Terre du Milieu - Système J

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Niemal
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Horselords - 48e partie : gros ennuis ailés en approche

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1 - Repos et préparatifs
Tandis que Vif, Rob, Geralt et Mordin allèrent bientôt prendre un repos qu'ils estimaient mérité, d'autres restèrent actifs encore un moment. En plus d'Isilmë qui soignait à tour de bras, Drilun et Taurgil ne tenaient pas à se coucher tout de suite. Alors que les chefs nordiques faisaient le bilan dans leur coin, le Dúnadan échangea avec eux sur la suite des événements puis il partit soigner à son tour, quand il ne surveillait pas la dragonne au repos. Quant au Dunéen, il passa un bon moment à fouiller les scènes du combat contre le grand ver pour y trouver des morceaux d'écaille qui pourraient servir pour sa magie. Il ne tenait pas trop à se servir directement sur la bête encore vivante...

Lorsque le matin arriva, l'archer-magicien profita de la magie de l'elfe pour pouvoir dormir plus profondément, comme ses amis d'ailleurs : tous avaient beaucoup donné physiquement mais encore plus nerveusement, et ils avaient tous, à des niveaux divers, un sérieux besoin de retrouver des forces internes. Du marchand de sable fut également utilisé par Geralt de manière à être frais et dispo plus rapidement, ce qui fut le cas en début de matinée, et pouvoir prendre la relève de ses amis restés debout. Puis, petit à petit, chacun se réveilla et trouva à s'occuper selon ses goûts et capacités. Sans oublier de débattre longuement de la suite à venir : le convoi pour Angmar ne devait plus être si loin au nord, et il fallait absolument arriver avant lui aux premiers contreforts des Montagnes Grises.

Mais avant cela, l'armée était plus ou moins immobilisée pour une journée et une nuit entière. D'une part, il fallait attendre que la dragonne guérisse de sa plus sérieuse blessure, soignée magiquement par Taurgil. D'autre part, les corps étaient nombreux dont il fallait s'occuper : deux cents guerriers nordiques avaient trouvé la mort, mais aussi quatre cents chevaux. Si une partie pouvait servir de nourriture, il y en avait bien trop, et en au plus trois jours rien de ce qui resterait ne serait consommable. Impossible aussi de fumer la viande, ils manquaient cruellement de bois pour cela : la Forêt Sombre constituait les plus proches peuplements boisés, et elle était à un jour à pied de là. Même à cheval, aller là-bas et ramener du bois - censé être gardé par les elfes en plus - n'était pas vraiment envisageable.

L'odeur qui commença bientôt à émaner de tous les cadavres fut dissipée par un sort de l'archer-magicien, sort qu'il dut renouveler régulièrement. Il augmenta également la température de l'air autour du camp de manière à empêcher que le moral des troupes ne continuât son inexorable descente : en effet, la nuit était fraîche et vu le nombre de tentes et couvertures détruites par la dragonne, sans compter les besoins destinés aux blessés, de nombreux guerriers n'avaient pas d'autre choix que de grelotter pour passer la nuit, en attendant de devoir manier la pelle au matin pour enterrer leurs amis. Car faute de bois pour brûler les corps ou de pierres pour les ensevelir, seul l'enterrement restait possible, et cela demanderait du travail...

Vif joua au croque-mort dans plusieurs sens du terme : en se servant tout d'abord de belles portions de viande de cheval, puis en amenant plusieurs carcasses à la dragonne qui sembla apprécier le déjeuner servi au lit. Par la suite, elle aida à déplacer les cadavres des chevaux à l'écart, du moins pour ceux qui ne devaient pas finir dans une marmite. Marmite devant laquelle officièrent le Dúnadan et le hobbit. Tous deux purent utiliser leurs connaissances des herbes, parfois augmentées par la larme de Yavanna, afin d'arriver à tirer de leurs ressources et de la viande disponible les meilleurs repas possibles et faire remonter un peu le moral des nordiques. Et Drilun se mit rapidement à la confection de flèches magiques particulièrement mortelles pour les dragons, après avoir essayé sans succès d'obtenir des informations de la part de Haurnfile.

La dragonne fut également soignée davantage par le rôdeur dúnadan avant qu'il n'embrassât son rôle de cuistot : il avait en effet établi un bilan de santé de leur adversaire de la nuit et constaté qu'elle était assez mal en point, avec d'autres blessures sérieuses en plus de la flèche magique que Drilun avait profondément enfoncée dans ses chairs. Son point faible, notamment, avait été touché plus d'une fois et il saignait encore. Le descendant des rois du Rhudaur avait dû convaincre la dragonne de se laisser faire et de ne pas l’aplatir comme crêpe, afin de pouvoir la rendre en meilleure santé. Il ne s'occupa en revanche pas des nombreuses blessures légères qu'elle avait reçues et qui l'affaiblissaient sérieusement. Il ne tenait tout de même pas à tenter le diable en lui donnant une trop bonne forme, juste à s'assurer qu'elle serait une alliée de poids contre leurs ennemis.

2 - Plan et inquiétudes
Les discussions avec les chefs nordiques et en particulier Atagavia avaient permis de dégager une ligne d'action pour le lendemain : pour arrêter les Sagaths dans les premiers contreforts des montagnes, il fallait les bloquer sur le chemin et les attaquer au plus vite avec l'aide de Haurnfile, dans les deux jours tout au plus. La position du convoi fut estimée, et plus ou moins confirmée plus tard par des observations indirectes de Geralt et sa longue-vue des nuées de charognards qui suivaient l'énorme convoi. Le prince des Waildungs estima que l'armée pourrait partir dès le lendemain matin et arriver au premier passage dans les contreforts en une demi-journée sans forcer. Si leurs blessés légers étaient laissés en arrière pour s'occuper des blessés plus sérieux et du camp provisoire, il resterait tout de même mille trois cents cavaliers prêts à en découdre - un tiers de moins qu'avant le passage de la dragonne. Cela suffirait-il face aux milliers de Sagaths, sans compter les loups et wargs, non plus que les orcs ? Il faudrait bien.

Bien entendu, la dragonne pouvait être un allié de poids, mais pour les nordiques elle représentait une menace et une sérieuse inconnue plus qu'autre chose. Sans parler de l'autre dragon, plus puissant, qui était susceptible de montrer le bout de sa queue - et le reste - à tout moment. Les aventuriers avaient justement utilisé cette possibilité comme argument pour aller au plus vite à la rencontre de leurs ennemis : une fois au corps à corps, appeler le dragon ailé desservirait autant les Sagaths que les nordiques, ils y réfléchiraient à deux fois. En tout cas, et Atagavia et consorts se le firent bien garantir et plutôt deux fois qu'une, les aventuriers jurèrent leurs grands dieux qu'ils ne quitteraient plus l'armée nordique. Si dragon il y avait, ils s'en occuperaient. Eventualité qui leur pendait au nez en permanence : si jamais au cours de la journée ou de la nuit les sorciers ennemis appelaient Bairanax, le dragon ailé, il leur faudrait foncer sur ces sorciers au plus vite pour prendre la pierre et la détruire (ou l'emmener ailleurs) avant que le dragon ne soit là...

Il fallut tout de même les paroles convaincantes de Geralt et Drilun pour faire taire les plus grosses inquiétudes des nordiques. Car les chefs commençaient à avoir assez de détails pour s'inquiéter de la légèreté du plan des aventuriers. Après tout, comment mettre la main sur une pierre magique à dos de féroce ailé ? Inquiétudes que certains aventuriers eux-mêmes partageaient : la pierre une fois activée, il n'était pas nécessaire d'attendre que le dragon la rejoigne et soit éventuellement maîtrisé par magie pour nuire aux nordiques : il suffisait de détruire la pierre au moment où le monstre serait proche de l'armée. Privé de but, il ne lui resterait plus que deux objectifs : se laisser guider par la magie de l'autre pierre d'appel, possédée par Taurgil, ou se donner du plaisir en attaquant les nordiques...

Et puis certains éléments manquaient dans le tableau d'ensemble sur lequel ils faisaient leurs prévisions. Par exemple, où donc était passée Jirfelian ? Après le combat contre la dragonne, où elle avait donné de la voix pour aider les nordiques en attendant l'arrivée des aventuriers, elle avait complètement disparu. Aucune trace d'elle en cours de journée. Également, d'autres éléments nouveaux s'ajoutaient à ce tableau sans qu'il fût possible de dire ce qu'ils signifiaient. Ainsi, Geralt, qui surveillait à la longue-vue le nord-ouest d'où le dragon pouvait venir, avait vu au loin beaucoup d'oiseaux, en nombre inhabituel, trop loin pour pouvoir les identifier ou comprendre ce qui les attirait. Juste que ce n'étaient pas tous les mêmes et qu'ils couvraient pratiquement toute la zone entre la forêt et les contreforts des montagnes...

