone du bac fut enfin atteinte, mais Tarcandil et ses ravisseurs étaient déjà passés. Ils étaient en train de se remettre en selle, lorsque les cinq poursuivants arrivèrent de l'autre côté de la Mitheithel. Les hommes d'Angmar et du Rhudaur finirent par partir au galop, laissant derrière eux une petite dizaine d'hommes armés chargés de la gestion du bac. Vif fit un bref tour d'horizon, mais le quai d'où partait le bac - à présent de l'autre côté - était le meilleur endroit pour franchir la rivière. Poussant les chevaux, les cavaliers arrivèrent au bout du quai, et ils les firent sauter à l'eau, Narmegil en tête.

Faire sauter le cheval dans l'eau glaciale était une chose, arriver à tenir dessus au moment du choc en était une autre. Tous y arrivèrent plus ou moins bien, à l'exception notable de Drilun. Seules les cordes qui le liaient au cheval l'empêchèrent de voler dans une autre direction que sa monture. Mais lorsque cette dernière percuta les flots, il se retrouva à moitié sous elle, sous la surface, toujours attaché par les cordes. Heureusement, en l'air, il avait eu la présence d'esprit de retenir sa respiration. Au moins était-il à l'abri des flèches que les archers, sur l'autre rive, commençaient à tirer sur les cavaliers et surtout sur les chevaux.

7 - Bataille sur la rive
Sîralassë et Narmegil, les plus en avant, concentraient l'essentiel des tirs, d'autant que les trois autres cavaliers tâchaient de rester alignés derrière eux. Narmegil utilisa son bouclier pour protéger son cheval du mieux qu'il pouvait, et Geralt emprunta celui de Drilun pour faire de même. Le Dunéen arriva à passer la tête hors de l'eau, sans pour autant pouvoir remonter sur le cheval. Mais Vif et Geralt, à ses côtés, l'aidèrent et firent au moins en sorte que sa monture ne dérive pas trop loin.

Petit à petit, le groupe se rapprocha du rivage. Les archers parvenaient à blesser légèrement les chevaux, mais les bêtes furent malgré tout maîtrisées pour tenir bon et avancer encore. Au bout d'un moment, les archers s'enfuirent devant la fureur magique du Dúnadan, et l'équipe put enfin accoster. Juste à temps pour voir un nouveau péril fondre sur eux depuis une colline proche : seize grands loups les chargeaient de manière résolue et comme intelligente, ignorant complètement les hommes du Rhudaur à pied. Des wargs étaient de la partie.

Les bêtes magiques, dont le corps disparaissait une fois qu'elles étaient tuées, s'attaquèrent principalement aux chevaux. L'elfe et le Dúnadan, les plus lourdement chargés sous le nombre, tentèrent de passer au galop à travers les attaques des loups enchantés, mais la réussite ne fut que partielle. Certains réussirent à mordre les chevaux et à leur faire des blessures sérieuses qui les handicapèrent, et ils menacèrent de faire tomber leur cavalier en se cabrant sous la douleur. Derrière, la situation n'était guère meilleure, le plus petit nombre de loups ayant face à eux des cavaliers moins expérimentés.

Avant de partir, au petit matin, Vif avait pris une forme semi-animale. Lorsque sa monture trébucha sous la douleur, elle arriva sans mal à tomber et à vite se redresser, et elle attaqua ensuite ses agresseurs à coup de griffe : à chaque attaque elle en éventrait un, qui en général n'avait plus la force de combattre, même lorsqu'il restait vivant. Geralt faisait voler les têtes, à cheval puis bientôt au sol. Mais Drilun, handicapé par son manque de compétence et par les cordes qui le maintenaient toujours, ne put empêcher son cheval d'être bien blessé et de lui tomber dessus...

Plus loin, Narmegil et Sîralassë finissaient par mordre la poussière également, sans grand mal, et ils purent se débarrasser des derniers wargs. Mais un cheval était mort et l'autre ne valait pas beaucoup mieux. L'elfe se précipita ensuite vers le Dunéen, percevant qu'il était en danger de mort. La Femme des Bois et l'homme aux cheveux blancs avaient réussi à tuer les derniers assaillants, mais les chevaux étaient en piteux état, et surtout Drilun était coincé sous le corps de l'un d'eux, une jambe broyée.

Vif coupa les cordes qui le retenaient à sa monture et elle put faire se relever le cheval blessé et tremblant de peur et de douleur. De manière à ce que Sîralassë puisse stabiliser la blessure du Dunéen et l'empêcher de saigner davantage. Geralt, lui, prenait position en bordure de rive avec un arc que le Dunéen avait magiquement amélioré : le groupe de cavaliers du Rhudaur qui les avait poursuivis venait de se jeter à l'eau. Et Narmegil, après avoir fini le ménage parmi les loups et constaté la mort d'un cheval, arrivait en courant à petites foulées.

8 - Reprise de la poursuite
Geralt fit un massacre parmi les cavaliers qui approchaient, cible facile pour lui qui connaissait les points faibles des humains - il n'était pas assassin pour rien. Les autres se retirèrent de l'autre côté de la rivière et ils lui tirèrent dessus à l'aide d'arcs, mais sans résultat. En revanche, plusieurs chevaux privés de maître purent ainsi être récupérés. Si les premières montures de l'équipe furent soignées, pour celles qui vivaient encore, elles étaient trop faibles pour continuer la poursuite. Les chevaux capturés étaient donc un appréciable butin.

Restait le cas de Drilun, absolument intransportable dans son état. Mais le soigneur profita d'un feu allumé par les Rhudauriens qui géraient le bac. Il prépara de l'athelas et utilisa ensuite sa magie et une herbe miraculeuse, un don-de-vipère, afin de commencer à soigner son ami dunéen. La combinaison des deux fut suffisante, avec ses talents de soigneur, pour le remettre entièrement sur pied au bout d'une heure. Ébahi, il avait du mal à admettre qu'il remarchait déjà, si peu de temps après les multiples fractures ouvertes supportées par sa jambe.

Le groupe put ainsi repartir à la poursuite de Tarcandil, avec plus d'une heure de retard. La route défilait, et Drilun savait qu'ils devaient rattraper les cavaliers qu'ils poursuivaient avant qu'ils arrivent à une ville distante de quelques heures à cheval, à l'allure où ils allaient. Grâce à la longue-vue de Sîralassë, ils pouvaient distinguer leur objectif au loin, et ils virent que le grand-père de Narmegil faisait tout son possible pour ralentir ses ravisseurs, se laissant tomber de cheval à la moindre occasion - pour un temps du moins. L'écart entre les deux groupes n'arrêtait pas de diminuer.

Au bout de deux heures, la distance n'était plus que de deux miles (~ 3 km) environ. Tandis que les aventuriers passaient un gué, ils virent au loin sur la route les cavaliers d'Angmar et du Rhudaur disparaître dans des collines escarpées. Ils reprirent donc la poursuite, en espérant arriver à rattraper enfin le grand-père de Narmegil et les sorciers d'Angmar, dont on suivait maintenant la progression sans mal, même sans les voir, grâce aux crebain qui volaient toujours au-dessus d'eux.

Mais en montant dans les collines, Vif s'aperçut qu'ils n'étaient pas seuls. Non seulement les corneilles au service d'Angmar avaient changé de position et s'étaient placées au-dessus d'eux, croassant sans cesse et donnant leur position ; mais également, elle put distinguer de nombreux groupes armés qui se rapprochaient de leur position. Au passage d'une forêt, elle vit ainsi deux ou trois cents guerriers - Dunéens du Rhudaur - sortir des bois et prendre place sur la route derrière eux, après qu'ils soient passés. Et il y en avait d'autres, au loin, au sommet des collines. Collines propices à une embuscade.

9 - Inversion des rôles
Le groupe fit une halte pour permettre à Drilun de sonder les environs magiquement. Grâce aux vibrations du sol, il put déterminer la position de nombreuses personnes - probablement hostiles - derrière eux et sur les côtés. Rien de bien dangereux à court terme, mais la retraite par la route semblait coupée. Le groupe de cavaliers qu'ils poursuivaient n'était plus très loin, mais au-delà, à la limite de ses perceptions, quelque chose le troublait, une présence possible. Également, sur leur gauche, dans la forêt qu'ils longeaient plus ou moins, il avait aussi perçu des lourdes formes quadrupèdes, mais trop discrètes et rapides pour être des chevaux. Des chetmíg ?

Vif pensa qu'ils étaient en train de se jeter dans une embuscade, et qu'il n'était que trop temps de faire demi-tour ou du moins de trouver une issue à leur situation. Elle proposa d'essayer de retrouver les supposés grands félins qui n'étaient sûrement pas là par hasard. Ses compagnons acceptèrent, et ils quittèrent la route pour s'enfoncer dans les collines escarpées en direction de l'ouest, sur leur gauche. Plus question d'aller au galop par contre, vu le terrain accidenté : le pas était un maximum.

Après un moment, un affluent de la Mitheithel fut franchi à gué, et Drilun utilisa à nouveau sa magie pour reconnaître les positions de chacun. D'autant que Vif, avec ses oreilles à moitié félines et son sens du toucher exacerbé, commençait à sentir des vibrations nombreuses vers le nord. Quelque chose arrivait, comme un troupeau de rennes, qui faisait trembler le sol à distance. Mais lorsque le Dunéen se releva, il avait l'air grave : comme ils s'y attendaient tous, ce n'étaient pas des bêtes sauvages qui arrivaient de l'autre côté des collines. Rien moins qu'une armée d'un millier d'hommes environ.

Mais derrière eux et sur les côtés, toute retraite semblait coupée. Pendant qu'ils divaguaient dans les collines, les guerriers s'étaient partout rapprochés d'eux, rendant toute fuite à peu près impossible à présent. Et ce n'était pas tout : s'il n'y avait pas d'autres cavaliers qu'au nord, en revanche, au sud, d'autres formes animales faisaient penser à des grands loups - heureusement bien moins nombreux, une trentaine - menés par un très grand loup. Ou plutôt par un loup-garou, ils étaient prêts à le parier.

Les soi-disant - et espérés - chetmíg, quant à eux, avaient encore progressé vers le nord, et ils ne semblaient plus possible de les rattraper. Selon les perceptions magiques de l'archer magicien, ils étaient en train de contourner l'armée par l'ouest et le nord, par petits "bonds" successifs. Faute de mieux, les aventuriers décidèrent alors de poursuivre vers le nord. Ils ne tenaient pas à faire demi-tour pour retrouver la route, où ils étaient sans doute attendus. Ils préférèrent plutôt utiliser la rivière qu'ils venaient de franchir pour progresser à travers les collines.

Ils avancèrent ainsi, lentement. Un étrange brouillard était tombé peu auparavant qui leur masquait leur environnement, à l'exception des crebain : ces derniers continuaient à voler au-dessus d'eux, assez bas pour les percevoir, et ils continuaient à croasser bruyamment, révélant leur position à des centaines de mètres au moins. Tous percevaient maintenant sans mal les vibrations de nombreux pieds et sabots devant eux : sans même la voir, ils savaient qu'ils approchaient d'une armée trop nombreuse et puissante pour pouvoir espérer la battre par les armes ou la magie.

10 - Voie sans issue
Toujours en suivant le cours de la rivière, les aventuriers sentirent que le terrain changeait, les collines laissant plutôt la place à une plaine ou autre terrain plat. La présence d'une armée était facilement perceptible en face d'eux voire sur les côtés, et des hurlements de loup derrière eux confirmèrent que toute retraite était maintenant exclue. Pour parachever la chose, le brouillard se leva enfin, comme par magie, et les aventuriers purent contempler dans toute son étendue le piège dans lequel ils étaient venus se jeter.

A travers le bracelet des amoureux, Narmegil savait qu'Isis percevait son angoisse, et il sentait la sienne lui faire écho. Mais voilà, ils étaient là tous les cinq, dans le lit d'une rivière peu profonde, où ils avaient pied, entourés de toute part d'ennemis en nombre insurmontable. Rien que les trente wargs et le loup-garou derrière eux étaient un défi de taille. Même en comptant leur magie, même en comptant leur équipement, même en utilisant leurs dernières herbes - les quelques noix de l'écureuil restantes furent vite avalées - ils n'avaient aucune chance de s'en sortir seuls.

Leur objectif n'était pourtant pas très loin : les plus perceptifs pouvaient reconnaître des cavaliers en noir à l'autre bout de l'armée, auprès d'un cheval sur lequel une forme allongée et bâillonnée était attachée. Mais Vif était persuadée qu'en réalité, le grand-père de Narmegil n'avait fait que servir d'appât pour l'équipe, et en particulier pour elle. Angmar tenait à la voir morte, pour une raison qu'elle ne saisissait toujours pas, mais qui avait sans doute à voir avec sa "famille", à savoir le lynx blanc qui les avait suivis et qui l'avait protégée à Tharbad.

Lynx blanc sur lequel elle comptait maintenant plus que jamais. Avec l'aide de la longue-vue de l'elfe, elle avait bien repéré quelques Hommes des Collines au loin, mais en nombre trop insuffisant pour espérer changer quoi que ce soit au cours d'une pareille bataille contre Rhudaur et Angmar. En revanche, au-delà de l'armée, non loin des cavaliers d'Angmar et de Tarcandil prisonnier, il lui avait semblé percevoir la présence de formes félines, mais dont la silhouette semblait se confondre avec l'environnement, comme si elles étaient magiquement masquées. Et personne d'autre qu'elle ne paraissait les avoir repérées.

Mais rien ne se passait, et le cercle de guerriers dont ils étaient le centre se resserrait. En face et sur les côtés, les premiers combattants étaient distants de moins de cent mètres, et deux ou trois cents archers, en deuxième ligne, avaient une flèche encochée. Derrière eux, les wargs étaient distants d'une bonne centaine de mètres, avec le loup-garou présent encore un peu en arrière, sous forme demi-animale. Quelques centaines de guerriers du Rhudaur étaient présents un peu plus loin, à distance respectueuse des loups enchantés. C'est alors que le loup-garou se mit à rire.

11 - Ultimatum
La bête maléfique se moqua d'eux et exprima clairement sa satisfaction de voir les aventuriers cette fois-ci bien à sa merci. Il évoqua le plaisir qu'il aurait à se repaître de leurs chairs et à les voir morts avant peu. Mais sa prose avait en fait deux objectifs. Le premier était de démoraliser les aventuriers, ce qu'il réussissait assez bien. Le second était simplement de jouir de leur angoisse qu'il arrivait manifestement à percevoir et dont il se repaissait. Même sans utiliser sa magie, l'aura de cruauté et de terreur qui l'accompagnait avait de quoi faire reculer ses propres alliés...

Mais une autre voix se fit entendre, de l'autre côté : l'armée s'était un peu rapprochée encore, mettant les aventuriers à portée de flèche des archers rhudauriens. Un des cavaliers d'Angmar poursuivis jusque-là, probablement un sorcier, paraissait commander à l'armée. Après avoir réclamé le silence d'une voix menaçante, il ne proposait rien de moins qu'un ultimatum à Narmegil et ses compagnons : une reddition immédiate et sans condition leur permettrait de jouir de la vie un peu, voire beaucoup, plus longtemps. Sauf pour Vif : son destin était scellé, pour Angmar.

Mais quel avenir attendait ses quatre compagnons ? Dans leur tête, vivre un peu plus longtemps signifiait la torture et peut-être pire encore aux mains d'Angmar, perspective peu attrayante s'il en était. Mais le sorcier fit part d'autres possibilités, comme de servir Angmar à des postes d'importance. Sûrement l'assassin aux cheveux blancs pourrait trouver sa place au service du roi-sorcier ! Les opportunités n'étaient donc pas toutes les plus sombres à titre personnel. Encore fallait-il faire preuve de bonne volonté. Comme par exemple de tuer eux-mêmes Vif et d'apporter sa tête...

Tandis que wargs et guerriers s'approchaient petit à petit, les aventuriers essayèrent de gagner encore un peu de temps, dans l'espoir que quelque chose se passerait qui ne venait toujours pas. Entre eux, les aventuriers se félicitaient de s'être connus, et se congratulaient de tous les bons moments passés ensemble. Ils ne croyaient plus trop à une bonne étoile, mais semblaient déterminés à affronter leur destin quoi qu'il en résulterait. En faisant payer Angmar et ses sbires le plus chèrement possible.

En fin de compte, sa patience arrivant à son terme, le sorcier d'Angmar ordonna aux archers de se préparer à tirer, tandis que les wargs s'apprêtaient à s'élancer. Une dernière fois, il proposa aux aventuriers de déposer leurs armes voire de trancher la tête de Vif. Une fois... deux fois... trois fois. Les cinq amis étaient en cercle, à pied au milieu de la rivière peu profonde, derrière des chevaux qui tremblaient de peur en raison de la proximité des wargs sans doute. Et puis le sorcier donna le signal de l'attaque, et deux ou trois cents traits emplirent le ciel au-dessus des aventuriers.

12 - Le dernier combat
Les aventuriers s'étaient bien préparés à la pluie de flèches : ils plongèrent tous assez vite au fond de l'eau, utilisant leurs montures comme abri, et se protégeant les uns les autres comme ils pouvaient, avec des boucliers par exemple. Geralt apprécia particulièrement sa nouvelle armure, dans laquelle deux flèches se brisèrent sans arriver à la percer. Ils se relevèrent tous sans avoir reçu aucune blessure, mais prêts à recevoir le choc des premiers attaquants qui fondaient sur eux. Plus que quelques mètres avant les premières passes d'armes...

Mais là-bas, de l'autre côté de l'armée, à deux cents mètres peut-être, se passa un événement qui fit brusquement s'arrêter les combattants, à commencer par les wargs et loup-garou qui y faisaient face. De surprise, et sentant quelque chose se passer, tous les guerriers de l'armée tournèrent la tête dans la direction d'où provenaient de nombreux cris. Juste au-dessus des cavaliers d'Angmar et chefs de l'armée, venait d'apparaître une terrible apparition en forme de maléfique tête de chat. Les aventuriers tournèrent aussi la tête pour voir cela, sauf Drilun, mal placé et peu perceptif, et Sîralassë, qui se souvenait trop bien de ce qui s'était passé à Tharbad : il mit immédiatement un bras devant ses yeux.

A cinquante mètres de l'apparition, tous les observateurs perdirent conscience et tombèrent immédiatement au sol. Au-delà, certains s'enfuirent en hurlant ou bien ils étaient pris d'une conduite folle, les amenant à faire les choses les plus improbables allant de danser ou rire à s'attaquer aux autres ou à eux-mêmes. Mais le chaos fut encore plus exacerbé par l'attaque soudaine de grandes formes félines difficiles à percevoir. Des chetmíg à l'apparence comme floutée par une quelconque magie poursuivaient les survivants, et leurs griffes et leur férocité ne laissaient aucune issue à leurs adversaires paniqués.

En un instant, le cours de la bataille changea du tout au tout. Le loup-garou fut peut-être le plus rapide à réagir : s'il n'avait pas été affecté par l'apparition, car trop éloignée, il avait très bien perçu la puissance de la magie qu'elle recelait. Sous forme de grand loup, il prenait ses pattes à son cou, accompagné de ses fidèles wargs, en taillant au besoin à coup de crocs dans les rangs de ses alliés afin de se garantir une fuite plus rapide. Ailleurs, un mouvement de panique emporta le reste de l'armée, dont les chefs et commandants étaient morts ou manquaient tous à l'appel.

Les aventuriers qui avaient aperçu l'apparition étaient trop loin pour en être affectés, mais cela rappela à certains de sombres cauchemars. Plantés au milieu de la rivière, ils ne coururent aucun risque de se faire piétiner. Il leur suffisait d'éviter les corps ensanglantés qui dérivaient dans l'eau, comme ceux de leurs pauvres montures criblées de flèches. Au loin, les chetmíg ivres de carnage découpaient les chairs avec une rapidité et une force affolantes, tandis qu'une petite silhouette blanche et comme floue se tenait sur l'un d'eux.

Bientôt le champ de bataille fut vide de combattants : les hommes étaient tous morts, inconscients ou en fuite ; les chetmíg et le lynx blanc qui les commandait étaient partis en forêt, à la poursuite d'autres guerriers ou pour fuir eux-mêmes on ne savait quelle menace ; les aventuriers se précipitaient sur le lieu de l'apparition, à la recherche de Tarcandil ; et au loin, quelques Hommes des Collines médusés approchaient, accompagnés d'Elosian et de quelques chetmíg, ayant suivi de très loin ce qui s'était passé.

13 - Tout est bien qui finit mieux
Le corps de Tarcandil fut enfin retrouvé. S'il était bâillonné, il n'avait rien sur les yeux et il avait malheureusement été témoin de l'apparition maléfique. Son corps ne bougeait plus, son cœur ne battait plus, et Narmegil adressa une prière muette aux Valar... et à son ami Sîralassë. Qui utilisa tout son talent et sa magie pour faire revivre le corps inerte... qui respira soudain. Tarcandil était revenu à la vie ! Il était fou également, comme avant lui certains aventuriers à Tharbad, mais le soigneur n'aurait pas trop de mal à soigner cela avec un peu de temps.

Elosian et ses chetmíg, dont deux - déjà rencontrés - à l'apparence d'ombre fantomatique, les aidèrent à transporter le vieillard. Les Hommes des Collines, qui voyaient en Vif et ses amis les agents ou outils de leur divinité féline, firent main basse sur de nombreuses armes et hébergèrent les aventuriers dans des camps proches, le temps que Tarcandil se rétablisse à l'aide des soins de Sîralassë. D'alliés, les aventuriers passaient pratiquement au statut de héros, sans parler de Vif qui semblait l'incarnation même de leur dieu félin.

Plus tard, après deux semaines de repos ou de voyage sous bonne escorte, Narmegil et ses amis retrouvèrent une nouvelle fois le camp sacré de Broggha, Targ-Arm ("grand chef") des Hommes des Collines. Si ce dernier refusa toujours de les recevoir, il accepta néanmoins de les laisser repartir avec une cinquantaine de prisonniers du Cardolan, nombre porté à soixante grâce à l'insistance de Drilun. Non seulement le Dunéen savait se montrer très convaincant, mais il parlait de mieux en mieux le Blarm, la langue des Hommes des Collines.

Dans les Fourrés aux Trolls, ce furent les elfes qui se chargèrent de mener tout ce beau monde à bon port. Ils s'occuperaient des ex-prisonniers, de manière à ce que Narmegil et ses amis puissent retourner plus vite à Fondcombe, guidés par certains de ses habitants. Ainsi Isis retrouva-t-elle son époux en pleine forme, accompagné de son grand-père et de ses amis. La famille était enfin réunie, parmi les elfes leurs alliés. Enceinte de neuf mois et demi, la belle elfe ne devait pas accoucher avant un moment encore, mais le temps venait de décider du lieu où elle mettrait au monde son enfant : un dernier voyage était encore possible, mais il lui faudrait bientôt arrêter ses vagabondages et aventures aux côtés de ses époux et amis !

Geralt était satisfait également. Les Hommes des Collines avaient récupéré une bonne part de l'équipement de l'armée adverse sur les corps foudroyés par magie ou par les griffes des grands félins. Mais eux, ils avaient eu le temps de trouver mieux : le reste de la réserve d'or et de bijoux que les sorciers avaient utilisée pour acheter les voleurs de Tharbad. Il y en avait pour peut-être mille à deux mille pièces d'or. Entre cela et ce qu'ils avaient laissés chez Elrond du trésor du dragon, il avait peut-être de quoi remplir sa dette à l'égard de la guilde des voleurs de Tharbad. En insistant un peu...

Sîralassë rendit l'épée de Gondolin à maître Elrond. Elle avait bu du sang de nombreux wargs et avait bien servi. Drilun s'enquit des forgerons elfiques et du reste de la peau de dragon qu'ils n'avaient pas encore utilisée, en espérant pouvoir égaler leurs réalisations, un jour. Vif avait repris forme humaine pour entrer à Imladris, mais elle se demandait ce que sa "famille", Tina, devenait, et quels liens les unissaient. Tous faisaient divers projets d'avenir. Sans doute le début d'une nouvelle histoire...
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Niemal
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Tarma - 1ère partie : tempête à l'horizon

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1 - Projets
L'ambiance enchanteresse d'Imladris ne fit pas oublier à Isis son état. Après la joie de retrouver son époux et ses amis, elle mit les choses au point : elle avait un chez-elle qui était Bar Edhelas dans la Comté, et c'est là qu'elle voulait accoucher. Point barre. De la maison d'Elrond à Bree, il y avait environ 360 miles (~ 580 km), et encore plus de 100 miles de plus jusqu'à Tumulus et le manoir qui était son foyer. Et il ne restait qu'un peu plus de deux mois avant la date prévue de l'heureux événement. Autrement dit, pas de quoi traîner beaucoup en route !

Le groupe ne resterait donc pas longtemps à Fondcombe. Le premier jour fut passé à se reposer, revoir de vieux amis comme Rob (qui avait grossi) et Frolic (tout le temps dans la bibliothèque), ou la famille (pour Sîralassë). Les époux profitèrent l'un de l'autre et du calme enfin retrouvé, mais ils usèrent moins leur lit que Geralt le sien. Même si ce dernier s'enquit auprès des elfes de la situation à Tharbad, et pensa à récupérer l'or et les bijoux qu'il avait laissés à son précédent passage. Drilun chercha à nouveau la compagnie des forgerons elfiques, malheureusement (pour lui) plus intéressés par leurs recherches sur des anneaux elfiques que sur du vulgaire cuir de dragon...

Niemal était revenu avec les ex-prisonniers de Broggha, mais il avait l'air soucieux, comme pressé de repartir. Il avertit que les choses bougeaient en Arthedain, et qu'il faudrait sans doute bientôt reprendre la route. Il parla un moment avec Geralt, qui cherchait des réponses à ses questions existentielles : devait-il fuir toute sa vie, ou devenir pour de bon le chef d'une guilde d'assassins, dont les buts étaient contraires à ses idéaux présents ? La réponse de l'elfe l'aida à faire son choix : il lui fallait prendre enfin son destin en main, ne plus être un simple pion, mais le joueur qui les manipule. Il lui faudrait payer la dette à la guilde des voleurs, et retourner à Tharbad prendre les choses en main et influencer la guilde pour aller dans la bonne direction. Vaste programme.

Ce qui voulait dire qu'il devait quitter l'équipe. Il aurait bien aimé qu'ils aillent tous ensemble à Tharbad pour laisser ensuite repartir ses amis, mais la route du sud qui était la sienne ne collait pas trop avec celle de l'ouest qui était la leur. Et puis il y avait les gens arrachés aux Hommes des Collines à raccompagner et escorter. Et Tarcandil, grand-père de Narmegil, à escorter aussi, sans parler d'Isis à protéger sur la route. Et Geralt ne se voyait pas trop descendre seul à Tharbad avec quelques milliers de pièces d'or en monnaie et bijoux sur lui... Bref, il resterait sans doute avec le groupe le temps de trouver le bon moment pour tirer sa révérence - et des amis ou gardes pour l'accompagner.

Les soixante prisonniers remis par Broggha à l'équipe étaient arrivés à Fondcombe, et leur gestion posait aussi problème. Leur ancien chez-eux n'existant plus, où les envoyer ? Après enquête, un tiers d'entre eux souhaitaient retrouver de la famille en Arthedain, un tiers en Cardolan, et les derniers n'avaient plus aucun point de chute. Tarcandil se proposa pour servir de guide à ceux qui voulaient aller vivre en Arthedain, et Narmegil pensa à prendre la vingtaine de sans-foyer chez lui, sur les terres des hobbits. Mais il ne pouvait pas escorter les vingt derniers dans les terres parfois tumultueuses du Cardolan. Pas dans l'immédiat.

2 - Conseil
Le deuxième jour après leur arrivée, les aventuriers et Tarcandil furent convoqués à un petit conseil avec Elrond et Niemal. Une autre personne devait passer, mais elle n'était pas encore là. Le maître des lieux commença par accueillir chacun et s'enquérir de son bien-être, puis il entama le premier point de ce conseil : la gestion des anciens prisonniers. Si l'aide des elfes était acquise, il précisa que la gestion des humains reviendrait à Narmegil et ses amis. D'ailleurs, il leur faudrait vite partir, car certains risquaient d'avoir du mal à quitter ce lieu avec le temps. Et ils étaient une charge dont les gens d'Elrond n'avaient pas besoin. Rob, Frolic, Maggy et Braig étaient déjà bien assez. Peut-être un jour certains devraient-ils partir, d'ailleurs...

Quant au deuxième point, il préférait laisser un autre que lui en parler. Et d'ailleurs, des bruits de bottes se firent bientôt entendre, et Mithrandir fit son apparition dans la pièce. Il avait l'air d'avoir bien voyagé et d'être venu directement après être descendu de cheval. Et c'était sans doute le cas. Après s'être excusé pour son retard et avoir remercié Elrond, il expliqua que la traque du lynx blanc - Tina - n'avait rien donné. Protégée par une petite armée de chetmíg, sur leur terrain (accidenté) qui plus était, Tina n'avait pas eu grand mal à leur échapper. Manifestement, l'hôte de Tevildo avait choisi le Rhudaur comme forteresse, et Angmar ou les peuples libres auraient à faire avec. Ce qui ne voulait pas dire qu'elle y resterait éternellement.

Mais Gandalf devait maintenant revenir en Arthedain. Et Isis, Narmegil et leurs amis également, et sans tarder. En effet, de funestes nuages commençaient à s'amonceler au-dessus du royaume dúnadan, et les présages n'étaient pas les meilleurs. Des voyants avaient ainsi vu une guerre éclater au niveau de la Comté, guerre qui voyait les hobbits chassés du quartier Nord par les forces des Tarmas. Bar Edhelas retournait également sous contrôle de la famille Tarma. Le tout avec de nombreux combats, des morts, et beaucoup de souffrance.

Mais tout cela allait bien au-delà de l'inimitié des Tarmas pour les hobbits. Ce qui s'annonçait était ni plus ni moins qu'une guerre civile au sein du royaume d'Arthedain. Non pas que les Tarmas souhaitaient la guerre, mais ils semblaient sur le point de mettre en œuvre des actions radicales qui entraîneraient très certainement cette guerre. Et pourtant, il était clair qu'ils restaient persuadés d'agir pour le bien du royaume ! Ils subissaient une influence mystérieuse qui les poussait à commettre ces actes de folie, actes que Gandalf ne voulut pas détailler. Si l'origine de cette influence était manifeste (Angmar), le mode opératoire restait à déterminer.

Et c'était ce que Gandalf demandait aux aventuriers : ils étaient les premiers concernés, car ils seraient directement touchés par les conflits. Le temps pressait, et toutes les bonnes volontés étaient nécessaires. Lui-même, Niemal et les elfes de Siragalë étaient prévenus, de même que le roi. Chacun savait ce qu'il devait faire. Mais Narmegil et ses amis, proches voisins des Tarmas, devaient ouvrir l'œil et essayer de trouver comment Angmar arrivait à priver de bon sens ces remuants voisins. Tout en restant discret, car révéler au grand jour ces projets risquerait d'entraîner l'Arthedain dans la tourmente, voire de déclencher la guerre civile que tous cherchaient à éviter - et sans doute les Tarmas eux-mêmes.

Gandalf précisa bien aussi que les Tarmas, ainsi que leurs alliés les Ekettas, n'étaient pas des ennemis. Ces deux familles nobles, les plus puissantes de l'Arthedain, étaient des piliers du royaume. Si ces piliers venaient à tomber, Angmar n'aurait plus grand mal à détruire le dernier royaume des Dúnedain du nord. Mais si Tarmas et Ekettas mettaient en œuvre leurs plans nocifs, le résultat serait à peu près le même : un grand affaiblissement du royaume, affaiblissement dont le roi-sorcier d'Angmar saurait certainement tirer le plus grand parti.

3 - Préparatifs de voyage
Tous s'accordèrent à dire qu'il fallait vite partir, au grand plaisir d'Isis qui remercia Mithrandir. Mais quand, au juste ? La date du lendemain fut avancée. Mais Niemal, rappelant qu'il y avait une soixantaine de personnes à accompagner, demanda à Elrond s'il pouvait réunir assez de ses gens pour aider au voyage. Une vingtaine d'elfes étaient nécessaires, en plus de la protection qu'ils apportaient, pour faire bénéficier à tous de leurs dons magiques, et rendre le trajet plus rapide et moins fatigant. Après réflexion, le maître des lieux répondit qu'il pensait pouvoir réunir assez de monde pour le surlendemain. Encore fallait-il savoir où aller.

Rapidement, les rêves de Geralt de détour par Tharbad s'envolèrent. De même, Drilun avait caressé l'espoir de retourner à Nothva Rhaglaw afin de récupérer de l'os du dragon qu'une précédente équipe d'aventuriers avait tué. Mais le détour était trop grand. En revanche, le manoir du seigneur Pelendur, qui avait hébergé l'équipe au début de l'année, était plus ou moins sur le chemin, non loin de Bree. La troupe se dirigerait là-bas, et demanderait ensuite l'aide du baron de Tyrn Gorthad. Les elfes s'en repartiraient de leur côté, Gandalf - qui participait à ce trajet - irait à Fornost, et Niemal poursuivrait en Siragalë.

Il fallut annoncer la nouvelle aux hommes tirés des geôles des Hommes des Collines, qui campaient dans la vallée cachée de Fondcombe. Si certains apprirent le prochain retour avec plaisir, nombreux étaient ceux qui avaient des objections, en particulier ceux qui n'avaient plus de point de chute ni de famille pour leur proposer un avenir. Tandis que l'endroit où ils se trouvaient avait des airs de paradis, paradis dont ils auraient bien voulu profiter encore. Mais Narmegil et ses amis firent comprendre que les elfes avaient déjà beaucoup donné, et que les perspectives existaient bien : il était prêt à accueillir à Tumulus les gens sans racines, à leur fournir des vivres, un toit, une occupation. Devant cette offre généreuse, et un peu ébahis d'apprendre ce que Narmegil était prêt à payer (ou avait déjà payé) pour leur bonheur, les hommes se dirent que la vie au service d'un tel seigneur était effectivement une perspective alléchante. Ils acceptèrent donc.

Le peu de temps qu'il restait avant le départ fut bien employé. Drilun se précipita à la bibliothèque, se faisant aider de Frolic ou des elfes, afin de recopier des parchemins sur des sujets qui l'intéressaient. Narmegil et Isis passèrent l'essentiel du temps ensemble, mais le premier rendit aussi visite aux nobles chevaux elfiques qu'Elrond hébergeait. Sîralassë le rejoignit aussi, en espérant un jour pouvoir chevaucher une telle monture. Tous refirent leur garde-robe avec des vêtements légers ou résistants, voire discrets. Et leur matériel profita aussi de la qualité des artisans d'Elrond, qu'il s'agisse de fil de couture, d'encres diverses, de bourses à herbes (et d'herbes), et bien d'autres choses.

La troupe fut enfin prête, le soir du surlendemain. Car le voyage se ferait de nuit, par des sentiers elfiques discrets et parallèles à la Grande Route de l'Est. Drilun s'arracha avec peine de la bibliothèque d'Imladris, sans avoir beaucoup dormi, contrairement à Geralt. Une bonne vingtaine d'elfes accompagneraient les humains du Cardolan et l'équipe, sans compter Tarcandil, Niemal, et Gandalf. Isis monterait sur le cheval de ce dernier, mais comme ceux de sa race, elle chanterait également - avec l'aide de l'instrument magique trouvé dans la montagne magique - afin d'aider les marcheurs avec sa magie elfique.

4 - Les chemins se séparent
Le voyage se déroula sans incident, et au bout de deux semaines, alors qu'Isis entamait son 11e mois de grossesse, tous arrivèrent au manoir du baron de Tyrn Gorthad, Pelendur. Ou presque tous : Gandalf s'était éclipsé lorsque la troupe avait approché Bree, après avoir repris son cheval. Des affaires pressantes l'attendaient ! Elfes et humains arrivèrent aux portes du manoir, devant des gardes éberlués de voir débarquer tant de monde, au petit matin, sans avoir été prévenus de quoi que ce fût. Les elfes s'en repartirent aussitôt, quelques-uns, avec Niemal, vers la Comté, et les autres vers l'est et Imladris. Non sans que Niemal ait souligné une dernière fois que le temps pressait...

Pelendur, bien que surpris, fit bon accueil à tous ces invités surprises. Il fut émerveillé que Narmegil et ses amis aient pu ramener encore une soixantaine de personnes autrefois prisonniers des Hommes des Collines du Rhudaur. Mais les aventuriers furent surpris à leur tour, car avec l'aide de Pelendur, ils se rendirent vite compte en fait que Broggha leur avait confié beaucoup de prisonniers dont la rançon avait été payée ! En bref, le chef des Hommes des Collines n'avait pas été si généreux que cela en confiant soixante ex-prisonniers à Narmegil : il s'était servi de lui et ses amis pour se débarrasser de beaucoup de gens qu'il devait libérer de toute manière et qui l'encombraient !

Mais tout le monde était fatigué de la longue marche, et la matinée fut occupée à dormir pour la plupart. Les choses sérieuses ne reprirent vraiment qu'en début d'après-midi, lorsque tous furent à peu près dispos. Narmegil évoqua le devenir de ces soixante personnes, et il demanda l'aide de Pelendur. Ce dernier, vu ses moyens limités, était un peu gêné, mais lorsque Narmegil offrit de payer généreusement pour l'entretien des gens et l'emploi de ses gardes, il ne fit plus aucune difficulté.

Il fut donc convenu de la chose suivante : Tarcandil partirait avec des gardes de Pelendur vers Fornost Erain, et la vingtaine d'hommes promis à l'Arthedain. Ensuite, l'aïeul de Narmegil se chargerait de retrouver les familles sur qui ces exilés pouvaient compter. Les gardes reviendraient alors s'occuper des personnes dont la famille occupait le Cardolan. Les aventuriers, de leur côté, escorteraient une vingtaine de personnes sans attaches désireuses de venir refaire leur vie à Tumulus, auprès du si généreux seigneur Narmegil Eldanar et de ses compagnons.

Mais le grand Dúnadan - et surtout Geralt - avaient une autre requête à adresser au baron Pelendur. Il s'agissait d'aller à Tharbad remettre à la guilde des commerçants une somme équivalant à quelques milliers de pièces d'or en or et bijoux. Après s'être assuré auprès de contacts comme Dirhavel l'alchimiste ou Silmarien que la structure mise en place par Geralt pour le remplacer comme chef des assassins fonctionnait encore, et que l'or réglerait bien la dette qu'il s'était engagé à payer pour s'assurer de la tranquillité de Vif et du reste du groupe.

Pelendur fut plus difficile à convaincre, car il n'avait pas assez de gardes pour une telle mission. D'autant qu'il participait à une campagne militaire contre le Seigneur de Guerre Ardagor, le chef d'une bande de trolls arrivée dans le Cardolan pendant la Peste. Mais Narmegil donna encore de l'or afin que le baron puisse embaucher de nouveaux mercenaires et qu'il puisse accomplir à bien le service demandé. Cela prendrait sans doute du temps, un mois peut-être, mais l'or devrait arriver aux voleurs de Tharbad avant la limite des trois mois depuis le départ de la guilde, comme convenu. Et au cas où, ces richesses furent entreposées dans un coffre marqué magiquement par Drilun.

5 - Retour à Tumulus
Le jour du départ fut fixé au lendemain matin. Mais entretemps, Pelendur mit un peu au courant les aventuriers de l'ambiance qui régnait dans la Comté, ce qui s'ajouta aux précédents dires de Niemal en cours de route depuis Fondcombe. La longue absence de Narmegil et l'arrivée d'humains à Tumulus - une partie des précédents prisonniers de Broggha - n'avaient pas été du goût des hobbits. Des troubles - légers - avaient repris sur les terres gérées par la famille Eldanar. Drilun ne serait sans doute pas le bienvenu, comme tous les Dunéens, mais certains l'avaient défendu, la manœuvre de crier son nom paraissant un peu grosse. Il garderait probablement le bénéfice du doute...

Narmegil décida de retourner à cheval à Bar Edhelas. En effet, lors de leur précédent passage, ses amis et lui avaient laissé leurs chevaux à la garde du baron. Au grand galop, il ne mettrait qu'une journée là où le groupe, à pied, prendrait sans doute près d'une semaine. Il espérait ainsi reprendre en main la gestion des terres qui lui avaient été confiées, et calmer un peu les esprits. Sans parler de préparer l'arrivée des autres, en particulier Drilun et les exilés. En parlant de gestion, son grand-père lui fit remarquer que les affaires familiales, à Fornost, étaient restées sans personne pour les gérer. Ce qui avait pu entraîner des dettes. Aussi demanda-t-il un peu d'or à son petit-fils pour régler ces probables difficultés.

Et ainsi, tous furent partis le lendemain matin. Narmegil montait un bon cheval, même s'il ne valait pas l'étalon noir qu'il avait pris à Aradan Marwen, mais qu'il avait laissé à son cousin Helvorn. Il couvrit sans difficulté les 120 miles (~ 193 km) qui le séparaient de Bar Edhelas, s'accordant le minimum de repos pour sa monture et lui. Au pont sur la rivière Brandevin, on le reconnut et il passa sans problème et sans payer aucune taxe. En arrivant sur les terres autour de Tumulus, deux gardes lui bloquèrent la route en voyant ce cavalier très pressé. Puis ils le reconnurent et s'excusèrent, mais il les félicita de faire leur travail avec zèle. Et il arriva enfin au manoir, fourbu mais satisfait.

La maisonnée l'accueillit avec plaisir, et son cousin Helvorn le premier. Il lui présenta d'abord l'état de la région, dont Narmegil avait déjà eu des échos. Il confirma ce qu'avait dit Pelendur entre autres, et ajouta que l'arrivée des ex-prisonniers de Broggha avait pu être mal interprétée par certains hobbits : ils avaient pu penser à une manière d'occuper le terrain pour freiner l'extension des leurs. De plus, ces humains récemment arrivés avaient du mal à considérer les hobbits comme propriétaires. Néanmoins, Helvorn gardait un très bon contact avec les hobbits, et l'intendante du manoir, par ses propres contacts, arrivait à faire prendre un peu de recul à la population hobbite.

Helvorn évoqua aussi son enquête sur le vol des chevaux. Après avoir remonté la piste jusqu'aux terres des Tarmas (les "Tarmaladen"), il avait apprit sans mal que les bandits avaient tous été tués, et les chevaux récupérés. Surveillé de près - ce qu'il avait perçu assez tôt - il n'avait pu aller plus loin dans ses recherches, et on lui avait fait comprendre qu'il n'était pas le bienvenu. Sans accès à aucun officiel Tarma, il avait dû plus ou moins vite rentrer à Bar Edhelas. Au final, il était très partagé sur une éventuelle implication des Tarmas, tant il y avait d'éléments pour et contre. Il n'arrivait pas à comprendre le sens de tout cela.

Mais dans l'immédiat, Narmegil avait d'autres priorités. Il passa les jours suivants à aller voir tous et toutes et à rappeler les règles de vie commune. Oui, les hobbits étaient bien propriétaires, non, les humains récemment installés - et ceux qui allaient venir - n'étaient pas là pour empêcher les hobbits de prendre leur place. Il expliqua ce que ses amis et lui avaient été occupés à faire pendant tous ces mois, mais qu'il était bien chez lui ici. Il prépara l'arrivée des exilés du Cardolan en faisant préparer des fermes encore désertées suite à la Peste, pour qu'ils puissent vite s'y installer. Et cinq jours après, son épouse et ses amis arrivèrent, accompagnant les vingt exilés du Cardolan.

6 - Apaisement et interrogations
Le soir même, Sîralassë fit sa tournée des fermes avoisinantes afin de soigner les maux qu'il pouvait. Y compris ceux qu'il sentait germer dans les têtes, celles des hobbits du moins. Percevant leurs sentiments tant de colère que de doute, il sut trouver les mots pour les rassurer et les apaiser. Le travail entrepris par Narmegil fut poursuivi : après la diplomatie, le réconfort et l'espoir en un avenir plus positif.

Ce travail fut encore approfondi par Drilun, qui se rendit seul, le soir, à la grange des hobbits et le centre de leur vie sociale, Oatbarton. Reçu fraîchement, il arriva à s'expliquer et à convaincre que sa participation au vol des chevaux et aux meurtres n'était qu'un coup monté, et que ses amis et lui feraient tout pour le prouver et châtier les coupables, maintenant qu'ils étaient revenus. S'il n'arriva pas totalement à rétablir la confiance qu'il avait connue avant ces événements troublés, il reçut assez d'assurance qu'on le jugerait sur des faits, même si une certaine méfiance demeurait entretemps. Mais les hobbits furent d'accord pour dire qu'il était le moins dunéen des Dunéens qu'ils connaissaient. Ce qui, venant d'eux, était un compliment. Même si cela faisait quand même un peu de peine à Drilun, qui aurait bien aimé être plus fier de la réputation des siens.

De son côté, Vif allait voir Gellain Oakwye et le chat de Frolic, à l'auberge de Tumulus. Tous deux l'accueillirent avec plaisir, et l'aubergiste lui rapporta les observations qu'il avait faites sur les deux probables informateurs des Tarmas qu'elle avait repérés. Ils venaient à peu près tous les soirs à son auberge, souvent les deux ensemble, mais parfois juste l'un des deux. L'un s'appelait Mintil, il fabriquait et vendait toutes sortes d'affaires en cuir à Tumulus, depuis des chaussures et vêtements jusqu'à des armures. Il semblait avoir de l'ascendance sur l'autre, qui était le quincailler du village. Ils étaient souvent en rapport avec Gridel, un marchand qui parcourait le sud de l'Arthedain, et passait donc souvent de la Comté aux Tarmaladen et inversement. Un messager des Tarmas ?

La question des Tarmas revint encore et encore, et les aventuriers étaient partagés sur la conduite à tenir. L'ampleur de la tâche les privait de moyens : comment enquêter sur les Tarmas, leurs ennemis... qui ne l'étaient pas vraiment ? Mais qui pouvaient néanmoins servir à précipiter l'Arthedain dans le chaos ? Fallait-il aller les voir ou enquêter plus ou moins ouvertement, au risque de faire précipiter certaines choses ? Était-il possible d'aller leur rendre visite de manière courtoise, comme de bons voisins, sans risquer une quelconque embuscade ? Étaient-ils eux aussi influencés par un nouveau Fercha, qui les pousserait à des actions extrêmes et regrettables ?

Narmegil alla à la ville de Champs Verts dans la journée, en quelques heures à cheval. Mais il y fut mal accueilli par les humains qui regrettaient le temps des Tarmas. Faute de suffisamment d'hommes du roi, les communautés humaines et hobbites s'évitaient et se géraient sans se mêler, mais les sources de friction étaient fréquentes, et les dégâts réels. Narmegil ayant participé à la débâcle et l'éviction du chevalier Tarma qui les dirigeait, Brandir Haranholir, il n'était pas le bienvenu. Il dut rentrer bredouille dans l'après-midi, et passa la soirée à fouiller dans la bibliothèque. Il trouva ainsi l'arbre généalogique des Tarmas, où il était indiqué que Mintil, artisan de Tumulus, avait des liens de parenté avec les Tarmas. Cela correspondait à ce qu'en avait dit l'intendante hobbite : l'homme semblait plus érudit qu'un simple artisan, il avait une comptabilité soignée de son activité. Sans parler de sa grande taille, même s'il portait la barbe.

Helvorn avait été convié à donner son avis, mais il ne savait que dire. Si les Tarmas étaient bien ceux qu'il avait côtoyés par le passé en tant que rôdeur dans l'armée royale, c'étaient des gens de confiance qu'on pouvait aller voir sans crainte, et la mort des voleurs de chevaux dunéens (et tueurs de hobbits) était sévère mais justifiée. Mais pourquoi ces voleurs allaient-ils sur les terres des Tarmas, où ils devaient savoir qu'ils n'étaient pas les bienvenus ? Et si les Tarmas s'étaient laissé influencer par quelque chose de sombre qui leur faisait perdre leur bon sens et la perception des intérêts de l'Arthedain, que ne pourraient-ils faire pour suivre leurs chimères ? Il fallait en savoir plus, mais le cousin de Narmegil ne savait pas par où s'y prendre.

7 - Espionnage
Certains évoquèrent la possibilité de chercher des renseignements auprès des informateurs des Tarmas, comme le fabriquant et vendeur d'objets en cuir, Mintil. Peut-être était-il possible d'aller les voir et de leur soutirer des renseignements ? Mais d'autres s'y opposèrent, estimant que cela risquait de mettre la puce à l'oreille des Tarmas, ou même de déclencher une réaction de ces derniers. Quelqu'un proposa de passer une commande au marchand de cuir, et de l'inviter à manger, de l'occuper. Ce qui laisserait la place libre... sauf pour l'épouse et les deux enfants qui l'aidaient à son travail. Finalement, l'idée fut abandonnée.

Pourtant, c'était une piste à creuser, une piste que Drilun essaya d'aborder avec finesse et subtilité. Il voulut approcher un peu le bonhomme. Pour cela, il alla dans sa boutique : il fut reçu par son épouse, qui faisait des travaux de couture, et expliqua qu'il aurait voulu des conseils voire un apprentissage. La dame lui répondit que son mari avait des engagements à respecter, mais devant l'insistance du Dunéen, elle alla parler à son mari, qui accepta de rencontrer Drilun après avoir fini un travail. L'archer-magicien du groupe s'éclipsa et revint ensuite à l'heure dite, pour trouver l'artisan prêt à le recevoir.

Drilun parla alors de son désir d'apprendre à travailler le cuir. Désir qui était réel en fait, le Dunéen avait besoin de savoir travailler divers matériaux pour aider à leur insuffler de la magie dedans. Il expliqua qu'il ne cherchait pas un véritable apprentissage, sur une longue durée, mais qu'il était pressé, et tout à fait prêt à payer pour le dérangement. L'homme, d'abord étonné et méfiant, commença alors à discuter les prix pour voir si l'affaire pouvait l'intéresser. Malheureusement, la confusion emplit la bouche du Dunéen, d'habitude adroit et habitué aux belles paroles. Accumulant gaffe sur maladresse, il rendit l'artisan persuadé qu'il se moquait de lui. Furieux, l'homme le chassa de sa boutique sans ménagement, et Drilun choisit de prendre la porte plutôt que quelque chose de plus dur et douloureux...

Mais tandis que le soir arrivait et que les uns après les autres baissaient les bras, à cours d'idées, Vif alla se poster à l'auberge. Elle savait que Mintil et son ami quincailler venaient d'ordinaire se rincer le gosier et écouter ce qui se disait, et c'est exactement ce qu'elle comptait faire. Avec une ouïe des plus fines, à en remontrer même aux elfes, elle espérait bien apprendre quelque chose d'un peu consistant. Les deux hommes arrivèrent comme la nuit tombait, et ils s'attablèrent non loin d'elle. Très doucement, mais pas assez pour empêcher la Femme des Bois de tout entendre, Mintil commença à décrire sa journée et l'incident que Drilun avait provoqué.

Les deux hommes évoquèrent les Tarmas et la méfiance voire le déplaisir que Narmegil et ses amis leur inspiraient. Manifestement, ils regrettaient Aradan Marwen et l'autorité des Tarmas sur le quartier Nord de la Comté. Mais à un moment, le compagnon de Mintil demanda à ce dernier s'il avait eu du nouveau concernant le message d'"œil de renard" apporté par le marchand Gridel, deux semaines auparavant. Ce à quoi Mintil répondit qu'il ne savait toujours pas quoi en faire, et qu'il le conservait en attendant des directives précises, comme annoncé. Le reste de la conversation n'apporta rien de plus, et les deux hommes finirent par partir alors que l'heure avançait.

8 - Cambriolage
Aussitôt, Vif revint au manoir avertir ses amis. Il semblait donc qu'il y avait un parchemin important chez Mintil. Peut-être cela valait-il la peine de prendre quelques risques et de faire une expédition ? Geralt était discret et perceptif, il pourrait bien faire quelque chose... Ce dernier n'était pas très chaud, mais les arguments qu'il pouvait opposer tombèrent les uns après les autres.

Il était nul en crochetage ? Mais avec la chaleur - le solstice d'été approchait - Mintil laissait les fenêtres et volets entrebâillés pour l'aération. Il n'y verrait rien pour fouiller ? Du trèfle de lune était déjà préparé, qui permettait de voir dans le noir aussi bien qu'un elfe. Il risquait de se faire surprendre ? Drilun lui dit que le bureau à fouiller n'était pas dans la chambre du maître de maison, et il était discret. Si on le voyait, la réaction des Tarmas risquait d'être terrible ? Isis lui ferait un sort pour le déguiser, et personne ne pourrait le reconnaître. Et puis il fallait bien se mouiller de temps en temps ! Et même se priver d'un peu de sommeil...

Le maître-assassin de Tharbad attendit donc que la nuit soit avancée pour aller voir de plus près la boutique de Mintil. Pour ne pas se faire voir en traversant la place, il sortit par une fenêtre à l'arrière du manoir. Très discret, d'autant qu'il portait le manteau de Drilun qui facilitait grandement tout camouflage, il approcha de la boutique sans être vu. Il repéra sans mal le bureau, et aux bruits de ronflement, les chambres étaient à l'étage, donc à une petite distance. Grâce à une fenêtre entrebâillée et à ses compétences, il arriva sans mal à pénétrer à l'intérieur de la pièce sans se faire voir ou entendre. A l'intérieur, deux portes, fermées mais non verrouillées, donnaient sur l'atelier ou sur les lieux de vie de la famille.

Le bureau était bien rangé, et l'homme eut peur d'être obligé de lire les livres ou parchemins, ce pour quoi il ne se sentait guère de compétence. Mais en regardant bien, il lui sembla percevoir comme un tiroir secret derrière un stock de plumes, d'encre et de parchemins vierges. Avec précaution, il débarrassa l'ensemble et tira sans mal un petit compartiment dans lequel un simple parchemin reposait. Après l'avoir ouvert et tenté de le lire, il n'eut plus aucun doute : c'était bien le parchemin en question. Et il fallait l'apporter aux autres qui arriveraient peut-être à déchiffrer ce qui était inscrit.

Il ressortit donc avec le parchemin et rejoignit toute l'équipe au manoir, toujours par la même voie, discrètement et sans se faire voir. Il fut accueilli avec grand plaisir, et tous furent bientôt réveillés malgré l'heure tardive, ou plutôt précoce. Drilun fit sur-le-champ un double du parchemin, et il demanda à son ami de remettre l'original à sa place, et faire en sorte que rien ne puisse trahir sa visite. Ce dont Geralt s'acquitta sans difficulté. Un peu plus tard, il lui fallut refaire la même chose afin de revenir en possession de l'original, jugé trop précieux comme pièce à conviction. Mais les aventuriers n'en étaient pas encore là.

9 - Déchiffrage
En effet, le message en question était un peu cryptique, pour ne pas dire plus. Et même sans aucun doute crypté. En introduction, une brève phrase annonçait effectivement "Fercha est la clé". Mais quant au reste... Il se composait de 145 lettres organisées en 9 lignes. Ce qui donnait :
TFQLFHTHJHTTFVNMT
SHMOQHMCQHFKFAFL
GKKHQNYFKHFVHRLF
BGHCQNBUHSNUONGS
NMSHTOGQHHMRNQHO
HUTHTQHLFGSGKSSN
MTLFMGOUKHSOFQPU
GHTRNLLHMTFVNUSC
HKHTQNUVHQHTVGTH

Les aventuriers se grattèrent la tête un moment. Sîralassë remarqua que le 'H' revenait souvent, cela devait correspondre à une lettre fréquente. Drilun trouva le premier que les 5 premières lettres composaient en fait le mot "Tarma". Et petit à petit, la transposition du reste de l'alphabet put être établie. En fait, le message donnait la solution dès le début : il fallait changer l'alphabet classique en prenant le même alphabet, mais où "FERCHA" composait les premières lettres. Ainsi :
ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ devenait :
FERCHABDGIJKLMNOPQSTUVWXYZ.

Le message devenait alors très clair : "Tarma et Eketta vont s'en prendre à la famille royale avec magie drogues ou poisons et pire encore peut-être mais ils sont manipulés par qui et comment à vous de le trouver et vite". En revanche, ce qui était moins clair, c'était de savoir par qui il avait été écrit, et à qui il était adressé. Brusquement, les aventuriers n'avaient plus sommeil. Le message leur était-il adressé ? Ou plutôt, devait-il être remis à "œil de renard" ? Qui était-il, et que savait-il ? Il fallait absolument lui mettre la main dessus !

En fin de compte, le parchemin original fut récupéré - et remplacé par un faux au message différent - et tous partirent se coucher en espérant que la nuit leur porterait conseil. Les jours à venir seraient rudes. Il faudrait prévenir le roi, retrouver cet "œil de renard", et espionner les Tarmas d'une manière ou d'une autre. Car on ne savait toujours pas comment ils étaient influencés. Et en plus, le délai restant avant le déclenchement de la guerre civile restait proche mais inconnu. Était-ce lors de la fête des moissons du jour médian de l'année, loëndë, comme Sîralassë commençait à croire ? Impossible à dire. Mais si c'était le cas, il restait moins de vingt jours pour trouver et assembler les dernières pièces du puzzle. Et peut-être même moins que ça.
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Niemal
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Tarma - 2ème partie : espionnage et diplomatie

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1 - Préparatifs pour un dîner
Vu l'heure tardive à laquelle l'équipe s'était couchée, la plupart de ses membres ne redevinrent actifs qu'en fin de matinée. Mais au repas qui réunit tout le monde, Helvorn compris, la discussion se poursuivit. Que fallait-il faire dorénavant ? Après divers débats, le consensus se fit sur un point : il semblait qu'il y avait un allié des aventuriers chez les Tarmas. Et quelqu'un de bien informé, et qui faisait partie du réseau d'espions des Tarmas. Il fallait essayer d'en apprendre plus sur cette personne, et donc sur le réseau d'espions des Tarmas en général. Ce qui passait par la seule personne connue de ce réseau, l'artisan Mintil.

La première approche de Drilun n'ayant rien donné, et le Dunéen étant désormais grillé auprès de l'artisan, il fut question de l'inviter à manger au manoir. Le prétexte serait de faire faire des vêtements de cuir fin pour Isis, entre autres choses. Certains étaient sceptiques, voyant difficilement comment le sujet du fameux "œil de renard" pourrait être abordé. Mais Isis était confiante et comptait sur sa magie d'elfe pour rendre la personne plus volubile. Et donc un serviteur alla transmettre à l'artisan de Tumulus la proposition de venir dîner au manoir le soir même, pour affaires. Proposition qui fut acceptée.

Chacun vaqua ensuite à ses occupations, comme la gestion des terres de Tumulus ou une longue sieste pour prendre des forces. En fin de journée, Sîralassë, qui ne souhaitait pas participer au repas, partit faire sa tournée des chaumières pour soigner les petits voire gros bobos du peuple. Des serviteurs hobbits vinrent voir le seigneur Eldanar pour lui demander le genre de repas qu'il voulait qu'ils préparent. Helvorn parla alors d'un petit tonnelet de vin d'exception, cadeau qu'un marchand avait fait peu avant le retour de l'équipe. Ce vin semblait d'une qualité à réserver aux événements exceptionnels. Peut-être était-ce une bonne occasion ?

Narmegil se dit qu'il s'agissait d'une suggestion judicieuse, mais certains de ses amis se montrèrent méfiants. Ils voulurent en savoir plus, ce à quoi Helvorn répondit. Il expliqua que l'homme, un certain Gilluin, était d'après ce qu'on lui avait rapporté un marchand spécialisé dans les meilleurs vins du Cardolan, qu'il ne vendait qu'aux plus grandes familles du Cardolan ou de l'Arthedain, comme les Tarmas. Il avait fait ce cadeau pour remercier pour des proches ou amis qui avaient été faits prisonniers par Broggha, et que Narmegil et ses amis avaient secourus et ramenés.

Personne n'était motivé pour goûter le vin, craignant quelque traîtrise. Il fut décidé de le servir à la table, néanmoins, et les autres détails furent réglés. La présence de Drilun étant jugée inopportune, il serait magiquement maquillé en servante pour servir les mets et boissons. En dehors de Sîralassë, absent, tous les autres seraient là, de même qu'Helvorn. La réalisation des plats étant laissée aux soins des cuisiniers hobbits, personne ne doutait de leur qualité. Et ainsi le soir arriva, et tous furent prêts lorsque l'homme entra au manoir.

2 - Un dîner très spécial
Mintil arriva donc et se fit conduire jusqu'au salon privé de l'étage, où la table avait été mise. En plus de Drilun qui jouait la servante, la pièce était donc occupée par six personnes : Narmegil, Isis, Helvorn, Geralt, Vif et Mintil. Les cinq aventuriers et l'invité s'assirent, et le seigneur du lieu fit un petit discours. Il improvisa sur l'heureux événement prochain, et sa volonté de faire un cadeau de vêtements d'exception à son épouse.

L'artisan se déclara assez surpris, c'était la première fois qu'il se faisait inviter à un repas pour le travail. Il se serait plutôt attendu à un déplacement pour prendre des mesures et commencer à travailler. Et puis la discussion porta sur quelques banalités, mais aussi sur les sentiments de l'homme vis-à-vis des Tarmas ou des hobbits. Manifestement, Mintil regrettait feu Aradan Marwen et la présence Tarma, et il défendait les seigneurs Tarmas qui pour lui représentaient ce qui se faisait de mieux en termes de noblesse d'Arthedain. Il fut même choqué de percevoir certains sentiments négatifs de ses hôtes à leur égard.

Le moment de servir et goûter le vin fut de ceux qui posent problème. Si Isis et Vif refusèrent d'en prendre, les autres ne pouvaient pas en faire autant. Et ils durent bien en avaler un peu, ne fut-ce qu'une petite gorgée. Pour Mintil, Narmegil et Helvorn, le vin était fameux, même si les deux derniers lui trouvaient un petit arrière-goût de myrtille. Geralt sentit la chose, mais plus encore : il percevait une autre substance dans le vin, quelque chose susceptible de les affecter de manière très fine. Il évoqua cela dans une phrase vantant la qualité du vin mais aussi ce petit quelque chose qu'il n'arrivait pas à identifier...

Isis avait utilisé sa magie pour être plus charismatique, et elle commença à parler de manière de moins en moins voilée des Tarmas et de leurs espions. Mais l'homme restait impassible, même s'il commençait à apprécier de moins en moins le repas et à prendre de la distance. Il n'était plus du tout question de cuirs fins et de vêtements, et ni le bon repas, ni le vin, ni les formes et la magie d'Isis ne semblaient avoir beaucoup de prise sur Mintil. Les aventuriers ne savaient plus trop comment faire avancer la conversation.

Finalement, excédée, Isis mit les pieds dans le plat et interpela directement l'homme : elle lui dit qu'il savait de quoi elle parlait, qu'il avait chez lui un message des Tarmas. Mieux même, elle demanda à la servante d'aller chercher le message en question. Mais Drilun, que la démarche brutale de son amie gênait, choisit de s'éclipser sans rapporter le message codé. En fin de compte, Vif se leva et ramena le parchemin à sa place.

L'homme vit le parchemin mais ne réagit pas, sauf pour demander ce que cela voulait dire. Ses hôtes lui expliquèrent la méthode de chiffrement, Geralt parla de l'endroit où il avait trouvé le parchemin en question, et le dîner se transforma en tribunal : Mintil était maintenant sur le gril, comme un espion découvert. Il se contenta de se lever, comme furieux, et demanda à prendre congé avec quelques mots acides. Mais il vit rapidement les issues bloquées par ses hôtes : il était prisonnier.

3 - Parler franc
Le côté subtil n'avait pas été très efficace, le côté intimidant ne marchait guère mieux, mais Narmegil tenta de reprendre les choses en main. Il parla du message et de sa signification, que l'homme prétendait n'avoir jamais lu. Si Mintil admettait avoir un rapport avec les Tarmas, il prétendait avoir reçu le message mais sans l'avoir lu. Il devait juste suivre les consignes qu'il attendait pour savoir quoi en faire et à qui le remettre. Il lu donc le contenu décrypté qu'on lui donna, sans faire plus de commentaire.

Après quoi, le seigneur du manoir lui expliqua qu'ils cherchaient tous la même chose : le bien d'Arthedain, y compris celui des Tarmas. Il expliqua que de la même manière qu'Aradan Marwen avait été influencé et abusé, les Tarmas étaient aussi les victimes d'une sombre influence, et que ce message en était une preuve supplémentaire. Il leur fallait donc prendre contact avec la personne qui avait écrit le message, qui semblait en savoir long et pouvait les aider à progresser dans leur enquête.

Narmegil parlait avec toute la franchise et l'honnêteté dont il était capable, et sa sincérité et ses paroles arrivèrent à toucher Mintil. Ce dernier, même s'il réprouvait les moyens utilisés pour le "piéger" et même s'il n'était pas d'accord avec les aventuriers, accepta de leur prêter main-forte autant qu'il le pouvait. Pour l'instant, il était prêt à croire que quelque chose de louche se passait du côté des Tarmas, comme auparavant avec Aradan Marwen.

Mais il ne savait pas grand-chose. Il ne connaissait pas "œil de renard", et en dehors du quincailler de Tumulus qui était informateur comme lui, il n'avait de contact qu'avec une personne : un marchand nommé Gridel, qui voyageait dans le sud de l'Arthedain, surtout dans la Comté et sur les Tarmaladen, et jusqu'à Fornost Erain. Cela faisait un moment qu'il avait reçu le message et qu'il le conservait, et Gridel était reparti depuis au moins deux semaines. Il voulait bien prévenir l'équipe si ce dernier revenait, mais il ne voyait pas ce qu'il pouvait faire d'autre.

L'atmosphère s'était un peu détendue, et l'artisan demanda à prendre congé. Il posa la question de la commande de vêtements de cuir fin, mais cette dernière n'était pas juste un leurre et elle lui fut confirmée. Et il obtint une pièce d'or - le salaire de presque une année - pour commencer à y travailler. Il fut convenu que les mesures seraient prises le lendemain matin par son épouse, à l'atelier, Isis ayant fait part de son souhait de s'y rendre. Et l'homme fut parti.

4 - Un messager du roi
Après une nuit sans incident, la matinée passa vite, à gérer diverses affaires courantes comme d'aller à la boutique de Mintil pour Isis, et à préparer diverses actions. Mais en fin de matinée, l'ordre établi fut perturbé par l'arrivée imprévue de quelques cavaliers de Fornost Erain. Il s'agissait du "second interprète" du roi et de quelques gardes. L'homme, qui se nommait Esgaltur Lussiril, était en route pour le château de Sarn au sud de la Comté, et il demandait à pouvoir faire halte à Bar Edhelas avant de repartir. Ce qui fut bien évidemment accepté.

Tandis que les gardes s'occupaient de leurs chevaux et faisaient une pause avant le repas, le "second interprète", une espèce de traducteur, discuta de choses et d'autres avec Narmegil et ses amis en attendant de passer à table. Rapidement, il devint évident que l'homme en savait beaucoup : il avait parlé à Mithrandir et Niemal, ainsi qu'au roi, et connaissait la situation des aventuriers et la tâche qui leur était confiée. Narmegil livra les dernières trouvailles, et en particulier le message codé, qu'Esgaltur déchiffra rapidement comme s'il avait l'habitude de ce genre de travail...

Il semblait satisfait de la tournure que prenaient les choses, et partagea diverses informations qui pouvaient servir au groupe. Certaines étaient déjà connues, d'autres non. Par exemple :
- pour la fête du jour médian (loëndë), les Tarmas feront une importante parade de cavaliers
- une parade similaire devrait être conduite par les Ekettas
- le même jour, le roi doit voyager dans le royaume pour bénir au nom d'Eru
- Methilir Eketta passe beaucoup de temps avec les voyants, à Fornost Erain
- plusieurs voyants et capitaines de l'armée royale sont membres des familles Tarma et Eketta
- le chef de la garde royale, Halmir Eketta, est l'oncle de Methilir Eketta
- des espions en Angmar ont entendu parler d'un envoi récent de "jus de myrtille" dans le sud

De cela les aventuriers discutèrent, et tombèrent d'accord sur la signification de l'ensemble : le jour de loëndë, soit dans moins de trois semaines, les Tarmas et Ekettas utiliseraient leurs cavaleries combinées pour forcer le roi à abdiquer, voire pire. Une bonne partie de la famille royale serait en effet présente et vulnérable. Mais Esgaltur les prévint : la mort du roi et son remplacement par un tiers ne pourrait permettre de prendre les rênes du pays. En effet, le roi était le représentant d'Eru, et personne ne pouvait le remplacer hormis une autre personne de la lignée royale. Et après le roi il y avait les princes Arvegil et Minastir, ce dernier devant rester dans le sud. Et les deux jeunes enfants de la princesse Niréna, nés en 1634 et 1636. Et ensuite seulement, venait Marl Tarma, capitaine des rôdeurs...

Mais cette histoire de jus de myrtille fit repenser à l'arrière-goût du vin utilisé la veille. Vif, la plus perceptive, s'était forcée à goûter, mais elle n'avait rien perçu de mieux que Geralt. En revanche, cette fois Sîralassë essaya à son tour, et il arriva à mettre un nom sur ce goût. Lui qui connaissait bien les plantes se souvint d'une baie très proche de la myrtille qu'on appelait "Tue-l'Esprit". Elle avait pour effet de diminuer la volonté et la capacité de raisonnement... L'envoi de "jus de myrtille" était donc peut-être destiné au roi et à la famille royale, pour les faire abdiquer ?

Esgaltur paraissait de plus en plus intéressé et pressé de repartir annoncer tout cela à Minastir voire à d'autres personnes. Avant de s'en aller, il donna quand même son opinion sur divers sujets. Déjà, il avait entièrement confiance en Halmir Eketta, chef de la garde royale (et plus fine lame du royaume), bien qu'il soit un Eketta. Ensuite, il lui semblait le plus urgent d'aller voir et espionner les Tarmas pour en apprendre le plus possible. Car si la méthode des Tarmas paraissait claire, le but restait toujours d'éviter une confrontation entre le roi et eux. Et donc de trouver ce qui les poussait à de telles extrémités.

5 - En route pour Tarmabar
Une fois Esgaltur parti, la décision fut vite prise : l'équipe partait sur-le-champ pour Tarmabar, la demeure des Tarmas. Narmegil s'en excusa auprès d'Isis, vu son état, et cette dernière rappela que chaque fois qu'ils avaient entrepris un voyage, cela leur avait demandé bien plus de temps que ce qui était prévu. Le bébé était attendu pour dans un mois et demi seulement, et elle espérait bien que cette fois, les prévisions ne seraient pas dépassées quant à la durée de leur absence !

Mais comment aller jusque là-bas ? Il fallait compter une soixantaine de miles (~ 100 km) pour arriver à Tarmabar. Seuls quatre chevaux et un poney étaient disponibles, et Narmegil n'avait qu'une confiance très limitée dans la capacité des Tarmas à lui rendre son excellent cheval s'il venait avec. En revanche, Bar Edhelas disposait aussi d'une petite charrette, assez grande pour quatre personnes installées assez confortablement ou plus en se serrant.

D'habitude, le poney suffisait à tirer la charrette qui n'était jamais très chargée. Mais le Dúnadan fit modifier le harnais pour pouvoir y atteler deux chevaux. La charrette et ses occupants seraient ainsi tirés plus facilement et rapidement. Sîralassë n'aimait pas trop ce mode de voyage, et il choisit de faire la route à cheval, à côté de la charrette. Narmegil laisserait son propre cheval à Helvorn, pour d'éventuels besoins de rapidité. Il s'excusa aussi auprès de son cousin de lui laisser encore la charge de gérer Tumulus et les environs...

Après une heure, le harnais fut modifié et les deux chevaux attelés, tandis que Sîralassë prenait son cheval. Narmegil avait installé dans la charrette des couvertures et assez d'espace pour Isis pour qu'elle puisse s'allonger. Vif prit place aussi dans la charrette, avec Drilun et Geralt, ce dernier prenant les rênes. Et pour laisser la place de s'allonger à son épouse, le seigneur Eldanar choisit d'accompagner la charrette en courant. Il était endurant, l'allure serait tranquille et la route plate jusqu'à Champs Verts, à une trentaine de miles de là. Et ainsi fut-il fait.

La route jusqu'à Champs Verts prit cinq heures sans faire de pause, ni pour les chevaux ni pour le coureur, fatigué mais satisfait de sa performance. Il lui fallut un bon bain dans l'auberge de la ville après cela. Et même si ses faibles connaissances en magie des soins avaient suffi pour lui faire oublier fatigue et courbatures, Isis fit en sorte de lui faire oublier encore plus ce moment d'effort. Et tous deux prirent bien soin de mettre Vif dans la chambre la plus éloignée de la leur - son ouïe était bien trop fine à leur goût !

Le lendemain, Narmegil reprit les rênes : la route était plus étroite et non empierrée, et serpentait dans des collines et coteaux escarpés. La progression fut plus lente, et enfin l'obstacle fut franchi : l'équipe progressait désormais sur les Tarmaladen, les Terres des Tarmas. Les champs et cultures succédaient aux prairies et pâturages, le paysage était plus civilisé et moins sauvage que la Comté, et il n'y avait plus de hobbits. Enfin, le petit château de Tarmabar et son village attenant furent atteints en fin d'après-midi.

6 - Contact
Tarmabar était une espèce de petit château-fort, un donjon sans enceinte fortifiée, avec quatre tours carrées aux quatre coins du bâtiment. Mais l'une des tours, celle du sud-ouest, n'était pas orientée comme les autres. En effet, à l'origine, il s'agissait d'une simple tour d'observation utilisée par la famille. Puis, les Tarmas prenant de l'importance, un petit château avait été construit qui s'appuyait sur cette tour, mais avec une orientation globale différente : il était aligné sur les quatre points cardinaux, contrairement à la première tour.

Le château était construit sur une petite colline, au pied de laquelle un petit bourg avait fleuri. Plus grand que Tumulus, il n'était pas non plus fortifié. Les principaux commerces et artisans étaient présents, dont une auberge où l'équipe se rafraîchit et se changea, tout en prenant la température des hommes du coin, très attachés à leurs seigneurs. Tout au plus les trouvaient-ils affectés par la Peste et la mort d'Aradan Marwen et de Nimír Osprey, l'année précédente, et moins faciles à vivre. Deux bâtiments administratifs composaient également le village, dont une garnison.

Une fois prêts, les aventuriers montèrent au château en cheval et charrette. Le chemin arrivait au nord de Tarmabar, sur une petite place pavée en partie creusée dans le sommet de la colline, donc au niveau des caves du château. Divers bâtiments se trouvaient à la périphérie de la place, comme grenier, divers corps de métier (charpentier, forgeron, maçon...) et surtout de grandes écuries. Un puits occupait le centre de la place, régulièrement utilisé par des garçons d'écurie pour pouvoir abreuver les bêtes.

Un palefrenier vint à la rencontre de Narmegil et ses amis. Le Dúnadan se présenta et déclara vouloir rencontrer le seigneur Tarma. Un officier Tarma vint alors et donna des ordres pour que le seigneur soit prévenu et les bêtes de Narmegil nourries et logées dans les écuries. Quelques aventuriers regardaient les chevaux et poneys présents, essayant de reconnaître ceux qui leur avaient été volés. Puis un garde revint du château pour annoncer que Narmegil et ses amis étaient attendus.

Les six compagnons entrèrent donc dans Tarmabar. Pour cela, ils montèrent un escalier le long du mur nord, pour aboutir à un petit pont-levis. Il permettait d'entrer au rez-de-chaussée, dans une espèce d'antichambre avec meurtrières qui dénotait le caractère guerrier des lieux. Puis le groupe arriva dans l'entrée proprement dite, qui comportait deux gardes. Là, le groupe fut scindé en deux : Narmegil, Isis et Sîralassë étaient invités à l'étage pour manger avec les Tarmas, tandis que Drilun, Geralt et Vif étaient conviés à aller se restaurer dans le réfectoire des serviteurs du château.

7 - Diplomatie et manque de tact
Le Dúnadan et les deux elfes passèrent dans une autre pièce avant de prendre un escalier en colimaçon jusqu'au premier étage. Ils changèrent encore de pièce et montèrent une courte volée de marches avant d'entrer dans un grand salon avec une table pour une vingtaine de convives au moins. Assis à une extrémité, le vieux seigneur Finralin Tarma s'excusa de ne pas se lever pour accueillir ses invités en raison de son grand âge, autour de 180 ans. Son petit-fils et héritier Barfindil était également présent à table, mais aucun autre membre de la famille, comme Ferenariel ou Marl Tarma, occupés à Fornost ou sur la frontière avec Angmar. Ce qui correspondait à ce qu'Esgaltur leur avait dit.

Comme l'heure du repas était arrivée, des serviteurs amenèrent des plats, de même qu'un excellent vin que Narmegil et Sîralassë connaissaient déjà... La conversation porta très tôt sur les chevaux volés à Tumulus, et qui manquaient cruellement. Ce qu'avait bien noté Finralin, quand on lui avait rapporté la venue de ses voisins en charrette... Bien qu'avec un soupçon de mauvaise grâce ou d'agacement, le seigneur Tarma admit - non sans mal et après moult discussions - que Narmegil en était bien le propriétaire.

Mais ces montures servaient les Tarmas à présent, et ils ne pourraient les rendre facilement. Le vieil homme s'engagea à envoyer les prochaines naissances à Tumulus, du moins dans la mesure où les besoins de sa famille seraient satisfaits. Et en attendant, il dit qu'il remettrait une somme de quinze pièces d'or - une par cheval - à Narmegil, comme compensation pour le préjudice causé. En ajoutant qu'il valait mieux que ces montures restent sur les Tarmaladen, quand on voyait comment les hobbits ou les gardes de Tumulus les protégeaient.

Isis ne réagit pas, ayant sans doute choisi de ne rien dire pour éviter d'avoir à hurler après le vieil homme. Mais la somme ridicule et cette dernière réflexion firent tiquer Narmegil. Il défendit les qualités des hobbits et la politique qu'il menait, sans beaucoup d'aide (des Tarmas en tout cas) ou de moyens. Ce à quoi Finralin répliqua par des critiques de plus en plus acerbes sur les hobbits, avant de passer à l'entourage de Narmegil, comme Geralt l'assassin ou le voleur et Dunéen (dans sa bouche, cela allait ensemble) Drilun. Pour ne rien dire de la "paysanne" qu'était Vif, quoique maîtrisant une magie autant étrange qu'inquiétante...

Son invité eut beau défendre les succès et réalisations accomplis par ses amis, que le seigneur Tarma continuait à considérer comme des "serviteurs", Finralin interprétait tout de manière négative. Très bien renseigné assurément, il parla des nombreux morts de Tharbad et de l'armée d'Angmar par de la sorcellerie, et le terme d'allié invoqué par son jeune voisin ne trouva que mépris à ses yeux. Sa propre expérience était riche en mésaventures avec hobbits, Dunéens et voleurs de Tharbad ou d'ailleurs, et le côté rassembleur de Narmegil ne paraissait pour lui qu'une preuve de jeunesse et de faiblesse. Assez bonne pour un aventurier peut-être, sans doute pas pour un grand seigneur confronté quotidiennement à la menace d'Angmar, ce pour quoi sa famille avait payé déjà un lourd tribut en or et en vies humaines.

La morgue du seigneur Tarma arriva à faire sortir Sîralassë de sa réserve, qui rappela que les Dúnedain étaient loin d'être parfaits. Que les Dunéens qu'il décriait n'étaient pas si différents des hommes de l'Arthedain vu la difficulté que ces derniers avaient à s'entendre, et que les Tarmas feraient mieux de s'allier aux peuples présents que de prendre des mercenaires douteux pour leurs besognes. Même les elfes, qu'il critiquait pour leur absence, luttaient de leur côté et n'avaient pas de compte à lui rendre. Mais le seigneur Tarma mit fin à l'entretien en prétextant la fatigue, et il annonça que des chambres étaient prévues pour ses trois invités, et que leurs serviteurs pouvaient dormir aux écuries. Puis il leur donna congé.

8 - Oreilles qui traînent
Les trois "serviteurs", pendant ce temps-là, étaient un peu livrés à eux-mêmes, et les gardes du rez-de-chaussée leur indiquèrent la direction à prendre. Après être entrés dans la cuisine, ils obliquèrent à droite pour finir dans un petit réfectoire, au-delà duquel une porte donnait sur le dortoir des serviteurs. Si les cuisiniers et marmitons étaient encore bien affairés, d'autres serviteurs commençaient à manger, voire quelques gardes. Les nouveaux venus furent regardés avec une certaine méfiance, mais sans animosité.

Après s'être présentés, Geralt, Drilun et Vif commencèrent à manger dans leur coin. L'assassin et la rôdeuse laissaient leurs oreilles très fines traîner, ce qui leur permit d'entendre diverses questions ou commentaires à voix basse que le personnel de Tarmabar s'échangeait à leur sujet. Mais ils purent aussi distinguer quelques petits potins concernant le château, pour la plupart inintéressants. La prochaine fête de loëndë (jour médian de l'année) revenait souvent, avec la préparation de la parade de cavaliers ; mais aussi le caractère détestable d'un cuisinier, et qui semblait même empirer.

Petit à petit, les trois aventuriers s'essayèrent à discuter avec les serviteurs du château. Ils répondirent à diverses questions mais en posèrent bien plus. Manifestement, le personnel de Tarmabar n'aimait guère les hobbits ou la réputation de Narmegil et il appréciait les seigneurs Tarmas, même si depuis la Peste, ces derniers étaient plus sombres et moins agréables à côtoyer. La faute aux morts de la maladie, aux mauvaises nouvelles concernant Angmar, et sans doute à la perte des terres du Quartier Nord de la Comté, que les gens d'ici appelaient encore Siragalë. La mort d'Aradan Marwen et Nimír Osprey, et ce qu'ils avaient fait, étaient aussi cités.

Néanmoins, un des serviteurs posa une question digne d'intérêt, même s'il se fit vite rabrouer pour sa stupidité ou son imagination trop débordante : il se demandait parfois si les Tarmas n'étaient pas affectés par la même magie qui avait poussé Aradan Marwen et Nimír Osprey à leurs terribles actes. La preuve de la bêtise de la question, selon ses collègues, était l'exemple du cuisinier Beleg, dont l'irascibilité et l'irritabilité n'avaient cessé de croître depuis deux ans - depuis la mort de son fils dans la Peste. Mais il valait mieux en parler aux cuisiniers et marmitons qui arrivaient justement à leur tour... sauf le Beleg en question.

Autre information intéressante, il semblait que Finralin Tarma ne mettait plus - ou alors très exceptionnellement et pour peu de temps - une amulette de famille qu'autrefois il portait toujours sur lui. Tout le monde l'avait remarqué, en effet, mais les gens mettaient cela sur le compte des heures sombres qu'ils vivaient, ou de l'âge croissant du vieux seigneur. La plupart des serviteurs avaient fini de manger et ils partaient à présent, sauf les cuistots qui étaient arrivés plus tard. Drilun prit alors sa voix la plus mielleuse pour en apprendre plus sur le cuisinier Beleg.

9 - Le vin de la discorde
Quelques détails furent donnés sur l'individu en question, triste histoire d'un père privé de fils et qui sombre dans la dépression. D'une manière très particulière : il semblait de plus en plus dépourvu de bon sens, ayant des idées assez folles et blâmant ensuite les autres pour l'échec obtenu. Comme des plats nouveaux invraisemblables comportant des mélanges que le marmiton de base pouvait juger comme impossibles à aimer, du moins pour toute personne ayant un palais plus fin que celui d'un orc ! Mais l'homme semblait de plus en plus hermétique aux critiques de ses collègues, constructives ou non...

L'un des marmitons semblait mal à l'aise, comme quelqu'un qui brûle de confier un secret. Se déplaçant pour prendre un plat, il finit par s'installer à côté de Drilun qui l'avait vraiment impressionné par ses belles paroles. Et il lui dévoila son secret : le Beleg en question était si chargé de chagrin qu'il allait régulièrement le noyer au fût du meilleur vin du château, celui réservé aux seigneurs. Un vin vendu à prix d'or par le marchand Gilluin, qui ne fournissait que les meilleures familles de l'Arthedain, comme les Tarmas et les Ekettas...

Narmegil, son épouse et le soigneur arrivèrent peu après, et souhaitèrent faire un tour à l'extérieur avant d'aller se coucher. D'autant que la moitié de l'équipe devait aller aux écuries pour dormir. Les gardes les laissèrent donc sortir, et les informations furent échangées. Tout devenait très clair à présent : le vin apporté par Gilluin rendait peu à peu fou ou tout au moins très présomptueux ou audacieux ceux qui le buvaient, même si cela pouvait prendre des années. La famille Tarma en buvait, le cuisinier Beleg aussi, et les Ekettas - et son jeune seigneur Methilir - sans doute aussi. Autant de gens qui n'avaient plus tout à fait leur raison et qui ne savaient plus écouter d'autre avis que le leur...

La raison du problème des Tarmas était claire, restait à en éliminer la source. D'une manière ou d'une autre, il fallait se débarrasser de ce vin, le rendre imbuvable en y jetant une charogne ou tout autre moyen adapté. Ce qui déjà posait un premier problème. Le vin en question ne serait sans doute pas trop dur à trouver, les réserves ayant été repérées facilement : elles étaient de l'autre côté de la cuisine depuis le réfectoire, et le bruit de pas dans un escalier distant indiquait de manière assez sûre qu'on pouvait se rendre dans les caves en passant par là.

Mais d'une part il ne serait peut-être pas si facile que cela de repérer le ou les bons fûts, sans parler de trouver la bonne méthode pour gâter le vin. Également, priver les Tarmas de vin ne suffirait sans doute pas à les faire redevenir normaux. Comment les soigner du mal qui les rongeait ? La magie des soins suffirait-elle, ou fallait-il trouver un antidote ? Et comment leur administrer ces soins ou antidote ? Dans l'état où ils étaient, ils nieraient toute l'histoire en bloc et combattraient sans doute avec zèle ceux qui prétendraient les soigner. Et loëndë était dans seize jours...
Modifié en dernier par Niemal le 03 septembre 2012, 13:12, modifié 14 fois.
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Tarma - 3ème partie : nuit agitée

Message non lu par Niemal »

1 - Rendez-vous
Tandis que le groupe discutait encore des mesures à prendre, Geralt commençait à s'intéresser de plus près à son repos nocturne. Les discussions ayant peu de chance d'aboutir immédiatement, il tira sa révérence et annonça qu'il allait se coucher. Il y avait encore un peu d'activité dans l'écurie, mais les chevaux n'avaient plus besoin de soins et les hommes partaient se coucher. En passant, l'assassin aux cheveux blancs repéra les lieux : les chevaux à gauche, des échelles pour monter au-dessus, là où la paille était stockée et où dormaient les garçons d'écurie ; à droite, une pièce - avec une lanterne allumée - et le matériel d'équitation, et le quartier des palefreniers au-delà ; et devant, un hangar à charrette et autres carrioles, dont leur véhicule.

Méfiant de nature, il pensa à vérifier que leurs affaires n'avaient pas été dérangées ou fouillées. Précisément, son œil exercé distingua que certaines choses avaient été déplacées. En regardant de plus près, il finit par repérer un morceau de parchemin replié et coincé entre deux planches, sous une couverture. Après avoir pris la couverture pour lui, et regardé le contenu du message, il chercha des yeux ses amis dont il entendait les pas : Drilun et Vif arrivaient, en effet, tandis que les autres étaient en train de rentrer au château. Geralt leur montra discrètement le bout de parchemin, où l'on pouvait lire :
OHTGT ENGS SUCHST VGKKFBH RHTTH MUGT CGSRQHTHLHMT

Drilun se rappelait parfaitement du cryptogramme qu'il avait déjà déchiffré à l'aide du code "FERCHA". Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver la signification exacte de ce message à l'aide du même code. Tout en préparant leurs affaires pour la nuit et en découvrant l'endroit où ils allaient coucher, il mit discrètement ses amis au courant. Discrètement, car les trois compagnons avaient l'impression très nette d'avoir toujours un œil posé sur eux et une oreille à leur écoute... bien que non désirés. Discrètement aussi, car la nature même du message le demandait. Il disait en effet, une fois déchiffré :
PETIT BOIS SUDEST VILLAGE CETTE NUIT DISCRETEMENT

Après en avoir discuté, ils décidèrent de prévenir le reste de l'équipe. Vif se précipita vers le château et demanda à faire passer diverses choses à Isis, choses oubliées par l'elfe mais nécessaires à sa condition de femme enceinte. Un garde baissa le pont-levis et accepta de transmettre le message et les affaires, et la Femme des Bois put retourner aux écuries discuter avec le Dunéen et l'assassin de la suite à donner. Après débat, ils convinrent d'attendre une heure ou deux que tout le monde dorme, pour prendre magiquement l'apparence de garçons d'écurie et se glisser dans la nuit sous un prétexte ou un autre. Mais après avoir bien discuté avec les personnes présentes, afin d'apprendre et de mémoriser leurs noms et occupations, ainsi que des détails de langage et de personnalité.

Dans le château, pendant ce temps, les deux elfes et le Dúnadan avaient été conduits au deuxième étage. Ils furent menés devant une porte à une extrémité du balcon donnant sur le grand hall du premier étage. Au-delà, s'ouvrait un petit couloir comportant trois portes : sur la droite, une chambre de taille moyenne avec fenêtre et lit à baldaquin pour le noble couple ; et sur la gauche, pour Sîralassë, une petite chambre sans fenêtre pour deux personnes modestes comme des serviteurs. Le Noldo prit cette moquerie de son statut sans broncher, montrant ainsi qu'il savait faire preuve d'humilité suite aux recommandations d'Elrond. A l'autre bout du couloir, on leur signala qu'une petite salle de garde était occupée et qu'il ne fallait pas hésiter à faire part aux gardes présents de toute requête.

2 - Un soigneur très actif
Lorsque les affaires remises par Vif arrivèrent à l'intéressée, Isis trouva sans mal le message codé. Drilun ayant inscrit le texte déchiffré, les deux elfes et le Dúnadan comprirent tout de suite ce qui se passait, même s'ils ne savaient pas comment les autres étaient arrivés en possession du document. Après réflexion, ils se mirent d'accord sur une manière de sortir du château tous les trois. Si certains côtés paraissaient un peu tirés par les cheveux, Sîralassë comptait sur son aura d'elfe noldo pour éviter les questions et ouvrir les portes.

Le soigneur appela donc un garde : il avait une requête, et il réclamait donc de l'aide. Pour la bonne santé d'Isis et de son enfant, il avait besoin de cueillir certaines herbes particulières pendant la nuit, au clair de lune. Il réclamait pour cela un vaste récipient comme un chaudron, et des serviteurs pour aider à transporter le chaudron ou pour l'aider à trouver les herbes. L'un des gardes l'amena alors en cuisine et il appela un marmiton pour aider. Sîralassë avait précisé qu'il prendrait l'un de ses propres serviteurs pour l'aider à ramasser les herbes, car ils en avaient l'habitude.

Pendant ce temps, Isis changeait magiquement l'apparence de son époux et d'elle-même. Elle devint une servante ordinaire, humaine et non enceinte, et lui un garde costaud du château. Ils sortirent alors sur le balcon du grand hall et furent vite interpelés par un garde - leurs quartiers semblaient bien surveillés, même de loin. Ils demandèrent où était passé le grand elfe qui avait demandé deux serviteurs. Le garde ne comprenait pas pourquoi ces deux personnes - qu'il ne reconnaissait pas - n'étaient pas allées dans la cuisine, mais le petit jeu de séductrice que lui fit Isis l'amena à penser à autre chose et en fin de compte il les laissa passer.

Dans la cuisine, Sîralassë choisissait le plus grand chaudron, au grand dam du marmiton qui avait été tiré du lit pour aider. Mais ce dernier fut fort soulagé lorsqu'un garde costaud et une servante arrivèrent pour lui prêter main-forte. En fin de compte, avec les deux nouveaux venus, le soigneur lui dit que sa présence n'était pas nécessaire, là encore à son grand soulagement. Le grand elfe et ses deux amis magiquement transformés se rendirent dans l'entrée, où ils arrivèrent à faire baisser le petit pont-levis et faire lever la herse. Là encore, les talents d'enjôleuse d'Isis permirent d'éviter certaines questions des gardes présents. Les trois amis furent bientôt dehors et ils se dirigèrent vers les écuries.

Ces dernières comportaient une lumière à l'intérieur, un palefrenier restant en éveil à surveiller Eru savait quoi - bien que les aventuriers se l'imaginaient très bien. Sîralassë fit mander Drilun tandis qu'Isis détournait l'attention du palefrenier et de questions gênantes. Le Dunéen arriva vite, mais il fit comprendre qu'il était nécessaire qu'il reste pour utiliser sa magie pour faire sortir Geralt et lui. Ce fut finalement Vif qui prit sa place, Drilun prétextant à haute voix un problème de fatigue ou de digestion. Il retourna se coucher, tandis que les quatre compagnons - Isis, Narmegil, Sîralassë et Vif - s'éloignaient sur la route en direction du village.

3 - Œil de renard
En s'approchant du village, les plus perceptifs virent bien le petit bois dont il était question au sud-ouest, à moins d'un kilomètre. Il semblait y avoir aussi quelques gardes qui veillaient en ville et faisaient des rondes, et qui pouvaient éventuellement les voir : la route était dégagée et la nuit était claire. Mais Vif repéra un endroit où ils étaient un peu masqués, et ils filèrent à travers champs. Après avoir laissé le chaudron derrière une ferme, avec des traces que la Femme des Bois pourrait facilement repérer, ils se dirigèrent discrètement vers les arbres.

Un homme grand, masqué, les y attendait. C'était "œil de renard", qui, suite à une question, répondit qu'il était le chef des espions des Tarmas. C'était bien lui qui avait écrit les messages codés, à leur attention. L'homme expliqua qu'il avait appris certains des projets de ses maîtres, projets qui l'inquiétaient fort et qui montraient une influence néfaste, inconnue et inexpliquée. Les aventuriers montrèrent au cours de la conversation qu'ils avaient deviné l'essentiel, et même plus : ils avaient trouvé que le vin était à l'origine du changement d'attitude des Tarmas depuis deux ans. Pourtant, œil de renard affirma avoir contrôlé systématiquement nourriture et boisson et origine des marchands, sans jamais rien trouver.

Cela s'appliquait à Gilluin, le marchand de vin : c'était un Dúnadan du Cardolan contre qui il n'avait rien à dire. En revanche, le vin si particulier qu'il vendait était réservé aux seules familles Tarma et Eketta. Si le problème venait bien du vin, ce qui lui paraissait possible, rien ne disait que le marchand était impliqué. Remonter la source aurait pu être une bonne chose, mais le temps manquait : Gilluin était quelque part dans le Cardolan, qui était vaste, et le coup d'état fomenté par les deux grandes familles nobles devait avoir lieu dans une quinzaine de jours...

Mais si les aventuriers avaient déjà deviné l'essentiel, certaines informations apportées par l'homme étaient nouvelles. Tout d'abord, le chef des espions avait entendu Finralin, chef du clan Tarma, et sa fille Ferenariel, parler d'une commande de "jus de myrtilles". Les aventuriers lui apprirent qu'il s'agissait sans doute d'une drogue qui affectait l'esprit - elle s'appelait d'ailleurs "Tue-l'Esprit" - et qui servirait contre le roi. Mais œil de renard leur apprit qu'il ne savait aucunement comment la commande avait été passée, ni auprès de qui. Ce n'était pas par lui, ce qui pouvait indiquer que ses maîtres ne lui faisaient plus complètement confiance. C'est aussi pour cela qu'il avait contacté les aventuriers de manière détournée.

Il confirma aussi que le chef des Tarmas ne mettait plus son amulette de famille. C'était un bijou très ancien qui était censé servir à des soigneurs, il avait un lien avec les herbes et les soins. Techniques fréquemment étudiées et employées par les Dúnedain d'Arthedain. L'homme savait néanmoins qu'une cachette secrète existait dans la chambre du chef des Tarmas, cachette dont Finralin portait la clé sur lui. Mais il ne savait pas plus de choses à ce sujet. Peut-être le "jus de myrtille" s'y trouvait-il, avec d'autres choses de valeur comme l'amulette. Mais ce n'étaient que des suppositions.

Geralt et Drilun arrivèrent enfin, tout d'abord repérés par Vif qui était montée dans un arbre pour surveiller les alentours. Ils avaient pris l'apparence - certains traits du moins - de deux garçons d'écurie qui dormaient non loin d'eux dans les écuries. L'assassin s'était teint les cheveux en noir pour faciliter la tâche de son ami magicien. Puis Drilun avait simulé un problème de digestion auprès du palefrenier, et la comédie jouée par les deux hommes avait eu l'air de prendre, et ils étaient sortis. Ils avaient suivi peu ou prou le même chemin que leurs amis, et ils étaient maintenant tous réunis.

4 - Autres informations et perspectives
Aux questions de Drilun et des autres, le chef des espions apporta encore nombre de renseignements qui n'avaient pas forcément de rapport avec le coup d'état. Oui, c'était bien lui qui avait mis sur pied le vol des chevaux avec l'aide de Dunéens. Bandits dunéens qui n'avaient pas respecté les consignes en tuant des hobbits. Ils l'avaient payé de leur vie, mais œil de renard avait tout de même fait verser une pièce d'argent à chaque famille des bandits. Par le passé, il avait aussi embauché d'autres personnes pour compliquer la vie des hobbits de la Comté, mais sans jamais réaliser de meurtre comme Aradan Marwen l'avait fait faire. Ce n'était pas pour autant qu'il avait obéi aux ordres avec gaieté de cœur.

Concernant les aventuriers eux-mêmes, il montra qu'il en savait beaucoup sur eux lorsque des sources existaient en Arthedain. Il avait ainsi obtenu des copies de divers rapports au roi les concernant. Pour ce qui était des nouvelles du Cardolan, c'était autre chose : il avait parfois des contacts avec la guilde des voleurs de Tharbad - contre paiement - mais pas de personne de confiance véritablement. Et d'autres renseignements provenaient des voyants des palantíri, du moins ceux de la famille Tarma, car il y en avait.

Mais pour revenir au projet des Tarmas, l'espion voyait plusieurs pistes possibles. Après avoir écarté la piste du vin, trop longue à mettre en œuvre, il parla d'éventuels messages perdus échangés par pigeon voyageur. Le pigeonnier était au sommet du château, et il arrivait que les pigeons n'arrivent pas, ou que le message ne soit pas présent. Cela amenait toujours à une fouille du pigeonnier, mais parfois sans résultat, certains messages restant introuvables. Opérer une nouvelle fouille était une piste qui ne donnerait probablement rien, mais savait-on jamais.

Autre piste d'importance, pour le chef des espions : les complicités à Fornost. Pour lui, il fallait très vite prévenir le roi pour qu'il fasse une enquête et isole les complices de ce projet dans la capitale. D'une part, les voyants de la famille devaient jouer un rôle, conscient ou non ; d'autre part, des informateurs militaires existaient certainement. Œil de renard soupçonnait entre autres Halmir Eketta, capitaine de la Garde Royale et plus fine lame du royaume. Sans parler de Marl Tarma, grand capitaine des rôdeurs et roi possible d'Arthedain, qui trempait manifestement dans la combine.

Réunir le maximum de preuves semblait pour lui une priorité. Le cuistot sous l'emprise du vin frelaté pouvait être une preuve, voire un témoin, à condition de pouvoir l'amener et/ou le guérir. Des échantillons du vin pourraient être expertisés par les herboristes et érudits d'Arthedain. D'éventuels écrits - messages perdus ou plans militaires restant à trouver - seraient fort utiles. Et si jamais il était possible de mettre la main sur ce "jus de myrtille", ce serait non seulement une preuve, mais cela gênerait peut-être dans la réalisation du plan.

L'homme mit en garde contre des actions en force ou imparfaitement préparées : la famille Tarma était sur ses gardes, et ses membres avaient de la ressource. Marl et Ferenariel devaient revenir d'ici une semaine. Il avait cru comprendre que la fille de Finralin était capable de faire de la magie et de changer son apparence pour ressembler à une elfe, par exemple. Sinon, il mit en garde contre tout espoir de récupérer les chevaux : les Tarmas en avaient trop besoin, ils ne les rendraient jamais.

5 - Passage secret
Autre information obtenue - non sans mal - du chef des espions : un passage secret permettait d'entrer et de sortir du château. Passage qui donnait dans les cryptes, à l'extrémité sud-ouest des caves, et qu'il prenait parfois. Mais l'homme ne donna pas plus d'indications quant à l'endroit où débouchait ce passage secret. Tiraillé par son devoir envers ses maîtres, il estimait qu'il en avait déjà beaucoup dit, voire même trop. Et il faisait confiance aux aventuriers pour trouver le reste par eux-mêmes. En revanche, il leur fit oralement une petite visite guidée des différents étages du château et des principaux escaliers et voies d'accès.

Isis était d'accord avec l'homme : elle n'avait pas besoin de connaître la destination exacte, elle comptait bien sur sa magie pour y arriver. Une fois œil de renard parti, elle sonda la terre aux alentours, consciente des grottes et autres galeries dans un rayon de plusieurs lieues. Elle en trouva bien trop, mais elle repéra néanmoins ce qui paraissait être une ouverture qui se prolongeait d'un passage souterrain en direction du château... L'entrée était à un peu plus d'un demi-mile (~1 km) au sud-ouest du château, soit de l'autre côté du village par rapport au bois où ils se trouvaient.

Ils contournèrent donc le village avec précaution. En chemin, une patrouille fut rencontrée, mais la moitié du groupe s'éclipsa, tandis que Sîralassë et ses deux "serviteurs" expliquèrent qu'ils ramassaient des herbes rares qui devaient être cueillies au clair de lune. L'aura charismatique du Noldo impressionna les gardes, qui ne remirent pas en question ce prétexte par ailleurs connu au château - les gardes furent invités à vérifier. Enfin, le groupe arriva à une petite cascade et un buisson de houx vigoureux. Selon Isis, l'entrée était par là. Mais aucune ouverture n'était visible.

Vif explora l'arrière des buissons de houx, occupé par divers épineux et de la ronce, non sans mal. Mais l'ouverture était bien là, complètement masquée par les houx et autres plantes. Il fut un peu malaisé de passer, mais tous y arrivèrent avec au plus quelques égratignures. L'endroit montrait des passages rares mais réguliers néanmoins. Derrière l'ouverture, un boyau d'un mètre de large et de deux de haut s'enfonçait en direction du château. Une lanterne avait été amenée, qui fut allumée, et le groupe entra dans le souterrain, Vif en tête.

Après une demi-heure de marche prudente, les aventuriers débouchèrent dans une petite pièce avec divers matériels comme armes et armures, sacs, nourriture séchée, outres, torches et lanternes (plus huile et briquet), etc. La présence d'une poignée sur un panneau de pierre, à une certaine hauteur sur un mur, indiquait la présence manifeste d'un passage possible. Néanmoins, tirer ou pousser sur la poignée ne donna rien. Mais Vif remarqua vite une pierre adjacente qui pouvait s'enfoncer et qui déverrouillait la plaque de pierre, qui put être tirée.

Le passage, un peu en hauteur, était étroit et demandait à avancer à quatre pattes. C'était un petit caveau qui n'attendait plus qu'un cercueil, avec une autre plaque de pierre à l'autre bout. Cette dernière pivotait pour déboucher dans la crypte du château. Tous passèrent les uns après les autres, mais la Femme des Bois, avant cela, eut la présence d'esprit de chercher - et trouver - le mécanisme d'ouverture du passage secret depuis la crypte. Mécanisme qui demandait à appuyer sur plusieurs pierres à la suite dans un ordre précis. Aidée par son ouïe très fine, il lui fallut tout de même quelques minutes pour y arriver. La suite lui montra que cette précaution pouvait être payante.

6 - Les caves de Tarmabar
La crypte comportait une vingtaine de caveaux, et une porte dans une cloison en bois. Après avoir réfréné les envies d'Isis qui voulait regarder à l'intérieur des cercueils présents - Narmegil dut être ferme à ce sujet - la porte fut ouverte. Elle donnait sur une pièce de stockage de biens divers, denrées et autres affaires stockées dans des caisses et tonneaux. Mais pas de vin. Un escalier plus loin permettait de monter dans les étages, tandis qu'une ouverture donnait sur une plus vaste pièce, elle aussi encombrée de caisses de toutes sortes.

Les sous-sols du château furent visités, sans bruit, sauf pour une porte fermée. Mais après un moment, dans ce qui devait correspondre à la partie nord-est des sous-sols, la cave à vin fut trouvée. De nombreux fûts étaient présent, et aucune indication ne permettait de déterminer quel était celui ou ceux qui contenaient le vin frelaté. Six d'entre eux étaient en perce et équipés d'une bonde, et sur les six, trois d'entre eux paraissaient d'une qualité supérieure aux autres. Les aventuriers se focalisèrent sur ces trois-là.

Isis était partisane de goûter une bonne rasade de tous les tonneaux percés : une table au centre de la pièce proposait divers ustensiles pour cela, comme des pots, verres et cruches de toutes tailles. Mais à son grand dam, la consommation fut plus limitée : Vif ne prit que quelques gouttes des trois tonneaux particuliers, afin de déterminer le bon. Le premier, et plus petit, ne contenait pas de vin mais une espèce d'eau-de-vie. Le second, plus gros, contenait du vin au très discret arrière-goût de myrtille - c'était ce vin-là ! Le troisième était du vin de qualité, mais qui n'avait rien à voir. Au final, il semblait qu'il n'y eût qu'un seul tonneau du vin qu'ils recherchaient. Vif en préleva un peu dans une outre pour servir de pièce à conviction.

Restait à trouver le moyen de rendre ce vin impropre à la consommation. L'elfe enceinte ayant remarqué un maillet, elle s'en empara avec l'idée bien arrêtée de casser la bonde et de laisser le vin s'écouler - elle avait essayé de tirer dessus sans succès. Mais ses amis s'interposèrent en disant qu'il valait mieux trouver quelque chose de plus discret. Isis essaya de passer outre, mais ses amis furent plus rapides qu'elle. Elle se contenta alors d'ouvrir la bonde à distance, magiquement, mais la Femme des Bois s'empressa de la fermer et peu de vin fut gaspillé par terre.

Tandis que certains se chamaillaient discrètement, l'assassin aux cheveux blancs organisait les ustensiles sur la table proche pour faire penser au passage d'un ou plusieurs ivrognes. Le Dunéen, dans le même esprit, suggéra diverses choses pour renforcer cette impression de visiteur éméché et maladroit. Mais soudain, Vif entendit par un escalier proche des pas discrets à l'étage au-dessus : quelqu'un semblait venir dans leur direction, et il commença effectivement à descendre les marches proches. Tous se cachèrent au plus vite dans des pièces adjacentes, derrière piliers, caisses ou autres, et la lanterne fut éteinte.

Les plus proches étaient Narmegil et Isis. Ils virent un homme descendre l'escalier et entrer dans la pièce, une bougie à la main. D'après ce qu'on leur en avait dit, cela pouvait fort bien être le cuistot dépressif et agressif qui passait ses chagrins au fond d'un verre de ce fabuleux vin. Le fût en question semblait effectivement sa destination. Mais il n'y arriva jamais. Tout d'abord, la belle elfe éteignit magiquement la bougie. Ensuite, elle lança à ses compagnons proches quelque chose comme "allez-y, chopez-le", suffisamment fort pour que tous l'entendent. Y compris l'intéressé, qui, pris de peur, se mit à crier fort et à appeler la garde. Et il était trop loin de tous pour le faire taire immédiatement.

L'obscurité étant totale, Isis s'entoura d'une aura elfique lumineuse pour arriver à se repérer. Voyant cette apparition fantomatique, l'homme hurla encore plus fort de peur et se précipita dans l'escalier, heurtant au passage un premier garde qui descendait avec une torche. En bas, les aventuriers refluèrent en pagaille vers la crypte, prenant de vitesse les gardes qui n'allaient pas manquer de fouiller les sous-sols. Isis prit tout de même le temps de donner un coup de maillet sur la bonde avant de partir, laissant le vin s'écouler par terre. Grâce au mécanisme repéré par Vif, tous se retrouvèrent vite dans le passage secret souterrain. En chemin, quelques propos acides furent échangés, en particulier entre Narmegil et son épouse. Mais pourquoi n'avoir pas attendu un peu que Geralt puisse s'approcher et assommer le bonhomme ? Isis avait une curieuse manière d'assurer la sécurité de son enfant ! Les hormones, diront certains...

7 - Retour au château
Le boyau fut vite parcouru jusqu'à l'ouverture et la cascade. Les épineux furent passés sans incident, et le groupe décida de se séparer : Drilun et Geralt, sensés jouer des garçons d'écurie, iraient au château par le nord, tandis que les autres devaient récupérer un certain chaudron de l'autre côté du village, à l'est. L'homme aux cheveux blancs et le Dunéen ne s'attardèrent pas, d'autant qu'ils étaient partis depuis plusieurs heures et que les sortilèges d'illusion lancés par Drilun n'allaient plus durer très longtemps.

Mais se balader en nature, la nuit - même claire - et à un endroit non connu n'était pas si facile que cela, sans parler du fait que ce n'était pas forcément la tasse de thé de la paire d'amis. Et il fallait rester discret pour ne pas attirer l'attention d'éventuels gardes. Assassin et archer perdirent du temps, et ils arrivèrent aux écuries alors que la magie lancée auparavant commençait à vaciller. De surcroît, ils interrompirent le palefrenier qui s'apprêtait justement à vérifier leur présence au-dessus des chevaux - il était temps ! Mais le baratin qu'ils lui présentèrent et la faible lumière semblèrent le convaincre, et il les laissa monter à sa place pour faire la vérification. Ils se réinstallèrent dans la paille pour finir une nuit qui ne durerait plus très longtemps. Mais au moins ils étaient revenus sans se faire repérer.

Les autres contournèrent le village par le sud, et ils retrouvèrent sans mal le chaudron camouflé près d'une ferme. Restait à le remplir un peu - un chaudron aussi haut et lourd qu'un hobbit ! - pour un minimum de crédibilité. Ils remplirent donc le fond avec quelques herbes à eux, plus des plantes diverses pour meubler un peu. Puis ils se présentèrent au château et demandèrent aux gardes d'ouvrir pont-levis et herse de l'entrée. Vif fut congédiée et elle put retrouver Drilun et Geralt aux écuries, sans anicroche aucune.

Une fois le passage libéré, Sîralassë, Narmegil et Isis entrèrent dans un château étonnamment agité et éclairé. Le second sous les traits d'un garde du château et la dernière avec l'apparence d'une servante séduisante et pas enceinte du tout. Le soigneur du groupe prétexta une infusion à faire et il se dirigea vers la cuisine du château. Mais pas ses deux compagnons : un garde les retint en disant qu'une personne du château souhaitait leur parler - l'autre garde partit chercher la personne en question. Un serviteur fut mandé pour aider l'elfe noldo à transporter chaudron et herbes.

Tandis que Sîralassë arrivait dans les cuisines et commençait à préparer une infusion, ses deux amis voyaient arriver une personne importante : rien moins que Barfindil Tarma, petit-fils et héritier du vieux Finralin. Il questionna le prétendu "garde" et la soi-disant "servante" pour savoir ce qu'ils avaient fait, et surtout qui ils étaient - il ne les reconnaissait aucunement. Si Isis arriva à s'en sortir en prétextant qu'elle était venue du village pour donner un coup de main au château, arrivant à faire douter d'autres serviteurs, le Dúnadan vit ses explications démontées les unes après les autres. En fin de compte, la "servante" fut invitée à aller se coucher avec les autres et le faux garde fut arrêté comme espion. Deux gardes l'escortèrent pour l'amener dans les geôles du sous-sol.

8 - Fuite et escalade
Narmegil fut conduit aux réserves, et il prit l'escalier qui menait à la cave à vin. Mais avant d'arriver, reconnaissant l'endroit, il utilisa sa magie pour brusquement apparaître comme un puissant seigneur intimidant. L'un des gardes se recula, effrayé par cette présence, et il arriva à esquiver l'autre - qui ne portait pas la torche - et à s'enfuir dans le sous-sol. Au passage, il vit que le fût avait été rebouché avec une nouvelle bonde. Il arriva à retrouver le chemin de la crypte, tandis que son poursuivant trébuchait sur des affaires, dans le noir. Alors qu'il parvenait au passage secret, il entendit le tumulte et les cris liés à son échappée : cette nuit était placée sous le signe du remue-ménage et d'un sommeil bien perturbé pour les occupants du château !

Il arriva à trouver de quoi faire de la lumière dans la petite pièce secrète, et il put ainsi parcourir une nouvelle fois le souterrain et revenir sans mal au château, discrètement. Arrivé sans bruit au pied de ce dernier, il se transforma en cambrioleur et attaqua le mur de la tour où il devinait la chambre d'amis qu'il s'était vu attribuer. C'était moins difficile que lorsqu'il avait fallu atteindre la vallée perdue avec dragon et forge magique, et il avait du matériel avec lui pour lui faciliter la tâche. Arrivé à la fenêtre de sa chambre, il agrippa les barreaux qui bloquaient l'accès et il arriva à frapper doucement aux volets intérieurs. Mais sans résultat notable, et après un nouvel essai et un peu d'attente, il finit par redescendre.

A l'intérieur, Isis était allée se coucher avec d'autres servantes. Elle avait ensuite profité d'un moment de confusion pour s'éclipser sans se faire remarquer - au début du moins. Ensuite, elle avait ôté l'illusion sur elle et elle avait repris son apparence normale. Rencontrant des gardes, elle se présenta comme celle qu'elle était et demanda quels étaient tout ce raffut et cette agitation. L'homme parla d'un voleur, mais il avait été attrapé et tout était rentré dans l'ordre. Elle finit par retrouver le soigneur qui était censé avoir fait une décoction pour son état de femme enceinte...

Après un moment, tous deux décidèrent de revenir à la chambre donnée à Isis et Narmegil, mais elle était vide de ce dernier. Prise d'une inspiration, Isis ouvrit les volets et arriva à distinguer une silhouette en bas de la tour, silhouette qu'elle siffla. Narmegil, qui venait de redescendre, vit de qui il s'agissait et reprit donc son escalade pour se retrouver face à sa belle. Mais il y avait les barreaux entre eux deux, et tout en discutant il sentait la fatigue venir. En fin de compte, il se rappela les indications données par œil de renard, et il choisit d'explorer le toit du château pour trouver un chemin pour rejoindre ses amis.

Au sommet, une passerelle de bois - qui servait de chemin de ronde - débordait d'un mètre l'ensemble du bâtiment et lui donna du fil à retordre, mais il arriva à l'escalader enfin. Les membres fatigués et douloureux, il utilisa la magie des soins qu'il avait réussi à utiliser pour la première fois dans la forge magique de Maglor pour sauver Sîralassë. Ce qui permit de soulager fatigue et douleurs. Il n'y avait pas de gardes au sommet, et il put sans mal trouver le pigeonnier et l'escalier proche qui permettait de descendre aux étages inférieurs. Il descendit au troisième étage, mais pas plus bas, se rappelant que l'escalier donnait sur la petite salle de garde qui jouxtait les chambres qui leur avaient été données.

Prenant un petit couloir, il perçut une respiration et vit bientôt un lit dans lequel dormait un serviteur. S'immobilisant, il fit le point. D'après ce qu'il voyait et ce qu'il se souvenait des indications d'œil de renard, il n'avait pas grand choix. Depuis la pièce - occupée - où il se trouvait, il ne voyait que trois méthodes pour descendre à l'étage en-dessous :
- reprendre l'escalier qu'il avait déjà pris, et passer par la salle de garde
- prendre à droite où il était, et parvenir à la chambre de Finralin, et l'escalier qui y donnait
- prendre tout droit, et après un couloir traverser une chambre de serviteurs avec un escalier qui descendait aux cuisines, réserves et caves

Sans être ridicule question discrétion, il n'était pas aussi doué que Geralt ou Vif. Il se voyait mal continuer dans l'une des voies qui s'offraient à lui. Il se concentra alors sur son bracelet des amoureux, percevant son aimée un étage en dessous, presque à sa verticale. Elle perçut sa peur et son emplacement non loin au-dessus d'elle, mais elle ne sut que faire. Ils étaient si proches, et pourtant les obstacles ne permettaient pas de les réunir facilement, ou en tout cas sans danger. Et le matin n'allait plus tarder.
Modifié en dernier par Niemal le 30 septembre 2012, 18:10, modifié 8 fois.
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Tarma - 4ème partie : des pompiers en prison

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1 - Exploration
Et si quelqu'un arrivait à l'improviste ? Le cambrioleur malgré lui chercha une cachette possible, et il avisa le lit occupé. La pièce était dans l'obscurité, d'autant que la seule fenêtre comportait un volet fermé. Mais il lui sembla distinguer un coffre, sous le lit, du genre de ceux dans lesquels on dispose son linge et autres affaires - plutôt une malle à la vérité. Lui-même était grand et costaud, donc il aurait du mal à se cacher là. Pas la cachette idéale dans laquelle attendre le petit jour, il lui fallait trouver autre chose.

Après un moment à attendre sans bruit, Narmegil se décida enfin à bouger. L'escalier par où il était venu menait au toit du château (haut), qui ne l'intéressait guère, et à une salle de garde (bas) juste à côté de la chambre où se trouvait Isis. Cette issue était donc bloquée ou délicate à gérer. Mais l'espion des Tarmas, "œil de renard", s'il avait parlé des pièces et voies d'accès, avait pu omettre certains détails, ou lui-même avait pu oublier certains de ces détails. Il se décida donc à explorer un peu l'étage, en espérant trouver une issue ou quelque chose d'intéressant.

La porte en face de lui devait donner sur un salon privé, celle de droite sur la chambre du seigneur Tarma. Justement, en la regardant bien, par-dessus le lit occupé et le serviteur endormi, il remarqua qu'un peu de lumière filtrait sous la porte. Le vieux Finralin semblait éveillé, et aux très faibles bruits de voix, il ne semblait pas seul. Mieux valait oublier l'endroit, et se concentrer sur la porte en face. Tout doucement, sans bruit, le Dúnadan s'avança dans la pièce jusqu'à la porte du salon. Après l'avoir ouverte, il se glissa dans la grande pièce.

Une grande fenêtre ouverte - mais avec des barreaux - laissait entrer la lumière des étoiles de cette fin de printemps. La lune était invisible, la fenêtre donnant au nord. Et puis c'était pratiquement la nouvelle lune de toute façon. Mais Narmegil parvint à distinguer trois portes sur le mur en face, et une à sa gauche, toute proche. Il s'en approcha sans bruit, vérifia qu'elle était ouverte, et se glissa à l'intérieur après avoir estimé qu'il n'y avait personne. Effectivement, c'était une chambre présentement vide d'occupant, même si le mobilier montrait qu'elle était occupée à l'occasion, et par quelqu'un d'important. Sans doute un membre de la famille retenu au loin. Ferenariel Tarma, fille aînée de Finralin, peut-être ?

Une fouille sommaire n'apporta rien de particulier, si ce n'est quelques cachettes possibles. En revanche, Narmegil pouvait sentir, grâce au bracelet des amoureux qu'il portait au poignet, qu'il se tenait juste au-dessus de sa belle : ils n'étaient séparés que d'un étage, quelques malheureux mètres, mais impossible de se retrouver ou même de communiquer - autrement que par des sentiments au moyen des bracelets. La fenêtre au nord comportait elle aussi des barreaux, impossible de passer par là. Sans casser quelque chose, bien entendu. Il était vraiment coincé, même s'il avait peu de chances de voir quelqu'un arriver - pour le moment. Mais les coqs n'allaient peut-être pas tarder à chanter...

2 - Pyromane
En bas, Sîralassë avait rejoint Isis dans sa chambre. La belle elfe avait pu suivre les tribulations et les émotions de son époux grâce à son bracelet des amoureux, mais ni elle ni le soigneur ne pouvaient trouver de solution au problème. La fenêtre du mur nord avait toujours les mêmes barreaux, bien trop étroits pour Narmegil. Si elle avait envisagé de rejoindre son amoureux en passant au travers, son état de femme enceinte - et au terme proche - lui rappela que la chose n'était pas vraiment possible dans l'immédiat.

Mais alors que son homme se tenait sur le plancher juste au-dessus d'elle, comme elle pouvait le sentir à l'aide du bracelet, elle eut une idée. Ayant passé la soirée avec le vieux seigneur Tarma, elle avait à peu près mémorisé son visage. Elle essaya alors de modifier les traits de Narmegil - visuellement seulement - malgré le plancher et la distance qui les séparaient. Le visage voire l'allure générale, son époux étant bien plus costaud que le vieux seigneur. Elle lança donc son sortilège d'illusion, mais sans pouvoir vérifier s'il avait bien fonctionné... et sans pouvoir en parler à son homme ! Mais cela pourrait lui être utile néanmoins.

Elle sentit qu'il se déplaçait, donc peut-être avait-il repéré le changement ? Mais il restait à l'étage et ne descendait pas. Elle se demanda alors comment faire diversion, de manière à écarter les gardes et lui permettre de la rejoindre plus facilement. Par la fenêtre, elle pouvait voir les bâtiments de la cour en bas, et notamment les écuries, le plus proche. Il avait un toit d'ardoises, mais la charpente et les murs étaient en bois. C'était à la limite de la portée de sa magie, mais en se collant contre les barreaux de la fenêtre et en tendant le bras vers le bas, elle arriva à lancer son sort : l'extrémité du toit des écuries s'enflamma brusquement.

Il n'y eut aucune réaction au premier abord. Petit à petit, les flammes gagnèrent du terrain, et la fumée réveilla certains chevaux, qui se mirent à hennir. Bientôt, des voix humaines se firent entendre dans les écuries et donnèrent l'alerte. Le bruit et la confusion augmentèrent très vite, d'autant que les chevaux commençaient à paniquer et cherchaient à tout prix à sortir. L'alarme fut donnée dans tout le château, et des gardes et serviteurs en sortirent pour prêter main-forte à ceux qui s'évertuaient à éteindre l'incendie, encore limité.

Après avoir entendu du bruit dans le couloir sur lequel donnait la porte de la chambre, l'elfe attendit un peu avant de sortir. Mais elle se trouva nez à nez avec deux gardes, qui expliquèrent qu'un incendie s'était déclaré à l'extérieur. La situation était sous contrôle, mais on les avait mis là pour s'assurer de leur sécurité, d'autant qu'une personne d'origine incertaine pouvait encore rôder dans la nuit. Et il ne fallait pas sortir pour éviter de gêner les secours. Isis referma la porte en réprimant un juron. Elle sentit que son homme descendait à l'étage par l'escalier qui donnait sur la salle de garde proche. Il devait être dans cette même pièce, à une extrémité du couloir. Mais comment allait-il faire pour passer ? Son sortilège d'illusion suffirait-il ?

3 - Retrouvailles
Narmegil avait tout de suite vu par la fenêtre l'incendie se déclarer, et il avait deviné ce qui l'avait causé. Aussi, il était vite revenu à l'escalier par lequel il était arrivé, toujours sans bruit - à force d'entraînement, il n'était pas si mauvais que ça. Ensuite, il laissa passer un peu de temps pour que les gens aient le temps de sortir afin d'aller lutter contre l'incendie des écuries. Du bruit chez le seigneur Tarma, et dans la pièce à côté (son serviteur sans doute), chez les gardes plus bas... Puis le silence se fit dans le château, les principaux bruits venant de l'extérieur.

Il descendit alors l'escalier jusqu'à l'étage en dessous, avec précaution. La salle de garde était ouverte sur une chambre - de gardes probablement - mais elle était bien vide. En revanche, la porte qui menait au couloir donnant sur la chambre de sa belle et lui laissait filtrer un peu de lumière ; des bruits de pas et de voix laissaient supposer que deux gardes restaient en faction dans le couloir. Voilà qui ne facilitait pas la tâche ! Si près et encore bloqué...

Narmegil et Isis étaient si proches et leurs émotions si fortes qu'ils pouvaient lire dans le cœur l'un de l'autre comme si c'étaient des livres ouverts en plein soleil de midi. Devant la frustration et l'interrogation de son époux, la belle elfe lui envoya confiance et volonté de rapprochement. Elle était persuadée que son sortilège d'illusion lui permettrait de passer sans mal. Le Dúnadan, n'ayant aucunement perçu la modification magique de son apparence, avait bien du mal à comprendre quelle était la source de cette confiance qu'on lui envoyait. Il l'entendit alors chanter, un chant connu mais légèrement modifié, où là encore il était question de confiance et de rapprochement, et il se décida.

Il ouvrit donc la porte et s'avança sans hésitation ni précipitation. Une torche, dans sa torchère, jetait une faible lumière qui aida à tromper les deux gardes. Après un moment d'hésitation, ils accueillirent le nouveau venu avec déférence, l'appelant "seigneur". Aussi Narmegil, qui se doutait de quelque chose dans le genre, comprit-il que sa moitié avait utilisé sa magie sur lui, même s'il ne savait pas bien comment. Il parla aux hommes d'une voix ferme, disant qu'il souhaitait parler à ses invités, et il entra sans attendre une quelconque réaction. Il lui parut bien percevoir une certaine hésitation chez les deux gardes, d'autant que ces derniers avaient eu du mal à reconnaître leur vieux seigneur dans un corps aussi musclé et dynamique ! S'il n'y avait pas eu le visage...

Après la joie des retrouvailles, Isis expliqua brièvement à son homme la situation, et elle lui demanda d'envoyer les gardes aider plus bas. Ainsi ils penseraient peut-être à autre chose qu'aux doutes qui risquaient de germer dans leur tête, et eux-mêmes auraient les coudées franches s'il fallait se déplacer. Et en plus, personne ne serait témoin que le seigneur Finralin Tarma n'avait jamais quitté la pièce ! Narmegil sortit donc brièvement en imitant très bien la voix du vieux Dúnadan, et il ordonna aux hommes de descendre aider. Ils protestèrent, mais il se fit plus ferme et dit qu'il allait en appeler d'autres, et ils partirent sans discuter.

4 - Incendie
En haut des écuries, au-dessus des box où reposaient les chevaux, tout était calme et les garçons d'écurie dormaient tranquillement, de même que leurs invités. La première, Vif fut réveillée par des bruits que son ouïe très fine venait de percevoir : les chevaux semblaient éveillés et nerveux, à l'extrémité des écuries. Cela finit par réveiller Geralt également, tandis que Drilun dormait du sommeil du juste qui a du retard à rattraper. Mais les chevaux commençaient à hennir et leur inquiétude finissait par gagner toute l'écurie. Alors que Vif et Geralt descendaient voir ce qui se passait, les garçons d'écurie commencèrent à se réveiller sous les hennissements de peur de plus en plus forts.

L'odeur de brûlé et la lumière du feu à l'extrémité du bâtiment furent bientôt perçus, et la Femme des Bois donna l'alerte, tandis que les chevaux les plus proches du début d'incendie commençaient à paniquer. L'assassin et elle se mirent à ouvrir les portes des stalles pour permettre aux pauvres bêtes de s'enfuir, ce dont elles ne se privèrent pas. Elles leur foncèrent même dessus, prenant la voie la plus directe vers la sortie proche - les doubles portes que les garçons d'écurie commençaient à ouvrir. Geralt esquiva un cheval, tandis que Vif préféra sauter à l'encolure d'un autre, qui l'emporta sans mal et hors de tout danger de piétinement.

Le mur sud, où l'incendie avait débuté, commençait à bien brûler, et une chaîne humaine se fit très vite entre le puits et l'incendie. Des échelles furent amenées au plus près des flammes, et des seaux d'eau furent jetés pour essayer de ralentir voire d'éteindre le feu. Feu qui progressait très lentement, et dont les flammes restaient plutôt petites. Il faut dire que Drilun y consacrait toute sa concentration magique, gagnant là une certaine fatigue. Mais les gens autour de lui avaient du mal à comprendre pourquoi il réagissait si lentement et ne mettait pas plus d'énergie à transporter les seaux...

Le mur sud fut bientôt éteint, mais l'incendie du toit continuait à progresser, il fallait monter dessus pour attaquer les flammes qui passaient à travers les ardoises, alors que l'intérieur était trop chargé de fumée pour pouvoir entrer. La rôdeuse montra ses talents de gymnaste en grimpant sans mal sur le toit, tandis que Geralt la suivait un peu plus lentement, avec l'aide d'une échelle. Après avoir réalisé un nouveau sort pour assainir l'air et empêcher que les fumées les étouffent, le Dunéen grimpa également pour voir les flammes et les attaquer magiquement elles aussi.

Diminuées magiquement et attaquées par des seaux d'eau, les flammes finirent par reculer petit à petit et l'incendie put être maîtrisé après peut-être une demi-heure d'efforts. Les trois invités avaient été la cheville ouvrière de ce sauvetage, tous les trois aux premières loges. Drilun avait un mal de crâne carabiné et des douleurs dans tout le corps suite à sa concentration et à ses efforts, et ses amis avaient bien sué également, bien que de manière bien moindre. Çà et là, quelques personnes avaient souffert de petites brûlures ou de blessures données par les chevaux paniqués qu'il avait fallu maîtriser, mais rien de grave. Et les écuries pourraient sans doute être vite réparées. Mais pour l'instant il n'était plus question d'y dormir, au grand dam de l'assassin aux cheveux blancs.

5 - Repos et sécurité
Même peu blessées, les quelques personnes souffrantes réclamaient des soins, et c'est tout naturellement qu'une personne du château alla s'enquérir du soigneur elfe. Celui-ci n'étant pas dans sa chambre, la personne frappa en face, à la chambre de Narmegil et d'Isis. Où se trouvait également Sîralassë, qui avait décidé de se reposer depuis un moment déjà : il était dans les bras de Morphée, sous l'effet d'un profond sommeil magique et récupérateur, mais d'où il était bien plus difficile de le tirer qu'un simple endormissement.

Devant la demande de soins, le Dúnadan - qui avait repris son apparence normale - déclara que le soigneur ne pouvait être dérangé mais qu'il pouvait le remplacer pour les petites blessures. Il descendit donc avec l'homme et passa un bon moment à calmer les douleurs et à rassurer. Ce qui ne remplaçait pas la nécessité de se reposer pour que les soins agissent : Drilun, faute de meilleure place et complètement épuisé, trouva un coin au calme où il put se pelotonner et s'endormir, contre un mur, entre deux bâtiments. Geralt, lui, en grand manque de sommeil, monta une tente non loin et s'endormit derechef. Mais Vif resta attentive et prête à aider.

Alors que son rôle était terminé et qu'il pensait rentrer, Narmegil vit venir à lui quelques gardes. Le chef d'entre eux lui apprit que son épouse la réclamait, et qu'il venait pour l'amener à elle. En effet, suite aux troubles de la nuit qui laissaient supposer un attentat, et vu qu'une personne non identifiée courait toujours, le seigneur Tarma avait pris soin de changer Isis de chambre. Elle avait donc été placée en un autre lieu plus facile à surveiller et à protéger, pour son bien. Lieu vers lequel le garde allait emmener le grand Dúnadan.

Ce dernier objecta que son épouse avait besoin de certaines affaires que la Femme des Bois allait apporter, et cette dernière en profita pour prendre diverses choses. Puis elle suivit son ami, avec un certain pressentiment. D'après ce qu'elle avait pu voir ou apprendre, Sîralassë, Drilun et Geralt dormaient, chacun dans un coin, et Isis était on ne savait où. Et il s'était passé pas mal de choses louches pendant la nuit. Et les Tarmas étaient en position de force, et chez eux. La lumière du jour commençait à éclairer le château, mais le petit pont-levis était resté levé, "par mesure de sécurité". Hum...

Après avoir baissé le pont-levis, les gardes laissèrent entrer les deux amis, qui découvrirent bientôt de nombreux gardes dans l'entrée. Barfindil Tarma, petit-fils et héritier du vieux seigneur Finralin, était là pour parler encore de sécurité. Narmegil et Vif furent conduits au sous-sol, qu'ils connaissaient déjà un peu, accompagnés par une vingtaine de gardes. Ils allèrent jusqu'à une porte qu'ils n'avaient pas ouverte dans leur expédition de la nuit. Porte qui menait à des petites pièces bien gardées et qui faisaient furieusement penser à des cellules de prison. On demanda - fermement - au Dúnadan d'entrer dans une de ces pièces, mais Vif voulut rester auprès de son ami. Puis il leur fut dit que la dame Isis allait être amenée.

La porte fut ensuite fermée et verrouillée, les deux amis restant dans cette petite cellule de moins de deux mètres sur trois. Elle comportait un lit, une petite table et un tabouret. Elle était juste éclairée par une bougie sur la table, à côté d'un peu de boisson et de nourriture. La Femme des Bois renifla le vin et la nourriture avec méfiance. Si l'alcool ne sentait rien de spécial, en revanche, la nourriture avait une nette odeur de "marchand de sable", un puissant somnifère. D'ailleurs, en faisant attention, il semblait à Vif qu'elle entendait une personne dormir paisiblement dans la pièce à côté de la leur...

6 - Prison
Il s'agissait bien d'Isis. Peu de temps auparavant, pendant que son époux soignait au pied du château, Barfindil Tarma était venu frapper à sa porte avec plusieurs gardes. Avait-il eu vent du départ des gardes et de la supercherie du faux Finralin ? Il n'en toucha mot, mais parla juste de sécurité et du nécessaire déménagement dans un autre quartier du château. Et il avait été suffisamment clair et ferme pour que la belle elfe comprenne qu'elle n'avait pas le choix. Elle avait bien protesté et demandé à ce que son époux la rejoigne au plus vite, ce qui lui fut garanti. Puis elle avait suivi l'héritier Tarma et les gardes jusqu'à une petite cellule de la prison.

Comme celle de Narmegil, la cellule avait été récemment nettoyée et équipée - c'était une cellule de luxe, pour invités de marque ! Mais cela restait une prison... De la nourriture et du vin se trouvaient sur la table, mais Isis était méfiante : elle laissa le vin de côté, mais se laissa tenter par la nourriture. Bientôt, elle dormait profondément, sans pouvoir percevoir l'arrivée proche de son homme ni celle de ses autres amis. Son époux la rejoignit bientôt au pays des songes, car il estima qu'il n'avait rien de mieux à faire que de dormir. Aussi mangea-t-il lui aussi, et le somnifère fit bientôt son effet.

Profondément endormi, Sîralassë fut le suivant sur la liste. Lui aussi bénéficiait d'une cellule de marque, à côté de celle d'Isis. Mais il ne la découvrit que deux heures plus tard, lorsqu'il s'éveilla, surpris, sur ce nouveau lit. Mais il fut vite renseigné par Vif, qui ne dormait pas, d'autant que les gardes les laissaient échanger entre eux voire répondaient eux-mêmes aux questions. L'elfe noldo, furieux, exigea de pouvoir parler aux seigneurs Tarmas, et il promit pis que pendre à ces derniers, et le courroux des elfes sur leur maison.

Si Drilun, sous l'effet lui aussi d'un sommeil magique, fut facile à transporter en prison, Geralt était plus perceptif et il arriva à vaincre le sommeil magique que son ami lui avait fait pour mieux récupérer. Il s'éveilla bien assez tôt pour comprendre de quoi il retournait, mais il vit qu'il n'avait pas vraiment le choix, et dut se résigner à suivre les gardes. Non sans avoir au préalable réussi à cacher une dague sur lui. De toute manière, les Tarmas ne les avaient pas fait fouiller, et Narmegil, qui avait emmené sa lance elfique avec lui même pour faire des soins, avait pu l'emporter dans sa cellule.

L'archer-magicien et l'assassin aux cheveux blancs étaient installés dans une cellule un peu à part. Plus grande, elle était moins confortable, sans lumière ni eau ou nourriture, avec juste trois paillasses et les habituels pots de chambre présents également dans les autres cellules. La pièce avait sans doute aussi été prévue pour Vif - cela correspondait aux trois "serviteurs" - mais comme cette dernière n'avait pas voulu se séparer de Narmegil en arrivant... Ce qui fit jaser certains gardes par la suite : à défaut d'épouse, le Dúnadan avait tout de même réussi à obtenir un "lot de consolation" !

7 - Discussions et réflexions
A divers moments, qu'il soit appelé ou de manière spontanée, Barfindil Tarma vint répondre aux questions et accusations. Son discours restait toujours le même : les aventuriers étaient enfermés "pour leur bien", afin de garantir leur sécurité. Face aux accusations de violation des lois et aux menaces de châtiment lorsque le roi serait au courant, il répondit qu'il espérait bien que le roi serait informé le moment venu et qu'il trancherait. Ce qui fit craindre à certains que le roi soit amené à Tarmabar pour tomber dans un guet-apens. Plusieurs pensèrent aussi que si le roi changeait et devenait l'un des Tarmas, la sentence était courue d'avance...

Le seigneur Tarma mettait aussi en avant le bien des peuples libres et la lutte contre Angmar. Il se disait persuadé que l'histoire lui donnerait raison, et que la chute d'Angmar était à leur portée et valait bien qu'on casse quelques œufs - les œufs de ceux qui ne comprenaient pas où était le salut du royaume. Et il dit aussi que ses "invités" étaient loin d'être tout blanc également : il laissa clairement entendre que leurs manigances n'étaient pas vraiment passées inaperçues. Oui, le roi aurait bien des éléments pour assoir son jugement, et trahir la confiance de ses hôtes n'était pas une petite histoire... En attendant, les prisonniers pouvaient profiter de la situation : ils avaient dormi, eux !

Narmegil employa aussi son temps libre, une fois réveillé et reposé, à parler avec les gardes. Ce n'étaient pas de simples gardes, mais plutôt des chevaliers Tarmas : une petite noblesse de guerriers plutôt aguerris, bien éduqués, et fidèles aux Tarmas, comme autrefois Aradan Marwen. Ils parlaient le sindarin et l'un d'eux au moins comprenait le quenya, et sans doute la plupart des langues parlées par les prisonniers - du moins les langues qu'ils étaient plusieurs à partager. Dans ces conditions, il était difficile d'échanger entre prisonniers sans avertir leurs geôliers. Geôliers qui étaient très corrects et les laissaient discuter ou chanter, ou subvenaient à leurs besoins.

Le noble Dúnadan parla ainsi de choses et d'autres avec les chevaliers. Il remarqua que ces derniers étaient relevés assez fréquemment, mais c'étaient toujours les mêmes qui revenaient. Ils ne devaient pas être si nombreux à être dans la confidence, mais quelques dizaines cela faisait quand même du monde. Également, malgré la confiance affichée, il sentit que les hommes étaient tout de même étonnés voire troublés par les décisions de leurs seigneurs. Ce devait être la première fois que les geôles du château servaient pour des elfes...

Mais le temps passait, et laisser le champ libre aux Tarmas n'était pas dans les projets de Narmegil ou ses amis. Si Isis et Sîralassë étaient isolés, les autres pouvaient échanger discrètement à deux, et les époux pouvaient s'envoyer des émotions grâce à leurs bracelets. Et par leur magie ou leurs compétences, ils savaient tous bien que ce ne seraient pas quelques malheureuses portes de prison qui les arrêteraient. En revanche, les chevaliers Tarmas qui veillaient sur eux étaient un autre problème : ce n'étaient que des exécutants, à leur manière innocents. Si certains, comme Vif, ne se sentaient aucunement tenus de les ménager, il n'en était pas de même pour tous. Les Tarmas étaient des alliés, et tout ce qui leur nuirait ferait l'affaire d'Angmar.

8 - Evasion
Mais la tension grandissait, et tous sentirent que l'instant était proche. Chacun prépara qui sa magie, qui ses sens, ses outils ou ses compétences. Ce devait être la nuit sans doute, bien qu'il était difficile d'en juger sauf par les conversations des gardes. Les prisonniers avaient eu le temps de se reposer, et certains avaient même pu bénéficier des soins de Sîralassë : ils avaient été transférés dans sa cellule sous bonne escorte à chaque fois. A défaut d'un moral extraordinaire, ils étaient plutôt en forme. Et tout d'un coup, toutes les lumières des torches ou lanternes s'éteignirent d'un coup dans le couloir de la prison - voire ailleurs.

C'était la conséquence d'un sort d'Isis. Suffisamment prévenu, son époux avait préparé sa magie pour aider à briser sa porte de cellule d'un coup de lance elfique. De leur côté, Isis et Drilun utilisaient leur magie pour déverrouiller leur porte. Les trois cellules "haut de gamme", sans doute parce que les occupants étaient considérés comme les plus dangereux, étaient également bloquées par une barre métallique, mais celle où reposaient l'assassin et l'archer-magicien n'en comportait pas. Elle fut la première à s'ouvrir, dans le noir, mais elle fut vite repoussée par des gardes. L'elfe magicienne, de son côté, faisait glisser magiquement la barre de son emplacement. Pendant ce temps, les gardes donnaient l'alerte à tue-tête.

La suite fut plus confuse : tandis que Narmegil sortait dans le couloir et utilisait le bâton de sa lance pour faire place nette, dans le noir le plus complet, son épouse enflammait les habits de son gardien. Le pauvre homme hurla et consacra toute son attention, avec l'aide d'un autre garde, à éteindre les flammes. Drilun, tenté d'en faire autant, ne put s'y résigner : il se dit que passer cette frontière un jour c'était aussi prendre goût au pouvoir, et du coup il hésita et ne fit rien de tel. Qui sont les alliés, qui sont les ennemis, peut-on justifier des sacrifices pour tenter de contrer un complot ? Pas facile de conserver ses valeurs dans un pareil contexte, surtout quand il semble plus facile de faire place nette par la force, ou la magie, tellement addictive.

Mais Isis profitait de la confusion et arrivait à se faufiler dans le couloir et à ouvrir la porte de Sîralassë. Ce dernier, en lutte contre un des gardes lorsqu'il voulut sortir, dans l'obscurité revenue, donna un coup de tabouret sur la mauvaise personne - Isis - heureusement sans grand mal. De son côté, Geralt avait réussi à repousser les gardes grâce à un coup du pommeau de sa dague à travers le judas de la porte. Après quoi il put se glisser dans le couloir en direction de la porte de la prison. Il planta même sa dague dans un pied à sa portée, et les hurlements grandissants de l'homme lui rappelèrent que l'ancien propriétaire de l'arme l'avait empoisonnée, avec une substance mortelle et très rapide dont il avait failli faire les frais, autrefois...

Quant à Vif, elle s'était transformée en un demi-félin, plus à même de se débrouiller dans un tel environnement. Ses sens exacerbés lui permettaient de se repérer assez facilement et surtout de repérer les personnes présentes et leur identité. Elle escalada un mur pour éviter toute l'agitation et se rapprocher de la sortie. Sortie qui était bien fermée, mais que son ami dúnadan transperça de sa lance quand il sentit qu'il y était arrivé. Quant aux gardes, après une grande confusion au début, ils se tenaient contre les murs ou dans les coins, sur la défensive, silencieux. Sauf celui qui hurlait de plus en plus fort, comme promis à une mort proche si rien n'était fait.

Du coup, une conversation fut entamée, et Isis fit une aura lumineuse autour d'elle pour apporter un petit remède à la cécité ambiante. Le soigneur se précipita pour soigner le blessé et arrêter le poison qui courrait dans ses veines. Les gardes et les aventuriers se tenaient non loin les uns des autres, méfiants, et personne ne voulut baisser les armes. Aucun des gardes ne croyait à une évasion possible : selon eux, la porte de la prison était bloquée de l'autre côté par des meubles et autres affaires, il ne serait pas possible de sortir comme cela. Et l'issue était gardée par une dizaine de personnes, et sans doute bien plus dans très peu de temps, si ce n'était pas déjà le cas...
Modifié en dernier par Niemal le 30 septembre 2012, 19:37, modifié 6 fois.
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Tarma - 5ème partie : fuite et complot

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1 - Un allié chez les Tarmas
Le blessé une fois soigné, la situation n'avança pas d'un pouce : les gardes se tenaient prêts à une dernière offensive, et leur honneur semblait plus important que leur vie. Et eux avaient des armes, alors que les aventuriers n'en avaient récupéré que quelques-unes - lance ou épée courte (eket) - sans compter la lance de Narmegil ou les griffes de Vif. Et c'étaient des guerriers plutôt endurcis à affronter, pas de simples orcs. Armé d'une seule épée courte, Geralt, qui surveillait les gardes et se tenait le plus près d'eux, ne se sentait pas vraiment rassuré. Il avait beau être très rapide et connaître les points faibles des humains, l'issue d'un combat était loin d'être certaine. Et en plus ces gens-là ne faisaient que leur boulot, ils avaient tous un ennemi commun qui se délecterait des blessures qu'ils s'affligeraient les uns les autres...

A l'aide d'un sort, Isis chercha à déterminer ce qui les attendait de l'autre côté de la porte de la prison. Elle eut la surprise de sentir la présence de onze personnes... essentiellement en position allongée ! En fait, une seule personne était debout et se déplaçait, tandis que dix autres semblaient dormir. Ce qui fut bientôt confirmé par Vif : elle entendit puis vit qu'une personne déblayait les obstacles devant la porte - en fait des caisses pleines de tissu ou autres - tandis que dix autres gardes ronflaient par terre à côté de restes de boisson ou de nourriture. Peut-être était-ce un piège, mais tout portait à croire que quelqu'un avait drogué les Tarmas et était en train de leur prêter main-forte...

Une fois la voie dégagée, et alors que l'assassin aux cheveux blancs voyait les muscles des gardes se tendre, prêts à passer à l'action, une voix se fit entendre. Elle ressemblait à la voix de Barfindil Tarma, pourtant la demi-féline voyait bien qu'il s'agissait du garde qui avait déblayé la voie. L'homme déclara d'une voix assez forte pour que tous entendent que Narmegil et ses compagnons n'avaient aucune chance de s'évader et que nombreux étaient les gardes à les attendre. Il leur ordonnait donc de sortir l'un après l'autre, tout en recommandant aux gardes de la prison de patienter et de se tenir à l'écart. Ces derniers firent comme il leur était demandé, d'autant que la faible lumière et la distance ne leur permettaient pas de voir ce qui se passait réellement.

Les aventuriers firent donc comme demandé : ils sortirent l'un après l'autre, après quoi le même homme ordonna aux gardes restés dans la prison de patienter un peu, le temps d'accompagner les prisonniers dans un autre endroit. Ces derniers, toujours dans l'obscurité, d'autant que l'aura lumineuse des elfes ne les éclairait plus, ne virent pas que les caisses étaient remises discrètement en place par le garde et les soi-disant prisonniers... Puis le faux garde, qui se révéla être le chef des espions, "œil de renard", emmena le groupe en direction du passage secret de la crypte. Tout en recommandant à tous d'être les plus discrets possible : ils passaient près d'un escalier avec un dortoir de gardes à l'étage juste au-dessus. Mais tout se passa bien.

La Femme des Bois fit tout de même un crochet par les caves non loin, avec une gourde récupérée dans les entrepôts. En effet, elle n'oubliait pas qu'il fallait récupérer le vin frelaté comme preuve possible du mal qui affectait les Tarmas. Puis, après être passés dans le faux caveau, tous se retrouvèrent dans l'antichambre du tunnel qui menait hors du château. Avec le matériel de première nécessité qui se trouvait là - armes, armures, nourriture... - les personnages se rééquipèrent. Ils laissaient en effet derrière eux toutes leurs possessions, certaines de très grande valeur, comme les armures de peau de dragon. Mais ils n'avaient guère le choix, d'autant qu'ils avaient entendu les gardes s'impatienter et pousser des cris alors qu'ils fermaient la porte du caveau.

2 - Fuite et décision
En chemin, le chef des espions apprit à ses obligés qu'il avait eu vent de leurs mésaventures dans la journée, en venant au château. Mais c'est un elfe, venu chez lui en soirée, qui l'avait convaincu de venir les aider. Un certain Niemal, qui lui avait dit qu'il savait qui il était - grâce à l'espionnage d'une chouette - et qui l'avait convaincu d'agir pour le bien du royaume. Après s'être déguisé en garde, œil de renard avait pu endormir ceux qui attendaient devant la prison, grâce à du somnifère donné par le même elfe. Il avait été surpris de la tentative d'évasion en cours - il comptait droguer aussi les gardes de la prison - mais finalement cela ne s'était pas mal passé. Sauf que dorénavant le château devait être au courant. Des poursuites auraient certainement lieu bientôt, il fallait que les aventuriers partent le plus vite possible, et oublier toute recherche ou diplomatie sur les terres des Tarmas.

La sortie gardée par des épineux vigoureux fut négociée sans grand mal, et tous se retrouvèrent dehors... face à Niemal, qui les attendait, un ours à ses côtés. Les plus perceptifs sentirent également une odeur d'ail. L'elfe s'était effectivement couvert d'ail des ours et il en fournit à tous, précisant que des chiens auraient plus de mal à remonter leur piste ainsi. Et l'ours les accompagnerait, marchant sur leurs traces, pour garantir que les chiens prendraient d'autres routes. Déjà, des lumières et cris venant de la direction de Tarmabar montraient que la poursuite avait commencé. Mais avant de partir, les personnages discutèrent avec Niemal de ce qu'ils avaient appris et de ce qu'il convenait de faire à présent.

L'elfe fit un rapide bilan : en fait, les Tarmas ignoraient encore la portée exacte de ce que les aventuriers avaient trouvé. D'ailleurs, ces derniers n'avaient pas vraiment de preuve, en dehors des messages du chef des espions. Tarmas et Ekettas n'avaient donc aucune raison de modifier leurs plans... à condition que Narmegil et ses amis disparaissent un moment de la circulation, et surtout ne se montrent pas en compagnie du roi. Mithrandir avait un plan pour soigner les Tarmas et Ekettas, mais pour cela il fallait les faire sortir de chez eux. Et donc les laisser réaliser leur coup d'État !

La famille royale était prévenue et semblait d'accord avec cette proposition. Néanmoins, si les mains du roi étaient celles d'un guérisseur, le magicien comptait plutôt sur les talents bien plus développés de Sîralassë pour vaincre le mal dont les nobles Dúnedain étaient affectés. Restait aussi à savoir exactement où les événements auraient lieu, afin de permettre au soigneur noldo et à ses compagnons de préparer une embuscade, là même où les Tarmas et Ekettas comptaient tendre un piège au roi Argeleb et à sa famille. Mais cette information n'avait pas été découverte. Le soigneur de l'équipe suggéra de demander aux voyants d'Arthedain - du moins ceux qui étaient fiables - afin d'en savoir plus. Ce qui fut jugé une bonne idée par Niemal.

Les bruits s'approchaient, le temps était compté. L'ami des aventuriers leur conseilla de prendre plein nord : la frontière des terres des Tarmas n'était qu'à une bonne heure de marche, alors que les gardes et leurs maîtres chercheraient plutôt à l'est ou au sud, en direction de la Comté ou de Fornost. Cela faisait faire un large détour par le nord du Lac du Crépuscule (Nenuial) pour retrouver une route qui amènerait aux environs de Fornost, mais en deux semaines, cela semblait jouable. Niemal, lui, restait sur place : Ferenariel Tarma, avait-il appris, devait arriver dans la journée, et il espérait pouvoir la surprendre et lire dans son esprit, ou ceux d'autres personnes, quelques précieux renseignements.

Avant de se quitter, l'elfe leur recommanda d'aller voir Narathiel Bethgond, chef de la famille Noirin. Elle avait déjà aidé Narmegil et ses amis par le passé, et Niemal leur apprit également que cette puissante femme était aussi une confidente de la reine et que c'était une personne de confiance. Son château, Dol Noirin, était à deux-trois jours de marche plein nord, au sommet d'une colline, mais Narmegil saurait sans doute la trouver. Enfin, ils se séparèrent tous, après avoir convenu d'un rendez-vous trois jours avant loëndë - soit dans onze jours - au nord de Fornost Erain. Et Niemal emmena avec lui l'outre de vin pour l'analyser.

3 - Terres d'Arthedain - vers le nord
La traversée des terres des Tarmas, de nuit, ne posa aucun problème, malgré les chiens et les compagnies de gardes et villageois lancés à leur poursuite. D'une part, ces derniers cherchaient plus à l'est et au sud, d'autre part, les chiens sentaient surtout l'odeur d'un ours et ils n'amenèrent donc personne à chercher dans leur direction. De plus, c'était la nouvelle lune, et il ne fallut pas une grande discrétion pour passer inaperçu. Et c'était tant mieux pour Isis, que son gros ventre gênait de plus en plus et empêchait d'être aussi discrète qu'elle l'aurait voulu.

Après une bonne heure environ, l'ours appelé par Niemal quitta brusquement l'équipe, tandis que les bruits et lumières des recherches s'éloignaient de plus en plus. Le groupe était sans doute entré sur les terres de la famille Hyarr, la plus riche des grandes maisons nobles de l'Arthedain. Le chef de famille, Caramir Glossarn, avait la réputation d'être l'homme le plus riche du royaume. Il n'appréciait pas particulièrement les Tarmas ou Ekettas et s'opposait à eux en conseil, mais l'homme n'était pas forcément aussi fiable que sa voisine du nord et chef de la famille Noirin.

Afin de passer le plus possible inaperçu, l'équipe décida de ne voyager que de nuit, et dans les zones les plus désertes - collines et landes plutôt que plaines et vallées. Le groupe avait emporté des biscuits de voyage trouvés dans l'antichambre du passage secret de Tarmabar, mais ils ne servirent guère : le milieu était assez riche et la période - fin du printemps - idéale. De plus, la Femme des Bois, sous sa forme demi-féline, était particulièrement douée pour trouver des plantes comestibles et pour chasser des oiseaux et rongeurs de toutes sortes. Il ne fallait pas faire de feu pour les consommer, ce qui ne la gênait aucunement ; mais sa manière de croquer goulûment ses proies tièdes et saignantes dérangea certains de ses compagnons, qui se contentèrent de fruits et racines le plus souvent.

Guidés par Vif pour son aisance dans la nature - en particulier de nuit - et par Narmegil pour sa connaissance de la région, les aventuriers remontèrent une chaîne de collines, puis une autre, sans être aucunement inquiétés ou semble-t-il repérés. Après les terres de la famille Hyarr, ils arrivèrent sur celles de la famille Noirin et poursuivirent leur progression vers le nord. Enfin, après trois nuits à progresser ainsi, ils arrivèrent dans les environs de Dol Noirin vers la fin de la nuit. Le château, sorte de petit donjon, se tenait au sommet d'une colline, au bas de laquelle un village était niché.

Restait à contacter Narathiel en étant vu du moins de monde possible. Grâce aux sorts des deux magiciens du groupe, Isis et Drilun, deux émissaires maquillés ou magiquement grimés allèrent frapper à la porte du château. Ils réussirent à convaincre le gardien de prévenir sa maîtresse malgré l'heure avancée, maîtresse qui accepta de les recevoir. La vieille dame les accueillit sans montrer de peur ou de méfiance et accepta d'aider, et de manière à ce que le minimum de gens soient au courant de leur présence. Bientôt tout le groupe fut installé à Dol Noirin et put se laver, manger et se reposer dans des draps propres.

4 - Terres d'Arthedain - vers l'est
La vieille Dúnadan se montra une hôtesse très attentionnée, sans doute un peu flattée d'être mise dans la confidence. Elle fit son maximum pour aider le groupe : jugeant que la distance qui restait à parcourir était plus que conséquente pour le temps restant, elle fournit, en plus d'équipement divers, des chevaux à ceux qui le désiraient. Elle posa la question de la participation d'Isis à cette aventure, vu son état, mais cette dernière refusa de rester en arrière. En revanche, chevaucher lui était de plus en plus difficile, mais se tenir en croupe d'un autre cavalier lui paraissait plus facile. L'équipe reprit donc le chemin dès la nuit suivante avec cinq montures.

La route restante était effectivement fort longue : il fallait aller à l'est et légèrement au nord, entre autres à travers les terres des Ekettas près du lac Nenuial ; puis franchir la rivière au nord qui se jetait dans le lac. Il ne restait plus ensuite qu'à aller plein est vers les Hauts du Nord (Tyrn Formen), cette chaîne de collines qui hébergeait Fornost Erain, la capitale, à son extrémité sud. Il n'y avait qu'une vaste plaine entre Nenuial et Tyrn Formen, plaine facile à traverser mais où il était facile de se faire repérer également. De plus, les nuits étaient maintenant très courtes, le solstice d'été approchant, ce qui limitait la durée du voyage effectif - au grand bonheur de Geralt.

Le voyage reprit donc, mais à cheval cette fois-ci. Il n'était pas évident de chevaucher de nuit, hors de tout chemin, dans des zones en partie escarpées. Aussi Drilun passa-t-il une bonne partie de son temps la tête en bas, attaché à son cheval, faute de savoir rester dessus assez longtemps sans tomber. A un moment le temps se gâta un peu, ce qui facilita en fait la progression : plutôt que de rester en haut des collines, le groupe descendit sur les rives du lac et prit les chemins qui allaient d'un hameau à l'autre. En effet, le temps les masquait suffisamment pour ne pas craindre de se faire repérer, de nuit.

La rivière au nord du lac fut franchie à la nage, sur les chevaux - l'occasion pour le Dunéen de s'entraîner à retenir sa respiration. Le reste du trajet vers l'est - et un peu vers le sud - ne posa guère de problème tant qu'il était nocturne. C'était en effet l'époque des moissons, et les fermiers ne quittaient les champs qu'à la nuit tombée. Sans doute les six amis laissaient-ils quelques traces, mais ils ne furent pas inquiétés pour cela et ils ne pensèrent pas avoir été repérés et encore moins identifiés.

L'équipe arriva donc aux Tyrn Formen (les Hauts du Nord) et se rapprocha de Fornost qui était plus au sud. Jusqu'à trouver un endroit approprié, une grotte dans les collines, assez grande pour les héberger tous et les masquer à la vue de tous. Niemal leur avait annoncé qu'il les retrouverait s'ils chevauchaient ouvertement de nuit, et effectivement Vif avait repéré un hibou qui les avait suivis un moment avant de repartir vers le sud, une fois leur campement établi. La nuit suivante, le même oiseau refit un passage bref avant de s'éclipser, annonçant probablement une visite prochaine.

5 - Plan d'action
Et la visite ne mit pas longtemps à arriver : comme prévu, Niemal fut là peu après, accompagné de deux elfes et d'un Dúnadan, membre de la garde royale. Sans s'embarrasser de courtoisies et longues présentations, l'elfe de la maison d'Elrond annonça que le chef des voyants, Tullam, avait pu déterminer où la tentative de coup d'État aurait lieu. Ce serait sur la route de Fornost à Annúminas, non loin de la ville de Rood, au niveau d'une auberge-relais adaptée aux caravanes et gros équipages. Un endroit idéal pour faire faire une pause à des troupes de cavaliers, comme prévu dans les déplacements du roi et de sa famille.

De leur côté, Mithrandir et Niemal avaient expertisé le vin des Tarmas. Il contenait bien une faible dose de Tue-l'Esprit, cette drogue qui amoindrissait les capacités intellectuelles et la volonté, mais trop peu pour affecter beaucoup, sauf peut-être à très long terme. En revanche, la boisson comportait également la marque de la magie, et le magicien soupçonnait que la drogue n'était là que pour rendre la personne affectée plus sensible à cette magie et à ses suggestions probables... Quoi qu'il en fût, Gandalf était en train de fouiller le Cardolan à la recherche du marchand Gilluin, seul pourvoyeur de ce vin.

Le roi était d'accord pour servir d'appât et tendre une embuscade aux comploteurs, afin de pouvoir les guérir grâce à la puissante magie de Sîralassë. Mais s'il jouerait le jeu jusqu'au bout, il tenait à bien préciser une chose : l'usage de la force ne servirait qu'en dernier recours, si d'autres méthodes ne marchaient pas, et en particulier la diplomatie. Tout devait inciter les nobles à se sentir sûrs d'eux, et Narmegil et ses amis ne devaient intervenir qu'au dernier moment, afin de prouver aux Tarmas et Ekettas que le roi n'avait rien contre eux mais qu'ils étaient les jouets d'Angmar. Et qu'Argeleb aurait pu les faire arrêter à tout moment.

En dehors de cela, les aventuriers avaient carte blanche : à eux de préparer le terrain, sachant que la date d'arrivée exacte des parades Tarma et Eketta n'était pas connue avec précision. Peut-être seraient-ils là un peu avant le roi et sa suite, peut-être arriveraient-ils plus ou moins en même temps, ou peut-être occuperaient-ils le terrain dès la veille au soir... impossible d'être sûr. Niemal viendrait avec eux, et les consignes les plus précises possibles devaient être données au garde présent, qui les transmettrait à qui de droit.

Il fut décidé d'aller occuper le terrain aussitôt que possible, d'anticiper les mouvements des Tarmas et Ekettas, et de se cacher là-bas pour attendre le bon moment pour intervenir. Niemal avait apporté une missive avec le sceau et la signature du roi, désignant Narmegil et ses amis comme chargés de mission pour la couronne. Tout citoyen d'Arthedain se devait de les aider et de faciliter leur tâche du mieux possible et sans poser de question. Ainsi, les aubergistes ne devraient pas être un obstacle et pourraient même s'avérer une aide précieuse.

Le Dúnadan et les deux elfes partirent bientôt avec quelques informations pour le roi, tandis que Niemal et les aventuriers se mettaient en chemin. La nuit était déjà bien avancée, mais ils arrivèrent à sortir des Hauts du Nord à la fin de la nuit. Après une longue et chaude journée à se reposer et à discuter, tous repartirent bientôt lorsque le crépuscule fut tombé. Niemal avançait à pied, mais il gardait la même allure que ses compagnons à cheval grâce à une chanson de marche elfique qui stimulait son corps et l'empêchait de se fatiguer. A la fin de la nuit, l'auberge-relais et le petit hameau attenant furent en vue.

6 - Préparatifs
Le groupe se camoufla derrière les arbres et fourrés qui bordaient une rivière proche. Par précaution, le plan qui fut appliqué commença par modifier les traits de Niemal pour qu'il passe pour un voyageur ordinaire et qu'il aille sonder magiquement les esprits des personnes de l'auberge. Ainsi il pourrait vérifier qu'aucun agent des Tarmas ou Ekettas n'était pas déjà présent. Ce qui fonctionna sans problème, et l'elfe de la maison d'Elrond revint en cours de matinée pour confirmer que les aventuriers étaient bien les premiers, et que tout semblait normal.

Le reste de la journée, tous restèrent cachés, afin de ne pas se faire remarquer par les nombreux paysans qui travaillaient les champs jusqu'au coucher du soleil. La fête des moissons approchait à grand pas, le temps était idéal, et il fallait achever toutes les récoltes dans le jour qui restait. Demain serait le début de la fête, qui durait trois jours, loëndë en étant le milieu. Le roi et sa suite devaient arriver peu avant le midi de loëndë, grande journée dédiée à Eru, au cours de laquelle le roi bénissait ses sujets. Mais les gens ne savaient pas par où il passait, et cela changeait chaque année.

Peu après la nuit tombée, alors que les lumières s'éteignaient vite au hameau, l'équipe alla frapper à la porte de l'auberge. C'était un bâtiment à trois ailes en forme de U dont le "fond" était au nord et comportait cellier, cuisines et pièce centrale, ainsi que les chambres des aubergistes à l'étage. L'aile ouest, la plus près du hameau, abritait des écuries ainsi que les latrines et une salle de bains ; l'aile est comportait les chambres pour les voyageurs, ainsi qu'une grande salle au rez-de-chaussée qui pouvait servir de salon privé, de salle de vente, de mariage, ou bien d'autres utilisations. C'était sans doute là que les Tarmas et Ekettas voudraient s'isoler pour parler au roi et à sa famille. A l'extérieur, des barrières délimitaient divers espaces où parquer des chevaux et charriots.

L'aubergiste fut surpris de voir ce groupe hétéroclite arriver, et encore plus lorsque l'ordre de mission royal lui fut présenté. Mais il ne fit aucune difficulté et montra beaucoup de bonne volonté face à toutes les demandes de l'équipe, qui fut hébergée dans les trois chambres du rez-de-chaussée juste à côté du salon privé de l'aile est. Le lendemain, devant les questions et les rapports à la discrétion et à la sécurité montrés par les aventuriers, il eut le pressentiment que le roi allait venir prochainement les bénir et que l'équipe présente était chargée de préparer sa venue et d'assurer sa sécurité ! Il se montra d'autant plus motivé à servir Narmegil et ses amis.

En plus de repérer les lieux et les cachettes et passages possibles, Sîralassë et Niemal utilisèrent une partie des cuisines afin de préparer une grande quantité de "marchand de sable". Ce puissant somnifère, dont l'équipe avait fait une abondante moisson auparavant, pourrait peut-être servir à endormir les Tarmas et Ekettas. S'ils étaient inconscients, la guérison ne poserait aucun problème. Et Niemal, expert dans l'art de préparer les herbes, saurait peut-être masquer le goût du somnifère aussi bien que Rob ou Coulemelle l'auraient fait...

Le roi avait décidé que sa suite ne participerait d'aucune manière aux échanges avec les Tarmas et Ekettas. Le chef de la garde royale était lui-même un Eketta, et si beaucoup de gens - mais pas tous - avaient confiance en lui, ils ne savaient pas très bien comment il pourrait réagir s'il devait prendre les armes contre sa propre famille. Il resterait donc avec quelques officiers dans la salle principale de l'auberge, et serait chargé seulement de veiller à ce que personne n'intervienne dans les tractations avec les comploteurs.

Les échanges comporteraient donc Barfindil, Ferenariel et Marl Tarma - le vieux Finralin ne devait pas participer au voyage - ainsi que Methilir Eketta, plus peut-être quelques chevaliers (fils ou neveux/cousins) des familles, d'une part ; le roi Argeleb et la reine Liriel, leur fils aîné Arvegil et leur fille Nírena, ainsi que le mari et les jeunes enfants de cette dernière, d'autre part ; et les aventuriers pour couronner le tout. Seuls le roi et son fils seraient armés, mais dans la mesure du possible les armes ne devaient pas chanter. De plus, le roi était quelqu'un de très capable, il savait se défendre selon Niemal. L'objectif restait de soigner les Tarmas et Ekettas sans verser une goutte de sang, et si possible discrètement.
Modifié en dernier par Niemal le 30 septembre 2012, 20:07, modifié 6 fois.
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Tarma - 6ème partie : surprise et guérison

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1 - Une scène sans coulisses
Si la bonne volonté de l'aubergiste et le calme de son établissement - aucun visiteur - faisaient de l'investissement de l'auberge une simple formalité, le bâtiment posait néanmoins problème. Selon toute vraisemblance, les Tarmas et Ekettas auraient besoin de s'isoler pour "convaincre" le roi d'abdiquer de manière discrète. Le salon privé, à l'extrémité sud de l'aile est, semblait la seule solution possible pour répondre à ce besoin. Grande pièce isolée, facile à verrouiller et à garder, un endroit difficile à espionner ou dans lequel intervenir rapidement... un peu trop difficile.

La pièce était un rectangle d'environ vingt pieds sur trente (six mètres sur neuf). Elle comportait une cheminée au centre du mur sud, mur occupé également par une porte vers l'extérieur et deux fenêtres. Le mur nord était contigu à une chambre où Narmegil et Isis s'étaient installés, et il comportait aussi une porte donnant sur le couloir qui provenait de la salle commune. Les murs est et ouest portaient deux fenêtres chacun. Les fenêtres étaient toutes équipées de volets extérieurs (ouverts) et de rideaux intérieurs. Les murs intérieurs étaient en pisé, de bonne épaisseur, et recouverts de lambris à l'intérieur. Toutes les fenêtres étaient vitrées, signe de richesse - et de qualité - de l'établissement.

Le roi voulait laisser les maisons nobles aller jusqu'au bout de leur projet de coup d'État : Narmegil et ses amis ne devaient intervenir qu'au dernier moment, lorsque les discussions seraient dans une impasse et que l'usage de la force deviendrait nécessaire. Mais d'une part, comment savoir que le moment était le bon, et comment intervenir assez vite pour assurer la sécurité du roi et de sa famille ? L'isolation du mur était trop épaisse pour entendre assez bien, sauf peut-être pour Vif... qui était la seule à ne pas comprendre le sindarin, langue dans laquelle les propos se tiendraient certainement !

Au-dessus du salon, en revanche, une suite royale inoccupée pouvait peut-être abriter quelques indiscrets. Si l'épais plancher couvert de tapis rendait l'écoute encore malaisée, une petite cheminée, elle, ouvrait quelques perspectives. Son conduit se branchait sur celui de la cheminée du salon. Si le passage était trop étroit pour toute personne hormis la plus mince et souple, en revanche, le son circulait plus facilement : une fois les plaques de fermeture des cheminées en position ouverte, il devenait assez facile d'écouter les conversations d'une pièce à l'autre.

Mais comment intervenir ? S'il fallait se cacher dans la suite royale à l'étage, il fallait ensuite, pour arriver au salon privé : parcourir tout l'étage jusqu'à l'escalier menant à la salle principale, et là, prendre le couloir qui menait au salon. Sans compter que du monde pourrait occuper la salle commune et éventuellement s'interposer. Bref, un chemin long, avec des embûches possibles. Et il était hors de question de faire des travaux dans un mur ou le plafond du salon : sans parler du problème de compétences nécessaires ou de temps, cela ne pouvait qu'attirer l'attention. Et l'extérieur serait sans doute plein de cavaliers divers, ce qui rendrait le passage par les fenêtres peu discret et facile à bloquer.

2 - Des figurants difficiles à cacher
A cette première difficulté, il fallait en ajouter une autre, et de taille. Comme le signala Isis, appuyée par Niemal, les Tarmas et Ekettas allaient tout de même prendre un minimum de précautions : même si la confusion née de la drogue qui les affectait pouvait les pousser à faire de nombreuses erreurs, il valait mieux compter sur un côté paranoïaque qui les pousserait à vérifier les lieux avant leur coup d'État. D'autant qu'ils devaient se demander où les aventuriers étaient passés, après les événements de Tarmabar qui s'étaient si mal soldés.