En surveillant constamment ce secteur, il observa aussi, dans l'après-midi, une nouvelle chose : une petite partie des oiseaux s'approchaient d'eux depuis la forêt. Au sol, à la verticale des oiseaux, des petites silhouettes bougeaient en direction de l'armée. Les formes au loin étaient trop peu nombreuses - au plus une centaine - pour représenter une réelle menace ; mais de qui s'agissait-il ? Petit à petit, il observa de nouveaux détails : une seule des silhouettes semblait avoir une monture, les autres étaient à pied, pourtant ils progressaient vite, comme s'ils couraient à petite foulée ou s'ils marchaient très vite. Au bout d'un moment, Vif commença à percevoir au loin comme des chants, et le maître-assassin vit que la monture était un cerf, sur lequel était montée une femme nordique. Manifestement, Jirfelian revenait vers eux depuis la Forêt Sombre, et elle ramenait avec elle une compagnie d'elfes des bois...

3 - Nouveaux arrivants et cadeau
L'arrivée de ces nouveaux venus n'aida pas peu à remonter le moral de tous, aventuriers compris : ils se sentaient moins seuls à présent, d'autant plus qu'ils amenaient des soigneurs en nombre avec leurs herbes et leur magie, afin de compléter celles de Taurgil et Isilmë. Mais également, ils apportaient un peu de bois, des couvertures de très bonne qualité, et d'autres choses précieuses pour des blessés ou simplement pour des survivants un peu affectés par une attaque de dragon. L'idée aussi d'avoir ces excellents veilleurs et combattants les réconfortait tous : les sorciers adverses y regarderaient à deux fois avant de tenter une quelconque action contre eux, à présent... Même le dragon ailé paraissait moins menaçant à présent.

Jirfelian, qui arrivait avec la petite troupe, fut chaudement félicitée par Taurgil et ses amis. Mais elle leur répondit qu'elle n'y était pour rien en fait : elle était allée voir Radagast, et c'est de lui que venait cette initiative. D'autant plus que les aventuriers avaient déjà été en contact par le passé avec les elfes de la forêt, et ils avaient déjà sollicité leur aide. Des elfes s'étaient donc préparés à cela, et le magicien brun n'avait pas eu besoin de faire beaucoup pression pour motiver les elfes à prendre une part active dans l'expédition des aventuriers. Part tout de même limitée : ils n'étaient pas là pour combattre, juste pour soigner et aider les hommes ou apporter leurs compétences de magie et leurs perceptions à l'effort de guerre.

En fait, Radagast semblait prendre une part assez prononcée dans la quête des aventuriers. Selon Jirfelian, c'est lui qui avait demandé aux oiseaux de surveiller les contreforts des montagnes pour prévenir de l'arrivée possible du dragon. Une dizaine d'elfes pouvaient échanger avec des rapaces qui volaient au-dessus d'eux et pourraient repérer les signes avant-coureurs de l'arrivée du monstre chez leurs cousins présents là-bas. Mais ce n'était pas la seule action du magicien en leur faveur, ni la première, et de loin. La magicienne nordique prit également à part les aventuriers présents et disponibles pour leur faire part d'un cadeau de son mentor à leur attention...

Jirfelian remit aux aventuriers une plume de faucon - de faucon pèlerin, précisa-t-elle. C'était un animal extrêmement rapide, sans doute au moins autant voire plus qu'un dragon ou une féroce ailée, et muni de serres redoutables. La plume était magique et permettait à son porteur, lorsqu'il prononçait un mot de commande qu'elle leur apprit, de se transformer en un tel faucon, équipement compris. Mais cette magie ne pourrait servir qu'une seule fois, et sa durée était limitée - moins d'un millier de battements de cœur. Ce qui pourrait être suffisant pour éventuellement atteindre l'un de leurs ennemis ailés, comme le monteur de féroce ailée ou le dragon... La transformation était réversible à tout moment, mais là encore une seule fois.

Cette plume magique était un formidable outil pour les aventuriers, qui avaient enfin un moyen concret de prendre la pierre d'appel du dragon une fois repérée, et ce même si elle était dans les airs. Et en un temps record, puisque le faucon était bien plus rapide que Vif elle-même. Mais comment s'en servir, et à qui la donner ? Vif fut vite écartée car il fallait être sous forme humaine pour utiliser la plume. Restaient deux très bons combattants capables de forcer un sorcier à céder sa pierre quelque part dans les airs ou attaquer un dragon volant, sans forcément tomber tout de suite : Geralt et Taurgil. Chacun avait ses avantages, comme les talents d'assassin et les perceptions du premier, ou la magie du second. En fin de compte, ils tirèrent au sort, et la plume échut au Dúnadan.

4 - Le plan se précise
Avec les elfes et les chefs nordiques, le planning du lendemain put être affiné. Pour commencer, les elfes se chargeraient du camp et des blessés graves, et ainsi les blessés légers pourraient se joindre à l'expédition sur le convoi sagath. Ils seraient donc mille cinq cents nordiques environ plutôt que mille trois cents. Une partie des elfes accompagneraient l'armée afin de bénéficier de leurs perceptions ou celles des animaux avec qui ils avaient des liens magiques. Il faudrait fournir des chevaux à certains d'entre eux, mais il y en avait largement pour tous les elfes présents s'ils avaient choisi de les accompagner. Ceux qui viendraient resteraient à part, ils n'obéiraient qu'à eux-mêmes, mais ils feraient profiter toute l'armée de leur présence. Sans parler du fait qu'il était plus rassurant d'imaginer l'attaque d'un dragon avec quelques elfes à proximité que sans eux.

Au petit matin, l'armée partirait directement au nord avec la dragonne et elle engagerait le combat dès que possible. Le rapport de force n'était peut-être pas favorable aux nordiques si l'on ne comptait que le nombre de cavaliers des deux côtés et les loups de l'autre. Mais la présence des aventuriers ferait certainement pencher fortement la balance du bon côté, et c'était aussi la garantie que Haurnfile ne se retournerait pas contre son camp, même si cette allégeance était provisoire. De cela, ni Mordin, qui avait clairement fait entendre son point de vue, ni les nordiques, qui l'avaient parfaitement entendu, n'étaient convaincus, mais en tout cas ils semblaient tous prêts à faire confiance à Taurgil et ses amis. Les elfes non plus ne semblaient pas espérer grand-chose de bien de la présence du ver près d'eux, mais ils laissaient le soin à leurs alliés d'assumer leurs choix.

La question du dragon ailé restait le point délicat de cette entreprise, comme Bronwyn le fit remarquer : une fois actif, le dragon ne repartirait pas chez lui avant d'avoir trouvé qui l'avait appelé ou satisfait sa soif de destruction - ou sa faim. Et les elfes parmi les plus anciens confirmèrent que faute d'autre élément, le dragon choisirait la cible la plus importante (et tentante) à proximité pour se défouler. Il fallait donc s'emparer de la pierre d'appel avant qu'il n'arrive en vue de l'armée nordique ou en tout cas avant que la magie de la pierre soit éteinte : à choisir entre passer ses nerfs sur l'armée nordique et répondre à l'appel de la pierre, le dragon ferait très certainement le second choix. Ce qui ne voulait pas dire qu'il ne ferait aucun dégât au passage...

Les aventuriers seraient donc chargés d'intercepter la pierre et son porteur dès son activation. Aussitôt qu'elle serait détectée, Taurgil devrait se rendre sur les lieux occupés par le sorcier et lui prendre la pierre sous forme de faucon, ou au moins arriver à lui sous cette forme très rapide. Ce qui nécessitait de ne pas être trop loin, le faucon pouvant difficilement parcourir plus d'une dizaine de miles (~ 16 km) avant de se retransformer. Selon comment les choses se présenteraient, d'autres aventuriers rapides comme Vif ou Geralt seraient mis à contribution. Dans la mesure où Taurgil conservait sur lui l'autre pierre d'appel, celle de Haurnfile, cette dernière viendrait très certainement aussi. Et la magie attirerait le dragon ailé même si sa pierre à lui était détruite, donc c'était un élément de plus en faveur de l'armée nordique.

Alors que la nuit s'étendait autour d'eux, les gens se séparèrent et allèrent se reposer ou vaquèrent à leurs occupations. Il restait encore bien des points de détail en suspens, mais les gens étaient à présent plus confiants qu'avant l'arrivée des elfes et le cadeau de Radagast. Les elfes choisirent de monter la garde toute la nuit, et certains partirent vers le nord pour jouer les éclaireurs, si bien que tous les nordiques et les aventuriers purent se reposer tout leur content. Tous, sauf Drilun qui choisit la courte nuit - le solstice d'été était dans moins de trois jours - pour forger deux nouvelles flèches spécifiquement destinées à blesser Haurnfile : il ne pouvait avoir confiance en elle, mais il ferait en sorte de ne pas la craindre non plus. Quant au sommeil, il comptait sur la magie d'Isilmë pour le faire dormir au début de la cavalcade.

5 - Départ et révélation
La nuit se passa sans nouvel incident, ni du côté de la dragonne ni du côté des sorciers ennemis. Ou en tout cas personne n'avait rien perçu. A l'aube, l'armée nordique se prépara et monta en selle. L'archer-magicien dunéen ayant juste eu le temps de finir ses flèches magiques, il fut attaché à l'arrière du cheval de Geralt et endormi magiquement pour pouvoir récupérer au cours de leur voyage vers le nord. De toute manière il leur faudrait plusieurs heures avant d'atteindre leurs ennemis, repérés à l'aide d'oiseaux ou de la longue-vue de Geralt. Ils se trouvaient plein nord, mais l'armée prit légèrement vers l'ouest afin d'anticiper le déplacement du convoi.