La présence de Narmegil et de ses amis à l'auberge, lors de l'arrivée des membres des maisons nobles, fut donc étudiée : où pouvait-on se cacher ? Diverses solutions furent proposées, mais elles étaient limitées, car les cachettes n'abondaient pas. Par exemple dans la petite cave, mais cette dernière n'avait pas beaucoup de tonneaux vides et assez grands pour abriter du monde - une personne au plus. Cacher la présence de cette cave aurait été plus facile, mais en sortir n'aurait pas été aisé et posait la question de savoir quand en sortir, d'autant que c'était loin du probable lieu de la confrontation...

Les autres parties de l'auberge n'offraient guère de possibilité : chambres et combles étaient assez nus, et seule la scène de la salle commune comportait un espace, sous les planches, assez vaste pour abriter plusieurs personnes sans mal. Mais là encore, en sortir au bon moment et sans susciter de réaction posait problème. A la rigueur, le conduit de cheminée du salon privé où la réunion allait se dérouler aurait pu abriter une personne : vu l'étroitesse de l'endroit, seule Vif avait une chance de pouvoir s'y glisser. Mais c'était loin d'être idéal, et n'enchantait guère la Femme des Bois.

Restait la possibilité d'intégrer le personnel de l'auberge. Il n'était pas possible de masquer magiquement les apparences de toute l'équipe : d'une part cela représentait un effort magique considérable pour Isis et Drilun, d'autre part cela avait toutes les chances d'être repéré par Ferenariel Tarma, qui était censée manipuler la magie et la percevoir. Mais Geralt savait grimer de manière très correcte et il avait une trousse de maquillage de bonne qualité. Cela ne suffisait pas forcément pour simuler une autre personne néanmoins, et restait la question des habits.

L'assassin aux cheveux blancs avait l'habitude de jouer divers personnages, donc il pourrait passer pour un serviteur du lieu, pourvu qu'on puisse lui trouver des vêtements appropriés. Mais il paraissait impensable de masquer des traits aussi distinctifs que la taille ou la carrure de gens comme Sîralassë ou Narmegil. Sans parler du gros ventre d'Isis, ou des traits félins de Vif, sous sa forme actuelle demi-animale. Elle la cachait derrière de nombreux vêtements, malgré la chaleur de cette époque de l'année - le solstice d'été était pour le lendemain ! Mais son accoutrement avait toutes les chances d'attirer l'attention, et le pot-aux-roses serait vite trouvé dès que les premiers vêtements seraient retirés...

3 - Décisions
Au bout du compte, le groupe finit par arrêter sa décision : les aventuriers ne resteraient pas à l'auberge. Ils iraient dans le village, le temps que les Tarmas et Ekettas arrivent, et resteraient discrètement dans un coin. Ils laisseraient quelques affaires innocentes dans leurs chambres, et l'aubergiste parlerait de proches des villageois qui faisaient la fête avec eux mais qui avaient préféré loger à l'auberge, ou quelque chose comme ça. Par la suite, après discussion avec Niemal et l'aubergiste, il apparaissait qu'ils pourraient facilement revenir à l'auberge : une fois que le roi et sa suite seraient arrivés, les gens afflueraient en masse pour recevoir la bénédiction du roi.

Niemal et Geralt, pour leur part, resteraient à l'auberge : comme cuisinier, pour le premier, ou serviteur, pour le second. Bien grimés, ils pourraient vite réagir en cas d'imprévu, et vite arriver sur le lieu de la confrontation. L'elfe soigneur annonça tout de même qu'il devait s'éclipser dans la nuit pour aller au-devant du roi et le prévenir du bon déroulement des opérations, mais il serait de retour en fin de matinée. Ce qui obligeait Geralt à se lever tôt pour le grimer, mais ce dernier préféra faire cette opération avant d'aller se coucher : Niemal ne se couchant pas pour dormir, il ne risquait pas de mettre à mal son déguisement. Et Geralt put faire une nuit plus longue et tranquille...

Drilun alla au village, en pleins préparatifs pour la fête. A l'aide de l'aubergiste qui lui avait signalé la bonne personne, et l'ajout de quelques pièces, ses amis et lui arrivèrent à obtenir tout ce qui était nécessaire : vêtements divers pour passer inaperçus, voire la confection d'un costume de saltimbanque pour que Vif puisse passer pour une acrobate déguisée. Mais le Dunéen arriva aussi à louer les services de quelques paysans pour faire un petit orchestre qui se produirait sur la scène de l'auberge, aux côtés de l'acrobate et de lui-même comme chanteur.

En parallèle, les aventuriers prirent des exemplaires des différentes clés de l'auberge afin de pouvoir occuper les différentes pièces après l'arrivée des Tarmas et Ekettas et du roi. Certains tâcheraient de suivre la conversation depuis la suite royale au-dessus du salon privé, et d'autres se tiendraient dans la chambre du bas la plus proche, prêts à intervenir. Cela laissait diverses questions en suspens, mais beaucoup comptaient sur la confusion et la foule pour arriver à se glisser au bon endroit au bon moment. Et Niemal et Geralt, grâce au somnifère préparé, le "marchand de sable", pourraient peut-être endormir divers gardes pour aider à dégager le passage...

L'archer-magicien demanda également à l'aubergiste de préparer deux rouleaux de corde sous deux fenêtres de la chambre royale, sur les murs ouest et sud. Fenêtres qui donnaient directement au-dessus de certaines fenêtres du salon privé. Ce ne serait peut-être pas discret, mais ce serait une voie d'entrée possible dans le salon. Les cordes devaient être préparées après l'inspection des maisons nobles, et attachées pour pouvoir être rapidement utilisées : jetées dans le vide, elles permettraient de descendre et d'arriver à passer par les fenêtres du bas... à condition de faire assez vite.

4 - Nouvel arrivant
Le reste de la journée fut occupé à peaufiner les préparatifs, et le soir, très calme, arriva vite. Le temps promettait d'être magnifique pour le lendemain, sans un nuage, chaud mais pas trop. Les villageois jouaient de la musique et dansaient, mais les véritables festivités ne commenceraient véritablement que le lendemain en fin de matinée. Tous se couchèrent tôt et se reposèrent bien. En fin de nuit, Niemal s'éclipsa et partit vers l'est, non sans avoir fait part d'un petit souci à Sîralassë concernant un petit élément imprévu au programme qui risquait de perturber un peu leurs beaux plans...

Le soleil se leva, magnifique, et les aventuriers allèrent au village, dans une grange louée pour quelques heures. Le costume pour Vif fut récupéré et mis, et elle s'amusa à faire des échauffements gymniques sous l'œil intéressé de quelques paysans. Le soigneur de l'équipe avait préparé de quoi faire des infusions de bonneherbe, qui les aiderait à les stimuler pour les épreuves qui les attendaient. Il glissa tout de même quelques mots à l'autre elfe du groupe : Isis en parut surprise, et loin d'avoir ressenti les prémisses de ce qui allait arriver. Mais l'avenir proche lui montra que Niemal avait vu juste.

En effet, en milieu de matinée, elle ressentit de manière nette les premières contractions sérieuses, alors qu'elle avait complètement ignoré les premiers signes avant-coureurs de la naissance de son enfant. Mais là, elle dut admettre l'évidence : il arrivait bien, avec un mois d'avance, et il semblait diablement pressé ! Alors que Vif repérait au loin l'arrivée d'une imposante cavalerie par l'ouest, sans doute les Tarmas et Ekettas, la poche des eaux se rompit. Il fallut rapidement chercher des draps et autres, soi-disant pour la préparation d'un spectacle, tandis que le soigneur préparait le terrain et faisait chauffer de l'eau.

Isis fut installée en haut de la grange, tandis que le feu restait en bas. Les cavaliers Tarmas et Ekettas passèrent sans incident, et ils s'installèrent à l'auberge. Une bonne centaine de personnes, parmi lesquelles on pouvait reconnaître Ferenariel, Barfindil et Marl Tarma, ainsi que Methilir Eketta. Mais Isis ne voyait pas tout cela, trop occupée à son travail à elle. Une heure avant midi, elle profita d'une infusion de bonneherbe, tandis les autres membres de l'équipe - à l'exception de Geralt, occupé à l'auberge - en prenaient une également. Le travail de la magicienne s'en trouva facilité, d'autant que la rapidité de cette arrivée semblait inhabituelle.

Le travail se poursuivit sans problème, comme c'était toujours le cas chez les elfes, et grâce à la présence et aux bons soins de Sîralassë. Vif repéra une autre colonne de cavaliers qui arrivait de l'est, et un personnage qui arrivait discrètement de cette même direction, et qui obliqua vers elle lorsqu'il la remarqua : Niemal, car c'était bien lui, rapporta que le roi était prévenu et que tout se passait comme prévu, ils arriveraient très bientôt. Après diverses consignes de dernière minute et une petite vérification du bon déroulement de l'accouchement, il fila vers l'auberge pour "renforcer l'équipe de serviteurs" suite à l'arrivée imprévue de tant de monde...

Le roi parvint effectivement à l'auberge, et les cavaliers des deux troupes se mélangèrent joyeusement. Intrigués par ces nouveaux arrivés, les bruits commençaient à circuler parmi les villageois que le roi était venu et qu'il allait les bénir pour le jour d'Eru. Alors que le soleil était au plus haut, soit midi pile, Isis accoucha enfin d'une petite fille comme prévu. Narmegil prit le bébé dans les bras, avant de le mettre au sein de sa mère, qui, fatiguée mais radieuse, récupérait de ses émotions. Les parents décidèrent de l'appeler Míriel, "dame joyau" en quenya.

5 - Bénédiction
Non loin de là, Geralt avait commencé par voir arriver les Tarmas et Ekettas, et en particulier leurs maîtres, qui avaient inspecté toute l'auberge. Le maître des lieux l'avait présenté comme un extra embauché récemment, et il dut inventer un nom dans l'urgence, ne trouvant que "Tom". Mais son déguisement trompa les chefs des maisons nobles et il ne fut pas plus inquiété. Il vit les chevaliers dúnedain rester à l'extérieur pour la plupart, à s'occuper des chevaux et faire des petits combats amicaux, dans une ambiance détendue, festive et bon enfant.

Tandis que la matinée avançait et qu'il avait servi quelques chevaliers, il vit arriver Niemal déguisé, soi-disant un aide appelé en renfort vu l'affluence exceptionnelle. Il ne fut pas inquiété et s'installa en cuisine, tout en inspectant les émotions et pensées des personnes présentes dans l'auberge. Mais il ne fit pas de remarque particulière : à ses sens magiques, les chefs des maisons nobles restaient tendus mais pas particulièrement inquiets. Et même très motivés et persuadés de la justesse de leur action et de son proche succès.

Le roi arriva enfin avec toute sa famille et la garde royale. Ils furent tous bien accueillis par les chevaliers présents, ce qui entraîna un tumulte chaleureux et festif. Nobles et famille royale se saluèrent courtoisement, mais ils n'eurent guère l'occasion d'échanger : le roi se devait à ses devoirs, et les villageois commençaient à approcher. Argeleb, en tant que représentant d'Eru sur la Terre du Milieu, bénit tour à tour les chevaliers, les chefs des maisons nobles, l'aubergiste et sa famille, et les premiers villageois qui arrivaient.

Drilun, tandis qu'Isis accouchait, avait amorcé le mouvement et poussé les villageois à se rendre sur place. Il en avait profité pour repérer ses musiciens, et avec Vif et eux ils avaient composé une petite troupe qui s'était rendue à l'auberge, jusque dans la salle commune. Isis avait dû attendre la sortie du placenta, et elle s'était enfin mise en route, parmi les derniers, après avoir pris la précaution de modifier son apparence. Le maquillage réalisé par Geralt n'avait bien entendu pas supporté l'accouchement, mais elle prit bien soin de masquer sa magie pour la rendre aussi difficile à repérer que possible. Aux yeux de tous, elle était une simple humaine, rousse de surcroît, qui venait d'accoucher.

Tandis que Narmegil et Sîralassë se mêlaient à la foule et tâchaient de passer inaperçus - le soigneur avait repris sa démarche voûtée d'autrefois - l'elfe déguisée s'approcha du roi pour recevoir sa bénédiction pour sa fille et elle. Les chefs des nobles, dans un coin, ne semblèrent pas manifester d'intérêt, en particulier Ferenariel Tarma qui aurait peut-être pu repérer quelque chose. Le roi, quant à lui, eut un sourire énigmatique lorsqu'il bénit Míriel et Isis. Cette dernière se sentit ragaillardie par la bénédiction du roi, et le nourrisson fit même un sourire...

6 - Prise de position
Tandis que la petite équipe de saltimbanques prenait position sur la scène de l'auberge, le roi terminait ses dernières bénédictions. Il fut ensuite accosté par les chefs des maisons nobles et invité, lui et sa famille, à un petit entretien ou repas dans le salon privé de l'auberge. Ils s'y enfermèrent avec une demi-douzaine des chevaliers les plus proches des deux maisons, cousins ou autres membres des familles un peu éloignés et qui étaient peut-être en partie au courant de ce qui se tramait. Dans la salle commune, une bonne vingtaine de gardes de tous bords se restauraient et profitaient du spectacle de musique, de chant et d'acrobatie.

Sîralassë était monté à l'étage, jusque dans la suite royale, sans être inquiété d'aucune sorte. De leur côté, Narmegil, Isis et leur fille s'étaient dirigés vers le petit couloir qui menait aux trois chambres du bas et au petit salon privé. Ils avaient été suivis des yeux voire approchés par des chevaliers Tarmas ou Ekettas, mais ces derniers les avaient ignorés lorsqu'ils s'étaient rendu compte qu'ils pénétraient dans la chambre qui devait être la leur et ne s'occupaient guère du salon. La présence du nourrisson fut sans doute un élément important pour apaiser d'éventuelles craintes.

Vif et Drilun, après avoir bien fait des acrobaties et chanté, finirent par faire montre de fatigue et s'esquivèrent en direction de l'étage. Le Dunéen demanda aux musiciens de continuer sans eux, et ils se retrouvèrent sans mal dans la suite royale de l'étage. Ils filèrent à la cheminée pour entendre ce qui se disait. Le conduit de la cheminée du bas avait dû être refermé, car le son passait plus faiblement que lorsque tout était ouvert. Cela ne faisait aucune différence pour Vif, qui entendait tout parfaitement... mais tout se déroulait en sindarin, dont elle ne connaissait que des bribes. Heureusement, ses amis purent suivre la conversation sans difficulté eux aussi, et ils lui firent une traduction simultanée.

Geralt n'ayant pu s'approcher du salon faute de trop d'intérêt de certains chevaliers, il proposa une tournée spéciale, pour laquelle il requit les services de Niemal. Ce dernier mélangea à la bière du marchand de sable et quelques épices pour en masquer le goût. La mixture fut trouvée excellente et demandée par tous... sauf le capitaine de la garde royale, Halmir Eketta, dont Vif se méfiait beaucoup. Le capitaine ne buvait ni ne mangeait rien, et il semblait très occupé à observer les allées et venues des uns et des autres.

Tandis que les chevaliers et gardes de tous bords s'endormaient les uns après les autres, le capitaine de la garde se mit à froncer les sourcils. Puis il appela des gens à l'extérieur, l'air furieux, pour qu'ils sortent les "assoiffés trop occupés à cuver leur vin" dans la cour. Mais en même temps, il ne quittait pas des yeux Geralt, au grand dam de celui-ci qui aurait voulu tenter de l'assommer. Devant la mine soupçonneuse du capitaine, son équipement splendide et ses allures de puissant félin, l'assassin aux cheveux blancs préféra rejoindre la cuisine et Niemal. Mais la porte se rouvrit bientôt, laissant place à Halmir Eketta, qui l'avait suivi.

Tandis que Geralt craignait le pire, le capitaine de la garde royale s'adressa à lui en lui conseillant d'aller rejoindre ses amis. Interloqué, l'homme aux cheveux blancs ne réagit pas, jusqu'au moment où Niemal lui dit sur un ton enjoué que certainement, les personnes de la chambre du bas avaient sûrement besoin d'un coup... à boire. L'assassin comprit alors que la capitaine était certainement du même côté qu'eux, et bien renseigné. Il fila dans le couloir qui menait au salon, où il retrouva Narmegil qui écoutait à la porte, tandis qu'Isis se tenait sur le pas de la porte de leur chambre. Dans la salle commune de l'auberge il ne restait presque plus personne, hormis les musiciens, l'aubergiste et son personnel, ainsi que Niemal et Halmir Eketta qui commençaient à discuter ensemble.

7 - Les masques tombent
De manière plus ou moins différée et plus ou moins nette, les aventuriers purent donc suivre ce qui se passait dans le salon privé. Après un petit intermède de proposition de vin, refusé par le roi et ses proches, Ferenariel se lança dans une longue diatribe concernant l'avenir de l'Arthedain et la lutte contre Angmar. Même influencée par le vin aux arrière-goûts de magie noire et de drogue, il fallait reconnaître que la dame des Tarmas savait parler et elle était plus que convaincante. Bien que de manière moins éblouissante, les autres chefs des deux maisons nobles y allèrent aussi de leur couplet.

La teneur de leurs propos était connue : il fallait attaquer Angmar au plus vite, l'occasion était inespérée de pouvoir s'en débarrasser. Avec des chefs charismatiques comme Marl Tarma chez les rôdeurs et Methilir Eketta comme éventuel chef d'armée, et l'appui garanti des elfes et du Gondor, le royaume du roi-sorcier ne pouvait que tomber, d'autant qu'il était affaibli par les récents coups durs qu'il avait subis grâce aux rôdeurs. Les aventuriers les plus perceptifs sentirent bien que leur rôle était présent entre les lignes, mais pas vraiment mis en valeur...

Mais après ces belles tirades, le roi prit la parole. Il démonta leurs arguments les uns après les autres, et montra à quel point les Tarmas et Ekettas pêchaient par optimisme, pour ne pas dire plus. Enfonçant le bouchon un peu plus loin, il n'hésita pas à dire que ces erreurs de jugement étaient la preuve manifeste que les nobles étaient influencés de la plus mauvaise manière : leurs sources les trompaient, et même bien au-delà de ce qu'ils s'imaginaient. Les belles paroles du marchand Gilluin, et son vin, venaient tout droit du Rhudaur voire plus au nord ! Et il mit carrément les pieds dans le plat en parlant de leurs sombres projets voués à l'échec. Néanmoins, il restait confiant en eux et dans le fait qu'ils sauraient, d'une manière ou d'une autre, reconnaître leurs erreurs et rester soudés à lui, leur roi.

Le bruit d'épées que l'on tire et les cris effrayés des petits-enfants du roi indiquèrent clairement que le moment était venu d'intervenir. Tandis qu'Isis déverrouillait magiquement la porte du salon, Sîralassë et Drilun ouvraient les fenêtres et balançaient les cordes, tandis que Vif allait à une autre fenêtre du couloir, à l'est. Narmegil, sans arme, entra dans la pièce à la grande surprise des chevaliers Tarmas et Ekettas qui se trouvaient derrière. Il était suivi par Geralt et Isis, qui avait laissé Míriel dormir sur le lit de la chambre.

Les six chevaliers Tarmas et Ekettas, qui avaient pris leurs armes et se trouvaient le plus près des intrus, dans la partie ouest de la pièce, furent bientôt surpris par deux fenêtres proches qui volèrent en éclats, tandis que le Dunéen et l'elfe noldo les franchissaient vite. D'autant plus que les chevaliers et gardes dans la cour les avaient repérés et se précipitaient vers eux en poussant des cris. Les chefs des maisons nobles, faisant face au roi et à sa famille dans l'autre partie de la pièce, furent eux surpris par l'arrivée imprévue de Vif par une autre fenêtre : sous sa forme demi-animale, elle n'avait eu aucun mal à descendre toute seule et à franchir la fenêtre.

La Femme des Bois, face aux quatre personnes en partie armées, esquiva ses adversaires en grimpant au mur lambrissé grâce à ses griffes. Après un saut acrobatique, elle se retrouva du côté de la famille royale, protégeant les petits-enfants du roi telle une chatte ses petits. Argeleb et son fils Arvegil, d'une voie ferme et autoritaire, calmèrent l'ardeur des guerriers qui se précipitaient vers les fenêtres, à l'extérieur, expliquant que tout allait bien. Tous se regardaient plus ou moins en chien de fusil, certains concentrés pour faire de la magie, tels Ferenariel ou divers membres de la famille royale ou des aventuriers.

8 - Persuasion
Le roi s'adressa aux chefs Tarmas et Ekettas, leur montrant qu'il n'ignorait rien de leurs plans secrets. Mais que tout cela était l'œuvre d'Angmar qui s'était joué d'eux de manière insidieuse grâce à ce qu'il maîtrisait le mieux : magie et tromperie. Il les invita à écouter Narmegil et ses amis qui allaient pouvoir leur expliquer les tenants et les aboutissants de l'affaire, et proposer une solution à leurs problèmes. Subjugués par ce retournement du sort, mais tendus, aucun n'osa bouger ou protester. Les chevaliers Tarmas et Ekettas semblaient un peu perdus et mal à l'aise, mais ils ne bronchèrent pas non plus.

Le chef de la maison Eldanar parla alors de ce que ses amis et lui avaient découvert, et qui tournait autour du vin frelaté, dont Niemal, qui avait été appelé, produit un échantillon avec une analyse des érudits de Fornost Erain. Il invita Ferenariel Tarma à examiner ce vin de manière attentive, ce qu'elle fit, ébranlée, mais sans rien percevoir d'anormal, malgré les assertions de Niemal et le parchemin. Elle s'emporta alors verbalement, les traitant de pions d'Angmar ou de cambrioleurs, et promit à Sîralassë de se pencher de plus près sur son passé qu'elle devinait plus qu'intéressant... Pendant ce temps, le regard de Barfindil se faisait de plus en plus dur, alors que Marl et Methilir semblaient pris de doute...

Mais Drilun prit la parole à son tour et assena diverses vérités au visage de Ferenariel. Il lui précisa entre autres que l'un des cuisiniers de Tarmabar prenait lui aussi du vin en cachette, et que personne n'ignorait qu'il était de plus en plus impossible à vivre, comme les Tarmas eux-mêmes... De plus, Geralt et Vif avaient remarqué que la dame des Tarmas semblait gênée par quelque chose qui la démangeait au niveau de la poitrine, et que la rôdeuse identifia comme un bijou dont elle percevait la chaîne autour du cou de la dame. Sans doute l'amulette de famille dont on leur avait parlé... et que les Tarmas - le vieux chef Finralin du moins - ne portaient plus jamais.

Vif prit alors la parole et parla de cette fameuse amulette et du désagrément qu'elle semblait apporter, signe de changement dans le mauvais sens du terme. Elle ne savait pas parler et son propos resta sans suite, mais ses amis comprirent ce qui se passait et Drilun notamment attaqua à nouveau la confidence des chefs des maisons avec ce nouvel élément. Cette fois, il fut si persuasif que même la dame Ferenariel se troubla, et elle reprit la petite outre de vin frelaté apportée par Niemal. Cette fois-ci elle se concentra de manière plus intense, et ses yeux s'écarquillèrent : elle avait réussi à percevoir la magie, et reconnu sans doute possible de la magie noire telle que la pratiquaient les sorciers d'Angmar.

Narmegil avait exposé la solution qui consistait à se laisser soigner par la magie de Sîralassë, magie à laquelle au départ elle ne faisait aucune confiance, tout comme Barfindil. Néanmoins, devant l'énormité de ce qu'elle venait de comprendre, elle annonça qu'elle était prête à lui faire confiance et à se faire soigner. Mais son neveu Barfindil, lui, ne l'entendit pas de cette oreille. Pour lui, tout devenait évident : les aventuriers étaient des espions et sorciers à la solde d'Angmar, et à l'aide de leur sorcellerie ils avaient pris tout le monde sous leur coupe. Le regard enflammé, il leva son épée et se précipita vers Narmegil.

9 - Guérison
Toujours sans arme, mais protégé par sa magie, le Dúnadan lui fit face. Isis et Drilun utilisèrent aussi leur magie pour arracher l'arme des mains de l'héritier des Tarmas, mais sa volonté était encore trop forte et il résista. Son coup fut néanmoins dévié par le pouvoir de Narmegil, et il n'aboutit à rien. Sautant au secours de son ami, Sîralassë se précipita vers eux en passant sur la table, renversant au passage le vin que Ferenariel avait préparé pour le roi avec la drogue de "Tue-l'Esprit". Le voyant arriver, Barfindil se tourna vers le Noldo et l'attaqua à son tour.

Mais non seulement l'elfe était lui-même protégé par sa magie, mais Isis et Drilun continuaient à vouloir lui arracher magiquement son arme. Enfin vaincu, l'épée s'arracha à son bras et Narmegil profita de sa bonne situation pour ceinturer l'homme devenu comme fou. Tandis que le roi et le prince calmaient les ardeurs de la garde ou des autres chevaliers accourant au bruit des cris, le soigneur noldo se tourna vers les chefs des Tarmas et Ekettas. Choqués par ce qu'ils venaient de voir, leur volonté de se soumettre à sa magie des soins s'était encore renforcée.

Marl et Methilir semblant moins affectés - ils avaient consommé moins de vin frelaté - il fut décidé de commencer par eux. Niemal alla préparer de l'eau chaude et des infusions d'athelas, dont l'odeur calma un peu les tensions. Sîralassë, encore bien stimulé par l'infusion de bonneherbe prise un peu plus d'une heure auparavant, utilisa sa magie de manière puissante et efficace. Les deux hommes semblèrent se réveiller d'un cauchemar dont ils avaient du mal à croire qu'ils avaient été les acteurs. Confus, ils apprécièrent vivement de ne pas être jugés mais même réconfortés par le roi et Narmegil.

Pour Ferenariel, plus affectée, le soigneur utilisa aussi ses ressources au maximum. Mais il y rajouta une partie de la puissance d'un anneau magique pris autrefois à un elfe de la Comté, elfe qui avait été influencé par Fercha et qui avait tué... et été tué. Là encore, l'imposition des mains nettoya le corps et l'esprit de Ferenariel de l'influence magique qui l'avait corrompue. La même recette fut appliquée à Barfindil, qui lui aussi retrouva ses esprits et se mit à pleurer. La guérison des Tarmas et Ekettas avait été un succès. Le roi Argeleb conclut en disant que les tromperies et sombres plans d'Angmar avaient été mis en échec.

10 - Fête et retour
Il fallut donner une explication sommaire aux gardes et chevaliers, ce dont s'occupa le roi. Pendant ce temps, aventuriers, Tarmas et Ekettas conversaient et montraient leur respect ou leur gratitude. Les Tarmas notamment ne pouvaient que constater des différences d'opinion, en particulier en ce qui concernait la Comté "prise" à leurs terres et le soutien aux hobbits. Mais Narmegil et ses amis leur avaient prouvé que malgré toute leur inexpérience et leur jeunesse, ou peut-être grâce à elles, ils avaient réussi à ne pas tomber dans le piège d'Angmar sur lequel Tarmas et Ekettas avaient trébuché. Ils se virent assurés que les Tarmas, avec qui ils repartiraient, sauraient payer leurs dettes de manière très concrète, dès que les choses seraient définitivement réglées à Tarmabar.

Le roi était le premier bénéficiaire de ce sentiment d'union retrouvée. Après avoir félicité la jeune famille Eldanar au complet et leurs amis, il offrit sa bénédiction à tous, et tous s'en trouvèrent vivifiés et revigorés. Puis, après avoir mangé un morceau, il décida de s'offrir un moment de détente et il emmena la reine Liriel danser au village et partager un peu la joie des habitants du cru. Drilun renvoya aussi sa petite troupe de quelques musiciens, qui ne voulaient pas rater les réjouissances, avec des remerciements.

Le roi et sa famille repartirent avec la garde royale une heure après. Ils avaient encore un large circuit à effectuer pour bénir les habitants d'autres villes et villages, avant de rentrer à la capitale, Fornost Erain. Niemal les accompagnait également, lui qui avait passé un certain temps à réveiller par ses soins les gardes royaux endormis, en raison de la drogue contenue dans la bière qu'ils avaient ingérée... Pour les chevaliers Tarmas et Ekettas, qui ne repartiraient que le lendemain matin, il était plus simple de les laisser dormir, ils se réveilleraient bien tous seuls.

Míriel, petit bout de fille solide et, de l'avis de tous, déjà précoce et très mignonne, fit l'émerveillement de nombreuses personnes, mais surtout de ses parents. Une nouvelle vie s'ouvrait devant eux, et pourtant elle n'était pas sans souci : le vieux Finralin Tarma devait être soigné à son tour, et lui était encore plus "atteint" par le sinistre vin d'Angmar que Ferenariel ou Barfindil. Et en cas de désaccord, ses gens auraient le réflexe de lui obéir à lui plutôt qu'à ses descendants. Mais il serait peut-être possible de l'endormir pour le soigner sans bruit ni heurt... si cela était possible. Mais après cela, Isis fut claire et personne ne la contredit : direction Bar Edhelas, "chez eux", pour profiter les uns des autres.

Niemal avait néanmoins averti que la piste du marchand Gilluin et de son vin, que suivait Mithrandir, demanderait peut-être à nouveau leur participation. Angmar ne laissait pas de vacances aux gens d'Arthedain et autres peuples libres. Au contraire même, il savait jouer de leurs faiblesses et de leurs attachements, et il était bien capable de frapper là où cela faisait le plus mal, comme au sein des familles par exemple. Le futur était loin d'être rose, d'autant que Míriel semblait prédestinée à un brillant avenir, et ses descendants, si elle en avait, verraient la fin d'Angmar. Le roi-sorcier en serait certainement averti tôt ou tard, et il risquait de prendre des mesures en conséquence...
Modifié en dernier par Niemal le 30 septembre 2012, 20:24, modifié 6 fois.
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Tarma - 7ème partie : achèvement

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1 - Faux-semblants
Tandis que les chevaliers endormis cuvaient leur somnifère, nobles et aventuriers discutaient de la suite à donner. Et en premier lieu, des précautions à prendre pour ne pas éveiller la méfiance de Finralin Tarma, qui restait à guérir. C'était lui l'âme du complot, et aussi celui qui avait le plus consommé de vin magiquement souillé. Mais son état touchait à la paranoïa, et Ferenariel prévint que malgré un physique amoindri par les ans, son esprit était encore fier et tranchant. Et en cas de doute le personnel du château serait de son côté.

En premier lieu, il convenait de faire comme si tout s'était passé comme prévu. Car si le vieillard soupçonnait un échec, il risquait de préparer le grand jeu pour accueillir ceux qui viendraient le juger et l'exécuter, dans son esprit torturé. Et justement, il attendait un message par pigeon voyageur qui lui donnerait des nouvelles fraîches. Après la "domination" du roi par les Tarmas et Ekettas, les groupes de cavaliers devaient en effet rentrer en toute hâte à Fornost Erain, la capitale, pour annoncer officiellement l'abdication au profit de Marl Tarma. Et le lendemain matin, un oiseau devait partir de Fornost pour prévenir le vieux baron, tandis qu'une bonne partie des cavaliers rentreraient chez eux.

L'oiseau mettrait moins d'une journée pour arriver à destination, il fallait donc faire quelque chose avant le lendemain soir. Mais Tarmabar était à deux jours à cheval, et le soir approchait déjà. Sauf à galoper à bride abattue, il était difficile d'imaginer arriver avant l'oiseau. Et Isis n'imagina même pas faire subir cela à sa fille et elle, et Narmegil non plus. Il fallait donc envoyer un faux message, mais comment ? Il fut envisagé un moment d'appeler magiquement une tourterelle pour lui faire porter un message écrit à l'auberge, mais c'était loin et cela demanderait une magie trop puissante.

En fin de compte, il fut décidé qu'une personne irait à Fornost dans le soir et la nuit pour pouvoir envoyer le message comme convenu. Marl Tarma se dévoua : il était censé être le nouveau roi, son absence de la troupe qui rentrerait paraîtrait normale. Il partit donc dans la soirée avec une petite garde, laissant aux autres le soin de voir les détails pratiques de la guérison. Que faudrait-il dire au vieux Finralin Tarma une fois de retour ? Et en particulier, qu'inventer à propos des aventuriers, disparus sans laisser de trace ? Il valait mieux ne pas laisser leur rôle en suspens, et inventer quelque chose pour donner l'impression que leur capacité à mettre des bâtons dans les roues était nulle.

Après discussion, le groupe arriva à une fable à peu près réaliste : Ferenariel et Barfindil devraient raconter à leur père ou grand-père que Narmegil et ses amis étaient intervenus pour empêcher le coup d'État, mais qu'ils avaient échoué et avaient été faits prisonniers. Resterait à enrober cela de détails convaincants, ce qui ne serait peut-être pas facile : le vieillard était soupçonneux et loin d'être bête, même si l'influence du vin pouvait faire avaler de grosses couleuvres. Mais Ferenariel était loin d'être une débutante dans la maîtrise du bon langage...

2 - Voyage
Le lendemain matin, le départ fut donné. Narmegil et ses amis laissaient derrière eux bien des souvenirs, pour leurs hôtes, pour leurs compagnons, mais aussi pour eux. La naissance d'une demi-elfe n'est pas quelque chose de si commun que cela, et il en resterait des traces encore un moment. Non seulement dans les mémoires, mais aussi sur le sol de l'étage de la grange où Míriel était née. Les runes que Drilun avaient tracées là resteraient encore un moment, mais elles ne serviraient sans doute plus : les propriétaires ne risquaient guère de savoir que les naissances à cet endroit précis s'en trouvaient facilitées...

Tous chevauchaient au pas, au grand soulagement de Geralt qui avait moins d'efforts à faire, mais aussi de Drilun, à qui le rythme convenait : il arriva à rester en selle sans grande difficulté, ce qui aurait été plus problématique à une allure plus soutenue. Mais il n'y avait aucune hâte à apporter, d'autant que la troupe était censée partir de Fornost : elle avait donc quelques heures d'avance sur l'horaire prévu. Míriel passait des bras de son père à ceux de sa mère quand le besoin s'en faisait sentir, et les haltes étaient fréquentes.

En soirée, les cavaliers firent halte près des ruines d'Annúminas, l'ancienne capitale d'Arthedain. Elle avait été envahie par les forces d'Angmar en 1409, et incendiée. Le salut du royaume n'avait été possible que grâce à la résistance héroïque des défenseurs, à Fornost, et à l'arrivée inopinée des elfes de Lindon et d'Imladris, qui avaient renversé le cours de la bataille. Depuis, faute de l'énergie et surtout des habitants nécessaires, Annúminas était restée en ruines et la capitale avait été transférée à Fornost Erain. Le lieu était silencieux et les eaux du lac étaient fraîches, ce qui était agréable pour cette période de l'année.

Le lendemain, la troupe de Methilir Eketta repartit vers le nord et les terres familiales, avec son seigneur à sa tête, tandis que Tarmas et aventuriers allaient vers le sud et l'ouest. La troupe progressa tranquillement, comme la veille, dans une ambiance estivale et détendue. La fête du mitan, qui durait trois jours, était maintenant achevée, et les paysans reprenaient le chemin des champs, tranquillement, sans doute autant à cause de la chaleur qu'en raison d'une probable gueule de bois suite aux nombreuses chopes d'alcool ingérées !

Vers la fin de l'après-midi, Ferenariel avertit que Tarmabar n'était plus qu'à une dizaine de miles. Mais le château était une ancienne tour d'observation et son père risquait d'utiliser une longue-vue pour guetter leur arrivée. Il convenait donc de se séparer là. Narmegil et ses amis rentreraient à pied, une fois la nuit tombée, tandis que Finralin serait endormi par sa fille grâce au somnifère fourni par Sîralassë. Les aventuriers se présenteraient à l'entrée du château, on les mènerait au vieillard endormi et le soigneur utiliserait sa magie pour le guérir. C'est ainsi que les choses étaient prévues.

3 - Oiseaux noirs
Les dernières heures de la soirée furent occupées à se reposer en attendant la nuit. L'endroit était plutôt boisé, sauvage, sans ferme proche ou passage de voyageurs. Vif remarqua tout de même une bande de corneilles venues croasser non loin d'eux avant de repartir un peu plus au nord, mais rien de plus notable. Le ciel était parfaitement dégagé, l'air était chaud, mais le soleil finit par se coucher et il fut temps de reprendre la route. Les sacs - et Míriel - furent repris, et le voyage put se poursuivre. Il fallait compter trois à quatre heures de marche avant d'arriver à Tarmabar.

Mais alors que la route traversait une forêt plus touffue que les précédentes, les oreilles de Vif l'alertèrent : elle entendait des grognements de chiens ou de loups à proximité. Elle prévint ses amis, qui préparèrent leurs armes ou leurs sorts, juste avant que six grosses formes canines sortent du sous-bois, trois de chaque côté de la route. Toutes filèrent droit vers la Femme des Bois, qui se trouvait au milieu du groupe. Mais elles n'étaient pas seules : des hommes habillés de noir et bien cachés derrière les arbres les visaient avec arcs et flèches.

Geralt, plus perceptif et rapide, vit un archer de chaque côté viser dans sa direction. Il choisit de plonger en avant pour esquiver les tirs, et une flèche passa effectivement juste à l'endroit où il se tenait une seconde auparavant. L'autre flèche était destinée au soigneur, mais elle fut déviée par la magie avec laquelle il s'était protégé. De la même manière, les flèches destinées à Narmegil, Drilun ou Isis furent déviées par la magie voire bloquées par l'armure du Dúnadan. Seule Vif fut légèrement blessée par la morsure d'un canidé, alors qu'elle était concentrée à changer une de ses mains en patte griffue comme celle d'une panthère.

Il y avait donc six humains vêtus de noir et six loups ou gros chiens. Mais Geralt, en se relevant, entendit une voix mielleuse provenir d'un peu plus loin dans la forêt. Une voix qui lui suggérait que Sîralassë n'était pas celui qu'il croyait être, mais qu'il s'agissait d'un ennemi qui avait pris son apparence. D'ailleurs, n'était-il pas menaçant avec son épée brandie ? L'assassin aux cheveux blancs trouva la suggestion très convaincante, mais par un effort de volonté il repoussa la suggestion et se dirigea en direction de la voix : ils n'étaient pas six mais sept adversaires, et un sorcier faisait partie du lot.

4 - Un combat vite expédié
Narmegil utilisa sa magie pour faire peur à leurs adversaires, mais il fut surpris du résultat : si les chiens ou loups survivants s'enfuirent tous, non sans avoir eu le temps de faire une nouvelle petite blessure à la rôdeuse, aucun des humains ne fut affecté. De son côté, Isis tentait d'arracher magiquement les arcs des tireurs, mais sans succès non plus. Manifestement, ces assaillants étaient des combattants aguerris, costauds, discrets, bien organisés... Plusieurs pensèrent spontanément aux rôdeurs noirs d'Angmar, qu'ils avaient déjà eu l'occasion de côtoyer. Mais que faisaient-ils ici, si loin à l'intérieur de l'Arthedain ?

Mais malgré leurs qualités, ils n'avaient aucune chance. Ils avaient sans doute cru l'occasion trop belle, et peut-être que cela aurait été le cas s'ils n'avaient pas été perçus à temps. Mais leurs chiens-loups n'avaient pas pu être totalement maîtrisés quand ils avaient senti l'odeur de Vif à proximité. A présent, il fallait en payer le prix, et le combat tourna rapidement à leur désavantage. Il ne serait sûrement pas très long.

Déjà, avant même qu'ils puissent fuir, deux chiens-loups furent abattus par une flèche de Drilun ou par la lance de Narmegil. Sous le feu des archers, la Femme des Bois se jeta sur le sol et incita Isis à en faire autant, leur épargnant une blessure à chacune - les rôdeurs noirs étaient loin de faire de mauvais archers. L'archer-magicien dunéen, dont la principale difficulté était de voir ses cibles, traversa d'une flèche la gorge de l'un d'eux lorsqu'il l'eut enfin repéré. Le noble Dúnadan chargea deux ennemis et les fit fuir, mais l'un d'eux n'arriva nulle part en dehors des cavernes de Mandos. Sîralassë expédia un autre rôdeur noir.

Geralt eut plus de mal : il fut l'objet d'une peur panique qui lui noua les tripes en entendant l'homme qu'il poursuivait lui promettre mille morts dans d'abominables souffrances. Mais il résista et finit par coincer le sorcier, réfugié derrière un arbre. Il tentait de lui faire peur avec sa magie, mais à ce stade de la confrontation, ses chances étaient quasi-inexistantes, et l'homme aux cheveux blancs s'était bien endurci après tant d'aventures. Il finit par l'assommer d'un violent revers d'épée, puis il revint vers les autres, assommant au passage un rôdeur noir déjà blessé, tandis que le dernier prenait la fuite.

Le bilan fut fait : côté ennemi, deux prisonniers blessés - soignés par Sîralassë pour pouvoir les interroger - et trois morts, sans compter deux loups abattus. Plus quatre loups et deux rôdeurs noirs en maraude. Et de leur côté, pas grand-chose : Vif fut soignée par l'elfe noldo, si bien que ses blessures furent complètement guéries le lendemain. Les corps, une fois fouillés, amenèrent une récolte limitée : en plus d'armes et armures diverses, et quelques pièces de cuivre ou de bronze, les aventuriers récupérèrent des fioles de poison - heureusement les premières flèches avaient toutes manqué leur but - et du somnifère non préparé.

Restait à comprendre le pourquoi du comment. Les hommes blessés étaient inconscients, mais il fut décidé d'interroger le sorcier : il serait sans doute à même d'apporter le plus d'informations. Grâce à ses soins, Sîralassë parvint à réveiller l'homme, et il le prévint : il le tuerait sans hésiter à la moindre tentative d'utiliser la magie. L'homme, très faible, répondit à quelques questions, confirmant qu'ils venaient bien tous d'Angmar. Mais il essaya bientôt d'envoûter Narmegil et ses compagnons à l'aide d'un sort, ce que l'elfe perçut immédiatement. Il appliqua alors sans hésiter la sentence dont il avait menacé l'homme.

5 - Tarmabar
L'interrogatoire avait tourné court, et les aventuriers n'espéraient rien de mieux avec le rôdeur noir inconscient. L'autre prisonnier ne se réveilla jamais, les cadavres furent enlevés de la route et cachés dans les sous-bois, et la route fut reprise. Bien que bref et sans grande conséquence, ce petit intermède avait été fatigant et source de retard. Or le temps était compté, car le chemin restait long et le somnifère que Finralin Tarma était censé avoir ingéré ne durerait pas éternellement. Heureusement, après trois-quatre heures de route sans interruption, Tarmabar fut enfin en vue sous la pâle lumière de la lune.

L'équipe monta au château, où le petit pont-levis de l'entrée était baissé, mais la herse également. Un appel fit venir un garde qui la remonta, tandis qu'un autre allait chercher les maîtres du château, et plus précisément Ferenariel et Barfindil, fille et petit-fils de Finralin. Ils arrivèrent bien vite et complètement habillés, preuve qu'ils n'avaient pas dû dormir mais rester à l'affût de l'arrivée de Narmegil et de ses amis. Ils avaient tout de même pris le temps de se changer et de se rafraîchir, ce dont leurs invités ne pouvaient se vanter.

Tout en guidant les aventuriers dans les couloirs et escaliers du château, Ferenariel leur apprit que la soirée s'était bien passée et qu'elle avait pu sans mal faire avaler le somnifère à son père. En revanche, l'effet de la drogue arriverait sans doute bientôt à sa fin. Également, si globalement Finralin avait paru satisfait du récit rapporté par ses proches, elle l'avait quand même trouvé un peu méfiant. De plus, l'effet du "marchand de sable" était très rapide, et les gens en gardaient souvent le souvenir d'un endormissement anormalement rapide. Bref, elle nourrissait quelques inquiétudes. Et il était hors de question de lui redonner une dose de somnifère, qui était toxique en cas de deuxième ingestion trop rapprochée. Son père était vieux et commençait à devenir fragile, et elle tenait à lui.

Tandis que le groupe montait les marches amenant à la chambre du vieillard, les dernières consignes et directives furent données. La fille et le petit-fils de Finralin ne se voyaient pas intervenir si jamais leur père ou aïeul se réveillait : ils se contenteraient de tenir la lanterne et de bloquer les portes, et de tenter de calmer l'ardeur des serviteurs si certains étaient alertés. Par contre, ils étaient également conscients qu'il faudrait peut-être maintenir le vieillard sur son lit par la force, si jamais il se réveillait. Il était convenu qu'ils se garderaient d'intervenir là aussi. Enfin, Ferenariel s'éclipsa un moment pour aller préparer une infusion d'athelas, dont la douce fragrance les calma tous un peu, lorsqu'elle fut revenue.

Ils arrivèrent enfin sur un seuil, devant la porte de la chambre de Finralin. Et à présent, quelle suite donner ? Si l'effet du somnifère arrivait à son terme, il valait peut-être mieux être discret. Ce qui n'était pas vraiment la première des qualités auxquelles s'exerçaient les Tarmas. Ils proposèrent donc que les aventuriers entrent en premier. Geralt demanda qu'on lui ouvre : il allait faire un petit tour dans la chambre du vieux Dúnadan pour s'assurer que tout se passerait bien et qu'il n'y aurait pas de surprise. Une fois la porte entrebâillée, il se glissa sans bruit à l'intérieur.

6 - Guérison musclée
La grande chambre qui occupait tout l'étage de la tour était plongée dans l'obscurité. Heureusement, par cette nuit d'été, seuls des rideaux couvraient les trois fenêtres ouvertes. Une seule autre porte, toute proche de celle par laquelle l'homme aux cheveux blancs était rentré, permettait de sortir de la pièce. Et le grand lit était pratiquement à l'opposé de ces issues. Geralt s'approcha doucement de l'endroit où Finralin était censé dormir profondément. Habitué à bien répartir son poids sur plusieurs appuis, aucune latte de plancher ne craqua à son passage. Le vieux noble était tout proche, sa respiration était parfaitement audible...

Mais justement, sa respiration ne collait pas. Elle était retenue, pas du tout paisible et légère. Et Geralt semblait percevoir comme une tension dans le vieil homme, et il devinait comme un objet long, bâton ou autre, à moitié dissimulé sous les draps, sur la droite de Finralin. Manifestement, il était réveillé, alerte, et il écoutait. Il se tenait prêt à l'action ! Ferenariel avait eu raison de parler de paranoïa et de se méfier... Tout doucement, le chef des assassins de Tharbad rejoignit la porte pour mettre au courant ses amis et ses hôtes, une fois sorti.

Tant pis, la confrontation était nécessaire, il fallait soigner le patriarche des Tarmas. Míriel avait été confiée à une nourrice, toute l'équipe était prête. Narmegil et Geralt maîtriseraient le vieil homme, et ils prirent du "trèfle de lune", un liquide à mettre dans les yeux qui permettait de mieux voir dans l'obscurité. Doucement, ils entrèrent et prirent position, tandis que les autres se tenaient prêts à intervenir. L'assassin avait été très discret, mais le noble Dúnadan, plus lourd et moins entraîné, peut-être un peu moins. Brusquement, alors qu'ils se tenaient au bord du lit, de chaque côté, tout accéléra.

Finralin fit un mouvement brusque, mais heureusement il était trop lent pour les deux amis, qui arrivèrent à le maintenir couché. Mais l'objet long que le vieillard tenait à la main droite était une épée particulièrement tranchante qui fendit les draps. Par réflexe de sécurité, Geralt se jeta hors de portée. Finralin, bien que maintenu allongé par Narmegil, arriva à lui porter un coup. Malgré sa position difficile et la différence de force, malgré la cotte de mailles de mithril du guerrier, il arriva tout de même à lui faire une blessure légère. Et dans le même temps, il ameuta tout le château pour qu'on vienne à sa rescousse.

Tous entrèrent, Ferenariel et Barfindil bloquant les portes et faisant de la lumière. Le petit-fils de Finralin essaya de calmer le personnel du château de sa voix forte, mais il n'arriva pas à rassurer les serviteurs qui arrivaient vite et qui voulurent enfoncer la porte. Mais ils n'en eurent pas le temps : si Finralin résista à la tentative magique d'Isis de lui arracher son arme des mains, Geralt la lui fit voler au loin avec sa propre lame. Vif se jeta sur lui pour le maintenir, et Sîralassë put approcher avec l'infusion d'athelas. Il utilisa toute sa magie pour soigner le vieil homme qui hurlait des insanités haineuses, mais il finit par se calmer un peu. La magie avait-elle pu vaincre la drogue et la magie noire du vin de Gilluin ?

7 - Nouvelles relations
Le soigneur avait été efficace, l'effet du vin avait été éliminé. Finralin Tarma continua à pester et à hurler, mais sa paranoïa avait disparu. Il pesta après ceux qui le maintenaient immobile sur le lit, il hurla après ses descendants qui lui devaient des explications, il incendia ses serviteurs et gardes qui n'auraient pas pu empêcher qu'on le massacre une dizaine de fois au moins... Sa raison, son bon sens et sa capacité d'écoute étaient revenus, mais son caractère n'avait pas changé. Les serviteurs et gardes, à tout le moins, furent rassurés.

Il ne fut pas facile à convaincre de ce qui s'était réellement passé, mais le contact avec l'amulette familiale, redevenu neutre, l'ébranla. Le cuisinier qui noyait son chagrin dans le même vin fut convoqué et guéri, et devant l'accès de paranoïa qui le prit et son changement après sa guérison, le seigneur n'eut plus aucun doute. Il n'oublia pas ses devoirs d'hôte, néanmoins : percevant la fatigue de certains, il ordonna à ses serviteurs de fournir des chambres à toute l'équipe, y compris aux "serviteurs" qu'étaient Vif, Drilun et Geralt. Tous furent bientôt occupés à regagner leurs forces dans un lit moelleux, tandis que Ferenariel et Barfindil, eux, passaient une nuit blanche à expliquer tout ce qui s'était passé et à préparer des choses pour le lendemain.

Le seigneur de Tarmabar restait un hôte exigeant : ses invités ne purent dormir trop longtemps, et ils furent vite réveillés alors que la matinée n'était pas trop avancée. En effet, ils étaient conviés à... un bain. Sans doute la manière délicate de Finralin de leur faire comprendre qu'ils en avaient besoin. Mais les aventuriers devinèrent qu'ils n'étaient pas les plus à plaindre : en plus des yeux fatigués de Ferenariel et Barfindil, ils virent que les serviteurs n'avaient pas chômé. En effet, des habits propres et neufs à leur taille leur étaient fournis pour la journée à Tarmabar...

Le seigneur Tarma les accueillit tous à sa table pour le repas du midi. Il leur montra beaucoup de respect, sans pour autant cacher les divergences qui l'empêchaient de partager une réelle amitié : les terres de la Comté qu'il convoitait et que Narmegil et ses amis avaient mis au-delà de sa portée, par exemple. Malgré cela, il montra de la reconnaissance pour les soins apportés à sa famille qui n'avait pas su éviter le piège tendu par Angmar. Narmegil et ses amis récupérèrent l'ensemble des chevaux volés par des bandits dunéens, plus trois autres - de bonne qualité - en cadeau, et une bourse de dix pièces d'or pour chacun.

Plus encore, lors d'une petite cérémonie publique, il confirma à l'ensemble du personnel du château et d'une partie du village proche que Narmegil, ses proches et ses amis, étaient bien les amis des Tarmas. Et comme preuve du lien qui les unissait, il leur remettait l'amulette familiale que tous connaissaient de vue. Cette amulette magique portait les armes de la famille, et son porteur et tous ceux qui l'accompagnaient devaient être traités comme s'ils faisaient partie de la famille Tarma. En privé, Finralin assura à ses invités qu'il essaierait de corriger tout le mal qui avait été fait par sa famille aux Eldanar et à ses serviteurs ou amis. Mais il avoua, en regardant tout particulièrement Drilun, que les ragots ne s'éteignaient pas toujours facilement.

8 - Retour à Bar Edhelas
Narmegil et ses amis repartirent dès le lendemain. D'une part, ils avaient hâte d'être revenus chez eux, et Isis tout particulièrement ; d'autre part, malgré tout le respect mutuel qu'ils tenaient les uns pour les autres, Tarmas et aventuriers n'étaient pas franchement à l'aise en compagnie les uns des autres. Sans parler de la honte des Tarmas pour ce qu'ils avaient fait, ou à l'idée que des jeunots inexpérimentés aient réussi là où eux-mêmes avaient échoué. L'éloignement et le bon voisinage étaient à l'ordre du jour, ni plus ni moins.

Aidés par des serviteurs divers pour s'occuper des chevaux qu'ils ramenaient ou d'eux-mêmes, le groupe fit un agréable voyage. Helvorn, cousin de Narmegil et gérant du manoir en son absence, fut enchanté de les retrouver tous, sans parler de l'émerveillement à la découverte de Míriel. Les hobbits furent eux aussi ravis de retrouver leur petit seigneur et sa famille, mais leurs sentiments étaient d'une toute autre nature face aux serviteurs des Tarmas, ou au Dunéen de l'équipe. Il fallait vite mettre les choses au point, tant pour éviter des incidents possibles que pour que Drilun ne soit plus considéré comme un bandit.

L'intéressé prit l'initiative de lui-même, en donnant sa bourse d'or, remise par les Tarmas, aux hobbits dont les familles avaient souffert, afin qu'ils soient eux aussi dédommagés pour leurs malheurs. Modeste et grand conciliateur, néanmoins, il dit que l'initiative venait des Tarmas... Et le soir même, à l'auberge Plaquebois, Sîralassë dépensa une partie de son argent pour narrer leurs aventures en offrant mets et boissons à la cantonade. Le Dunéen en profita pour expliquer aux hobbits présents qu'il n'était pour rien dans le vol de chevaux et les morts que les bandits avaient causés. Ce qui fut appuyé dès le lendemain par une annonce officielle de Narmegil avec tout ce qu'il fallait pour attirer les semi-hommes, à savoir un banquet et une période de liesse.

Ainsi, avec des allures de vacances et de fêtes, nos amis se posèrent un peu et goûtèrent au repos du voyageur doublé de la satisfaction du devoir accompli. Sans parler de la découverte du métier de parent. La fatigue fut bien vite oubliée, et devant les nombreux signes positifs de reconnaissance tant humains que hobbits, le moral monta en flèche. Angmar avait été mis en échec, un coup d'État et une grande menace pour l'Arthedain avaient été évités, et l'avenir montra que les Tarmas respectaient désormais leurs voisins et même les semi-hommes de la Comté - bien qu'avec froideur et distance.

Mais certains ne goûtaient pas complètement à ces vacances voire se faisaient du souci. Drilun aurait bien voulu d'un voyage à Imladris pour apprendre auprès des forgerons elfiques, appuyé par Sîralassë pour des raisons similaires. Vif, lassée de la ville, projeta de se construire une cabane pour elle-même dans un arbre de la forêt proche. Mais surtout, Geralt voyait ses responsabilités le rattraper. En effet, Helvorn avait reçu un message pour lui de la part d'Eskel, qui lui demandait de vite revenir à la tête des assassins de Tharbad pour traiter une affaire importante, qu'il ne détaillait aucunement. Par ailleurs, le groupe allait bientôt recevoir une importante visite au cours de l'été...
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Warlord - 1ère partie : Geralt, chef des assassins

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1 - Départ
L'urgence que Geralt ressentait dans le message d'Eskel le poussa à prendre sa décision : son second avait besoin de lui pour traiter une affaire importante pour les assassins de la guilde des voleurs de Tharbad. Il se rappelait encore la conversation qu'il avait eue avec Niemal au sujet des responsabilités de chacun : il ne servait à rien de les fuir, il fallait y faire face, et le plus tôt était le mieux. Il donna des consignes et en particulier un message à faire passer à Niemal si possible, réclamant son aide à Tharbad, et il prépara ses affaires. Le surlendemain de leur retour à Bar Edhelas, il quitta le manoir discrètement, avant même le lever du soleil, avec son poney. Direction : Tharbad, via Bree et Metraith.

Une fois sorti du village, il poussa sa monture au galop. Mais à la limite des territoires contrôlés par Narmegil, il tomba sur trois de ses gardes qui patrouillaient la route à l'endroit où elle s'enfonçait dans la forêt. Devant l'air pressé et louche de ce cavalier de l'aube couvert de noir et encapuchonné, les hommes prirent les armes et l'interpellèrent, bloquant le passage. L'assassin aurait préféré un départ plus discret, mais il ne pouvait reprocher aux gardes de faire leur boulot. Il enleva son capuchon et se fit reconnaître, et les hommes s'excusèrent et le laissèrent passer en lui souhaitant bon voyage. C'était sûr, avant le soir, tout le monde discuterait de son départ : le capitaine des gardes de Narmegil, ce flemmard qui ne se levait jamais avant midi, partir avant l'aube ? Ça devait être rudement important !

Malgré le soleil et la chaleur, Geralt mena sa monture à bon train toute la (longue) journée. Après avoir traversé la forêt, il arriva à la Grande Route de l'Est et traversa la vallée de l'Eau jusqu'au Pont des Arbalètes, frontière de la Comté. Ensuite il laissa la Vieille Forêt puis les Galgals sur sa droite, au sud, et arriva enfin à Bree en fin de journée. Dans la salle commune, les deux-trois individus louches repérés l'incitèrent à ne pas céder à son penchant pour les grasses matinées, et il repartit très tôt le lendemain matin.

Prenant la Vieille Route du Sud en direction de Tharbad, il obliqua vite vers l'est pour rejoindre Minas Malloth, demeure du baron des Tyrn Gorthad. Pelendur les avait aidés par le passé, et il comptait lui demander conseil voire de l'aide. Une fois arrivé, les gardes du noble Dúnadan prévinrent leur maître, qu'il put rencontrer peu après. Tout d'abord, il prit des nouvelles du convoi d'or qu'il avait fait amener à la guilde par des gardes de Pelendur : tout s'était-il bien passé ? Car si l'or n'était pas arrivé à destination, Geralt courait au suicide ! Mais il fut rassuré par son interlocuteur, qui lui dit qu'il n'y avait eu aucun problème de vraiment notable.

Mis en confiance par la grande noblesse d'âme de son interlocuteur, il lui dévoila l'objet de sa mission : reprendre en mains le groupe des assassins de la guilde des voleurs de Tharbad. Comment faire le bien à la tête d'un pareil ramassis de hors-la-loi ? Quoiqu'il fût difficile de parler de hors-la-loi à Tharbad, où les principales lois qui prévalaient étaient celles du plus fort et de l'argent... Comment diriger ces assassins, comment concilier la paix et la sécurité des peuples libres en dirigeant la lie de la société du Cardolan ? Comment traiter cette histoire de "contrat", qui visait sans doute quelqu'un d'important ?

Le grand Dúnadan sourit et demanda son avis à haute voix à quelqu'un d'invisible. Une porte du petit salon privé s'ouvrit alors : quelqu'un avait écouté leur conversation, malgré la demande d'isolement de l'homme aux cheveux blancs ! Il s'agissait de Pelenwen, sœur jumelle de Pelendur, qui félicita Geralt pour sa motivation et son courage. Ce dernier fut rassuré en la reconnaissant et réconforté par ses paroles, et la conversation se poursuivit à trois. Malgré ses origines et son passé troubles, Geralt ne sentait pas de distance avec ses hôtes, et même de l'encouragement.

2 - Premières nouvelles et perspectives
Pelenwen expliqua qu'elle était récemment revenue de Tharbad, et qu'elle n'allait pas y retourner avant plusieurs semaines. Le magicien Mithrandir et le soigneur elfe Niemal étaient récemment passés par ici en direction d'Imladris, et ils comptaient revenir ensuite pour continuer, avec eux, jusqu'à Bar Edhelas. L'occasion d'aller voir Míriel, ses parents, et leurs amis. Mais cela voulait dire que le soigneur elfe ne risquait pas de se trouver à Tharbad pour aider l'assassin. Il laissa néanmoins un message, au cas où. Puis il écouta avec attention les paroles de Pelendur qui réagissait au "contrat" qu'Eskel avait évoqué à Geralt dans son court message.

En effet, l'homme aux cheveux blancs apprit que le Cardolan était le siège d'une intense activité diplomatique ces derniers temps : le prince Hallas de Dol Tinarë, dont les aventuriers avaient déjà goûté le caractère avare et égoïste à leur voyage vers Tharbad, recherchait des alliés pour une aventure militaire de taille. Il s'agissait de l'élimination d'Ardagor, connu aussi sous le surnom de Seigneur de Guerre. Arrivé pendant la Peste - venu d'Angmar d'après certaines sources - à la tête d'une troupe de trolls et d'hommes, il avait envahi des collines du centre du Cardolan, collines infestées d'orcs. Les prenant sous sa coupe, il avait peu à peu conquis les terres avoisinantes et s'était taillé un domaine comparable, bien que plus petit, à celui des princes et barons. Les humains étaient tenus en servage voire esclavage et travaillaient pour lui, et des compagnies de mercenaires étaient payées pour garder le domaine et ses habitants, en plus des trolls voire des orcs.

A une question de Geralt, Pelendur répondit qu'il voyait effectivement un lien possible entre ce "contrat" et cette campagne militaire en cours de préparation. En effet, Hallas pourrait très bien être l'objet du contrat. Mais le donneur d'ordre n'était pas forcément le Seigneur de Guerre, même si cela correspondait à son style. A la lueur de colère qui traversa les yeux du Dúnadan, Geralt compris que Pelendur pensait que d'autres personnes en étaient sûrement capables, dont au moins une pour laquelle il ne portait aucun amour, voire même peut-être une haine féroce...

Devant ces nouvelles, Geralt hésita et demanda s'il pouvait rester jusqu'au lendemain. Ses hôtes accueillirent sa demande avec joie et passèrent l'essentiel de la journée à discuter avec lui des événements passés et présents et des choix à faire. Après avoir hésité à revenir à Bar Edhelas, l'assassin choisit de poursuivre sur Tharbad. Mais il se rendit compte également qu'une vaste zone désertée l'attendait et qu'il n'avait même pas prévu de tente, sans parler de sa difficulté à veiller. Ses hôtes le rassurèrent et lui fournirent tout ce dont il avait besoin, et leur sollicitude le toucha.

Ils firent même plus : le lendemain matin, Geralt découvrit qu'ils seraient trois à partir. Ses hôtes avaient demandé à deux gardes plutôt âgés de l'accompagner jusqu'à Tharbad. Devant son regard gêné, Pelendur expliqua à son invité que ses hommes avaient de toute manière des choses à faire et des ordres et affaires à donner aux gardes et serviteurs restés là-bas pour tenir la maison. Geralt repartit donc avec le cœur bien plus léger que son aversion pour les efforts et les responsabilités n'aurait laissé supposer.

3 - Premiers contacts
Le trajet vers Tharbad se déroula sans incident, au trot voire au galop. Le trio ne rencontra que des ruines le premier jour, et Geralt put dormir sous une tente tandis que ses deux compagnons se relayaient pour monter la garde. Le second jour vit davantage de présence humaine, et la ville de Metraith, capitale de la principauté de Dol Tinarë, fut franchie. Le vieux seigneur Hallas devait demeurer à Thalion, le château qui jouxtait la ville. Une taxe fut payée par l'assassin, trop élevée à son goût, puis la route fut poursuivie. Le lendemain enfin, la ville de Tharbad fut atteinte. La chaleur de l'été rappela à Geralt l'odeur de la ville : puanteur des ateliers de traitement du cuir et des nombreuses immondices jetées dans le fleuve ou un peu partout en ville.

Après avoir payé une nouvelle taxe et avoir laissé son poney à une écurie près de la grande porte nord, l'assassin décida de répondre favorablement à l'invitation des deux gardes : il irait loger dans la maison du baron, sur l'île de la cité. Il y déposa ses affaires et repartit en ville pour aller voir Dirhavel l'alchimiste dans le quartier rive sud. Ayant remarqué les regards qu'il avait attirés en arrivant - certains l'avaient reconnu voire salué de loin pour certains - il quitta la maison en catimini et en prenant bien soin de ne se faire ni suivre ni reconnaître. Mais il était assez doué pour cela et pensa avoir réussi à arriver incognito.

L'herboriste dúnadan fut content de le revoir, et fut intéressé par les nouvelles qu'il apportait. Il avait effectivement entendu parler d'une campagne militaire en préparation contre Ardagor, mais le "contrat" était un élément nouveau. Geralt venait le voir pour pouvoir profiter de l'aide éventuelle de Silmarien, qui leur avait déjà rendu service lors du précédent passage des aventuriers dans la ville. Il expliqua qu'il allait avoir à traiter avec les assassins et que les risques étaient loin d'être nuls. Dirhavel l'assura que son amie ne serait sans doute pas loin. Puis, après réflexion, l'homme aux cheveux blancs décida d'aller se reposer. Le lendemain serait une rude journée.

Il passa une nuit tranquille, même si certaines personnes semblaient surveiller la maison. Un petit mot d'Eskel apporté à la maison de ses hôtes lui apprit qu'il se réjouissait de son arrivée et l'invitait à venir le voir pour causer. Prenant son courage à deux mains, il prit tout son matériel, et en particulier son armure en peau de dragon, assez terrifiante à voir. Il sortit et se dirigea d'un pas franc en direction du quartier des voleurs, la tête haute et l'air décidé, en montrant bien tout son équipement. Devant cet homme si intimidant, même les mendiants n'osaient l'approcher et la foule s'ouvrait devant lui toute seule. Aux fortifications du quartier des voleurs, il fut tout de suite reconnu et un voleur fila vers le château et quartier général, tandis que les autres le laissaient passer.

Il entra sans mal dans le château fortifié en partie en ruines et on le conduisit jusqu'aux quartiers du chef des assassins, occupés par Eskel. Son second l'accueillit avec joie et lui fit un rapide résumé de la situation : son absence avait entraîné un relâchement des assassins qui prenaient beaucoup de libertés vis-à-vis du fonctionnement de la guilde. Du travail moins bien fait, de l'argent qui ne rentrait pas, des rumeurs à son égard... Le principal opposant à Geralt était un "petit chef" - une espèce de lieutenant qui commandait entre une demi-douzaine et une douzaine d'hommes - qui s'appelait Breog, quelqu'un de très rapide. Récemment, il avait eu des contacts mystérieux et on lui avait remis en au moins une occasion un paquet...

Par ailleurs, le contrat d'assassinat pour lequel Eskel avait demandé l'aide de son chef portait sur nul autre que le prince Hallas de Dol Tinarë. Un contrat difficile mais sans doute faisable, d'autant qu'il y avait un homme à eux là-bas. Et le donneur d'ordre n'était pas connu. Devant la remarque de Geralt concernant une campagne militaire menée par Hallas, Eskel répondit qu'il avait vaguement entendu parler de cela mais qu'il n'était pas très au courant de la politique. En revanche, cela lui semblait possible qu'il y ait un lien, et cela était sans doute probable, même.

4 - Refroidissement
Geralt décida de reprendre en mains les assassins au cours d'une réunion le soir même : il ordonna à Eskel de rameuter tous les assassins possibles pour pouvoir leur parler au château une fois la nuit tombée. Concernant le "contrat", il temporisa. Il n'était pas d'accord pour l'accepter, mais il devait réfléchir à la manière de présenter les choses et se renseigner plus sur le commanditaire. Après avoir réglé d'autres détails avec Eskel et s'être mieux imprégné du quotidien de ses hommes, il quitta Eskel et demanda à voir le maître de la guilde, dont les quartiers étaient un étage plus haut.

Ce dernier l'accueillit sans le faire attendre, et demanda à ce qu'on ne les dérange pas. Puis il prit la parole, qu'il garda un moment : avec un certain paternalisme, il démolit les certitudes de Geralt et la confiance qu'il pouvait avoir en lui. Il pointa l'inexpérience du maître assassin, son manque de professionnalisme dans la tenue de ses troupes, et ses idéaux en contradiction flagrante avec le concret de la guilde et la réalité de la politique. Sans parler d'enfoncer le clou en rappelant l'amour de Geralt pour le confort et la tranquillité...

Ce discours ne manquait pas d'une certaine franchise ; calculée ou réelle, l'homme aux cheveux blancs n'aurait su le dire. Ainsi, le maître apprit à Geralt que suite à des aménagements effectués par un de ses prédécesseurs, il avait pu suivre toute la conversation entre Eskel et Geralt. Mais surtout, il abattit sans vergogne certaines des certitudes de Geralt sur un certain ordre des valeurs : le mal était bien plus près qu'il ne le pensait et prenait souvent la forme de Dúnedain du Cardolan, dont certains se voyaient bien comme roi du Cardolan voire d'Arthedain... Angmar n'aurait jamais pu avoir autant de succès s'il n'avait pas eu à sa disposition un terreau si fertile dans lequel planter des graines de conflit, de chaos et de guerre...

Ainsi, le contrat annoncé par Eskel. Ce dernier n'avait pas tout dit, peut-être parce qu'il se méfiait des murs du château, et avec raison. D'une part, il y avait en fait deux contrats sur Hallas, et l'un d'eux était parfaitement connu : nul autre que Faradil Tielagal, le petit-fils de Hallas ! Il n'en était pas à son coup d'essai d'ailleurs, ayant déjà essayé de tuer son oncle Celedur, héritier de la principauté avant lui. C'est pour cela qu'il habitait Tharbad et ne mettait jamais les pieds à Dol Tinarë - il n'en ressortirait pas vivant. D'ailleurs, le contrat semblait englober l'oncle en question. D'autre part, le contrat était appuyé par une autre personne, non identifiée celle-là, qui avait augmenté la prime en cas de succès. Faradil voyait certainement d'un mauvais œil son grand-père dilapider le trésor de la maison dans une campagne militaire à l'issue incertaine... et son oncle Celedur aussi, sans doute. Mais ils n'étaient pas les seuls à envisager la mort du vieil homme.

Et le maître de continuer sur la désorganisation des assassins, dont l'un d'eux, Breog, avait des appuis internes comme externes et sans doute la ferme idée de remplacer Geralt au cours d'un duel, le soir même. Tandis que Geralt sentait une sueur glacée lui couler dans le dos, le maître lui dit qu'il avait quand même parié sur lui, Geralt : d'une part, il le manipulait facilement, il lui était utile ; et d'autre part, le maître croyait assez en la capacité des amis du chef des assassins pour le protéger à distance. Mais Geralt n'en était pas si sûr que ça... Le maître enfonça encore le couteau dans la plaie en montrant que les assassins ne pouvaient être tenus avec Geralt à leur tête, et la guilde fonctionner dans son ensemble, qu'en ramenant de l'argent et des appuis. Libre à Geralt de refuser un contrat, même si bien payé. Mais il fallait qu'il en trouve d'autres...

Après avoir asséné quelques dernières vérités à un homme aux cheveux blancs qui avait du mal à répondre quoi que ce fût, le maître le laissa digérer un peu. Geralt finit par gloser d'une voix un peu moqueuse sur les grands talents d'orateur du maître et ses illusions concernant l'impact réel d'Angmar et la nature d'Ardagor. Il finit par le quitter après lui avoir proposé de faire rentrer de l'argent autrement, d'autant que c'était le seul objectif de la guilde et du maître : l'enrichissement. Mais il ne parvenait pas à oublier le sourire de ce dernier lorsqu'il lui souhaita bonne chance pour le soir...

5 - Renseignements et préparatifs
L'assassin en chef retourna voir Eskel et lui demanda qu'il les emmène dans une de ses planques pour pouvoir discuter tranquillement. Là-bas, il l'informa de sa discussion avec le maître et de la quasi-certitude d'un duel le soir avec Breog, duel sûrement doublé de coups fourrés divers. Malheureusement, Eskel lui confirma qu'il ne pourrait sans doute pas faire grand-chose faute d'assez d'assassins vraiment fiables sous ses ordres : il pouvait compter sur une dizaine d'entre eux, alors qu'il pensait qu'ils étaient deux fois plus nombreux à souhaiter un changement de chef. Les autres se rangeraient du côté du vainqueur.

Côté contrat sur la tête de Hallas, Eskel lui apporta des précisions, car il ne lui avait pas tout dit en effet. Le contact qui avait parlé le premier du contrat proposait en fait 300 pièces d'or (PO) pour la tête du vieux prince. Mais le contrat était deux fois double : une fois Hallas supprimé, et seulement s'il était supprimé, 300 PO supplémentaires étaient donnés pour Celedur, cinquième et dernier fils survivant de Hallas, et son héritier. A côté de ça, un autre contact avait eu lieu avec une personne mystérieuse qui avait offert d'appuyer de 200 PO supplémentaires chaque contrat. Autrement dit, la mort de Hallas rapporterait 500 PO - et il était question d'une avance - et celle de Celedur autant, dans la mesure où son père était éliminé d'abord.

Eskel expliqua aussi à Geralt que le maître de la guilde concentrait toutes les informations et que les principaux espions n'étaient pas chez les assassins mais chez les voleurs. Les premiers étaient les muscles des seconds quand il le fallait, et les seconds avaient bien plus développé le commerce des renseignements et du chantage que les premiers. Le maître avait ainsi pu filer et reconnaître l'origine du contrat de départ. Que ce soit le petit-fils de Hallas paraissait tout à fait plausible aux yeux d'Eskel, qui connaissait assez les frasques de la famille pour faire moins confiance à Faradil qu'à Breog...

Après quelques derniers échanges et directives en vue de la soirée, Geralt décida de se reposer un peu. Puis il retourna discrètement voir Dirhavel, dans l'après-midi, et rapporta ses échanges au sein de la guilde. L'herboriste confirma certaines choses concernant Faradil, et il lui garantit que Silmarien veillerait autant que possible sur lui et les assassins. Il lui proposa également de venir le trouver le soir, une heure environ avant sa réunion, pour un petit cadeau qui pourrait lui être utile. Ne voyant rien à faire d'utile à sa portée, l'après-midi traîna en longueur pour Geralt, qui retrouva enfin l'alchimiste.

Ce dernier, qui fermait boutique, l'emmena à l'intérieur. Il prépara des graines, les écrasant d'abord avec mortier et pilon avant de les faire infuser : c'était de la bonneherbe, qui, une fois bue, donna à Geralt plein d'énergie et de confiance en lui. Ayant récupéré ses affaires et plus menaçant que jamais, il se dirigea d'un pas royal et qui ne souffrait aucune obstruction, en direction de la guilde. Là encore, tous s'écartèrent devant lui. Il arriva au château, dans une salle du rez-de-chaussée où les assassins s'étaient assemblés. Après un moment et quelques derniers arrivants, les portes furent fermées. Mais il avait déjà pu remarquer certaines choses et prendre quelques précautions.

6 - Duel dans le noir
Tout d'abord, Eskel l'avait aidé à repérer Breog et ses hommes. L'assassin qui allait probablement le défier paraissait très confiant, trop même... Il portait - accoutrement inhabituel - une cotte de mailles sous ses vêtements. Mais surtout, l'homme aux cheveux blancs avait pu distinguer comme un reflet particulier, humide, dans ses yeux. Cela, plus le fait que les hommes de Breog étaient disséminés un peu partout et en particulier près des sources de lumière, entraîna un déclic : son adversaire avait pris du trèfle de lune et il avait sûrement donné l'ordre de tout éteindre au début du combat. Geralt mit Eskel au courant et se dépêcha de mettre lui aussi du trèfle de lune dans ses yeux - son second, nyctalope, n'en avait pas besoin - tout en s'étonnant de ne pas voir Lambert, toujours pas revenu.

Parmi les différents assassins qu'Eskel avait nommés, Geralt avait aussi remarqué que l'un d'eux avait quelque chose de particulier, une démarche ou une manière de se tenir différente et de tout observer... Et il restait à part et ne se mêlait pas aux autres, et son regard était particulier. Le nom de Silmarien lui vint à l'esprit, ce qui le stimula un peu plus. Tandis que son second allumait une lanterne dans son coin, et regrettant toujours l'absence de son ami Lambert, il demanda le silence et commença à parler aux assassins d'une voix ferme et autoritaire, en affichant bien son armure menaçante.

Cela ne dura pas longtemps. Très rapidement, l'assassin Breog s'opposa à lui et contesta ses décisions et son autorité. Devant la menace du recours ultime - le duel d'assassins - l'homme ne flancha pas mais saisit la balle au bond : il demanda le règlement immédiat de leur différend, il voulait prendre la place de Geralt et il aurait sa tête. Tous deux s'écartèrent alors pour se préparer, mais même de loin, Geralt vit clairement ce qu'il faisait : il enduisait sa lame de poison, il prenait quelque chose dans la main gauche, et il mangeait une noix avant de prendre son arme. Puis, s'avançant dans le cercle avec des gestes de plus en plus vifs, il annonça qu'il était prêt. Il avait sans doute mangé une noix de l'écureuil, et il était à présent certainement plus rapide que Geralt.

Comme prévu, lorsque le départ fut donné, les hommes ou alliés de Breog éteignirent toutes les sources de lumière, y compris la lanterne d'Eskel, qu'il ne put garder longtemps allumée. Des protestations s'élevèrent parmi les assassins, mais certains hurlèrent que l'obscurité était la même pour tous, et ils tentèrent de suivre par le bruit le ballet des lames qui volaient avec la plus extrême des rapidités. Mais elles furent précédées par un vif mouvement de la main de Breog en direction du visage de Geralt. Il faillit recevoir une poudre dans les yeux mais l'évita au tout dernier moment, arrivant juste à sentir quelque chose de très piquant. Puis il subit deux premières attaques de l'assassin en face de lui.

Les deux duellistes étaient très bons, et, sur la défensive, aucun ne pouvait toucher l'autre. D'autant que Breog avait montré plus ouvertement sa nouvelle armure, qui semblait de très bonne qualité, comme son chef put bientôt en juger. Chacun prenant parfois des risques, ils arrivaient à se toucher très légèrement mais sans faire de réelle blessure, sauf une fois, où Geralt perça la défense de son adversaire pour lui occasionner une blessure plus que minime. Néanmoins, il se sentait en difficulté. Et puis, tout d'un coup, Breog se mit à luire très faiblement mais assez pour permettre de mieux distinguer ses mouvements dans l'obscurité, ce qui aida bien son chef. Dans la salle, un murmure montra que les assassins avaient remarqué la chose, mais pas Breog.

Par contre, vers le début du duel, il fit une attaque foudroyante que Geralt ne put parer. Ou du moins Breog essaya de porter cette attaque éclair. Car son casque lui tomba sur les yeux à ce moment précis : il perdit l'occasion de porter un coup mortel pour relever son couvre-chef avec un juron. Il semblait pourtant bien attaché... Cela arriva une nouvelle fois ensuite, et, un peu plus tard, alors que le combat s'éternisait, un bout de bois vint rouler juste sous le pied de Breog, comme s'il bougeait tout seul. L'homme fut déséquilibré et arriva de justesse à ne pas tomber, mais ce fut l'ouverture que Geralt attendait : profitant de l'occasion, il porta un terrible coup qui fit voler la tête de son adversaire loin de son corps.

7 - Soupçons
Les lumières furent rallumées pour que tous contemplent vainqueur et vaincu, et les hourras commencèrent à l'élever, petit à petit plus nombreux. Brusquement, les assassins venaient de comprendre qui était leur véritable chef, et même ceux qui n'étaient pas très motivés se mirent à filer doux. Mais pas les hommes de Breog, qui voulaient s'éclipser mais furent amenés devant Geralt. Il demanda où était son ami Lambert, et devant les regards gênés de cinq des assassins qui se tenaient devant lui, il comprit, et Eskel également, dont la main blanchit sur la poignée de son épée. Alors Geralt prit une des lames empoisonnées de Balt, qu'il portait sur lui, et d'un geste vif il taillada le bras d'un des hommes. Celui-ci se mit à hurler de douleur, tandis que le chef des assassins leur ordonnait d'aller aux maisons de guérison. Arrivé, porté par ses compagnons, à la limite du quartier des voleurs, l'homme ne bougeait déjà plus. Arrivé au pont, il était mort. Mais ses collègues se souviendraient longtemps de ses cris.

Geralt se rendit compte par la suite que le maître de la guilde avait gagné pas mal d'argent ce soir-là, ainsi que d'autres - peu d'assassins ou voleurs avaient parié sur l'homme aux cheveux blancs. Mais l'exemple avait porté ses fruits, et Geralt, après ce duel, n'eut plus de problème d'autorité : les assassins furent vite disciplinés et obéissants, et l'argent se mit à rentrer d'un coup les jours qui suivirent... Le maître de la guilde, après avoir félicité son collègue, lui apprit également quelques petites choses concernant les contrats sur la tête de Hallas. Le contact de Faradil avec la guilde, un serviteur originaire du coin, mais aussi d'autres intermédiaires.

Il y avait au moins deux personnes qui gravitaient autour de cette affaire. La première était connue, il s'agissait de Goldang, un marchand qui faisait le commerce d'herbes de toutes sortes - y compris drogues et poisons - avec le Rhudaur. En fait, c'était à présent la seule source à Tharbad de Tue-l'Esprit, cette drogue qui affaiblissait la volonté et les capacités intellectuelles. Auparavant, Vesemir, père adoptif de Geralt et maître des herbes et poisons à la guilde, savait en récolter et en préparer, mais il avait disparu au printemps lors d'un voyage dans le Rhudaur, et personne ne savait ce qu'il était devenu.

Le maître apprit ainsi à Geralt que le marchand Gilluin, dont il avait entendu dire qu'il avait fourni du Tue-l'Esprit en Arthedain, n'était jamais passé par la guilde des voleurs et n'avait pu se fournir qu'auprès de Goldang. Mais ce dernier avait eu également un autre rôle : c'est lui qui avait fourni la cotte de mailles à Breog - cotte que Geralt avait donnée à Eskel, avec le reste de ses affaires. C'était une veste de mailles exceptionnelle, légère et très résistante, que seuls les nains de la Moria ou les forgerons d'Arthedain - voire les elfes - pouvaient fabriquer. Elle lui avait été cédée pour la modique somme de 100 PO, d'après les compagnons de Breog (qui s'en était vanté), ce qui était vraiment un prix d'ami pour une pareille armure...

Mais il y avait aussi une (au moins) autre personne, mystérieuse, qui avait contacté Breog auparavant et d'autres assassins. Pour pousser Breog à défier Geralt d'une part, mais aussi pour annoncer qu'elle apporterait un bonus à la prime sur les contrats de la famille Tinarë - Hallas et Celedur. Cette personne n'avait pu être identifiée ou suivie en aucune occasion, et les rapports divergeaient sur son apparence, bien que similaire - peut-être y avait-il plus d'une personne en fait. Concernant l'avance qu'elle avait promise pour le contrat sur la tête de Hallas, personne ne savait comment la contacter. Apparemment, c'était cette mystérieuse personne qui recontacterait elle-même la guilde.

8 - Enquête
Geralt devait savoir qui était derrière ces contrats et toute cette affaire. La piste de Faradil Tielagal laissait peu d'espoir : l'homme était méfiant et bien gardé, il recevait uniquement chez lui et ne sortait quasiment jamais, ou bien gardé et de jour. Seul son serviteur était parfois envoyé à la guilde, de nuit. Geralt envisagea d'aller le voir et d'essayer de le tromper, mais Eskel ou Dirhavel entamèrent sa motivation : il pourrait facilement nier, et quelle preuve en retirer, pour quel risque ? Éventuellement, il devait être possible de demander des détails ou autres par le biais de son serviteur, mais le chef des assassins manquait d'idées.

Quant à l'homme mystérieux qui avait augmenté la prime du prince de Dol Tinarë et de son héritier, impossible de le retrouver. Geralt répandit tout de même la nouvelle de ce contrat auprès des petits chefs des assassins - beaucoup n'en avaient jamais entendu parler - en ajoutant qu'il avait été accepté et que l'avance et des précisons étaient attendues. Il eut des retours comme quoi la nouvelle allait sans doute finir par se savoir dans tout Tharbad voire le Cardolan, et il eut des regrets, mais la chose était faite.

Enfin, seule piste un peu fiable, il se renseigna sur le marchand Goldang. Se faisant passer pour un marchand lui-même - il dut acheter un écusson de la guilde pour éviter de se faire agresser par bandits et mendiants - il obtint quelques informations auprès de la guilde des marchands. Dirhavel lui-même avait parlé de rumeurs comme quoi l'homme venait du Gondor où il avait fui quelque chose ou quelqu'un. Pour remonter la piste et aller voir divers clients du Goldang en question, il graissa les pattes d'un ou deux marchands (et du maître de la guilde) jusqu'à trouver quelqu'un qui avait l'information qu'il recherchait, que Goldang avait laissé échapper un soir où il avait trop bu : il avait fait une erreur d'herbes auprès d'un riche client, et la personne avait mis sa tête à prix dans le sud...

Par ailleurs, le Goldang en question devait probablement bientôt repasser par Tharbad, car il était parti voilà un moment déjà pour le Rhudaur, et il revenait régulièrement. Geralt donna des ordres pour être prévenu dès que l'homme serait revenu et identifié, car il comptait bien l'interroger. Néanmoins, d'après ce que ses contacts - dont Dirhavel - lui avaient rapporté, il faisait plus penser à un intermédiaire qu'à un décideur. C'était un marchand pas trop scrupuleux - il traitait de tout avec tous - mais il était relativement honnête et ne semblait pas particulièrement fortuné. Il dépensait rapidement ses gains en petits plaisirs divers, et n'avait la plupart du temps pas de quoi se payer des gardes pour l'escorter.

Mais cela rendait encore plus mystérieuse l'origine du Tue-l'Esprit et surtout de la cotte de mailles qu'il avait refilée à Breog. Et d'après ce qu'il avait apprit, Goldang n'avait pas utilisé cent pièces d'or en plaisirs divers, ni investi cette vaste somme en quelque chose de profitable, à la manière du maître de la guilde des voleurs. Ce dernier avait en effet utilisé une bonne partie de l'or amené par les gardes de Pelendur, à la demande de Geralt, pour lancer une grosse affaire de culture et de préparation (et ensuite, de vente) de drogue.

9 - Entretien à la pointe d'une dague
Ce fut donc l'attente, mais elle ne dura pas longtemps. En effet, deux jours plus tard, le marchand Goldang fut repéré qui revenait du Rhudaur avec son poney, et il paraissait chargé d'herbes. Après avoir laissé sa monture à l'une des écuries, il commença à faire le tour des herboristes de la ville, de jour, sans se rendre au quartier des voleurs. Geralt, une fois prévenu, entraîna avec lui Eskel ainsi qu'un assassin un peu plus doué que les autres pour jouer la comédie. Il le déguisa en marchand et ils se postèrent non loin de chez Dirhavel, chez qui Goldang faisait toujours un tour.

Ce qui arriva. Geralt envoya alors son assassin avec pour ordre de marchander avec lui et de l'amener à l'écart. Mais Goldang voulait rester dans des endroits fréquentés, et il proposa plutôt une taverne proche. Un peu pris de court, l'assassin grimé en marchand ne comprit pas les gestes que Geralt lui faisait de loin, et la conversation prit fin, le marchand s'éloignant. En fait, méfiant, il se dépêcha de filer tandis que le chef des assassins donnait de nouveaux ordres à ses subalternes : il allait s'occuper de la chose lui-même.

L'assassin aux cheveux blancs, dans une tenue discrète, finit par repérer le marchand et par le suivre le long de son périple, jusqu'à une auberge où il prit une chambre. Après un moment l'homme finit par descendre manger, avant de remonter. Patient, Geralt attendit encore jusqu'à ce qu'enfin l'homme, sous une apparence différente et plus discrète, sorte de l'auberge et se dirige vers le quartier des voleurs à la nuit tombée. Geralt le suivit sans problème, et, une fois à l'intérieur du quartier, il s'arrangea pour le coincer discrètement dans un coin. Un geste rapide et l'homme sentit la pointe d'une dague sur sa pomme d'Adam. Tout de suite disposé à coopérer, il se laissa emmener dans un coin plus discret pour discuter.

Geralt le baratina avec une histoire de client du sud qui avait mis 50 PO sur sa tête, ce qui fit trembler l'homme. Il reprit un peu espoir quand l'assassin lui dit qu'il pourrait sauver sa tête en échange de quelques renseignements, que l'homme s'empressa de donner, et il ne semblait pas mentir. Manifestement, ce n'était pas une grosse pointure, juste un intermédiaire. Mais ce qu'il avait à dire était tout de même intéressant. Ce n'était qu'un marchand d'herbes ou de petits services, et il était censé ne pas parler de ses contacts. Mais là, il était plutôt motivé...

Il connaissait le marchand Gilluin, mais il n'avait jamais eu affaire à lui concernant le Tue-l'Esprit. La drogue lui était fournie par un homme de Cameth Brin qui lui disait de la remettre à un contact à Tharbad, contact qui s'avérait être une personne mystérieuse dont il n'arrivait pas à se souvenir des traits. Sauf qu'il était grand et imposant, avec une voix autoritaire, et sans barbe, ce qui lui faisait penser à un Dúnadan. Il avait remis plusieurs flacons de la drogue à l'automne 1637, puis l'automne suivant (1638), et un unique flacon au printemps de cette année (1639). Il était payé pour ce service, mais pas pour l'herbe elle-même - il servait juste de messager en quelque sorte. Il connaissait Vesemir et l'avait même vu dans le Rhudaur au printemps dernier, mais il n'avait plus entendu parler de lui et n'en savait pas plus.

Quant à la cotte de mailles, c'était un peu la même chose, il avait juste servi de passeur : une personne mystérieuse l'avait contacté, un peu la même, mais elle semblait moins imposante et la voix était différente - cela lui faisait plus penser à un homme nordique. On lui avait donc remis le paquet et il avait joué le jeu du marchand qui se laisse avoir au marché noir. Lui-même n'avait jamais vu à Tharbad une pareille armure se vendre, et il en aurait volontiers donné plus. Mais ce n'était pas sa spécialité.

10 - Rendez-vous
Geralt mit fin à l'entretien en disant à l'homme qu'il n'était plus maintenant qu'un mort en sursis : Angmar chercherait sûrement à le faire taire maintenant qu'il avait parlé. Il lui proposa de rester à Tharbad où il ferait en sorte qu'il soit protégé, tant qu'il resterait disponible et obéissant. L'homme protesta qu'il était un marchand et qu'il devait bien vivre de quelque chose, mais l'assassin lui répondit qu'il ne garantissait rien en dehors de Tharbad. Vu le genre de commerce qu'il faisait, ça ne devait pas l'étonner : c'étaient les risques du métier, il n'avait à s'en prendre qu'à lui-même...

Après quoi, Geralt donna des ordres pour faire suivre et protéger Goldang, et il mit au courant tant Eskel que Dirhavel. Mais le premier le prévint deux jours après qu'il avait eu un autre contact d'une personne mystérieuse qui faisait penser aux précédentes descriptions : l'homme donnait rendez-vous à l'extérieur de Tharbad, à la lisère de la petite forêt au nord de la ville, à une bonne heure de marche. Il attendrait au crépuscule pendant une heure, et Geralt devait venir seul, au plus accompagné d'une personne. Eskel n'était pas très chaud, cela pouvait être quelqu'un de prudent ou une bête embuscade, mais son chef décida d'y aller. Il lui proposa de l'accompagner, ce qu'Eskel accepta sans hésitation.

Dirhavel fut encore plus circonspect qu'Eskel quand il apprit le rendez-vous pour le soir même. Et il n'avait pas de bonneherbe à préparer, cette fois. Par ailleurs, au crépuscule Silmarien ne serait pas prévenue et même ainsi, elle ne pourrait se libérer assez vite pour être là-bas. Bref, c'était extrêmement risqué et Geralt y allait sans filet de sécurité. Mais comme l'homme aux cheveux blancs semblait décidé, il lui souhaita bonne chance. Avant son départ, il lui remit un cataplasme de soin dans une enveloppe de feuilles, en espérant qu'il n'en aurait pas besoin...

A la tombée du jour, les deux hommes se présentèrent à la porte nord et sortirent sur la Vieille Route du Nord, suivis par les regards étonnés des gardes. Ils longèrent la forêt tandis que le soleil se couchait derrière et que les ombres s'épaississaient. Du coup, eux-mêmes étaient bien visibles tandis que la lisière de la forêt était complètement dans l'obscurité. Quelqu'un dans les fourrés qui savait un minimum se cacher était totalement invisible, et seul un chien pourrait le détecter, selon Eskel, peu rassuré. Mais Geralt était confiant dans ses capacités, et ils poursuivirent sur la route.

Jusqu'à un endroit qui pouvait être le point de rendez-vous. Et justement, Geralt perçut une bonne demi-douzaine de guerriers à peu près cachés dans les bois, mais pas assez bien pour lui. Ils faisaient penser à des brigands très ordinaires. Il fit remarquer la chose à Eskel, et les deux hommes s'arrêtèrent. Par ailleurs, il remarqua aussi que loin derrière eux sur la route, à plusieurs centaines de mètres, deux cavaliers - des guerriers pensait-il - se dirigeaient tranquillement dans leur direction. Mais arrivés à peut-être trois cents mètres, ils s'arrêtèrent. Leur silhouette et leurs habits disaient quelque chose à l'assassin mais dans cette pénombre il ne voyait pas assez bien.

En revanche, du côté des brigands, Geralt distinguait des signes d'impatience. Il finit par héler les hommes, qui sortirent après un moment, tout en restant près de la lisière, méfiants. Deux étaient armés d'arcs, flèche encochée mais corde non tendue. Petit à petit, les deux groupes s'approchèrent jusqu'à être à une vingtaine de mètres les uns des autres. Le chef des brigands accepta de s'approcher encore pour remettre une bourse, qu'il montra, à Geralt. Les deux hommes s'approchèrent encore tandis que les autres attendaient. Puis l'homme lança la bourse à Geralt, qui ne fit pas mine de l'attraper mais la laissa tomber à terre. Et sur un "taïaut", l'homme sortit son épée et lui fonça dessus, tandis que ses comparses en faisaient autant, à l'exception des archers qui tendirent la corde de leur arc.

11- La flèche
Geralt hurla à Eskel de se mettre dos à dos avec lui, mais pour l'instant il était seul. La flèche qui lui arriva dessus ne lui fit qu'une égratignure, grâce à son armure, et il ne la sentit même pas. Il chercha à assommer le chef des brigands qui l'attaquait mais son crâne s'ouvrit sous le coup d'épée, même du plat de la lame, et il fut remplacé par deux autres. Il en assomma un autre avec un peu plus de délicatesse, et alors qu'il allait faire de même avec le suivant, qui se mettait sur la défensive, il sentit une violente douleur à la jambe : une flèche tirée de derrière lui venait de lui traverser la cuisse...

Eskel, de son côté, s'en sortait bien et les brigands n'avaient plus grand monde ou compétence à leur opposer. Profitant de la blessure de Geralt, le brigand face à lui l'attaqua, mais sans conséquence, et Geralt revenu de sa douleur lui fit sauter la tête des épaules. Mais alors il sentit la jambe lui brûler atrocement : la flèche était empoisonnée, et le poison était puissant et rapide. Il eut tout de même le temps de voir les derniers brigands s'enfuir en forêt et les deux cavaliers arriver, l'un directement vers eux et l'autre en direction de l'endroit d'où était partie la flèche. Il les reconnut : c'étaient les deux gardes de Pelendur avec qui il avait fait le voyage. Eskel fut prévenu et les laissa s'approcher.

Geralt sortit le cataplasme donné par Dirhavel de son sac, mais l'homme qui venait vers lui avait aussi une préparation, bien que différente. Il lui dit qu'ils étaient là à la demande de Dirhavel, qui avait fourni un puissant contrepoison. Mais il devait d'abord retirer la flèche avant de pouvoir appliquer le remède. Le temps de faire cela, l'assassin aux cheveux blancs avait souffert mille morts avant de finir par s'évanouir. Après coup, le garde lui dirait qu'il avait fait erreur, il aurait dû enlever rapidement la flèche pour traiter rapidement le poison, au risque d'aggraver la blessure, mais il ne pensait pas que le poison était si rapide.

Geralt se réveilla plus tard, tout le corps douloureux, avec comme principale idée l'envie d'en finir. Il apprit qu'il avait été à la limite de la mort et il était resté inconscient pendant trois jours. Firiel elle-même, chef des maisons de guérison, était venue prêter main-forte et son aide n'avait pas été de trop, non plus que d'autres herbes fournies par Dirhavel. Il restait d'ailleurs une bonne dose de marchand de sable et de l'athelas pour l'aider à récupérer, mais il n'était pas encore sorti d'affaire, même si son état allait mieux. Reprenant espoir en respirant l'odeur de l'athelas, la douleur l'envahit à nouveau et il retomba dans le coma.

Il lui fallut plusieurs jours pour retrouver sa santé, ce qui était déjà en soi miraculeux vu son état, et qui contraria de nombreux assassins qui avaient parié sur sa mort. Mais les herbes et la magie des soins de Firiel - car elle en disposait - firent bon effet, sans parler des soins permanents des serviteurs de Pelendur et en particulier du garde le plus âgé qui l'avait secouru - ce semblait être un bon soigneur lui aussi. Heureusement Geralt n'avait pas reçu de blessure mortelle à la jambe, seul le poison l'avait vraiment mis en péril. Et maintenant il était éliminé, seul son état de grande faiblesse l'avait obligé à garder le lit. Il boitait, mais cela ne resterait pas bien longtemps.

12 - Retour
Eskel le mit au courant de la suite, après son évanouissement. L'homme embusqué en forêt, derrière lui, s'était vite échappé, il n'avait pas insisté - sans doute pensait-il que le compte de Geralt était bon. Il avait un cheval non loin dans les bois et les gardes ou Eskel n'avaient pas trouvé prudent d'aller voir, d'autant qu'ils avaient le corps de Geralt à ramener en urgence. Plus tard, son second était revenu avec des renforts et ils avaient fouillé le secteur. Ils avaient retrouvé les brigands, qui ne faisaient pas partie de la guilde, même si certains les connaissaient. Tous morts : quelqu'un s'était occupé d'eux après leur départ.

Dans les bois, les traces montraient qu'une autre personne, avec un autre cheval, s'était tenue en observation à distance, puis qu'elle était partie elle aussi, après avoir liquidé les derniers brigands - à la dague et au poison. Les traces des deux chevaux se réunissaient, et quittaient la forêt un peu plus loin pour se diriger vers l'ouest. La bourse lancée par le chef des brigands était restée sur place : elle contenait des cailloux. Les jours qui suivirent, aucun contact ne fut repris avec voleurs ou assassins. Par contre, la mésaventure de Geralt avait un peu entamé la confiance des assassins envers leur chef... Dernière nouvelle enfin : Goldang avait pris un bateau pour le sud, qu'il avait dû trouver moins dangereux que la proximité d'Angmar.

Dès qu'il fut en état de marcher, Geralt, très démoralisé, s'entretint avec Dirhavel à qui il demanda conseil. Il se sentait impuissant, dépassé, et avait un sentiment d'échec sur toute la ligne. Le Dúnadan le réconforta un peu en lui rappelant ce qu'il avait fait et les renseignements qu'il avait obtenus, mais il ajouta qu'il avait été trop présomptueux. Il avait cru pouvoir tout mener seul, il n'avait pas réussi. Il lui fallait donc de l'aide puisqu'il constatait qu'il n'y arrivait pas. En bref, il devait retourner auprès de ses amis et voir avec eux. Geralt aurait bien aimé abandonner la gestion des assassins, mais son second lui avait rappelé à une occasion que la seule manière de quitter cette position, c'était les pieds devant.

Un goût amer dans la bouche, l'assassin aux cheveux blancs parla de son départ à Eskel, qui acquiesça. Le départ du chef ne serait pas une bonne chose pour les assassins, d'autant que Geralt avait dit qu'il resterait. Mais la situation était bloquée. Néanmoins, avant de partir, Geralt eut une dernière idée : via le serviteur de Faradil, il dit à son maître que le contrat était refusé, sauf peut-être s'il apprenait qui était la personne qui avait augmenté les primes. Le matin du départ vers le nord, alors qu'il sellait son poney, Eskel arriva pour dire qu'ils avaient eu une réponse qui disait : "c'est un agent de Girithlin".

Abattu et démoralisé, même s'il était maintenant entièrement guéri, Geralt repartit avec les deux mêmes gardes qu'à l'aller, au trot ou au galop - près de la forêt au nord de Tharbad en particulier. Le voyage se déroula sans incident, jusqu'à Minas Malloth où attendaient Pelendur et Pelenwen, qui félicitèrent les gardes fidèles et expérimentés qu'ils avaient envoyés. Geralt les gratifia de quelques pièces d'or également, en plus de celles qu'il leur avait offertes à l'aller. Et il en donna vingt à Pelendur en le priant de les accepter pour toute l'aide qu'ils lui avaient apportée, et autant pour Pelenwen à l'attention des maisons de guérison de Tharbad.

L'homme le remercia et lui dit qu'elles seraient bien employées, car il avait du mal à trouver des mercenaires compétents et fiables pour la campagne contre Ardagor, et sa sœur le remercia également par un compliment. Le lendemain, Geralt reprit son petit cheval et fit toute la route jusqu'à Bar Edhelas au galop. Il en avait soupé du Cardolan et de leurs intrigues tordues, d'Angmar et des ses agents, des assassins et de leurs règles à la noix, et de tous les efforts qu'il avait dû faire, pour rien ! Mais pas complètement quand même, et il devait une fière chandelle à Pelenwen et Pelendur, leurs gardes, et Dirhavel et Silmarien. Et il avait montré qu'il était un vrai assassin, mais aussi plus que ça.
Modifié en dernier par Niemal le 07 octobre 2012, 21:47, modifié 10 fois.
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Warlord - 2ème partie : visites et politique

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1 - Projets
Alors que Geralt chevauchait en direction de Tharbad, trois semaines plus tôt, que se passait-il à Bar Edhelas, manoir de la famille Eldanar, à Tumulus, dans le Quartier Nord de la Comté ? L'intendante hobbite et Helvorn, cousin de Narmegil, s'occupaient des principales tâches de gestion. Cela laissait bien du temps à nos amis pour s'occuper d'eux-mêmes ou de choses qui les motivaient. Drilun, parrain officiel de la petite Míriel depuis peu, pensait à assurer la meilleure protection à sa filleule. Vif, marraine officielle, se disait que si elle devait rester par ici, il lui fallait une demeure à ses goûts, dans les bois. Isis, tout en pouponnant, pensait à ces enfants qui n'avaient pas le bonheur d'avoir des parents. Entre autres choses.

Tandis que Sîralassë, entre deux visites de soin dans le voisinage, envisageait de cultiver des plantes médicinales avec l'aide des hobbits, Narmegil s'occupait de la requête de Geralt : dans un message informant son grand-père Tarcandil de leurs dernières aventures et de la naissance de Míriel, il lui faisait part de la demande de l'assassin aux cheveux blancs - une demande d'aide auprès de Niemal, soigneur itinérant de la maison d'Elrond, qui savait lire les sentiments voire les pensées. Un marchand dont la tournée devait l'amener à Fornost fut rémunéré pour servir de facteur, et le Dúnadan retourna à la gestion du domaine, ainsi qu'à la lecture de livres divers de sa bibliothèque : un seigneur doit faire face à de multiples besoins et connaître bien d'autres choses que savoir manier une épée ou monter à cheval.

De son côté, Vif parcourait les bois alentours, au-delà des fermes qui s'étendaient autour de Tumulus. Elle finit par trouver un gros chêne magnifique, à la large et haute frondaison, mais sans branche basse grâce à l'élagage naturel opéré par ses proches voisins. Tout à fait le genre d'arbre dans lequel construire une maison comme par chez elle, parmi les Hommes des Bois de la Forêt Sombre. Elle se mit alors en quête de quelqu'un de compétent pour l'aider à construire cette maison, un charpentier capable de travailler dans les arbres. Mais ni chez les hobbits, ni chez les humains encore présents, elle ne put trouver quelqu'un de satisfaisant. En revanche, elle avait remarqué la présence d'elfes dans les environs, et elle se rappelait les maisons dans les arbres présentes dans leurs villages ou "clairières"...

Drilun avait récupéré à Imladris un certain nombre de chutes de peau de dragon, issues de la fabrication des armures de cuir pour Geralt et lui. La peau elle-même provenait du dragon qu'ils avaient rencontré dans les Monts Brumeux, peau que les elfes de la maison d'Elrond avaient travaillée sur l'insistance de Gandalf, qu'ils appelaient Mithrandir. Le Dunéen pensait faire un collier de cuir magique avec l'aide de ce matériau enchanté. Mais s'il avait les outils adéquats pour travailler un cuir pareil, il n'en avait nullement la compétence - il n'avait jamais été un grand maroquinier ! Lui non plus ne trouva pas dans la petite bourgade le maître compétent dans le travail de cuir de dragon : ce ne devait pas être un métier de grand avenir...

De son côté, Isis commença à faire des plans et à passer à la réalisation concrète de son projet de construction d'un orphelinat. Le dragon n'avait pas servi qu'à fournir du cuir pour des armures ou autres babioles : il avait amassé une sacrée fortune dans laquelle les aventuriers s'étaient bien servis, et il en restait. Elle commença donc à lancer des appels dans la région pour des maçons et des charpentiers. La pierre viendrait des carrières de Scary, non loin dans le Quartier Nord, et le bois ne manquait pas aux alentours. Elle tablait sur une construction d'un an, ce qui était rapide pour le grand bâtiment qu'elle projetait. Il faudrait pas mal de travailleurs, mais ils ne manqueraient pas de nourriture, les récoltes étaient bonnes jusqu'à présent... une bonne année.

2 - Le talan de Vif
La Femme des Bois savait que les elfes construisaient le genre de maison qu'elle voulait. Mais elle savait aussi qu'ils n'étaient pas très intéressés par les affaires humaines, et qu'en plus elle-même était tout sauf douée pour demander quelque chose à quelqu'un - à l'exception des félins. Mais elle avait une amie prête à l'écouter et à l'aider, et donc elle alla voir Isis. Cette dernière accepta bien entendu d'aider la rôdeuse et d'aller voir les elfes qui les surveillaient. Elle emmena Míriel avec elle pour une balade en forêt, à plus d'une heure de marche de Bar Edhelas. Dès que Vif, toujours aussi perceptive, eut repéré quelques elfes qui les surveillaient, elle les salua et s'adressa à eux.

Les elfes étaient trois, et ils avaient reçu l'ordre, comme d'autres elfes de la Comté et au-delà, de surveiller particulièrement les abords de Bar Edhelas. Ils cherchaient surtout d'éventuelles incursions d'orcs, de rôdeurs noirs ou d'autres voyageurs peu fréquentables. Mais ils se tenaient aussi prêts à intervenir en cas d'appel à l'aide. Ils furent enchantés de faire la connaissance de la petite demi-elfe, et répondirent sans mal à la question d'Isis concernant des charpentiers chez eux : oui, certains d'entre eux - restés dans leur clairière du nord de la Comté - pourraient fabriquer une maison dans les bois. Dans leur langue, ils appelaient cela un "talan", que les humains traduisaient en général par "flet".

Après les avoir quittés et être revenus à Bar Edhelas, les deux femmes envisagèrent un voyage dans la clairière du nord où le groupe était déjà passé. Ce qui fut adopté : ce serait l'occasion de présenter Míriel à la communauté elfe la plus proche, et de demander quelques services ou renseignements. Le groupe se prépara alors pour un voyage de quelques jours dans la forêt, à pied. Ils furent guidés jusque là-bas par quelques-uns des elfes qui surveillaient les routes et les abords de la bourgade. Deux jours plus tard, tous étaient arrivés sans inconvénient aucun.

Ils furent bien accueillis, et la fille de Narmegil et Isis eut beaucoup de succès. Les enfants sont rares chez les elfes, et toujours tenus comme extrêmement précieux et très chéris de tous. Et même si les elfes sentaient bien que les aventuriers avaient quelque chose à demander, ils appréciaient néanmoins la petite attention. Une joyeuse fête eut lieu sous les étoiles, et les échanges furent nombreux. Avec Drilun entre autres, qui apprit que personne ici ne savait travailler le cuir de dragon, mais qu'un artisan de la principale clairière de la Comté - celle d'où venait Isis - avait cette compétence. Et le charpentier en chef de la clairière fut également abordé.

L'elfe était d'accord pour aider, à la manière des elfes : quand il aurait le temps et la motivation. Était-ce dans un mois, un an ou plus ? Personne n'aurait pu le dire, pas même lui. Mais Isis et Narmegil suggérèrent, après diverses palabres, que cela permettrait de mieux veiller sur leur fille. L'artisan elfe, après réflexion, accepta alors de s'occuper de la construction immédiate d'un talan. Mais à la condition que Míriel serait chaque jour amenée sur le chantier, et que par la suite, les elfes pourraient se servir du talan pour eux-mêmes, en plus de Vif et de ses amis. Dès le lendemain, les aventuriers repartirent avec un groupe d'elfes bâtisseurs, et le trajet du retour se passa aussi bien qu'à l'aller.

L'emplacement pour la maison, déjà trouvé par la principale intéressée, fut confirmé par les elfes. Le chantier de construction du talan commença de suite, et il fut rapidement mené à bien. Isis venait tous les jours sur le chantier avec Míriel, et Vif aidait comme elle pouvait, montant et descendant de l'arbre avec facilité, faisant jeu égal avec certains des elfes présents. Parfois quelques outils et planches venus de Bar Edhelas étaient utilisés, mais sinon les elfes préféraient rester travailler entre eux, à l'exception de la Femme des Bois. Deux bonnes semaines furent nécessaires pour construire le talan. Le bois jouerait encore un moment, le temps de sécher et de s'ajuster, mais tout était prévu et les elfes présents se chargeraient du suivi. Sîralassë s'y installa également, et il le meubla en payant (très cher !) un artisan du coin.

3 - Magie et cuir de dragon
Mais entretemps, Drilun n'était pas resté les bras croisés. Prenant avec lui un garde de Narmegil, il partit pour les Collines Vertes, au centre de la Comté, un endroit aux bois touffus où il était déjà venu avec Isis et ses amis. Mais il n'était pas aussi doué que Vif, qui avait autrefois repéré le sentier elfique menant à la plus grande clairière elfique de la Comté, avant même celle qui en était originaire ! Non, si le Dunéen devenait progressivement plus perceptif avec l'expérience, il ne restait qu'un humain ordinaire. En bref, la première journée, il se perdit, et son compagnon de route n'arriva pas à mieux. Heureusement, le second jour, il fut bien inspiré et retrouva les abords de la clairière grâce entre autres à un sort d'écoute. Son compagnon et lui furent accueillis par Sûlarin, chef de la communauté, et un des plus vieux elfes de la Comté.

L'artisan que recherchait Drilun était bien là également, qui avait déjà travaillé du cuir de dragon par le passé, au second âge du monde. Restait à le convaincre de bien vouloir aider le magicien dunéen, ce qui était loin d'être simple. Là encore, l'intérêt pour le bien-être de Míriel fut le principal argument de poids, et l'elfe finit par accepter d'apporter ses compétences à Drilun, et immédiatement. Ce dernier avait aussi d'autres projets pour utiliser toutes les chutes de peau qu'il avait ramenées, mais le maître maroquinier lui répondit que ce serait ultérieurement... un jour prochain de la vie de Drilun. Mais quant à dire s'il était proche ou non, cela ne voulait pas dire grand chose à l'elfe.

Le garde de Narmegil fut remercié et retourna à Bar Edhelas rapporter les nouvelles, et artisan et magicien se mirent à l'œuvre. Les elfes étaient aussi curieux de voir en action ce fils des hommes si jeune, mais qui utilisait une technique ancienne que des elfes lui avaient apprise. Elfes qui partaient progressivement à l'ouest et dont il restait de moins en moins de représentants. Oui, les elfes étaient fascinés par cet enfant qui parlait leur langue et maîtrisait un art dont bien peu parmi eux étaient adeptes.

Et le Dunéen fit honneur à sa réputation : non seulement il accomplit sans faille l'entrelac de runes magiques sur le cuir de dragon, mais encore fit-il un véritable chef-d'œuvre : bien que peu versé dans la maroquinerie, il inscrivit ses signes magiques de manière si parfaite qu'ils y resteraient sans doute aussi longtemps que l'objet durerait. Le résultat était un collier de peau de dragon finement travaillé, qui avait le pouvoir de protéger magiquement son possesseur des attaques et autres agressions de toute sorte. Très utile contre les moustiques et autres insectes, par exemple, mais aussi pour aider Míriel à échapper aux noirs nuages qui semblaient s'amonceler au-dessus du nourrisson.

4 - Retour
Après avoir réalisé ce si bel ouvrage qui avait pris deux bonnes semaines, le Dunéen s'en revint l'offrir à sa filleule à Bar Edhelas. Le talan venait d'être achevé, tous les travaux en cours étaient réalisés à l'exception de l'orphelinat, et le groupe discutait autour d'un bon repas, quand la quiétude de cette soirée d'été fut perturbée. Un cavalier venait d'arriver, son poney et lui étaient fourbus après un long galop, mais ce n'était rien à côté de sa fatigue nerveuse. C'était Geralt, qui venait de rentrer après une absence de trois semaines, et il n'avait pas l'air dans son assiette. Déjà, pour le voir galoper, il en fallait, mais là ça semblait vraiment sérieux.

L'assassin aux cheveux blancs n'avait pas trop le moral, en effet, même s'il avait physiquement l'air en forme. Il expliqua qu'il ne devait cette forme - et d'être là, encore vivant - qu'à l'assistance de diverses personnes, et il fit le récit complet de ses aventures à Tharbad : voyage, aide de Pelendur et Pelenwen, duel à la guilde, intrigues politiques du Cardolan, embuscade avec poison - ce qui allait pousser le soigneur à faire faire par la suite des cultures d'herbes médicinales par des hobbits - et enfin, sa guérison et son retour. Plus le détail de tout ce que cela lui avait coûté en achat d'informations diverses et en aide aux maisons de guérison, au baron et à sa sœur ou à leurs gardes. Pour un résultat qui lui paraissait décevant voire inquiétant.

Inquiétant à plus d'un titre : d'abord parce qu'il se rendait compte qu'il avait choisi des responsabilités un peu grosses pour lui tout seul. Il aurait bien aimé abandonner la guilde, mais la mort seule permettait cet abandon. Si un nouveau chef des assassins était nommé, sa première mission serait de supprimer Geralt, ce qui mettrait en même temps ses amis en danger. Mais gérer les assassins n'était pas simple : comment faire rentrer de l'argent à la guilde sans trahir ses convictions ? Et pour quelle utilisation ? Ainsi, l'argent que l'assassin avait versé comme compensation pour l'ancien contrat sur la tête de Vif avait servi au maître à développer la culture et le commerce de drogues à plus grande échelle...

Et l'importance de la guilde des voleurs et des contrats d'assassinat était aussi politique : tuer le vieil Hallas, prince de Dol Tinarë, ne ferait que précipiter la déchéance du Cardolan et renforcer Angmar à travers le Seigneur de Guerre Ardagor. Et en même temps cela n'était peut-être pas la demande d'Angmar au départ... Mais dans tous les cas, les changements politiques du Cardolan pouvaient les affecter tous, à terme, Arthedain compris. Et à un niveau plus personnel, s'il refusait de pareils contrats, il devait en trouver d'autres, ou alors sa tête devait tomber. Comment occuper les assassins de manière constructive et trouver de l'argent ?

Bref, Geralt demandait l'aide de ses amis : que devait-il faire, avaient-ils une idée ? Il annonça aussi qu'une visite prochaine aurait lieu, Niemal et Mithrandir ayant prévu de passer les voir avec Pelenwen et Pelendur. Fallait-il les attendre pour en savoir plus, sachant que cela pouvait être le lendemain ou dans un mois ? Narmegil, après divers débats qui durèrent jusqu'au lendemain, proposa alors une chose : au matin suivant, il partirait pour Fornost avec Geralt. Il mettrait la famille royale au courant et demanderait l'aide des voyants. L'assassin soupira, il avait à peine eu le temps de se reposer ! Mais le lendemain, ils étaient partis tous les deux.

5 - Nouvelles de la capitale
A l'aide des meilleurs chevaux, le trajet pour Fornost prit à peine deux jours. Le soir de leur arrivée, le Dúnadan faisait remettre à la citadelle une demande d'entretien avec le roi. Tandis qu'il donnait à son grand-père Tarcandil des nouvelles fraîches de Míriel et de son épouse, il reçut une convocation pour le soir même pour Geralt et lui. Ils eurent juste le temps de se rendre présentables avant d'aller partager un repas avec la famille royale, composée ce soir-là du roi Argeleb II, de la reine Liriel et du prince héritier Arvegil. Tous se connaissaient déjà, s'étant déjà rencontrés lors d'un conseil royal ou au cours du coup d'État raté des Tarmas.

L'ambiance fut très amicale et décontractée, et la famille royale mit les deux amis à l'aise en les remerciant une fois encore pour leur rôle avec les Tarmas déjà cités ainsi que les Ekettas. Ils posèrent aussi des questions sur la petite Míriel, sa mère et les amis restés à Bar Edhelas. Puis ils les laissèrent expliquer la raison de leur venue et leur demande présente. Entre autres choses, Geralt informa la famille royale de ce qui s'était passé à Tharbad, tandis que Narmegil demanda à ce que les voyants d'Arthedain puissent sonder les palantíri, afin de les aider à prendre des décisions.

Le roi confirma les informations apportées par Geralt, et même il les précisa : la campagne contre Ardagor était en cours de préparation et l'Arthedain allait participer, les fils du roi en tête. Les voyants avaient déjà été mis à contribution, et Tullam, leur chef, avait déjà remis son analyse. En gros, laisser Ardagor se développer dans le Cardolan était à plus ou moins court terme la fin du Cardolan et ensuite de l'Arthedain, et le début de la domination d'Eriador par Angmar. Si par contre Ardagor était éliminé, la menace d'Angmar serait écartée... un temps. Les préparatifs avaient donc déjà commencé, mais ils mettraient encore des mois avant que les choses ne démarrent vraiment - au printemps 1640 vraisemblablement.

D'ici là, une intense campagne diplomatique avait lieu, à laquelle le magicien Mithrandir participait. Car il fallait le concours de tous pour faire tomber Ardagor, qui lui-même tâchait de se trouver des appuis parmi les chefs du Cardolan. Si Pelendur et Hallas étaient fiables, seul le second avait des ressources suffisantes pour mener cette opération. Les Cantons de Fëotar n'avaient ni les moyens ni la volonté de participer. La position de Girithlin, Dol Calantir et Saralainn était inconnue et sujette à changement dans un sens ou l'autre. Les elfes apporteraient leur contribution également, mais elle était limitée, tant par leur nombre que par d'autres affaires qui les occupaient ailleurs.

Narmegil et Geralt prirent congé du roi et de sa famille en les remerciant pour leur confiance. Le premier assura ses interlocuteurs qu'il comptait bien participer à l'effort de guerre, tant de manière diplomatique que financière, voire même directement. Après une nuit de repos - trop courte aux yeux du chef assassin - ils repartirent au galop pour Bar Edhelas, qu'ils atteignirent au bout de deux jours. Après embrassades et les habituelles mondanités, toute l'équipe fut bientôt mise au courant, et soumise à nouveau débat. A présent, que fallait-il faire ? Il n'y avait eu encore aucune visite pendant l'aller-retour à Fornost Erain.

6 - Visiteurs
Après débat qui dura jusqu'au lendemain, il fut convenu, dans un premier temps, d'attendre cette éventuelle visite annoncée depuis un moment. Et elle ne tarda pas : deux jours plus tard, en soirée, un garde excité vint annoncer l'arrivée de plusieurs visiteurs importants, dont quelques elfes. Et importants ils l'étaient, assurément. Ils étaient au nombre de sept : Gandalf et Niemal étaient attendus, de même que Pelendur et sa sœur Pelewen. La sœur d'Isis, Fondrielle, faisait également partie du voyage, mais aussi Elladan et Elrohir, les fils d'Elrond semi-elfe. La réunion fut joyeuse et dura fort tard, mais personne ne ressentit de fatigue pour le temps qu'elle dura.

Le début fut consacré à Míriel, devant laquelle tous s'extasièrent. Les fils d'Elrond avaient notamment amené quelques cadeaux de la part de leur père : jouets divers en bois ou tissus, finement travaillés, ainsi qu'un tableau magique. Il représentait une scène semi-champêtre où figuraient des individus de toutes races ou cultures et divers animaux et plantes. Lorsqu'on les effleurait, chacun émettait un son : le bruit du vent dans les branches, un gazouillis d'oiseau, une phrase en ouistrain, sindarin, dunael ou autre, voire une série de jurons orcs, heureusement incompréhensibles sauf des rares érudits qui parlaient ce jargon !

Les choses plus sérieuses ne furent pas oubliées. La situation du Cardolan et les aventures de Geralt furent l'occasion de récits et débats divers. Le baron de Girithlin - ou plutôt son régent Eärnil - fut l'objet de certaines conversations, et les aventuriers apprirent que cette famille, proche des elfes à une lointaine époque, avait peu à peu pris une attitude détestable et que Glorfindel avait prédit une fin funeste à ses descendants. Depuis l'incident qui avait causé la prophétie, les elfes n'étaient pas les bienvenus et évitaient la région. Certainement Narmegil pourrait y passer et éventuellement obtenir des accords ou des informations, mais il lui fallait se méfier.

Les autres domaines du Cardolan furent passés en revue, ce qui permit au père de Míriel de préparer en pensée un petit tour du Cardolan accompagné de Geralt. Les fils d'Elrond devant bientôt s'en retourner à Imladris, Sîralassë se décida à les accompagner pour s'entretenir avec son père, tandis que Drilun hésitait sur la possibilité d'entreprendre ce voyage en compagnie de son ami. Quant à Vif, elle s'isolerait un peu plus tard avec Niemal et Gandalf pour parler d'un projet personnel allant dans le sens de la recherche d'aide contre Ardagor. Seule Isis était étrangère à la politique dont il était question : sa fille passait très loin avant tout le reste.

Il fut aussi question des assassins de Tharbad. Niemal réconforta un peu leur chef en mettant en avant les choses positives qu'il avait acquises pendant son voyage. Et il lui suggéra une occupation possible des assassins, et tout à fait légale et constructive : ils pourraient éventuellement former un groupe spécial de mercenaires contre le Seigneur de Guerre. Car le conflit à venir était tout sauf classique : les forces d'Ardagor, une fois réduites au cœur de son domaine, étaient mal connues et pratiquaient avant tout la guérilla et l'embuscade nocturne. Choses que les assassins maîtrisaient mieux qu'aucun groupe armé constitué. Encore fallait-il les motiver, les tenir, et les faire accepter, tant du maître de la guilde que des autres participants à ce conflit...

Gandalf devait repartir au matin pour Fornost et d'autres destinations ensuite, même s'il aurait bien voulu s'attarder un peu parmi les hobbits, dont il semblait beaucoup goûter la compagnie. Les fils d'Elrond, ainsi que Pelenwen et Pelendur, repartiraient plus tard, mais ils n'étaient pas fixés : ce serait le soir prochain ou le matin suivant. Quant à Niemal et Fondrielle, ils avaient été persuadés de rester au moins quelques jours dans le talan de Vif pour surveiller les environs et en particulier Míriel. Et Isis comptait bien avoir une petite conversation en tête-à-tête avec sa sœur. Elles ne s'étaient pas quittées sur une note très positive, la dernière fois, mais cette fois-ci elle espérait mieux.
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Warlord - 3ème partie : politique et coups fourrés

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1 - Apartés
Tandis que Narmegil continuait à parler politique avec les fils d'Elrond ou le baron des Tyrn Gorthad et sa sœur, Isis s'isolait dans un coin avec Fondrielle, sa sœur. Si cette dernière avait jusqu'à présent vu d'un assez mauvais œil le caractère très "humain" de la première, elle en voyait à présent un avantage : la vie intense d'Isis, à la mode des humains, lui avait apporté une enfant, chose rare chez les elfes et éminemment chérie. Et encore plus chez les soigneurs, ce qu'était la sœur d'Isis. Elle était donc ravie de voir la famille s'agrandir, tandis que peu auparavant elle tenait Isis pour responsable du contraire, à savoir le départ de leurs parents pour le lointain ouest. Míriel les rapprochait donc toutes deux et leur permettait de vivre leur lien familial de manière positive. Cela n'empêchait pas les divergences de vue entre elles, mais elles avaient désormais suffisamment d'intérêts communs pour souhaiter se revoir régulièrement.

De son côté, Drilun prit à part Mithrandir avant qu'il ne parte se coucher, car il devait repartir tôt et le matin n'était plus si loin. Le Dunéen était troublé par l'utilisation de la magie que son amie Isis ou lui-même étaient tentés de faire. Avec l'aide des nombreux sorts dont ils disposaient à présent, comme il paraissait facile de juger de l'utilité et surtout de la mort d'une voire de plusieurs personnes, et de dispenser la sentence de manière prompte et définitive... La tentation était grande de cataloguer les gens en "amis" ou "ennemis", et il se rappelait avoir jugé bien vite les Tarmas et avoir été tenté de raccourcir la vie de plus d'un. Ce qu'il aurait regretté par la suite, car cela n'aurait fait que servir Angmar.

Le magicien le félicita pour ses doutes et interrogations, qui étaient les premiers pas vers la clé permettant d'y répondre : le pouvoir impliquait des responsabilités et demandait de se remettre en question. En bref, il fallait compenser toute puissance - qu'elle soit magique, commerciale ou politique - par de la sagesse et une remise en question perpétuelle. Sans quoi on devenait l'instrument du pouvoir et non l'inverse. Une bonne manière de ne pas avoir la tête qui enfle trop (sans parler des chevilles) était de ne pas oublier les liens d'amour et d'amitié. Ce qui rappela à l'archer-magicien comme il avait été touché lorsque les elfes de la clairière de Sûlarin l'avaient surnommé Elendil, "ami des elfes". Ils avaient en effet beaucoup apprécié, au-delà de sa maîtrise de divers arts elfiques, ses manières et sa bonne volonté, toujours prêt à repayer ce qu'on lui donnait.

Au bout du compte, Drilun décida de partir avec son ami Sîralassë jusqu'à Imladris. Il accompagnerait donc Pelendur et Pelenwen jusque chez eux avec les fils d'Elrond, et le moment du départ fut fixé : ce serait la matinée du jour suivant, et la petite troupe commencerait par adopter un rythme à la mesure des humains. Au-delà du manoir de la baronnie, où le baron et sa sœur resteraient, le rythme serait plus elfique et le trajet plutôt nocturne. Avec un bon cheval, Drilun espérait faire le trajet en une semaine. Là-bas, il pensait discuter avec les artisans présents et apprendre de nouvelles compétences, comme celles du tatouage. Il espérait ainsi pouvoir tracer des runes directement sur le corps des gens, leur apportant ainsi une magie toujours disponible et durable.

De son côté, après en avoir discuté, Vif s'isola avec les elfes - dont Niemal - dans le talan au nord du village. Elle se transforma en félin, ce qu'elle arrivait bien à maîtriser à présent, et profita de la magie du soigneur pour récupérer de cet effort pendant son sommeil. Elle avait en effet appris par le chat de Frolic, qui depuis leur arrivée tournait beaucoup autour de Míriel, que la petite était surveillée. Tevildo, à travers le corps du lynx blanc qu'était devenu Tina, gardait un œil sur sa filleule pour des raisons qui restaient à éclaircir. Et la Femme des Bois ayant découvert où le/la contacter, elle comptait lui rendre visite pour lui demander sa participation à l'effort de guerre, entre autres choses.

2 - Départs
Le premier à partir, une fois le soleil levé et une visite aux cuisines (et aux hobbits cuisiniers) effectuée, fut Mithrandir. Le magicien devait voir rapidement le roi, semblait-il, et d'autres personnes certainement. De toute manière, ces derniers temps, il ressemblait à un vrai courant d'air : Arthedain, Rhudaur, Cardolan... Il voyait des elfes et des humains de toute condition, et Niemal raconta qu'il avait beaucoup d'amis, peut-être plus chez les gens du peuple que parmi les dirigeants. En tout cas parmi les humains. Il prenait toujours grand soin d'aller voir chacun quand il le pouvait et passait pas loin, pour prendre des nouvelles, donner un bon mot ici et là, voire plus, et en tirer ses conclusions. Il savait souvent mieux ce qui se passait que les rois, princes et autres !

La seconde à partir fut Vif. Après s'être bien reposée, elle quitta discrètement les lieux, en restant sous le couvert des arbres. Elle avait une bonne trotte à faire puisqu'elle comptait se rendre au-delà des frontières de la Comté. Et elle ne voulait pas attirer l'attention sur elle ou inquiéter hobbits ou autres. Mais sa forme se prêtait très bien à cela : très discrète et extraordinairement perceptive, seuls quelques animaux sauvages sentirent sa présence. De plus, elle était plus rapide qu'un cheval, bien que bien moins endurante. Seule la traversée de la rivière Baranduin à la nage lui présenta une petite difficulté, surtout due à la présence inopportune d'un pêcheur. Mais les félins étant aussi de bons nageurs, l'homme ne s'aperçut pas du drôle de poisson qui faisait fuir les petits...

Troisièmes à partir, le lendemain du jour où le magicien Mithrandir les avait quittés : Elladan, Elrohir, Pelenwen, Pelendur, Drilun et Sîralassë s'en allèrent à cheval, au pas, sur les routes de la Comté. Arrivés à la Grande Route de l'Est, les badauds regardèrent passer avec étonnement et respect ce noble équipage : trois elfes dont un particulièrement grand, deux nobles Dúnedain... et un Dunéen qui faisait un peu déplacé dans ce groupe. Sûrement ce devait être quelqu'un d'important pour chevaucher en telle compagnie ! Mais Drilun ne fit pas attention aux regards étonnés qui se posaient sur lui : il était trop occupé à se concentrer sur son cheval, l'équitation étant un art qu'il maîtrisait encore mal, même s'il s'améliorait. Et le début du voyage se passa sans problème. Après une journée, le groupe avait franchi le Pont des Arbalètes et il campa à la lisière de la Vieille Forêt.

Les quatrièmes à partir étaient Narmegil et Geralt : ils avaient prévu un petit tour du Cardolan et de leurs dirigeants, entre autres : Cormac et sa bande, Tharbad et ses voleurs et assassins, la princesse de Dol Calantir, le roi de Saralainn, le baron - ou plutôt son régent - de Girithlin... Ils allaient faire un long voyage. Mais d'abord, le Dúnadan voulait attendre le retour de Vif : ses talents seraient utiles pour veiller sur son épouse et sa fille, il ne voulait pas la laisser seule, même si son cousin Helvorn était présent. Lorsque la femme féline fut revenue, quatre jours après son départ, les deux hommes firent les derniers préparatifs. Puis, deux jours après, ils prirent les meilleurs chevaux et partirent au galop après quelques adieux, non sans avoir mis au courant Helvorn concernant leurs projets... et Vif.

Cette dernière était revenue quelque peu mécontente de son entretien avec Tina. Elle avait été prévenue d'une menace dans des termes vagues et imprécis. Néanmoins, elle se sentait à présent assez expérimentée pour oser une dernière transformation que jamais elle n'avait essayée. En forêt, entourée de ses amis et de Niemal, elle appela à elle sa magie pour se transformer en un félin encore plus gros, plus puissant, plus redoutable. Cette transformation était impossible sans une parfaite maîtrise de soi. Et pour la première fois, elle y arriva. Le félin qu'elle était tripla de volume, devenant ainsi beaucoup plus fort et menaçant. En même temps, c'était devenu un animal magique que les armes normales avaient beaucoup de mal à toucher. Capable d'entendre d'éventuels ennuis arriver à grande distance, c'était un garde parfait. Il lui fallait seulement quelques kilos de viande à consommer chaque jour... mais il pouvait se fournir lui-même avec la plus grande des facilités.

Cinquièmes et derniers à partir : Niemal et Fondrielle. Ils étaient restés pour veiller un peu sur Míriel, mais ils avaient d'autres choses à faire ailleurs. Après avoir assisté Vif et l'avoir aidé à récupérer après son épuisante transformation, ils étaient également partis de leur côté. Auparavant, aux côtés d'autres elfes, ils avaient accompagné l'énorme félin au village, au grand jour. Helvorn avait eu un peu de mal à encaisser la forme féline de Vif, et les gens de Tumulus n'étaient pas préparés comme lui. Officiellement, le gros félin était une aide que les elfes avaient appelée pour garder Míriel et sa mère, et il ne présentait aucun risque pour quiconque de bien intentionné. Ce qui n'empêchait pas les gens d'en douter...

3 - Attente et soupçons
A Tumulus, la vie poursuivait son cours, entre le talan la nuit et Bar Edhelas le jour. Vif aurait préféré que Míriel reste tout le temps dans la forêt, au talan qui était sa maison, sous bonne protection - celle des elfes et la sienne. Son échange avec Tina, qui s'était déroulé dans la Vieille Forêt, lui laissait supposer que le lynx blanc avait eu vent d'une action prochaine de la part des forces d'Angmar. Tina lui avait même signalé qu'en cas de besoin, elle connaissait un soigneur plus puissant que celui du groupe... Sa "famille" n'avait pas voulu être plus précise ni l'aider plus. Vif avait tout de même réussi à obtenir une promesse de participation à la lutte contre Ardagor, mais dans des conditions qui semblaient douteuses et pleines de contreparties.

Isis devait néanmoins être présente au manoir en journée, en particulier pour gérer le chantier de l'orphelinat qu'elle faisait construire. Car de nombreuses personnes arrivaient pour participer, surtout des humains de la Comté qui devaient de toute manière céder leur place aux hobbits, avec plus ou moins de heurts. L'afflux de personnes impliquait aussi une nouvelle organisation des gardes, une demande accrue de divers biens et services (nourriture, abri...), etc. Bref, beaucoup plus de travail. Isis était aidée par Helvorn, et bientôt par un architecte venu de Fornost, mais il y avait de quoi faire pour tous.

La jeune maman elfe avait bien essayé de trouver une nourrice pour la petite, voire de lui donner du lait animal. Mais sa fille rejetait tout autre lait que le sien, et elle semblait douée d'une faculté magique pour repérer la présence de sa mère à proximité et la réclamer. Bref, c'était un véritable boulet avec lequel il fallait composer. Néanmoins, elle appréciait bien la présence du gros félin qu'était Vif, avec qui elle jouait avec plaisir. Ce qui faisait frémir les quelques témoins éventuels, humains ou hobbits, qui pouvaient passer à proximité.

De toute manière, la forme féline de Vif avait de quoi impressionner, et elle prenait bien soin de jouer de la chose voire d'accentuer cette aura. A peine plus petite qu'un chatmoig, ses déplacements souples et silencieux ou ses bonds puissants ne laissaient aucun doute à ceux qui l'observaient : elle avait toutes les capacités pour surprendre voire tuer n'importe qui, même le meilleur des gardes - et elle avait l'appétit qui allait avec ! En fait, lorsque l'épouse de Narmegil venait sur le chantier, avec Vif et la petite, le rythme de travail s'accélérait sensiblement, ce qui amusait beaucoup le félin. Mais moins Helvorn, pour qui la présence trop fréquente de Vif pouvait rimer avec départ précoce des gens les plus impressionnables.

Le chantier attirait de plus en plus de monde et de tous les horizons, malgré ce gros chat menaçant. Et lorsque Míriel dormait tranquillement à proximité, Vif surveillait de près les environs. Comme les gens la considéraient comme un animal, sans se douter de sa nature ni de son ouïe exceptionnelle, elle eut vite fait de repérer quelques curieux qui posaient beaucoup trop de questions à son goût. Curieux qui s'éclipsèrent après quelques jours sur le chantier. Il ne faisait guère de doutes que des gens suivaient à distance ce qui se passait à Tumulus. Et si les elfes empêchaient toute action néfaste venue des bois alentours, ils ne pouvaient guère empêcher marchands et travailleurs de prendre les routes qui menaient au village.

4 - Diplomatie et marchandage
Et de leur côté, que faisaient Geralt et Narmegil ? Avec les bons chevaux qu'ils avaient, ils avaient pu faire la première partie du voyage à toute allure : Bree fut atteint le soir même de leur départ. Mais ce rythme accéléré était très pénible psychologiquement pour l'assassin, grand flemmard devant l'éternel. Même avec l'aide de la magie de son ami, il ne se sentait pas de faire toute leur équipée à la même allure. Bien sûr, le Dúnadan était pressé de retrouver sa famille qui lui manquait déjà, mais il lui faudrait s'armer de patience, tout ne se ferait pas en un clin d'œil !

Après Bree, l'allure descendit au pas. En fait, leur premier objectif était tout proche, il s'agissait d'aller voir la bande de Cormac, non loin de Bree. Ils avaient déjà été en contact avec les bandits par le passé, et cela s'était plutôt bien passé. En fait, Cormac et sa bande assuraient même un certain rôle de sécurité sur la région, limitant l'arrivée ou le passage d'autres bandits voire d'orcs. Ils ne tuaient jamais aucun marchand et leur laissaient toujours une partie de leurs affaires, donc leur impact sur le commerce était-il limité. Narmegil espérait pouvoir les embaucher comme éclaireurs voire guerriers contre Ardagor et ses troupes.

Le camp ne fut pas difficile à retrouver. Non seulement le Dúnadan se rappelait à peu près l'endroit, mais les sens très exercés de l'assassin eurent tôt fait de repérer quelques-uns des bandits qui se croyaient bien cachés non loin de la Vieille Route du Nord. A leur grand dam, les deux cavaliers les interpelèrent et demandèrent à parler à leur chef. Il fallut un moment avant que les bandits ne se rappellent de leurs interlocuteurs, mais en fin de compte, après une petite attente, ils furent emmenés - à nouveau - jusqu'au camp des bandits. Cormac les y attendait, et il les traita de manière respectueuse, comme des invités.

Le projet de Narmegil ne le tentait guère. Passer du côté "officiel", c'était retrouver des chaînes qu'il ne regrettait aucunement. Il avait été mercenaire dans le Cardolan, aux ordres de différents patrons, il ne tenait pas trop à se retrouver dans la même position. Surtout face à Ardagor et à ses orcs ou trolls. Les bruits qui couraient à leur propos donnaient à toute manœuvre armée contre eux un côté incertain et risqué. Devant les offres sonnantes et trébuchantes qui lui furent faites, et les beaux discours sur l'arrivée prochaine d'Angmar si Ardagor n'était pas éliminé, il fit une réponse mi-figue mi-raisin : il en parlerait à ses hommes, et ceux qui seraient volontaires pourraient éventuellement, sous les ordres de son second, venir prêter main-forte. Mais il fallait revenir d'ici quelques temps pour avoir une réponse, d'autant que la campagne ne commencerait pas avant l'année prochaine.

Après quoi les deux amis reprirent la route et firent un crochet par Minas Malloth, manoir des Tyrn Gorthad, tout proche. Ils y retrouvèrent Pelendur et Pelenwen, cette dernière s'apprêtant à partir pour Tharbad. Narmegil parla de l'entretien qu'il avait eu avec Cormac, et demanda au baron s'il était éventuellement prêt à donner des terres aux bandits s'ils participaient à la guerre contre Ardagor. Mais Pelendur n'était pas très chaud à cette idée. S'il voyait les côtés positifs de la présence de Cormac et ses bandits, il n'était pas pour autant prêt à officialiser leur existence, surtout sur ses terres, donc sous sa bannière. Les marchands et autres n'apprécieraient sûrement pas de se faire détrousser, même s'ils parlaient de "taxes", par des gens qui se réclameraient d'un accord avec lui - bref, des vassaux. Tout au plus certains accords informels étaient-ils envisageables.

Pelenwen, puisqu'ils devaient tous se rendre au même endroit, proposa ensuite de patienter jusqu'au lendemain pour faire le trajet ensemble. Elle serait accompagnée par un vieux garde dont Geralt se souvenait bien, puisqu'il lui avait sauvé la vie à Tharbad. L'assassin et son compagnon acceptèrent, et le reste du voyage jusqu'à Tharbad se fit vite et bien. A Metraith, capitale de Dol Tinarë, Geralt retrouva le contact des assassins de Tharbad qui lui fit un rapport sur les événements en cours et la campagne militaire en préparation. Il lui donna ensuite des consignes très strictes visant à empêcher quiconque de tuer le seigneur Hallas. Enfin, deux jours après avoir quitté Minas Malloth, les deux hommes, accompagnés de Pelenwen et de son garde, arrivèrent à Tharbad.

5 - Discussions avec des elfes
De leur côté, Drilun et Sîralassë avaient bien avancé. Après une nuit dans l'ombre étouffante de la Vieille Forêt, ils étaient repartis avec leurs compagnons et avaient atteint Bree, puis Minas Malloth, demeure de Pelendur et Pelenwen. Après une journée complète de repos, ils étaient repartis le soir, à cheval, à quatre : les trois elfes et le Dunéen. Elladan et Elrohir avaient alors mené les deux amis sur des sentiers elfiques connus des seuls initiés, essentiellement de nuit. L'obscurité ajoutait une difficulté supplémentaire pour l'archer-magicien, même si elle était en partie atténuée par les auras elfiques que faisaient ses compagnons. Et les chants elfiques qu'ils entonnaient lui donnaient de l'énergie, ainsi qu'aux chevaux. Au bout d'une semaine, ils parvinrent enfin à Imladris, sans avoir été inquiétés par quiconque, orc ou autre.

Il y eut de nombreuses occasions de discuter avec Elladan et Elrohir, du Cardolan en particulier. Et plus tard leur père ne fit que confirmer ou préciser les informations données par ses fils. Mais globalement, Elrond, ses fils et leurs amis, étaient très critiques : peut-être que si Ardagor se maintenait, c'était le début de la fin pour Eriador, mais les elfes n'y pouvaient pas grand-chose. Les humains avaient largement de quoi s'occuper de lui... à condition de tous le vouloir et de ne pas avoir d'objectifs contraires et secrets. Concernant Saralainn et Girithlin, la chose était peut-être exagérée à affirmer !

En effet, les elfes étaient très réservés envers les hommes du Cardolan. Si quelqu'un comme Pelendur était reconnu et respecté, c'était bien le seul, et il représentait une goutte d'eau comparé aux autres domaines. Le vieil Hallas de Dol Tinarë semblait digne de confiance sur ce projet de campagne militaire, mais on ne pouvait pas en dire autant de sa famille en général - une surprise était toujours possible. Les cantons de Fëotar ne paraissaient pas être source de problème, quant à eux, mais pas non plus une source d'aide possible. Et les autres... au mieux incertains, au pire sans fiabilité aucune à attendre.

Concernant Ardagor, on ne savait pas grand-chose sur lui ou sur ses origines, si ce n'est qu'il venait d'Angmar. Fin stratège et bon tacticien, c'était aussi un diplomate rusé qui jouait avec les dirigeants du Cardolan. La plupart intriguant les uns contre les autres, Ardagor avait beau jeu de faire en sorte de ne jamais avoir de front uni contre lui. Divers espions étaient à son service, ainsi que des sorciers mais de moindre envergure, à une exception près peut-être : une petite jeune femme pourrait avoir trouvé refuge chez lui lorsque Mithrandir l'avait prise en chasse, après qu'elle eut manipulé la foule à Tharbad pour attaquer le groupe, et Vif en particulier. Et elle possèderait un artefact du second âge, un anneau elfique puissant qui lui avait permis d'attaquer la Femme des Bois avec de l'eau vivante. Autre exception : Ardagor lui-même serait un sorcier correct, d'autant qu'il utiliserait ses pouvoirs discrètement et avec parcimonie.

Ardagor semblait commander à une petite troupe de trolls bien maîtrisée. Cela faisait dire à certains, avec sa prétendue grande taille, qu'il avait lui-même du sang troll dans les veines. Il commandait aussi à de nombreux orcs de Creb Durga, orcs qui avaient toujours été là par le passé : les cavernes de Creb Durga semblent avoir des ramifications très profondes et lointaines, par où ils finissent toujours par arriver. Mais les orcs n'étaient guère plus pour Ardagor que de la chair à canon qu'il sacrifiait sans état d'âme, donc leur soutien n'était acquis que tant qu'ils sentaient que le rapport des forces était du côté du Seigneur de Guerre. Enfin, ce dernier avait de l'or pour s'acheter les services de mercenaires peu regardants. Mais si le seigneur de guerre avait des problèmes, de ravitaillement par exemple, ils risquaient de regretter leur position, voire de devoir en changer, et peut-être vite...

Au final, les elfes de la maison d'Elrond n'interviendraient pas de manière directe. Ils avaient déjà suffisamment à faire pour surveiller et minimiser les risques liés aux troupes du Rhudaur et à celles d'Angmar, orcs ou humains. Avec Arthedain, ils feraient en sorte qu'il n'y ait pas d'attaque surprise venue d'ailleurs. Les elfes de Lindon et Siragalë, de leur côté, aideraient leur allié de toujours, l'Arthedain, en contrôlant ses arrières et en lui faisant parvenir des vivres jusqu'à un certain point. Mais hormis peut-être de rares individus comme Niemal, aucun ne prendrait directement part au conflit sur le lieu même de Creb Durga, où siégeait Ardagor, et où les orcs avaient leurs cavernes pour se réfugier de jour.

6 - Nouvelles et cris
Au sud d'Imladris, à Tharbad, pour être précis, Narmegil et Geralt venaient d'arriver et ils acceptaient avec plaisir l'offre de Pelenwen de les héberger chez elle. Après avoir déposé quelques affaires, ils se rendirent ensuite chez Dirhavel par des chemins séparés. Le noble Dúnadan était bien assez imposant et menaçant quand il le voulait pour éviter d'être incommodé par les mendiants et petits voleurs ; et l'assassin était chez lui, et il savait se faire discret. Ils trouvèrent l'alchimiste à son échoppe, qui les accueillit avec plaisir et leur donna diverses nouvelles ou en reçut. Mais surtout, Geralt passa commande d'un grand nombre de doses de "trèfle de lune" préparé, qui permettait de voir la nuit comme un elfe ; et d'un maximum de contrepoisons comme celui dont il avait pu bénéficier...

Le lendemain, les deux amis portèrent leur attention sur la guilde des voleurs. Ils se rendirent ouvertement au quartier des voleurs et à Ostinen Turambar, le château à moitié en ruines qui servait de quartier général à la guilde. Et en particulier à son maître, qu'ils arrivèrent à rencontrer assez vite. L'objectif était double : obtenir des informations de sa part concernant diverses personnes ou domaines du Cardolan, et envisager la participation des assassins à la campagne contre Ardagor. L'homme réagit en bon marchand : il fit payer - cher - quelques nouvelles passées ou à venir, en particulier celles que son contact de Girithlin pourrait donner à ses interlocuteurs. Pour ce qui était de l'occupation des assassins, il prévint que l'essentiel était d'obtenir leur adhésion à se projet, par la force ou l'appât du gain... pour autant qu'il pouvait y en avoir, surtout face aux risques.

Peu après, guerrier et assassin quittaient le château en compagnie d'Eskel pour s'entretenir en privé, en un endroit sans oreilles indiscrètes à proximité - pour autant que cela existe à Tharbad. Là, le second des assassins apprit à son chef qu'un nouveau contrat important avait été proposé à la guilde : 300 pièces d'or pour la tête de Forak, chef d'une compagnie de mercenaires au nom barbare, les "violateurs". Le terme en disait long, car il pouvait tout aussi bien signifier violeur de personne que violeur de loi. On racontait que Forak était un déserteur venu d'Angmar, comme pas mal de ses hommes, et on disait qu'il avait du sang orc dans les veines.

Oui mais... d'après le maître de la guilde, les violateurs de Forak étaient l'une des deux compagnies de mercenaires que le prince Hallas était en train d'acheter pour sa campagne, à côté d'une autre compagnie de cavaliers dúnedain de la petite noblesse du Cardolan. Un mélange curieux ? Pas vraiment, quand on savait que les mercenaires commandés par Forak étaient la seule compagnie du Cardolan qui disposait d'armes de siège... Et, bien entendu, la source du contrat d'assassinat laissait très clairement supposer qu'Angmar était derrière. Encore quelque chose qui ne faisait pas l'affaire de Geralt et de ses amis... Après quoi, le chef des assassins parla de ses projets à son second : faire la guerre à Ardagor. Il était un peu dubitatif quant à l'accueil que les assassins feraient à cette nouvelle orientation de leur activité, mais il se débrouillerait pour rameuter le plus de monde pour une réunion le lendemain soir.

La réunion eut lieu en présence de Narmegil, et de nombreux assassins crièrent ou murmurèrent leur désapprobation quand ils apprirent le projet de leur chef. Jouer les gros bras et les tueurs était une chose sur un terrain qu'on connaissait, qu'on maîtrisait, face à des marchands humains plus ou moins bien gardés. C'en était une toute autre que d'aller affronter des orcs et des trolls dans la nature, dans une région qu'on ne connaissait pas ! Sans parler de l'accueil que risquaient de réserver les autres armées à leur attention. Jouer aux éclaireurs était peut-être possible pour en apprendre plus sur l'ennemi, mais les risques étaient tout de même énormes, surtout face à des ennemis qui pouvaient les détecter grâce à leur nez !

Geralt eut beau expliquer qu'il avait des appuis sûrs et qu'ils ne seraient pas seuls, cela grognait ferme dans les rangs. Narmegil donna de la voix pour montrer que les "appuis" n'étaient pas des paroles en l'air. Pour bien montrer cela, il se laissa défier par un assassin plus contestataire que les autres. Avec l'épée de Geralt, il commença par parer tranquillement tous ses coups, puis il fit plusieurs blessures sérieuses à son adversaire qui comprit vite qu'il n'avait aucune chance. Les assassins virent ainsi qu'ils auraient de puissants guerriers à leurs côtés, mais Geralt comprit aussi qu'il ne pourrait motiver qu'une partie de ses troupes, et en les payant cher ! Oui, la guerre n'était pas faite pour les pauvres...

7 - Visite officielle
A Bar Edhelas, un jour, Helvorn fut prévenu de l'arrivée d'un chevalier et de deux écuyers des troupes du prince Minastir installées au château de Sarn, au sud de la Comté. Tandis qu'il faisait prévenir Isis, qui prit la précaution de mettre Míriel en sécurité, il rencontra ses visiteurs. Le chevalier s'appelait Giladan Brethil, et c'était manifestement un Dúnadan qui connaissait le château de Sarn. En fait, dans une discussion qui suivit, Helvorn se rappela un autre membre de la famille Brethil qui était soigneur au château, et dont Giladan donna quelques nouvelles.

L'homme avait pour mission, disait-il, d'apporter deux choses au seigneur Eldanar ou à son épouse : un message personnel, ainsi qu'un cadeau pour la petite Míriel. Par ailleurs, il avait beaucoup entendu parler d'elle et il posa beaucoup de questions à son sujet. En arrivant, on lui avait parlé aussi d'un "gros chat" qui la gardait, et il était surpris et curieux : comment un chat, même s'il était de la taille d'un gros lynx, pouvait-il assurer une quelconque garde du nourrisson ? Helvorn, et Isis qui finit par arriver, étaient méfiants mais ne savaient trop quoi penser : curiosité normale ou informateur déguisé ? En tout cas, si c'était le cas, l'homme jouait son rôle à la perfection.

Faute du mari, Giladan donna le message à l'épouse, en présence d'Helvorn : d'après le prince Minastir, la princesse Finduilas de Dol Calantir - que Narmegil était censé voir bientôt - aurait fait un voyage secret en Angmar plusieurs années auparavant. L'information avait été vérifiée et semblait fiable. L'homme demanda à ce que le message puisse être transmis au plus vite à Narmegil, car d'après le prince Minastir, l'information pourrait lui servir. Isis ne voyait pas très bien comment le prévenir, mais elle dit qu'elle ferait son possible. Puis arriva le tour du cadeau à sa fille.

Le cadeau en question était une gourmette en cuir et or, finement travaillée. Mais l'homme ajouta que le prince Minastir lui avait dit qu'elle était magique, bien qu'il ne sût pas ce qu'elle faisait. On lui avait dit qu'elle devait être mise au poignet de la petite, et qu'au besoin il fallait serrer la gourmette et le poignet ensemble, et que la magie se déclencherait. Mais quant à savoir si cela marchait une fois ou plusieurs, il n'en savait pas plus. Devant son insistance, on finit par amener Míriel... et le "gros chat" qui la veillait ! L'homme eut un mouvement de surprise, et il comprit mieux la nature de la garde que le "chat" assurait... prétendument avec l'aide de la magie des elfes. Mais rapidement il tomba en extase devant la petite, comme quelqu'un qui ne rêve que de cela...

Helvorn invita l'homme et ses deux gardes au manoir pour la nuit, mais Isis, sa fille et Vif se retirèrent pour aller la passer au talan. Là, les elfes regardèrent l'objet sous toutes ses coutures mais ne trouvèrent rien de particulier. Isis mit même le bracelet, mais rien ne se produisit. Au bout du compte, elle mit le cadeau dans sa poche et n'y pensa plus. Le lendemain matin, les trois filles revinrent à Bar Edhelas pour une journée habituelle, ainsi que pour assister au départ des envoyés du prince Minastir, qui se préparaient. Mais Giladan semblait obnubilé par la petite Míriel et il retardait sans cesse son départ, si bien que ses deux gardes commençaient à montrer des signes d'impatience.

Au bout du compte, il ne résista pas et demanda la permission de prendre la petite pour un bref instant. Isis se laissa convaincre, malgré un "gros chat" qui devenait nerveux à ses côtés. L'homme prit donc Míriel dans les mains, et tout d'un coup la fille d'Isis se mit à crier et pleurer. Giladan la remit alors à sa mère et se mit à sourire, ainsi que ses gardes. Il déclara alors que Míriel venait d'être empoisonnée grâce à un dard caché dans sa manche. Le poison était lent, mais trop violent pour qu'aucun soigneur ne puisse la guérir. Le seigneur Elrond, peut-être... mais il était loin. Elle serait morte avant un jour. Sauf si Isis lui remettait la petite : Giladan savait où trouver un contrepoison à moins d'un jour à cheval. Il ne l'avait pas sur lui, et si jamais ses hommes et lui étaient tués, la petite était perdue.

8 - Sauvetage
Les trois hommes, comme le disait Giladan, semblaient prêts à mourir pour leur mission. En cas d'échec, de toute manière, leur sort aurait été le même. Bien entendu, ils travaillaient pour Angmar ou l'un de ses serviteurs. Plus tard, au cours de recherches qu'il ferait, Helvorn trouverait que Giladan était bien l'homme qu'il prétendait être. Il avait vraiment été chevalier au château de Sarn, et cousin du soigneur qui y officiait. Mais il avait été expulsé suite à des contacts avec des gens trop louches. Par la suite, il avait disparu quelque temps, prétendument pour faire du commerce dans le Gondor, avant de réapparaître sous de beaux atours, la langue bien pendue et la bourse pleine...

Isis, froide mais contenue, commença par demander à Vif de supprimer les deux gardes. Ce qu'elle fit, en un éclair. Les deux hommes avaient beau avoir leurs armes prêtes, et manifestement empoisonnées, ils ne purent rien faire. L'un finit éventré, l'autre eut la tête arrachée - un coup de patte pour chacun. Les serviteurs de Bar Edhelas crièrent devant ce spectacle, Giladan pâlit et se prépara à un sort similaire, mais il ne céda pas à la menace. Magiquement, Isis conversa avec le félin qu'était Vif, qui lui dit qu'elle savait où trouver un soigneur assez puissant, même s'il y aurait sûrement une contrepartie. Un geste, un mot d'Isis, et le sang de Giladan courut sur les pierres de la cour du manoir.

Vite, un couffin fut installé, attaché serré entre les pattes avant du gros félin. Vif bondit ensuite sur la route, sans se soucier de l'émoi qu'elle y semait. Moins endurante qu'un cheval mais plus rapide, elle fila à bonne allure tandis que Helvorn et Isis suivaient, plus lentement, à cheval. Lorsqu'ils arrivèrent sur la Grande Route de l'Est, ils purent suivre à la trace le passage du gros félin qui avait fait peur à plus d'un mais en évitant toujours les tentatives futiles de le blesser ou de l'arrêter. Sur le Pont des Arbalètes, à l'entrée de la Comté, il avait grimpé à la tour de garde comme un écureuil, puis descendu de même, et la flèche qu'il avait reçue ne semblait lui avoir fait aucun mal. Quelques miles plus loin sur la route, le félin les attendait en bordure de la Vieille Forêt. Il les mena ensuite sous les oppressantes frondaisons.

Isis et Helvorn découvrirent une scène de massacre. Une demi-douzaine d'hommes étaient morts depuis peu, lacérés par de nombreux coups de griffe. Ce n'était pas Vif qui en était l'auteur, mais une armada de nombreux lynx de la forêt, parmi lesquels trônait un lynx blanc. C'est-à-dire Tina, la "famille" de Vif. Tina qui avait fait mourir les aides de Giladan et détruit le contrepoison qu'ils semblaient avoir apporté. Selon la Femme des Bois, leur interlocutrice se disait capable de soigner la petite, mais elle désirait quelque chose en échange : pouvoir faire la même chose chaque année pendant dix ans. Elle ne disait pas exactement pourquoi, mais pour Vif la chose était évidente : elle gagnerait une ascendance certaine sur Míriel.

Isis refusa : plutôt voir sa fille morte que le jouet de forces maléfiques ! Elle chercha à partir, mais les félins rassemblés se mirent à feuler et lui bloquèrent le passage. Dans un premier temps, le lynx blanc avait pensé jouer avec l'elfe et attendre qu'elle voie sa fille proche de la mort, pour voir si sa volonté tiendrait tout ce temps. Mais Vif eut une autre idée. Elle proposa un contrat au lynx blanc, un service à venir qu'elle accomplirait pour lui - sans mettre ses amis en danger - en échange de la vie de la petite. Après réflexion et tractations diverses, Tina réfléchit... puis elle s'approcha de Míriel qui reposait à terre, geignant et pleurant de peur et de douleur.

Tina commença par griffer et faire saigner la petite, qui hurla de plus belle. Puis elle la lécha, tandis que tous les spectateurs sentaient qu'une puissante magie était à l'œuvre. Et rapidement, les blessures disparurent, tandis que le sang et la salive du félin blanc se mêlaient. Manifestement, le poison qui courait dans les veines de la fille d'Isis était en train de connaître le même sort. En voyant cela, Vif se rappela ce que les voyants d'Arthedain avaient prédit à son sujet à elle : qu'elle pourrait un jour être le destin de Míriel, qu'elle pourrait faire en sorte de la tuer ou de la sauver. Cette prédiction s'était donc réalisée. Mais à quel prix ?
Modifié en dernier par Niemal le 30 août 2012, 22:13, modifié 4 fois.
Hamfast

Lettre à l'attention d'Isis

Message non lu par Hamfast »

Un cavalier arrive, donc, blessé, apporter une lettre à Isis de la part de Narmegil.
Le cavalier en provenance de Metraith, ville où habite le seigneur Hallas, apporte un message cacheté qui dit ceci, en Sindarin :
Ma chère Isis, je profite d'un passage chez le seigneur de Dol Tinarë pour te faire envoyer une petite missive, en espérant que tu sois toujours au manoir pour lire ceci.
Tu peux bien sûr parler de tout ça aux autres.

Par où commencer ? Eh bien, de plutôt bonnes nouvelles. J'ai obtenu plusieurs choses, avec Geralt. Déjà on est allés voir la bande à Cormac, et on aura peut-être l'aide de quelques personnes de chez eux dont son second, mais ça coûte cher, et on n'a pas beaucoup de garanties. Mais c'est toujours ça de pris.
Ensuite, à Tharbad on pense avoir le soutien d'une trentaine d'assassins, les plus fidèles à Geralt, mais on y retournera pour augmenter les prix peut-être, et essayer d'avoir un peu plus de monde.
Passons à la suite : la princesse Finduilas avait engagé les nains, mais elle m'a permis de les engager pour la guerre. J'ai réussi à négocier avec les nains d'une manière particulière, en basant mes arguments sur leur haine des orcs, et au final ils nous soutiendront pour la somme de 10 PO / semaine pour une trentaine de nains au lieu de leur tarif habituel de 30PO / semaine !!! Une chance incroyable...
Mais il m'est arrivé quelque chose de particulier chez Finduilas (ah, j'oubliais : elle voudrait te rencontrer pour discuter magie, c'est quelqu'un de très intelligent et sympathique, je suis sûr qu'elle te plaira, donc si l'occasion nous est donnée, on pourra lui rendre visite avec la petite), alors que j'ai senti grâce au bracelet que tu n'allais pas bien - et j'espère que la petite et toi êtes en sécurité, et avez eu plus de peur que de mal ? - je suis sorti faire un petit tour, et un agent d'angmar se faisant passer pour une serveuse m'a donné de l'eau empoisonnée...
Heureusement, à l'aide de la magie que j'ai apprise en sauvant Sîralassë, ô précieux don des Valar, mon organisme a éliminé le poison...
C'est en partie grâce à ça que Finduilas a accepté de nous aider, en plus de l'aide des nains.
Donc pas de problème pour moi, tout va bien.
Enfin on est allés voir Bemakinda, général des armées à la retraite, dans les cantons de Feotar.
Je voulais obtenir de lui qu'il fasse en sorte que les cantons fournissent le ravitaillement pour les armées, du moins en partie, moyennant finances, bien sûr. Mais ce n'est à priori pas un problème. De plus, il m'a dit que si nous revenions le voir le jour donné, il serait prêt à nous accompagner pour nous aider, étant donné sa grande expérience du terrain, ce sera un atout non négligeable !
Voilà, ensuite nous sommes allés donner ces bonnes nouvelles à Hallas.
J'en ai profité pour en apprendre plus quant à sa motivation : il a l'air sincère en disant qu'il se fait vieux et qu'il veut faire une dernière bonne action avant d'aller rendre des comptes dans les cavernes de Mandos.
Son âme de grand seigneur se révèle enfin, en somme.

Il nous reste à présent à retourner rapidement à Tharbad essayer d'obtenir de meilleures conditions, et plus de monde, puis aller voir le "roi" Lanaigh, et enfin aller voir Earnil.
J'espère principalement obtenir de ces deux derniers qu'ils ne nous mettent pas de bâtons dans les roues.
Espérons que tout aille pour le mieux, j'ai hâte d'être rentré, vous me manquez terriblement !
Embrasse la petite de ma part. Je suis sûr qu'elle aura bien grandi.
Je suis désolé de n'être pas un bon père...
Merci de ta patience, puissent les Valar nous réunir sous peu.

Narmegil Eldanar
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Niemal
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Warlord - 4ème partie : alliés et assassins

Message non lu par Niemal »

1 - Argond
Après avoir ferraillé avec les assassins, Geralt et Narmegil se préparèrent à partir. Mais Geralt avait remarqué que grâce à l'argent qu'il avait fait rentrer à la guilde, le matériel que portaient ses troupes s'était bien amélioré : meilleures armes et armures, voire meilleures bottes, plus silencieuses... que les siennes entre autres. Ayant repéré un petit chef qui chaussait comme lui, il lui demanda ses bottes, gentiment d'abord, puis d'une voix qui laissa tout le monde abasourdi. L'assassin laissa derrière lui sa paire de bottes et fila sans même attendre les souliers de son chef... Le Dúnadan n'en revenait pas des changements opérés chez son ami en l'espace d'un an, et il n'était pas le seul à être ainsi surpris.

Narmegil et son ami Geralt remercièrent Pelenwen et poursuivirent leur route. Leur étape suivante était Dol Calantir, la plus riche province du Cardolan, et sa princesse Finduilas III. Elle demeurait à Argond, un château qui n'était qu'à une trentaine de miles (~50 km) au sud-ouest de Tharbad. A cheval, au pas, ce n'était l'affaire que d'une demi-journée. Afin de ménager Geralt, peu enclin aux efforts et aux grandes chevauchées, c'est cette allure qui fut adoptée. Après avoir traversé sans incident aucun une riche région agricole, à proximité du fleuve Gwathló (Flot Gris), le château fut bientôt en vue. Une vue qui attira tout de suite l'attention.

En effet, la couleur dominante du château était inhabituelle, un vert sombre. Il était dû à l'oxydation des plaques de cuivre qui avaient été utilisées pour recouvrir les murs du château et en assurer ainsi l'étanchéité. Ce n'était pas un château-fort, même s'il ne manquait pas de défense contre d'éventuels assaillants : c'était un haut bâtiment - six étages - de forme octogonale, flanqué par huit petites tours aux angles des murs. Le bâtiment comportait en son centre une cour intérieure elle aussi octogonale, comme les deux compagnons allaient bientôt l'apprendre par eux-mêmes. L'ensemble était perché sur une colline rocheuse à proximité d'un affluent du fleuve. Quelques maisons et autres bâtiments - dont une auberge - occupaient le pied de la colline, tandis que deux écuries jouxtaient l'entrée du château, surveillée par quatre gardes.

Narmegil se présenta aux gardes, qui n'eurent aucune réaction à l'énoncé de son nom. Manifestement, le récit de ses exploits avait eu du mal à franchir le Cardolan pour arriver jusqu'ici. Devant sa demande d'entretien avec la princesse, les gardes répondirent qu'ils allaient avertir son sénéchal, qui s'appelait Dagobert. Un garde s'éclipsa et revint bientôt, invitant les voyageurs à remettre leurs chevaux à un palefrenier - qui bava d'envie devant la monture du Dúnadan - et à le suivre. Arrivé dans la cour intérieure ordonnée en jardin d'agrément, avec quelques herbes médicinales à la mode dúnadan, le garde héla un serviteur qui prit en charge les invités. Il les mena au troisième étage, jusqu'à un bureau où un homme donnait des ordres à des gardes et serviteurs.

Dagobert, car c'était bien lui, accueillit Narmegil et son ami, qu'il prit d'abord pour son garde personnel. L'homme était assez richement habillé et faisait penser à un Dúnadan par la stature, mais ses favoris laissaient deviner une origine au moins en partie plus modeste. C'était lui qui gérait les affaires de la principauté, tant administratives qu'économiques voire militaires. Il informa les deux amis que la princesse était en tournée, et qu'elle ne rentrerait probablement pas avant plusieurs heures. Après quelques échanges, Narmegil et Geralt furent invités à rester et à se rafraîchir. Ils furent conduits jusqu'à des chambres d'ami et purent se changer et se nettoyer. Et faire la sieste, activité préférée de l'assassin !

Au cours de l'après-midi, un serviteur vint prévenir que la princesse était rentrée et qu'elle accueillerait les invités à sa table pour le dîner. Geralt continua à profiter des heures en position allongée, tandis que son compagnon préférait occuper son temps à lire un traité sur le Cardolan, livre qu'on lui avait apporté à sa demande. Enfin, l'heure venue, les deux amis mirent leurs plus beaux habits et se préparèrent à rencontrer la princesse. On les mena jusqu'à un petit salon privée ou les attendait Finduilas, assise à une grande table. Ils n'étaient que trois dans le salon, plus une servante dédiée au service, sans compter les serviteurs qui amenaient les plats.

2 - La princesse de Dol Calantir
Finduilas était une Dúnadan assez jeune, jolie sans avoir la beauté de Pelenwen. Curieuse et intelligente, elle était connue pour s'intéresser plus à la magie qu'à la gestion de sa province. En discutant avec les gardes et serviteurs, Narmegil avait d'ailleurs eu confirmation de la chose. On lui avait dit qu'elle avait un jour mal supporté un marchand qui la prenait de haut, et qu'il avait brusquement agi comme un chien, se mettant à quatre pattes en aboyant, pour ensuite aller faire ses besoins contre un mur...

En tout cas, Finduilas avait entendu parler de Narmegil et elle fut une hôtesse agréable et curieuse. Passés les premiers moments de méfiance, la conversation fut très décontractée et la princesse posa beaucoup de questions sur l'équipe d'aventuriers, et en particulier ses magiciens. Narmegil et Geralt sentirent assez vite que cet intérêt pour la magie était un levier qu'ils pouvaient utiliser sur elle. Ils n'hésitèrent pas à parler de leurs aventures et de l'utilisation que Drilun ou Isis faisaient de la magie, par exemple pour appeler Fercha.

Un point tout particulier fut l'objet d'un jeu verbal du chat et de la souris : la présence de Tina/Tevildo, le lynx blanc, dont la magie avait causé la mort ou la folie de plus d'une centaine de voleurs et d'assassins à Tharbad, lors d'un passage de l'équipe d'aventuriers dans la ville. Finduilas avait senti la magie à cette distance, si forte fut-elle - cela l'avait tirée de son sommeil - et elle avait plus tard appris les nouvelles de la grande ville. L'assassin et le Dúnadan évoquèrent un allié possible et une ressource contre Ardagor et sa magie. Mais ils ne dirent pas tout et firent comprendre à leur interlocutrice qu'elle leur était redevable de ce qu'ils lui apprenaient.

Finduilas acceptait la chose sans difficulté : elle avait montré dès le début qu'elle connaissait bien les raisons de la présence de Narmegil et de son compagnon. En effet, elle avait même eu connaissance de la tentative de Pelendur de recruter la compagnie de nains qui était à son service. Elle avait laissé faire, connaissant son manque de moyens. En échange de sa curiosité comblée - au moins en partie - elle accepta que Narmegil puisse aller voir le chef des nains, Khanli, pour essayer de l'acheter. Elle lui fournit même une espèce de recommandation et des indications pour le trouver.

Par contre, elle avait besoin de temps pour réfléchir à une plus grande implication de sa part dans le prochain conflit contre Ardagor. Elle doutait de la sincérité des différentes parties en jeu, et donc voyait le risque d'exposer ses frontières pendant que ses forces seraient ailleurs. Elle appréciait d'être traitée comme égale par ses invités, et stimulée par une possible rencontre avec la magicienne qu'était Isis. Elle avait besoin de quelques jours pour y réfléchir, et proposa donc à ses invités de rester auprès d'elle le temps qu'il leur plairait. Ce qu'ils acceptèrent bien volontiers.

Le lendemain, tandis que Narmegil découvrait la bibliothèque du château avec son hôtesse, Geralt parla au personnel du château. Et le soir, il se déguisa en colporteur pour aller se mêler aux gens du cru, dans l'auberge au pied de la colline. Il n'apprit rien de méchant sur la princesse et son sénéchal, bien que l'attitude machiste de nombreuses personnes avait tendance à abaisser Finduilas, en particulier au regard de son intérêt pour les livres et la magie. Il apprit aussi qu'elle avait dernièrement eu la visite de gens comme le magicien Mithrandir, accompagné de Niemal, soigneur elfe. Au bout du compte, rien qui permît d'établir une quelconque connexion avec Angmar ou ses sbires.