Avec les cavaliers nordiques venaient donc les aventuriers, un peu devant ou à l'écart, avec une dizaine d'elfes et Jirfelian, ainsi que les hommes du Gondor et ceux de Rult, ou du moins ceux qui avaient survécu : quelques-uns étaient morts en essayant de défendre le maître des chiens de Forpays et ses animaux des déprédations de la dragonne. Un peu plus à l'écart encore, la silhouette massive de cette dernière suivait à même allure qu'eux. Ses blessures les plus graves étaient toutes guéries, ce qui n'était pas sans inquiéter certains. De toute manière, elle était attirée par la magie toujours active de la pierre d'appel portée par Taurgil, cela resterait toujours son principal objectif. Mordin la voyait très bien attaquer son ami au plus fort de l'assaut contre le convoi sagath. L'allure était celle d'un petit galop : il ne risquait pas d'épuiser hommes et bêtes et suffirait largement pour atteindre leur objectif.

L'armée chevauchait depuis une heure environ quand les magiciens du groupe perçurent qu'une magie puissante était à l’œuvre : sans aucun doute, la pierre d'appel de Bairanax venait d'être activée. L'arrivée du dragon ailé cracheur de feu n'était donc plus qu'une question de temps. D'où venait cet appel ? De derrière eux, plus ou moins de l'endroit qu'ils avaient quitté : le camp des blessés, ou en tout cas ses environs proches. Elfes et aventuriers se rapprochèrent pour discuter entre eux, montrant des signes d'inquiétude qui n'échappèrent pas à certains nordiques. La nouvelle n'allait pas tarder à se répandre...

Que fallait-il faire ? Tandis que leur galop se poursuivait, les aventuriers exprimaient leur étonnement et débattaient de la suite à donner : revenir en arrière serait mettre en péril leur plan et laisser la possibilité au convoi ennemi de poursuivre vers l'ouest et Angmar. Pouvait-on pour autant laisser massacrer les blessés ? Et si les sorciers étaient si proches, les elfes ne pourraient-ils pas s'occuper d'eux, avec leurs compétences et leur magie ? Comment n'avaient-ils pas perçu leurs ennemis s'ils étaient si proches ? De toute manière, une nouvelle information leur évita de devoir faire le choix de revenir en arrière : tous ceux capables de percevoir la magie sentirent bientôt que la pierre d'appel du dragon ailé se déplaçait derrière eux. Elle ne venait pas vraiment dans leur direction mais elle était orientée plutôt vers le nord-est. Et elle devait progresser plus vite qu'eux car elle gagnait vers le nord par rapport à eux, tout en maintenant un écart qui devait être d'environ une douzaine de miles.

Ce qui fut bientôt confirmé par les oiseaux magiquement alliés aux elfes : une grande créature ailée était perceptible au sud et un peu à l'est, avec un homme sur son dos. Une autre nouvelle arriva bientôt, du nord-ouest cette fois : les oiseaux là-bas s'éparpillaient, quelque chose issu des Montagnes Grises devait arriver dont ils souhaitaient s'écarter, et dont la nature n'était pas bien difficile à imaginer. Deux plus deux font en général quatre et certains aventuriers firent vite l'opération dans leur tête : un dragon qui vient du nord-ouest et une pierre d'appel qui vient progressivement au sud-est de l'armée. Le dragon passerait immanquablement au-dessus ou à relativement courte portée de l'armée nordique. Que la magie qui l'attirait disparaisse, et il se ferait un plaisir de se défouler...

6 - Perspectives difficiles
Bronwyn vint se joindre à eux, qui avait bien deviné ce qui était en train de se passer. Les aventuriers ne devaient-ils pas s'occuper des sorciers et/ou du dragon ? Mais en fait le groupe était pris de vitesse : le ou les sorciers étaient trop loin pour utiliser la plume magique de Radagast afin de les atteindre rapidement. Il faudrait d'abord se rapprocher d'eux, ce qui donnerait le temps au dragon d'être assez près de l'armée pour être tenté par un carnage. Sans compter que celui d'entre eux qui avait le plus de chance de faire du mal au dragon était en train de roupiller consciencieusement... Et le réveiller, alors qu'il n'était pas au mieux de sa forme, ne serait pas un grand cadeau à lui faire. Mais vu tous les maux possibles...

Ils n'avaient pas le choix, il fallait foncer au plus vite sur le possesseur de la pierre d'appel du dragon et la lui enlever avant qu'il ne soit une menace, ou au minimum maintenir la pierre en activité pour que Bairanax ne s'arrête pas pour détruire toute l'armée. Taurgil monta donc sur Vif qui se prépara à partir vers le sud-est à grande allure. Mais pourrait-elle supporter un pareil effort physique ? En parallèle, les autres aventuriers se demandèrent qui pouvait ou devait les accompagner. Geralt était tout indiqué, mais il n'allait pas y aller avec Drilun inconscient derrière lui. Il fallait le réveiller ou le faire changer de monture.

Et ainsi fut-il fait : le corps endormi de Drilun fut placé à l'arrière du cheval monté par le chef des elfes, sous l’œil un peu jaloux d'Isilmë qui aurait bien voulu être à sa place. Les consignes furent données aux nordiques de continuer à galoper vers le nord, et sans ralentir, tandis que les trois amis iraient s'occuper de la pierre, emmenant aussi avec eux celle de la dragonne, qui ne manquerait pas de les suivre à son tour. Tous se doutaient qu'elle ne risquait pas d'être une menace pour Bairanax, mais ils ne pouvaient la tuer en cet instant ni l'empêcher de venir, et ils ne pouvaient détruire sa pierre d'appel à elle sans perdre tout pouvoir sur elle. Avant de partir, une nouvelle information donnée par les oiseaux leur indiqua que le dragon ailé venait de passer au-dessus des contreforts des Montagnes Grises : il arrivait dans leur direction, et vite !

La lionne enchantée partit donc à toute allure vers le sud-ouest, le rôdeur dúnadan sur son dos, suivie par Geralt à cheval puis par Haurnfile. Les deux amis de la Femme des Bois pouvaient discuter avec leur amie par magie, ce qu'ils ne manquèrent pas de faire devant la nouvelle tournure que prirent les événements après un moment : le ou les sorciers avaient manifestement perçu leur approche et ils filaient plus franchement vers l'est pour s'éloigner d'eux. Autrement dit, il fallait accélérer. Vif força donc l'allure, non sans commencer à tirer une langue jusqu'au sol, mais cette vitesse était impossible à suivre pour le maître-assassin à cheval et la dragonne. Geralt en profita pour faire comme si la fatigue le forçait à ralentir, laissant Haurnfile les dépasser à une certaine distance pour pouvoir se replacer non loin derrière elle ensuite.

En arrière, tandis qu'il devenait presque inévitable que le dragon ailé passât non loin au-dessus d'eux, Bronwyn proposa de disperser l'armée ou du moins de la diviser en six. Son raisonnement était que si le dragon, comme l'avait expliqué le chef des elfes, était d'autant plus tenté par une destruction aveugle que cette dernière serait grande, séparer l'armée en plus petits groupes limiterait le potentiel de destruction qu'il pouvait causer, et donc sa motivation à s'arrêter. L'idée fut adoptée et les six tribus nordiques se séparèrent, aventuriers et elfes restant proches de la plus grosse, celle d'Atagavia et de sa fille. Aldoric, pour sa part, était resté avec les blessés suite à des fractures reçues contre le dragon et que les aventuriers s'étaient bien gardés de soigner trop vite...

7 - Duel aérien
Cela faisait un moment déjà que Vif supportait le poids de son ami dúnadan, et elle ne tiendrait pas éternellement à l'allure actuelle. Haurnfile et Geralt n'étaient déjà plus visibles derrière elle, mais en revanche elle commençait à percevoir tant magiquement que physiquement que celui ou ceux qu'ils poursuivaient n'étaient plus si loin que cela. Et c'était même plutôt un pluriel dont il s'agissait : en plus de la créature ailée montée par un sombre cavalier, un cheval semblait la suivre, lui aussi monté par quelqu'un, juste en dessous. Elle gagnait sur eux progressivement, mais arriverait-elle à tenir jusque-là ? Heureusement, ce ne serait pas forcément nécessaire : elle mit son compagnon au courant de ce qu'elle percevait, et Taurgil utilisa la plume de faucon magique pour se transformer.

Le Dúnadan une fois changé en faucon pèlerin, la lionne ralentit tandis que le rapace prenait de l'altitude et accélérait de toute la puissance de ses ailes robustes, à une vitesse que même la féline Femme des Bois était incapable d'atteindre. C'était encore loin d'égaler la vitesse des martinets que les elfes utilisaient parfois pour transmettre des messages, mais ces grands coureurs du ciel étaient loin d'avoir la force et les perceptions du faucon pèlerin. Par contre, la transformation n'avait pas été parfaite : la larme de Yavanna que portait le rôdeur n'avait pas été englobée dans la transformation, et faucon comme lionne virent l'objet tomber à terre. Tant pis, pas le temps de s'arrêter pour cela, se dit Taurgil, tandis que la féline Femme des Bois poussait un rugissement à l'attention de Geralt pour l'inviter à récupérer l'artefact.