3 - Histoire de nains
Le lendemain, Geralt et Narmegil furent partis au point du jour. Et au galop, une fois de plus, à nouveau au grand dam de l'homme aux cheveux blancs. Mais son compagnon tenait à faire l'aller-retour dans la journée, et la zone où les mercenaires nains étaient installés était distante d'une cinquantaine de miles (~80 km). Et puis l'assassin avait eu le temps de se reposer et il bénéficiait de la magie du Dúnadan pour le requinquer. Narmegil ne maîtrisait pas les soins magiques comme son ami Sîralassë, néanmoins Geralt appréciait le surcroît de réconfort que cela lui procurait chaque nuit : son sommeil était plus profond et la récupération en était doublée.

En fin de matinée, les deux amis arrivèrent au village que Finduilas leur avait indiqué. Quelques tentes, des hommes ou nains en armes qui allaient et venaient ou qui s'entraînaient, un enclos à chevaux... l'ambiance guerrière était manifeste. Ce n'était pas encore la ligne de front avec les troupes d'Ardagor, plutôt l'arrière, mais les deux cavaliers comprenaient que cela ne devait pas être très loin. Après quelques échanges avec des gardes, ils s'approchèrent de la tente principale où un nain donnait des ordres. Il s'agissait de Khanli, chef des mercenaires nains, quoique sa troupe comportât aussi de nombreux hommes.

Le nain accueillit Narmegil avec curiosité, et son regard scrutateur manifestait un certain intérêt. Mais c'est surtout après une question de Geralt à propos d'un nain "très grand et très costaud" que l'échange devint franchement convivial. En effet, l'assassin se demandait si Bourrin, autrefois membre du groupe d'aventuriers, n'avait pas intégré la troupe de mercenaires nains, d'autant qu'il avait entendu des gens de la région parler d'un géant parmi les nains. Ce que Khanli confirma : Bourrin était effectivement entré à son service quelques mois auparavant. Et il avait beaucoup parlé de ses anciens compagnons à son chef...

L'échange se poursuivit à la taverne locale, une bonne choppe de bière à la main. Après diverses considérations sur les exploits passés des uns et des autres, la mission de Narmegil devint le sujet de débat. Khanli avait lu le parchemin écrit par Finduilas, il connaissait donc l'essentiel. Elle était prête à ce que les trente nains de la compagnie se mettent au service de Narmegil pour la lutte contre Ardagor... s'il arrivait à lui faire une offre suffisante. Le reste de sa troupe resterait à garder la frontière avec le domaine d'Ardagor, avec l'aide également des Piquiers, une autre troupe de mercenaires - tous humains cette fois - du Cardolan.

Le chef des nains précisa le prix de base sous lequel il ne voulait pas descendre pour pouvoir bénéficier des services de sa troupe d'élite naine : pas moins de trente pièces d'or par semaine ! Non compris le ravitaillement et le matériel de campagne normal comme les tentes, etc. Narmegil n'essaya même pas de marchander, il se doutait que le nain était meilleur que lui à ce jeu-là. En revanche, il avait vu le soigneur elfe réconforter bien des gens et comment il jouait sur leur corde sensible parfois, et il s'essaya à la même chose : il rappela à Khanli la haine des nains pour les orcs ou les trolls, et avec brio. Geralt voyait gonfler à vue d'œil certaines des tempes du chef nain, qui admit de lui-même que le Dúnadan avait su le toucher. Pour toutes ces raisons, il était prêt à lui faire un prix d'ami : ce serait seulement dix pièces d'or par semaine. Éberlué et ravi de son succès, Narmegil accepta aussitôt.

Peu après, les deux amis reprirent leur cheval pour poursuivre un peu plus près de la frontière, très calme en fait : Ardagor avait préféré retirer le gros de ses troupes de cette frontière trop bien gardée pour pousser plus vers le sud, vers Saralainn. Narmegil et Geralt trouvèrent diverses troupes qui gardaient les lieux, et en particulier un nain géant qu'ils connaissaient bien. Bourrin fut enchanté de revoir ses vieux amis et d'échanger des nouvelles. Il pestait d'être obligé de garder plutôt que d'attaquer, mais il fut enchanté d'apprendre que dans moins d'un an il aurait sûrement l'occasion de s'en donner à cœur joie. Puis le Dúnadan et l'homme aux cheveux blancs repartirent pour parvenir au château Argond en soirée.

4 - Mauvaise surprise et heureuse décision
Le lendemain matin, Narmegil et Geralt étaient en train de discuter avec leur hôtesse, qui n'avait toujours pas pris de décision mais qui appréciait la compagnie de ses invités. Soudain, l'assassin vit son compagnon se figer et pâlir légèrement, puis s'excuser et sortir en prétextant un problème de digestion ou Eru savait quoi. Le Dúnadan venait en effet de ressentir une vive émotion à travers le bracelet des amoureux qu'il portait. Isis avait des ennuis, et ses émotions parcouraient toute la gamme allant du grand souci à la haine froide. Il descendit dans le jardin et se concentra pour cerner mieux ce que ressentait son aimée, mais sans succès.

Une servante, percevant son affliction, l'accosta alors pour lui demander s'il avait besoin de quelque chose, comme un verre d'eau, ce qu'il accepta. Elle s'éclipsa et revint bien vite avec le verre en question, qu'il avala promptement. Puis il la remercia et elle disparut, le laissant à ses pensées. Mais après un court moment, il sentit ses entrailles protester de manière vigoureuse et anormale. Tout son corps semblait lutter contre un ennemi intérieur et insidieux. Soudain, toute son énergie fut consacrée à ce fléau intérieur. En bref, il comprit qu'il venait d'être empoisonné.

Le poison était rapide mais peu puissant, du moins pour sa constitution exceptionnelle, mais il sentait les gouttes de sueur perler à son front, et ce n'était pas dû à la chaleur. Il appela à l'aide et en particulier Geralt, qui finit par arriver avec divers serviteurs. Mais il prit les choses lui-même en mains : son corps n'était pas encore affecté, aussi se concentra-t-il pour utiliser la magie des soins sur cet ennemi intérieur. Petit à petit, la douleur reflua et la lutte interne finit par cesser. Sa constitution et sa magie avaient eu raison du poison. Il remercia les gens autour de lui, prétextant un mal passager, mais sans en dire plus. Néanmoins, il mit vite Finduilas et Geralt au courant de ce qui s'était réellement passé.

La recherche de la servante ne donna pas grand-chose : elle avait été embauchée la veille, suite à l'absence inexpliquée d'une autre personne. Et peu après le mal dont le Dúnadan avait été frappé, elle était descendue de la colline jusqu'à rencontrer un homme avec deux chevaux. Ils étaient à présent loin du château, et Narmegil ne pensa pas à les poursuivre. Ils avaient déjà de l'avance et ce n'était pas sa priorité. Il ne pensa pas à demander à Finduilas de les faire rechercher : ou bien il ne croyait pas que ses gardes y arriveraient, ou bien il pensait qu'ils risquaient d'être confrontés à trop forte partie...

Mais l'événement eut une autre conséquence. Finduilas commença par demander pourquoi Narmegil ne la soupçonnait pas, elle : elle imaginait très bien que certains de ses voisins seraient capables d'une telle tentative d'empoisonnement. Mais en tout cas, cela accréditait un argument de ses visiteurs, à savoir que la main d'Angmar ou Ardagor était derrière tout ça, et qu'il fallait agir. En conséquence, elle annonça qu'elle avait pris la décision de participer à la lutte contre Ardagor. Elle restait méfiante envers ses voisins, mais elle voyait plus clairement l'intérêt de cette action commune. En plus des nains qui participeraient sous les ordres de Narmegil, elle amènerait d'autres troupes comme la compagnie des Piquiers pour participer à l'effort de guerre. Et peut-être viendrait-elle en personne apporter son aide.

5 - Les cantons de Fëotar
Après une dernière journée de repos, trop courte aux yeux de l'assassin aux cheveux blancs, la route fut reprise après avoir remercié Finduilas. Narmegil décida de remonter vers le nord et d'aller dans les Cantons de Fëotar plutôt qu'à Saralainn, au sud-ouest, comme initialement prévu. Fëotar était une ancienne baronnie dont un dirigeant avait été pris de folie paranoïaque qui l'avait poussé à tuer toute la noblesse et autres dirigeants de sa province, avant de se faire occire par ses gardes du corps écœurés. Depuis, les gens avaient décidé de s'auto-gouverner et de refuser tout pouvoir central, malgré la tentative de voisins comme Dol Tinarë de les annexer.

Après la Peste, il restait dix-sept cantons, soit dix-sept bourgades et terres cultivées attenantes. Dix-sept petites démocraties ou systèmes apparentés unis seulement par une forte volonté d'indépendance et d'autonomie. Aucun chef principal, mais une multitude de décideurs. A une exception près : les gens de Fëotar, pour se défendre des voisins goulus, avaient fait appel à une compagnie de mercenaires nordiques dont le chef, Bemakinda, avait unifié toutes leurs forces et réussi à repousser la plupart des attaques. On disait que c'était un bon commandant et un fin stratège. Il avait fini par prendre sa retraite dans la région et s'y installer. Mais même s'il n'avait aucun titre, les gens des Cantons le tenaient toujours en haute estime et l'écoutaient voire sollicitaient ses conseils en cas de crise. C'est donc lui que Narmegil voulait voir.

Après un passage rapide par Tharbad, les deux amis continuèrent donc vers le nord. Après avoir demandé leur chemin, on finit par leur indiquer la demeure de Bemakinda, la "Ferme des Frères". Hormis quelques serviteurs et métayers, il vivait seul. Ses fils étaient tous morts pendant les guerres du Cardolan, et la Peste avait emporté les derniers proches qui lui restaient. Ils finirent par trouver l'homme, dont les cheveux blonds viraient largement au blanc. Il les accueillit sans cérémonie et les invita à entrer chez lui pour discuter de manière franche et sans détour. Et c'est avec franchise qu'il partagea ses réflexions et son expérience.

Malgré le nombre d'habitants, les Cantons de Fëotar n'avaient aucun intérêt stratégique : ils étaient trop indépendants pour risquer des vies dans une campagne qui ne les concernait pas directement. Mais Narmegil, qui s'était déjà renseigné à ce sujet, fit valoir un autre intérêt : celui de ravitailler en priorité les troupes de la coalition anti-Ardagor. De cela, Bemakinda pensa qu'il pouvait avoir une certaine influence, effectivement. Les quelques surplus que produisaient les Cantons pourraient bien être vendus à tel endroit plutôt que tel autre, et il savait qu'il serait écouté, contrairement au Dúnadan. Il accepta de le faire car il était de tout cœur avec la démarche de son visiteur, même s'il gardait un œil méfiant sur les intérêts de certains autres participants. Et il n'oubliait pas que le prince Hallas avait toujours eu un œil gourmand sur les Cantons dont il avait annexé quelques territoires...

Mais il ne se contenta pas que de cela. Il donna aussi son avis de stratège éclairé, d'autant qu'il avait déjà combattu par le passé les orcs de Creb Durga, cœur du territoire d'Ardagor. La connaissance du terrain était essentielle, pour lui, car les cavernes d'orcs représentaient un vrai labyrinthe avec des sorties multiples d'où des combattants pouvaient surgir à l'improviste ou se cacher. Un groupe d'éclaireurs discrets et meurtriers était donc nécessaire, à moins de faire le siège de la zone : cela pousserait orcs et trolls à se manger entre eux... après avoir liquidé les esclaves, malheureusement, et sans doute fait fuir les mercenaires humains.

Narmegil et Geralt remercièrent l'homme pour son aide désintéressée, non sans une dernière question : Bemakinda pensait-il participer d'une manière plus directe que de favoriser le ravitaillement des troupes par les Cantons ? L'homme avoua qu'il n'avait plus rien à perdre à présent : il n'avait plus aucune famille ni avenir autre que celui qu'il se forgerait. Et il appréciait de pouvoir servir une juste cause quand il en trouvait une. En conséquence, il pensait effectivement répondre par l'affirmative le moment venu : il se voyait bien reprendre du service et aider à combattre les forces d'Ardagor.

6 - Dol Tinarë
Après avoir remercié Bemakinda, les deux cavaliers reprirent la route. Le Dúnadan décida d'aller voir le prince Hallas de Dol Tinarë chez lui, à Metraith, l'ancienne capitale du Cardolan, au croisement de la Vieille Route du Nord et du Chemin Rouge. Plus exactement, Hallas habitait le palais et château fortifié des anciens rois du Cardolan, Thalion, qui jouxtait la ville. Il fallut deux jours à Narmegil et Geralt pour y parvenir, en prenant les chemins et sentiers à travers Fëotar et Dol Tinarë. Quand ils arrivèrent enfin, les gardes demandèrent une taxe importante pour leur passage, mais le noble Dúnadan refusa de payer et annonça qu'il sollicitait un entretien avec le prince Hallas pour parler de choses importantes et de bonnes nouvelles.

Après une bonne heure d'attente - Thalion n'était pas juste à côté - le garde envoyé revint avec le message attendu : les deux cavaliers étaient invités au palais. Ils furent accompagnés jusque-là, et furent invités à participer au repas des Tinarë. Le vieil Hallas y siégeait, en chemise de nuit, ainsi que Celedur, son cinquième et unique fils survivant, et héritier. Malgré ses 163 ans et un corps vieillissant, le prince semblait avoir toute sa tête, et ses propos ne manquaient pas d'une certaine morgue. Son fils, quant à lui, restait pour l'essentiel silencieux.

Après quelques échanges de pure forme, la conversation tourna bien vite sur ce que Narmegil venait annoncer. En effet, le prince Hallas n'avait pas souvent de bonnes nouvelles, et il était curieux de savoir lesquelles son invité pouvait bien lui apporter. Ce dernier parla de la campagne contre Ardagor, dont on voyait déjà des préparatifs en ville, avec la présence anormalement élevée de mercenaires de tout poil. Narmegil et Geralt savaient déjà, par les rumeurs ou personnes bien informées, que le prince était en train de passer des contrats avec deux compagnies de mercenaires : les Cavaliers d'Acier, la plus prestigieuse de toutes, composée de l'ancienne petite noblesse militaire du Cardolan essentiellement ; et les violateurs de Forak, de soi-disant déserteurs d'Angmar dont le chef aurait du sang orc dans les veines, et les manières et le langage qui allaient avec, comme le nom de la troupe laissait supposer. Mais c'était aussi la seule compagnie à posséder un train complet d'armes de siège.

Le prince ne fut pas déçu, quand il apprit la tournée et les succès rencontrés par Narmegil : embauche d'une compagnie de nains aguerris, participation de Finduilas, probables accords pour le ravitaillement des troupes par Fëotar - au moins en partie - voire même présence de Bemakinda comme possible capitaine. Et sans trop en dire, le Dúnadan parla aussi d'une unité spéciale d'espions-éclaireurs pour aller traquer les orcs et trolls jusque chez eux. Bref, Hallas fut ravi de ces nouvelles et se montra bien plus enjoué pour le reste de l'entretien. Ce qui ne fut pas le cas de son fils : Geralt et Narmegil comprirent vite que cette campagne militaire n'était pas trop de son goût et que les problèmes n'étaient pas forcément qu'extérieurs...

Le vieux Dúnadan fit plus encore : reconnaissant envers son jeune invité, il l'amena ainsi que Geralt jusqu'à sa bibliothèque et en particulier ses plans de la région. Il montra un peu le terrain et discuta sommairement de manœuvres militaires et du fonctionnement des troupes d'Ardagor, d'après ce que les quelques espions qui étaient revenus avaient appris. Narmegil fut en particulier très intéressé d'apprendre que parmi les champs cultivés sur le domaine d'Ardagor, champs qui servaient à nourrir ses troupes, des vignes avaient été repérées dont l'utilisation restait un mystère, même si c'était probablement pour la consommation personnelle du Seigneur de Guerre. Il existait bien quelques échanges commerciaux avec le domaine d'Ardagor - contrebande surtout - mais rien à propos de vin.

Narmegil et Geralt se demandèrent si l'origine du vin qui avait servi à droguer Tarmas et Ekettas ne venait pas d'être identifiée. Quoi qu'il en fût, le Dúnadan demanda s'il était possible d'envoyer un message à son épouse pour la tenir au courant des derniers événements, ce qui fut accepté. Un parchemin fut écrit peu après, et le lendemain deux cavaliers de Dol Tinarë partirent sur la Vieille Route du Nord en direction de Bree. Dans le même temps, Geralt et Narmegil partirent aussi, dans la direction opposée : ils devaient retourner à Tharbad, où Geralt espérait remotiver ses troupes pour les faire adhérer au projet de guérilla contre les troupes inhumaines d'Ardagor.

7 - Assassins enflammés et roi en vadrouille
Le trajet jusqu'à Tharbad ne posa pas de problème, même si sa rapidité entama à nouveau l'énergie dont disposait le chef des assassins et dont il aurait bientôt bien besoin. Mais il comptait sur Pelenwen, qui maîtrisait mieux les soins magiques que Narmegil, pour lui donner un sommeil bien plus récupérateur encore. Ce qu'elle voulut bien faire, naturellement. Le début de ce nouveau séjour à Tharbad se déroula comme d'habitude, avec des visites diverses pour recueillir des informations et faire les préparatifs de la future campagne contre le Seigneur de Guerre. Mais rien de bien neuf ne put être appris.

En revanche, côté assassins, Eskel conseilla d'augmenter les prix, sans quoi les hommes de Geralt qui participeraient seraient sans doute réduits à quelques dizaines, essentiellement des admirateurs de l'assassin aux cheveux blancs. En mettant un salaire au lieu ou en plus d'une prime sur les têtes, salaire d'une pièce d'or par mois, Geralt pouvait s'attendre à une centaine de personnes à ses côtés, et sans doute plus motivées. Narmegil ayant fait des économies substantielles sur le contrat avec les nains, il était effectivement possible de prévoir une augmentation sur les tarifs prévus. Geralt pensa ainsi proposer deux pièces d'argent par mois, et une prime d'une pièce d'or pour ceux qui participeraient au repérage et à l'élimination d'Ardagor. Dans tous les cas, une réunion fut prévue pour le lendemain soir, à laquelle un maximum d'assassins participeraient.

La réunion arriva, dans laquelle figurait Narmegil, qui pensait devoir intervenir pour soutenir son ami. Mais ce dernier, à la grande surprise de tous, fit un discours enflammé qui déchaîna l'enthousiasme de ses troupes. Il vanta leur capacité à mener des actions de guérilla, la renommée qu'obtiendraient les assassins et le gain d'influence et de pouvoir qu'ils y gagneraient. Sans même parler d'augmentation, les assassins étaient maintenant prêts à en découdre, et Eskel se dit qu'il lui faudrait peut-être refuser du monde s'il voulait qu'il reste assez d'assassins sur Tharbad... En tout cas, Geralt était très content de son effet, il s'était vraiment surpris lui-même. Ardagor n'avait qu'à bien se tenir ! Et Narmegil et Geralt purent tranquillement préparer la prochaine étape de leur grand voyage.

C'était Saralainn, région qui comprenait l'embouchure du fleuve Gwathló (Flot Gris) et les terres avoisinantes. Le roi de Saralainn, Lanaigh, était l'héritier d'un aventurier qui avait jeté le seigneur dúnadan local à bas et pris sa place en s'autoproclamant roi. En partie de sang dunéen, et gouvernant une structure clanique héritée des Dunéens dont la présence et la culture restaient assez fortement représentées, Lanaigh gouvernait de manière assez lâche ses sujets. La capitale était le port de Sudúri, à trois jours à cheval au sud-ouest de Tharbad, au pas. Ou moins longtemps en allant plus vite qu'au pas, ce que firent Narmegil et Geralt, et qui tira de nouveaux gémissements de ce dernier.

Alors qu'ils traversaient le pays, ils virent l'impact plus marqué de la présence rapprochée des troupes d'Ardagor. Des bandes de réfugiés se dirigeaient vers le sud et la capitale, et le conflit avec le Seigneur de Guerre était le principal sujet de discussion des habitants. En arrivant à Sudúri, précédée d'un bidonville de tentes et abris divers, ils apprirent que le roi était parti visiter divers chefs de clan. Mais il était possible de voir son cousin et grand capitaine des gardes, Fiorel. L'évocation de ce titre fit bien rire les gardes, et cela se reproduisit encore plus tard. Ce que comprirent les deux aventuriers le lendemain, lorsqu'ils purent le voir, après avoir patienté dans une auberge pour leur rendez-vous. Mais ils s'étaient déjà préparés grâce aux discussions à l'auberge : l'homme était petit et semblait faiblard, mais il était incroyablement rapide, et il maniait et lançait les dagues avec une grande précision, des deux mains !

Fiorel les reçut effectivement, et il ne tourna pas longtemps autour du pot. Certes, Narmegil et Geralt pourraient sans doute voir le roi une fois qu'il serait rentré - il ne savait quand - mais la campagne contre Ardagor ne l'intéressait pas assez pour espérer grand-chose. Les clans qu'il gérait étaient assez querelleurs de toute façon, la nouvelle chose c'était que l'assaillant était extérieur, pour une fois. Le meilleur moyen d'obtenir un accord et une aide de Lanaigh serait sans doute de le payer. Et encore, les troupes éventuellement obtenues auraient une fiabilité limitée. Les clans de Saralainn étaient trop fiers et indépendants pour être correctement gérés en tant que puissance militaire. Sans quoi Ardagor aurait été pulvérisé depuis bien longtemps. Peut-être même les autres provinces du Cardolan seraient-elles tombées sous l'autorité de Saralainn également depuis belle lurette, si les habitants de Saralainn avaient pu un jour être unifiés et soumis à un chef unique.

8 - Tour du pays
Après la réunion avec le cousin du roi, Narmegil se montra intraitable envers Geralt : pas de sieste ! Il fallait partir sur-le-champ pour retrouver Lanaigh. Les chevaux furent dont sellés, et les deux hommes se lancèrent au galop vers le nord, en direction de la frontière entre Saralainn et le domaine du Seigneur de Guerre. Le Dúnadan supputait en effet que c'était par là que le roi était parti. La zone des conflits n'était distante que d'une soixantaine de miles (~100 km), ils pourraient sans doute couvrir cette distance dans l'après-midi. Il faut dire que Narmegil commençait à trouver le temps long sans sa famille, et qu'il avait hâte de rentrer chez lui...

Mais un orage d'été commença à compliquer les choses. Trempés, les deux hommes continuèrent néanmoins jusqu'à la prochaine ville, où ils firent une pause, avant de repartir ensuite. Arrivés à une autre ville, ils apprirent que le roi était parti à l'est vers la zone des conflits, mais qu'il était revenu pour repartir à l'ouest. Et plus à l'ouest, les deux cavaliers apprenaient que le roi, plusieurs jours auparavant, était ensuite descendu vers le sud, puis le sud-ouest, puis il était allé sur la côte, avant de prendre le chemin vers l'est... et Sudúri. En bref, petit à petit, alors que la cavalcade se poursuivait et que les jours passaient, Geralt et Narmegil comprirent qu'ils faisaient une large boucle et qu'ils seraient peut-être arrivés au même résultat en patientant tranquillement dans la capitale...

Ils eurent tout de même un aperçu des peuples de Saralainn, assez proches des Dunéens. Le dunael, leur langue, était assez fréquemment parlée, ainsi que le ouistrain, la langue commune ; le côté indiscipliné était très présent également, et la structure clanique assez forte, peu centralisée. La difficulté à gérer ces gens, assez bagarreurs de surcroît, devenait plus tangible. Le principal sujet de circulation restait Ardagor et le conflit avec ses hommes, orcs et trolls, mais certains voyaient cela de manière très différente : menace possible pour les uns, mais opportunité pour d'autres. En effet, certains clans, occupés par les combats avec Ardagor, étaient des proies faciles pour des attaques internes...

Les deux hommes, aux atours assez exceptionnels, ne manquèrent pas d'attirer l'attention. Ils faillirent en faire les frais, au propre comme au figuré : lors d'une halte, Geralt remarqua juste à temps la tentative de lui dérober sa bourse, et il fit comprendre au voleur qu'il valait mieux ne pas insister. Mais entre-temps, un autre s'était occupé de la riche bourse de Narmegil ! L'assassin rattrapa l'homme néanmoins, et alors que ce dernier comptait donner un coup de dague, il lui trancha net la main d'un coup d'épée. Le Dúnadan récupéra sa bourse et soigna l'homme pour l'empêcher de saigner à mort, et l'aubergiste mit le voleur dehors, sauf la main qui alla aux chiens.

Enfin, la troupe du roi Lanaigh fut rejointe, peut-être une heure avant d'arriver à Sudúri. Narmegil et Geralt ne purent lui parler, mais ils furent invités à passer le voir pour le dîner, une fois la ville atteinte. Ils trouvèrent donc le roi à table, le soir, avec Fiorel et d'autres hommes de leur clan. Lanaigh et Fiorel, bien que cousins, étaient assez dissemblables, pour ne pas dire opposés : l'un était plutôt grand, trapu, grande gueule et direct dans ses propos, sans pour autant qu'on puisse s'assurer de sa franchise. L'autre, déjà rencontré, était petit et menu, leste et rapide, réservé dans ses propos, mais il paraissait plus fiable. D'une certaine manière, ils se complétaient bien.

Narmegil discuta longuement avec Lanaigh, mais ce dernier se semblait pas très intéressé par une action coordonnée contre Ardagor, du moins pas avec lui. Sa participation ne paraissait pas nécessaire, et les risques d'extension du Seigneur de Guerre sur ses terres très minimes. Il ne croyait pas davantage à une influence magique sur les clans : ils n'étaient tout simplement pas assez centralisés, trop indépendants, pour qu'une force extérieure qui ne les connaissait pas bien puisse se servir d'eux. En fin de compte, le Dúnadan obtint tout de même du roi la promesse de ne pas intervenir de manière négative (et même positive si possible) sur le déroulement de la guerre contre Ardagor. Moyennant trente pièces d'or, bien sûr, et l'éventualité de paiements ultérieurs...

9 - Embuscade
Le lendemain matin, alors que les deux amis quittaient la capitale et traversaient le camp de réfugiés/bidonville qui occupait l'espace entre les portes de la ville et le pont, Geralt remarqua des mouvements suspects : divers hommes les montraient du doigt et se dirigeaient vers un endroit propice à une embuscade. L'assassin en informa très vite son compagnon, et ils discutèrent de la conduite à tenir. Geralt était surtout dérangé par la forte probabilité de voir surgir à tout moment un archer avec des flèches empoisonnées, comme celle qu'il avait goûtée. Et l'amoncellement de tentes et autres baraques branlantes rendait toute surveillance difficile : n'importe qui pouvait les observer de derrière une toile de tente et surgir au dernier moment.

En fin de compte, les deux cavaliers firent demi-tour jusqu'à la ville, où Geralt laissa son cheval à l'écurie. Le Dúnadan l'avait convaincu de la tactique suivante : lui-même irait à pied à la rencontre des bandits, tandis que Geralt se tiendrait non loin, sur son propre cheval, plus rapide, prêt à foncer sur un éventuel - et probable - tireur embusqué. Et ainsi fut-il fait : le noble Dúnadan, après avoir pris soin d'utiliser sa magie de grand seigneur pour être encore plus difficile à blesser, se dirigea calmement vers ses futurs agresseurs. Lesquels sortirent de leurs pauvres cachettes du bidonville, armés, pour lui réclamer tout ce qu'il portait sur lui.

Tandis que Narmegil se mettait dos à une baraque et provoquait les bandits pour en finir plus vite, Geralt entendit un craquement non loin. Il vit un homme, plutôt du genre nordique, un peu costaud, sortir d'une tente avec un arc à la main et une flèche encochée. Il était plus ou moins à mi-chemin entre Narmegil et lui, et il finit par viser en direction de Geralt. Ce dernier lança alors le cheval au galop et il se coucha sur son encolure pour offrir une cible la plus difficile possible au tireur. Mais ce dernier tira en plein dans la tête du cheval, qui tomba mort, en précipitant son cavalier à terre. Heureusement, l'assassin fit un roulé-boulé parfait et il se retrouva très vite debout, sans une égratignure.

Mais l'homme en face de lui était très rapide, et il avait déjà encoché une nouvelle flèche. Geralt fit un bond sur le côté pour éviter le trait... qui ne vint pas : l'homme avait préféré s'enfuir dans le bidonville, en direction de la berge d'une rivière proche. L'homme aux cheveux blancs se mit à le poursuivre, mais l'archer était très rapide et c'était une véritable anguille : il passait dans les tentes ou dans des coins étroits, ou changeait sans cesse de direction sans ralentir, et la distance ne cessait de grandir entre les deux. En fin de compte, Geralt remarqua une barque non loin, dans la direction de laquelle l'homme semblait se diriger. La barque était occupée par une personne encapuchonnée, et l'assassin flaira un acolyte. Brusquement, il fonça droit vers la barque.

La personne dans la barque s'en rendit compte et saisit une dague, tandis que l'archer s'arrêtait et encochait à nouveau sa flèche. Geralt fit à nouveau une esquive sur le côté, mais quand il se releva, il vit que l'attache de la barque avait été tranchée, elle filait maintenant, emportée par le courant. L'archer fila droit vers la rivière, où il plongea. L'assassin ne pouvait plus guère le rattraper à présent, d'autant qu'ils étaient deux, mais il pouvait profiter de la situation avant que la barque ne soit trop éloignée : il prit son arc et en ajusta la corde, puis il encocha une flèche. Là-bas, la personne encapuchonnée se protégeait avec un sac, face à lui, mais l'archer était en train de monter sur la barque, à plat ventre. C'est sur lui qu'il tira.

Il le toucha, il en était sûr, mais à la seconde flèche l'homme était au fond de la barque et il ne voyait plus trop s'il l'avait à nouveau blessé, et l'embarcation prenait de la distance. Après quelques injures lancées au vent, Geralt revint vers Narmegil qui était facilement venu à bout de la vingtaine de bandits qui s'étaient attaqués à lui. Le Dúnadan versa quelques larmes sur son cheval auquel il s'était beaucoup attaché, plus il revint en ville prévenir le roi Lanaigh et lui dire de se méfier. Après un marchandage difficile, un poney put être acheté à un prix jugé indécent par le grand guerrier - cinq pièces d'or - mais c'est Geralt qui paya. Après avoir creusé une tombe pour le cheval, avec l'aide de réfugiés trop heureux de gagner quelques pièces, Narmegil quitta enfin l'endroit, le cœur lourd, tandis que son ami fulminait d'avoir raté de si peu celui qui avait été à deux doigts de le tuer près de Tharbad.

10 - Girithlin
Environ 150 miles (~250 km) séparaient Sudúri de Minas, ou Barad, Girithlin. Malgré le simple poney monté par Geralt, la distance fut franchie en deux jours. Le château (barad) des barons de Girithlin était en fait une tour (minas) à sept côtés, une curiosité. Mais en raison des visées expansionnistes et des problèmes de voisinage que cela entraînait, elle avait été assiégée - et prise - plus d'une fois. Aussi son aspect donnait-il l'air de réparations anciennes faites çà et là, mais pas totalement terminées, et en tout cas bien visibles. Le dernier conflit avait d'ailleurs opposé le baron de Girithlin, alors le père d'Echorion, et son frère Eärnil, à l'Arthedain. Suite à cela, le jeune fils du baron, Echorion, à présent âgé de 20 ans, avait été emmené à Fornost comme "invité forcé" pour s'assurer de la tranquillité entre les nations.

Narmegil se présenta donc au château et demanda à pouvoir parler, ainsi que son ami Geralt, au régent Eärnil. En effet, à la mort du père d'Echorion au début de la Peste, Eärnil, qui était déjà le principal gestionnaire du domaine, avait eu le pouvoir de décision en attendant la majorité de son neveu, qui interviendrait à 27 ans, soit en 1646. Le garde revint peu après pour dire que le régent était occupé mais qu'il invitait Narmegil et son compagnon à se rafraîchir en attendant de pouvoir se rendre disponible. Après s'être lavés et restaurés, les deux amis virent arriver le sénéchal du château, qui vint s'entretenir avec eux du but de leur visite pour voir ce qu'il pourrait éventuellement faire. Devant le refus poli de Narmegil de s'entretenir avec lui, il suggéra tout de même d'en parler à Echorion, qui était présent actuellement, ce qui fut fait.

Echorion était occupé, mais il semblait enthousiaste à l'idée de parler à Narmegil, dont il avait entendu parler. Comme Eärnil était toujours occupé, ce dont il s'excusa, il proposa par son sénéchal de dîner ensemble, et il invita les deux voyageurs à passer la nuit au château. Un serviteur vint montrer leurs chambres, mais brusquement, Geralt le reconnut : c'était un voleur de la guilde de Tharbad qu'il avait vu juste avant la Peste ! Il mit Narmegil au courant, et à un moment où le serviteur était seul avec eux, il l'interpella, de manière indirecte puis plus franchement. Après un petit dialogue de sourds, comme pour s'assurer de ce dont parlait l'assassin, l'homme finit par reconnaître qui il était.

Effectivement, il était un agent de la guilde des voleurs de Tharbad. Il était venu là à la demande du maître de la guilde, pendant la Peste ; il était alors facile de trouver du travail au château, vu les pertes humaines et la demande de bras... Il avait fait son trou et servait à présent le sénéchal et en particulier un de ses aides. Et il servait de différentes manières... car tout n'était pas rose à Girithlin, et le pouvoir avait des contacts avec des individus peu recommandables. Parfois il portait des messages à des bandits à l'extérieur, parfois il lui arrivait même qu'on lui demande de servir des plats ou boissons drogués...

L'homme énonça tout cela non par peur, mais parce qu'il avait eu peu de temps auparavant un message du maître de la guilde mentionnant Geralt. En bref, il devait l'aider, mais le plus discrètement possible, sans mettre sa couverture en péril. Il poursuivit donc avec son analyse du château. En fait, il ne savait pas qui tirait les ficelles au juste. L'aide du sénéchal était mouillé, il n'y avait aucun doute là-dessus. Le sénéchal était-il au courant ? Sans doute, mais cela restait à prouver. Et le régent Eärnil lui-même ? Impossible à savoir, l'homme était autoritaire mais mystérieux, insondable. Certains des messages qu'il transmettait portaient le sceau des Girithlin, mais le sénéchal et son aide y avaient sans doute accès. Et parfois, le régent voyait passer des visiteurs bizarres, comme cet homme mystérieux et imposant - sans doute un Dúnadan, il n'avait pas de barbe - qu'il avait vu en tête-à-tête deux ou trois fois...

11 - Diplomatie et fougue
Arriva enfin le moment du dîner, auquel les deux amis se rendirent non sans une certaine appréhension. A chaque plat ils prenaient bien soin de goûter calmement et de manger lentement, s'apprêtant à sentir quelque saveur trahissant la présence d'un poison ou d'une drogue quelconque... mais rien ne se produisit. Le dîner, en dehors de cette appréhension, fut fort agréable : Eärnil était un très grand Dúnadan, un amoureux de la poésie, un exemple de la noblesse du temps des Númenoréens. Quelqu'un de réfléchi, qui prenait le temps de choisir ses mots, et qui semblait plein de sagesse... ou était-ce du calcul ?

A côté de cela, son neveu Echorion était un jeune Dúnadan qui avait grandi à Fornost et qui avait adopté toute la grandeur et la noblesse de l'Arthedain, où il se rendait régulièrement. Mais son enthousiasme et son dynamisme étaient teintés d'une spontanéité ou d'une naïveté bien trop grande, pour ne pas dire gênante. Ayant côtoyé la famille royale, il avait eu accès à des informations assez secrètes concernant Narmegil et ses amis, informations dont il parlait très librement. Mais en plus de son oncle, présent à table, le sénéchal était aussi présent dans la pièce et participait parfois à la conversation, en particulier quand Eärnil l'interrogeait. Echorion semblait leur faire totalement confiance, seule l'arrivée des serviteurs portant ou remportant les plats le faisait-il se taire ou baisser la voix...

Quoi qu'il en fût, le jeune homme semblait voir la vie d'aventurier de Narmegil comme un modèle à suivre, et il avait hâte de pouvoir participer à la guerre contre Ardagor. Son oncle n'abondait pas dans son sens et pointait du doigt son inexpérience, mais le jeune Dúnadan, sans minimiser ses lacunes, insistait sur une place à lui trouver et des acquis manquants à l'aider à combler. Même s'il admettait, comme disait son oncle, que Girithlin n'avait pas d'hommes disponibles à envoyer, il affirma qu'envoyer une petite compagnie de vingt ou trente gardes avec lui à sa tête était à la portée de la baronnie. Ce à quoi son oncle répliqua qu'il préférait envoyer de l'or au roi de Saralainn afin qu'il puisse lever des troupes. Il avait d'ailleurs déjà pris contact avec des mercenaires dunéens, et il proposa à Narmegil d'amener de l'or à Lanaigh avec une liste de noms de ceux qu'il avait contactés...

Après le dîner, lorsque les deux amis se retrouvèrent, ils ne savaient trop quoi penser. Eärnil était-il un excellent acteur ou quelqu'un noyé par les intrigants autour de lui, comme il semblait le dire ? Il s'était défendu de ce dont on l'accusait en disant qu'il n'avait souvent fait qu'obéir à son frère qui trempait dans toutes les magouilles, ce qui était de notoriété publique. Et pouvait-on rester à sa place sans traiter avec les individus louches qu'il côtoyait, mais qu'il ne pouvait pas forcément remplacer ? Et qui exécutaient parfois des ordres différents de ceux qu'il donnait ? L'agent des voleurs de Tharbad fut également appelé et participa à la discussion, parlant entre autres des légendes de passages secrets dans le château. Des consignes lui furent données et il s'en alla. Puis la nuit se passa, non sans une veille de la part des deux amis.

Le lendemain, Narmegil avait accepté de rester toute la journée et de s'occuper entre autres d'Echorion, qui voulait voir et apprendre : à combattre, à chevaucher, à commander, à mener les troupes, etc. Tandis que les deux Dúnedain passaient l'essentiel de la matinée ensemble, Geralt préféra se reposer... les sens en alerte. Il remarqua entre autres le serviteur et espion de la guilde qui paraissait chercher une occasion de lui parler, et il l'appela pour un service quelconque de lingerie ou autre. Le voleur semblait tout excité, car il avait été convoqué la veille au soir, après avoir quitté l'assassin, par l'aide du sénéchal. Il était allé porter une lettre à l'extérieur, aux habituels bandits, avec une bourse. Et il avait ramené six d'entre eux au château, qui avaient passé la nuit il ne savait où. Mais ce n'était pas tout ! On lui avait dit de se tenir prêt, car des événements allaient bientôt se dérouler dans la journée, et il devrait venir vite...

Le sang de Geralt ne fit qu'un tour. Après avoir remercié et renvoyé l'homme, il alla voir Narmegil pour le mettre au courant. La décision fut vite prise. C'était la fin de la matinée, Echorion avait dû s'éclipser pour vaquer à diverses tâches et son oncle était occupé. Les deux amis préparèrent leurs affaires et laissèrent un mot dans la chambre du Dúnadan. Puis ils se rendirent aux écuries et prirent cheval et poney. Devant les gardes, Narmegil se montra dans toute sa splendeur, accrue magiquement, et demanda à sortir. Une fois dehors, l'assassin et lui se mirent bien vite au galop, autant que les montures pouvaient le supporter. Ils remontèrent la rivière Baranduin, et arrivèrent en deux jours au gué de Sarn. Après une brève halte au château de Sarn pour mettre le prince Minastir au courant, ils repartirent de plus belle pour la Comté. Narmegil allait enfin revoir les siens. D'autant qu'au cours du voyage, le bracelet des amoureux lui avait à nouveau fait sentir qu'il s'était passé quelque chose chez lui.
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Warlord - 5ème partie : des elfes et des hommes

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1 - Chroniqueur, conteur et enlumineur
A Fondcombe, comme l'appelaient les humains, ou Imladris pour les elfes, Drilun goûtait à son nouveau statut d'ami des elfes. Et il en appréciait pleinement la saveur : on lui parlait plus facilement, il avait moins de mal à se faire écouter voire aider, les portes s'ouvraient plus facilement devant lui, comme celles de la bibliothèque ou des forges et autres ateliers... Du coup, il ne savait plus où donner de la tête, tant cette dernière était remplie de projets : recherches, écriture de parchemins, runes magiques à inscrire, il avait tant à faire ! Mais, fidèle à ce qui avait valu ce nouveau statut, il n'oublia pas de rendre la pareille : il s'enquit auprès des elfes de la maison d'Elrond de ce qu'il pouvait faire pour aider ou simplement leur être agréable, en plus d'utile. Et la réponse, doublée de sourires approbateurs, ne se fit pas attendre.

Le Dunéen avait vécu avec ses amis des aventures prenantes, d'une part, mais qui pouvaient également être riches d'enseignement. On demanda donc à l'archer-magicien de venir les conter aux gens d'Elrond, dans un premier temps. Et comme il avait une belle écriture et qu'il se préparait à passer beaucoup de temps en bibliothèque, à les écrire ensuite. Leur enseignement pourrait ainsi profiter à de nombreux auditeurs et lecteurs ensuite, et servir à la lutte contre Angmar et ses sbires. Les Dunéens connaissaient une riche tradition orale, et Drilun ne faisait pas exception, comme il l'avait montré plus d'une fois. Mais il ne maîtrisait pas vraiment la poésie ou les arts de la scène, et une audience d'elfes était quelque chose de nouveau pour lui. Il releva néanmoins le défi, et essaya de faire la meilleure impression possible.

Après avoir demandé des habits elfiques pour mieux s'immerger dans l'ambiance de la maison, il prépara ses interventions, qui seraient au nombre de quatre. Il ne parlerait pas de la chasse aux loups autour de Bree, puisqu'il n'y avait pas participé, n'ayant rencontré ses compagnons qu'après, dans la Comté. Mais il prévoyait d'occuper une soirée pour la description de la Comté en guerre et de la lutte contre Fercha ; une autre pour décrire la quête de Barad Eldanar et les chetmíg enchantés ; une troisième serait consacrée à l'enlèvement et la recherche du grand-père de Narmegil et aux événements de Tharbad ; et la dernière histoire porterait sur leurs relations avec les Tarmas et la tentative de coup d'État dans l'Arthedain. Il y aurait sans doute encore d'autres histoires à venir, en tout cas il l'espérait, mais il était trop tôt pour en parler.

Il ne savait pas agrémenter son discours d'ellipses poétiques ou musicales, mais il décida de faire sans : ses récits resteraient factuels et peu enjolivés. Mais il les illustrerait quand même par quelques tours de magie, qui ne dépareilleraient sans doute pas l'ambiance de la maison, et furent effectivement appréciés : sa maîtrise du feu magique lui permit de sculpter des scènes de fumée, qu'il arrivait maintenant à colorer grâce à l'apprentissage tout récent de nouveaux dons magiques. Ce furent donc des contes autant visuels qu'auditifs, et il fut applaudi au cours des quatre représentations qu'il donna, et des questions diverses lui furent posées, preuve de l'intérêt qu'il avait suscité. Pas au point de se voir demander de nouvelles auditions, mais il était néanmoins satisfait de sa prestation.

L'écriture des aventures qu'il avait vécues avec ses amis lui prit bien plus de temps. Les quatre "carnets de Drilun" lui demandèrent un mois et demi à coucher sur le parchemin, de son écriture soignée et élégante. Sans compter quelques illustrations, lettrines et autres effets visuels, et même la magie ! Ses runes vinrent enrichir les textes afin qu'ils soient plus parlants, et dans l'un d'eux les images semblaient même bouger et se présenter de manière à être les plus parlantes possibles aux yeux du lecteur ! Et il n'oublia pas non plus la reliure et la couverture de chaque "carnet", là encore réalisées avec la magie dont il était capable afin de les rendre plus durables et solides. Son talent pour les arts des livres, et la qualité des encres et autres matériaux qu'on lui fournissait, firent de ses carnets des livres tout à fait à leur place dans la bibliothèque d'Elrond : bien faits, faciles et agréables à lire, synthétiques, beaux et durables. Et même magiques.

2 - Apothicaire et herboriste
De son côté, Sîralassë ne restait pas non plus inactif à Imladris. Il ne se rappelait que trop bien que Geralt avait failli mourir après avoir reçu une flèche dont la pointe était enduite d'un poison foudroyant. Il n'avait dû la vie sauve qu'à Dirhavel l'alchimiste, à Tharbad, qui avait remis à un garde de Pelenwen un contrepoison et un cataplasme. Manifestement, d'après les dires de l'assassin, l'excellent contrepoison était ce que l'homme avait pu faire de mieux et cela lui prenait trop de temps pour en faire à la chaîne. Le soigneur du groupe voulait donc en savoir plus sur les poisons qu'on pouvait trouver en Eriador, et les manières de les contrer.

Il s'installa donc dans la bibliothèque d'Imladris et demanda de l'aide auprès d'un érudit. Voulant mettre toutes les chances de son côté, et sachant que les elfes ont une notion très élastique du temps, alors qu'il était pressé, il utilisa tout son pouvoir elfique pour devenir plus persuasif, et offrit également en cadeau une pierre précieuse de belle taille - l'équivalent d'une trentaine de pièces d'or. Mais ce fut un peu trop, car l'érudit perçut son pouvoir persuasif, et il avait également le sien, bien plus ancien. Au bout du compte, il remercia pour la pierre et dit qu'il allait aider, mais il ne se pressa pas pour cela.

Faute de mieux, le soigneur chercha par lui-même et il finit par trouver, au bout d'une journée, un grimoire de très bonne facture qui parlait des poisons d'Eriador et de leurs remèdes - juste ce qu'il lui fallait. L'érudit vint voir le résultat de ses recherches et affirma qu'il n'y avait sans doute pas mieux et que cela correspondait bien à ce que cherchait Sîralassë. Il était néanmoins possible de faire mieux, à l'aide des nombreux autres ouvrages et sources d'information présentes, mais cela demanderait un travail de synthèse énorme, sur un an peut-être, et un excellent érudit, pour arriver à écrire un ouvrage meilleur que le grimoire qui avait été trouvé.

Le soigneur noldo décida alors d'en faire une copie. On lui fournit une bonne quantité de parchemins et tout ce qu'il fallait pour les remplir. Après une semaine complète à manier la plume, le grimoire fut recopié et les parchemins sommairement reliés. Sîralassë en profita pour lire diverses choses concernant l'herbe-aux-loups, un très puissant poison que des elfes d'Imladris leur avaient déjà fourni par le passé, pour lutter contre le loup-garou. L'herbe était originaire de la région, un peu plus loin dans les contreforts des Monts Brumeux. Mais il ne trouva personne pour lui apporter cette herbe ou pour l'accompagner là-bas. Ce n'était pas bien loin, mais la présence éventuelle d'orcs à proximité fit que le soigneur préféra occuper son temps à autre chose.

Il n'oubliait pas non plus que la future guerre verrait des humains confrontés à des orcs et des trolls. Les humains ne voyaient guère dans le noir, alors que leurs ennemis utilisaient le plus possible l'obscurité. Un moyen de compenser cela était le "trèfle de lune", qui permettait de voir la nuit aussi bien qu'un elfe. La plante n'était pas rare et pour celle-là, le soigneur se fit aider et montrer où et comment la trouver. Le trèfle, plus du marchand de sable pour endormir d'éventuels ennemis, l'occupèrent beaucoup : recherche, préparation à l'aide de matériel d'apothicaire... c'est bien deux mois qu'il lui fallut pour tout cueillir et préparer. Mais il avait alors deux gros flacons pleins de liquide, de quoi rendre nyctalope une centaine d'humains, ou d'endormir une centaine d'orcs ou autres ennemis.

3 - Rat de bibliothèque et magicien des runes
Drilun s'intéressa lui aussi aux propriétés des plantes ou parties animales... entre autres nombreuses choses. Beaucoup de sujets l'intéressaient, pas tous liés à la future guerre contre Ardagor et ses empoisonneurs. Ainsi, il rêvait de faire construire une forge lui permettant de développer son talent et de fabriquer de nombreux objets magiques. Et les forgerons elfiques que comptait Imladris ne pouvaient que lui faire penser à leurs techniques inégalées : n'avaient-ils pas couché leur savoir par écrit, pour que quelqu'un comme lui puisse en profiter ? Il pensa aussi à Isis et son orphelinat : les elfes n'avaient-ils pas développé des techniques de construction meilleures que celles des humains, après des millénaires passés sur la Terre du Milieu ? La maison d'Elrond lui semblait un modèle digne d'être copié...

Et donc il passa de nombreuses journées à fouiller la bibliothèque très complète d'Elrond demi-elfe : architecture, herbes et poisons, construction et techniques de forge, magie et bien d'autres sujets, il trouva de tout et plus encore. Malheureusement il ne pouvait tout retenir, et il n'était pas question de recopier tout ce qui l'intéressait. D'une part, il lui aurait fallu une caravane complète pour transporter tous les livres et parchemins utiles, mais surtout il lui aurait sans doute fallu des années à tout recopier, quand bien même on l'aurait laissé faire.

Il était par exemple tombé sur un fantastique grimoire écrit à Ost-in-Edhil, la forteresse des forgerons elfiques du second âge. Mais l'ouvrage contenait des secrets qu'il valait mieux ne pas mettre entre toutes les mains. Les elfes le considérant comme l'un des leurs, ils étaient prêts à ce qu'il en fasse éventuellement une copie, mais uniquement si cette dernière restait aux mains des elfes, à l'abri des voleurs ou autres forces maléfiques. Le Dunéen se contenta donc de faire des synthèses des différents sujets qui l'intéressaient dans de nombreux parchemins ou rouleaux, plus rapides à réaliser (et consulter) et plus faciles à transporter que de lourds grimoires !

Il lui resta tout de même encore un peu de temps pour mettre certaines des techniques en application, en particulier les techniques magiques. Il faut dire que le soigneur et lui n'étaient pas chauds pour rentrer seuls à Bar Edhelas, ils préféraient attendre l'occasion de repartir avec une compagnie d'elfes qui se rendait aux Havres Gris pour quitter la Terre du Milieu. Ils prenaient des sentiers elfiques magiquement camouflés et très difficiles à découvrir, comme ceux qu'ils avaient empruntés pour venir. Mais ces compagnies étaient peu fréquentes : ce n'est qu'après deux mois et demi passés chez Elrond qu'ils auraient l'occasion de repartir, et encore ne le surent-ils pas tout de suite. Mais ils firent contre mauvaise fortune bon cœur et tachèrent de profiter au maximum d'Imladris, où le temps passait si vite...

Et donc le magicien dunéen s'essaya à de nouvelles runes, en particulier sur son armure en peau de dragon. L'origine magique de ce cuir le rendait particulièrement perméable à la magie des runes et offrait donc de plus grandes possibilités. Il ne savait pas bien travailler le cuir, et ses runes dessinées étaient trop évanescentes, mais son statut nouveau d'ami des elfes et les récits qu'il avait faits avaient changé la donne : le principal artisan qui avait réalisé son armure à partir de la peau ramenée par Geralt était prêt à l'aider dans l'inscription des runes magiques dans le cuir de dragon.

Après de multiples discussions et hésitations, Drilun choisit les runes qu'il voulait inscrire. Des runes qui rendraient son armure presque aussi résistante que le mithril, et qui absorberaient les coups comme la cotte de mailles que portait son ami Narmegil. Mais il ne put arriver à cela qu'à la faveur de nombreux éléments : en plus de la nature de l'armure, il lui avait fallu apprendre de nouvelles runes, bénéficier de nombreux conseils dispensés dans les livres qu'il avait lus, obtenir l'aide d'un elfe spécialiste des cuirs et peaux, et, dernière condition mais non la moindre, obtenir de la part de son ami son anneau magique. Ainsi, sa propre magie des runes s'en trouvait renforcée et il fut capable de transformer ses habits de peau de dragon en quelque chose de plus protecteur qu'une excellente cotte de mailles naine... sauf celles en mithril.

4 - Problèmes de main-d'œuvre
Tandis que certains maniaient la plume, le verbe ou l'alambic, à Bar Edhelas, Isis était prise d'une grande lassitude. Elle était revenue sans problème à la ville de Tumulus avec sa fille, Helvorn et Vif depuis la Vieille Forêt. La présence du gros félin qui avait fait peur à tant de monde avait demandé quelques efforts relationnels mais rien de problématique. Les serviteurs du manoir avaient déjà tout nettoyé en rentrant, mais l'ambiance avait quelque peu changé. Le grand félin fauve aux pattes rouges du sang séché était soigneusement évité. Ce qui fut d'autant plus facile que la petite et sa mère, et donc Vif, passèrent de plus en plus de temps au talan, en forêt, avec les elfes. Elles ne revenaient qu'exceptionnellement à Bar Edhelas.

La présence d'Isis était néanmoins nécessaire, en particulier sur le chantier de l'orphelinat, qui connaissait quelques problèmes. L'architecte, Bargond, et ses trois aides, avaient vu dernièrement un afflux de travailleurs prendre part au chantier. La plupart étaient des Dunéens du sud de la Comté, plutôt flemmards mais qui ne demandaient pas grand-chose comme salaire, voire presque rien en dehors du gîte et du couvert. Mais l'ambiance sur le chantier évolua petit à petit sur une pente savonneuse : le niveau de violence - verbale voire plus - augmentait, et des travailleurs, souvent les meilleurs, commençaient à partir suite à des menaces ou par rejet de l'ambiance. Tout cela de manière progressive et cachée : même si les gardes se rendaient compte de quelque chose, il n'y avait jamais de franche bagarre qu'ils pouvaient réprimer, ni de meneurs à expulser.

Lorsque Isis apprit la chose, elle prit des mesures drastiques et fit expulser tous les Dunéens et autres tire-au-flanc. Cela ralentit fortement le rythme du chantier, qui ne comportait plus qu'une dizaine de travailleurs, dont les hobbits qui préparaient à manger et ne faisaient pas grand-chose d'autre... Enfin, petit à petit, de nouveaux travailleurs arrivèrent, la plupart Dunéens, mais plus motivés et actifs. Il y avait tout de même un air de déjà vu : les nouveaux étaient sans doute des anciens qui faisaient un effort pour respecter les conditions imposées par Isis. Au final, le nombre d'ouvriers remonta à une quarantaine, alors que l'été passait et que l'automne se préparait. Míriel était maintenant âgée de deux mois.

Une nuit, Helvorn entendit le chat de Frolic, qui traînait parfois dans les parages, miauler à sa porte. Intrigué, il se leva et s'habilla de pied en cap, et suivit l'animal qui semblait vouloir le mener dans la cour. Après s'être équipé et avoir requis la présence de deux gardes, il sortit et eut juste le temps de percevoir une silhouette discrète qui franchissait le mur du manoir depuis l'intérieur. Puis un bruit de chute amortie et de course... et les gardes n'avaient rien vu ! Il sortit du manoir à toute allure mais l'intrus s'était éclipsé. Remontant les rares traces avec difficulté, il parvint aux abords du chantier, et en particulier à l'espace dédié aux tentes des nombreux travailleurs, espace dans lequel les traces se perdaient complètement...

Après réflexion et des suggestions d'autres membres de la maisonnée, Helvorn alla demander l'aide de l'aubergiste, qui avait toujours été de bon conseil, et en particulier de son chien. Ce dernier, en suivant la piste olfactive, confirma ce qu'avait trouvé le rôdeur dúnadan, mais il ne put faire mieux. D'après son maître, des odeurs fortes avaient été répandues çà et là entre les tentes, qui empêchaient l'animal de poursuivre sa traque. Plus tard, une inspection des lieux et des ouvriers ne donna rien de plus. Mais auparavant, la piste fut suivie en sens inverse, et montra que le visiteur nocturne avait surtout parcouru les cuisines et le cellier. Certaines provisions avaient une odeur particulière, en particulier celles qu'un nourrisson était susceptible d'ingérer... Les hobbits cuisiniers confirmèrent, après avoir prudemment goûté, qu'une substance indéfinissable avait été rajoutée. En bref, la nourriture avait été droguée ou empoisonnée. L'intendante hobbite n'y alla pas par quatre chemins : il fallait tout jeter.

5 - Piège à empoisonneur
Le lendemain, Helvorn se posa la question de prévenir Vif et Isis sans pour autant trahir l'emplacement exact où elles se trouvaient, et donc Míriel. En effet, aucune personne de Tumulus ne connaissait au juste son existence, à l'exception d'une nounou hobbite d'Oatbarton et sans doute de ses proches. Un charpentier avait bien fourni certains matériaux et devait donc se douter de la présence d'une maison dans la forêt, pas trop éloignée, mais a priori aucun humain ne trouverait facilement le lieu. Mais si le cousin de Narmegil allait directement au talan, cela servirait peut-être les affaires d'espions à proximité. Il avait beau être discret s'il le souhaitait, et avoir confiance dans les elfes qui gardaient le refuge arboricole, il ne tenait pas à tenter le diable. Il ne savait pas quand les filles reviendraient les voir, mais il ne tenait pas à attendre les bras croisés.

Après les fouilles et ordres renforcés de surveillance du chantier, il constitua deux groupes de gardes pour des patrouilles exceptionnelles en bordure des fermes et champs. Il prit la tête de l'une d'elles, en espérant que l'empoisonneur penserait qu'il allait voir Isis, et qu'il se ferait repérer. Mais sans succès, et il n'aperçut pas non plus les elfes qui surveillaient les lieux, et ne put donc faire passer un message. Faute de mieux, en espérant que la chose ne passerait pas inaperçue, il laissa en fin de journée, dans les bois, un parchemin enroulé sur lequel était marqué qu'il devait être transmis de toute urgence à Isis. Le stratagème fonctionna bien, et la mère de Míriel reçut le parchemin des mains des gardiens elfes, peu après. Mais le message était inexistant, le parchemin était vierge !

Isis soupçonna sans mal qu'il se passait quelque chose de particulier à Bar Edhelas et qu'Helvorn réclamait sa présence. Aussi laissa-t-elle sa fille pour quelques heures en compagnie des elfes et de Vif, et elle se rendit au manoir. Là, elle apprit toute l'affaire et échangea sur les perspectives de retrouver l'empoisonneur. Manifestement, ce dernier était encore sur place, parmi les ouvriers du chantier de construction. Depuis peu, lassée de toutes ces menaces, elle avait demandé aux autres elfes de la Comté de faire prévenir qu'elle souhaitait un guide pour leur faire emprunter, à sa fille et elle, les sentiers elfiques qui permettraient de rejoindre Imladris. Mais en attendant, elle ne pouvait laisser une telle menace à proximité. L'empoisonneur était là ? Elle allait se débrouiller pour le faire sortir de son trou et le démasquer...

Par la suite, elle alla retrouver la nounou hobbite qui connaissait déjà la maison dans les arbres et la petite. Míriel râlerait sûrement d'être sans sa mère un petit moment, mais il fallait bien cela, et en plus elle commençait à manger autre chose que son lait - la croissance des bébés elfes était très rapide. Et une nuit, la lionne qu'était Vif et elle-même revinrent discrètement à Bar Edhelas. Plusieurs personnes avaient été mises au courant, comme les deux lieutenants du manoir et anciens gardes d'Aradan Marwen, ainsi que l'architecte, Bargond, et Helvorn. Dans la nuit, tous s'activèrent pour que le piège soit prêt pour le lendemain. Un piège à empoisonneur...

Quel était le plan ? Vif, sous sa forme féline, avait été cachée sous une bâche du chantier. Bâche qui resterait tranquille, avec l'ordre de ne pas y toucher. En parallèle, Isis devait se rendre au chantier en plein jour, portant une poupée de chiffons à l'image de sa fille. Helvorn se tiendrait non loin avec deux ou trois gardes sûrs, dont un des lieutenants, tous occupés (en apparence) à s'entraîner à l'arc. Et l'architecte veillerait également, aux côtés de son employeuse à qui il montrerait l'avancée des travaux. Si l'empoisonneur avait tant de motivation pour faire passer sa fille de vie à trépas, il tenterait sûrement quelque chose qui permettrait de le démasquer. Et en quelques secondes, Vif pourrait être sur lui. Les risques étaient donc minimes, l'affaire bien préparée, le piège ne pouvait que fonctionner.

6 - Le piège se referme
Et donc Isis alla jouer son rôle d'appât au milieu du chantier, comme prévu. Helvorn n'était pas très rassuré, d'autant qu'il venait d'apprendre que l'architecte avait mis ses trois aides dans la confidence. Et si l'un d'eux était de mèche avec l'empoisonneur ? Par ailleurs, ils n'avaient aucune indication sur le nombre exact de personnes impliquées dans l'affaire. Bien sûr, une dizaine d'autres gardes se tenaient non loin, comme à l'accoutumée, et ils interviendraient en moins d'une minute. De plus, il était vrai que la lionne qu'était Vif pourrait être sur n'importe qui en un clin d'œil. Mais les agents d'Ardagor ou d'Angmar semblaient pleins de ressource...

Bientôt, Isis commença à repérer des mouvements suspects, et Vif, qui avait entendu des conversations chuchotées dans une langue qu'elle ne comprenait pas - sans doute du dunael - se tint prête à bondir. Ces chuchotements étaient annonciateurs de quelques brefs appels à ramasser des pierres et à les lancer sur Isis et Míriel. Helvorn et Isis virent et entendirent cela, et les meneurs qui les avaient prononcés et qui prenaient à présent des frondes voire un arc pour l'un deux. Le problème, c'est qu'une trentaine de travailleurs répondirent très vite à l'appel. Isis avait auparavant lancé un sortilège pour la protéger de quelques attaques ; mais il ne pourrait pas grand-chose contre une trentaine de pierres ! Elle risquait d'être vite lapidée.

Tandis que des flèches étaient encochées et que des gardes étaient appelés à grand renfort de cris, les pierres furent lancées en direction de l'elfe. Mais cette dernière avait fait un plongeon sur le côté pour en éviter le plus possible, ce qui se révéla payant : aucune n'arriva à la toucher. Mais elle ne put se relever ensuite : Vif venait de plonger sur elle avec un rugissement, qui expliquait peut-être pourquoi tant de pierres l'avaient ratée, et elle la protégeait désormais avec tout son corps. Le grand félin reçut une salve de pierres après cela, mais il était très difficile de blesser la créature magique qu'il était : hormis une égratignure au museau, vite oubliée, elle n'eut aucun mal.

Isis estima qu'elle pouvait désormais se débrouiller toute seule, grâce à sa magie et en courant en zigzag. Elle cria donc à son amie de s'occuper des tireurs, et Vif ne se fit pas prier : elle bondit et faucha les assaillants les uns après les autres. Ils cherchaient désormais à fuir, devant la lionne, l'arrivée des gardes et les tirs d'archer. Helvorn avait blessé celui qui avait sorti un arc et n'avait pu s'en servir. Par ailleurs, si l'architecte et ses aides avaient fui, de même que les travailleurs qui n'étaient pas concernés, les hobbits avaient réagi tout autrement. Certains se souvenaient de situations similaires où ils avaient subi, ou leurs proches, le même traitement : tous ceux qui étaient à proximité accouraient avec les outils ou armes qu'ils pouvaient trouver.

L'assaut des travailleurs fut vite réprimé, et dans le sang : le félin qu'était Vif ne laissa aucun survivant, à l'exception des trois meneurs qui avaient été repérés, et souvent blessés. Les corps furent ensevelis sous un tumulus non loin de la ville. Isis aurait voulu le placer à l'entrée de Tumulus avec une pancarte pour expliquer ce que c'était, pour que cela serve d'avertissement à ceux qui leur voulaient du mal. Mais plusieurs s'y opposèrent, ils ne trouvaient pas l'idée opportune et préféraient effacer les traces de conflit et de guerre pour vivre en paix. C'était en particulier le cas des hobbits, qui espéraient pouvoir un jour oublier ce genre d'événements. En attendant, l'architecte dut faire face à une nouvelle baisse de rythme du chantier, qu'il n'arriva pas à compenser : les rumeurs qui entouraient la construction parlaient de malédiction, et toute l'affaire fit fuir les humains alentour encore plus vite que par le passé, avec l'attribution des terres aux hobbits. Seuls ces derniers y trouvèrent leur intérêt, et ils restèrent soudés à la maison Eldanar et à leurs amis.

7 - Nouvelles et informations
Trois Dunéens et probables meneurs avaient été faits prisonniers, et étaient susceptibles de donner quelques renseignements sur ce qui s'était passé. Deux d'entre eux semblaient têtus et déterminés à garder bouche cousue, mais le troisième paraissait plus effrayé de son proche destin et serait peut-être enclin à causer un peu plus facilement que ses compagnons. Il fut donc pris en privé, et il fut bien loquace : entre une promesse de vie sauve voire de liberté, choses qu'il n'osait espérer tellement cela lui paraissait impensable, et une mort certaine, il ne fit guère de difficulté. En tremblant et en espérant que l'elfe tiendrait sa parole, il fit des aveux complets.

Mais il n'avait pas grand-chose à dire : les ouvriers avaient tous ou presque été embauchés par quelqu'un de mystérieux dans le sud de la Comté. Ils avaient reçu une pièce de bronze chacun pour venir participer au chantier et attendre des ordres ultérieurs, qui auraient pour but l'assassinat du bébé demi-elfe et de sa mère - avec une pièce d'or chacun comme récompense promise. Au début, ils avaient fait un peu n'importe quoi sur le chantier, bien que l'expulsion des autres travailleurs faisait partie du plan. Mais après avoir été expulsés, le commanditaire était réapparu à une certaine distance du lieu, il leur avait passé un savon et avait gardé les meilleurs et plus motivés pour revenir sur place. Un homme masqué, peut-être un des hommes du chantier, avait alors servi d'intermédiaire.

L'homme ne sachant rien d'autre, il fut libéré comme promis. Il s'était aussi engagé, une fois de retour chez lui, à prévenir la famille Eldanar si jamais il revoyait l'homme mystérieux, grand et imposant. La description qu'il en faisait mit la puce à l'oreille de Vif, qui, fouillant dans ses souvenirs, se rappela ce que Geralt avait dit autrefois du commanditaire du contrat sur la tête du prince Hallas : la description semblait identique. Quant aux deux autres Dunéens, après réflexion, le conseil d'Helvorn fut suivi : ils furent emmenés en charrette, en raison de leurs blessures, jusqu'au plus proche représentant du roi, le bailli Tamir Whitestag, à Lèzeau. Plus tard, l'information revint comme quoi ils avaient été jugés et pendus.

Isis retrouva sa fille avec joie, mais il lui tardait de pouvoir partir pour Imladris, or elle n'avait reçu aucune nouvelle. Et ses amis l'avaient bien mise en garde : le chemin "normal" jusqu'au Rhudaur et à la maison d'Elrond semi-elfe était tout simplement irréalisable. Des embuscades, certaines par des gens puissants comme le loup-garou, se produiraient presque à coup sûr, et sans son mari et Geralt, il valait mieux ne même pas y penser. Néanmoins, la vie se poursuivit, avec une présence humaine moindre à Tumulus, des arrivées de hobbits toujours plus nombreuses, et des elfes eux aussi plus nombreux pour garder le talan et les environs.

L'arrivée de Narmegil et Geralt au galop apaisa un peu le vague à l'âme d'Isis. Le prince Minastir avait donné un cheval en remplacement du poney que montait Geralt, si bien que les deux amis avaient pu traverser plus vite la Comté, même si cela n'avait rien à voir avec la traversée que le Dúnadan avait déjà faite avec son splendide étalon à présent décédé. Tous partagèrent leurs nouvelles et profitèrent les uns des autres - cela faisait plus d'un mois et demi qu'ils ne s'étaient vus ! Vif tiqua néanmoins au récit concernant Echorion, le gentil et naïf héritier de Girithlin : Míriel s'était fait empoisonner par quelqu'un qui jouait parfaitement au naïf lui aussi, et Isis s'était bien laissé prendre à son jeu.

Au final, le bilan que donna Narmegil n'était pas mauvais du tout : il avait bien rassemblé les forces contre Ardagor, à l'exception peut-être de Girithlin ou Saralainn sur qui planaient toujours de gros doutes, en particulier le premier. Mais Geralt avait été exemplaire avec les assassins, même s'il ne voulait plus entendre parler de politique et qu'il rêvait de vacances loin, très loin. L'ensemble du Cardolan serait donc raisonnablement uni contre Ardagor, dont les jours étaient sans doute comptés. C'est sur ces échanges et réflexions optimistes que Bar Edhelas vit l'arrivée de deux visiteurs réguliers : Gandalf et Niemal vinrent frapper à la porte moins d'une semaine après le retour du maître des lieux et de son ami et chef des assassins de Tharbad.
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Warlord - 6ème partie : préparatifs de guerre

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1 - Déménagement en vue
Un beau jour, un garde tout excité vint donc prévenir de l'arrivée du magicien et du soigneur sinda de la maison d'Elrond. De nombreuses choses furent échangées concernant les différents événements récents, tels que les tentatives d'assassinat sur Míriel et sa mère, ou la campagne politico-militaire de Narmegil et Geralt. Les invités semblaient au courant de l'essentiel, grâce aux elfes qui surveillaient les environs, entre autres. Mais ils apprécièrent les détails et purent réagir, et répondre aux questions diverses et variées qui ne manquèrent pas de fuser. Certaines faites en public, et d'autres en privé, concernant par exemple l'influence de Tina/Tevildo et la fiabilité de Vif sur le long terme...

Mais la question essentielle qui taraudait Isis était bien celle de son déménagement à Imladris avec sa fille. Malgré la protection des elfes et son projet d'orphelinat, elle n'envisageait plus de rester à Bar Edhelas, jugé trop dangereux. Elle souhaitait donc profiter de la sûreté de la Dernière Maison Simple à l'ouest des Monts Brumeux. Mais la route étant ce qu'elle était - longue et dangereuse - elle souhaitait que des elfes les accompagnent jusque là-bas, elle et sa fille, pour les faire passer par des sentiers elfiques protégés et masqués aux regards ténébreux.

Le magicien répondit que ces sentiers étaient loin d'être complètement sûrs, mais qu'il verrait avec maître Elrond. Il comptait lui parler prochainement et lui demanderait d'envoyer une escorte capable. Narmegil et ses amis pensaient accompagner Isis et Míriel également, ce qui faisait une garde déjà conséquente, même privée de Drilun et Sîralassë. Mais il faudrait attendre sans doute plus d'un mois les guides demandés : le temps de rejoindre Fondcombe, d'organiser la chose et de revenir sur la Comté. Aussi les invités furent-ils partis dès le lendemain afin de ne pas perdre de temps et éviter de faire courir davantage de risque à la petite demi-elfe.

Plusieurs jours après leur départ, l'architecte Bargond vint faire part d'une découverte aux aventuriers : un nouvel ouvrier venait de découvrir un parchemin enfoui dans le sol de l'une des tentes d'hébergement. Le document était couvert de runes elfiques mais il était écrit dans une langue gutturale, probablement du noirparler, qu'il ne connaissait pas - non plus qu'aucune des personnes présentes. Tandis que le texte était envoyé aux elfes de la plus proche clairière, l'ouvrier qui avait découvert le parchemin fut interrogé, mais sans conséquence. L'homme semblait de bonne foi, le parchemin avait bien été enfoui avant l'assaut sur le chantier, et trouvé par hasard. Sa traduction arriva deux jours plus tard, et elle éclairait le futur déménagement de Míriel sous un nouveau jour. En effet, il y était écrit :

"Commencez par les actions prévues sur la fille et sa mère. Cela ne devrait pas avoir d'autre effet que de répandre la peur, mais c'est bien ce que nous voulons, elle a toujours été notre arme. Et cela les poussera à chercher refuge plus sûr sur des sentiers censés être saufs. Mais un Serviteur spécial les surveille, qui s'occupera d'elles et de leurs amis.

Ensuite, donc, quittez la région sans tarder. Vous devez vous rendre à Tharbad vous mettre au service du maître de la guilde des voleurs, il vous attend. Vous le seconderez du mieux possible et ferez le lien entre lui et la princesse. Ils ont des tâches importantes concernant le sabotage de la campagne militaire et la mort de certains de leurs dirigeants, et ont besoin de vous pour cela.

Une fois cela fait, revenez faire votre rapport à Cameth Brin."


2 - Sentiers elfiques et magie noire
Pendant que certains s'interrogeaient sur le contenu, la véracité et l'origine du parchemin, Niemal et Mithrandir arrivaient à Imladris. Ils y trouvèrent Drilun, qui finissait diverses runes magiques, et Sîralassë, qui achevait ses préparations d'herbes diverses. Tous deux s'apprêtaient à reprendre la route prochainement en compagnie d'elfes qui comptaient rejoindre Mithlond, les Havres Gris dans la langue des humains, pour quitter la Terre du Milieu et rejoindre Valinor. Devant les nouveaux éléments apportés par le soigneur et le magicien, en particulier la venue prochaine de leurs amis à Imladris, tous deux décidèrent de maintenir leurs projets. Ils reviendraient à Bar Edhelas pour repartir avec leurs amis. Non sans quelques interrogations préalables du Dunéen concernant Vif et sa partie féline...

Une compagnie elfique quitta donc la demeure d'Elrond demi-elfe sous les premières neiges de l'automne, compagnie à laquelle participaient le Dunéen et le soigneur noldo. En plus de Gildor Inglorion, qui dirigeait la compagnie sur les chemins elfiques protégés des humains et des orcs, les fils d'Elrond accompagnaient également le groupe, ainsi que Niemal. Tous trois comptaient quitter la compagnie, avec Drilun et Sîralassë, lorsqu'elle serait à proximité de la Comté. Et Elladan et Elrohir, qui connaissaient bien les sentiers elfiques, serviraient de guide à toute l'équipe pour les mener sur ces mêmes sentiers jusqu'à leur foyer.

Mais alors que la compagnie se trouvait à mi-parcours, dans des collines désertées du nord du Cardolan, là où des orcs passaient de plus en plus facilement, Niemal perçut quelque chose et fit s'arrêter la troupe. Le sentier avait été repéré et marqué par une force maléfique, il n'était plus sûr. Après réflexion, il fut décidé de quitter le sentier, condamné, et d'utiliser des chemins détournés - et moins sûrs - plus au sud, qui permettraient de rejoindre les Havres Gris. Le voyage se poursuivit dans les terres les plus sauvages du Cardolan sans plus de problème, jusqu'au moment où Niemal, Drilun, Sîralassë, Elladan et Elrohir les quittèrent pour aller vers le nord. Après un bref passage chez Pelendur et Pelenwen à Minas Malloth, et un accueil chaleureux, ils repartirent et atteignirent Bar Edhelas, dans la Comté, peu après.

Entre-temps, les plans formés par Isis et ses amis n'avaient pas changé. Certains doutaient de la fiabilité ou de la véracité du parchemin retrouvé, et tous étaient prêts à entreprendre leur voyage vers Fondcombe. La perte d'un sentier elfique, chose peu fréquente mais qui arrivait régulièrement néanmoins, ne les affecta pas. Un sorcier puissant ou très perceptif pouvait en être à l'origine, et ils en connaissaient au moins deux, de manière directe ou indirecte : un certain Fëamor, et le loup-garou Caran Carach. Leur volonté toujours ferme, ils partirent rapidement, après quelques derniers mots et consignes à l'attention du cousin de Narmegil, Helvorn, et de l'intendante hobbite de Bar Edhelas.

Auparavant, Drilun avait aussi fait le bonheur de l'architecte de Fornost, Bargond. Tout d'abord, il lui avait remis les parchemins d'architecture elfique qu'il avait réalisés dans la bibliothèque d'Imladris : l'homme fut enchanté des perspectives que cela lui ouvrait. Par ailleurs, le chantier de l'orphelinat en étant encore au stade des fondations, l'archer-magicien put intégrer à la construction quelques modifications et extensions : utilisation d'éléments architecturaux elfiques, et création de nouveaux ateliers, comme une forge de qualité... dont il espérait pouvoir se servir par la suite ! Bien entendu, il versa aussi une somme conséquente comme réserve pour les frais supplémentaires occasionnés.

Sur la route, devant les menaces qui les guettaient, ils furent tous particulièrement discrets et prudents. Ils avaient parmi eux des personnes extrêmement perceptives, dont Vif, qui ne manquèrent pas de remarquer la présence à une certaine distance d'un lynx blanc qui les suivait. Mais aussi, plus tard et plus loin dans la partie la plus sauvage et désertée du Cardolan, d'un groupe de gros loups menés par un géant parmi eux. A l'affût d'une nouvelle attaque du loup-garou, ils n'eurent pas à s'en inquiéter très longtemps : lorsque le lynx blanc se dirigea vers les loups, ces derniers s'enfuirent bien vite et ne reparurent plus. Quelques jours avant la nouvelle année et les six mois de Míriel, qui avait fait une bonne partie du voyage endormie grâce aux soins magiques de Niemal et Sîralassë, le groupe arriva à Imladris.

3 - Vacances, croissance et convocation
Plus de deux mois s'écoulèrent sans le moindre incident, telles des vacances de rêve, sans contrainte d'aucune sorte hormis celle de s'occuper de Míriel principalement. Comme les enfants elfes, elle grandissait très vite et la maîtrise de ses facultés tant physiques qu'intellectuelles se faisait à très grande vitesse : elle fit ses premiers pas à l'âge de six mois, et commença à dire ses premiers mots à la même période. Principalement en sindarin et ouistrain, langues les plus parlées dans son entourage, mais également le dunéen : suite aux encouragements d'Elrond et de son épouse Celebrían, fille de Celeborn et Galadriel, Frolic et Drilun n'hésitèrent pas à lui parler dans leur langue. En revanche, ce dernier se retint d'utiliser avec elle le noirparler, que Niemal lui avait appris.

Míriel était la coqueluche d'Imladris, tant les enfants elfes étaient rares. Son statut spécial de demi-elfe expliquait peut-être pourquoi les maîtres de la maison lui consacraient autant de temps, également : Elrond, Celebrían et leur fille Arwen passaient de nombreuses heures avec la petite. Tous étaient enchantés de la voir grandir, et ils confirmèrent ses prédispositions pour la magie. Beaucoup remarquèrent que son insatiable curiosité et sa spontanéité n'étaient pas sans faire penser aux côtés les moins elfiques de sa mère... Cette dernière fut rassurée de voir sa fille si bien entourée, et elle comprit qu'elle pourrait la quitter ponctuellement sans qu'elle en souffre trop. Elle était sevrée et nettement plus autonome émotionnellement, désormais.

D'aucuns firent aussi le lien, concernant son caractère, avec l'influence de Tina/Tevildo. Le côté joueur de Míriel n'était en effet pas sans faire penser à celui d'un chaton. Et, là encore, la proximité de sa marraine et le lien qui les unissait ne laissait pas d'inquiéter certains. Elrond avait été consulté à ce sujet, mais il n'avait pas de réponse miracle à donner. Il ne pouvait faire disparaître l'influence magique de Tevildo sur la petite, c'était une magie trop puissante, même pour lui. Mais comme pour Vif, le plus grand remède face à cette influence était l'amour et l'amitié que ses proches pouvaient lui témoigner et avec lesquels elle se construirait.

En plus de se reposer et de regarder Míriel grandir, certains tentèrent de profiter des lieux pour recueillir des herbes diverses comme des noix de l'écureuil ou le poison herbe-aux-loups. Les elfes ne voulurent guère les aider, mais ceux qui cherchèrent par eux-mêmes comprirent vite pourquoi : à l'occasion d'une patrouille dans les Monts Brumeux contre les orcs, Drilun et Vif découvrirent la difficulté à chercher une racine sous un manteau neigeux... Manteau neigeux qui avait retenu Narmegil, qui lui aurait bien voulu participer plus aux actions contre les orcs. Mais il avait plus peur de la neige qu'il ne détestait ces derniers !

Isis eut une première occasion de s'absenter et de laisser sa fille au maître des lieux : vers le milieu de l'hiver, Niemal revint de ses voyages pour annoncer qu'une première réunion des chefs militaires de la campagne contre Ardagor était prévue pour la fin de l'hiver. La date était fixée, et le rendez-vous aurait lieu à Metraith, au palais des princes de Dol Tinarë. Y participeraient, entre autres, les chefs ou représentants de toutes les provinces du Cardolan, le royaume d'Arthedain, et les plus grandes compagnies de mercenaires du Cardolan. Geralt et Narmegil étaient invités, puisqu'ils étaient censés amener des troupes, mais leurs amis avaient aussi leur mot à dire, comme spécialistes de la magie ou d'autres choses...

Niemal les accompagna. Ils laissèrent donc Míriel aux bons soins d'Elrond et des siens, et s'enfoncèrent dans le Rhudaur puis le Cardolan. Tous discrets, ils ne firent aucune mauvaise rencontre, d'autant qu'un félin blanc semblait les protéger de certaine présence lupine... Néanmoins, ils firent la route à pied en évitant au maximum de déranger les habitants et autres sur leur passage. Ils arrivèrent enfin, moins de deux jours avant la date convenue. Le garde qui les arrêta au péage se fit plus que vertement rabrouer par ses supérieurs lorsqu'il leur rapporta le message de Narmegil, qui ne voulait pas payer. Ils entrèrent enfin et furent conduits au Thalion, château-palais du prince Hallas, afin de rencontrer les grands d'Eriador ou leurs représentants.

4 - Arrivées
La traversée de la ville de Metraith laissa une petite impression d'atmosphère militaire, avec la présence çà et là de patrouilles et groupes armés en nombre inhabituel. Mais une fois franchie l'enceinte du palais, cette impression fut renforcée : les baraquements n'avaient pu suffire pour tous, et des tentes étaient dressées pour des gardes portant les emblèmes d'autres régions du Cardolan. Comme Girithlin, par exemple : Narmegil et Geralt virent venir à eux Echorion, manifestement enchanté de les revoir, même si leur départ précipité n'avait pas été bien compris. Mais après quelques brefs échanges, le futur baron de Girithlin fut laissé en arrière et le groupe entra dans le château proprement dit.

Le prince Hallas, en robe de chambre comme pratiquement toujours, accueillit Narmegil et ses amis avec un plaisir manifeste qui étonna les personnes présentes qui le connaissaient, comme son fils Celedur. Le vieil homme paraissait très satisfait des efforts de Narmegil pour mobiliser seigneurs petits et grands : il croyait de plus en plus à la réussite de sa campagne. Le conseil ne commencerait que le surlendemain, et la place manquait pour les visiteurs de marque, aussi, seuls le Dúnadan et les trois elfes furent-ils invités à occuper une chambre au château. Les autres se contentèrent d'un coin de paille à l'écurie, ce qui leur convenait tout à fait.

Des échanges divers eurent lieu avant le conseil, discussions variées sans grande conséquence. A son arrivée, Finduilas fut enchantée de trouver Isis et voulut parler magie, malgré une certaine retenue de la mère de Míriel. Drilun se fit discret aussi, d'autant qu'il savait que son origine dunéenne n'était pas forcément bien vue. Geralt retrouva un contact de la guilde, déjà rencontré par le passé, qui ne lui apprit rien de spécial. Enfin, les derniers invités arrivèrent, connus ou moins connus, et le conseil put être réuni.

Il rassemblait une vingtaine de personnes. Un bref tour de table permit de mettre un nom sur chaque visage et d'évaluer les forces qu'il représentait. On trouvait ainsi :
- pour l'Arthedain : le prince héritier Arvegil, qui annonça la participation de 50 cavaliers et 100 fantassins de l'armée royale
- Tyrn Gorthad : Pelendur et sa sœur Pelenwen étaient présents, avec une promesse de participation d'une vingtaine de leurs gardes
- Dol Tinarë : Hallas et son fils Celedur, plus Daeros, capitaine des Cavaliers d'Acier, et Forak, chef des Violateurs, représentaient une force totale de 350 personnes, dont une centaine de cavaliers, et des armes de siège
- Cantons de Fëotar : Bemakinda était là, qui annonça la participation d'une trentaine de mercenaires nordiques
- Dol Calantir : Finduilas et Tarhad, chef des piquiers, totalisaient une force de 200 fantassins
- Saralainn : Fiorel, cousin du roi, annonça la participation d'un clan local et de deux compagnies mineures de mercenaires, pour un total de 200 fantassins
- Girithlin : Echorion viendrait avec une trentaine de gardes ; mais la baronnie participait aussi en finançant les mercenaires de Saralainn

A cela il fallait ajouter Narmegil, qui apportait une trentaine de vétérans nains, menés par Khanli, présent ; Geralt, qui annonça la venue d'une force spéciale de Tharbad, composée d'une centaine d'espions/éclaireurs et adeptes de tactiques de guérilla ; Isis et Drilun, en leur qualité de magiciens ; Sîralassë et Niemal, elfes et soigneurs ; et Vif, que certains s'étonnèrent de voir là. Aux questions de l'assistance, elle fut présentée comme une experte dans les arts du renseignement. Le conseil pouvait commencer.

5 - Conseil de guerre
Le prince Hallas commença par annoncer l'estimation des forces adverses, selon ses espions. Il semblait donc que le Seigneur de Guerre disposait des troupes suivantes :
- 200 fantassins - mercenaires rhudauriens pour la plupart
- 50 cavaliers - mercenaires orientaux essentiellement
- une trentaine de trolls de guerre, capables de supporter la lumière du soleil
- une trentaine de loups montés (par des orcs)
- de très nombreux orcs - au moins mille
- un nombre indéterminé de sorciers, dont Ardagor lui-même

Vu la taille du territoire à envahir et les spécificités de chaque armée, l'attaque se ferait sur quatre fronts à peu près coordonnés. Il y aurait donc :
- nord-ouest : forces d'Arthedain, menées par Minastir ; ravitaillement Comté ; soutien Girithlin
- sud-ouest : forces et ravitaillement Saralainn, troupes menées par le capitaine Nar et un chef de clan dunéen
- sud-est : forces et ravitaillement Dol Calantir, guerriers menés par Finduilas et chef Piquiers (Tarhad)
- nord-est : forces et ravitaillement Dol Tinarë, Fëotar, Tyrn Gorthad, avec pour chefs Celedur, Daeros, Pelendur, Bemakinda

A cela il fallait ajouter les nains et les troupes de Geralt. Le front sud-ouest paraissait le plus fragile : le capitaine Nar, qui commanderait sa propre troupe ainsi que la compagnie de mercenaires de la "Hache Ébréchée", paraissait peu fiable. Les deux compagnies étaient connues comme peu efficaces, difficiles à encadrer, et avec un sens très personnel de l'honneur de la guerre... le pillage faisait partie de leurs traditions. Et le clan dunéen ne valait peut-être pas mieux. Khanli, chef des nains, suggéra d'y amener sa compagnie à lui.

Des questions furent posées à Geralt concernant ses propres troupes : personne ne les connaissait, jamais personne n'ayant entendu parler d'une compagnie de mercenaires de Tharbad spécialisée dans la guérilla et le renseignement. Forak en particulier était assez curieux, et il semblait deviner certaines choses, même si Geralt restait délibérément vague. Mais la présence de sorciers était sans doute le sujet qui posait le plus de soucis aux différents interlocuteurs présents. D'autant que, si Finduilas paraissait confiante dans ses capacités à contrer la magie adverse, les paroles d'Isis n'étaient pas des plus rassurantes : elle affirmait ainsi qu'une flèche était plus efficace que sa magie...

Au final, l'idée générale fut de profiter au maximum des longues journées printanières et estivales : orcs et trolls avaient un avantage marqué la nuit, il convenait donc de faire le maximum de dégâts et d'avancer le plus possible durant les beaux jours. Sans parler du fait qu'en hiver, Ardagor serait protégé dans ses cavernes alors que les troupes d'Hallas et compagnie seraient à la merci des éléments. La campagne démarrerait donc au printemps, dans les derniers jours de Lothron (~mai). Elle serait organisée suivant quatre objectifs :
- premier objectif : réduire au maximum la surface contrôlée par Ardagor et donc ses ressources
- deuxième objectif : patrouiller pour détruire les ravitailleurs et affamer les forces d'Ardagor
- troisième objectif : libérer le maximum d'esclaves, d'autant qu'ils pouvaient servir de nourriture aux orcs et trolls...
- quatrième objectif : infiltrer/espionner Creb Durga pour savoir où étaient les forces et leurs chefs

Bien des questions d'ordre pratique ou stratégique étaient laissées en suspens. Pelenwen avait par exemple souligné la nécessité d'avoir des guérisseurs de qualité et du matériel de soin. Mais d'une part, il était question d'un autre conseil peu avant la marche des troupes sur le champ de bataille ; d'autre part, la présence de traîtres potentiels empêchait peut-être certains de se confier ouvertement. Côté coordination entre les troupes, il faudrait se fier à des messagers, certains non humains éventuellement : Niemal participerait et pourrait éventuellement transmettre des messages à l'aide d'oiseaux. Et Vif calculait que sous sa forme féline, elle pourrait joindre n'importe quel secteur en peut-être deux heures, et sans grand risque pour elle...

6 - Les assassins de Tharbad
D'autres sujets furent abordés, des cartes furent recopiées et annotées, puis le conseil prit fin, et ses participants repartirent tranquillement chez eux. Niemal avait sondé les participants, avec plus ou moins de facilité vu la très forte volonté de certains, mais il n'avait senti aucun traître présent, même si Fiorel ou Celedur étaient plus ou moins motivés par l'aventure. Un autre conseil fut prévu au début du mois de Lothron (~mai). Le retour des aventuriers jusqu'à Fondcombe ne posa aucun problème, comme à l'aller, et Míriel fut tout heureuse de retrouver ses parents, même s'ils ne lui avaient pas trop manqué. L'hiver s'acheva et la petite continuait à grandir, bien entourée, dans cette maison hors du temps et des troubles du monde extérieur. Seuls quelques rapports réguliers d'elfes en mission venaient rappeler à Narmegil et ses amis que le reste du monde tournait sans eux et qu'il n'était pas toujours beau à voir.

Un de ces rapports les concernait directement : de retour d'un de ses voyages, Niemal leur apprit que les plans d'attaque étaient perturbés et sans doute retardés. En effet, peu après la fin du conseil, Forak et les principaux lieutenants de ses Violateurs avaient été assassinés. Deux modes d'action avaient été employés : la nourriture ou une flèche. Dans les deux cas, l'usage d'un poison violent et foudroyant semblait la cause de la mort. La plupart des Violateurs, et notamment tous ceux qui venaient d'Angmar, avaient alors fui individuellement ou par petits groupes. Le corps de certains avait été retrouvé peu après. Le prince Hallas avait récupéré les armes de siège, et, avec l'aide des quelques mercenaires et anciens Violateurs restés sous sa protection, il avait commencé à recruter et former des guerriers au maniement de ces armes. Mais cela repousserait sans doute le début du conflit d'un mois.

Le printemps avançant, un nouveau départ se profila, sans qu'une date de retour puisse être avancée. Après de nouveaux adieux à Míriel, les aventuriers, accompagnés par Niemal, reprirent la route, cette fois jusqu'à Tharbad. Isis refusa d'entrer dans la ville, et préféra rester en dehors, dans un petit bois proche, accompagnée par Sîralassë. Les autres pénétrèrent sans problème dans la ville, repoussèrent sans mal les mendiants et bandes de jeunes voleurs qui louchaient sur leurs possessions, et arrivèrent au quartier des voleurs. Ils rencontrèrent Eskel, chef des assassins par intérim, et préparèrent avec lui une nouvelle réunion des assassins pour les remotiver, les sélectionner et les former.

Bien que moins inspiré que lors de son dernier passage, Geralt remotiva suffisamment ses troupes pour avoir un large choix : le recrutement se limita à une centaine d'assassins, choisis selon des critères qu'il ne fut pas facile de déterminer. Si certains voulaient mettre l'accent sur la discrétion et la perception, d'autres tenaient à avoir un minimum de gros bras capables d'infliger des dégâts. Il fallut faire des compromis, et une liste d'attente pour des assassins non retenus mais qui pourraient venir plus tard combler les pertes. Également, Niemal, discrètement, sondait magiquement les motivations des personnes afin d'écarter les plus difficiles à gérer ou qui étaient susceptibles de poser des problèmes. Étaient exclus les assassins trop individualistes ou trop tentés de vendre des informations au plus offrant...

Le maître de la guilde fut également abordé. Méfiant, ce dernier n'accepta pas de recevoir d'autres personnes que Geralt. Le chef des assassins fut tenté d'insister, mais il finit par comprendre qu'il avait peut-être plus à perdre qu'à gagner. De toute manière, Niemal put rester suffisamment près pour percevoir la présence du maître et ses principales motivations : l'homme était calculateur, mais selon lui ce n'était pas un instrument d'Angmar. Il agissait comme un chef d'entreprise, ce qui était bien ce qu'on pouvait s'attendre d'un maître de guilde... même si son domaine concernait des affaires comme le vol, les drogues, la contrebande, les réseaux de prostitution et de mendicité, et autres joyeusetés.

Geralt profita aussi de la présence de ses amis pour vérifier une chose qui le turlupinait. Il les emmena dans les anciens quartiers de Balt, son prédécesseur, et proposa de fouiller la pièce où aucun trésor personnel n'avait jamais été trouvé. Il comptait particulièrement sur Vif et ses perceptions incroyablement fines. Et effectivement, la Femme des Bois finit par trouver - non sans mal - un compartiment secret dans le mur. Il abritait un petit coffret sur lequel l'assassin allait se jeter, quand un sentiment de méfiance retint sa main. Et en regardant de plus près avant de prendre le coffret, il vit effectivement un piège, une lame enduite d'une substance huileuse actionnée par un ressort. Piège qui fut facilement bloqué, ce qui permit de sortir la boîte en bois. Elle était remplie de gemmes et de bijoux de grande qualité, pour une valeur estimée à trois cents pièces d'or environ !

Dirhavel fut également contacté, qui avait préparé un bocal étanche rempli de trèfle de lune pour une centaine d'utilisations. Il avait aussi réalisé un contrepoison similaire à celui qui avait permis de sauver Geralt, mais vu la longueur et la complexité de la chose, il n'avait pu en faire qu'une seule dose. Après divers préparatifs, le groupe se sentit fin prêt à partir. Isis et Sîralassë se joignirent à leurs amis lorsqu'ils sortirent de Tharbad, et les aventuriers et Niemal se dirigèrent vers Metraith sur la Vieille Route du Nord. Une dernière réunion, et ensuite il faudrait passer aux travaux pratiques : le Seigneur de Guerre Ardagor n'avait qu'à bien se tenir...
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Niemal
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Warlord - 7ème partie : débuts difficiles

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1 - État de guerre
La Vieille Route du Nord fut prise jusqu'à Metraith, capitale de Dol Tinarë. Au fur et à mesure que les aventuriers approchaient, la présence de guerriers sur les routes augmentait. Quelques jours plus tard, lorsqu'ils arrivèrent à la ville, ils virent que ses abords étaient occupés par de nombreuses tentes et compagnies militaires de toutes sortes : armées régulières, mercenaires... A une certaine distance, des équipes s'entraînaient au maniement de diverses armes de siège telles que tours de siège, balistes ou même un trébuchet. De nombreux marchands convergeaient également vers la ville pour nourrir tous ces soldats ou offrir équipements et services...

Narmegil et ses amis furent très vite reconnus : ils ne furent pas arrêtés au péage mais disposèrent d'un soldat pour les amener au château des princes de Dol Tinarë, le Thalion. Ils furent bien accueillis par le prince Hallas et son fils Celedur, mais ils étaient les premiers, en avance de plusieurs jours. Devant l'intensité des tâches à effectuer, leurs hôtes les laissèrent à eux-mêmes pour continuer les préparatifs de leurs armées. Ils se séparèrent vite pour vaquer à des occupations très diverses et dans des lieux qui l'étaient tout autant. La présence de nombreux militaires et la perspective d'un prochain départ donnait une ambiance très guerrière à la ville.

Geralt en profita pour aller voir son contact et espion au château. Il trouva l'homme sans mal, mais ce dernier ne lui apporta pas grand-chose comme nouvelles. Hormis les détails de l'assassinat de Forak et de ses principaux "violateurs", il n'y avait rien de bien neuf à dire. Peut-être une motivation plus importante qu'au départ de la part de Celedur pour cette affaire... Après cela, le chef des assassins utilisa ses compétences de maquilleur pour grimer très correctement Vif en une fille quelconque, de passage à la recherche d'un peu d'argent honnêtement gagné. Le reste du temps, il se prépara aux durs labeurs qui l'attendaient... en usant le mieux possible son oreiller.

La Femme des Bois une fois maquillée, elle alla chercher du travail dans une taverne de la ville. Devant l'afflux de clients, ces dernières embauchaient effectivement. Mais les problèmes relationnels de Vif, son côté un peu étranger, sa timidité, rendirent sa recherche difficile. Elle finit par trouver un emploi de serveuse dans une des plus mauvaises tavernes où divers soldats venaient étancher leur soif de vin, voire d'autre chose... Mais c'était un peu ce qu'elle recherchait, puisque son ouïe formidable lui permettait de suivre bien des conversations auxquelles elle n'était pas invitée.

Drilun, de son côté, se concentrait sur les armes de siège. Il obtint de pouvoir dessiner diverses runes sur ces appareils, devant l'œil étonné et curieux de divers militaires. Peut-être ne croyaient-ils pas à la soi-disant magie dont il imprégnait ces machines, mais peut-être seraient-ils amenés à réviser leur jugement par la suite. De son côté, Sîralassë passa aussi du temps parmi les militaires, comme pour Niemal, à soigner les nombreux bobos que leurs exercices entraînaient inévitablement. Il soigna donc à tour de bras, trompant ainsi son ennui pour des événements plus vitaux, ou passa du temps - la nuit surtout - dans la bibliothèque du château.

De son côté, Isis et Narmegil occupèrent une partie de leur temps ensemble, d'autant que la belle elfe se languissait de sa fille. Peut-être cela lui donnait-il des idées... Et puis les camps militaires n'étaient pas vraiment sa partie, et elle ne voyait pas très bien quelle utilité elle aurait dans cette campagne. Lorsque Narmegil ne passait pas du temps à la réconforter, lui par contre allait s'entraîner ou observer les troupes, voire discuter de choses et d'autres avec les seigneurs et capitaines qui arrivaient petit à petit.

2 - Rencontres et expériences
Les uns après les autres, les autres seigneurs du Cardolan arrivèrent, avec des troupes parfois. Ce fut le cas de Bemakinda, qui représentait les cantons de Fëotar avec une compagnie d'une trentaine de vieux mercenaires. Bemakinda, âgé de près de 60 ans, était sans doute le doyen des troupes humaines "normales" - non-dúnedain. Ses cheveux plus blancs que blonds et ses rides trahissaient son âge, mais sa démarche sûre et son équipement d'excellente facture prouvaient son expérience et son côté encore bien alerte. Sans parler de particularités comme ses gants taillés dans un cuir qu'on aurait dit de pierre, peu pratiques, mais qui ne semblaient pas le gêner, au contraire.

En fait, ce chef mercenaire passait encore pour être la plus fine lame du Cardolan. Dès son arrivée, il s'empressa de parcourir les troupes et de donner des conseils voire des leçons d'escrime à ceux qui le souhaitaient. Il invitait tous les intéressés à l'affronter, sans distinction de rang social ou militaire. Narmegil en profita et affronta l'homme, et il fut plus qu'impressionné : malgré son propre équipement excellent, il était nettement surclassé par Bemakinda. Il essaya de l'affronter avec l'aide de sa magie, et même ainsi, le combat - bien que plus égal - tournait à l'avantage du chef mercenaire...

De son côté, Vif découvrait le rôle peu enviable de serveuse dans une taverne mal famée, à servir des soldats plus ou moins éméchés et aux envies multiples. Elle finit par tomber sur deux de ces individus que la bière ne satisfaisait pas et qui auraient voulu passer à autre chose. L'un d'eux, qui lui avait saisi le bras et ne le lâchait pas, finit par la libérer quand elle l'envoya valser sur une table. Son compagnon se leva alors pour un divertissement martial, et devant cette opportunité de spectacle, un cercle se fit très rapidement dans la taverne autour de la "serveuse" et des deux soldats à l'œil mauvais. Et la Femme des Bois comprit vite qu'elle ne sortirait pas de là sans avoir mis ses adversaires au tapis.

Sans avoir la puissance et l'habileté de sa forme féline, elle avait par la force des choses apprit à se battre à mains nues, utilisant au mieux sa grande adresse. Elle réussit sans trop de mal à assommer un adversaire et à casser un bras et des côtes à son compagnon, tout en récupérant la dague de l'un d'eux qui la menaçait avec. Sa prestation lui valut une certaine réputation et une plus grande tranquillité désormais, et elle put vaquer à son petit espionnage sans être inquiétée. Mais sa récolte fut maigre, bien qu'elle repérât quelques probables espions qui comptaient prévenir quelqu'un qu'elle n'arriva pas à identifier. De toute manière, vu l'explosion de la population de la ville, les voleurs et espions ne devaient pas manquer.

Echorion, futur baron de Girithlin, arriva à son tour avec sa compagnie. Si l'homme était toujours très volontaire, et il passa bien du temps avec Bemakinda à apprendre à coup de petites plaies et bosses, ses maigres troupes faisaient pâle figure et n'inspiraient guère confiance. Vif glissa d'ailleurs, après les avoir entendu parler, qu'ils étaient les premiers étonnés de se trouver là. Tout s'était passé comme si l'oncle d'Echorion avait envoyé avec son neveu les soldats les plus inutiles et encombrants de sa garnison. Souhaitait-il du mal à son neveu, ou profitait-il plutôt de l'occasion pour occuper des recrues qui le gênaient ? Il est vrai qu'Echorion et ses hommes ne devaient pas participer aux combats mais rester à l'arrière-garde.

Finduilas arriva également, de même que les représentants des nains et des Piquiers. Elle se précipita vers Isis pour parler magie, mais elle ne dédaigna pas non plus se priver d'une conversation avec Drilun. Mais tant l'elfe que le Dunéen perçurent quelque chose sur elle qui évoquait un effet magique impossible à déterminer. Interrogée franchement à ce sujet par l'elfe, elle laissa entendre qu'elle avait trouvé un jour un outil bien utile qui lui rendait divers services. Niemal fut questionné à ce sujet, tant ses sens magiques étaient affûtés. Il confirma qu'elle portait un objet magique qui lui permettait de jouer des tours dans l'esprit d'autrui, entre autres choses, mais que c'était un outil à double tranchant.

3 - Nouvelle réunion au Thalion
Enfin, les derniers furent arrivés, en l'occurrence Fiorel de Saralainn, Pelenwen et Pelendur des Tyrn Gorthad, et Minastir de l'Arthedain. Les seigneurs et capitaines se réunirent au château pour parler des derniers développements de la campagne et lancer les premiers assauts. Après un rappel des assassinats sur les personnes de Forak et ses lieutenants "violateurs", et le retard que cela avait entraîné, le bilan des forces en présence fut refait, et les répartitions de ces forces site par site. Car le conflit allait se dérouler sur quatre fronts, comme la première réunion l'avait bien établi.

Plusieurs problèmes furent posés qui firent débat. Si l'équilibre des forces traditionnelles ne posa guère de problème, il en fut tout autrement pour trois points particuliers : les soigneurs, les moyens de coordination, et les éclaireurs et gardes nocturnes. Pelenwen posa le problème des soigneurs abruptement : il fallait de bons soigneurs sur le front pour limiter les morts, et par conséquent elle refusait d'être cantonnée à l'arrière comme son frère le souhaitait, inquiet pour elle. Si Niemal devait s'occuper du camp nord-ouest et Sîralassë du sud-ouest, la sœur de Pelendur voulait être présente sur l'un des deux autres fronts.

Il fallut batailler de paroles et de promesses avec Pelendur, qui consentit éventuellement à ce qu'elle participe de près uniquement sous la protection de bons guerriers comme Narmegil ou Geralt. Si ces derniers étaient d'accord, en revanche ils ne voulaient pas quitter leurs compagnons ; cela serait revenu à avoir deux soigneurs au même endroit. En fin de compte, Bemakinda fut persuadé de servir de chaperon à la noble Dúnadan, ce qu'accepta Pelendur, qui resterait à ses côtés également. Seul le front mené par Finduilas et Tarhad, chef des Piquiers, était dépourvu de soigneurs exceptionnels, mais la princesse de Dol Calantir n'en fut pas alarmée, elle semblait très sûre de ses troupes et d'elle-même.

La coordination des quatre fronts fut un autre problème évoqué. Dans un premier temps, ils seraient distants de 20, 30 voire 60 miles (~30/50/100 km), or l'information était quelque chose de précieux. Niemal pouvait éventuellement envoyer un message magique par oiseau, mais encore fallait-il quelqu'un qui puisse le comprendre à l'autre bout... et seuls Isis et Sîralassë en étaient capables. Eux-mêmes ne pouvaient envoyer un animal assez loin pour pouvoir servir de relais entre les armées. Au bout du compte, il fallait se contenter de cavaliers qui iraient d'un lieu à l'autre. Vif savait que sous sa forme féline elle pourrait aussi servir à cela, mais elle se tint coi pour éviter les questions. Dans tous les cas, des dates furent fixées à l'avance et il faudrait s'y tenir, sauf changement de dernière minute.

Arriva le sujet des patrouilles nocturnes. Orcs et trolls étaient plus à l'aise de nuit que de jour, il y aurait forcément des embuscades nocturnes. Il fallait donc pouvoir compter sur des gardes particuliers, comme notamment ceux que Geralt avait annoncés, et dont on lui demanda des nouvelles. Il confirma la venue d'une centaine d'hommes aguerris au repérage même nocturne et aux techniques de guérilla, mais il tiqua quand on lui parla de les répartir sur différents sites. Il n'avait pas prévu cela, d'autant qu'il n'était pas sûr de leur motivation s'ils n'étaient pas sous ses ordres directs. Niemal veillerait au nord-ouest ; les aventuriers eux-mêmes, les nains et les assassins de Geralt seraient au sud-ouest ; restait tout l'est à pourvoir.

En fin de compte, deux détachements de dix hommes iraient au nord-est et au sud-est, dirigés par les "petits chefs" assassins les plus fidèles à Geralt et motivés, d'après entre autres une future lecture magique de leurs sentiments par Niemal. Les derniers détails furent fixés, comme la répartition des armes de siège : Narmegil et ses amis ou alliés du sud-ouest n'embarqueraient qu'un bélier. Enfin, tous se souhaitèrent bonne chance et chacun s'en alla regagner ses forces pour les amener aux points préétablis. La guerre allait enfin commencer pour de bon, et d'ici moins d'un mois les premiers assauts seraient lancés.

4 - Chanson de marche
Narmegil et ses amis reprirent la route du sud-est vers Tharbad, accompagnés par Fiorel, Finduilas, Khanli (chef des nains), Tarhad (chef des Piquiers) et Niemal. A Tharbad, Geralt utilisa les talents de leur ami elfe pour faire un tri ultime de ses troupes d'assassins. Il prit Eskel avec lui, laissant au chef de la guilde des voleurs le soin de trouver quelqu'un pour gérer les assassins restants - il savait que le retour risquait de poser problème, mais ce n'était pas sa priorité. Eskel remarqua alors qu'il fallait prévoir un costume ou autre signe de reconnaissance pour ne pas confondre ses troupes avec les mercenaires d'Ardagor, entre autres. Après réflexion, Vif proposa un gant noir et rouge, qui servirait également de nom à la compagnie : Geralt devint le chef officiel de la compagnie de la Main Écarlate.

Grâce à ses contacts avec les autres guildes et en particulier celle des teinturiers, le chef des assassins put faire faire les gants sans trop tarder et à prix modique. Puis ses troupes sortirent de Tharbad discrètement, par petits groupes, et la petite armée se mit en marche vers le sud-ouest, sauf un détachement de dix hommes qui monta au nord-ouest avec Niemal. Après avoir laissé Finduilas et ses armées à Dol Calantir, avec un autre détachement d'assassins de dix hommes, les aventuriers poursuivirent vers Saralainn avec les trente nains de Khanli, dont Bourrin qui avait été ravi de revoir des amis avec qui il avait bien bataillé à Bree et dans la Comté.

Au cours du voyage, Isis se mit à faire de la musique, accompagnée par Drilun. Ce dernier, contrairement à bien des Dunéens, n'était pas très intéressé par la musique, mais il connaissait quelques bases. De plus, il venait de recevoir un cadeau de son amie elfe, une belle flûte dans un coffret léger et finement ouvragé grâce à l'aide des elfes d'Imladris. En effet, le Dunéen lui avait offert un anneau d'os de dragon qu'il avait serti de runes magiques et qui améliorait sa magie à elle, et en particulier celle liée au feu. Il avait aussi réalisé, lui aussi avec l'aide des artisans elfes, des bijoux enchantés pour que ses amis et lui puissent mieux résister à une éventuelle magie adverse. Celui pour Vif était même sous la forme d'un collier déformable que sa transformation en félin ne gênerait pas.

Isis se mit donc à chanter, accompagnée de sa lyre, tandis que Drilun donnait la mesure et le ton avec des notes plus simples. Les nains, qui aimaient bien chanter, reprirent l'air et y adaptèrent une de leurs chansons, plus martiale. Devant cette bonne ambiance guerrière, les assassins de Geralt se mirent eux aussi à donner de la voix, avec cœur si ce n'est avec justesse. Le trajet passa ainsi bien plus vite et fut perçu par tous comme bien agréable, en particulier les assassins qui avaient craint d'être mal vus et rejetés. Mais tout se passa bien, et la ville de Sudúri, capitale de Saralainn, apparut enfin.

Fiorel se porta à leur rencontre avec deux lieutenants, qui étaient chargés de les conduire jusqu'au front, et de veiller à ce qu'on leur fournisse des vivres en chemin. Une fois à Chalnen, point de départ des opérations, les aventuriers seraient livrés à eux-mêmes. Les troupes mercenaires payées par Girithlin étaient déjà parties là-bas, sous les ordres du capitaine Nar. De plus, le chef du clan local de Saralainn, Chulainn, devait normalement être déjà à Chalnen avec une centaine de guerriers prêts à livrer bataille contre les troupes d'Ardagor.

En chemin vers le nord, les lieutenants de Fiorel ne se montrèrent guère motivés par leur tâche. Non qu'ils n'aimaient pas Narmegil et ses amis, mais plutôt parce que cette guerre ne les motivait en rien et que cette tâche de guider ces troupes n'était qu'une corvée pour eux. De plus, à parler avec eux, il semblait qu'ils avaient une piètre opinion du chef dunéen présent à Chalnen, où ils allaient. L'un d'eux appartenait même à un clan qui avait eu maille à partir avec celui de Chulainn. Néanmoins, bien guidés et portés par un temps clément et une musique agréable, tout le monde arriva enfin à Chalnen, un beau soir du mois de Nórui (~juin). Les premiers assauts devaient avoir lieu dans moins d'une semaine.

5 - Patrouilles
Tandis que les troupes montaient un camp à proximité de la ville, Vif et Isis s'éloignèrent en direction d'un bois voisin. Pendant ce temps, Narmegil et compagnie allèrent rendre visite aux chefs militaires de la campagne contre Ardagor. Ils ne trouvèrent que le capitaine Nar, qui leur expliqua que Chulainn et ses guerriers ne voyaient pas l'utilité de se coordonner plus que de combattre côte à côte. En bref, Nar ne cacha pas son mépris pour une force qu'il jugeait indisciplinée et dont il attendait de voir les preuves sur un champ de bataille. S'il ne fit aucun commentaire vis-à-vis des nains, en revanche il se montra très critique et suspicieux envers les hommes de la "Main Écarlate", dont il n'avait jamais entendu parler...

A la nuit tombée, Vif se transforma en grand félin magique, là encore en choisissant une forme la plus grande et puissante possible physiquement. Mais lorsque Isis et elle se présentèrent aux abords de la ville, les gardes, apeurés par le félin, refusèrent de le laisser entrer. Seule Isis put passer avec les affaires de son amie, et cette dernière resta dans les bois en attendant que certaines choses soient mises au point et qu'elle puisse enfin entrer. De toute manière, sa priorité était de se reposer, tant la dépense d'énergie nécessaire à sa transformation l'avait épuisée.

Au matin, le capitaine Nar demanda à Geralt d'envoyer ses hommes en repérage jusqu'aux terres contrôlées par Ardagor. D'une part pour en savoir plus sur leur état de préparation, mais aussi pour tester ces recrues "perceptives et discrètes". Geralt choisit trois groupes de dix personnes, et il accompagna l'un d'eux, avec Isis et Drilun. Les trois groupes s'avancèrent vers le nord, puis ils se séparèrent en milieu de matinée, lorsque les premiers signes de présence furent perçus. Ils n'avaient pas pensé à emprunter sa longue-vue à Sîralassë, mais les sens très exercés de Geralt eurent vite fait de distinguer des silhouettes à bonne distance.

Après s'être rapprochés, Geralt et ses assassins arrivèrent à distinguer des paysans qui travaillaient les champs, gardés par divers mercenaires - une dizaine d'entre eux étaient visibles. Drilun avait imaginé un plan pacifique ; mais Geralt, sans doute influencé par des nuits de moins de dix heures de sommeil et une Isis très va-t-en-guerre, décida d'aller à leur rencontre sans se cacher. Une fois qu'aventuriers et assassins furent perçus, les mercenaires se regroupèrent et prirent leurs armes - la moitié avaient des arcs - tandis que Geralt, Isis et Drilun s'approchaient isolément, leurs assassins restant trente pas en arrière. Les mercenaires d'Ardagor leur intimèrent l'ordre de partir au plus vite, et malgré les menaces de Geralt, leur chef tint bon. Le combat devint vite inévitable, et il fut aussi bref que sanglant. Les dix mercenaires moururent rapidement, par flèche ou tête tranchée le plus souvent, sans aucun blessé à déplorer de l'autre côté.

Les paysans furent enchantés d'être délivrés, et les renseignements qu'ils donnèrent, à défaut d'être vitaux, intéressèrent un peu le capitaine Nar. Mais ce dernier reprocha son action d'éclat à Geralt : il avait demandé des patrouilles de reconnaissance, pas une escarmouche ! Les choses étaient faites néanmoins, l'avenir se chargerait d'en détailler les conséquences, et Nar n'en reparla plus. Du moins, pas avant deux jours et demi, quand des fumées nombreuses furent repérées au nord. Le rapport des assassins montra que les troupes d'Ardagor s'étaient repliées en emmenant les paysans et leurs familles, ainsi que les maigres récoltes déjà effectuées. Tout le reste avait été brûlé, champs et fermes, sur une quinzaine de miles (~24 km) au moins. A défaut de grain, les orcs et trolls d'Ardagor avaient maintenant de la viande !

Geralt, Drilun et Isis avaient sauvé une vingtaine de paysans, mais ils avaient sans doute causé la perte de dix fois plus, dont des femmes et des enfants ! Accablé par les conséquences de ses erreurs, le moral du chef des assassins ne volait pas bien haut. Lui dont la tendance naturelle était la fuite face aux responsabilités, il assumait difficilement sa fatigue et son inexpérience et l'impact qu'elles pouvaient avoir. En guerre tout particulièrement, on ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs... Geralt aurait été enchanté de trouver quelqu'un pour tenir le rôle de capitaine à sa place. Il rêvait d'oreillers, et les conseils et encouragements de Niemal lui paraissaient bien lointains.

6 - En attendant le jour J
Mais avant cela, Vif avait choisi de jouer au messager. Sous sa forme féline, une fois reposée, elle avait fendu les champs et prairies vallonnées de son corps de lionne. Rapide, perceptive et discrète, seuls les oiseaux et quelques autres animaux remarquèrent sa présence. Elle évita paysans et mercenaires et se dirigea dans la direction où elle espérait trouver les troupes de Minastir et leur ami Niemal. Elle remarqua un rapace qui semblait chercher quelque chose, et qui parut la voir, elle. Peu après, Niemal s'approcha d'elle, tandis qu'elle repérait des troupes de cavaliers et de fantassins un peu plus loin.

Dans l'après-midi, elle revint porter les nouvelles de l'arrivée prochaine des troupes de Minastir, même si elles avaient un peu de retard. Echorion et ses mauvais guerriers étaient là aussi, mais ils ne devaient pas participer aux combats. En passant, Vif remarqua aussi la présence très discrète de deux elfes à cheval non loin de là, et elle pensa les reconnaître. Même s'ils étaient en retrait, les fils d'Elrond semblaient prendre une part plus active que ce que leur père avait laissé entendre... Cela dit, les voies des elfes étaient impénétrables, et elle ignorait tout de leur rôle exact.

Le lendemain et veille des incendies de champs et prairies, une forêt proche de Chalnen montra les signes d'une présence distante mais certaine. Avec l'aide de la magie d'Isis, leur nature put être déterminée facilement : une cinquantaine d'orcs se tenaient non loin et attendaient probablement la nuit pour une mission inconnue. Narmegil et ses amis se préparèrent alors à une petite expédition nocturne, aidés par une vingtaine d'assassins, dont une dizaine voyaient très correctement dans l'obscurité. Une fois la nuit tombée, ils pénétrèrent dans les bois et se dirigèrent vers le nord et les orcs, le plus discrètement possible.

Ces derniers n'étaient pas trop discrets et furent bien vite repérés. Les assassins se divisèrent en deux groupes et contournèrent les orcs sans se faire repérer, tandis que la lionne qu'était Vif en faisait autant mais en passant par les frondaisons des arbres. Repérant les sentinelles qui gardaient le camp de leurs ennemis, elle se mit à les supprimer les unes après les autres, et l'alarme ne fut donnée qu'après qu'elle en eut éliminé une bonne moitié. Prêts et avertis par le bruit, Geralt alluma une lanterne et ses amis attirèrent les orcs, qui leur foncèrent dessus une fois qu'ils se rendirent compte qu'ils n'étaient que cinq. Mais ils déchantèrent vite devant le massacre que les guerriers et archers faisaient, sans parler de Vif qui était tombée au beau milieu d'eux...

Lorsque le moment de la débandade arriva, la fuite des orcs fut interrompue par les flèches des assassins, et la lionne traqua les derniers sans pitié : aucun n'en réchappa. Ils ne portaient rien d'intéressant sur eux, et leur matériel était même de piètre qualité, sauf pour une chose. Beaucoup portaient des petits flacons de poison et les utilisaient sur leurs armes. Sîralassë parvint à déterminer qu'il s'agissait d'un poison à base de champignon, potentiellement mortel bien que d'une virulence limitée, mais assez rapide. En dehors de cela, ces orcs étaient d'une qualité insignifiante et d'une motivation ridicule. Ils ne seraient jamais qu'une force négligeable, à moins d'être en grand nombre ou de les prendre par surprise.

Une fois rentrés, Narmegil et ses amis se reposèrent. La raison de la présence des orcs leur était inconnue, mais de toute manière il fallait prendre des forces pour les combats qui allaient bientôt arriver. A leur réveil, les incendies des champs et prairies et la conclusion du capitaine Nar douchèrent un peu leur moral. Manifestement, ils avaient encore bien des choses à apprendre, bien que certains ne fussent pas très motivés pour ce genre d'enseignements. Par ailleurs, ils n'avaient toujours pas eu de nouvelle des autres camps, sauf des troupes de Minastir qui avaient un peu de retard, et le début des hostilités était prévu pour le surlendemain... Mais sans contre-ordre, il faudrait livrer bataille. Tout avait été brûlé et déserté jusqu'à Barad Esher (la Tour d'Esher), leur premier objectif.

7 - Guerre et commerce
Mais auparavant, un autre problème parvint aux oreilles de Geralt. Il fallait de la nourriture pour satisfaire tous ces guerriers, qu'ils soient mercenaires, nains ou assassins. Or, le ravitaillement promis par Saralainn, n'arrivait qu'au compte-gouttes, en raison de problèmes annoncés de récoltes tardives et de céréales peu disponibles. Pourtant, des assassins rapportèrent avoir vu des marchands acheter du grain dans la ville. C'était le début des moissons, il était donc normal que certains produits ne soient pas très abondants, mais comment se faisait-il que toute la nourriture ne serve pas pour l'effort de guerre ?

Le chef des assassins voulut en avoir le cœur net, et lui et ses amis se firent conduire jusqu'à un de ces marchands encore présents. L'homme chargeait du grain sur une mule, aidé par deux gardes, et il s'apprêtait à quitter la ville. Il ne voulait guère perdre de temps à causer, mais devant les forces en présence, il fut bien obligé de s'y plier. C'est de mauvaise grâce qu'il expliqua qu'il achetait du grain partout où il pouvait, comme ici où il était disponible, pour le revendre à un clan voisin. Devant la menace de saisie de sa marchandise, qu'il ne voulait pas revendre ici, il tempêta que le chef du clan local, Chulainn, ne verrait pas ça d'un bon œil car c'était à lui que la marchandise avait été achetée. Bref, il dit aux aventuriers qu'il fallait voir avec lui et laisser les honnêtes marchands tranquilles !

Narmegil, Geralt et autres allèrent se présenter au chef local. Les gardes n'étaient pas disposés à les laisser passer ou à transmettre des messages, mais Narmegil commençait à savoir comment commander aux troupes. Chulainn fut donc rapidement prévenu et accepta de rencontrer ses alliés. Il confirma les dires du marchand, et menaça de troubles diplomatiques si on ne le laissait pas gérer le commerce chez lui à sa façon. Il ne percevait pas d'incohérence entre ce commerce et l'effort de guerre nécessaire pour le ravitaillement, et de toute manière il était le chef. Suite à la proposition de Narmegil d'acheter lui-même le grain, l'homme réfléchit un moment et annonça un prix de deux pièces d'or pour 100 kg de grain. Vingt fois le prix normal !

L'équipe retourna voir le marchand sur le départ. Suite à une diversion de Vif, qui effraya la mule que les gardes eurent du mal à maîtriser, Geralt prit la bourse du marchand et trouva dedans une pièce d'argent et quelques piécettes. Ce qui ne prouvait rien, puisque l'argent avait été versé à Chulainn. Il rendit son argent au marchand qui tempêtait de plus belle, et lui demanda combien il avait payé ce grain. Après un petit moment de réflexion, l'homme annonça que c'était une pièce d'or, mais que ce n'était toujours pas à vendre. Sîralassë voulait capturer l'homme en tant qu'agent potentiel d'Ardagor : s'il y avait des lois contre le commerce en temps de guerre, il fallait amener le marchand devant la justice. Mais le chef des assassins rétorqua qu'on ne pouvait emprisonner tous les marchands au prétexte qu'ils étaient potentiellement des agents de l'ennemi.

Narmegil finit par laisser partir le marchand, mais il proposa à Geralt de le faire suivre et de récupérer les marchandises en douce. Toujours fatigué voire perturbé par ses responsabilités et ses erreurs, Geralt poussa la logique jusqu'au bout et donna l'ordre à ses assassins de tuer le marchand et de récupérer mule et marchandises. Sîralassë fut scandalisé par cette solution, bien pire que ce qu'il avait proposé. L'état de guerre permettait-il tout et n'importe quoi ? Fallait-il tuer ? Ou d'abord, trouver des preuves concernant la destination de cette nourriture : était-elle destinée à leur ennemi ? Et que se passerait-il si Chulainn vendait sciemment de la nourriture à Ardagor ? L'homme avait cent guerriers pour l'effort de guerre, mais tout le village lui obéissait, soit plus de mille personnes, et sans doute d'autres plus loin.

En fin de compte, Geralt, de plus en plus critique envers lui-même, rappela ses assassins avant qu'ils ne soient partis et leur demanda juste de suivre le marchand. Ils furent déçus, d'autant que la mule leur avait été promise à la fin de la guerre, mais ils obéirent. Rapidement, ils rapportèrent que le grain avait été amené à un moulin du village, pour transformation en farine. Il faudrait donc attendre un peu que le grain soit moulu. Le marchand reprendrait alors sa route et il serait suivi, pour tenter de trouver quelle était sa destination. Et donc, à qui il comptait vendre cette nourriture. Un autre clan ou Ardagor ? En cas de paris, beaucoup auraient été prêts à miser sur ce dernier.
Modifié en dernier par Niemal le 06 septembre 2012, 09:02, modifié 4 fois.
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Niemal
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Warlord - 8ème partie : assainissement

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1 - Problèmes et incertitudes
Tôt le matin du jour J-2, le capitaine Nar tint à faire le point avec Narmegil et Geralt - ainsi que leurs amis - et le chef des nains, Khanli. Même s'il était censé être sous les ordres de Saralainn, Nar ne se voyait vraiment pas travailler avec Chulainn, le chef de clan local. Leurs conceptions de la guerre n'étaient tout simplement pas les mêmes, et les motivations réelles de Chulainn étaient tout sauf claires. Ou plutôt, elles ne l'étaient que trop pour le capitaine : parader, s'enrichir, et faire faire le boulot par les autres. Il avait de très forts soupçons sur son intégrité et il commençait à préférer ne pas avoir son clan avec eux dans un combat, de peur de le voir se retourner contre eux au plus mauvais moment. Autant de bonnes raisons pour qu'il ne soit pas là, et de plus, il ne serait sans doute pas venu s'il avait été invité.

Les problèmes et menaces potentielles étaient peu nombreux mais importants. De quel côté penchait réellement le clan local de Saralainn était la principale épine du pied, mais pas la seule. Ainsi, Nar annonça qu'il n'était pas en mesure, actuellement, de démarrer la campagne dans deux jours. En effet, le ravitaillement promis par Saralainn n'arrivait toujours pas. Ses mercenaires n'avaient que trois jours de nourriture en réserve, et ils ne voyaient toujours rien venir. Si les nains de Khanli avaient deux-trois semaines de vivres et les hommes de Geralt encore plus, ce n'était pas suffisant pour partir en guerre. Ce n'était pas au milieu de la zone ennemie que les troupes allaient s'inquiéter de trouver à manger ou non...

Par ailleurs, il n'y avait toujours pas eu de confirmation sur la date de début des hostilités. Et même, les troupes d'Arthedain semblaient légèrement en retard. Si des incidents avaient aussi entraîné des retards chez les autres groupes, et que les espions d'Ardagor étaient efficaces, le Seigneur de Guerre pourrait masser ses troupes face à eux. A deux cents et des poussières, si on ne comptait pas les guerriers de Saralainn, cela faisait un peu juste pour combattre peut-être mille orcs, des mercenaires dont certains étaient montés, et des trolls... sans parler de sorciers et d'espions et assassins. C'était donc pour lui une nouvelle raison de ne pas lancer l'offensive dans deux jours s'il n'avait pas l'assurance qu'ils ne tomberaient pas dans un piège.

Le problème de Chulainn était le plus aigu. Plus personne ne lui faisait confiance, mais son poids politique faisait qu'il était difficile de l'éliminer d'un revers de la main. Pouvait-il être remplacé ? Le clan de Chulainn était fortement empreint d'origines dunéennes ; Drilun fut consulté, mais il évacua rapidement les pensées de certains : non, il ne pourrait pas le remplacer, même si cela pouvait sans doute se faire par un duel armé ou une joute verbale - plutôt un duel armé d'après le personnage. En effet, pour cela, il fallait appartenir au clan... Donc, hormis hasard de la guerre, Chulainn resterait une épine dans leur pied. Et ils le soupçonnaient tous fort de prendre à son compte le ravitaillement qui devait leur parvenir pour le vendre à des marchands et s'enrichir ainsi. Et peut-être même ces marchands étaient-ils envoyés par Ardagor...

Le problème de l'information concernant les autres groupes pouvait être plus facilement réglé, ou du moins en partie. Narmegil annonça qu'ils enverraient un messager magique vers le nord pour connaître l'état de préparation d'Arthedain et les informations qu'ils pourraient avoir. En une journée l'aller-retour serait effectué et ils en sauraient tous plus sur la conduite à suivre. Comme de toute manière le problème des vivres les forçait à attendre pour le moment, ils pouvaient même se permettre d'autres retards pour essayer d'en savoir plus. Et il fallait également sonder le terrain entre la ville de Chalnen, où ils se trouvaient, et Barad Esher, leur premier objectif. Selon les forces qu'ils percevraient, ils pourraient plus facilement déterminer la bonne ligne de conduite.

2 - Départs
La première à partir fut Vif. Elle avait pris cette décision avant même la réunion avec le capitaine Nar. Sous sa forme de lionne magique, elle s'élança sous la pluie, vers le nord essentiellement. L'incendie qui avait brûlé champs et prairies facilitait sa progression mais rendait sa discrétion plus difficile. Heureusement, la pluie compensait bien cela, et ses sens félins et surentraînés lui garantissaient de percevoir avant d'être perçue. Elle avait déjà fait le voyage une fois, et au besoin elle pouvait aller plus vite que des chevaux ou des loups, même si elle était bien moins endurante. L'été approchant avec ses longues journées, elle pensait pouvoir parcourir une centaine de miles (~160 km) dans la journée sans trop se fatiguer, ce qui était bien suffisant.

Les suivants à partir furent les assassins de Tharbad. Après discussion, le groupe avait décidé de passer à l'action : il allait utiliser les mêmes outils que Chulainn pour obtenir son dû. Si le chef de clan de Saralainn leur volait leur ravitaillement, ils en feraient autant, et ils avaient justement les meilleures troupes pour ce faire ! Geralt rassembla donc ses hommes - et femmes, car il y avait une équipe de dix femmes-assassins dans ses troupes - et leur donna plusieurs objectifs. Renseignement, surveillance et banditisme, voilà quelles étaient leurs missions, et elles leur convenaient parfaitement. Ils partirent une fois les rôles répartis.

L'équipe de dix femmes fut chargée du renseignement : son objectif était de traîner dans les tavernes et de délier les langues des locaux afin d'en apprendre le plus possible sur les convois de marchandise et surtout de nourriture. Deux équipes de dix assassins furent chargées de chercher d'éventuels stocks de vivres cachés ou gardés dans la ville ou le camp des guerriers du clan. Trois équipes de dix eurent la grande joie de quitter les parages de la ville pour aller voler les marchands qui quitteraient Chalnen, en particulier ceux qui seraient chargés de nourriture. Un septième groupe était chargé de surveiller les environs et de prévenir les trois groupes de "bandits", ainsi que de les aider à faire revenir discrètement le butin à leur camp.

Après cela, Geralt partit lui-même avec ses amis Isis et Drilun. Leur mission était essentielle : ils devaient progresser vers le nord, discrètement, et repérer les troupes qui les attendaient. Si possible ils iraient jusqu'aux alentours de Barad Esher, afin de préparer la future attaque sur la tour. Pour être sûrs de ne pas tomber en embuscade, l'elfe et le Dunéen utiliseraient leur magie pour sonder le sol et la rivière et entendre à distance le bruit des bottes, pattes ou sabots. Ils pouvaient ainsi déterminer la présence d'ennemis potentiels à plusieurs miles de distance, alors que les loups ne pourraient jamais en faire autant, même si les trois compagnons étaient sous le vent. Et comme il pleuvait, les sentir était encore plus difficile pour leurs ennemis à quatre pattes.

Ils se dirigèrent tout d'abord vers le nord-est, jusqu'à arriver à la rivière Eunreth, qui coulait depuis le nord. Elle passait d'ailleurs à proximité de Barad Esher avant d'arriver jusqu'à eux. Sur les bords de la rivière, les incendies n'avaient pu détruire la ripisylve. Des arbres et buissons bordaient la rivière et leur procuraient un abri éventuel, pour se cacher d'observateurs ennemis par exemple. De plus, à l'aide de leur magie, ils pouvaient facilement repérer les êtres vivants en bordure de rivière jusqu'à une dizaine de miles de distance (~16 km) grâce aux sons portés par l'eau, quatre fois plus loin que grâce aux seuls sons portés par la terre et les déplacements des êtres vivants sur le sol.

3 - Premier bilan
Le soir même, tous étaient rentrés. Les derniers à partir furent les premiers à revenir. Pourtant, au vu de la distance et de la lenteur de leur progression, Isis, Drilun et Geralt ne pensaient pas faire aussi vite au départ : ils progressaient avec précaution, et les deux magiciens faisaient régulièrement des écoutes magiques pour déterminer la présence ou non d'ennemis à proximité. Et les perceptions de Geralt ne cédaient qu'à celles de Vif, mais il ne vit rien d'inquiétant. Par contre, il confirma que suite aux incendies, les plaines étaient dépourvues de couvert : il était pratiquement impossible de progresser sans se faire voir, hormis le long de la rivière ou dans la forêt qui occupait l'autre rive. Cela voulait aussi dire qu'un observateur caché dans la forêt pouvait tout voir passer sans être vu.

Et des observateurs, il y en avait : la magie d'Isis et Drilun leur rapporta que des forces nombreuses les attendaient dans la forêt, à un affluent de la rivière Eunreth, non loin de Barad Esher. D'après ce qu'ils avaient pu percevoir, c'étaient une cinquantaine de cavaliers humains et leurs montures qui les attendaient, mais aussi, à petite distance, un nombre équivalent d'orcs et de loups. Sans même escompter d'autres forces plus loin, il y avait déjà de quoi leur faire très mal : loups montés et cavaliers étaient plus rapides et pourraient facilement balayer leurs troupes, à eux qui n'avaient que de l'infanterie. Et la présence des loups empêchait toute approche discrète, leur odorat était trop fin pour cela. Il était magiquement possible de masquer l'odeur de quelques personnes, voire avec l'aide de plantes, mais pas pour toute une armée. Les trois amis étaient donc vite revenus faire part de leurs observations.

Vif revint ensuite. La lionne qu'elle était avait parcouru les terres vers le nord jusqu'à trouver les forces de Minastir. Comme la fois précédente, elle se fit repérer par un rapace au service de Niemal, qui se dirigea ensuite vers elle. Les nouvelles n'étaient pas très bonnes de son côté : le retard des forces de l'Arthedain s'était accentué. Les ravitaillements venus de la Comté étaient presque systématiquement attaqués précisément au moment où les elfes de Siragalë cessaient de les surveiller pour rentrer chez eux. Comme si quelqu'un connaissait précisément les dates et trajets des convois, ainsi que leur composition. Parfois c'étaient des bandits, parfois des orcs, mais toujours en nombre.

Du coup, Niemal avoua qu'une bonne partie du ravitaillement était ramené par ses soins à partir de l'environnement. Minastir avait dû faire marche arrière pour régler ces problèmes de convoi et leur assurer une meilleure protection, avec une partie de ses hommes. Il commençait à soupçonner fortement Girithlin, qui participait un peu au ravitaillement et à la surveillance, de laisser filer les infos à qui de droit. Bref, une attaque le surlendemain paraissait impossible, et il fut convenu de lancer les hostilités avec un délai de deux semaines sur le calendrier prévu, soit quelques jours avant le solstice d'été. Minastir enverrait des cavaliers prévenir les forces de Dol Tinarë au nord-est, et Vif convint quant à elle qu'elle préviendrait Dol Calantir au sud-est. Puis elle fila vers le sud rejoindre ses amis.

De leur côté, les assassins avaient fait une ample moisson de biens et de renseignements. Les femmes-assassins n'avaient pu glaner grand-chose, elles étaient trop nouvelles et on se méfiait d'elles sans doute. Les équipes parties à la recherche de stocks de vivres repérèrent bien quelques endroits en ville qui servaient à cela, mais ils étaient bien gardés. Des opérations de cambriolage furent envisagées, mais il fallait attendre la nuit pour cela. Ils pensaient aussi qu'un certain nombre de caisses et sacs de nourriture étaient entreposés dans le camp des hommes de clan de Saralainn sous le commandement de Chulainn. Manifestement, eux ne manquaient pas de vivres.

Les équipes parties voler revinrent, elles, avec le sourire. Les assassins avaient récupéré autour de deux cents jours de nourriture au total, sans parler de ce qu'ils avaient eux-mêmes consommé et de ce qu'ils avaient gardé pour eux et qui n'était pas consommable... Et ils n'avaient aucunement été inquiétés, même s'il y avait eu une petite échauffourée à une occasion et quelques blessés, vite soignés par Sîralassë. Bien sûr, ils ne pourraient refaire la même chose au même endroit, il faudrait aller plus loin. Par ailleurs, d'après ce qu'ils avaient pu comprendre des marchands, une partie des vivres ne venait pas du secteur. Geralt examina les biens, et il confirma que certaines denrées venaient du sud de Saralainn. Autrement dit, la preuve était faite que Chulainn récupérait le ravitaillement qui leur était destiné, afin de le vendre et se remplir les poches...

4 - Félin postal
A la suite de ce premier bilan, la première décision fut de retarder la date de l'avancée en territoire ennemi de deux semaines, comme convenu avec Niemal. Mais il fallait également prévenir les autres groupes à l'est de ce retard, et savoir pourquoi aucune confirmation n'avait été faite concernant la date. Plusieurs subodoraient que les autres groupes devaient avoir pris du retard également, ce qui avait permis à Ardagor de regrouper ses forces au sud-ouest, en particulier sa cavalerie, de manière à les écraser. Vif annonça donc - par l'intermédiaire des elfes qui pouvaient magiquement lui parler - qu'elle allait partir les prévenir dès qu'elle serait reposée. Elle ferait le tour de toutes les armées.

Avant son départ pour l'est et les armées de Finduilas, Drilun, dans la nuit, lui confectionna un étui en cuir pour contenir deux messages, l'un sur lequel "Finduilas" était clairement inscrit, et l'autre "Pelenwen". En effet, sous sa forme féline, Vif n'avait pas moyen de parler aux humains. Drilun avait donc inscrit un message - deux fois - pour rapporter les problèmes rencontrés et les décisions prises. Restait ensuite à la Femme des Bois à trouver ses interlocutrices et faire comprendre qu'elle n'était pas une menace. Cela ne posait guère de problème en ce qui concernait Pelenwen, car les aventuriers croyaient se souvenir qu'elle avait déjà vu Vif sous sa forme animale. Mais ce n'était pas le cas de la princesse de Dol Calantir.

La lionne qu'était Vif partit au petit matin, à foulées discrètes et mesurées. Elle ne tenait pas à aller trop vite pour ne pas se faire repérer, mais aussi pour trouver sa route, qu'elle ne connaissait pas. Aidée par un sens de l'orientation excellent et des perceptions fantastiques, elle devait néanmoins se fier aux indications et cartes qu'on lui avait fournies ou montrées. Le trajet lui prit deux jours, et alors que le soleil baissait sur l'horizon, elle arriva à Balost, siège des armées de Dol Calantir, sans se faire repérer. Les armées n'avaient pas lancé d'assaut, malgré la date, et elle en entendit de loin la cause, quand deux gardes parlèrent des maladies ou empoisonnements qui affectaient une bonne part de l'armée...

A la nuit, Vif se faufila sans grand mal jusqu'à la tente principale où la princesse de Dol Calantir devait reposer. C'était bien le cas, mais elle avait senti la magie du félin car elle attendait dans une attitude défensive. Mais le calme de la lionne et son attitude étrange et insistante lui firent comprendre qu'il s'agissait d'un messager, et un messager intelligent, comme un système de signes de patte pour dire oui/non lui confirma. Finduilas, avec précaution, prit les parchemins et lut celui qui lui était destiné. Elle approuva le choix des deux semaines de délai et expliqua les causes de leur retard : un probable empoisonnement de la nourriture. Des cavaliers avaient été envoyés pour prévenir, mais ceux partis pour l'ouest n'étaient pas revenus. Elle convoqua ensuite ses lieutenants, dont Tarhad, le chef des Piquiers, pour leur dire de ne pas faire de mal au grand félin, qu'il était un messager des elfes. Après avoir mangé un peu, Vif repartit ensuite dans la nuit.

A l'écart du camp, cachée dans des buissons, elle se reposa, puis repartit le lendemain vers le nord. Il ne lui fallut pas deux jours pour retrouver les troupes de Dol Tinarë et leurs alliés proches, Fëotar et Tyrn Gorthad. L'apparition voulue du grand félin causa de l'émoi chez les soldats, mais si certains tentèrent de lui lancer des flèches, d'autres prévinrent leurs chefs et en particulier Pelendur et Pelenwen, qui étaient les plus proches, Vif ayant repéré leur présence. Le dialogue se passa encore plus facilement qu'avec Finduilas, la soigneuse dúnadan comprenant vite qui était vraiment le félin. Elle lut le message et donna des nouvelles : les troupes de Dol Tinarë et autres avaient été retardées par des sabotages et des incendies, d'où environ deux semaines de retard. Des messagers étaient partis au sud et à l'ouest, et ces derniers n'étaient pas revenus.

La Femme des Bois repartit le lendemain pour l'ouest, passant ainsi au nord de Creb Durga. Elle mit deux jours pour retrouver Niemal et les forces d'Arthedain, et confirmer ainsi le délai de deux semaines pour le début des opérations. Elle avait servi de courrier, donc il n'y aurait pas de confirmation immédiate, mais des cavaliers seraient quand même attendus pour cela l'avant-veille du début des opérations. De leur côté, Minastir et ses hommes avaient en partie réglé le problème du ravitaillement, et ils seraient prêts au combat le jour J. Après s'être restaurée et reposée, Vif reprit son périple, vers le sud cette fois, et elle retrouva ses amis au bout d'une demi-journée. La boucle était bouclée, elle avait fait tout le tour de la zone du conflit en moins d'une semaine.

5 - Organisation
Pendant la semaine écoulée, le camp des mercenaires, assassins et nains n'était pas resté inactif. Tout d'abord, une partie des hommes de la Main Écarlate, la force d'assassins sous les ordres de Geralt, avait quitté le camp pour une mission d'une semaine. Chargés de voler les marchands au départ de Chalnen de leurs vivres et stocks de nourriture, ils étaient appuyés dans leur mission par la plupart des autres membres de la Main. Certains les rejoignaient régulièrement pour leur apporter des nouvelles et repartir avec le butin. Ainsi, les autres restés en ville ou aux alentours pouvaient prévenir du départ prochain des marchands et de leurs cargaisons, mais aussi des patrouilles prévues pour essayer d'attraper ces nouveaux bandits. Et les femmes-assassins ayant pris leurs marques, les renseignements étaient de qualité et le système fonctionna parfaitement.

Au bout du compte, les vivres ainsi récupérés permirent non seulement de renouveler leurs réserves de nourriture mais même de les compléter quelque peu. Cela ne suffirait peut-être pas pour la campagne militaire, mais cela permettait de mieux envisager l'avenir. Par ailleurs, le moral des assassins était excellent : ils ne faisaient rien d'autre que ce qu'ils avaient l'habitude de faire, même s'ils prenaient soin de ne tuer personne si c'était possible. Mais non seulement cette forme de coopération réussie entre tous était très gratifiante, mais en plus ils passaient pour des héros aux yeux des mercenaires et autres auxquels ils permettaient ainsi de manger à leur faim ! Sans parler des petits extras qu'ils gardaient pour eux... A se demander si la guerre n'était autre chose qu'une affaire de crime institutionnalisé. Par ailleurs, un convoi de ravitaillement arriva enfin du sud de Saralainn, qui ne passa pas par Chalnen et les troupes de Chulainn, mais fut envoyé directement au camp de Narmegil et ses amis.

Tandis que les assassins volaient, les mercenaires et nains avaient entrepris de renforcer leur camp de manière significative. Le premier objectif était de pouvoir se défendre contre une attaque montée, puisque des cavaliers et sans doute des loups montés avaient été magiquement repérés à quelques heures de distance à peine. C'était aussi une manière d'éviter des problèmes de saboteurs et d'espions, avec peut-être également l'idée en tête que cela pourrait servir contre leurs alliés de Saralainn, si faible était la confiance à leur égard. De toute manière, il fallait occuper les troupes et ne pas les laisser dans l'oisiveté.

A côté de cela, des plans furent dressés pour la future prise de la tour (Barad) Esher. Il faudrait une nouvelle mission de reconnaissance pour être sûr du terrain et des occupants de la tour, mais cela n'empêchait nullement de préparer du matériel en vue de l'assaut. Il était à peu près certain que le site était dégagé et facile à défendre, et tous les moyens seraient bons pour protéger leurs propres forces. A partir de bois pris dans une forêt proche, des mantelets furent construits pour abriter les guerriers dans l'approche de la tour. Le gué situé à faible distance de Barad Esher permettrait de leur faire passer la rivière. Et Drilun consacra aussi de son temps à tracer des runes sur ces mantelets afin de les rendre plus résistants. A force d'étudier et de renforcer magiquement ces armes de siège, il commençait à développer un certain savoir à ce sujet.

Par ailleurs, le capitaine Nar annonça la couleur concernant leur avancée prochaine sur les terres contrôlées jusque-là par Ardagor : au vu des nombreuses incertitudes et de leur petit nombre - certains comme Geralt ajoutèrent mentalement "et de leur faible qualification" - la progression serait très prudente. Marche le matin, construction d'un camp retranché dans l'après-midi, observation et envoi des éclaireurs le lendemain, et on recommence. Et comme ils seraient lourdement chargés avec des armes de siège et des troncs pour les palissades du camp, et peu de chariots et d'animaux de bât, la marche serait très lente. Sans parler des troupes nécessaires pour escorter les convois de ravitaillement depuis Chalnen. Il faudrait plus d'une semaine pour arriver en vue de Barad Esher, à tout le moins.

Le soir du jour où Vif rentra de son expédition, les assassins partis voler des vivres arrivèrent à leur tour. Ils avaient passé les deux derniers jours non pas à voler, mais à revenir vers la ville de Chalnen tout en exécutant quelques travaux de boucherie. En effet, les animaux de bât faisaient partie des prises, mais ils étaient trop facilement reconnaissables. Et donc ils avaient été abattus et la viande avait été fumée. Le bilan de la semaine était fort bon, le moral était excellent, les gens préparés, équipés, et le ventre plein. Il ne restait qu'une mission de reconnaissance à effectuer. Mais une sentinelle vint prévenir que Chulainn, le chef du clan local de Saralainn, était en train d'arriver à la porte du camp avec la moitié de ses hommes. Et il n'avait pas l'air content.

6 - Résolution de conflit
Même si Chulainn était avant tout une grande gueule, occupée présentement à appeler à grands cris Narmegil, il n'était pas totalement imbécile et il entrevoyait bien le nouvel ordre qui se dessinait. Après l'avoir fait attendre avec une certaine satisfaction, le noble Dúnadan se montra enfin, accompagné de ses amis, du capitaine Nar et du chef des nains, Khanli. Pour le chef de clan, par son statut social supérieur, Narmegil était à la fois le vrai chef de guerre des troupes du sud-ouest, et le seul à même de pouvoir traiter avec lui, Chulainn. Ce dernier était chez lui, et il n'appréciait pas du tout la tournure que prenaient les choses : il était censé recevoir le ravitaillement promis pour la guerre et en user du mieux possible pour tous. Et le va-et-vient des hommes de la Main Écarlate, couplé au banditisme exacerbé de ces derniers jours, lui laissaient plus que des doutes quant à l'identité des "bandits".

L'ironie et la fermeté avec lesquelles ses propos furent accueillis ne lui plurent guère. Narmegil et consorts tenaient à gérer tout par eux-mêmes, sans tenir compte des droits des propriétaires de la terre qu'ils foulaient ? Hé bien, Chulainn les laissaient à leur gestion, et il se retirait de l'histoire. Lui et les siens allaient regagner leurs villages et ils se garderaient bien d'aider à cette guerre contre Ardagor, ses orcs et ses trolls. Et si Narmegil était si noble et malin, il lui laissait le soin de payer les mercenaires de la Haché Ébréchée et ceux du capitaine Nar. C'était Chulainn qui les payait, vu qu'il avait reçu quelques mois de leur solde en avance, de la part du régent de Girithlin, et il gardait l'argent comme dédommagement. Sur ces mots, il fit demi-tour avec ses guerriers pour regagner leur camp. Des assassins discrets envoyés comme éclaireurs firent part, dans la nuit, de préparatifs de départ et de stocks de vivres transférés depuis la ville de Chalnen jusqu'au camp de Chulainn et de ses guerriers.

Mais le groupe d'aventuriers ne laissa pas le chef de clan s'en tirer à si bon compte. Tout d'abord, devant la mine du capitaine Nar, Sîralassë lui versa dix pièces d'or comme acompte pour les deux prochaines semaines. Ensuite, un plan rapide fut mis au point : puisque le divorce avec Chulainn était consommé, pas question de le laisser partir avec l'or et les vivres. Vite, Isis transforma l'apparence de Vif en celle d'un gros warg, la voix en plus. Et Geralt prit magiquement les traits du chef de clan. Avec ses talents pour le jeu de scène et les habits qu'il prit, sans parler du fait qu'il parlait le dunael utilisé par Chulainn et qu'il savait bien imiter les voix, il faisait un chef de clan plus vrai que nature ! Vif se glissa discrètement dans la nuit en direction du camp des guerriers de Saralainn, Geralt en fit autant mais à un autre endroit, et les autres aventuriers se dirigèrent aussi vers le camp, sans se cacher, avec quelques équipes d'assassins à distance.

Les gardes du camp de Saralainn refusèrent de laisser entrer les nouveaux venus, mais des cris les détournèrent brusquement de Narmegil et ses amis : un gros warg avait pénétré l'enclos des bêtes de somme et il faisait un carnage. Les guerriers du camp prirent leurs armes et partirent à la recherche du monstre qui s'était enfui. Tandis qu'ils tâchaient de calmer les bêtes survivantes, Isis mettait magiquement le feu à divers endroits de la palissade. Dans le même temps, profitant de la confusion, Geralt pénétrait discrètement dans le camp et se dirigeait sans être inquiété vers la tente du chef, occupé à présent à gérer ses troupes, à lutter contre le feu et à comprendre ce qui se passait. Le chef des assassins, après une fouille rapide, trouva vite un coffret bien caché mais pas assez pour lui. Il s'éclipsa avec, toujours sans difficulté, non sans avoir mis le feu à la tente en partant.

Les aventuriers étaient entrés dans le camp et ajoutaient à la confusion en parlant d'autres wargs qu'ils avaient vus, mais qu'ils se faisaient fort de combattre. La voix de chef de Narmegil et les paroles convaincantes de Drilun déroutaient complètement les hommes de Chulainn... mais pas ce dernier, qui gardait le contrôle de ses hommes. Brusquement, après avoir hurlé aux aventuriers de partir, il comprit ce qui se passait vraiment et les accusa d'être à l'origine de cette attaque. Il hurla alors de tuer les intrus qui se servaient de magie pour les influencer et leur faire prendre des vessies pour des lanternes. Mais alors que les guerriers prenaient leurs armes et se préparaient à combattre, le "gros warg" sauta d'un bond par-dessus la palissade et se dirigea vers le chef.

Chulainn eut soudain du mal à donner des ordres : sa voix s'était brusquement réduite, et l'épée qu'il tenait l'instant d'avant venait de lui échapper des mains et tombait à terre alors que le monstre arrivait sur lui. Les guerriers terrorisés ne furent pas un obstacle pour Vif, qui se trouva bientôt face à face avec le chef de clan. Il avait juste eu le temps de récupérer son arme, et s'il limita les dégâts de la première attaque du monstre, la deuxième lui fut très largement fatale. Pris de panique, ses hommes se précipitèrent vers la sortie et commencèrent à s'enfuir. Mais Narmegil fit mine de blesser le monstre qui s'enfuit dans la nuit, et ses compagnons et lui reprirent en main les troupes de Saralainn et les empêchèrent de déserter. Les incendies restants furent aussi éteints magiquement, et une équipe d'assassins, partie poursuivre le monstre, piétina consciencieusement les traces. Une fois le calme revenu, dix pour cent des guerriers avaient déserté et trois lieutenants se disputaient la place de chef.

7 - Nouvel ordre et nouvel élément
Le capitaine Nar eut droit à un rapport "officiel" sur ce qui s'était passé : une attaque de wargs, dont l'un particulièrement gros, qui avait tué le chef. Mais Narmegil et ses amis, entrés pour raisons diplomatiques, avaient fait fuir les monstres et fait se ressaisir les guerriers de Saralainn. Trois lieutenants allaient probablement lutter pour déterminer celui d'entre eux qui deviendrait chef à la place du précédent. A tout le moins, il serait certainement plus facile à influencer. Nar parut satisfait mais inquiet de l'attaque, et il alla donner des ordres pour qu'une pareille chose ne puisse arriver avec eux. En privé, le chef des nains, Khanli, fut mis au courant de l'histoire réelle. Il approuva d'un sourire et fit un compliment au groupe d'aventuriers, qui était bien pareil à ce que Bourrin, compagnon d'autrefois, lui avait rapporté. Il nourrissait juste une petite inquiétude vis-à-vis du félin qu'était Vif, qu'il espérait bien maîtrisé. Mais il fut rassuré par les réponses qu'il eut en retour.

Tandis que les guerriers de Saralainn observaient le duel à trois pour désigner leur nouveau chef, Geralt montra le contenu du coffret, ouvert avec la clef trouvée sur le corps de Chulainn : des pièces d'or et d'argent, plus des bijoux divers, pour une valeur d'à peu près cent cinquante pièces d'or. De quoi embaucher les mercenaires pour de nombreuses semaines... Enfin, dans l'après-midi, le nouveau chef arriva. Il annonça que ses troupes allaient se retirer et ne pas participer au conflit, mais les aventuriers négocièrent pour qu'il accepte de leur laisser la nourriture destinée aux troupes. Narmegil et ses amis récupérèrent ainsi de quoi nourrir leurs armées - mercenaires, assassins et nains - pour un mois.

Une fois les guerriers de Saralainn partis de Chalnen, sauf les quelques-uns originaires du village, les troupes restantes tâchèrent de récupérer ce qui pouvait l'être, comme le bois des palissades. Au cours de cette entreprise de démolition et recyclage, un homme trouva le lendemain un parchemin qui n'avait pas été repéré auparavant. Écrit dans une langue inconnue, il portait le nom de Sîralassë. Les aventuriers le remirent donc à ce dernier, qui se mit à le lire. Il comprenait parfaitement la langue puisque c'était sa propre langue elfique maternelle, le quenya, la langue des Noldor. Au fur et à mesure qu'il lisait, ses amis virent ses traits se tirer et son front se plisser.

Quand le soigneur se tourna vers eux, la colère, le doute et les soucis se lisaient sur son visage. Il traduisit la lettre, qui lui était bien adressée, et qui provenait de sa sœur, disparue trois ans auparavant. Son écriture, et même la présence de quelques cheveux, ne lui laissaient aucun doute sur l'origine de la lettre : il ne s'agissait aucunement d'une contrefaçon. L'odorat de félin très développé de Vif lui permit de sentir une première odeur de femme, presque effacée, une femme elfe très certainement. Ainsi qu'une deuxième odeur de femme, plus récente, sans doute l'odeur de la personne qui avait apporté le parchemin. Un sort lancé par Drilun pour voir l'auteur du parchemin lui montra une grande elfe qui ressemblait en tout point à la sœur décrite par son ami soigneur.

Mais le contenu de la lettre avait de quoi laisser perplexe. Les rôles semblaient complètement inversés dans l'esprit de son auteur : pour la sœur de Sîralassë, Ardagor et ses serviteurs formaient une communauté d'elfes noldor et le Seigneur de Guerre était son ami. Le soigneur, quant à lui, était l'objet de sortilèges malfaisants qui l'avaient transformé en un chef de guerre de hordes maléfiques prêtes à s'abattre sur la pacifique petite communauté d'elfes. Et la sœur conjurait donc son frère de se libérer de la magie noire qui l'affectait pour venir la rejoindre, et un rendez-vous était donné. Des serviteurs d'Ardagor seraient présents, prêts à conduire le soigneur jusqu'à sa sœur... ou à une mort certaine ?

Aucune magie n'était perceptible sur la lettre, mais cela ne voulait pas forcément dire grand-chose. Après en avoir fait une copie et une traduction, Vif s'apprêta à aller apporter l'original à Niemal, au cas où il trouverait quelque chose, et pour qu'il puisse prévenir Elrond et les siens. Le groupe ne savait trop quoi penser de tout cela, sauf que la sœur de Sîralassë était sans doute aux mains d'Ardagor, et qu'elle n'avait plus toute sa tête. Le soigneur ajouta qu'elle avait un don pour les plantes et qu'elle connaissait le rituel permettant de fabriquer du lembas, entre autres choses. Vif se demanda, en entendant cela, si elle n'avait pas un lien avec le vin néfaste qui avait tourné la tête des Tarmas et Ekettas, et dont les pistes menaient toutes à Creb Durga.

8 - Barad Esher : ordre de bataille
L'aller-retour jusqu'à Niemal ne posa pas plus de problème que les fois précédentes. L'elfe ne sentit aucune magie sur le parchemin, ni aucun message caché en quenya, qu'il lisait parfaitement. Il était d'accord avec la décision des aventuriers : il ne fallait pas foncer tête baissée à Creb Durga, cela ne changerait rien d'autre qu'apporter des ennuis. Les plans ne devaient être modifiés en aucune manière, et une fois sur place, il faudrait considérer ce nouvel élément. En attendant, il allait prévenir Elrond, et ses fils tout proches, et maintenir la date de l'avancée de leurs armées. Minastir serait prêt, et il allait envoyer des cavaliers en nombre pour prévenir leurs alliés et être sûrs qu'ils reviendraient. Vif revint vite porter ce message à ses amis.

Une nouvelle mission de repérage fut organisée après son retour : il fallait en savoir plus sur les forces qui les attendaient, si elles avaient changé ou non, sur le terrain entre Chalnen et Barad Esher, ses occupants, etc. Les deux magiciens du groupe, Isis et Drilun, partiraient donc à nouveau, mais avec Vif cette fois. Il ne pleuvait pas ce jour-là, mais leur organisation fut exactement la même, et ils pensèrent à emprunter sa longue-vue à Sîralassë. Comme la fois précédente, ils avancèrent avec prudence, en faisant des haltes régulières pour lancer des sorts et percevoir à grande distance les ennemis qui les attendaient. Seule différence : ils passèrent par la rive orientale de la rivière Eunreth. La progression dans la forêt serait plus lente, mais ils seraient plus discrets et ils espéraient aller plus loin. Franchir la rivière ne fut pas chose aisée pour Isis, mais avec l'aide de son amie et lionne elle y arriva en se laissant traîner.

La progression dans la forêt ne posa pas de problème, et à mi-parcours les sorts permirent d'identifier à nouveau des ennemis. Mais ils avaient bien changé : à proximité du même affluent de la rivière, il n'y avait plus de cavalerie ni autant de loups montés. Les magiciens distinguaient des bruits qui leur faisaient penser à une dizaine de loups seulement, et une centaine d'orcs. Ils décidèrent de continuer, jusqu'à arriver à environ une lieue de leurs ennemis, en début de soirée. Mais là, leurs sorts leur apprirent qu'il y avait une centaine d'autres orcs, non loin, mais plus éloignés de la rivière, ce qui avait empêché de les percevoir d'aussi loin que les autres. Il restait néanmoins un passage entre les deux groupes, et les trois amis décidèrent d'essayer d'emprunter ce couloir boisé en catimini. Ainsi, ils arriveraient en bordure de l'affluent, et pourraient peut-être distinguer la tour et ses environs, dont le gué sur la rivière.

Et ainsi fut-il fait. Après un moment de progression, Isis et Drilun montèrent sur le dos de la lionne : à eux deux, ils étaient aussi lourds qu'elle, et elle était suffisamment costaude pour supporter leur poids assez longtemps, et bien plus discrète qu'eux sous cette forme, même avec eux. Elle put se faufiler sans mal entre les deux armées d'orcs, et les loups ne purent repérer leur odeur grâce à l'éloignement et aux sorts de camouflage d'odeur que les magiciens avaient lancés. Ils arrivèrent au bord de l'affluent de la rivière Eunreth, en vue du gué à une certaine distance et de la tour encore plus loin. Leur premier objectif était en vue, et la lumière était encore suffisante pour utiliser la longue-vue et essayer de profiter des moindres détails, croqués ensuite par la plume de Drilun.

Des orcs furent perçus dans la tour, qui mesurait peut-être une vingtaine de mètres de haut et comportait au moins cinq étages, d'après les meurtrières. Elle reposait au sommet d'une petite colline, en bordure de rivière. L'entrée était au premier étage, après un escalier qui longeait le mur et qui aboutissait à un seuil trop étroit pour pouvoir utiliser un bélier. Le haut de la tour était ouvert et crénelé. Avec difficulté, Drilun aida son amie féline à regarder dans la longue-vue, et elle arriva à distinguer autre chose : derrière la tour, un contrefort rocheux masquait la vue, mais il lui sembla voir des fumées qui s'élevaient de derrière. Certainement, des forces d'Ardagor se tenaient là et les attendaient, mais il n'était pas possible de déterminer lesquelles elles étaient. Par ailleurs, un sondage magique de la terre aux environs ne laissa supposer la présence d'aucun tunnel pour entrer ou sortir secrètement de la tour.

Après cette ample moisson de renseignements, les trois amis décidèrent de repartir, d'autant que la nuit était tombée et que les orcs commençaient à s'agiter - ils risquaient de venir à leur rencontre. Mais à nouveau, la discrétion du grand félin fut meilleure que les perceptions des orcs, et ils quittèrent ce lieu périlleux sans anicroche. Ils marchèrent ensuite toute la nuit dans la forêt, retraversèrent la rivière après un bon moment, et ils furent revenus à Chalnen au petit matin. Épuisés, ils livrèrent leurs informations avant d'aller se reposer. Ils disposaient maintenant de tous les éléments pour avancer. La guerre allait bientôt pouvoir commencer pour de bon.
Modifié en dernier par Niemal le 02 octobre 2012, 21:36, modifié 5 fois.
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Niemal
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Warlord - 9ème partie : premiers affrontements

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1 - Départ pour le nord
Les derniers jours à Chalnen se passèrent sans anicroche, malgré une tension certaine. Le grand félin qu'était Vif dormait le jour et surveillait la nuit, surprenant parfois - de loin - des mercenaires qui s'éclipsaient de nuit. Mais leurs escapades nocturnes avaient pour but de courir la ribaude ou de s'humecter le gosier, d'autant qu'ils venaient de recevoir leur solde grâce aux efforts de l'équipe. Geralt tâchait de garder ses troupes motivées, de même que Narmegil, et Sîralassë n'était pas le dernier à faire des efforts pour garder la flamme intacte dans le cœur des soldats. Les deux elfes veillaient aussi de nuit et faisaient les interprètes pour le félin qui était censé être leur "outil". Drilun échafaudait plans et stratégie, regrettant toutefois une distance certaine avec de nombreuses personnes du camp. Ses origines dunéennes continuaient à inspirer la méfiance chez de nombreux soldats.

Le grand jour arriva enfin, beau et chaud avec quelques nuages. Les trois groupes avancèrent, nains, mercenaires et assassins, portant ou traînant avec eux leur équipement et les matériaux destinés à leur futur camp. Les mercenaires avaient également deux chariots et autant de mules, et les nains un chariot avec mulet. Les assassins portaient tout sur eux. En fin de matinée la troupe s'arrêta en bord de rivière - l'armée longeait l'Eunreth tout du long - et commença à établir son nouveau camp, ce qui prit toute l'après-midi. Non sans s'être régulièrement assurée magiquement, grâce à Isis et Drilun, que les ennemis ne s'apprêtaient pas à leur tomber dessus.

Les assassins de Geralt, ou plutôt les hommes de la Main Écarlate, furent mis à contribution avant tout comme éclaireurs en dehors du camp, moitié le jour et moitié la nuit. Sans parler de la participation des elfes et du félin. Ce travail de repérage devait durer toute une journée, pour s'assurer que le groupe pouvait reprendre sa progression sans se faire attaquer. Des petits groupes d'orcs furent repérés de loin, visuellement ou à l'oreille, mais ils restaient à bonne distance et cherchaient avant tout à chasser et ramener de la nourriture, en forêt presque exclusivement. L'armée des orcs ne semblait pas avoir bougé, du moins celle qui était la plus proche de la rivière.

Tout le deuxième jour fut occupé à observer et préparer le déplacement du camp du lendemain, plus une petite troupe d'une vingtaine de mercenaires chargée du ravitaillement. Il ne s'agissait pas d'aller trouver de la nourriture dans les bois, mais de retourner à Chalnen où des convois de nourriture devaient arriver régulièrement pour eux. Ils furent accompagnés ou plutôt dirigés par Narmegil, Geralt et Drilun, et le trajet aller prit seulement trois-quatre heures. Des vivres étaient bien arrivés, l'équivalent de deux jours de nourriture pour toute la troupe, et tout fut ramené dans la journée sans encombre. La nuit suivante fut tout aussi calme, et le lendemain le même déménagement reprit.

En fin de matinée, le nouveau camp fut établi en bordure de rivière, comme l'avant-veille. Mais avec plus de hâte et de précautions : Barad Esher était en vue, à un peu plus de deux miles (~3-4 km), et surtout les orcs étaient présents encore plus près, de l'autre côté de la rivière, dans la forêt. Les deux groupes d'une centaine d'orcs s'étaient réunis, et une dizaine de gros loups traînaient parmi eux, d'après les écoutes magiques. Et en limite de portée des magiciens, il semblait que des troupes campaient dans les collines derrière la tour, deux ou trois miles plus loin. Sans pouvoir donner plus de précisions quant à leur nombre ou nature.

2 - A un contre trente
Tandis que le camp était monté, lentement, un petit débat eut lieu entre les aventuriers. Si certains comptaient se reposer et profiter de la nuit en premier, d'autres voyaient la proximité des orcs comme un trop grand danger. Il fallait tout de suite nettoyer la forêt des serviteurs d'Ardagor qui l'occupaient, qui sinon pouvaient leur tomber dessus à la première occasion. En fin de compte, ce dernier point de vue l'emporta, et une petite équipe de sept personnes fut constituée pour aller s'occuper des orcs : Narmegil et Isis et leurs quatre amis, mais aussi leur ancien collègue Bourrin, le nain le plus costaud qu'aucun d'eux avait jamais rencontré. C'était un excellent guerrier, et bien équipé.

Il fallait tout d'abord franchir la rivière. Le fauve magique qu'était Vif traversa sans mal en emmenant une corde et un grappin dans la gueule, grappin qu'il se débrouilla pour accrocher de l'autre côté. De cette manière, tous purent passer sans mal, même Bourrin. Car si la rivière n'était pas méchante, la quantité de métal qu'il portait sur lui aurait eu toutes les chances de l'amener au fond. Ils avaient été repérés néanmoins, comme les oreilles de Vif et les sorts des magiciens les renseignèrent. Avertis par les loups, les orcs s'étaient un peu éloignés d'eux en arc de cercle. Ils étaient deux cents orcs et dix loups environ, contre sept aventuriers.

Après discussion, Vif et Geralt, les deux plus discrets, s'écartèrent en catimini pour essayer de prendre les orcs à revers. Le chef des assassins, tel une ombre, arriva à se faufiler entre les orcs sans se faire repérer. Pendant ce temps, son amie féline replongeait dans la rivière, en apnée, pour ressortir un peu plus loin, au-delà de la ligne des orcs. Puis ils commencèrent à tuer des orcs discrètement, tandis que le reste de l'équipe attendait qu'il se passe quelque chose. L'assassin et le fauve enchanté finirent par se faire repérer : les dix loups présents arrivèrent vite sur eux tandis que les orcs se contentaient de tirer des flèches. Les deux amis, quant à eux, s'étaient mis côte à côte et dos à des arbres.

La forme magique de Vif était peu sensible aux attaques non-magiques, et Geralt portait toujours son armure de peau de dragon, d'une excellente qualité. De plus ils étaient tous deux très rapides et agiles, et la forêt était touffue. Les flèches ne leur firent absolument aucun mal, et les loups furent découpés ou éventrés en moins de vingt secondes. Vif avait subi le gros de leur attaque, tant leur inimitié pour sa forme féline était grande. Certains avaient réussi à la mordre, mais sans qu'ils puissent la blesser d'aucune manière. Une fois les loups morts, les orcs commencèrent à se carapater, tandis que le reste du groupe décidait d'avancer.

Les orcs n'avaient ni grand chef charismatique, ni expérience de ce genre d'adversaire, ni aucune qualité capable de représenter une menace réelle. Ils le découvrirent assez vite et se rendirent compte que la supériorité numérique n'était pas suffisante. En conséquence, ils ne furent pas longs à s'enfuir de toutes leurs jambes. Mais s'ils étaient trop petits et rapides en forêt pour de grands guerriers comme Narmegil, ce n'était pas le cas de Vif : elle prit Geralt sur son dos, et ils pourchassèrent les fuyards orcs pendant une partie de l'après-midi. Au total, une centaine d'orcs y laissèrent la vie, et les autres fuirent loin de la forêt et du camp des aventuriers et de leurs alliés.

3 - Machine de guerre
Arrivés en lisière de forêt, à portée de vue de la tour d'Esher, les aventuriers se divisèrent en deux groupes, après discussion. Vif, Geralt et Sîralassë choisirent de retourner au camp pour se reposer et éviter de tenter le diable en s'exposant à ce qu'il y avait dans la tour ou à ses abords, derrière les collines. Les quatre autres décidèrent de franchir l'affluent de la rivière Eunreth qui bordait la forêt, et de s'approcher de la tour, au moins jusqu'au gué. C'est Narmegil qui franchit le cours d'eau en tenant le bout d'une corde. Ce qui permit d'aider ses amis, en particulier Bourrin, chargé d'équipement métallique, mais aussi Isis, qui n'était pas une grande nageuse.

Les quatre compagnons avaient donc quitté le couvert des arbres, et ils n'avaient guère de doute sur le fait qu'ils eussent été repérés. De toute manière, certains orcs avaient échappé au carnage préalable en fuyant vers la tour, justement. Le fait de se rapprocher permit également à Drilun et Isis de mieux percevoir magiquement les forces présentes dans les collines. Ils estimèrent, en fonction des sons que leur renvoyait la terre et de leur expérience, qu'une force de deux cents individus attendait à moins de deux miles (~3 km). Deux groupes en fait, certains plus petits et légers - des orcs probablement - et d'autres plus grands et lourds, humains ou uruk-hai peut-être. Et surtout, il y avait un géant parmi eux, très lourd, probablement un troll de guerre, un olog.

Cette force commençait à se déplacer en direction de la tour, justement, et les amis décidèrent qu'ils en avaient assez vu. D'autant que des nuages noirs d'origine magique avaient brusquement obscurci le ciel, dissipés en partie au-dessus d'eux grâce à la magie de Drilun. Ils s'approchèrent du gué sur la rivière Eunreth. A cet endroit, la rivière s'élargissait à une portée de flèche, mais la profondeur diminuait fortement et permettait de passer à pied. L'eau ne dépassait guère la hauteur du genou, et en cette période de l'année - c'était le dernier jour du printemps - le courant n'était pas bien fort. Narmegil, Isis, Bourrin et Drilun s'engagèrent donc sur le gué, à environ quatre portées de flèche de la tour. Tour qui restait assez silencieuse, ce qui pouvait se comprendre si elle était occupée par des orcs - c'était encore le milieu de l'après-midi.