La consigne fut perçue par le maître-assassin malgré la distance. Tout en surveillant la dragonne, il suivit les traces de ses compagnons pour repérer plus facilement l'objet enchanté. Par chance, Haurnfile ne passa pas dessus et il le repéra sans trop de difficulté, le moment venu. Histoire de gagner du temps, et vu le bon cavalier et acrobate qu'il était, il n'estima même pas nécessaire de ralentir son cheval : il se pencha et réussit à prendre au sol la lanière à laquelle la larme était suspendue, puis à se remettre en selle. Pendant ce temps-là, Taurgil approchait rapidement de sa cible. La magie qu'il percevait provenait non pas du cheval à terre mais de la féroce ailée, c'est donc là qu'il dirigea sa course.

Le cavalier à terre était un nordique qu'ils avaient déjà rencontré de loin et qui était un puissant sorcier doublé d'un excellent cavalier et d'un bon archer. Manifestement, il était aussi très perceptif et il repéra - magiquement ou non - l'arrivée du faucon enchanté, ce dont il en prévint son compagnon dans les airs. Lequel compagnon prit tout de suite une arbalète de poing dont le rôdeur avait déjà fait connaissance par le passé. Mais à l'époque il ne maîtrisait pas la magie des rois d'antan, et il avait pris la précaution de s'entourer d'une aura magique pour être plus difficile à toucher. Par ailleurs, même s'il n'était plus qu'un petit faucon sans rien d'autre que ses plumes comme seule armure, il sentait sur lui comme l'encombrement de son armure de mithril, comme le reste du matériel également. Il espérait donc que la protection de l'armure était aussi conférée au faucon.

Il eut rapidement l'occasion de le vérifier : l'homme en l'air était un excellent arbalétrier, et son carreau d'arbalète toucha le faucon, malgré la magie défensive. Mais au lieu d'être embroché par le trait, le carreau fit voler quelques plumes et le Dúnadan transformé ne sentit rien. Bientôt il se posa derrière le cavalier des airs, sur une selle manifestement prévue pour accueillir un deuxième cavalier. Puis il mit fin à la magie qui l'avait transformé en faucon et il commença à reprendre forme humaine. L'homme devant lui, qui devait être le soi-disant "assassin de Dol Guldur", était grand et costaud et il essaya de le désarçonner. Mais ses mains étaient prises par l'arbalète et une espèce de rêne, sans parler de la mauvaise position. En raison de cela et de la force de Taurgil qui s'agrippait à lui, sa tentative fut un échec.

L'homme fit alors faire des manœuvres rapides à sa monture ailée pour jeter l'intrus derrière lui hors de sa selle, mais là encore sans succès. En dernier recours, il fit foncer la féroce créature ailée vers le sol et lui fit faire un virage brusque à quelques mètres du plancher des vaches. Taurgil vida les étriers cette fois, mais il emmena avec lui le cavalier des airs auquel il s'agrippait trop bien. Tous deux chutèrent d'une hauteur de cinq pas environ, sans compter l'élan donné par le vol de la créature. Le choc pouvait être rude voire mortel s'il n'était pas atténué par une préparation acrobatique afin de tomber dans la meilleure position possible, et l'assassin comptait sans doute sur cela pour faire lâcher prise à Taurgil. Mais ce dernier, protégé par magie et armure de mithril, décida de prendre le risque et de continuer à lutter dans leur chute de manière à rester agrippé à son adversaire. Ils percutèrent le sol ainsi, accrochés l'un à l'autre, chacun essayant de placer l'autre sous lui pour absorber l'essentiel du choc.

8 - Grosse menace à l'horizon
Loin de là, l'armée nordique vit approcher d'elle une imposante forme ailée : le dragon Bairanax, aux écailles couleur blanc et bleu, allait très bientôt les survoler. Et il n'avait pas besoin de pousser un rugissement pour leur faire peur, et les cavaliers durent vite contenir la panique qui menaçait de saisir leurs montures... ou vider leurs intestins. Le dragon passa au-dessus d'une des six armées nordiques en jetant un œil mauvais et intéressé à la fois, mais il continua sa route vers l'est sans se soucier d'eux pour l'instant. Néanmoins, au passage, les plus perceptifs des aventuriers, elfes ou nordiques, purent voir que la bête avait souffert de récents dégâts. Il avait été blessé à plusieurs endroits, comme d'ailleurs cela avait été rapporté dans des écrits trouvés à Dol Guldur, et les plaies non parfaitement cicatrisées pouvaient être des points faibles intéressants à viser avec leurs armes...

Plus près des duellistes en train de chuter, Geralt avançait au galop, toujours derrière la dragonne qu'il suivait avec précaution. Il écoutait aussi les rugissements lointains mais puissants de la lionne qui le tenaient au courant de ce qu'elle percevait : voyant le début du combat entre son ami et le chevaucheur de créature ailée, elle avait à nouveau forcé l'allure pour arriver au plus vite près des deux protagonistes et de l'autre cavalier à terre. Elle serait sur eux d'ici moins d'une minute, en espérant que son ami dúnadan tiendrait le coup et ne se romprait pas trop les os dans la chute qu'elle arriva à percevoir de loin. Elle poussa encore un rugissement, adressé à Geralt, pour lui dire de s'occuper de Haurnfile tout seul. Le descendant des rois du Rhudaur et elle-même auraient bientôt un plat autrement plus indigeste à avaler...

Grâce à sa cotte de mithril et à la protection magique qui l'entourait, Taurgil supporta assez bien la chute, avec juste quelques petites plaies et des bleus sans importance. Ce qui n'était sûrement pas le cas de son adversaire, d'après les quelques craquements qu'il avait pu percevoir. Il profita de ce que l'homme était sonné et à terre pour se dresser sur lui et lui mettre son épée sur la gorge. Il ne lui proposa pas de se rendre, et malgré les tentatives maladroites de son adversaire de se soustraire à lui, il lui ouvrit la gorge. Après un gargouillis ou deux l'homme arrêta de bouger, mort ou mourant. L'assassin de Dol Guldur ne tuerait plus personne.

En regardant autour de lui, le Dúnadan vit le cavalier nordique qui accompagnait l'assassin éperonner sa monture et s'enfuir. Il était trop loin pour l'en empêcher et l'arbalète de son adversaire à terre n'était pas à portée, non plus que des carreaux qu'il ne percevait nulle part. Au-dessus du cavalier qui s'éloignait, un corbeau poussait de nombreux cris, et Taurgil soupçonna fort l'animal d'être très intelligent et de pouvoir échanger avec le cavalier plus bas. Il avait sans doute eu son utilité pour prévenir l'assassin et le sorcier de la position de l'armée nordique et permettre de trouver le meilleur moment où activer la pierre. Pierre qui gisait à présent à côté de lui, sur le corps de l'homme à terre.

La lionne le prévint de loin, alors qu'elle se rapprochait, que leurs ennuis étaient loin d'être achevés, et même qu'ils grossissaient à l'horizon : elle commençait à percevoir l'arrivée prochaine du dragon ailé, même s'il était encore loin, sans parler de la dragonne qui arrivait sur eux elle aussi. En gros, ils seraient trois contre deux dragons, dont un qui pouvait les griller sur place sans qu'ils puissent faire grand-chose. Si le Dúnadan comptait sur sa magie pour le protéger, au moins un peu, en revanche la lionne ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire pour menacer un tant soit peu le monstre ailé. Et il était de toute manière trop rapide pour lui échapper. Et Haurnfile en profiterait sans doute pour essayer de récupérer sa pierre à elle, ou en tout cas elle ne ferait sûrement rien contre un pareil adversaire.
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Niemal
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Horselords - 49e partie : chute de têtes

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1 - Courtes minutes
Tandis que la lionne approchait de lui, le Dúnadan se tourna vers la créature ailée à moins d'une portée de flèche dans les airs. Les aventuriers l'appelaient entre eux la "poupoule" depuis le jour où ils l'avaient entendue claquer du bec, ce qui avait fait penser tout d'abord à un bruit de poule géante, au château de Forpays. Et donc Taurgil s'adressa-t-il à la "poupoule" en noirparler, la langue des serviteurs du Nécromancien de Dol Guldur, afin de la faire revenir et se poser. Les mémoires de Caran Carach lui avaient donné l'impression que ces monstres obéissaient à un rapport de domination qui se développait entre cavaliers réguliers et monture ailée. Ladite monture revint vers le grand rôdeur, tournant autour de lui à bonne hauteur, comme intriguée ou hésitante sur la suite à donner. Tandis qu'elle faisait cela, Taurgil se mit à fouiller le corps de son adversaire tombé à la recherche d'un appeau ou quelque chose d'équivalent.