Mais alors que le gué n'était pas à moitié franchi, une sorte de lance atterrit au beau milieu des quatre compagnons, soulevant une gerbe d'eau et les arrosant au passage. Drilun, qui avait passé beaucoup de temps ces dernières semaines à étudier ou renforcer magiquement des mantelets, béliers et autres machines de guerre, reconnut alors une baliste au sommet de la tour. Et les silhouettes qui l'encadraient et qui regardaient dans leur direction étaient humaines. Il se souvenait, chez le prince Hallas, avoir vu des balistes qui tiraient au rythme de trois-quatre tirs à la minute. Et la force des projectiles, lui avait-on dit, était suffisante pour transpercer plusieurs personnes. Vu la distance, le projectile devait perdre en puissance, mais il devait tout de même être capable de tuer même des costauds comme Narmegil ou Bourrin !

Et manifestement, un nouveau tir se préparait, et l'autre bout du gué était loin. Malgré ses difficultés en natation, Isis jugea plus sage de s'éloigner dans la rivière avec le courant, et de sauter dans l'eau dès que cela lui fut possible, non sans avoir lancé un sort pour se protéger magiquement. Drilun utilisa aussi un sort pour se protéger, et Narmegil avait déjà une magie protectrice autour de lui. Bourrin comptait sur son excellent équipement et sur sa constitution. Les trois hommes continuèrent sur le gué avec précaution, le Dunéen plutôt à l'abri des deux autres. Ils essuyèrent encore trois tirs, tous sans autre effet que de les rafraîchir. Peut-être la grande distance expliquait-elle ce manque de résultat, peut-être la magie avait-elle dévié les projectiles, sans doute un peu des deux.

Le nain, le Dunéen et le Dúnadan retrouvèrent l'elfe un peu plus loin : elle s'était laissé porter par le courant et était sortie de la rivière une fois qu'elle avait estimé être hors de portée de la machine de guerre. Par ailleurs, les troupes qui descendaient des collines commençaient à être visibles. Les quatre amis retrouvèrent le camp fortifié et leurs amis après moins d'une heure de marche. Ils avaient pris plus de risques qu'ils ne s'y attendaient, mais le déplacement n'avait pas été inutile : ils avaient appris quelque chose d'intéressant, qui pourrait leur servir par la suite en cas d'attaque de la tour.

4 - Empoisonnement
De retour au camp, les aventuriers supervisèrent son organisation et commencèrent à réfléchir à l'attaque de Barad Esher, les jours prochains. Mais comme certains prenaient un repos bien mérité, comme Geralt et Vif, la question fut repoussée à plus tard, en soirée probablement. Chacun vaqua à ses occupations, et le reste de la journée se passa sans incident. Sauf pour le soigneur du groupe, qui ne put s'empêcher de constater quelque chose d'inquiétant au sein des assassins et mercenaires. Une fois le soir venu, tous se réunirent pour un repas sommaire à base de nourriture séchée récupérée à Chalnen. Sîralassë voulut prendre la parole, mais il fut interrompu à peine après avoir attiré l'attention de ses compagnons.

Le grand félin qu'était Vif venait en effet d'arriver en trombe sous la tente où ils se réunissaient. Elle feulait et secouait la tête de droite à gauche en montrant la nourriture posée sur la table. Cela confirma ce dont se doutait le soigneur : il avait constaté en cours de journée un nombre croissant de malades parmi les humains. Les nains ne semblaient pas affectés, mais mercenaires et assassins - un grand nombre d'entre eux - avaient de gros problèmes de coliques qui les affectaient à des degrés divers. Un tiers des humains ne montraient aucun symptôme, ou alors très bénins ; un autre tiers était gêné comme suite à une indigestion ; et les autres étaient alités et ne pouvaient faire grand-chose.

Le grand elfe avait inspecté les réserves de boisson et surtout de nourriture, mais il n'avait rien perçu. En revanche, Vif et ses sens exercés semblaient d'un avis différent. A l'aide d'un sort, l'elfe put converser avec elle, ce qui lui permit de faire savoir qu'elle avait flairé une odeur suspecte dans la nourriture, après avoir elle aussi constaté que de nombreuses personnes tombaient malades. Geralt, à l'odorat très fin lui aussi, et habitué aux poisons, sembla également percevoir quelque chose de douteux dans leur nourriture. Gâtée ou empoisonnée ? En tout cas, il fallait vite trouver la cause de tout ça, et faire quelque chose pour les malades.

La lionne inspecta toutes leurs réserves de nourriture. La capacité du félin à goûter facilement sans avaler - les papilles gustatives sont placées au bout de la langue - fut très pratique, et elle détermina sans doute possible que la moitié de leurs vivres étaient affectés par cet agent, sans doute un poison. Le soigneur, s'aidant d'un livre détaillé sur le sujet, pensa avoir trouvé qu'il s'agissait d'un champignon qui poussait dans des cavernes obscures, donc forcément d'un agent apporté ici. Les vivres empoisonnés correspondaient à une bonne partie des aliments récupérés dans les stocks que feu le chef de clan Chulainn avait mis de côté et qui leur étaient destinés. De même qu'un parchemin avait été déposé à leur intention, après le départ des guerriers de Saralainn, il était probable que la même personne avait "parfumé" les vivres avant qu'ils ne soient récupérés.

Narmegil et Sîralassë s'occupèrent des malades avec l'aide de leur magie. Les compétences du Dúnadan en la matière étaient bien plus faibles que celles de l'elfe, mais il put au moins traiter les cas les moins atteints. Tous deux se concentrèrent en priorité sur les assassins : leurs capacités étaient meilleures que celles des mercenaires, qui étaient du reste moins fiables. Mais ils n'étaient pas sûrs de pouvoir guérir tout le monde ainsi, et cela risquait de leur prendre toute la nuit voire plus ! Mais comme ils n'avaient guère le choix, ils s'attelèrent à la tâche sans tarder.

5 - La nuit, tous les chats sont gris
Tandis que soigneur et noble Dúnadan s'activaient avec les malades, la descendante des chats de Tevildo repiqua un roupillon. Elle était restée active longtemps en journée, or les félins ont besoin de beaucoup de sommeil. Après quoi, la nuit étant avancée, elle alla chasser de l'autre côté de la rivière, dans les bois. En effet, leurs provisions étant à présent réduites de moitié, un petit extra pourrait être le bienvenu pour les troupes. Elle pista et abattit un petit cerf après une heure de chasse, puis traîna le corps en direction du camp, quand elle entendit un bruit.

Discrètement, elle alla au bord de la rivière et regarda de l'autre côté : sous un ciel sans lune et sans étoiles, une troupe nombreuse progressait en direction du camp : deux cents orcs environ, plus une centaine d'humains, menés par une silhouette massive de près de quatre mètres de haut : un olog. Toujours avec le cerf dans la gueule, elle se dépêcha de filer vers le sud, traversa la rivière, et sauta d'un bond par-dessus la palissade avec le corps de sa proie, effrayant au passage quelques sentinelles qui ne s'étaient toujours pas habituées à elle...

Mais le camp était déjà en pleine effervescence. Au cours de la nuit, Isis s'était rendu compte de quelque chose. Un sort lui avait indiqué les mouvements de troupe au niveau de la tour et du gué, et tous avaient été prévenus. Les assassins avaient tous été guéris, mais il restait une cinquantaine de mercenaires malades à des degrés divers. Une trentaine d'entre eux ne pourraient pas ou peu participer au combat, et certains devraient serrer les fesses... Tout le monde avait été réveillé et s'était équipé, le bois disponible avait été rassemblé pour faire des feux afin d'éclairer le camp. On s'attendait à voir arriver les assaillants d'ici une demi-heure peut-être.

Voyant cela, le félin eut une autre idée. Il se précipita vers Narmegil et lui indiqua par signes qu'il voulait discuter. Les elfes n'étaient pas disponibles pour une conversation magique, mais le noble Dúnadan se demanda s'il n'avait pas eu la même idée que son amie. Il lui en parla, et elle acquiesça d'un signe de tête. Narmegil alla alors voir ses amis et leur posa la question suivante : se sentaient-ils prêts à se passer de la lionne et lui pour repousser les troupes du Seigneur de Guerre ? Pourraient-ils les vaincre sans eux, ou du moins tenir quelques heures, le temps qu'ils reviennent après la mission qu'ils comptaient effectuer ? Des hésitations, mais finalement les aventuriers étaient confiants. La réponse fut affirmative.

Avant l'arrivée des troupes ennemies, Vif et Narmegil franchirent la rivière et s'enfoncèrent dans les bois. Puis le Dúnadan monta sur son amie, afin de progresser plus vite : le corps de la lionne magique était plus fort et rapide, plus discret et habitué au déplacement en forêt aussi. Ils allèrent vers le nord, dépassant les orcs et hommes d'Ardagor de l'autre côté de la rivière sans être inquiétés. Après une demi-heure, ils sortirent de la forêt et franchirent discrètement l'affluent de la rivière Eunreth. A un bon demi-mile (~1 km) se dressait leur objectif : Barad Esher, qu'ils allaient prendre, à deux, tandis que le gros des troupes était occupé ailleurs.

6 - Assassin solitaire
Orcs et mercenaires arrivèrent enfin, encerclant le camp à une centaine de mètres, bien qu'il fût difficile de s'en rendre compte : la nuit était noire en raison d'épais nuages - certainement pas naturels - qui masquaient la lumière de la lune et des étoiles. Drilun avait fait magiquement une éclaircie dans ces nuages, par laquelle un peu de lumière passait, mais cela n'améliorait guère la visibilité au-delà du camp. En revanche, c'étaient d'excellentes conditions pour un assassin discret. Aussi Geralt, après avoir confié le commandement des assassins à son lieutenant et ami Eskel, décida-t-il de faire une sortie en solitaire, seul et bien équipé.

Il se dirigea vers la rivière, où les mercenaires humains étaient regroupés. La rivière était distante d'une trentaine de mètres du camp seulement, mais les ennemis avaient disposé de nombreux guerriers derrière les arbres de la ripisylve, se mettant ainsi à l'abri d'éventuels archers du camp - au grand dam de Drilun. Mais ils ne virent pas le chef des assassins se faufiler entre eux. Puis il commença son habituelle besogne, tuant silencieusement un premier homme, puis un second. Malheureusement, même s'il n'avait fait aucun bruit, un autre guerrier proche tourna la tête au mauvais moment et il ameuta ses compagnons à grands cris.

Les combattants affluèrent, mais Geralt était rapide comme l'éclair et très compétent, et il disposait d'une excellente armure en peau de dragon. Plus d'une fois il n'évita des blessures que grâce à ce cuir qu'il avait eu tant de mal à transporter, mais il pensa plus d'une fois qu'il lui faudrait remercier les elfes et son ami Drilun pour leur travail. Il fit facilement le vide autour de lui, d'autant qu'il faisait noir pour tous alors qu'il avait pris soin d'utiliser du trèfle de lune, cette décoction qui permettait de voir dans le noir aussi bien que les elfes. Néanmoins, les hommes se regroupèrent et notamment de nombreux archers, dans toutes les directions. De plus, le troll de guerre et commandant des troupes commençait à approcher en réponse aux bruits de combat. Jugeant que la fuite était salutaire, l'assassin profita d'un moment où les guerriers s'écartaient, afin de laisser place aux archers, pour sauter dans la rivière.

Il nagea le plus possible en apnée, afin d'éviter les flèches. Le troll avait donné l'ordre à des orcs de le suivre et de l'abattre ou l'empêcher de revenir sans doute, mais ils n'étaient pas assez perceptifs pour lui, et l'eau avait nettoyé ses odeurs. Il se faufila donc entre eux sans difficulté, et revint sur les lieux du combat, et vers les mercenaires humains précisément. Ces derniers avaient allumé deux feux dans lesquels de nombreux archers passaient leurs flèches qui avaient été préparées avec des tissus imbibés d'huile. Ils lançaient ensuite leurs flèches enflammées dans l'enceinte du camp, ce qui entraînait plusieurs départs de feu au niveau des tentes et du matériel.

Là encore, l'assassin fit merveille, et il tua plusieurs hommes avant qu'on s'aperçoive de lui. Si bien qu'une vingtaine d'archers durent interrompre leurs tirs pour s'occuper de cet intrus. C'est ainsi qu'à lui tout seul, au final, il tua ou occupa une trentaine d'assaillants sans recevoir une seule blessure, jouant au chat et à la souris, faisant virevolter son arme et décapitant ou éventrant les corps qui passaient trop près. Plus tard, il admettrait tout de même qu'il n'avait pas été satisfait de son action, n'ayant pas eu l'impression qu'elle avait eu grand effet. Mais sans cela, peut-être y aurait-il eu davantage de morts dans le camp en raison de ces flèches ennemies, bien plus mortelles que celles des orcs, malgré leur plus faible nombre.

7 - Archer contre troll
Au niveau du camp, le combat avait donc commencé. Peu après le problème posé par Geralt, une fois que ce dernier avait plongé dans la rivière, l'olog avait donné le signal de l'assaut. Avec difficulté, car un sort de l'archer dunéen avait eu pour effet d'atténuer considérablement sa voix, de la rendre toute fluette. Un troll de guerre à la voix de fillette, c'était nouveau pour les orcs, chez qui on sentit une certaine hésitation. Côté assiégés, par contre, le rire de certains avait redonné du moral et un peu de cœur au ventre à ceux qui en manquaient. Mais l'olog avait fini par dire à des orcs de lancer l'assaut, et il avait ponctué la chose par un coup de cor énorme et sonore.

De nombreux orcs s'étaient alors élancés avec des échelles, tandis que d'autres tiraient dans le camp ou sur les silhouettes qui dépassaient de la palissade. L'une d'elles était Drilun, installé sur une petite plate-forme de garde de manière à être le plus près possible du troll de guerre. Il n'avait pas eu le temps et les ingrédients nécessaires pour faire des flèches magiques contre ces créatures, à Fondcombe. Mais les runes gravées sur son arc lui donnaient la force d'une grosse arbalète, et ses talents d'archer restaient exceptionnels. Il espérait donc bien abattre le monstre. Par ailleurs, il comptait aussi sur son armure de peau de dragon couverte de runes magiques pour le protéger efficacement, sans parler d'un sort pour dévier les coups.

Lorsque le troll ne fut plus qu'à une quarantaine de mètres, le Dunéen visa la tête du troll, non protégée par le pavois imposant qu'il tenait. Dans l'autre main, le monstre tenait un rocher qu'il avait pris dans un sac apparemment prévu à cet effet. Le monstre vit l'archer, mais il n'eut pas le temps de lancer son projectile : la flèche le blessa à la tête, arrêtant sa progression un instant... et le rendant furieux. Il finit par lancer son rocher, qui passa au-dessus de la tête de l'archer qui venait de sauter à terre. Un peu de prudence ne fait pas de mal... mais il remonta vite.

Le troll avait été rendu prudent lui aussi après ce petit carton, et il se dissimulait derrière son pavois tout en avançant doucement, comportement assez inhabituel pour un troll. Cette fois-ci, Drilun prit plus de temps pour viser, attendant soigneusement une ouverture pour décocher sa flèche. Sans voir qu'il était lui-même pris pour cible, car le troll avait donné quelques ordres : deux orcs visèrent l'archer, depuis une position de côté, et il ne resta indemne que grâce à son sort défensif, à présent affaibli, et à son armure de peau de dragon couverte de runes magiques. Il continua à guetter l'ouverture, qui arriva enfin.

En effet, les nains avaient tenté une sortie, groupés en une masse compacte, balayant les orcs autour d'eux pour se frayer un chemin en direction du troll et chef des troupes. Percevant cette menace qui s'approchait vite de lui, l'olog se tourna légèrement et leva le bras pour lancer un nouveau rocher. Et Drilun tira, une fois de plus en pleine tête. Le monstre ne fut pas tué sur le coup, mais il paraissait lutter pour ne pas s'évanouir et s'étaler de tout son long. Il était sans défense et il ne manquait plus que quelqu'un pour achever le travail. Quelqu'un qui arrivait justement à proximité.

8 - Victoire
Le début de la bataille, au sein du camp, n'avait pas vraiment tourné à l'avantage des défenseurs : les nombreuses flèches avaient fait des blessés, parmi les malades entre autres et moins parmi les archers, mais tout de même. Des départs de feu avaient également menacé, mais la magie de la belle elfe avait permis de les éteindre assez vite, en même temps que quelques feux de camp qui éclairaient la scène. Et surtout, ce déluge de grêle d'acier avait permis aux orcs et aux hommes de commencer à franchir la palissade.

Même sans Vif et Narmegil, heureusement, les défenseurs ne manquaient pas de bons guerriers. En particulier le nain Bourrin, qui avait choisi de sauter en dehors du camp pour permettre à sa hache de goûter à du sang d'orc frais. Les assassins, de leur côté, résistaient bien et leurs flèches avaient fait des dégâts sur les assaillants avant même qu'ils n'arrivent. Les mercenaires étaient un peu le point faible, et il semblait que si certains étaient encore là, c'était bien parce qu'ils ne pouvaient fuir nulle part.

Sîralassë et Drilun avaient compris néanmoins que le véritable moteur de cette attaque était le troll. Lui parti, les orcs ne resteraient pas longtemps. Tandis que l'un utilisait ses flèches pour le blesser voire le tuer, l'autre l'invectivait pour l'amener à l'approcher et pouvoir le combattre. Mais Khanli, le chef des nains, avait lui aussi bien analysé la situation. Et c'est pourquoi, après un moment, son groupe compact s'était élancé vers l'olog, écrasant les orcs au passage sous leur supériorité matérielle et leur savoir-faire. Bourrin s'était bien vite joint à eux, et il se trouva vite en tête du groupe aux côtés de son chef.

Le troll de guerre aurait pu leur faire vraiment mal avec ses rochers, car c'était une arme difficile à contrer. Mais la blessure mortelle causée par la flèche de Drilun leur facilita grandement la tâche. Khanli et Bourrin s'attaquèrent chacun à une jambe du troll, enfonçant profondément leurs haches dans les chairs du monstre dont le sang noir gicla. Sous les coups redoublés, l'olog finit par flancher sans pouvoir répliquer et il s'écroula enfin, pour être bientôt achevé par un coup magistral de Khanli, aidé par Bourrin ainsi que Sîralassë qui était arrivé lui aussi. Après quoi le visage de la bataille changea du tout au tout : brusquement, les orcs furent privés de chef et confrontés à des forces qui paraissaient invincibles.

Ils ne furent pas longs à s'enfuir dans toutes les directions, sans aucun ordre ni méthode. Les mercenaires humains d'Ardagor sentirent aussi le vent tourner et ils se retrouvèrent en position d'infériorité numérique, sans parler de la présence de Geralt qui avait un peu fait le vide parmi eux. Ils choisirent aussi la fuite, ce qui n'empêcha pas de nombreuses pertes grâce aux assassins lancés à leur poursuite. Au final, plus de la moitié des ennemis avait trouvé la mort au cours de la bataille, contre une dizaine de défenseurs - dont un seul assassin. A cela il fallait rajouter une quarantaine de blessés ou malades un peu sérieux, et beaucoup de blessés légers dont les jours n'étaient pas en danger. Et la perte d'une mule et de divers matériel comme des tentes.

9 - La chute de Barad Esher
Pendant tout ce temps-là, Vif et Narmegil arrivaient discrètement au pied de la tour d'Esher, sans qu'il y ait de réaction les concernant. Un escalier de pierre courait le long de la tour ronde jusqu'à l'entrée au premier étage, difficile à prendre par surprise. Mais il existait une autre voie : le Dúnadan s'agrippa à la lionne qui grimpa au mur tel un gigantesque écureuil. Les trois orcs au sommet étaient trop occupés à regarder au loin et le félin et son ami firent en sorte qu'ils ne voient plus jamais rien. Les orcs avaient néanmoins fait du bruit, et des bruits de voix humaine parvinrent de dessous une trappe.

La trappe finit par s'ouvrir et laissa passer la tête d'un mercenaire humain. En bas, d'autres hommes étaient armés et des torches et lanternes éclairaient la scène. Un coup de patte, et la tête du mercenaire vola d'un côté pendant que son corps retombait dans la pièce. Mais les pattes d'un fauve ne sont pas les plus douées pour prendre un anneau de fer et soulever une trappe. Narmegil s'approcha alors et utilisa sa lance et sa magie pour arracher la trappe de ses gonds. En bas, la lumière lui permit de distinguer, au milieu des mercenaires, un homme habillé non comme un guerrier mais comme un prêtre, qui se mit à proférer des menaces en agitant les bras. Mais sa magie se heurta à la grande volonté du Dúnadan, aidée par un objet fabriqué par Drilun à l'aide de ses runes magiques. Bref, Narmegil se contenta de sourire avec mépris à la face du sorcier.

La lionne plongea directement quatre mètres plus bas sur un homme qui supporta mal ses cent cinquante kilos. Puis le sorcier utilisa vers elle sa magie et lui envoya des ondes et images de peur qui la saisirent un moment. Mais sa volonté fut la plus forte et elle mit le sorcier en miettes avant qu'il ait eu le temps de faire d'autres tours. Le temps que Narmegil se laisse pendre puis tomber sur le sol, son amie avait pratiquement déjà fait le ménage, et il ne resta bientôt plus personne de vivant à l'étage - en dehors d'eux bien entendu.

Des voix d'orcs avaient néanmoins été perçues derrière une porte - fermée - et plus bas. Le Dúnadan démolit la porte de la même manière que la trappe, et le reste de la tour n'opposa bientôt aucune résistance. Les orcs s'enfuirent vite, poursuivis par Vif qui put ainsi en tuer au moins la moitié - près d'une cinquantaine. Au loin, elle perçut également grâce à son ouïe féline très fine des clameurs annonçant la victoire de leur camp sur les orcs et humains d'Ardagor. Ses amis avaient sûrement réussi à tuer le troll, ils s'en étaient très bien sortis sans eux. Elle retourna à la tour voir ce que son ami avait pu trouver dans ses flancs.

La chose la plus perceptible dans Barad Esher était la saleté dont les orcs avaient empli le bâtiment. Après peut-être trois ans de présence de ces créatures, les sols et les murs comportaient une croûte de déchets et immondices de toutes sortes, nettement moins accentuée au dernier étage et sur le toit. Mais l'odeur était abjecte et n'incitait pas à rester longtemps. Narmegil ne trouva pas grand-chose d'utile dans les quartiers des orcs, mais chez les hommes la récolte fut meilleure : en plus de matériel divers, d'armes et armures, et un peu d'or et de nourriture, un livre qui ferait sans doute la joie de Drilun décrivait précisément l'utilisation de la baliste. D'ailleurs, au sommet, de nombreuses marques sur le sol et les créneaux servaient certainement de viseurs pour ajuster les tirs de la machine de guerre.

Mais l'essentiel, c'était la tour elle-même, prise aux forces d'Ardagor. Il faudrait à présent informer les alliés de leur avancée et apprendre où ils en étaient eux-mêmes, qu'il s'agisse des forces de Minastir ou celles de Finduilas ou d'Hallas. Le camp provisoire devrait être déplacé au pied de la tour, qui serait elle-même garnie et tenue par les forces alliées - une troupe de mercenaires conviendrait sans doute très bien pour cela. Et ensuite, il leur resterait à se tourner vers leur objectif militaire suivant : le village de Deveney, à une demi-douzaine de miles de là à vol d'oiseau. Et l'étau se resserrerait encore un peu plus sur Creb Durga et le Seigneur de Guerre qui y résidait.

Narmegil se rappela alors que c'était jour de fête consacré à Eru, et même le premier des deux jours d'enderi puisque c'était une année bissextile - 1640 du 3e âge. C'était le solstice d'été et ce devait être jour (et nuit) de fête un peu partout en Eriador. En Arthedain, le roi devait voyager et bénir les gens dans le pays comme lorsqu'ils l'avaient rencontré l'année passée, lors du coup d’État manqué des Tarmas et Ekettas. Ici, ils pourraient fêter la victoire des peuples libres contre les serviteurs d'Angmar et consorts. Tout un symbole, pensa-t-il en adressant prières et remerciements à Eru pour leur succès.
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Warlord - 10ème partie : l'étau se resserre

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1 - Organisation
Le premier jour d'enderi n'était pas seulement un jour de fête consacré à Eru, c'était aussi l'anniversaire de Míriel, la fille d'Isis et Narmegil : elle avait un an ! Plus tard, quand les époux se retrouvèrent, ils ne purent s'empêcher d'avoir un petit serrement de cœur. Bien sûr, elle avait tout ce qu'il lui fallait chez Elrond, mais eux en tout cas avaient raté quelque chose : les enfants des elfes voient leur intelligence progresser très vite la première année de leur vie, contrairement aux humains à qui il faut plusieurs années. A un an, les enfants elfes sont comme des adultes en miniature, l'expérience - et son lot de joies et peines - en moins. Míriel devait à présent parfaitement marcher et parler, et sans doute devait-elle souvent demander où étaient passés ses parents...

Mais en attendant de pouvoir la retrouver, il y avait des choses à faire. Vif arriva au camp et donna des nouvelles de la chute de la tour par l'intermédiaire des elfes, qui pouvaient lui parler magiquement. Des mercenaires allèrent occuper la tour très vite, puis, c'est l'ensemble du camp qui fut déménagé dans la journée. La moitié des hommes commandés par le capitaine Nar resteraient dans la tour, soit environ quarante-cinq guerriers. Mais il fallait la nettoyer, et vu son état, cela ne motivait personne. Drilun essaya bien de purifier l'air magiquement, mais tant que les déchets incrustés du sol au plafond ne seraient pas retirés, ses efforts seraient vains : l'odeur revenait aussi vite qu'elle disparaissait.

Sîralassë avait fort à faire pour soigner tout le monde, même s'il fut secondé par Geralt et Narmegil. Le premier tâchait aussi de maintenir le moral de ses troupes en leur inspirant encore plus de confiance, et le second était lui aussi un soigneur et magicien. Mais il donna la priorité à Isis avec qui il s'isola dans les collines un moment, afin de profiter l'un de l'autre. Puis il se mit au travail et ne ménagea pas sa peine. Drilun, lui, sortit ses outils et commença la fabrication d'une flèche spéciale : avec les os et le sang de troll, et l'aide de sa magie, il espérait bien fabriquer une arme spéciale contre ces monstres. Ainsi, la prochaine rencontre avec l'un d'eux - et il y en aurait certainement - serait sûrement plus brève et moins risquée pour tout le monde... sauf le troll.

Le Dunéen passa aussi du temps à faire le compte-rendu de leur attaque et de la prise de Barad Esher sur un parchemin, en sindarin. Il rédigea également une note en ouistrain, plus ou moins dictée par Geralt, à l'attention de ses assassins qui participaient aux autres groupes armés, à l'est. Vif allait en effet porter ces messages, comme deux semaines auparavant, pour donner et prendre des nouvelles de l'avancement de la campagne militaire. Et pour pouvoir répondre à cette question essentielle : fallait-il avancer au plus vite sur leur deuxième objectif, la ville de Deveney, ou attendre, et jusqu'à quand ? En effet, cette ville n'était distante que de 6-7 miles (~10 km), et certains auraient voulu attaquer au plus vite.

Après s'être bien reposée, la lionne qu'était Vif quitta le camp en début de matinée, plus d'un jour après les combats. Elle partit vers l'est, comme la première fois, dans la direction supposée des troupes de Finduilas. Elle irait ensuite voir le camp de Dol Tinarë, avec Pelenwen, Pelendur et Bemakinda, puis passerait par le nord pour trouver Niemal et Minastir, et les troupes d'Arthedain. Elle serait sans doute absente plus d'une semaine : il fut convenu qu'elle aurait deux semaines pour accomplir son périple avant que ses amis ne s'inquiètent. Elle portait sur elle le petit sac qui avait déjà servi avec les parchemins rédigés par Drilun. Elle traversa la rivière au sud-est, puis disparut dans les bois sans un bruit.

Geralt et Narmegil eurent aussi à calmer les esprits et les ardeurs. Certains mercenaires prenaient un peu trop facilement les femmes-assassins pour autre chose que des guerriers. A leur décharge, il est vrai qu'elles étaient aussi autre chose, et jouer de leurs attributs physiques autrement qu'avec des armes faisait partie de leur formation. Mais les points furent mis sur les 'i' et les problèmes liés à la mixité restèrent limités. A peine quelques blessés légers pour aider certains à comprendre que les femmes pouvaient être aussi douées que les hommes au combat, et qu'elles savaient dire non si elles le désiraient...

Quant à Isis, le capitaine Nar lui demanda d'utiliser ses yeux, la nuit, et ses pouvoirs d'elfe, à tout moment, pour s'assurer que des ennemis n'approchaient pas. La longue-vue de Sîralassë et la position de la tour permettaient certes de se prémunir d'une attaque par surprise, mais l'homme restait prudent. L'ennemi disposait apparemment de sorciers, et certains orcs savaient se faire discrets. Également, l'elfe servit beaucoup à un sinistre nettoyage : les corps des ennemis étaient trop nombreux pour les brûler ou les enterrer, mais ils furent rassemblés en plusieurs tas plus faciles à surveiller. Isis y mit ensuite le feu, qu'elle attisa magiquement, afin de détruire leur matériel - ce qui n'avait pas été récupéré - et limiter le développement de maladie ou l'arrivée des charognards. Et de la terre fut ensuite jetée sur les corps en partie calcinés pour limiter encore plus les maladies ou d'éventuelles visites.

2 - Gardes et patrouilles
Car ces dizaines et dizaines de corps présentaient encore de l'intérêt pour certains. Si le matériel des mercenaires humains avait été récupéré pour servir ou vendre, et celui des orcs brûlés (à l'exception de quelques fioles de poison récupérées par les assassins), il restait de la viande non calcinée pour des charognards à deux pattes. Et à défaut d'attaquer leur prochain objectif, les nains de Khanli, assassins de Geralt et mercenaires du capitaine Nar devaient sécuriser la zone. Ils devaient donc repérer et éliminer toutes les patrouilles adverses qui oseraient s'approcher trop près, quels que fussent leurs objectifs : repérage, guérilla ou simplement ravitaillement... dont la récupération de charognes pour les orcs.

En journée, la longue-vue de Sîralassë faisait merveille. Mais les rares patrouilles humaines de l'adversaire restaient éloignées et s'occupaient surtout de garder les abords de la ville de Deveney, leur prochain objectif. Régulièrement, le soigneur elfe appelait également un rapace pour lui demander de surveiller la zone. L'information rapportée se limitait à des mouvements de troupe à l'est, mais cela concernait la zone où les armées de Finduilas devaient attaquer. En revanche, la nuit, les choses étaient tout autre, comme les assassins s'en rendirent compte.

Geralt, malgré qu'il en ait, participait à des patrouilles avec ses hommes chaque nuit. Lors de l'une d'elles, la nuit après le départ de Vif, il repéra un groupe d'orcs dans les collines qui semblait vouloir contourner la tour d'Esher. Ses dix assassins et lui se faufilèrent sans se faire repérer jusqu'aux orcs, au nombre d'une trentaine. Tandis que ses hommes prenaient place tout autour des orcs, Geralt, en grand maître de la discrétion, se faufila jusqu'aux premières créatures. De nombreux orcs étaient assez petits, et lorsque l'un d'eux s'arrêta pour renifler l'air, il comprit qu'il s'agissait de pisteurs, discrets et perceptifs : son odeur était en train de le trahir, ou celle de ses hommes...

Rapidement, il abattit un orc proche et il fut découvert. Mais les orcs autour de lui mirent un peu de temps à réagir et à le repérer tous pour de bon, ce qui lui permit d'en tuer encore quelques-uns. Après quoi ils l'entourèrent en hurlant : les premiers coups furent facilement évités grâce à sa rapidité et son excellente armure de cuir de dragon, mais cela risquait de ne pas durer. A ce moment, ses assassins, qui avaient pris le temps de viser pour ne pas le blesser, laissèrent filer leurs flèches. Les assaillants de Geralt tombèrent tous, et les autres orcs paniquèrent : la moitié des leurs étaient à terre et ils comprirent qu'ils étaient tombés dans une embuscade. Aucun ne survécut à la lame de Geralt ou aux flèches de ses hommes.

Il y eut encore une autre rencontre similaire, qui se passa de manière identique. De l'autre côté de la tour, plus à l'ouest, les nains avaient une tactique très différente mais qui semblait porter ses fruits elle aussi : ils patrouillaient eux aussi par dix, sans chercher à être discret. Au contraire, ils montraient clairement qu'ils étaient bien là et déterminés à y rester. Certains d'entre eux repérèrent quelques orcs au loin, mais toujours en train de fuir ou s'éloigner... Après quelques jours, les patrouilles nocturnes d'orcs cessèrent complètement, ou bien elles restèrent à une distance suffisante pour ne pas représenter de menace.

3 - Espionnage
Le camp tomba dans une certaine routine qui ne convenait trop à personne. Les blessés guérissaient rapidement - un seul était mort de ses blessures - et plus aucun ennemi ne menaçait directement la tour et ses environs. Geralt partait quand il le fallait récupérer des provisions à Chalnen et ses assassins et lui n'étaient jamais inquiétés. Les forces d'Ardagor restaient à distance prudente, sauf à deux endroits : du côté de Dol Ninden, à l'est, où les oiseaux envoyés par Sîralassë voyaient des armées s'affairer ; et à Deveney, au nord, où les paysans se dépêchaient de terminer les récoltes et de brûler ensuite la terre pour qu'elle ne serve pas d'abri ou de source de nourriture.

Des discussions eurent lieu dans une ambiance tendue voire conflictuelle. Certains étaient partisans de vite attaquer pour éviter que leurs ennemis n'engrangent trop de céréales et autres vivres. D'autres pointaient le risque d'une part de désorganiser l'attaque globale : il fallait faire un front uni pour gêner au maximum Ardagor, sans quoi il pouvait déplacer ses forces pour traiter un problème après l'autre ; et d'autre part, et Geralt ne fut pas le dernier à l'évoquer, le risque de mettre en danger de nombreuses familles de paysans ou de les transformer en nourriture pour orc ou troll.

Une semaine après le départ de Vif, il fut néanmoins convenu qu'il fallait en apprendre le plus possible pour préparer l'attaque sur Deveney. Geralt choisit trois groupes de dix assassins pour une mission de reconnaissance de la ville, mission à laquelle se joignirent Isis et Narmegil. Le matin du neuvième jour après le départ de la lionne, le groupe progressa à travers de nombreuses terres brûlées. La belle elfe utilisa sa magie pour que tous se fondent un peu mieux dans le paysage désolé. Le Dúnadan bénéficiait également du manteau de Drilun, qui rendait son porteur plus difficile à percevoir. En passant de restes calcinés de haies en restes calcinés de bosquets, ils arrivèrent tous à éviter les patrouilles ennemies et à se rapprocher à quelques portées de flèche des portes sud de la ville de Deveney.

Les sorts de la magicienne donnèrent quelques indications sur le nombre de personnes présentes et leur composition : Isis put ainsi "sentir" à travers le sol des centaines de femmes et d'enfants répartis dans trois bâtiments à l'ouest. Mais aussi autour d'une cinquantaine d'orcs réunis dans deux bâtiments à l'est, et autant d'hommes en armes aux alentours de la ville ou à l'intérieur. Sans parler de nombreuses autres personnes qui allaient et venaient des environs à la ville ou dans la ville même, sans doute des artisans et des paysans.

Mais il fallait en savoir plus. A l'aide de la longue-vue de Sîralassë que Geralt avait encore empruntée - il lui arrivait même d'oublier de la rendre - Isis mémorisa l'aspect d'un mercenaire d'Ardagor aux probables origines orientales. Puis elle prit magiquement son apparence, complétée par Geralt qui l'affubla d'équipement aux allures similaires. Lui-même se grima en mercenaire d'origine dunéenne comme de nombreux soldats humains d'Ardagor. Après quoi ils firent un large détour qui leur prit une heure environ, afin d'aborder la ville par le nord et son autre porte.

Discrets tous deux, ils ne se firent pas repérer, et ils arrivèrent sans mal à se mêler à un groupe de paysans chargés d'une récolte de céréales et accompagnés de quelques gardes. Arrivés à la porte nord, leurs talents d'orateur - magiquement stimulés pour la belle elfe - leur permirent d'entrer sans difficulté. Ils firent un tour chacun de leur côté - discrètement pour Geralt et plus ouvertement pour Isis - et se retrouvèrent au centre du village. Ils n'avaient pas perdu une miette de tout ce qu'ils avaient vu, et ils échangèrent leurs observations en tirant un peu d'eau du puits central pour se rafraîchir.

4 - Départ brusqué
Ce qu'ils avaient vu complétait parfaitement leurs observations extérieures. La ville était entourée d'une palissade qui devait mesurer autour de 500 m de long et 300 de large. La palissade, d'une hauteur de trois mètres, était érigée sur une butte de terre d'un mètre de haut qui rendait l'appui d'échelles problématique, et des pieux pointus dirigés vers l'extérieur rendaient le franchissement encore plus difficile. D'autant qu'une plate-forme couvrait tout le tour des fortifications et servait de chemin de ronde bien employé. Des tours de guet ou défense ponctuaient les angles et encadraient les deux portes de la ville.

Les bâtiments de stockage de nourriture ou d'hébergement des troupes (d'orcs ou d'humains) furent repérés, ainsi que les hangars où vivaient de nombreuses familles. Elles ne semblaient pas particulièrement gardées mais faisaient plutôt penser à des groupes de réfugiés. Mais les portes de la ville étant fermées et gardées, cela ne changeait pas grand-chose. Les femmes et les enfants devaient servir d'otage pour s'assurer que les hommes ne chercheraient pas à s'enfuir mais resteraient motivés pour revenir. Des artisans vaquaient à leurs occupations sans avoir l'air trop déprimés, mais tous évitaient soigneusement les anciennes écuries où vivaient - bruyamment - les orcs, que l'on entendait régulièrement se battre...

Tandis que les deux amis échangeaient ainsi, ils virent venir à eux un guerrier à l'air important accompagné de deux gardes. Isis fut interpellée la première et elle comprit vite que l'homme, qui devait être le capitaine, la prenait pour celui dont elle avait pris l'apparence. Elle ne broncha pas quand il la réprimanda sèchement et la renvoya vers les portes sud et son poste, où elle se dirigea lentement. Pendant ce temps, elle entendit la voix méfiante du capitaine qui interrogeait Geralt pour essayer de comprendre qui il était vraiment et ce qu'il faisait là.

Le chef des assassins eut beau jouer le mercenaire lambda qui va là où on lui dit, il ne savait pas assez de choses sur la vie du camp pour répondre correctement à la batterie de questions à laquelle il était soumis. Bientôt le capitaine hurla à l'espion en mettant la main sur son arme. Mais il ne dit jamais plus rien d'autre : rapide comme l'éclair, Geralt sortit son épée et lui trancha la tête comme il savait si bien le faire. Puis il courut dans une ruelle tandis que divers gardes se lançaient à sa poursuite. Il était rapide et discret mais il ne connaissait pas les lieux, et d'ici peu il risquait d'être noyé sous le nombre.

Tandis que l'assassin abattait une nouvelle personne, Isis se rapprochait de la porte et demandait à ce qu'on lui ouvre afin de rejoindre les autres gardes à l'extérieur - dont son sosie qu'elle appréhendait de rencontrer de près. Le garde s'apprêtait à lui ouvrir quand une voix forte lui fit oublier son geste : un garde hurlait que l'intrus était dans la tourelle, si convaincant que tout le monde se dirigea dans cette direction. L'elfe ajouta à la confusion en faisant s'enflammer le toit de chaume d'un bâtiment proche, et les appels au feu jaillirent à leur tour dans l'air de la ville. Les gardes arrivés à la tour constatèrent que l'intrus n'y était pas : Geralt, qui avait lancé cette fausse piste, s'était en effet mêlé aux autres gardes - qui se souvenait de lui ? - avant de monter sur le chemin de ronde et de sauter de l'autre côté... Bientôt les gardes sur la tour sud-est le virent s'enfuir et donnèrent l'alarme tout en bandant leurs arcs.

Isis arriva enfin à sortir tandis que les flèches commençaient à pleuvoir sur son ami, heureusement rapide et bien protégé par son armure. Mais des gardes lui bloquaient le passage et d'autres sortaient de la ville, arc et flèche à la main. Tandis que son ami faisait sauter quelques têtes et recevait - sans grand mal - de nouvelles flèches, l'elfe appela sa magie à elle pour faire se lever un épais brouillard. Rapidement, depuis la rivière toute proche, d'épais bancs de brume se déversèrent sur le sol et noyèrent le paysage dans un gris uniforme qui bloquait la vue à une vingtaine de mètres. Isis et Geralt purent ainsi rejoindre leurs amis sans trop de mal et tous firent demi-tour vers Barad Esher.

5 - Premières tribulations d'une lionne
Le soir même, tandis que les esprits s’échauffaient et envisageaient déjà tous les angles d'attaque possibles sur Deveney, la lionne qu'était Vif fit irruption dans le camp après avoir déjoué la surveillance des gardes. Elle portait toujours la sacoche adaptée à sa morphologie grâce aux bons soins de Drilun afin de transporter des messages. Et tandis que certains lisaient les documents écrits à leur attention, Isis et Sîralassë utilisaient leur magie afin de parler avec elle et d'en faire profiter leurs amis. Et il y avait beaucoup de choses à raconter.

Vif était donc partie vers l'est, le plus discrètement possible, donc assez lentement. Après avoir traversé les bois qui longeaient la rivière, elle avait abouti non loin de la ville de Dol Ninden qui connaissait une assez forte activité. Globalement, en plus de nombreuses patrouilles tant diurnes que nocturnes, un certain nombre de régiments semblaient se diriger vers Balost et les probables forces de Finduilas, tandis que des paysans chargés de céréales et de biens divers allaient dans l'autre sens.

Poursuivant son chemin parallèlement à la route, elle avait fini par distinguer au loin, dans la nuit tombante, le camp des forces de Finduilas. Au passage, elle avait repéré quelques camps ennemis, en particulier celui d'un groupe de wargs montés, en observation sur une colline proche. La nuit étant bien avancée, elle était arrivée sans trop de mal, si discrète était-elle, à approcher du camp de ses alliés sans se faire repérer, et à sauter sans bruit par-dessus la barrière de pieux qui servait de défense. Elle avait repéré ensuite la tente de Finduilas et avait fait sursauter les gardes de faction en s'approchant, tout en miaulant affectueusement...

Les gardes n'avaient pas mal réagi, heureusement, et la princesse de Dol Calantir avait vite reconnu cette "envoyée des elfes". Après avoir légèrement réprimandé les gardes mais rappelé de ne pas toucher à la lionne, elle avait lu le document qui lui était destiné, voire d'autres. Puis elle avait raconté et écrit ce qui s'était passé : ses troupes avaient pris encore un peu de retard suite à de nouveaux sabotages, mais la surveillance à présent très stricte donnait de bons résultats, même si elle ralentissait leur progression. Un tiers de leurs vivres avait dû être jeté, mais ce n'était pas gênant pour le moment. Finduilas pensait que Dol Ninden serait attaquée d'ici deux semaines, et qu'il fallait attendre afin que les troupes de Narmegil attaquent en même temps que les siennes.

Le groupe de la "Main Écarlate" dépêché auprès de Finduilas donnait satisfaction, même si l'intégration posait parfois problème. Le chef du groupe fut enchanté d'avoir des nouvelles de son chef, même s'il fallut lui lire le parchemin qui lui était destiné car il ne maîtrisait pas trop bien la lecture. Par divers signes de patte et de tête, Vif donna aussi quelques indications sur les troupes adverses qu'elle avait repérées. Puis elle demanda à manger, ce qu'elle obtint sans problème, et elle s'installa pour dormir. Elle repartit en fin de journée, fraîche et dispose, en direction du camp de Dol Tinarë, au nord.

6 - Au nord, à l'est et à l'ouest
Le trajet n'avait posé aucun problème : très à l'aise en nature et ayant bien étudié les cartes auparavant, Vif aurait eu du mal à se perdre, d'autant qu'elle était déjà passée par là. Au cours de son voyage, elle avait débusqué également une patrouille de ravitailleurs orcs et en avait fait son affaire, tout en profitant de leur chasse pour s'offrir un bon déjeuner. La deuxième nuit après être partie, elle était arrivée aux alentours du fortin de Delbarad, cible des forces de Dol Tinarë, accompagnées par Pelenwen et son frère Pelendur, Bemakinda, et leurs quelques hommes. Les alliés avaient monté leur camp de l'autre côté de la rivière proche du fortin, et l'attaque semblait imminente.

Là encore, la lionne était arrivée de nuit et s'était jouée des gardes, mais elle avait vite été reconnue lorsqu'elle s'était montrée. Pelenwen et Pelendur savaient qui elle était vraiment, ce qui facilitait les échanges, et tous avaient lu, écrit ou fait part des dernières nouvelles : l'attaque était prévue pour le lendemain, tout allait à merveille. Bemakinda piaffait d'impatience de se frotter au troll de guerre qui avait été repéré, et beaucoup pensaient que l'assaut ne poserait pas de problème. Les assassins donnaient encore satisfaction là aussi, et ils s'intégraient mieux aux troupes grâce aux efforts de Pelenwen et son frère qui connaissaient leurs origines.

Vif n'était donc pas restée plus longtemps, d'autant qu'elle avait déjà bien mangé. Après avoir donné quelques indications sur les troupes qu'elle avait repérées, elle s'était éloignée vers le nord puis l'ouest. Évitant divers groupes d'orcs, elle avait trouvé un bois dans lequel se reposer. Puis elle était repartie, notant soigneusement les traces et indices de présence des armées ou patrouilles adverses. L'endroit était assez sauvage néanmoins, et sa progression avait été lente mais régulière. Elle avait ainsi pu atteindre un nouveau bois sans avoir fait de rencontre particulière.

Ayant progressé au plus profond des bois, de nuit, elle avait néanmoins été avertie par ses sens extrêmement fins qu'elle s'approchait d'un groupe armé en bordure de forêt. Comme il lui avait semblé entendre des loups, elle avait pris la précaution de se rouler dans des herbes odorantes ou dans de la boue afin de pouvoir approcher sans se faire repérer par son odeur. S'approchant même encore plus près dans l'eau d'une rivière proche, elle avait en fait pu distinguer deux armées : une cinquantaine de cavaliers humains chevauchaient non loin d'un nombre équivalent d'orcs montés sur de gros loups - des wargs.

Les deux groupes avançaient de concert, en parallèle, et leurs chefs se réunissaient de temps en temps pour se coordonner. Ils étaient alliés et servaient sans nul doute Ardagor, et leur objectif paraissait évident : au loin, elle arrivait à distinguer les feux d'un camp, sans doute celui du prince Minastir et des troupes d'Arthedain. Elle avait pensé à aller prévenir ses alliés de cette embuscade nocturne, quand elle vit, loin au-dessus d'eux, un rapace nocturne parfaitement silencieux filer en direction du camp. Connaissant Niemal, elle avait souri intérieurement et avait changé ses plans. Elle allait bien s'amuser...

7 - Charge nocturne
Les armées d'Ardagor avançaient silencieusement en direction du camp. Le vent venait de l'ouest, ce qui arrangeait tout à fait la lionne qui progressait derrière ses ennemis, à l'est donc. Elle se tenait plus près des cavaliers humains, d'une part pour que l'odeur des chevaux masque la sienne, d'autre part car c'était sa cible prioritaire. Tout en progressant, il lui avait semblé percevoir, mais très faiblement, une activité légère près du camp de ses amis. Elle devinait parfaitement les troupes d'Arthedain se préparant au combat, silencieusement, dans la lumière de la lune.

Alors que le camp d'Arthedain n'était plus qu'à quelques portées de flèche, les choses s'étaient brusquement précipitées. De derrière un repli de terrain, la cavalerie de l'armée royale d'Arthedain avait chargé droit sur les orcs, les plus proches, tandis que l'infanterie, plus éloignée, apparaissait d'un autre côté. Les orcs se mirent à hurler et les wargs foncèrent sur les cavaliers, mais ils furent les seuls : les mercenaires d'Ardagor n'avaient pas eu le temps de faire avancer leurs chevaux qu'un fauve rugissant était tombé parmi eux, semant la panique parmi les chevaux.

La surprise et les griffes acérées de la lionne avaient ainsi désarçonné la moitié des cavaliers. Par la suite, elle n'avait pas eu beaucoup de mal à éviter les attaques et à faire tomber les cavaliers qui essayaient de s'en prendre à elle : malgré la clarté du ciel et la lune présente, les hommes étaient handicapés, contrairement à elle. Et ils avaient du mal à maîtriser leurs montures qui étaient affolées - avec raison - par l'odeur de ce fauve. De plus, l'infanterie d'Arthedain s'apprêtait à arriver sur eux, tandis que là-bas, les orcs montés se faisaient mettre en pièces.

Le résultat de la bataille avait été éloquent : tous les orcs et les wargs avaient été tués, ainsi qu'une majorité de mercenaires, et un certain nombre de chevaux avaient pu être récupérés. En face de cela, les armées d'Arthedain n'avaient eu que quelques blessés légers à déplorer, et une égratignure ou deux, voire quelques poils en moins pour la lionne... une bien belle victoire. Niemal était présent, bien sûr, et le prince Minastir connaissait l'identité réelle du félin qui se trouvait devant lui. Les deux hommes, tout en restant discrets, avaient donc pu facilement discuter avec Vif et échanger des nouvelles.

Le prince avait été encore retardé par des problèmes de ravitaillement : les bandits qui dressaient des embuscades, tant des orcs que des humains, ne pouvaient pas ne pas être au courant des trajets et dates exactes des convois. Il devait donc régulièrement utiliser une partie de ses hommes pour escorter certains convois, ce qui les avait ralentis, et Niemal ne pouvait pas trouver de la nourriture pour toute la troupe. Par la suite, Minastir hésitait entre la réalisation d'un camp bien fortifié d'où mener ses expéditions, en particulier vers la ville d'Edirey, son objectif ; ou attaquer tout de suite la ville et monter son camp ensuite. Mais cela lui faisait moins souci, comme à Niemal, que de savoir que de la traîtrise était à l’œuvre quelque part.

Vif avait hésité à aller débusquer les bandits et orcs, d'autant que Niemal lui avait dit que les fils d'Elrond étaient partis pour prévenir leur père de la découverte de la sœur de Sîralassë aux mains d'Ardagor. Mais la tâche l'aurait trop retardée, elle devait rejoindre ses amis rapidement à présent. Après s'être reposée, et le temps pour Niemal de rédiger un parchemin pour Narmegil et ses amis, elle était repartie vers le sud. Elle était passée près de Deveney encore en émoi, et avait continué pour arriver enfin à Barad Esher, au terme d'un petit périple qui avait duré neuf jours.

8 - La fin du chat
Le retour de Vif ravit de nombreuses personnes, et en particulier certains va-t-en-guerre. Une idée commençait effectivement à germer qui semblait pouvoir concilier de nombreux intérêts : le maintien de troupes à Barad Esher et la prise de Deveney sans mettre les otages en danger. Il fallait en effet attendre l'attaque des forces de Finduilas avant de se ruer sur Deveney, afin d'être constamment une menace pour les troupes d'Ardagor stationnées à Dol Ninden, distante d'une bonne douzaine de miles (~20 km).

L'idée était la suivante : nul besoin de toutes leurs armées pour prendre Deveney : à l'aide d'une brume invoquée par Isis, Geralt, Vif et Narmegil pouvaient entrer subrepticement dans la ville et éliminer les défenseurs tout en protégeant les otages. Avec leurs compétences, leur magie et leur équipement, ils étaient presque invulnérables sauf face à une force coordonnée d'adversaires de qualité - ou face à la magie. Toutes choses qui manquaient ici. Certains trouvaient que les risques restaient importants pour les otages : et si les mercenaires ou les orcs mettaient le feu à la ville ? Mais les pouvoirs d'Isis sauraient aider à lutter à ce moment-là...

Néanmoins, la Femme des Bois, par l'intermédiaire des elfes, annonça qu'elle devait d'abord reprendre forme humaine, et se reposer avant de se retransformer : cela faisait plus d'un mois qu'elle était sous sa forme féline, et si elle continuait ainsi, le chat en elle risquait de la dominer et elle pourrait perdre son humanité. Elle était donc d'accord pour participer, mais après au moins deux-trois jours qui lui étaient nécessaires pour s'occuper d'elle. Tous furent d'accord avec cela, et il fut déclaré officiellement que la lionne allait repartir en mission - Vif resterait isolée pour ses transformations et son repos - et que l'assaut prendrait place ultérieurement.

Ce qui fut fait. Vif alla dans les bois, où elle reprit forme humaine. Fatiguée par sa transformation, elle se reposa longuement, aidée par la magie de Sîralassë. Après un peu plus d'une journée, quand elle sentit qu'elle avait recouvré ses forces et que les conditions étaient idéales, elle décida de reprendre forme féline. Son ami soigneur l'accompagnait, au cas où quelque chose de spécial arriverait : la magie d'où Vif tirait ses pouvoirs était quelque chose de mystérieux, qu'elle ne maîtrisait pas toujours, et les soins magiques du Noldo pouvaient l'aider en cas de besoin.

Mais dans la nuit, le soigneur revint seul, sans Vif : il annonça que quelque chose était arrivé, quelque chose qui remettait un certain nombre de leurs plans en question. Vif n'avait pas pu se transformer en lionne. Mais pire que ça, elle semblait à présent dépourvue de tous ses pouvoirs si particuliers : elle ne sentait plus le chat en elle, et les pouvoirs de l'elfe n'avaient rien pu y faire. La Femme des Bois était effondrée : c'était la première fois qu'une telle chose lui arrivait, c'était une partie d'elle-même qui avait disparu ! Elle était restée dans les bois, ne sachant que faire et espérant que le chat en elle finirait par revenir, peut-être...

9 - Flottements
Si Narmegil envisagea de maintenir l'expédition sur Deveney avec juste Geralt et lui pour infiltrer la ville, il ne fut pas suivi par tous : comment tout à la fois assurer la protection des otages et éliminer les troupes d'Ardagor à seulement deux personnes ?!? Le capitaine Nar, militaire jusqu'au bout, n'était pas non plus d'accord pour entamer une action sans coordination avec les troupes proches de Finduilas. Et puis, si certains regrettaient la disparition du formidable félin magique parmi eux, quelques-uns, comme Isis ou Sîralassë, pensèrent quand même au choc que cela devait être pour Vif et tâchèrent de la réconforter par quelques mots et signes d'amitié...

Tandis que la Femme des Bois restait à l'écart, la tension montait entre les autres aventuriers, incapables de se mettre d'accord. Certains voulaient aller attaquer Deveney ; d'autres auraient préféré aller voir du côté de Dol Ninden pour faciliter l'arrivée de leurs alliés ; certains étaient partisans d'attendre... Au bout du compte, il fut convenu de continuer les patrouilles, mais plus en direction de l'est cette fois. En fait, exaspéré par ces discussions, Geralt avait pris de lui-même l'initiative de prendre des assassins avec lui pour aller voir le terrain autour de Dol Ninden et voir ce qui pourrait éventuellement être fait.

De son côté, comme son chat ne revenait pas, Vif avait dû se décider à rentrer au camp, sous le prétexte qu'elle revenait de mission. Mais elle retournait néanmoins en forêt dans l'espoir qu'il se passerait quelque chose qui lui permettrait de renouer avec la partie d'elle-même qui lui faisait défaut. Elle attendait donc quelque chose... ou quelqu'un. Certains soupçonnèrent d'ailleurs Tina/Tevildo, même si Vif déclara ne pas l'avoir perçu. Sîralassë avait cherché un félin en forêt mais n'avait rien trouvé. Intrigué, il appela un oiseau qui lui apprit qu'il y avait quelque chose dans les bois qui lui faisait peur. Un autre oiseau précisa les choses : un lynx blanc était présent, et il se dégageait de lui une menace qui faisait fuir les animaux... sauf les félins.

A la nuit, les assassins revinrent à Barad Esher, sans leur chef qui avait décidé de rester seul afin d'observer ce qui se passait de nuit. Ils avaient réussi à approcher à quelques portées de flèches de Dol Ninden, mais il était impossible de s'approcher plus : en dehors des nombreuses patrouilles, le terrain avait littéralement été nettoyé de tout ce qui pouvait bloquer la vue, rochers et herbe compris ! La ville semblait se préparer à une attaque prochaine, et des combats avaient déjà eu lieu, au vu des blessés qui revenaient sur la route. Par ailleurs, un convoi de nourriture ou autres marchandises, portées à dos d'homme - par des paysans selon toute vraisemblance - prenait la direction du nord, vers Creb Durga ou une autre forteresse proche.

Les assassins rapportèrent aussi qu'un camp fortifié avait été monté non loin de Dol Ninden - à deux miles (~ 3 km) peut-être, et rempli d'orcs. Geralt revint plus tard dans la nuit et apporta d'autres précisions sur ce camp : selon lui, il abritait au moins une centaine d'orcs qui s'occupaient des patrouilles nocturnes et surveillaient les convois de marchandise. Mais également, il avait vu au loin les lumières d'un grand camp : les troupes de Finduilas n'étaient pas loin, leur attaque était sans doute imminente : un, deux, trois jours ?

10 - Donner son âme au chat
Une journée de plus fut consacrée encore à attendre, se préparer, et ronger son frein. Plusieurs aventuriers passèrent du temps en forêt, avec Vif, tout en discutant de Tina/Tevildo et du sort à lui réserver un jour, peut-être... Quand brusquement, la Femme des Bois se rendit compte qu'un lynx - non blanc - la regardait non loin dans les bois. Sans aucun doute, le seigneur des chats l'invitait à venir la voir : dès qu'elle approcha du félin, ce dernier commença à s'éloigner un peu plus loin, sans se presser. Vif déconseilla à ses amis de l'accompagner : le lynx blanc souhaitait la voir seule, et il était dans son élément. Isis rappela à son amie qu'elle avait déjà une dette envers lui, et que vendre son âme n'était pas la solution. La Femme des Bois acquiesça, puis elle les quitta silencieusement.

Une heure après peut-être, certains magiciens du groupe sentirent une magie puissante au fond des bois. Sîralassë en particulier, qui était resté en arrière, vit son amie arriver après un moment, sous forme de lionne. Elle revint avec lui au camp, l'air fatiguée et abattue, comme souvent après ses transformations. Elle annonça à ses amis elfes qui pouvaient lui parler qu'elle avait accepté un nouveau service, plus tard, pour le compte de Tina. Un service qui ne mettrait pas en danger les peuples libres, directement ou non. Et Tina l'avait "soignée" et elle avait retrouvé le chat en elle. Épuisée, elle laissa Sîralassë lui jeter un sort de soin et elle tomba dans un profond sommeil réparateur.

Mais les elfes ne traduisirent pas l'histoire à leurs compagnons, malgré la demande de Drilun. Il se rendit donc sur-le-champ en forêt, après avoir pris du trèfle de lune, pour trouver magiquement ce qu'on omettait de lui dire. Sa magie ne lui permit pas de voir grand-chose d'intéressant à partir de quelques traces repérées : des allées et venues de son amie et d'un lynx, et c'était à peu près tout. Il chercha également à percevoir magiquement des présences dans les environs, mais il ne trouva rien : ou bien sa magie était bloquée, ou bien ceux qu'il cherchait étaient dans les arbres et ne faisaient aucun bruit au sol, dont les vibrations étaient rapportées par son sortilège. Dépité, il reprit le chemin du camp.

Mais il n'alla pas loin. Il vit tout d'un coup le lynx blanc sur une branche devant lui, et il se rendit vite compte que des ombres félines l'entouraient. Peut-être une dizaine pour ce qu'il pouvait voir, sans doute juste des lynx et des chats sauvages. Il sortit sa dague de son fourreau, lorsqu'il vit Tina descendre de son arbre et se diriger vers lui, lentement, comme un félin s'approche de sa proie... tandis que les autres félins en faisaient autant, tout autour de lui. Le regard fixe du lynx blanc posé droit sur lui, il sentit une influence dans sa tête mais il la repoussa avec un effort. Les félins se rapprochèrent encore, jusqu'à un mètre de lui...

Au camp, malgré le sort puissant que le soigneur avait lancé, Vif fut immédiatement réveillée : on l'appelait dans les bois. Pestant après Tina/Tevildo, elle sortit en courant du camp et sauta par-dessus les fortifications. Elle franchit la rivière proche et pénétra dans les bois de l'autre côté. Quelque temps après, ses amis la virent revenir au camp, portant ou traînant le corps de leur ami. Ses vêtements étaient déchirés et imbibés de sang, il semblait dans un profond coma, et pourtant... il ne portait aucune blessure ! En revanche, il arborait de nombreuses cicatrices nouvelles, comme de griffures nombreuses et profondes... et celle d'une lame de couteau au niveau de la gorge.

Vif raconta qu'elle avait trouvé le corps dans cet état-là, comme s'il avait eu de nombreuses blessures et avait été instantanément guéri. Il y avait semblait-il eu un combat, mais Tina l'avait soigné. Au petit matin, comme il ne se réveillait toujours pas, Sîralassë utilisa sa magie des soins et le Dunéen se réveilla enfin. Il expliqua alors ce qui s'était passé, et qu'il n'avait pensé qu'à une seule solution pour échapper aux chats... se suicider. Ses souvenirs de la rencontre restaient flous, mais encore plus ses sentiments à l'égard du félin blanc. Il aurait dû le détester ou le craindre, mais il ressentait néanmoins une certaine gratitude pour l'avoir soigné et laissé en vie. Mais sa raison lui disait qu'il n'était plus le même et que de la même manière que Tevildo avait une certaine influence sur Vif ou Míriel, lui aussi était désormais marqué.

Plus tard, à un moment de moindres tensions, l'archer dunéen vit venir à lui la magicienne. Elle commença par le gifler - sans y mettre trop de force - en lui expliquant que ça, c'était pour avoir essayé de se suicider face au félin. Ensuite, elle le prit dans ses bras pour lui faire comprendre qu'elle était heureuse de le voir en vie. Malgré les problèmes qu'ils avaient à affronter, elle tenait à lui témoigner à quel point ils formaient une équipe et que ce qui l'affectait les affectait tous. Et qu'on pouvait plus facilement trouver des solutions à plusieurs... En attendant, Drilun demanda à Sîralassë de lui confectionner un onguent pour masquer sa nouvelle collection de cicatrices. Contrairement à beaucoup de son peuple qui les arboraient fièrement, il ne tenait pas trop à ce qu'elles soient visibles toute sa vie. Également, l'archer se fit expliquer tout ce que Vif avait dit de ses conversations avec Tina. Il médita sur le fait qu'apparemment, il avait réagi comme l'être magique l'avait souhaité...

11 - Armée en marche
Le retour du félin relança la discussion sur l'attaque de Deveney. Fallait-il infiltrer la ville à quelques-uns ? Mais plusieurs objectèrent que la présence de Tina changeait tout, il fallait être plus prudent. Maintenant que l'armée de Finduilas était toute proche, ne fallait-il pas lancer l'attaque avec toutes leurs troupes dès le lendemain ? Ce à quoi il fut répondu - le capitaine Nar en particulier - que la présence proche de l'armée de Dol Calantir ne voulait pas forcément dire une attaque dès le lendemain. Ce même capitaine était d'ailleurs lui aussi opposé à une infiltration-surprise, en raison du risque pour les otages, mais il s'en lavait les mains si Narmegil en prenait la responsabilité.

Au bout du compte, le groupe arriva enfin à une décision claire : des hommes de la Main Écarlate iraient porter un message à Finduilas pour coordonner leurs deux armées. A la suite de cela, les armées attaqueraient le même jour. Pour les troupes de Geralt, Khanli et du capitaine Nar, sauf les mercenaires laissés à la tour d'Esher, cela voulait dire marcher sur la ville de Deveney voire peut-être pour certains sur Dol Ninden. La ville de Deveney serait assiégée, et des négociations seraient tentées afin d'entrer dans la ville sans combat et sans mettre la vie des otages en danger.

Les assassins de Geralt partirent peu de temps après, passant à bonne distance de Dol Ninden et ses patrouilles. Ils revinrent après moins d'une journée, avec la réponse de la princesse de Dol Calantir. L'armée de Finduilas était prête, mais l'attaque aurait seulement lieu le surlendemain. La princesse était confiante et ne souhaitait aucune aide pour prendre Dol Ninden. Narmegil et ses amis avaient donc deux nuits et une journée pour se préparer, ainsi que leurs troupes. Le camp serait levé à l'aube, et la ville de Deveney serait sans doute atteinte dans la matinée.

Ce qui fut fait. Par une matinée claire et qui s'annonçait chaude, la troupe leva le camp : trente nains, près de quatre-vingt assassins de la "Main Écarlate", et environ quarante-cinq mercenaires - les "Hacheurs" du capitaine Nar - marchèrent vers le nord avec tout leur équipement, leurs provisions, des mantelets et un bélier pour faire le siège de la ville. La matinée était bien avancée quand ils arrivèrent enfin, faisant fuir les patrouilles qui se réfugièrent vite derrière les fortifications. Des troupes furent envoyées au nord afin que les deux portes fussent surveillées et toute tentative de fuite impossible.

La magie d'Isis et Drilun confirma la présence des troupes déjà détectées auparavant : une cinquantaine de mercenaires et autant d'orcs. Sans compter de nombreuses familles et autant d'otages potentiels. Une délégation avança alors vers la porte sud. Elle était composée de Narmegil, monté sur Vif sous forme féline, et il tenait à la main sa lance au bout de laquelle avait été fichée la tête de l'olog abattu dans l'attaque contre leur camp, près de Barad Esher. Geralt, Drilun, Bourrin et Sîralassë les accompagnaient. Ils approchèrent de plus en plus des fortifications, en haut desquelles une trentaine d'archers humains les visaient, flèche encochée.

12 - Diplomatie
S'approcher autant pouvait paraître risqué, mais le risque était calculé : d'une part, Narmegil et ses amis étaient bien protégés par leur magie et leur équipement ; d'autre part, le but était de faire clairement entendre aux troupes d'Ardagor qu'elles étaient largement surclassées et qu'elles n'avaient aucune chance. Il s'agissait donc de démarrer les manœuvres diplomatiques en sapant le plus possible le moral de l'adversaire afin de garantir sa reddition. La tête de troll en était le parfait symbole, et elle valait bien un drapeau blanc... en nettement plus menaçant.

A une cinquantaine de pas, un mercenaire leur ordonna d'arrêter, ce qu'ils firent, et leur demanda ce qu'ils voulaient. Narmegil prit alors la parole et exposa les faits de la manière la plus claire et froide possible : Deveney serait repris, cela ne faisait aucun doute. Les autres troupes d'Ardagor étaient attaquées ce même jour et personne ne viendrait à leur secours. Non seulement les troupes de Narmegil disposaient de guerriers puissants et bien équipés, mais ils avaient également des elfes et mages parmi eux, comme certains avaient déjà pu le constater lors de leur précédent passage. Et donc, afin d'éviter de verser du sang inutilement, le Dúnadan demanda aux mercenaires d'Ardagor de se rendre.

Ces derniers - du moins un lieutenant qui devait servir de capitaine en remplacement de celui que Geralt avait tué - répliquèrent qu'ils disposaient de centaines de paysans, dont une grande partie de femmes et d'enfants. Attaquer la ville serait signer leur arrêt de mort. Ce à quoi Narmegil répondit que les laisser aux mains d'Ardagor signifiait aussi leur arrêt de mort, comme esclaves voire nourriture pour orcs et trolls. S'ils étaient mis à mort, aucun mercenaire ne repartirait vivant. En revanche, s'ils se rendaient, le Dúnadan leur promettait la vie sauve. Bien sûr, il ne pouvait aucunement prouver qu'il tiendrait son engagement, si ce n'est qu'il leur promettait sur son honneur. Et lui était bien quelqu'un à respecter sa parole, contrairement à d'autres dirigeants...

Le capitaine des mercenaires par intérim demanda un délai pour discuter de cette proposition avec ses collègues. Après un moment, un battant de la porte sud s'ouvrit et trois hommes en sortirent, dont l'un qui portait un drapeau blanc. Ils s'approchèrent de Narmegil et ses amis et discutèrent avec eux à voie basse, de manière à ce que personne en dehors de leur petit groupe ne puisse entendre. Ils avouèrent qu'ils étaient tombés d'accord pour se rendre, encore fallait-il savoir à quelles conditions. Et les orcs ne l'entendraient pas de cette oreille.

Le noble Dúnadan précisa alors les termes de la reddition. Les hommes auraient non seulement la vie sauve, mais également la liberté. Ils devraient remettre leurs armes aux vainqueurs et promettre de ne plus jamais se battre pour des pareils à Ardagor, sans quoi il n'y aurait plus aucune pitié. Ils pourraient même prendre un peu de nourriture et d'équipement et ils partiraient sur-le-champ sur les routes du sud. Les orcs, quant à eux, seraient massacrés jusqu'au dernier, si possible avec le minimum de souffrance. Restait encore à voir comment.

Après discussion, une solution à ce problème fut proposée : les mercenaires devaient convaincre les orcs de participer à une sortie contre Narmegil et ses amis, qui resteraient proches de la porte, et les armées à distance. Pour les orcs, il s'agirait de couper la tête de l'armée adverse, tête imprudemment approchée de leurs ennemis. Les mercenaires étaient étonnés, mais Narmegil les assura que les orcs ne pourraient rien contre eux. Néanmoins, les hommes d'Ardagor proposèrent, après avoir laissé sortir les orcs par la porte, de refermer cette même porte derrière eux... et de laisser les archers sur les fortifications leurs tirer dans le dos.

13 - Libération
Les mercenaires tinrent parole : les orcs sortirent peu après en hurlant et se précipitèrent sur le Dúnadan et ses amis. Les armées qui attendaient plus loin avaient été prévenues et avaient reçu la consigne de ne pas intervenir. Les portes se refermèrent sur le dernier orc, et le massacre put commencer. La moitié tomba sous les flèches des ex-mercenaires d'Ardagor, et les autres furent balayés par les griffes de Vif, la lance de Narmegil, l'épée de Geralt ou celle de Drilun, ou encore la hache de Bourrin. En une vingtaine de battements de cœur, il n'y eut plus aucun orc vivant dans les environs.

Les mercenaires lancèrent alors leurs armes par-dessus la palissade et ils ouvrèrent grand les portes. Les troupes de Narmegil entrèrent et furent accueillies avec une immense ovation et une joie plus que palpable par les ex-otages et familles de paysans. Les mercenaires d'Ardagor filèrent doux et tâchèrent de se faire oublier, mais deux incidents gâchèrent la libération. Tout d'abord, certains hommes du capitaine Nar commencèrent à profiter de leur statut de vainqueur pour s'octroyer certains bénéfices directement sur le dos de la population juste libérée. Et en parallèle, une femme cria sa haine pour les mercenaires d'Ardagor qui avaient maltraité sa famille et elle, et elle réclama leur mort en échange des viols qu'elle avait subis. Et elle ne fut pas la seule à crier ainsi.

Les hommes du capitaine Nar qui souhaitaient se défouler sur les femmes qu'ils venaient de libérer en furent pour leurs frais : tandis que Vif se mettait à rugir et qu'Isis mettait le feu à un pantalon baissé trop près d'elle, Narmegil réprimandait vertement le capitaine Nar pour le manque de tenue de ses hommes. Geralt, lui, assomma un des agresseurs et promit un châtiment rapide et douloureux à ceux qui persévéreraient, allant jusqu'à la perte possible de la partie de leur anatomie qui leur posait problème. En ajoutant que ce ne serait peut-être rien comparé à ce que les femmes de la Main Écarlate, Isis ou la lionne leur réservaient. Le feu de certains fut ainsi étouffé aussi vite qu'il s'était allumé...

Pour répondre aux désirs de vengeance qui s'élevaient de plus en plus nombreux dans la foule, plusieurs voix se firent entendre qui arrivèrent à calmer le jeu. Drilun, par exemple, rappela que la vie des ex-otages n'avait tenu qu'à une décision de ces mêmes mercenaires qui auraient pu préférer le combat et la mort pour beaucoup. Nombreux étaient donc ceux qui leur devaient la vie, d'une certaine manière. Il était vain de vouloir revenir sur le passé, seul l'avenir comptait désormais. Narmegil avait donné sa parole et il comptait qu'elle fût respectée.

Les ex-mercenaires d'Ardagor furent donc autorisés à prendre un peu de nourriture avant de partir sans être molestés ou inquiétés. A cela, Narmegil ajouta une pièce de bronze à chacun pour les encourager à trouver de bons employeurs la prochaine fois. Il demanda aussi à Vif d'aller porter un message à Barad Esher pour expliquer ce qui s'était passé et dire de laisser les mercenaires désarmés partir tranquillement vers le sud. Chose que la lionne exécuta sans faillir : en une heure elle avait porté le message et était revenue.

14 - Dol Ninden
Si certains se laissaient aller à la joie de la libération, d'autres avaient encore l'esprit enflammé par les combats possibles. Il était juste midi, et les combats à Dol Ninden entre les troupes d'Ardagor et celles de Finduilas faisaient peut-être encore rage. Mais si la route était bonne et sans possibilité de se perdre, elle était longue également - près d'une vingtaine de miles (~30 km). Et à part Vif, les autres n'avaient que deux pattes à leur disposition. A pied, ils arriveraient certainement après la bataille...

Geralt, plein d'entrain et ayant oublié toute flemme, proposa alors à la lionne de le prendre sur son dos et de partir au plus vite. Elle accepta, et malgré le poids de l'assassin elle fila à grande allure sans trop se fatiguer. Derrière elle les suivirent quelques-uns de leurs amis qui avaient trouvé des montures pour les porter : Drilun tout d'abord, qui à force allait finir par devenir un bon cavalier ; Narmegil ensuite, qui ménageait sa monture en raison de son propre poids ; et Bourrin, grand amateur de combats, qui avait trouvé une mule pour le porter.

La lionne et son cavalier arrivèrent juste à temps pour voir un événement majeur de la bataille. Les forces de Finduilas avaient pris position près de la ville quand les forces d'Ardagor avaient fait une sortie, menées par un troll de guerre (olog). Ce dernier avait commencé à faire des ravages dans les rangs, jusqu'à arriver à proximité de Finduilas elle-même. Cette dernière avait alors utilisé un sortilège sur le troll qui brusquement s'était pris pour un chevalier du Cardolan. Il avait alors retourné son arme contre ses propres troupes qui, démoralisées ou blessées, s'étaient éparpillées ou avaient été éliminées. Les Piquiers du capitaine Tarhad s'étaient alors tournés vers le troll et avaient fini par l'abattre avec leurs piques, noyé sous le nombre.

Mais les orcs s'étaient retranchés dans leur camp fortifié près de Dol Ninden, à la croisée des routes. Geralt et Vif se comprirent d'un regard et ils se dirigèrent là-bas. Le chef des assassins récupéra un bouclier sur un mort et il le tint au-dessus de lui et de son amie et monture alors que cette dernière approchait de la palissade qui entourait le camp. Les orcs lancèrent des flèches dans leur direction mais aucune n'arriva à les blesser, et la lionne accéléra encore lorsqu'elle arriva sur le mur de bois. Avec son élan, elle sauta par-dessus la palissade, malgré le poids de son ami qui eut beaucoup de mal à ne pas tomber à bas de la lionne...

Les deux amis entamèrent alors une ronde mortelle pour les orcs présents, dont le moral chuta plus vite que leur nombre. Après avoir perdu le quart de leur effectif en près d'une minute, sans aucunement freiner leurs adversaires, ce fut la débandade et le chacun-pour-soi. Lorsque Narmegil, Drilun et Bourrin arrivèrent, il n'y avait plus aucun ennemi à poursuivre, juste des blessés à soigner. Les objectifs avaient été atteints et de nombreux ennemis étaient morts. Restait bien quelques places-fortes à prendre, mais cela semblait maintenant de l'ordre de la routine. Mais il fallait à présent trouver Creb Durga et son maître, et les forces qui les gardaient risquaient d'être autre chose que des orcs mal équipés et gênés par le soleil.
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Warlord - 11ème partie : nouvelles avancées

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1 - Premier interrogatoire
Après la bataille, Finduilas, princesse de Dol Calantir, vint voir les aventuriers présents. Elle félicita Geralt pour son aide et ses compétences et s'émerveilla de la puissance et autres qualités du félin enchanté appelé par les elfes... qui n'étaient d'ailleurs pas présents, à son grand dam. Elle aimait en effet particulièrement la présence des utilisateurs de magie, mais elle avait une autre raison également : en plus d'échanger des informations sur les progrès accomplis çà et là, elle annonça la tenue prochaine d'un interrogatoire. Elle comptait sur les charmes magiques des elfes pour aider à délier les langues des prisonniers, mais seuls leurs amis étaient là. Néanmoins, elle leur proposa de participer voire de conduire cet interrogatoire. Elle avait cru voir ou deviner que Narmegil et ses amis avaient de nombreux tours dans leur sac...

Geralt, après les nombreux combats qu'il avait faits, aurait bien voulu se reposer, mais il comprit vite que ses compétences relationnelles allaient être en forte demande. Il accepta donc de suivre ses amis jusqu'à une tente dressée pour l'occasion, en dehors de Dol Ninden où les prisonniers étaient gardés. Certains avaient d'ailleurs été soignés par Narmegil, qui avait passé beaucoup de temps sur les blessés avant l'arrivée de Finduilas. Dans la tente, ils retrouvèrent Tarhad, chef des Piquiers, une célèbre formation de mercenaires du Cardolan aux ordres de la princesse. Il aurait dû mener l'interrogatoire lui-même, mais apparemment il avait entendu des propos flatteurs concernant Narmegil et ses amis, et il semblait tout à fait disposé à leur laisser la main et à observer.

Il annonça que seuls des mercenaires humains payés par leur ennemi Ardagor avaient été faits prisonniers. Aucun orc n'avait été gardé vivant. Parmi les prisonniers, trois étaient peu voire pas blessés et semblaient capables de soutenir un entretien. En revanche, aucun d'entre eux ne semblait avoir fait partie du commandement. Sur les trois hommes, deux ressemblaient à des mercenaires comme tant d'autres en Eriador, mais le troisième avait une apparence un peu différente, il semblait provenir d'une culture à part. Les aventuriers décidèrent de le garder pour la fin, et ils demandèrent à ce qu'on amène le premier des deux autres.

Il n'était pas question de torturer ces hommes, mais ils n'étaient pas censés le savoir. Tout l'art de cet interrogatoire consistait donc à les mettre en condition de le croire afin que leur langue se déliât plus facilement. Pour se faire, Geralt allait diriger l'entretien : habillé de son armure de peau de dragon bien visible, il était effrayant à voir et il savait en jouer. Dès que l'homme entra, il fut accueilli par des paroles sèches et dures dans lesquelles transparaissait un manque total de patience et de pitié. Auparavant, Narmegil lui avait souhaité bonne chance en lui demandant de faire en sorte que ses soins ne soient pas gaspillés pour rien - il avait auparavant utilisé ses talents de soigneur sur l'homme. Ajoutons à cela un regard féroce de Bourrin qui caressait sa hache, et l'on comprendra pourquoi l'homme était pâle et avait les genoux qui tremblaient. D'autant que divers instruments à portée semblaient avoir pour principale utilité celle de faire mal et de libérer la parole d'autrui...

Vif, sous sa forme féline, avait voulu rajouter un rugissement juste derrière l'homme pour tester un peu plus sa volonté et ses sphincters, mais elle avala quelque chose de travers et s'étouffa à moitié. L'effet était plutôt raté voire comique, mais le prisonnier n'avait pas le cœur à rire. Il était déjà suffisamment en condition et ne souhaitait que parler, mais la peur en lui était telle qu'il avait du mal à émettre des sons. En fin de compte, encouragé par ses geôliers, il finit par se reprendre et se mit à table. Ce qui n'apporta pas grand-chose comme information, car l'individu était un pur exécutant et il ne savait rien de bien intéressant.

Certains comme Drilun avaient deviné qu'il devait venir du Rhudaur, ce qui fut confirmé. Il faisait partie d'une troupe de mercenaires d'origine dunéenne sous le commandement du roi Ermegil de Rhudaur, et ce dernier avait envoyé leur groupe - une quarantaine de personnes - dans le Cardolan, pour se mettre aux ordres du Seigneur de Guerre Ardagor. Il avait participé aux opérations autour de Dol Ninden et avait fait des patrouilles dans les environs. En revanche, il n'était jamais allé à Creb Durga, qui était réservé aux seuls hommes venant d'Angmar, semblait-il. Le prisonnier donna encore quelques renseignements de moindre importance, puis il fut congédié. Mais il ne fut pas ramené à la prison qu'il partageait avec ses collègues.

2 - Bluff et pépite de cuivre
Ce premier prisonnier fut mis en sécurité à l'écart, après avoir donné ses vêtements. Sur une suggestion de Bourrin, le cadavre d'un autre mercenaire fut amené et le nain lui trancha la tête, tête qui fut cachée. Le corps fut habillé avec les affaires de la personne interrogée, et il fut "préparé" de manière à faire penser qu'il avait subi d'horribles tortures. Vif en rajouta un peu en se faisant les griffes sur le corps, dont la vue avait de quoi donner des nausées... Et la seconde personne fut amenée sous la tente.

L'homme se mit à trembler en voyant la scène et devant les airs de Geralt ou le rugissement de Vif. Il ne fit aucune difficulté pour parler de ce qu'il savait. Mais, comme pour le collègue passé avant lui, son histoire et ses connaissances n'apportaient rien de plus que ce qui avait déjà été dit. Il fut congédié comme le précédent, qu'il rejoignit, après avoir laissé ses vêtements qui servirent pour un nouveau corps à la tête tranchée. Le troisième et dernier prisonnier fut enfin amené, celui-là même qui, s'il n'était pas un guerrier plus important que les deux autres, semblait tout de même différent.

Son cœur semblait plus accroché que ses deux collègues, car la scène, avec les deux cadavres, ne suscita pas autant de réaction de sa part : il paraissait calme et résigné, un peu fier et défiant, même. Mais surtout, plusieurs aventuriers reconnurent en lui un Homme des Collines, originaire du Rhudaur. Ce qui était un peu étonnant, car son peuple était xénophobe et n'aimait pas voyager en dehors du pays. Par ailleurs, si Ermegil, roi du Rhudaur, était censé commander aux Hommes des Collines, en pratique c'était loin d'être aussi évident. Ces gens reconnaissaient avant tout Broggha, leur "Targ-Arm" ou grand chef.

L'homme, plus maître de lui que ses prédécesseurs, ne donna pas plus d'informations, et même moins. Il semblait garder des choses par devers lui, néanmoins, mais il n'était pas prêt à les fournir. Pourtant, il fut assez ébranlé quand il entendit Geralt ou Drilun lui parler en Blarm, sa langue. Mais il était surtout gêné par le félin qu'était Vif : dans la culture des Hommes des Collines, l'un de leurs dieux commandait aux grands félins qu'étaient les chetmíg, auxquels Vif ressemblait. Et Narmegil sema le doute dans son esprit quand il lui dit que ce même dieu avait envoyé le félin pour les aider, ses amis et lui. Ce que Vif appuya en faisant preuve d'un comportement à la fois intelligent et en accord avec les paroles du Dúnadan.

Vif et d'autres se souvinrent aussi d'une chose : les Hommes des Collines portaient sur eux une pépite de cuivre donnée à leur naissance et censée renfermer leur âme. Aussi le grand félin se mit-il debout sur ses pattes arrières et commença-t-il à approcher sa tête de la gorge de l'homme, qui ne pouvait rien faire : ses mains étaient attachées dans son dos, et Narmegil l'empêchait de bouger. Vif finit par trouver la lanière de cuir au bout de laquelle la pépite était accrochée, et elle l'arracha avec ses dents, au grand désespoir de l'homme qui se mit à crier pour qu'on lui rende son bijou...

Au bout du compte, piégé par ses adversaires qui semblaient aidés par un de ses dieux, il accepta de dire tout ce qu'il savait sur Creb Durga en échange du retour de son âme sur lui. Et il tint parole, apportant quelques informations intéressantes une fois qu'il eut récupéré sa pépite. Il n'était pas un mercenaire important dans la hiérarchie, mais il avait les oreilles baladeuses, même s'il était un peu à part dans le groupe de mercenaires. Et il avait entendu parler les hommes d'Angmar, plus proches d'Ardagor que ceux venus du Rhudaur comme lui.

3 - Informations et interrogations
L'homme passa brièvement sur son histoire personnelle. Ayant fait une "bêtise" qu'il ne voulut pas détailler, il s'était retrouvé proscrit au sein de son peuple, qu'il dut quitter. Discret, perceptif et adepte des embuscades nocturnes comme de nombreux Hommes des Collines, il trouva sans mal à se faire employer dans les troupes de mercenaires directement commandées par Ermegil, même s'il ne s'intégrait pas trop bien. C'est ainsi qu'il fit partie du groupe du Rhudaur envoyé du côté de Dol Ninden, deux ans auparavant. Groupe qui faisait des patrouilles dans la région ou escortait des convois de nourriture jusqu'au "Pavillon de Chasse", une autre place-forte tenue par les troupes d'Ardagor, et plus proche de Creb Durga.