Lorsque la lionne enchantée fut arrivée, le Dúnadan n'avait rien trouvé d'autre que la pierre magique d'appel de dragon, l'épée de l'assassin, couverte de runes et à la conception particulière pour favoriser l'utilisation du poison, et deux clés. Il avait aussi récupéré l'arbalète de poing manifestement magique, sans trouver aucun carreau nulle part. L'homme portait une armure de cuir souple mais épais et très solide, à l'odeur et à la texture spéciales qui n'étaient pas sans rappeler les habits de cuir légers trouvés sur des sorciers précédemment rencontrés. L'armure semblait encore utilisable, et son propriétaire avait peu ou prou le même gabarit que lui ; il la lui ôta donc avec l'idée de s'en servir. Cela fait, il jeta le corps un peu plus loin et appela à nouveau la "poupoule" pour voir si le cadavre allait l'inciter à descendre pour le manger. Taurgil ne pensa pas à interroger à nouveau les mémoires du loup-garou, qui lui auraient apporté un détail important : ces créatures volantes pouvaient manger la chair fraîche mais elles consommaient par-dessus tout des charognes en état avancé de putréfaction. Elle montra un certain intérêt, mais n'en descendit pas pour autant, d'autant qu'un autre arrivant pointait le bout de son nez et l'incitait à partir, ce qu'elle fit bientôt.

Le dragon ailé approchait en effet à bonne allure. Il passa plus ou moins au-dessus de Geralt et Haurnfile, en jetant un regard distrait à cette dernière mais sans dévier de sa route. Le maître-assassin poussa des cris comme pour convaincre Bairanax que la dragonne à terre était l'alliée des aventuriers et qu'elle était disposée à combattre le cracheur de feu, mais sans conséquence visible, en dehors d'un regard mauvais que ladite dragonne lui jeta. Jouer le rôle d'un serviteur n'était pas dans sa nature... En fait elle ralentit un peu et Geralt se prépara à la combattre, lorsqu'il vit qu'elle fixait désormais son cheval. Soupçonnant quelque sorcellerie, il s'éloigna d'elle au moment où sa monture fit une brusque ruade, comme piquée par quelque gros insecte, avant de filer à toutes jambes le plus loin possible de la dragonne en hennissant de terreur.

L'Eriadorien aux cheveux blancs arriva à rester sur la monture, se doutant que s'il vidait les étriers quelqu'un de pas très bien intentionné à son égard serait là pour le cueillir au vol ou à terre. Tandis qu'il s'éloignait vers le sud, il vit la dragonne continuer vers l'est à allure réduite, vers l'autre dragon et ses deux amis. Il utilisa la larme de Yavanna qu'il avait ramassée peu auparavant, la mettant en contact avec le corps du cheval, ce qui le calma aussitôt : cet artefact avait vraiment des pouvoirs puissants de soin et de lutte contre la magie noire. Puis il fit reprendre à sa monture le chemin de l'est, vers les deux dragons et ses amis. De là où il était, il pouvait voir le dragon ailé perdre de l'altitude et accélérer vers un objectif au sol qu'il pouvait facilement deviner.

L'objectif en question, à savoir Taurgil avec la pierre magique qu'il portait, avait tout de même eu un peu de temps pour s'activer avant la fatale rencontre. Son plan initial avait été d'enlever sa cotte de mithril pour enfiler l'armure de cuir de son adversaire et remettre le haubert de mailles par-dessus, si c'était possible. Mais Vif lui avait fait comprendre que le temps lui manquait et il avait laissé cela à plus tard. Prenant des poignées de graines de ronces magiques, il s'était alors appliqué à semer lesdites graines de manière à voir pousser une vingtaine de petits piliers de ronces, d'environ un pas de diamètre, autour de lui. Certains étaient encore en train de pousser lorsque le cracheur de feu commença à descendre vers lui, avec une attitude qui n'augurait rien de bon...

2 - Grillades et boucherie
Lorsque le dragon amorça sa descente, le descendant des rois du Rhudaur se tenait devant ses "parterres" de ronces, en essayant de montrer qu'il était ouvert au dialogue. Il avait tout de même à la main gauche son bouclier et la pierre d'appel de Bairanax, et dans l'autre une poignée de graines magiques, et il avait pris la précaution d'utiliser sa magie de roi pour augmenter sa protection. Lorsqu'il vit le cracheur de feu arriver sur lui en ouvrant la gueule comme pour lui cracher des obscénités brûlantes, il se précipita derrière le pilier de ronces juste derrière lui afin de lui servir d'abri. Vif, quant à elle, était depuis longtemps cachée derrière d'autres ronces, le plus loin possible de Taurgil et de la trajectoire du dragon.

Ce dernier resta à une trentaine de pas du sol et cracha son feu draconique en une langue de flammes centrée sur le Dúnadan et large de plus de vingt pas. Les ronces magiques furent réduites en cendres, tandis que Taurgil se faisait tout petit derrière son bouclier et que la lionne enchantée plongeait hors de la trajectoire des flammes. Elle fut complètement épargnée par le feu du dragon et vit le monstre remonter un peu et commencer à virer sur l'aile pour probablement revenir vers son ami. Prudemment, elle se déplaça de manière à ne pas être en face de Bairanax mais plutôt sur son côté voire dans son dos. Il la perçut certainement car elle n'avait nulle part où se cacher, mais manifestement il ne faisait pas attention à elle : de la magie l'avait forcé à venir ici, présente dans la main d'un homme, et il entendait bien faire payer cet affront.

Si Taurgil était encore vivant et bien content de l'être, il avait connu des jours meilleurs : son sac et ses bourses à herbes étaient partis en fumée avec leur contenu ; ses armes et son armure - métalliques - étaient brûlantes, ce qu'il ressentait d'autant mieux que ses vêtements avaient été réduits en haillons noircis dans lesquels couraient de nombreuses flammèches. Il était brûlé de partout et couvert de cloques, et même ses cheveux étaient grillés, malgré son casque. Sans son bouclier, l'abri partiel des ronces et sa magie, il n'aurait plus été en vie... Vite, il se roula dans la terre pleine de cendres fumantes pour éteindre les flammes qui consumaient encore ses vêtements et refroidir son armure de mailles qui le blessait par la chaleur qui s'en dégageait.

Lorsqu'il se releva, toujours avec bouclier et pierre magique à la main, il vit le dragon arriver droit sur lui, bien plus bas qu'avant. Il avait eu le temps de virer et de revenir et à présent il était très près du sol, prêt à se poser devant lui... après avoir porté un coup de sa puissante queue capable d'abattre une tour de pierre. A nouveau, le Dúnadan se réfugia derrière son bouclier ; protégé par sa magie qui dévia le coup, il fut néanmoins soulevé de terre avec une partie du sol autour de lui et projeté à une dizaine de pas de là, où il se reçut sans mal. Bairanax était à présent au sol et il s'apprêtait à fondre sur Taurgil pour le croquer, lui et la pierre magique, quand quelque chose détourna son attention. Le rôdeur en profita pour se relever et tirer une de ses épées, écopant de nouvelles cloques à la main en raison de la poignée encore brûlante.

Vif avait en effet joué son va-tout et au moment où le dragon avait atterri, elle était déjà en train de courir dans son dos. Comme elle s'y attendait, Bairanax ne l'avait estimée que comme quantité négligeable, ce dont elle comptait bien profiter. D'un bond elle grimpa sur le dos de la bête et arriva entre les deux ailes, où elle s'agrippa fortement. Les soubresauts que fit le dragon pour se débarrasser d'elle furent sans effet, et elle vit ce qu'elle cherchait, que les écrits récupérés à Dol Guldur avaient signalé : à la base du crâne, sous une collerette osseuse, la peau du dragon était dénuée d'écailles protectrices. Un nouveau bond et elle fut sur le cou du dragon où elle planta ses griffes puissantes, non pour le blesser mais pour empêcher d'être éjectée par le dragon qui se secouait de plus belle.

Au sol, Taurgil se précipita vers le monstre : il avait repéré les traces d'anciennes blessures dans l'armure de Bairanax et il entendait bien y mettre son épée. Mais il n'en eut pas le temps : le dragon se figea brusquement et s'abattit sans un bruit, tandis que Vif sautait à terre sur le côté. Une de ses pattes avant ne comportait plus aucun poil et elle saignait : le sang corrosif du dragon l'avait blessée lorsqu'elle avait enfoncé ses griffes profondément dans les chairs et la tête de Bairanax, le tuant instantanément. Elle s'approcha de son ami boursoufflé et couvert de cloques en montrant sa patte blessée, et réclamant des soins. Mais elle avait les yeux brillants de la fierté d'avoir ajouté un dragon ailé cracheur de feu à son tableau de chasse !

3 - Changement de cap
Haurnfile fut bientôt sur place, ayant perdu tout sentiment d'agressivité devant le spectacle du corps sans vie de Bairanax. Ce qui ne l’empêcha pas d’essayer d’envoûter la lionne enchantée – sans succès – et de passer ses nerfs sur le sol. Lorsque Geralt arriva à son tour, ses moqueries joyeuses à son égard éveillèrent une nouvelle lueur au fond de ses yeux. Le maître-assassin était à présent certainement encore plus haï que le frère de la dragonne... Mais cette dernière se contenta de se reposer sans faire d'autre commentaire, tandis que Taurgil s'occupait de leurs blessures et enfilait l'armure de cuir du chevaucheur de créature ailée, qui lui allait parfaitement. L'armure de mailles de mithril avait été enfilée par-dessus, non sans une certaine gêne, mais la combinaison des deux armures lui donnait le sentiment d'être aussi protégé des blessures que le plus ancien des dragons !

Il devint vite évident que la mort du cracheur de feu avait eu de nombreux témoins : le ciel fut vite rempli d'ailes et de cris, tant de crebain qui filèrent vers le nord et de probables sorciers du convoi d'Angmar, que de martinets qui partirent vers le nord-ouest et leurs maîtres elfes. Le Dúnadan appela l'un d'eux magiquement pour porter un message aux elfes qui accompagnaient l'armée : cette dernière ne devait pas ralentir, ses amis et lui - et la dragonne - se débrouilleraient pour rattraper les nordiques et leurs amis. La priorité restait le convoi pour Angmar qu'il fallait intercepter au plus vite. Et le petit messager fut parti.

Au loin, du côté de ladite armée, divers oiseaux avaient déjà renseigné les elfes sur le sort de Bairanax. Les aventuriers restés avec les cavaliers nordiques furent prévenus, ainsi que les chefs des six tribus, et bientôt la nouvelle se répandit parmi les guerriers, qui l'accueillirent avec de grands cris de joie. Les six tribus se réunirent à nouveau en une unique armée, dont les chefs discutèrent de la suite à donner avec elfes et aventuriers. Foncer vers le convoi sagath n'avait été que la réponse à la menace d'une attaque de dragon ailé. Lui mort, il n'y avait plus autant de hâte à avoir : foncer sur l'armée des orientaux c'était s'exposer à un combat où leurs ennemis étaient deux fois plus nombreux qu'eux, combat délicat à mener et qui serait coûteux en nombre de vies.

L'objectif n'était pas de supprimer l'armée d'orientaux à tout prix, mais bien d'empêcher le convoi d'arriver en Angmar avec un minimum de pertes pour les nordiques. Il fut donc décidé de ne pas attaquer le convoi de front, tout de suite, mais de les attendre en amont, dans les contreforts des montagnes, depuis une position surélevée facile à défendre et donnant un avantage pour attaquer également. La route empruntée par le convoi, Men Rhúnen dans le langage des elfes ou Route de l'Est dans celui des hommes, devait passer par un petit col qui serait facile à tenir. C'est là que l'armée nordique attendrait ses adversaires, et il était encore largement temps d'y arriver avant leurs ennemis. L'armée changea alors de cap et se dirigea vers l'ouest et le nord.

Ils contournèrent donc le convoi pour Angmar et ses éclaireurs par le sud et l'ouest. Çà et là, des groupes d'elfes furent rencontrés qui étaient partis la nuit précédente et avaient contribué à "nettoyer" les abords de l'armée adverse des orcs venus là pour prêter main-forte. Mais ils ne s'étaient pas approchés des Sagaths ou des loups qui gardaient le convoi de plus près et n'étaient pas affectés par la lumière du soleil. L'armée nordique atteignit donc les contreforts des Montagnes Grises sans faire de mauvaise rencontre, laissant leurs ennemis à distance. Le col, autour duquel l'armée s'installa, fut atteint dans l'après-midi. Il ne restait plus qu'à attendre en se préparant au futur combat.

4 - Campement et menaces
En fin de journée, l'armée nordique était bien installée et prête à recevoir les Sagaths. La route serpentait jusqu'au col dans un relief assez escarpé et très facile à défendre : les cavaliers ennemis seraient obligés de les attaquer dans le mauvais sens de la pente, et l'espace était trop exigu pour laisser le passage à beaucoup de chevaux. Et les bords de la route étaient trop pentus ou accidentés pour laisser passer chevaux ou chariots. En revanche, ils regorgeaient de positions surélevées d'où des archers pouvaient se poster et tirer sur l'armée plus bas ou bloquer des grimpeurs à pied qui voudraient contourner l'armée nordique. C'est d'ailleurs là que de nombreux elfes s'installèrent : ils n'étaient nullement disposés à participer à une attaque frontale mais ils disposaient d'assez de positions imprenables pour gêner fortement les Sagaths, en particulier dans d'éventuelles manœuvres de contournement.

Le convoi pour Angmar, d'après les perceptions des oiseaux, était encore à bonne distance en fin de journée, à peut-être une petite vingtaine de miles (~ 30 km) ; il n'était pas attendu avant la fin du lendemain au plus tôt. Dans la mesure où une partie de la route n'était plus en plaine mais dans les contreforts des montagnes, l'allure serait certainement plus lente, et en pratique il était plutôt attendu pour le surlendemain. D'un autre côté, les Sagaths pouvaient se permettre de patienter, ils avaient de vastes réserves de nourriture et encore le temps d'arriver aux Monts Brumeux et de les franchir avant l'arrivée de l'automne. L'armée nordique, quant à elle, n'avait que quelques jours de réserve de nourriture en stock.

Mais avant les Sagaths, c'est un bien étrange équipage qui parvint jusqu'au col tenu par les nordiques. Le soir vit en effet l'arrivée de Geralt, sur son cheval, accompagné de Taurgil et Vif... sur le dos de la dragonne. Cette dernière avait été forcée à servir de monture par la menace, qui avait porté, même si cela n'avait pas été suffisant pour la faire aller très vite, d'autant qu'elle était toujours blessée. Elle resta un peu à l'écart dans des rochers, soigneusement surveillée tant par les nordiques que par les elfes. Dans la nuit, Taurgil alla chasser un peu - non sans mal - et il lui offrit le fruit de sa chasse. Il espérait peut-être l'amadouer un peu, mais il comprit assez vite qu'elle n'était pas d'humeur à être très serviable : seul un rapport de force la maintenait dans son présent état de servitude...

Au cours de la nuit, tandis que certains dormaient, une partie des elfes partirent chercher des provisions et de l'athelas à la demande du rôdeur dúnadan. D'autres, restés à surveiller, firent part de nombreux mouvements d'orcs ; ils étaient à bonne distance mais ils commencèrent à se rapprocher dans la nuit. Ce qui poussa plus tard Geralt et Vif à une expédition dans le relief montagneux. Néanmoins, ils déchantèrent assez vite : les orcs étaient très nombreux - plus de mille - et bien éparpillés, si bien qu'il était plus fatigant de parvenir jusqu'à eux que de les combattre. Ils arrivèrent néanmoins à en tuer ou faire fuir une ou deux centaines, vite remplacés par d'autres venus de plus loin. Vif, lasse de porter le maître-assassin, menaça de le laisser rentrer seul, à pied dans les contreforts montagneux et accidentés, si bien qu'il accepta de s'arrêter de combattre et de rentrer avec la lionne enchantée. Mais en chemin, trouvant un nouveau souffle, elle reprit les attaques et le balafré aux cheveux blancs dut la supplier d'arrêter tellement l'effort de continuer finit par lui être pénible.

Néanmoins, ils en avaient vu assez pour imaginer la suite : les orcs s'étaient assez rapprochés pour pouvoir sans doute lancer des attaques concertées la nuit suivante, et ils étaient accompagnés de nombreux loups. De plus, les elfes avaient repéré durant la même nuit une monstrueuse créature volante servir de monture à un probable sorcier qui fit le tour des groupes et tribus d'orcs. Les chefs du convoi pour Angmar tenaient à passer et les orcs les aideraient sans doute à tenter de forcer le passage. Si les cavaliers sagaths n'avaient sans doute aucune chance de gagner seuls le col, leurs alliés, orcs et loups, étaient une réelle menace. Peut-être même qu'ils n'attaqueraient pas tout de suite mais attendraient d'être encore plus nombreux, avec les Sagaths assez près pour lancer une attaque concertée.

5 - Nuit et brouillard
La journée qui suivit confirma deux choses : d'abord que les Sagaths n'arriveraient pas au col dans la journée mais au plus tôt le lendemain seulement ; ensuite que les loups et orcs étaient de plus en plus nombreux à converger vers le col, profitant - pour les orcs - d'un temps couvert qui masquait le soleil. Les préparatifs de la future bataille allaient bon train, y compris parmi les aventuriers qui se préparaient chacun à leur manière : en se reposant comme Geralt et Vif, ou en confectionnant des runes de protection magiques autour du camp, comme Drilun. Mais l'archer-magicien fut limité dans sa tâche par le mauvais temps : la pluie qui tombait ou risquait de tomber pouvait ruiner des runes inscrites dans le sol, et les graver dans la pierre n'était pas aussi rapide...