Comme les deux précédents prisonniers, l'Homme des Collines détailla l'organisation au sein des troupes d'Ardagor. Divers mercenaires aux alentours, dans le territoire contrôlé par le Seigneur de Guerre, et des troupes d'Angmar fidèles à Ardagor dans et à proximité de Creb Durga. Il avait surpris quelques échanges d'où il avait déduit qu'il y avait un vaste réseau souterrain, qui abritait - à tout le moins - des orcs, des hommes d'Angmar et des trolls. Les orcs qui venaient de là-bas passaient par des entrées au nord et à l'ouest, tandis que les humains utilisaient une grotte à l'est de Creb Durga, où étaient envoyés la plupart des ravitaillements.

Cela n'avait pas toujours été le cas. Depuis deux ans qu'il était là, les choses avaient changé. Au départ, il avait aussi entendu parler d'une entrée au sommet de la plus haute colline du secteur, par où passaient divers biens et personnes. Et puis avec la menace grandissante de la guerre, il avait cru comprendre que cette entrée avait été condamnée ou fortifiée, mais qu'elle ne servait plus pour le passage des cargaisons. Néanmoins, même les hommes d'Angmar n'étaient jamais passés par là, ce passage semblait réservé aux trolls et peut-être à des messagers particuliers.

Également, devant la menace de guerre avec le Cardolan, de nombreux champs avaient été abandonnés, et les paysans avaient porté leur récolte jusqu'à Creb Durga même, pour ne plus en revenir. En plus des rumeurs qui parlaient de leur rôle comme nourriture pour les orcs et trolls, il avait entendu dire que certains au moins travaillaient dans des mines. Les hommes d'Ardagor qui vivaient là-bas n'étaient pas sûrs de ce qui était extrait, mais plusieurs pensaient qu'il s'agissait de minerais précieux. Le mystère était encore approfondi par le fait qu'un groupe d'hommes d'Angmar semblait gérer les mines, hommes qui ne combattaient pas et qui ne se mélangeaient pas aux guerriers.

A une question qu'on lui posa, l'homme répondit qu'il avait effectivement entendu parler de vignes au nord de Creb Durga. Vignes qu'il n'avait pas vues et qui semblaient gardées par les forces les plus fidèles du Seigneur de Guerre. Les mêmes personnes parlaient également d'une grande femme très belle, ce qu'il avait du mal à croire tellement l'idée lui paraissait absurde. Par ailleurs, des marchands et messagers passaient autrefois régulièrement en direction de Creb Durga et ils n'étaient pas inquiétés, puisqu'ils en revenaient. Mais il ne pouvait décrire personne de particulier.

L'homme avait apporté de nombreuses informations intéressantes et il paraissait honnête. Au départ, Narmegil et ses amis voulurent le libérer, mais ils comprirent qu'il ne pouvait rentrer chez lui puisqu'il était proscrit, et ce serait un mercenaire de plus sur les routes. Aussi Geralt lui proposa-t-il d'intégrer ses propres troupes, d'autant que le groupe qu'il avait confié à Finduilas avait subi deux pertes. L'homme hésita, surtout parce qu'il avait du mal à admettre qu'il lui faudrait obéir à un Dúnadan ou un de ses amis. Mais Vif lui fit comprendre sous sa forme féline que c'était la volonté de son dieu qui commandait aux félins, et Narmegil lui assura qu'il ne prendrait ses ordres que de Geralt et pas de lui. En fin de compte, l'homme accepta, après que Finduilas et Tarhad eurent donné leur accord.

4 - Pavillon de Chasse
Après un repos bien mérité, les cinq amis décidèrent de rentrer à Deveney en faisant un crochet par le nord, en direction du Pavillon de Chasse. Ils voulaient arriver assez près de l'endroit pour que Drilun utilise sa magie afin de déterminer qui y était présent, mais aussi pour pouvoir déterminer d'éventuelles ressources minières sur le site de Creb Durga. Le Pavillon, qui servait anciennement pour un seigneur du Cardolan, était une demeure fortifiée, avec enceinte, pour se prémunir des orcs présents dans la région. Le bâtiment était distant d'une quinzaine de miles (~24 km) de Dol Ninden.

Le terrain passant par de la forêt sur la fin, les aventuriers décidèrent d'y aller à pied. En chemin, Geralt, à l'aide de la longue-vue de Sîralassë, distingua de nombreuses silhouettes d'orc sur une colline que la route contournait. A l'aide d'un sort, le Dunéen précisa qu'ils étaient une centaine, et qu'il y en avait d'autres dans les forêts à quelques miles au-delà. Le groupe décida alors de se scinder en deux : Narmegil, Bourrin et Geralt iraient nettoyer la colline, tandis que Drilun et Vif iraient en catimini jusqu'aux forêts proches du Pavillon pour que l'archer-magicien puisse faire ses sorts de reconnaissance. Un peu de nettoyage ne serait pas non plus interdit.

Les trois guerriers montèrent à l'assaut de la colline sans se cacher. Arrivés à portée de flèche des orcs, le Dúnadan passa en avant : protégé par sa magie, qui faisait trembler ses adversaires, et par sa cotte de mithril, il ne craignait pas les traits des orcs qui étaient de plus mal équipés et de bien mauvais tireurs. Il essuya la première salve de flèches sans être aucunement inquiété - en fait très peu arrivèrent jusqu'à son armure. Mais il fut surpris, alors qu'il arrivait presque au corps à corps, d'être touché par un certain nombre de tirs plus inspirés. Il prit sur lui - les blessures étaient légères - et commença à exterminer ces viles créatures qu'il détestait tant. Aidé par ses amis, les orcs furent vite mis en déroute.

Plus loin, pendant ce temps, Drilun était monté sur le dos de la lionne qu'était Vif et il s'était enroulé dans sa cape qui l'aidait à se fondre dans le paysage. Le pas de son amie était tellement discret qu'il avait l'impression de chevaucher un nuage... Ils virent tous deux la débandade des orcs, vaincus par Narmegil, Bourrin et Geralt, et leur fuite en direction des bois proches du Pavillon. Cela ne les empêcha pas d'atteindre ces mêmes bois sans être inquiétés. Le Dunéen ayant magiquement senti qu'il n'y avait que des orcs à proximité immédiate, Vif alla faire sa dose de nettoyage, tombant par surprise au milieu des orcs quand elle ne pouvait pas égorger en silence ceux qui étaient isolés. Drilun en combattit également quelques-uns, lorsqu'il fut sûr que les autres étaient trop occupés pour venir à leur secours.

Geralt, accompagné de Bourrin et Narmegil, finit par retrouver Drilun et Vif grâce à leurs traces. Les nombreux orcs survivants s'étaient réfugiés plus près du Pavillon, dans lequel était présent un probable troll de guerre (olog) mais aussi des humains. Le Dunéen avait aussi sondé magiquement le sous-sol de la région, et il avait "senti" le labyrinthe de cavernes - certaines très profondes - qui le composait. Il avait aussi pu déterminer les emplacements de plusieurs entrées de bonne taille : trois à l'ouest (rapprochées), une au nord, une à l'est et une au sud, mêlée à de l'eau. Il sentit aussi que des ressources minières étaient exploitées, mais ne sut dire de quoi il s'agissait - il devait manquer de pratique pour cela.

Geralt et Vif allèrent chercher de l'athelas afin de permettre à Narmegil de se soigner en partie, puis l'équipe partit vers l'ouest en direction de Deveney. Arrivés aux abords de la ville, il leur fallut franchir la rivière qui la bordait. Elle coulait rapidement au fond d'une gorge peu profonde dans le plateau calcaire environnant, mais des cordes aidèrent à franchir cet obstacle. L'aide de Vif - excellente nageuse sous sa forme féline - ne fut néanmoins pas de trop pour aider à faire passer Bourrin, lourdement chargé par son armure de mailles complète, et Narmegil, moins chargé mais encore un peu blessé.

5 - Nouvelles du nord
Vif se prépara à partir faire un nouveau tour des alliés autour de Creb Durga. Cette fois-ci elle commencerait par le groupe d'Arthedain, où Niemal pouvait facilement lui parler. Ensuite elle irait vers l'est et prendrait des nouvelles des troupes de Dol Tinarë (menées par Celedur), Tyrn Gorthad (Pelendur et Pelenwen), et des Cantons de Fëotar (Bemakinda). L'équipe avait eu quelques informations par Finduilas, qui avait reçu des messagers du nord-est : le fortin de Delbarad avait été pris sans grand mal, et l'olog avait été vaincu par Bemakinda, aidé de Pelendur et Celedur. Les troupes s'étaient mises en route vers la ville de Quiel qui était peut-être déjà prise à présent.

Le lendemain, la lionne partit pour le nord et la zone où elle pensait trouver Niemal et le prince Minastir. Elle emportait à nouveau quelques parchemins écrits par Drilun pour ceux qui ne pouvaient pas lui parler magiquement. Suite à l'avancée des combats, les patrouilles ennemies étaient moins à craindre mais la Femme des Bois resta prudente et discrète. Elle trouva un nouveau camp à la croisée de deux routes, camp fortifié en cours de construction où les troupes d'Arthedain étaient installées. Le village d'Edirey, non encore repris, était trop à l'ouest pour servir de base, et il n'existait pas d'autre ville ou fortification d'où mener les patrouilles ou autres opérations militaires.

Après cette phase de consolidation, le prince Minastir pensait prendre sans coup férir le village d'Edirey, qui était maintenant complètement isolé et coupé des autres forces d'Ardagor. De plus, les oiseaux qui espionnaient pour Niemal avaient montré qu'il était peu gardé, par seulement quelques dizaines d'orcs et d'hommes. En apprenant cela, Vif proposa de s'en occuper et de leur faire gagner du temps : elle était presque invincible sous sa forme actuelle face à des orcs et hommes normaux, et la nuit elle était aussi insaisissable qu'un courant d'air. Et elle se riait des obstacles.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Dans la nuit, elle couvrit la dizaine de miles (~16 km) qui la séparaient de la ville fortifiée, suivie non loin par une troupe de cavaliers d'Arthedain. Elle sauta sans bruit par-dessus la palissade, et tua dans la nuit tous les ennemis, silencieusement, les uns après les autres. La ville fut ainsi libérée sans réel combat et sans risque pour la population. Le prince Minastir confia la gestion et la surveillance de la ville et ses environs au futur baron de Girithlin, Echorion, et ses hommes. Après s'être reposée, Vif repartit vers l'est, en fin de journée.

Après une nuit au nord de Creb Durga et un repos diurne, elle orienta sa course discrète vers le sud-est, où elle pensait que devait se tenir le village de Quiel. Car c'était là que les troupes alliées devaient être à présent, et si jamais la ville n'était pas encore prise, elle comptait bien donner un coup de main - ou plutôt de patte. Par ailleurs, son trajet la ferait passer non loin d'une tour de garde nommée Dol Ormë, encore aux mains des troupes d'Ardagor. Elle espérait ainsi les espionner et apprendre quelque chose d'utile peut-être. Et elle ne fut pas déçue.

Arrivant en vue de la place-forte en début de nuit, elle vit que de nombreux orcs s'y amassaient, et qu'ils commençaient à se diriger vers le sud-est et la probable ville de Quiel. Ils étaient accompagnés de quelques humains et gros loups, et malgré la distance elle put aussi distinguer un olog. Par ailleurs, elle vit ce même troll parler avec un humain qui n'avait pas l'air d'un guerrier mais semblait néanmoins commander, et elle soupçonna un sorcier. Contournant cette armée discrètement, elle se dirigea vers Quiel afin de prévenir ses alliés de ce qui allait leur tomber dessus.

6 - La bataille de la crête de Quiel
La féline Femme des Bois arriva bientôt à Quiel, qui avait en effet été prise sans difficulté par les forces alliées. La lionne se fit reconnaître et, avec l'aide de Pelenwen, elle arriva à se faire comprendre et à prévenir ses alliés du danger. Bemakinda proposa alors de tendre un piège aux forces d'Ardagor : aidées par celle qui était pour lui le "fauve appelé par les elfes", leurs troupes allaient faire comme si elles n'étaient pas conscientes de la présence de l'ennemi pour lui tomber dessus au meilleur moment pour eux. Vif serait chargée de les surveiller discrètement et de donner le coup d'envoi, en quelque sorte.

Et le plan fut adopté. Quiel était au fond d'une vallée, non loin de falaises calcaires en haut desquelles l'ennemi allait arriver. Il s'abriterait très certainement là-haut dans une forêt où se protéger des regards comme des rayons du soleil. Vu la distance à parcourir et la difficulté à gérer des centaines d'orcs un minimum discrètement, les ennemis n'arriveraient sans doute pas avant la fin de la nuit et n'attaqueraient pas de jour. Tous les éclaireurs furent rappelés. Tandis qu'une partie de l'infanterie montait en haut de la falaise, au nord, la cavalerie prenait place au sud, où ils attendirent tous, cachés. Et Vif alla surveiller discrètement la progression de l'ennemi.

Tout se passa comme Bemakinda avait prévu. La Femme des Bois prévint ses alliés et l'assaut fut lancé au petit matin. Tandis que la cavalerie éliminait proprement les loups montés, les orcs n'offraient qu'une résistance dérisoire face aux soldats bien entraînés et équipés qu'ils avaient en face d'eux. Sans parler d'un félin rugissant qui passait parmi eux comme un gros chat dans une armée de petites souris. Au bout du compte, il ne resta plus bientôt que le cœur de l'armée ennemie, à savoir le troll et les humains, acculés au sommet de la falaise.

La victoire semblait certaine, mais l'adversaire restait tout de même coriace. Lorsque le troll était entré en lice, personne n'avait tenu face à lui, jusqu'à ce que Bemakinda et Pelendur n'arrivent et ne bloquent sa progression. Le sorcier vociférait des imprécations qui faisaient peur aux guerriers, même si la présence de Pelenwen, non loin, en amenuisait sans doute les effets magiques. La lionne décida alors d'accélérer un peu les choses et elle bondit dans la mêlée par-dessus la première ligne de combat, non loin de l'endroit où le troll bataillait.

Malgré des attaques contre elle de tout côté elle fit vite place nette autour d'elle, suffisamment pour pouvoir se tourner vers le troll. Ce dernier, néanmoins, ne jugea pas nécessaire de se tourner vers elle et préféra se concentrer sur ses deux adversaires humains, qui cherchaient une ouverture pour le blesser. Vif lui laboura profondément le côté malgré son pavois, et le monstre hurla, étourdit de douleur. Ce fut l'ouverture que cherchaient les deux guerriers humains, qui blessèrent chacun une jambe de l'olog, qui tomba à terre. Il ne put plus se relever et ce fut le début de la fin de la bataille.

Mais restait le sorcier, vers lequel se dirigeait la lionne. Il tenta de la noyer sous un flot magique de peur et de désespoir, mais elle se rit de sa tentative : vu sa position désespérée, il n'était guère en mesure de briser sa volonté à elle avec des pensées négatives. Mais elle n'arriva pas jusqu'à lui : alors qu'il se tenait dos au vide, le plus loin possible des combats, il fut atteint par un des archers postés au pied de la falaise, et tomba dans un dernier cri. Les derniers humains se rendirent, la bataille était gagnée. Après un bon repos et un repas de quelques kilos de viande, Vif quitta ses alliés et revint vers Deveney, après passage par Dol Ninden. C'est ainsi qu'elle retrouva ses amis le lendemain soir, après moins d'une semaine de voyage mouvementé.

7 - Des corps difficiles à brûler
L'équipe à nouveau réunie, restait à répondre à cette question essentielle : que faire à présent ? Tous les objectifs du groupe avaient été atteints sur un plan militaire. Geralt avait organisé ses hommes pour faire des patrouilles serrées dans la région, en coordination avec les troupes adjacentes - celles de Finduilas et de Minastir - et avec les nains de Khanli. Les troupes de Dol Tinarë et Dol Calantir allaient s'occuper des deux seules places-fortes encore occupées par les troupes d'Ardagor. Les hommes du capitaine Nar s'occuperaient tranquillement de gérer Deveney pendant ce temps, sans parler de surveiller autour de Barad Esher.

Les alliés souhaitaient, quant à eux, que Narmegil et ses amis trouvent où se terrait Ardagor lui-même, et les forces qui lui restaient. Ainsi la suite des opérations pourrait-elle être décidée... Car la guerre était loin d'être terminée : les aventuriers n'avaient encore pas vu l'ombre de la queue du loup-garou Caran Carach, et des saboteurs et assassins couraient toujours. Sans parler de probables sorciers, dont l'un au moins maîtrisait une rare magie élémentaire, comme tous l'avaient vu à Tharbad. Ardagor lui-même avait la réputation d'être un sorcier puissant, et Tina/Tevildo rôdait dans les parages...

Mais alors que l'équipe s'apprêtait à explorer les environs de Creb Durga, un cavalier venu de Quiel apporta un message : sur le site de la bataille récente au-dessus de Quiel, les morts se relevaient et empêchaient qu'on les brûle ! Ils étaient chaque nuit un peu plus nombreux, et se terraient dans le bois en journée. Certains hommes étaient morts sous leurs coups, et plus personne ne voulait plus aller là-bas. Selon Pelenwen, il fallait trouver la source de cette magie noire et l'éliminer, et purifier les lieux avec la magie des soins. L'aide des aventuriers était sollicitée...

L'équipe alla immédiatement sur les lieux. Tout en examinant la falaise depuis le bas, les aventuriers apprirent que le corps du sorcier n'avait pas été retrouvé. En fait, Vif soupçonna le corps d'avoir été bloqué sur une corniche, comme elle en voyait d'ailleurs plusieurs à distance. Elle se mit à grimper sur la paroi afin de terminer les recherches inachevées, suivie, mais plus lentement, par certains de ses compagnons. Elle ne trouva pas le corps recherché, mais en revanche elle tomba sur des traces sanguinolentes qui semblaient remonter depuis une corniche. Comme si un corps bien blessé était remonté en haut de la falaise, malgré ses blessures. Et vu le nombre et l'emplacement des traînées, elles n'avaient pas pu être faites en tombant.

Pendant cet examen, le temps pourtant dégagé s'était fait noir, et les magiciens de l'équipe avaient senti de la magie des ténèbres à l'œuvre. Dont le Dunéen, premier arrivé après son amie féline : brusquement assailli par des noires pensées d'inutilité et de suicide, il avait néanmoins résisté au sortilège et fait mine de sauter du haut de la falaise - sur une corniche en fait - le temps pour ses amis d'arriver. Les sorts d'Isis et Drilun firent partir les nuages les plus proches ou les odeurs de décomposition, et les morts-vivants restèrent tapis en forêt.

La tâche semblait simple : trouver la source de magie - probablement sur le corps du sorcier - et la détruire. Ce qui voulait dire pénétrer les bois et combattre les créatures qui les attendaient. Plus facile à dire qu'à faire ! Comment tuer quelqu'un qui est déjà mort ? Les aventuriers, lorsqu'ils virent une trentaine de corps venir lentement les assaillir, constatèrent le peu de dégâts que faisaient leurs armes. La magie des soins maniée par Narmegil et surtout Sîralassë avait plus d'effet : les corps ainsi guéris retrouvaient le repos et ne bougeaient plus...

Tandis que ses amis combattaient difficilement les zombies, Vif avait décidé de passer d'arbre en arbre pour s'abattre brutalement sur le corps du sorcier qu'elle avait repéré au loin. Elle devina ou sentit que l'amulette qu'il portait était la source de leurs maux, et elle lui arracha, provoquant l'arrêt des morts-vivants. Narmegil utilisa ensuite sa lance elfique et son pouvoir pour briser l'amulette en miettes, et le soigneur noldo utilisa toute sa magie pour purifier l'endroit et les corps présents, enfin morts pour de bon. Ils allaient pouvoir être brûlés sans plus nuire à personne.
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Warlord - 12ème partie : renforts

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1 - Changement de combat
Si certains soldats avaient parié contre Narmegil et ses amis, ils en furent pour leurs frais. Mais ils furent néanmoins contents du résultat puisque, malgré leurs craintes, aucun mort ne se releva plus. Les aventuriers furent donc remerciés et fêtés, même si certains n'eurent pas de plus grande récompense personnelle que de pouvoir aller se reposer, satisfaits du devoir accompli. A présent, la fin de la guerre contre Ardagor semblait proche, même s'il restait encore deux places-fortes à conquérir. Et, surtout, il fallait débusquer le Seigneur de Guerre, sachant qu'il réservait certainement ses meilleures troupes pour la fin : très peu de trolls de guerre avaient été vus, mais suffisamment pour avoir la garantie qu'ils n'étaient pas une légende.

Des échanges eurent lieu avec les seigneurs présents à Quiel, ainsi qu'avec ceux plus éloignés, via divers messagers. Le Pavillon de Chasse et Dol Ormë, encore tenus par l'ennemi, ne paraissaient pas poser de problème aux troupes alliées, qui allaient se regrouper pour les derniers assauts. Tout en assurant à proximité de Creb Durga une présence suffisante pour décourager les patrouilles de ravitailleurs orcs. Le conseil de Celedur, qui dirigerait les opérations, était donc d'aller en quête de la cachette d'Ardagor lui-même. Les troupes donneraient l'assaut d'ici quelques jours sans doute, et c'était le meilleur moment pour tenter d'investir les cavernes de Creb Durga, pendant que le regard de l'ennemi était dirigé ailleurs.

Les sept amis rentrèrent donc tranquillement à Deveney, tout en discutant de la suite à donner. Drilun avait repéré les entrées principales grâce à sa magie, de manière approximative, et l'interrogatoire de l'Homme des Collines, quelques jours auparavant, fournissait quelques éléments supplémentaires. L'entrée sud ne paraissait pas gardée, sauf par les éléments. Et l'eau qui inondait le passage rendait la progression périlleuse pour les guerriers lourdement chargés d'armes et armures métalliques. L'entrée de l'est, tenue par des humains, était sans doute mieux gardée que les autres, tenues par les orcs. Restait donc ces dernières : trois à l'ouest, proches les unes des autres, et une au nord, un peu éloignée de tout.

C'est cette dernière qui fut choisie. En effet, l'accès aux entrées de l'ouest obligeait à pénétrer sur une longue distance le territoire encore contrôlé par Ardagor. Car la limite ouest correspondait aux gorges de la rivière Eunreth, gorges impossibles à franchir par des armées ou même des petits groupes, et facile à surveiller. En revanche, il était possible de faire un large détour par l'ouest et le nord, dans un terrain accidenté et boisé. La progression serait lente mais il serait facile de surprendre l'ennemi. Entre les sorts d'Isis et Drilun, les perceptions de Vif et Geralt et la longue-vue de Sîralassë, il ne devrait sans doute pas être trop dur de repérer l'entrée nord sans se faire remarquer des orcs et autres gardiens.

Car l'objectif était bien ici la discrétion. Les orcs étaient de piètres guerriers, en particulier ceux de Creb Durga. En soi ils n'étaient aucunement une menace, et d'ailleurs les villages de la région avaient longtemps supporté leur présence et la faible gêne qu'ils représentaient. Mais les sorciers et trolls que commandait Ardagor, sans parler du Seigneur de Guerre lui-même, représentaient un autre danger. Et personne ne savait ce qu'abritaient au juste les cavernes de Creb Durga, qui semblaient s'enfoncer jusqu'au cœur de la terre elle-même, là où des légendes racontaient que des terribles créatures s'étaient autrefois réfugiées...

2 - Balade champêtre
Cela en tête, Narmegil et ses amis se demandèrent s'il ne fallait pas inviter à nouveau leur ami nain, Bourrin. D'autant que si les principaux combats se terminaient, et sans l'aide des nains qui plus était, il risquait fort de s'ennuyer. Les patrouilles n'étaient pas son fort, tandis que combattre des adversaires de poids comme les trolls de guerre... Ces derniers appartenaient pour beaucoup aux seules légendes, et Bourrin aimait énormément les combats de légende - peut-être parce qu'il en était un peu une lui-même.

L'intéressé demanda à son chef, Khanli, d'accompagner ses anciens amis, mais il savait mieux manier la hache que sa langue. Le noble Dúnadan, lui, qui était aussi le financeur du groupe de nains, sut trouver les bons mots. Il sut être diplomate et moins rentre-dedans que son petit et large ami. Khanli accepta donc de laisser partir son meilleur guerrier quelque temps, et il lui permit aussi de prendre un peu de matériel supplémentaire en réserve, comme un marteau de guerre et un bouclier. Certains, dans l'équipe, se demandaient tout de même s'il était raisonnable de faire venir avec eux un tel arsenal ambulant et bruyant pour une mission d'infiltration en catimini...

Avant le départ, Vif décida d'aller voir Niemal pour lui demander conseil et surtout récupérer d'éventuelles herbes. Elle avait bien trouvé de l'ail des ours avec l'aide de Sîralassë, pour masquer les odeurs, mais certains de ses amis, tel Drilun, auraient voulu quelque chose contre le feu - qui savait ce qui se trouvait à Creb Durga ? - ou la fatigue. Le soigneur noldo avait déterminé qu'il n'y avait pas d'herbe adaptée dans la région, mais la lionne comptait sur l'érudit pour la surprendre. Elle le trouva à Edirey, et Niemal confirma qu'il n'y avait pas ce qu'il fallait dans le coin. Mais il jugea qu'il était peut-être temps de remettre à la lionne un cadeau d'Elrond : une fiole du cordial d'Imladris, un puissant fortifiant qui faisait oublier la fatigue. Vif revint ensuite apporter ce cadeau à ses amis.

La route du nord étant maintenant régulièrement patrouillée et exempte d'ennemis, le groupe l'emprunta un beau matin, à pied. Longeant à quelque distance la rivière Eunreth et ses gorges, à l'est, il ne rencontra que quelques patrouilles alliées au cours de cette balade estivale et champêtre. Les gorges de l'Eunreth, trop profondes, bloquaient les sorts d'écoute à distance d’éventuels ennemis à l'est, comme Drilun s'en rendit compte. Après avoir monté, le terrain finit par redescendre, et en fin de journée l'équipe retrouva la rivière avant son entrée dans les gorges. La route fut laissée - elle se dirigeait plus vers l'ouest - et le cours d'eau fut suivi jusqu'au soir, au moment d'entrer dans une forêt.

Le camp fut installé là, et la nuit se passa sans incident. La lionne qu'était Vif dormait dans un arbre, et tous savaient que son ouïe était si fine qu'elle serait réveillée avant même qu'un garde puisse se rendre compte que quelque chose arrivait. Et les elfes, qui ne se reposaient guère, veillaient aussi la majeure partie de la nuit. Au matin, le camp fut levé et la rivière fut suivie plus profondément dans la forêt. Objectif : trouver un endroit pour franchir la rivière avec le moins de difficulté possible. En particulier pour Bourrin, qui savait bien mieux couler que nager, avec tout le lest métallique qu'il portait. La rivière n'était plus guère profonde, mais assez pour lui poser des problèmes, vu sa petite taille.

C'est à l'endroit où deux branches du cours d'eau confluaient qu'il fut décidé de passer. Vif sauta de pierre en pierre sans effort, et les elfes en firent autant avec une grâce propre à leur race. Narmegil glissa et tomba dans l'eau, dériva un peu avant de pouvoir revenir, et finit par passer la rivière avec de l'eau jusqu'à la taille. Les autres, à l'instigation de Geralt, toujours avare d'efforts, demandèrent l'assistance de Vif. Elle revint donc et fit passer sur son dos l'assassin, puis le Dunéen, et même le nain. Avec tout son équipement il était plus lourd qu'elle, mais elle était assez forte et adroite - un vrai grand félin - pour que ça ne lui pose aucun problème.

3 - Au milieu des orcs
Le groupe étant maintenant en terrain ennemi, la discrétion était de rigueur. Ce qui était plus facile en forêt, mais plus lent aussi. Heureusement, les sorts d'Isis, qu'elle masquait aux perceptions d'un éventuel sorcier, permettaient de détecter les ennemis d'assez loin pour ne pas avoir besoin de faire particulièrement attention. Ce qui était tant mieux, car pour Bourrin en particulier il valait mieux ne pas avoir d'ennemis trop près. Par ailleurs, des petits félins furent également sentis, ou leurs traces repérées, et Vif cru bien deviner que Tina/Tevildo n'était pas très loin. Elle les avait devancés en au moins un endroit. De rares traces de loup étaient aussi présentes.

La première colline dénudée rencontrée abritait des orcs à son sommet, ainsi qu'à son pied, dans la forêt. Il fut question de les éliminer, mais certains objectèrent que cela allait vite trahir leur présence, que d'autres donneraient tôt ou tard l'alerte. Il fut donc décidé de faire un large détour pour les contourner sans risque de se faire repérer, après s'être enduits d'ail des ours pour masquer leur odeur. De toute manière, la longue-vue de Sîralassë montra que les orcs, détestant le soleil, cherchaient plus à s'en abriter qu'à faire une garde efficace. Ces orcs-là ne posèrent donc aucun problème et ils n'entendirent même pas Bourrin, pourtant peu discret malgré ses efforts.

Mais une nouvelle zone sans couvert forestier fut rencontrée dans l'après midi. Une colline plus importante comportait aussi des guetteurs, mais là il fallait passer et il n'était pas possible de contourner. Par ailleurs, certains virent à distance, côté ouest voire plus au sud de la colline, de la végétation qui faisait penser à des vignes. Étaient-ce les fameuses vignes de Creb Durga, qui produisaient le vin dont les Tarmas et Ekettas avaient souffert ? L'endroit était plus délicat, et Isis et Drilun décidèrent d'utiliser leur magie afin d'en savoir le plus possible. Sur leurs ennemis proches, mais aussi sur les cavernes de Creb Durga, qui ne devaient plus être très loin.

Des orcs se tenaient bien en position dominante ou plus bas, abrités dans la forêt, en lisière. Un autre sort montra que l'entrée nord des cavernes n'était pas très éloignée, mais qu'il fallait bien passer là où les orcs reposaient, ou peu s'en fallait. Le jour d'avant, un sort du Dunéen lui avait permis de percevoir de manière très nette le labyrinthe de souterrains qui s'étendaient un peu plus loin. Ayant pris la précaution d'emmener plume, encre et parchemin, il avait passé un moment à dessiner un plan des plus grandes cavernes et des plus gros passages qui les reliaient. Il avait senti aussi que des ressources étaient exploitées dans certaines cavernes proches du centre, mais il ne savait toujours pas ce qui était recueilli. Une copie avait aussi été faite et remise aux gens de Minastir.

L'obstacle des orcs pouvait facilement être levé par le combat, mais là encore le désir de discrétion fut le plus fort. Il y avait peut-être cinq portées de flèche à franchir en vue des sentinelles, dans un terrain dégagé seulement envahi d'herbes hautes. Pour rester discret, une seule méthode : ramper. Long et fatigant, mais difficile de faire autrement sans se faire repérer. Les plus discrets passeraient en premier et se cacheraient parmi ou autour des orcs, prêts à intervenir en cas de pépin. Vif se faisait fort de ne laisser aucun survivant, mais les cadavres ou les absents montreraient qu'il s'était passé quelque chose...

La lionne qu'était Vif traversa sans problème et rapidement, et elle finit par se cacher dans des arbres au-dessus des premiers orcs. Geralt pesta après l'effort que cela lui demandait, mais il n'eut aucun mal non plus. Les elfes, aidés par leur magie, trouvèrent la tâche routinière. Enfin, les autres s'aidèrent de la cape de camouflage de Drilun : après être passé, ce dernier la remit à Vif qui la ramena à Narmegil, et de même pour Bourrin. Ce dernier enleva sa cotte de mailles, trop bruyante, et il la mit dans un sac qu'il attacha à la lionne, qui le ramena sans problème. Le nain ne fit pas une prestation formidable, mais de jour, les orcs n'étaient vraiment pas des bonnes sentinelles. Et la cape l'aida bien à rester inaperçu.

4 - Alerte !
Une fois les orcs passés, il ne fallut pas longtemps pour trouver l'entrée nord des cavernes de Creb Durga. Avec l'aide de Vif, qui repéra vite une bessière : Bemakinda autrefois, mais aussi Niemal (grâce à ses oiseaux espions), avaient en effet parlé d'une entrée cachée dans une futaie de bouleaux (ou boulaie, ou bessière). Cette entrée était cachée derrière quelques gros rochers, et la Femme des Bois put entendre une dizaine d'orcs qui occupaient ou gardaient l'entrée. Il ne restait plus qu'à trouver un moyen de disposer discrètement des gardes orcs pour pénétrer dans les cavernes de Creb Durga...

Tandis que le débat commençait sur la meilleure manière d'entrer discrètement et de gérer les orcs, Geralt et Vif distinguèrent un martinet qui voletait rapidement au-dessus de la cime des arbres et qui semblait chercher quelque chose. Cet oiseau fin et très rapide était souvent utilisé comme messager diurne par des elfes tels que Niemal. Les deux amis prévinrent le reste du groupe et en particulier les elfes, qui avaient une magie qui leur permettait de parler aux animaux. Sîralassë jeta un sort pour appeler l'oiseau, qui vint se poser sur son épaule. Il put lui parler magiquement, et l'animal lui transmit un message de la part de Niemal.

Les nouvelles étaient mauvaises. Niemal se trouvait à Edirey, village fortifié le plus à l'ouest de l'ancien territoire contrôlé auparavant par Ardagor. Après le "nettoyage" que Vif y avait fait, le village avait été libéré et donné à Echorion, futur Baron de Girithlin, et ses hommes, pour le gérer. La plupart des habitants les plus costauds avaient auparavant disparu pour Creb Durga à l'est, il restait avant tout des femmes et enfants, des vieillards, blessés et malades, et très peu de monde capable de combattre. Mais le village avait été complètement isolé des troupes du Seigneur de Guerre par les forces d'Arthedain, et donc il était considéré comme sûr - c'est pourquoi il avait été confié au jeune Echorion et ses guerriers de piètre qualité.

L'érudit elfe venait de découvrir que le village n'était peut-être pas si sûr que ça : il avait senti que de la magie noire était utilisée dans la forêt proche du village. De plus, devant l'attitude bizarre de certains gardes, il avait sondé leur esprit et découvert qu'ils avaient été achetés récemment : ils s'apprêtaient tous à déserter avant la tombée de la nuit, et avaient été prévenus qu'une force allait bientôt attaquer. Le prince Minastir et ses cavaliers étaient partis pour l'est et un assaut sur le Pavillon de Chasse, et seules restaient quelques patrouilles à pied occupées à garder le secteur plus à l'est et au nord.

Autrement dit, Echorion et tout le village d'Edirey étaient menacés par une force qui allait probablement passer à l'attaque à la tombée de la nuit... d'ici quatre-cinq heures. Seuls les aventuriers étaient susceptibles de venir assez vite prêter main-forte, et Niemal demandait leur aide ! Mais Edirey se trouvait à une dizaine de lieues peut-être, dont le premier quart était occupé par de la forêt riche en orcs... Narmegil et ses amis étaient à pied, sauf Vif en un sens, et il n'était pas évident pour eux d'arriver assez vite. Et s'ils essayaient, ils devraient courir et ne plus penser à la discrétion. Les orcs n'étaient pas vraiment une menace, mais la présence des sept amis deviendrait évidente et cela risquerait de compromettre une future expédition par ici.

Mais les problèmes ne faisaient que commencer. Alors que le débat commençait entre les aventuriers, débat déjà vif, un autre martinet fut repéré. Appelé à nouveau magiquement, l'oiseau fit part d'un message bref mais éloquent : suite à une attaque d'orcs à la frontière d'Arthedain, attaque destinée à les faire regarder où il ne fallait pas, les elfes avaient laissé passer une force de gros loups menés par un géant parmi eux, tous venus du Rhudaur. Force qui se dirigeait vers Creb Durga et qu'elle atteindrait sans doute dans la nuit qui venait. Les elfes avaient alors relayé l'information de proche en proche par des oiseaux messagers. Mais en bref, l'information semblait limpide : le loup-garou Caran Carach était en train d'arriver avec des renforts pour Creb Durga... ou pour les aventuriers.

5 - Un choix difficile
Le débat fit rage entre des aventuriers qui ne parlaient pas vraiment d'une seule voix. De nombreuses idées fusèrent :
- les martinets envoyés étaient un piège destiné à les leurrer et leur faire prendre de mauvaises décisions
- il fallait s'occuper de Creb Durga, l'occasion ne se représenterait peut-être plus
- il n'était pas possible d'arriver à Edirey à temps pour le coucher du soleil, tout le monde serait mort à leur arrivée
- si Echorion mourait, son oncle, régent actuel, deviendrait baron, alors qu'il était éminemment louche et retors
- l'arrivée du loup-garou était la preuve qu'il ne fallait pas entrer dans Creb Durga mais vite se diriger vers Edirey
- tout ne serait pas forcément fini au crépuscule, même une ou deux heures après, tout pouvait être changé
- Vif pouvait être là-bas à temps avec une personne, tandis que le reste du groupe suivait plus lentement
- diviser le groupe en deux serait le fragiliser et en faire une proie facile pour le loup-garou ou le sorcier repéré

La question de la mission à Creb Durga fut réglée en premier : certains contestèrent l'utilité de se détourner de leur mission, en raison de deux idées déjà évoquées. La première était qu'il n'y avait aucune garantie sur l'origine de l'émetteur des messagers aviaires. La seconde était qu'il n'était pas possible d'arriver à temps pour empêcher l'irréparable de se produire. Si jamais ces deux idées pouvaient trouver une réponse satisfaisante, alors bien sûr, il fallait aller se porter au secours d'Echorion sans tarder et fuir l'arrivée du loup-garou. Même si cette idée ne plaisait pas du tout à Bourrin, qui avait banni le mot "fuir" de son vocabulaire - quand cela le concernait en tout cas.

Vif, traduite par Sîralassë, dit qu'elle avait déjà vu Niemal utiliser des martinets comme messagers. Et si plusieurs aventuriers envisageaient que l'ennemi puisse utiliser la même magie que les elfes, une majorité estimait que c'était improbable. Par le passé, les sorciers avaient tous utilisé des crebain - des corneilles magiquement envoûtées - et des loups, mais pas d'autres animaux. Par ailleurs, même si le groupe dans son ensemble n'arrivait pas assez vite, rien ne pouvait dire que le mal arriverait immédiatement à la nuit tombée. Et même ainsi, qui pouvait garantir qu'Echorion mourrait dans l'heure ? Il ne fallait jamais perdre espoir et envisager le pire. Et donc il fut décidé d'aller à Edirey.

La division de l'équipe en deux fut un tout autre débat, bien plus difficile, qui amena les aventuriers à perdre un temps précieux. A tel point que Sîralassë, après un moment, finit par s'emporter et déclara qu'il partait sans plus attendre, achevant sa sortie par un "qui m'aime me suive" ! Il faut dire que l'affaiblissement de l'équipe n'était pas du tout du goût de certains, tandis que d'autres étaient plus confiants. Arriver en un seul groupe garantissait de pouvoir faire face de manière optimale aux menaces, mais risquait de sceller le sort d'Echorion...

La question d'un départ de Geralt sur Vif fut très vite écartée : il était hors de question de priver les deux personnes les plus perceptives du reste du groupe. Narmegil sur Vif fut ensuite évoqué : le Dúnadan, en plus d'être un excellent combattant, était un soigneur et sa magie permettait de lutter contre la magie noire. Mais Geralt ne pensait pas pouvoir tenir contre le loup-garou sans son noble ami, et d'autres trouvèrent aussi qu'une fois les deux plus puissants combattants partis, le reste serait une proie trop facile.

Quelqu'un suggéra alors que Sîralassë profite de la rapidité de la lionne. Le Noldo était soigneur mais aussi compétent en armes, et Narmegil et Geralt pourraient certainement faire face, à eux deux, à Caran Carach. Et dans chaque morceau d'équipe, une personne connaissait la magie des soins qui permettait de lutter contre la magie noire. Et ainsi fut-il fait. Vif ne pourrait pas tenir longtemps avec un tel poids sur son dos, mais la magie du soigneur saurait renforcer sa résistance et lui faire oublier la fatigue qu'elle ne manquerait pas d'accumuler. Et les cinq autres bénéficieraient des soins magiques de Narmegil et du cordial d'Imladris. Une fois la décision prise, celui qui se faisait autrefois appeler "Grandes-Gigues" monta sur la lionne et ils furent partis.

6 - Marathon
Vif se faufila entre les arbres en tuant au passage les orcs qui avaient le malheur de se trouver assez près. Lesquels orcs comprirent vite qu'ils n'avaient rien à faire sur son passage... Son corps puissant et magique était adapté au déplacement en forêt, et elle progressa vite. Elle franchit le confluent de deux puissantes détentes par-dessus les deux rivières qui fusionnaient pour donner l'Eunreth, malgré le poids de son cavalier qui était supérieur au sien, son équipement compris. Malgré cela, son corps magique résistait bien à la fatigue et elle n'eut pas trop besoin des talents de son ami, qui servirent un peu plus tard.

Une fois la forêt derrière elle, la féline Femme des Bois prit le chemin d'Edirey à allure soutenue, même si ça n'était pas très rapide pour elle : à peu près la vitesse d'un cheval au trot. Mais le fardeau qu'elle portait était bien assez lourd pour elle et sa rapidité était suffisante, pour ce qu'elle connaissait du chemin. Elle eut tout de même besoin de son ami pour arriver comme fraîche et dispose, et avant même la tombée de la nuit. Néanmoins, à l'approche d'Edirey, son compagnon et elle virent de noirs nuages qui paraissaient venir du nord, où se trouvait une forêt, et le soigneur sentit de la magie noire à l'œuvre. Sous ces nuages, le crépuscule commençait déjà et les deux amis espérèrent ne pas arriver trop tard.

Mais ils furent rassurés en arrivant au village d'Edirey, même s'ils furent accueillis par la flèche d'un garde trop zélé. Niemal et Echorion les firent entrer, et l'érudit elfe confirma qu'il avait bien envoyé le martinet les prévenir et demander leur aide. Ses craintes s'étaient réalisées, puisque tous les hommes d'Echorion avaient fui dès qu'ils s'étaient trouvés assez éloignés de leur chef. Heureusement, Niemal avait pu trouver et faire venir une patrouille de dix soldats de l'armée d'Arthedain, mais cela faisait peu pour résister à une force qui comprenait au moins un sorcier.

Une fois la lionne et son cavalier partis, les cinq autres aventuriers s'étaient mis à courir dans la forêt en direction du nord et de l'ouest, en repassant sur leurs traces à l'aller. Ils avaient vite entendu des orcs pousser des cris, de combat d'abord puis rapidement de douleur ou de fuite. Ils avaient croisé certains d'entre eux qui ne s'étaient pas fait prier pour ne pas croiser leur chemin, et les cinq amis les avaient laissé partir sans plus s'en occuper. Bien qu'il en coûtât à Bourrin de ne pas donner quelques coups de hache et de partir comme s'il fuyait : il devait se contenter d'utiliser sa hache pour ouvrir le chemin. Celui du félin était émaillé de quelques cadavres, et Isis et Geralt aidaient leur ami nain à suivre les traces de leurs compagnons plus rapides.

Il leur fallut peut-être deux heures pour traverser la forêt et les collines en courant, plus un peu de temps pour franchir le confluent de la rivière Eunreth. La course fut ensuite plus rapide sur le chemin qui menait à Edirey, mais elle dura longtemps, plus de trois heures. Narmegil et Bourrin, très endurants, étaient rompus à ce genre d'exercice, et ils n'eurent pratiquement pas besoin d'une aide magique ou du cordial d'Elrond. Pour Geralt, globalement bon athlète, son corps lui posa moins de problème que son esprit rétif aux efforts : son moral chuta bien plus vite que la fatigue ne gagnait ses muscles. Quant à Drilun et Isis, moins adeptes du marathon, ils souffrirent plus et utilisèrent plus fréquemment le cordial ou la magie de Narmegil.

7 - Renforts d'un nouveau genre
Niemal suggéra aux deux amis arrivés en premier d'aller jeter un œil dans la forêt proche, où il sentait la source de la magie noire. Sîralassë et Vif ne se firent pas prier et ils se dirigèrent vers le lieu en question, le plus discrètement possible. Le pas de la lionne était aussi silencieux qu'un nuage et elle se confondait avec les herbes dans lesquelles elle évoluait. Son ami, quant à lui, était environné d'une magie qui le rendait difficile à percevoir. Dans la nature, immobile, il était même impossible à voir, comme s'il était invisible.

Tous deux arrivèrent donc à la forêt sans être inquiétés, et Vif entendit très vite que les lieux étaient occupés. Elle laissa son ami en arrière, et s'approcha discrètement de l'armée qui se préparait à donner l'assaut : une centaine d'orcs environ, et pas ceux de Creb Durga. Ceux-là paraissaient plus aguerris, plus costauds, mieux équipés. Et une dizaine de grandes silhouettes étaient aussi présentes - des trolls ! Mais ces derniers étaient plus petits que les quelques-uns qu'ils avaient vus jusqu'à présent commander aux armées d'Ardagor, et ils n'avaient pas le même équipement : c'étaient des trolls plus communs, appelés en général des trolls des collines, hauts de moins de trois mètres et armés de gros gourdins de la taille d'un homme...

Mais surtout, tout ce beau monde semblait commandé par un orc qui n'était pas équipé comme un guerrier, même si manifestement c'était le chef. Même les trolls lui obéissaient sans discuter, et la lionne devina qu'il devait s'agir du sorcier. Il était en train de donner les derniers ordres, entouré des trolls et des meilleurs guerriers orcs. Apparemment, il n'y avait pas d'autre ennemi important, pas d'autre chef. Un simple sorcier, juste un orc, si facile à éliminer. Sous les arbres, sous les nuages noirs sans doute appelés par le sorcier, il faisait sombre même pour des orcs, mais cela ne dérangeait guère la lionne qu'elle était.

Elle grimpa sans bruit à un arbre et passa silencieusement d'arbre en arbre, assez haut et assez discrètement pour qu'on ne puisse pas la repérer. Elle finit par arriver au-dessus du sorcier qui commençait à peine à se déplacer, entouré des trolls. D'une hauteur d'une dizaine de mètres, elle se laissa tomber sur le chef de cette armée, toutes griffes dehors. Plus loin, le soigneur noldo n'entendit pas un cri mais plutôt un bruit de choc mou associé à des craquements comme de nombreux os brisés lors d'une chute. Puis des cris puissants de trolls et de nombreux cris d'orcs - une grande confusion semblait régner, et le bruit se dirigeait vers lui. Invisible grâce à sa magie, il attendit de voir ce qui arrivait.

Vif arriva vers lui à toute allure. Malgré son invisibilité magique, elle l'avait repéré à son odeur et à ses traces. L'elfe comprit vite ce qui se passait lorsque les orcs et trolls approchèrent en hurlant, et il ne tarda pas à monter sur le dos de son amie. Elle avait réduit le sorcier en chair à pâté et elle s'était esquivée entre les jambes des trolls avant qu'ils ne puissent réagir, et par-dessus les orcs qui essayèrent de l'arrêter. Elle sortit du bois à vive allure, et se dirigea vers Edirey non loin, toujours suivie par la horde hurlante d'orcs et de trolls.

8 - La bataille d'Edirey
Narmegil, Isis, Drilun, Geralt et Bourrin étaient en train d'arriver dans les parages de la ville. En voyant les nuages noirs qui masquaient la lune et les étoiles, Isis fit un sort qui les repoussa loin d'elle, sur quelques centaines de mètres. C'est ainsi qu'elle permit à Edirey de bénéficier d'une belle lumière lunaire plutôt que d'un noir de poix. Plusieurs purent aussi repérer une silhouette féline et montée arriver dans leur direction, poursuivie par des beuglements qui ne laissaient guère de place au doute : la ville était sur le point d'être attaquée.

Vif et Sîralassë mirent leurs amis au courant, et ils se cachèrent à l'extérieur de la ville, non loin du passage probable des ennemis. Les trois meilleurs guerriers - Narmegil, Geralt et Bourrin - se postèrent bien visibles devant la palissade qui entourait Edirey, droit sur le trajet des créatures hurlantes. Drilun et Isis se postèrent chacun dans une des tours d'angle de la palissade, arc bandé et flèche encochée, et chacun accompagné par un homme de l'armée d'Arthedain équipé de même. Niemal, pour sa part, était resté dans le village et avait persuadé Echorion de rester défendre les portes et les habitants du village.

Les premiers à arriver furent les trolls. Avant même qu'ils ne puissent arriver au corps à corps, l'un d'eux avait eu le crâne transpercé par une flèche de Drilun, puis un deuxième. Narmegil, aidé par sa magie de roi, transperça à mort un autre troll, esquiva le corps qui tombait avant de tuer un orc proche, et répéta tout cela une deuxième fois. Bourrin et Geralt tuèrent ou blessèrent mortellement plusieurs trolls, Isis et les archers dúnedain blessèrent eux aussi quelques monstres, et Vif et Sîralassë achevèrent les derniers en les prenant par surprise, par derrière ou par le côté. En une douzaine de battements de cœur, les dix géants étaient tous à terre, morts ou agonisants.

Les orcs tentèrent d'attaquer dans le même temps, mais ils n'arrivèrent à rien de concret et commencèrent à se faire massacrer. Voyant qu'ils n'avaient aucune chance face à cinq formidables guerriers et quelques archers, l'attaque se changea vite en déroute totale. Les guerriers les poursuivirent un moment, mais aucun avec plus de rapidité et d'efficacité que Vif sous sa forme féline, qui fit un carnage. Les ennemis étaient venus en hurlant, bien peu repartirent, et toujours en hurlant, mais pas de la même manière...

Par la suite, les corps furent fouillés, en particulier celui du sorcier que Vif avait tué. Il ne portait rien de spécial hormis un pot d'onguent que Niemal identifia comme du baume de soin orc. C'était un puissant mélange qui permettait de très vite fermer des blessures même graves, au prix d'une grande douleur et de cicatrices bien visibles et peu esthétiques. Ils découvrirent aussi les corps des ex-gardes d'Echorion, non loin, et purent récupérer l'argent qu'ils avaient reçu pour leur désertion - et leur mort : une pièce d'argent chacun...

Narmegil et ses amis furent fêtés par la population et Echorion, tandis que Niemal parlait des informations qu'il avait pu glaner dans la tête des orcs ou à travers leur équipement : ils ne venaient pas de Creb Durga mais d'une forêt côtière de Girithlin, forêt à la sinistre réputation, Eryn Vorn. L'armée avait marché de nuit, pendant plusieurs jours, dans une région dépeuplée de Girithlin. Néanmoins, orcs et trolls avaient paru étonnamment bien renseignés sur les chemins à prendre et les forces qu'ils s'attendaient à rencontrer. Autrement dit, ils avaient certainement été renseignés par une personne de la région. De toute manière, les ex-gardes d'Echorion avaient été achetés par un humain. Ardagor avait de nombreux espions sous ses ordres, et une influence et des renforts inattendus...

Après cela, certains demandèrent à Niemal s'il pouvait confirmer l'arrivée de Caran Carach à Creb Durga, mais l'elfe ne le put : ce n'était pas lui qui avait envoyé le second martinet. Néanmoins, il avait régulièrement informé d'autres elfes qui maîtrisaient le langage des animaux, comme lui, de la progression des aventuriers. Il demanda confirmation par un nouveau messager. La réponse arriva le lendemain : c'étaient bien d'autres elfes qui avaient prévenu. Le loup-garou et ses wargs avaient attaqué les armées qui s'apprêtaient à prendre Dol Ormë, et ils avaient tué de nombreux guerriers. Puis ils étaient partis pour Creb Durga. Le Pavillon de Chasse avait été pris, lui, et Dol Ormë le serait sans doute bientôt quand même. Les aventuriers avaient sauvé Echorion et les gens d'Edirey, mais ils ne pouvaient être partout à la fois...
Modifié en dernier par Niemal le 03 octobre 2012, 10:06, modifié 5 fois.
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Warlord - 13ème partie : des ennemis puissants

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1 - Nouveau départ
A l'issue d'une nouvelle journée, la ville d'Edirey vit arriver une compagnie d'une dizaine de cavaliers d'Arthedain. Ils étaient chargés par Minastir de patrouiller et d'assurer la sécurité de la ville avec un groupe de fantassins. Comme l'annonça le capitaine à Narmegil et à ses amis, tout cela n'arrangeait guère le prince. Ses forces étaient à présent étalées sur un vaste territoire à surveiller, et divisées en de nombreux groupes. Sans parler des problèmes d'approvisionnement : la prudence recommandait là aussi de divertir des forces afin d'assurer que tous les hommes pourraient convenablement manger. Néanmoins, les aventuriers furent chaudement remerciés pour l'aide qu'ils avaient apportée.

L'homme déclara aussi que la prise de Dol Ormë était imminente. Seule l'arrivée du loup-garou et de ses wargs avait empêché de prendre cette petite forteresse, alors que le gros des troupes et des meneurs était au Pavillon de Chasse, mieux gardé. Maintenant que ce dernier était pris, les forces allaient se reporter sur la tour et dernier bastion clairement identifié des forces d'Ardagor. Autrement dit, d'ici un ou deux jours, selon le militaire, la tour serait prise. Le groupe pouvait donc reprendre immédiatement son exploration des souterrains de Creb Durga, les actions seraient simultanées. Cela dit, maintenant qu'il ne restait plus que Dol Ormë à Ardagor, et comme elle était isolée, le capitaine pensait qu'Ardagor allait plutôt se concentrer sur Creb Durga.

La discrétion était donc plus que jamais de mise, ce qui posait un problème : malgré ses grands talents comme guerrier, le nain Bourrin n'était pas franchement discret. Ce n'était pas dans sa nature, et son équipement important et métallique était facile à repérer de loin. Dans la nature, aidé par le manteau de camouflage de Drilun, cela avait passé, mais pas de beaucoup. Et encore avait-il dû enlever sa cotte de mailles, et les gardes orcs étaient gênés par le soleil et pas très motivés. Mais sous terre... Bourrin resterait donc en arrière, et pour aider à faire passer la pilule, ses anciens amis lui dirent que la ville d'Edirey avait besoin de lui : peut-être aurait-il bientôt d'autres orcs et trolls à combattre ?

Le lendemain matin, les six amis reprirent la route de l'est, à pied : Narmegil, Isis, Sîralassë, Drilun, Geralt, et bien sûr Vif sous sa forme féline. Il faisait beau et chaud et Geralt pesta après les dix lieues de marche qu'ils firent dans la journée, mais ses amis ne l'entendirent pas tellement ils avaient l'habitude de ses récriminations dès qu'il avait autre chose à faire que de se reposer. Ils retrouvèrent l'endroit où ils avaient dressé le camp près de la rivière Eunreth, et choisirent de ne pas aller plus loin cet après-midi-là. Après une soirée reposante et une bonne nuit, tôt le matin, ils reprirent la route de Creb Durga en pleine forme. Et ils connaissaient le chemin à présent.

Toujours discrets, leur avancée ne posa aucun problème. La rivière fut franchie légèrement pour les elfes, à dos de félin pour les autres. Les mêmes orcs furent évités aux mêmes endroits, il fallut ramper encore une fois dans les herbes hautes et subir la mine renfrognée de Geralt face à cet effort. Enfin, ils arrivèrent à proximité de l'entrée souterraine au milieu de la bessière. Les plus perceptifs distinguaient les voix des orcs, et un sort d'Isis, masqué pour éviter que des sorciers puissent le détecter, permit de préciser leur nombre : onze orcs leur barraient le passage. Ils étaient tous dans le souterrain, et deux d'entre eux légèrement à part, sans doute des gardes près de l'entrée de la grotte. A présent, il fallait les éliminer sans qu'ils puissent donner l'alerte.

2 - Voie libre
Après réflexion, les membres du groupe se rapprochèrent silencieusement de l'entrée, les plus discrets en premier. Deux gardes bloquaient effectivement le passage à quelques mètres de l'entrée, à l'intérieur, tandis que les autres semblaient occuper un espace un peu plus éloigné. Les deux orcs visibles semblaient nerveux mais tout de même attentifs : ils jetaient fréquemment des regards vers l'extérieur, malgré le déplaisir que leur procurait la lumière du soleil. En dehors des jurons et invectives qu'ils échangeaient avec leurs compagnons bien abrités du soleil, les deux gardes se parlaient beaucoup, semblait-il pour se rassurer. Drilun, qui commençait à maîtriser suffisamment leur langue grâce aux cours donnés par Niemal, arriva bientôt à comprendre la raison de leur nervosité.

Si les deux orcs râlaient encore plus fort que Geralt, ils avaient en effet de bonnes raisons. Leurs chefs leur avaient prédit la venue probable d'un groupe de grands guerriers et d'elfes contre lesquels ils n'avaient aucune chance en combat. Ils devaient donc juste garder le passage pour donner l'alerte dès que les intrus arriveraient. Les deux orcs postés près de l'entrée étaient donc des sacrifiés d'avance ; les autres, plus éloignés, avaient peut-être une petite chance de s'enfuir, mais pas eux ! Ce qui expliquait les nombreuses invectives et le peu d'empressement des autres orcs à venir remplacer les deux gardes...

Tandis que Geralt et Vif se plaçaient de chaque côté de l'entrée, Isis et Drilun se positionnaient un peu plus loin, mais de manière à pouvoir tirer à l'arc sur les gardes. Ces derniers avaient peu de chances de repérer leur odeur grâce à l'ail des ours dont tout le monde s'était enduit, grâce aux recherches faites par le soigneur et la lionne. Silencieusement, par gestes, les deux archers se coordonnèrent et envoyèrent leur trait en même temps. Malheureusement, ils ne s'étaient pas mis d'accord sur l'orc qu'ils visaient, et un des deux gardes mourut sur-le-champ, percé de deux flèches. Mais son collègue n'eut pas le temps de réagir : à peine eut-il le temps de comprendre ce qui se passait que Geralt était entré d'un bond et faisait sauter sa tête...

Le reste du groupe entra alors dans l'espèce d'antichambre, et Drilun, tâchant d'imiter de son mieux la voix grossière des orcs, lança une invective à l'adresse des autres. Des jurons moqueurs lui répondirent quant à la relève et aux désirs d'endroit sombre, mais apparemment il avait fait illusion, malgré son accent certain. Restaient donc neuf orcs, trop occupés à jurer ou se battre pour se rendre compte que certains de leurs ennemis les observaient à quelques mètres : six orcs occupaient une espèce de petite grotte élargie, tandis que trois autres devaient se trouver un peu au-delà. Les humains, gênés par l'obscurité, utilisèrent du trèfle de lune pour voir aussi bien que les elfes dans le noir.

Il fallait bloquer toute possibilité de fuite pour les orcs. Aussi le plan suivant fut-il adopté : Vif porterait Geralt et elle filerait à travers la petite grotte jusqu'au passage à l'autre bout. Les deux amis devraient liquider les trois orcs les plus éloignés et empêcher les autres de fuir. La lionne remplit sa part du contrat à merveille : elle fila dans la petite grotte à une telle allure que les orcs mirent un temps avant de comprendre ce qui venait de passer. Elle ne pouvait sauter par-dessus les orcs car le plafond de la grotte était trop bas, mais elle zigzagua entre les gardes jusqu'à atteindre les trois plus éloignés, dans le passage qui se poursuivait. Quelques secondes après, tous les trois étaient morts.

Les six orcs restants ne firent pas long feu. Quatre moururent en quelques secondes, grâce aux flèches des archers - ils s'étaient mis d'accord cette fois pour ne pas tirer le même - et aux armes de Narmegil et Sîralassë. Les deux survivants crièrent et firent mine de prendre la fuite, qui était bloquée, et deux autres cadavres allèrent rejoindre leurs pareils au sol. L'un d'eux avait un cor au côté, comme certains des compagnons morts l'instant d'avant, mais il n'avait pas eu le réflexe d'essayer de le prendre et de souffler dedans. Aurait-il essayé, peut-être même n'aurait-il pas trouvé le temps, tant les choses s'étaient déroulées rapidement ! La voie était maintenant libre vers le labyrinthe des cavernes de Creb Durga.

3 - Exploration humide
Les orcs n'avaient rien d'intéressant sur eux, mais un cor fut pris par Isis. Avant d'avancer plus avant, se posa la question des corps : que faire de tous ces cadavres ? S'ils étaient découverts, l'alarme serait tout de suite donnée, et sans doute au plus mauvais moment. D'un autre côté, si les corps disparaissaient, le risque était pratiquement aussi grand d'avoir le même résultat. Mais Sîralassë eut une idée, vite approuvée par les autres : les orcs éventrés par la lionne furent découpés de manière à simuler une macabre scène de cannibalisme orc. Et les autres furent disposés pour suggérer une bagarre qui avait mal tourné et où tous les protagonistes s'étaient transpercés de leurs armes. Le résultat était très convaincant !

Avant de partir, Isis fit à nouveau un sort d'écoute le plus discret possible sur un plan magique. Le souterrain qu'ils allaient emprunter semblait vide d'occupant sur un demi-mile environ, après quoi les sons semblaient bloqués par quelque chose - de l'eau sans doute. Cela correspondait au plan que Drilun avait dressé, sa magie lui ayant indiqué la présence d'eau dans la première grande caverne qu'ils devaient rencontrer. Le groupe avança donc, éclairé par la faible lumière de l'aura que les elfes avaient appelé autour d'eux. Chacun avançait discrètement, d'autant que les sons portaient loin et étaient amplifiés dans les grottes. Et Vif, grâce aux vibrisses que son corps félin portait entre autres au niveau des pattes, sentait particulièrement bien les vibrations sur le sol de pierre. Même dans le noir le plus total, aucun ennemi ne pouvait la surprendre.

Après un moment, le groupe atteignit la caverne attendue. Le sol en était effectivement recouvert d'eau, jusqu'à une hauteur maximale de un mètre environ. Le félin qu'était Vif était entièrement trempé, tête exceptée, mais les humains furent aussi affectés par la grande fraîcheur de l'eau. Heureusement, tous étaient robustes et endurants, et seul le moral de Geralt en fut affecté. La grotte était très grande, et une ouverture fut repérée sur la gauche. Le reste de la caverne, dont une partie était au sec, fut tout de même exploré, mais rien de particulier ne fut découvert. De l'eau gouttait par des fissures qui conduisaient peut-être à la surface, fissures qui ne pouvaient laisser passer aucun d'eux.

Le couloir souterrain de gauche fut donc pris, et comme il remontait un peu, l'eau resta en arrière, en dehors de celle qui trempait leurs affaires et leurs corps. Isis put alors faire un autre sort d'écoute, qui lui indiqua la présence de très nombreux ennemis. Il y en avait trop pour déterminer leur emplacement à tous, plus de mille sans doute. Les estimations concernant les forces d'Ardagor étaient bien en dessous de la réalité ! Mais concernant les ennemis les plus proches, elle arriva à distinguer et à isoler assez bien les bruits grâce à sa magie pour se faire une bonne idée de ce qui les attendait. Sans parler des sens exercés de Geralt et Vif, qui fournissaient leur lot d'informations.

L'air se chargeait de bruits, de chaleur et d'odeurs : un village d'orcs était proche, qui rassemblait sans doute autour de deux cents guerriers orcs, et nombre de créatures de plus petite taille, sans doute des femelles et des enfants. Mais un autre être, lui très lourd et massif, était aussi présent : sans aucun doute un troll. Les plus proches ennemis étaient une demi-douzaine d'orcs probablement postés à l'entrée d'une grande caverne où vivaient une cinquantaine de leurs congénères. A présent, le temps de la discrétion arrivait à sa fin. Le temps du combat arrivait, et si les orcs étaient quantité négligeable, le troll méritait une attention particulière.

4 - Orcs, olog et humains
L'équipe s'approcha en catimini de la demi-douzaine de gardes orcs qui se tenaient à l'entrée de la caverne. Puis, rapidement, six cadavres tombèrent sur le sol. Cela ne passa pas inaperçu, car l'endroit où la garde avait été éliminée donnait directement sur une grande caverne éclairée par divers feux, où peut-être une cinquantaine d'orcs vaquaient à leurs occupations, comme s'injurier, se battre et manger, entre autres choses. Quelques orcs aperçurent les intrus et finirent par alerter leurs congénères. Petit à petit, tous prirent leurs armes et se mirent à crier de plus en plus... mais sans s'avancer pour autant. Manifestement, ils avaient peur des aventuriers, et ils attendaient quelque chose...

Narmegil et ses amis attendaient la même chose, qui finit par arriver : un troll d'environ quatre mètres de haut sortit de derrière un gros pilier de la caverne, équipé entre autres d'un pavois. Drilun visa la tête du monstre, mais entre la distance, la mauvaise lumière et le grand bouclier, il n'arriva pas à inquiéter l'olog, qui s'avança. Mais pas autant que Vif et Geralt. Le maître assassin avait une nouvelle fois embarqué sur le dos de la lionne, qui sauta par-dessus les orcs ou zigzagua entre eux. Geralt eut toutes les peines du monde à ne pas tomber, et il finit par se laisser chuter en un roulé-boulé impeccable lorsque Vif s'approcha assez près du monstre, qui avait dégainé une grande épée.

La lionne fonça sur le troll, qui donna un grand coup d'épée. Épée qui frôla le félin mais sans le toucher : Vif voulait juste passer entre les jambes de l'olog et elle avait bondi pour éviter le coup et se retrouver dans le dos de la créature monstrueuse. Créature qui tournait maintenant son attention vers Geralt : ce dernier approcha en faisant tournoyer sa lame, et, rapide comme toujours, il parvint à blesser légèrement l'olog et à le mettre sur la défensive avant qu'il ne puisse porter une attaque. L'assassin vit aussi la lionne faire demi-tour et sauter à la tête du monstre, dans son dos, puis une gerbe de sang... et Geralt dut faire un plongeon sur le côté pour éviter la chute du monstre.

Les orcs étaient restés immobiles, attendant de voir le résultat du combat de leur chef. Ce fut brusquement la panique, et ils fuirent le plus loin et le plus vite possible, annonçant par leurs cris l'arrivée des grands guerriers et des elfes dans les cavernes adjacentes. La panique se propagea rapidement, alimentée par le carnage que faisaient Vif et ses amis autant qu'ils le pouvaient. Certains des orcs les plus petits ou les plus jeunes cherchaient à se cacher dans des fractures étroites et parfois peu profondes, et ils furent massacrés chaque fois que c'était possible. Pas que la chose plaisait au groupe, mais c'était pour eux l'équivalent d'une corvée de nettoyage, sale mais nécessaire.

Tous les habitants de la caverne ne furent pas tués néanmoins : deux esclaves humains étaient là, avec lesquels les orcs s'amusaient un peu avant l'arrivée des aventuriers. Ils n'étaient pas trop amochés et pouvaient envisager de combattre, mais tout ce qu'ils désiraient, c'était de sortir à l'air libre et de se retrouver en sécurité. Quand ils comprirent qu'ils ne pouvaient pas vraiment suivre leurs libérateurs là où ils allaient, ils choisirent d'essayer de passer par le nord jusqu'à la sortie à l'air libre. Peut-être attendraient-ils là que leurs sauveurs les rejoignent, ou peut-être tenteraient-ils leur chance malgré la présence des orcs, ils verraient...

Mais avant leur départ, ils renseignèrent du mieux possible leurs libérateurs. Ils expliquèrent que le groupe de cavernes s'appelait le village du puits, en raison d'un puits sans fond où les prisonniers étaient parfois jetés. Quelquefois, un rire sinistre semblait monter du fond du puits... Mais ces pratiques avaient fortement diminué les derniers mois, quand les esclaves humains avaient été réquisitionnés - et protégés - pour travailler de plus en plus aux mines. Les deux hommes expliquèrent en quoi cela consistait : ramasser eau et gravier ou morceaux de roches là où l'eau coulait, les mettre sur une rampe inclinée avec des tasseaux espacés comme obstacles. Les tasseaux retenaient une partie des roches fines, d'où un humain retirait parfois des petits bouts qu'il mettait dans un petit coffret. Les équipes des mines consistaient en dix esclaves, dix orcs, un olog et un humain. Isis avait senti certains de ces groupes à distance grâce à ses sorts, et Vif avait entendu et senti les coups de pic sur la roche, au loin.

5 - Le village du puits
Mais avant d'arriver à ces mines, il restait du travail d'exploration et nettoyage à faire. Après le départ des ex-esclaves avec des torches et autre matériel, le groupe entreprit de continuer à fouiller les différentes cavernes du village du puits. La plupart des orcs avaient fui, mais certains s'étaient juste cachés dans des anfractuosités. De plus, un certain nombre de ces petites créatures semblaient avoir élu domicile dans une caverne proche, contrairement aux nombreux autres qui mettaient autant de distance que possible avec les aventuriers.

Intrigués, Narmegil et ses amis se dirigèrent vers la caverne en question. Certains remarquèrent que l'air était notablement plus chaud par là, impression qui s'accentua encore alors que le groupe entra dans la caverne. Les orcs présents s'enfuirent alors dans un passage au bout de la caverne, mais ils n'allèrent pas très loin, comme si quelque chose les retenait de continuer. Pourtant, d'après le plan dressé par Drilun, il devait y avoir une autre caverne par là, puis encore des boyaux qui s'enfonçaient sans fin jusqu'aux profondeurs de la terre...

La source de chaleur fut vite trouvée dans la caverne : il s'agissait d'une cheminée ou puits dans le sol, effectivement sans fond apparent, d'où remontait un air chaud. Les plus perceptifs pouvaient même distinguer comme de lointains grondements venant du fond, très éloignés... Plusieurs aventuriers se méfiaient du puits et ne l'approchaient pas trop. Le groupe prit ensuite le passage emprunté par les orcs, qui se tenaient non loin, attendant peut-être que les aventuriers s'en aillent. Geralt n'eut aucun mal à leur faire peur d'un cri et d'une grimace, et ils s'enfuirent à toutes jambes, et cette fois-ci sans s'arrêter. Vif les entendit qui s'éloignaient sans fin et de plus en plus profondément...

Les aventuriers débouchèrent alors dans une nouvelle caverne. Mais elle était différente de toutes les autres en ce sens qu'elle ne montrait aucun signe de vie des orcs, ou plutôt juste un : à l'entrée de la caverne se tenaient les restes d'un campement. Il laissait penser que des gardes orcs se tenaient là pour empêcher que quelque chose vienne de la caverne et des profondeurs pour envahir leur village. Le sol était aussi marqué par des traces anciennes de quelque chose de très gros qui avait raclé voire usé la roche. Intrigué, Isis lança un sort afin d'avoir une vision de la créature ou chose qui avait laissé de telles traces. Ce qu'elle vit magiquement ressemblait à un énorme lézard de plus de dix mètres de long. Elle se dit qu'elle avait eu la vision de ce qu'on appelait aussi un ver, autrement dit, un dragon sans ailes.

Le comportement des orcs parut plus compréhensible, et les six amis décidèrent de ne pas pousser plus loin leur exploration. D'autant que les orcs étaient maintenant trop loin. En revanche, tandis que d'autres cavernes du village étaient parcourues, des signes très nets de l'arrivée d'une armée abondaient. Avec un sort, l'ennemi put être plus facilement dénombré et localisé : au moins deux cents orcs, et d'autres arrivaient sans cesse, des wargs, et trois créatures bien lourdes qui devaient être des trolls de guerre. Tout ce beau monde était en train de s'amasser dans une caverne toute proche du village, de chaque côté du passage qui débouchait en plein milieu. Les aventuriers étaient attendus, et l'affaire se corsait un peu. D'autant qu'ils n'avaient pas vu d'autre ouverture : pas d'autre choix que de repartir en arrière ou d'affronter plusieurs adversaires de taille.

6 - Retraite
Mais Vif sentit les vibrations du sol annoncer encore l'arrivée de quelque chose d'autre de lourd et massif. Sîralassë traduisit ses feulements grâce à sa magie, et Isis fit un nouveau sort d'écoute. Sort qui annonça l'arrivée prochaine de quelque chose d'autre qui faisait encore plus vibrer le sol que les trolls, sans pour autant qu'elle puisse dire de quoi il s'agissait. L'équipe se posta alors dans la caverne du village la plus proche de l'armée ennemie, derrière des parois et stalagmites, attendant de voir ce qui allait déboucher du passage. De nombreux tambours se mirent à résonner du côté des ennemis, suivis par les cris frénétiques de nombreux orcs. Bientôt, les vibrations du sol furent perceptibles de tous comme autant de chocs sourds de la pierre contre la pierre...

La créature finit par apparaître dans l'ombre du passage. Elle était nettement plus petite qu'un troll, mais plus large, et sa forme était vaguement humanoïde. Elle ne comportait aucun autre trait distinctif, pas d'articulation franche, pas de traits du visage, pas de cheveux, encore moins des vêtements. En gros, elle ressemblait à une masse informe de pierre vivante et animée. Masse derrière laquelle s'abritaient deux trolls qui tenaient haut leur bouclier, puis diverses silhouettes plus petites, encore un troll, et encore beaucoup de monde... Vif et certains de ses amis se rappelèrent l'eau vivante que la Femme des Bois avait combattue à Tharbad, et que seule l'intervention de Tina/Tevildo avait réduite à néant. C'était ici la même chose, mais en pierre...

Peut-être la chose était-elle vulnérable à la magie ? Drilun essaya d'utiliser tout son pouvoir pour repousser, maîtriser ou blesser la créature, mais sans succès. En revanche, il sentit qu'une autre magie contrôlait la créature, magie qui bloquait complètement la sienne. Autrement dit, un sorcier était à l'œuvre qui contrôlait ce monstre de pierre. Niemal n'avait-il pas parlé d'une magicienne qui avait trouvé un anneau elfique ancien qui permettait ce genre de magie très puissante ? Seule, la créature de pierre aurait peut-être pu être un défi gérable. Avec les trolls, wargs et autres derrière, cela relevait plutôt du suicide, et le groupe commença à faire retraite en direction du nord, par là où il était arrivé.

Pris d'une inspiration soudaine, Geralt proposa un plan à ses amis : s'il se maquillait en orc et qu'il laissait passer le monstre, il arriverait sans doute à identifier le sorcier qui tirait les rênes de cette magie. Il ne lui resterait alors plus qu'à lui régler son compte, et cela serait un problème de moins. Devant l'approbation plus ou moins silencieuse de ses compagnons, le maître assassin fila en avant et récupéra diverses affaires sur les cadavres orcs, affaires dont il se couvrit. Il se roula aussi dans leurs immondices afin de masquer son odeur, puis il fit le mort parmi les nombreux cadavres de la première caverne qui avait été "nettoyée".

Ses amis passèrent, et il resta seul, entendant la progression lente mais sûre de la créature de pierre vivante, suivie par les trolls de guerre et les orcs bruyants. Mais un doute le prit soudain : bon, il tuerait le sorcier, très bien, et ensuite ? Il se retrouverait seul, le chemin vers la sortie bloqué par les monstres qu'il allait laisser passer. Et il partirait par où alors ? Il serait obligé de s'enfoncer au cœur des cavernes pleines d'orcs, de trolls, de wargs et d'autres, alors qu'il ne connaissait ni le chemin ni aucune sortie ? Mais il était complètement cinglé, il n'avait aucune chance !!! Alors que la créature de pierre commençait à apparaître, il se releva et s'élança à toutes jambes vers le nord afin de rattraper ses amis.

Tandis qu'il partait en courant, une voix forte et moqueuse lui parvint de derrière lui, voix qu'il reconnut aussitôt : Caran Carach se désolait de le voir partir aussi vite et regrettait qu'il n'ait pas choisi de rester un peu plus longtemps... Geralt comprit à quel point il était passé près de la mort. Son travestissement avec les affaires des orcs n'était pas assez pour tromper les sens redoutables du loup-garou, et si ses amis avaient été plus éloignés, Caran Carach l'aurait sans doute poursuivi dans le passage et abattu... Une fois ses amis rejoints, il profita de l'eau de la caverne en partie submergée pour se nettoyer, tandis que les bruits de poursuite s'arrêtaient derrière eux. Ils continuèrent tous vers la sortie : ils avaient affaire à trop fort pour eux, et devaient trouver autre chose pour découvrir Ardagor dans les méandres de Creb Durga.

7 - Suite à donner ?
Les deux ex-esclaves furent rejoints. Désormais bien encadrés, ils ne risquaient plus de mal tomber et leur survie était garantie. C'était le point le plus positif de cette expédition peut-être, en plus de la mort d'un olog. Sans parler des informations qu'ils possédaient sur Creb Durga. En plus du travail de la mine, les ex-esclaves avaient confirmé les bruits qui couraient entre eux sur les vignes et la belle et grande jeune femme qui venait s'en occuper parfois. Jeune femme dont certains parlaient comme d'une elfe, et dont la description évoquait fortement la sœur de Sîralassë. Leur connaissance de Creb Durga était sinon trop limitée, d'autant qu'ils n'y étaient pas depuis si longtemps que cela. Mais c'était tout de même autant de pris.

Lorsque la sortie fut atteinte, la nuit tombait, mais les orcs ne furent aucunement un problème. Au contraire, Vif en profita pour se défouler un peu et poursuivre le "nettoyage". Au bout du compte, personne ne se reposa, et le camp d'Arthedain, à l'ouest, fut atteint alors que la nuit était bien avancée. Après quelques hésitations - certains voyaient des traîtres un peu partout - le commandant du camp reçut un compte-rendu détaillé de l'expédition à l'attention du prince Minastir, lorsqu'il serait rentré. En échange, les aventuriers apprirent que la tour de Dol Ormë était tombée sans coup férir aux mains de la coalition Cardolan-Arthedain.

Après un repos trop bref aux yeux de certains, dont le moral avait bien souffert, il fut décidé d'aller voir Niemal pour reparler de la magie qu'ils avaient rencontrée. Narmegil arriva à convaincre le commandant du camp de leur prêter des chevaux pour la journée, et ils furent partis à Edirey, où l'elfe érudit était censé se trouver. La route était bonne et le temps clément, les chevaux de qualité, et les aventuriers étaient pressés. Le trajet fut couvert en une heure, sans incident notable, et la ville fut atteinte. Niemal était bien là, qui prit de leurs nouvelles avec intérêt, et répondit aux questions qui lui furent posées.

La magie de contrôle des esprits élémentaires provenait bien d'une babiole créée par les elfes au second âge. C'était un anneau redécouvert peu auparavant dans une ancienne cache secrète des environs de Tharbad. Parmi les aventuriers qui avaient mis la main dessus se trouvait une magicienne très douée, du nom de Moriel, qui avait réussi à débloquer la magie de l'anneau et à apprendre à s'en servir. Mais cette petite femme - une humaine atteinte de nanisme, pas plus grande qu'un hobbit - était avant tout avide de pouvoir et elle avait des liens avec Angmar. Elle avait fini par trahir ses compagnons pour rejoindre ses anciens maîtres, qui lui avaient repris l'anneau. Anneau qui agissait sur elle comme une drogue, et dont elle ne pouvait sans doute plus se passer. Les créatures que l'anneau permettait d'invoquer pouvaient être puissantes, et seule la magie les affectait. Mais le porteur de l'anneau devait rester en permanence à proximité, ou bien les créatures ne pouvaient être très puissantes.

Niemal fut également très intéressé par la description des mines. Du peu qu'il en savait, le travail d'extraction décrit faisait furieusement penser à l'extraction de l'or. Cet or était d'ordinaire présent dans les roches du centre de la terre, roches présentes au cœur de Creb Durga. Les eaux des collines et marais au-dessus, en dégradant ces roches, lessivaient ces éléments qui pouvaient se déposer à certains endroits. Cela expliquerait bien des choses, et en particulier les moyens économiques formidables dont Ardagor semblait disposer, sans parler d'Angmar. En revanche, ce savoir devait être tenu secret : si jamais les seigneurs du Cardolan venaient à savoir cela, cela risquait d'entraîner la guerre entre eux. Creb Durga était à la frontière de la plupart des baronnies et principautés du Cardolan, et leur besoin de richesses pouvait signer leur perte, même sans le Seigneur de Guerre pour les pousser les uns contre les autres !

Restait à déterminer une nouvelle approche de Creb Durga. Le commandant du camp d'Arthedain, en bon tacticien, avait analysé les choses de la sorte : l'équipe, face à des ennemis plus puissants qu'eux, avait passé trop de temps à explorer le village du puits, ce qui avait permis aux forces adverses de s'organiser. La vitesse était essentielle pour ne pas se laisser piéger par des forces trop importantes. Par où passer à présent ? Toutes les entrées seraient sans doute surveillées d'une manière ou d'une autre, et même celle du sud, non utilisée, devait avoir ses obstacles, naturels ou non. Passer à nouveau par le nord était peut-être le choix le plus improbable, mais l'intelligence de Moriel ou d'Ardagor ferait sans doute qu'ils ne négligeraient pas cette possibilité.

8 - Explorateurs en maraude
L'équipe repartit dans la matinée et retourna au camp d'Arthedain rendre les chevaux. Le reste de la journée la vit revenir au même lieu de campement que précédemment, près de la rivière Eunreth, où tous se reposèrent bien. Tôt le lendemain, le groupe franchit à nouveau la rivière et approcha de Creb Durga par le nord, comme avant. Mais pas discrètement, car il n'était pas question d'entrer en catimini dans les cavernes. Les orcs furent laissés en pâture à Vif, et lorsqu'ils furent tous éliminés, le réel travail commença : explorer tous les abords de Creb Durga, de plus en plus près. A l'aide de la magie d'Isis ou Drilun, des sens exercés de Geralt ou Vif, et de la longue-vue de Sîralassë, les abords du siège d'Ardagor furent passés au peigne fin.

Et ils étaient bien gardés. Une dizaine de loups ou wargs, cinq trolls de guerre - trois en groupe et deux chacun d'un côté - plus une trentaine d'hommes. Et le terrain jouait pour eux : les sentinelles étaient en hauteur, masquées par des forêts plus ou moins épaisses, tandis que tout le secteur était entouré par des zones marécageuses faciles à surveiller. Sauf en un endroit, vers le sud-est, où une petite colline - occupée par seulement cinq loups - masquait la vue aux observateurs sur la colline de Creb Durga. Après concertation, c'est par là que l'équipe décida d'avancer. De l'ail des ours avait été ramassé et encore utilisé, le principal obstacle restait donc une étendue marécageuse d'une portée de flèche de large.

A l'aise en nature, la lionne qu'était Vif ne mit qu'une minute à franchir l'obstacle. Les elfes et leur pied léger mirent trois fois plus de temps, et ils vinrent se cacher dans la forêt proche au pied de la colline, auprès de leur amie féline, en attendant les autres membres de l'équipe. Drilun, qui avait un mauvais souvenir d'une précédente tentative, à Tharbad, trouva plus de ressources en lui et ne mit que dix minutes ; alors que Narmegil et Geralt pataugeaient derrière, n'ayant au mieux franchi que le tiers du trajet dans le même temps. Mais le Dunéen, fier de sa prouesse, déchanta quand il vit les gros loups - des wargs - sortir de la forêt en hurlant dans sa direction.

La manœuvre des wargs avait surpris elfes et Femme des Bois. Cette dernière bondit hors du bois et deux des agresseurs se détournèrent de l'archer-magicien pour se diriger vers elle. Le premier fut instantanément démembré d'un puissant coup de patte, mais le second parvenait à blesser légèrement la lionne. Isis tira une flèche en plein dans la tête d'un warg qui se dirigeait vers Drilun, qui eut tout juste le temps de se protéger d'un sort et de prendre son bouclier - la combinaison des deux lui évita de prendre des blessures face aux deux attaques. Sîralassë sortit du bois en courant, mais il était trop lent. Geralt et Narmegil étaient trop loin et ne pouvaient rien faire.

Tandis que Vif éliminait son assaillant et fonçait vers son ami dunéen, Isis blessait mortellement un autre warg tandis que Drilun sortait son épée et se défendait du dernier. Puis il le transperça de son épée, en même temps que la lionne faisait jaillir le sang d'un nouveau coup de patte. Le combat était fini, mais il avait eu un témoin : à quelques centaines de mètres, un olog avait pu observer la scène et il soufflait à présent dans un énorme cor. Tout Creb Durga devait être prévenu, et un sort d'Isis montra que les autres wargs se dirigeaient à présent vers eux, de même que de nombreux humains. Pas les trolls, en revanche.

Vif alla aider Narmegil à sortir du marais, et cinq nouveaux wargs arrivèrent juste comme elle sortait du bourbier. Les bêtes furent massacrées en un rien de temps, cette fois. Le soigneur prépara de l'athelas pour guérir la blessure de Vif tandis qu'elle allait chercher Geralt. Le troll, là-bas, sonnait à nouveau mais de manière différente à présent : tous les humains et les deux trolls isolés se dirigeaient à présent vers le sommet de la colline afin de se regrouper. Ils étaient désormais sur le site de l'entrée principale de Creb Durga, et semblait-il à présent condamnée, selon les dires d'un ancien mercenaire d'Ardagor. Trente hommes, deux trolls... la bande d'aventuriers se dirigea dans leur direction, prête à en découdre.
Modifié en dernier par Niemal le 01 septembre 2012, 22:59, modifié 3 fois.
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