Il prit également le temps d'examiner l'arbalète magique couverte de runes que maniait l'assassin de Dol Guldur avec une fabuleuse dextérité et une rapidité encore plus étonnante. Il arriva à déterminer les effets de la magie très puissante qui en faisait une arme exceptionnelle. En plus de renforcer magiquement la force et la précision des carreaux qu'elle lançait, une simple pensée permettait à des carreaux magiques de voler à leur place sur l'arbalète automatiquement réarmée. Encore fallait-il qu'ils soient assez près, soit une dizaine de pas au plus. Certains comme Vif se souvinrent alors avoir remarqué sur la créature ailée qui s'était enfuie du matériel accroché à la selle, avec probablement des carreaux magiques en réserve. L'archer-magicien avait récupéré par le passé deux de ces carreaux, et il put vérifier qu'ils fonctionnaient bien ainsi. Dans un premier temps il choisit de les laisser au camp nordique, malgré la demande de Rob d’utiliser ce fabuleux matériel.

En fin de journée, Geralt arriva difficilement à distinguer les Sagaths à l'aide de sa longue-vue, en raison du temps. Ils avaient monté le camp dans le début des contreforts, à une distance comprise entre une demi-douzaine et une dizaine de miles (10-16 km). Il ne voyait pas bien les détails mais il semblait que leurs ennemis avaient érigé des fortifications sur la route qui menait au col. Ils s'attendaient peut-être à avoir des visites pendant la nuit... et ils avaient raison ! En effet, Taurgil et ses amis avaient décidé de monter une expédition de nuit jusqu'au convoi pour Angmar. Leur objectif : avec l'aide de la dragonne, éliminer les derniers sorciers et autres têtes pensantes chez leurs ennemis. Après quoi il n'y aurait plus de mauvaise surprise possible et leur victoire serait assurée.

Ils se préparèrent donc à partir quand la nuit fut bien tombée. Drilun fit se lever magiquement un épais brouillard qui les masquerait aux yeux d'éventuels espions. Et ils avaient tous vu à quel point la dragonne était dangereuse dans un pareil contexte. Le brouillard suivrait le magicien et les nordiques n'en seraient bientôt plus affectés, ce qui permettrait de repousser d'éventuels - et probables - attaques de loups et d'orcs. Mais a priori les nordiques étaient confiants quant à leurs capacités à gérer cette menace, d'autant que les elfes du royaume de Thranduil restaient avec eux, sans parler aussi des cavaliers gondoriens qui avaient accompagné l'armée depuis le début.

Se posa aussi la question du mode de déplacement. Haurnfile, malgré toute sa mauvaise volonté, fut choisie comme monture à nouveau. La démonstration de force vis-à-vis de Bairanax semblait suffisante à la plupart des aventuriers pour la croire amadouée. Néanmoins, Geralt préféra garder un cheval, avec le hobbit en croupe, et Mordin refusa tout naturellement de monter sur une pareille bête tant qu'elle ne serait pas morte et découpée en morceaux. Quatre chevaux furent donc pris, pour lesquels Isilmë obtint des Gondoriens qu'ils leur prêtassent les armures dont leurs montures étaient équipées. En promettant bien de les rendre au retour, ce qui ne manqua pas de laisser le lieutenant gondorien quelque peu dubitatif, malgré le charme magique dont l'elfe s'était entourée.

Ils partirent donc tous les sept avant le milieu de la nuit, plus la dragonne qui portait Drilun, Vif, Taurgil et Isilmë. Geralt finit par ne plus supporter le hobbit qui monta lui aussi sur le monstrueux lézard. Deux des chevaux étaient sans cavalier et furent laissés sur la route, aux trois quarts du chemin, pour éventuellement servir au retour. Avec le brouillard l'obscurité était totale, si bien qu'ils prirent du trèfle de lune pour améliorer leur vision nocturne et y voir un minimum dans le noir ; sauf l'Eriadorien, auquel le cimeterre ténébreux conférait une vision parfaite dans l'obscurité, et la lionne et l'elfe, naturellement nyctalopes. Ils progressèrent petit à petit, toujours masqués par le brouillard, sans chercher particulièrement à être discrets : ce n'était pas dans la nature du dragon qui les portait... Au bout d'un moment, les plus perceptifs sentirent qu'ils approchaient du camp, et qu'ils étaient attendus : de nombreux loups semblaient massés sur le chemin, même s'ils ne le bloquaient pas complètement mais faisaient comme un U pour mieux laisser les aventuriers y entrer et fondre sur eux ensuite. Et les bruits de chevaux et cavaliers plus lointains indiquaient clairement que les Sagaths savaient à quoi s'attendre...

6 - Traîtrise
Puisque les loups semblaient - à juste titre - craindre la dragonne, les aventuriers lui dirent de poursuivre sur la portion de chemin qui restait dégagée, vers les cavaliers sagaths. Les chevaux de Geralt et de Mordin suivaient vers l'arrière de Haurnfile, assez près du grand lézard pour ne pas craindre une éventuelle attaque de loup. Ils progressèrent ainsi un petit moment, au milieu des loups qui se retenaient bien d'attaquer, mais qui laissaient passer l'étrange équipée puis la suivaient à distance. C'était un bien étrange passeport qu'ils utilisaient là et qui leur permettait d'approcher l'armée ennemie, qui ne devait plus être trop loin.

C'était donc l'endroit idéal pour mettre les aventuriers en difficulté, ou du moins ce dut être ce que pensa Haurnfile. Au moment où des canidés plus entreprenants tentèrent une attaque qui força Geralt à se rapprocher du nain et elle, elle se mit à se rouler vers eux, sans s’attaquer aux loups pourtant à portée. Elle espérait pouvoir écraser quelques-uns de ses "cavaliers", mais surtout Geralt qu'elle détestait tout particulièrement. Et puis les loups seraient ravis d'avoir quelque chose à croquer, ce qui voulait aussi dire que Taurgil et compagnie auraient vite bien assez à gérer pour s'occuper sérieusement de la dragonne. C'était le bon moment pour se venger des affronts qu'elle avait subis, et des moqueries et blessures du maître-assassin en particulier. La pierre magique que portait le Dúnadan pourrait attendre un peu, de toute manière lui et les autres ne risquaient pas de quitter les lieux très rapidement.

Malheureusement pour Haurnfile, les choses ne se passèrent pas si simplement. D'abord parce que les aventuriers s'attendaient peut-être un peu à cela, et ils réagirent vite, et d'autant plus facilement qu'elle était blessée : tous ceux qu'elle portait sautèrent vers la droite de manière à ne pas être écrasés par le grand ver. Au cours de leurs aventures, ils avaient eu leur content de chutes et autres acrobaties et ils se ramassèrent au sol sans grand mal, sauf Isilmë qui écopa d'une petite fracture à un bras, avant de voir les loups leur arriver dessus en grande hâte, tous leurs crocs dehors. L'attaque de la dragonne fut fatale pour le cheval de Mordin mais elle ne put blesser son cavalier qui se retrouva à terre. Quant à Geralt, excellent cavalier et très rapide, il arriva à esquiver l'attaque puis à tirer sur le grand ver avec une flèche magique préparée par son ami dunéen spécialement contre lui. Mais il ne fit qu'une blessure légère et dut lancer son cheval au galop hors de portée des coups du monstre, droit sur les loups qui lui faisaient face dans le brouillard.

Tandis que le maître-assassin prenait son épée et taillait dans les ennemis à quatre pattes qui tentaient de faire un sort à son cheval ou sa propre personne, Haurnfile se jetait à ses trousses pour finir le travail. Ce qui eut aussi comme effet secondaire d'inciter les loups à s'écarter et donc à moins prêter attention au cavalier qu'elle pourchassait. Mais la lionne elle-même ne tenait pas non plus à laisser la dragonne s'en tirer comme cela, et elle la poursuivit de toute la rapidité de son puissant corps félin avant de remonter sur son dos où elle resta agrippée. Mordin, après s’être relevé, empoigna sa hache pour combattre les loups qui arrivaient, tout en se rapprochant de ses autres compagnons.

Ces derniers se regroupèrent tout en tirant des flèches ou en donnant des coups d'épée. Drilun, Taurgil, Isilmë et Mordin firent une espèce de carré, en se tenant dos aux autres, avec Rob au milieu d'eux tous qui continuait à tirer à l'arc pour soulager ses compagnons des attaques qu'ils subissaient. Attaques qui se raréfièrent lorsque l'archer-magicien utilisa ses sorts pour lever et maîtriser un feu qui blessa ou fit fuir les canidés. Certains aventuriers écopèrent peut-être de quelques morsures, mais entre leurs armures d'excellente qualité voire magiques, sans parler des sorts de certains, et leur robuste constitution, cela ne les dérangea guère.

7 - Mauvaise surprise
Non loin de là, la dragonne récoltait ce qu'elle avait semé. Si elle n'était plus fiable comme alliée, elle devait donc être abattue. Plus simple à dire qu'à faire ? Elle avait déjà subi de nombreuses blessures et Vif ne risquait pas de la lâcher malgré ses roulades, la cinglant sans cesse de ses énormes griffes, assez fort pour la blesser. Du coup, Geralt profita de ce que son amie occupait Haurnfile pour l'attaquer et la blesser à son tour à l'aide de son cimeterre magique. Ils l'affaiblirent de plus en plus jusqu'à ce qu'elle rebrousse chemin, droit vers Taurgil et la pierre magique qu'il portait. Mais elle n'arriva pas jusque lui, arrêtée par le maître-assassin qui arriva au ventre du monstre et y planta profondément son arme. La dragonne hurla de douleur et s'affaissa sur le côté, pas encore morte mais vaincue. Et la gravité de la blessure rendait ses chances de survie assez négligeables.

Mais cette même blessure fut aussi la perte du cheval de Geralt : en retirant son arme profondément enfoncée, un flot de sang brûlant en jaillit. Protégé par son armure de peau de dragon, l'homme aux cheveux blancs s'en sortit avec quelques légères brûlures, mais ce ne fut pas le cas de sa monture, mortellement atteinte par le poison brûlant malgré l'armure dont elle disposait. Le regard de Haurnfile se fixa sur son bourreau et elle tenta de l'envoûter pour lui faire accomplit Eru savait quelle action suicidaire, mais le maître-assassin repoussa la volonté chancelante du monstre avec une étonnante facilité. L'Eriadorien fut ensuite obligé de rejoindre ses amis à pied, bientôt accompagné par Vif qui faisait voler les têtes et les corps des canidés avec grand plaisir. Si les loups ne l'aimaient pas, elle le leur rendait bien et s'en donnait à cœur joie !

L'équipe poursuivit donc vers le bas, en laissant derrière elle le corps encore vivant de la dragonne qui se vidait de son sang. Les loups étaient tenus en respect par magie, armes et griffes, et rien ne semblait devoir arrêter les aventuriers. Progressivement, ils arrivèrent à l'une voire la principale des fortifications que Geralt avait cru distinguer de loin à l'aide de sa longue-vue : un passage un peu étroit avait été renforcé de nombreux rochers pour le rendre encore plus étroit et facile à contrôler, tandis que les abords rocheux avaient été un peu surélevés et surtout occupés par de nombreux archers dont les torches commençaient à apparaître à travers la brume nocturne. Une voix ténébreuse provenant de la gauche et du haut leur montra que tous les sorciers n'étaient pas morts et que l'un d'eux se tenait parmi les archers, sans qu'ils puissent le distinguer. La vague de panique magique que sa voix amena passa sur eux sans trop les affecter, et ils poursuivirent en avant.

Le passage faisait moins de vingt pas de large et la terre avait été travaillée comme si des pièges voire des sortilèges avaient été préparés. Par ailleurs, en plus des archers disposés plus haut, des hommes se tenaient manifestement prêts à lancer des rochers sur quiconque essaierait de forcer le passage dix ou vingt pas plus bas. Protégé par sa magie et se sentant invulnérable, Taurgil se mit à courir vers le passage, un peu en avance du reste du groupe. Il espérait ainsi attirer flèches et rochers sur lui qui ne lui feraient pas plus de mal qu'à un dragon en pleine forme. Les cavaliers sagaths semblaient disposés non loin de là, de l'autre côté du passage, et il avait hâte de les combattre et de trouver leurs chefs.

Mais sa course s'arrêta au milieu du passage. Lorsqu'il fut là, de la magie s'activa partout là où le sol avait été remué, le transformant en sables mouvants. Le Dúnadan, lourdement chargé, s'enfonça jusqu'à la poitrine et continua sa rapide descente vers le bas. Ses amis, heureusement, s'arrêtèrent en bordure du piège et ne connurent pas le même sort. Les projectiles leur pleuvaient dessus - d'autant que l'aura elfique dont Isilmë était entourée pour mieux voir dans le noir faisait d'eux des cibles bien visibles - et ils durent s'abriter tant bien que mal, certains écopant parfois de blessures minimes par la suite. Vif identifia aussi un rôdeur noir qui la visait avec une flèche spéciale vers la droite. Elle se précipita vers les rochers et ceux qui y étaient installés et les prenaient pour cible, laissant le soin à ses amis de sauver leur grand rôdeur héritier des rois du Rhudaur de la noyade.

8 - Attaques multiples
Sauver le Dúnadan, c'était bien beau, mais comment ? La seule solution évidente était de lui lancer une corde avant qu'il ne sombrât complètement dans les sables mouvants, mais c'était plus facile à dire qu'à faire. D'abord parce que les cordes ne poussaient pas sur le sol et que prendre l'une des rares qui reposaient au fond d'un sac n'était pas si évident que ça à faire sous une pluie de flèches. Ensuite parce que le grand rôdeur s'enfonçait rapidement, chargé comme il était d'armes et armures et autre équipement. L'elfe s'avança autant qu'elle put sur le bord des sables mouvants, en direction de son ami, tout en maintenant son aura elfique. Cela facilitait le travail des archers et lui valut de recevoir plusieurs flèches, heureusement arrêtées par son armure, même si c'était parfois douloureux. Taurgil était encore à plus d'une demi-douzaine de pas, et seule sa tête dépassait de la surface semi-liquide.

De son côté, la lionne était concentrée sur le rôdeur et sa flèche spéciale et probablement enchantée pour tuer les félins comme elle. Bondissant de rocher en rocher tout en zigzagant, elle ne tenait pas à offrir une cible trop facile, même si la tâche n'était déjà pas aisée pour son ennemi : entre la brume, l'obscurité, la présence d'autres archers et la diversion que ses amis faisaient plus bas, le rôdeur noir n'était pas dans les meilleures conditions pour se concentrer. Quoi qu'il en fût, le plus rapide de tous fut Geralt : lui aussi avait repéré le rôdeur noir et lui aussi disposait d'un arc, dont il savait fort bien se servir. D'autant qu'il connaissait particulièrement bien la morphologie humaine et ses points vitaux. Le rôdeur fut donc abattu d'une flèche du maître-assassin avant même que Vif n'arrivât sur lui.

Néanmoins, ses perceptions furent attirées par un nouvel élément. Si les attaques des archers avaient peu d'effet sur eux tous, tant ils étaient bien équipés, certaines créatures ou personnages étaient bien plus capables de les blesser. Et précisément, elle commençait à percevoir l'arrivée rapide d'une de ces créatures, probablement montée par un des personnages qu'ils étaient venu tuer. Autrement dit, une créature ailée comme celle que montait l'assassin de Dol Guldur, et qui s'était enfuie devant le dragon cracheur de feu, était en train de foncer sur ses amis depuis l'arrière. Elle était invisible car complètement masquée par la brume, mais elle serait bientôt là. Comment elle arrivait à se diriger dans une telle obscurité doublée d'une épaisse purée de pois, c'était un mystère. Mais entre les sens particuliers de la créature, qui était plutôt nocturne, et les perceptions magiques du probable sorcier qui la montait, les moyens devaient pouvoir se trouver. D'autant que Taurgil portait toujours sur lui la pierre d'appel de la dragonne, qui était comme un phare pour les utilisateurs de magie.

En bas, les amis de Vif furent dérangés dans leur tâche de sauvegarde du potentiel noyé par le rugissement de la lionne. Ceux qui avaient activé le tour d'oreille magique pour la comprendre entendirent son avertissement et eurent le temps de regarder en arrière ce qui leur fonçait dessus. Rob avait même perçu le danger avant les autres et il s'était déjà retourné pour encocher une flèche en direction du nouveau venu. Ou plus exactement des nouveaux venus, car il s'agissait bien d'une monstrueuse créature ailée, une "poupoule", sorte de mélange d'oiseau et de dragon ; et elle était montée et dirigée par un homme vêtu de cuir noir, difficile à distinguer dans l'obscurité, et probable sorcier comme ceux qu'ils avaient déjà rencontrés... et abattus.

Pour sa part, Isilmë n'avait pas compris l'avertissement de son amie ni perçu l'arrivée de la créature. Elle était toujours en train de s'abriter des flèches en regardant la tête du Dúnadan disparaître sous la surface des sables mouvants. Lequel Dúnadan avait d'autres soucis pour le moment, ayant eu le temps de retenir sa respiration avant de ne plus rien voir du tout. A quelle profondeur finirait-il ? Plus haut, la créature ailée arrivait à grande allure mais elle freinait avec ses ailes, serres en avant et bien écartées, pas très loin au-dessus du sol. Manifestement, son objectif était d'attraper une proie ou deux pour l'emmener dans les airs. A quoi bon leur serviraient leurs armures magiques impénétrables lors d'une chute de grande hauteur sur les rochers ?

9 - Balayage
Vif, avec ses sens exercés et sa position dominante, percevait très bien la trajectoire de la "poupoule". Sans trop se soucier des Sagaths qui essayaient toujours vainement de la blesser, elle prit un peu d'élan au bon moment et ses puissantes pattes la projetèrent devant elle, dans le vide... et vers le bas, juste devant l'endroit où se trouvaient ses amis. La flèche de Rob, elle, fut plus rapide : elle s'enfonça profondément dans les chairs de la créature nauséabonde - la faute à un régime composé surtout de chairs putréfiées - sans néanmoins la tuer. La douleur de la blessure étourdit la créature, juste avant de recevoir le poids massif d'un grand félin chutant de plus d'une dizaine de pas sur son dos, toutes griffes dehors. Les deux combinés furent de trop pour la "poupoule", qui perdit conscience un bref instant et s'écrasa au sol... à l'endroit où se trouvaient les aventuriers.

Malgré la chute de Vif sur son dos, la créature avait encore une grande inertie et elle ne pouvait être arrêtée si facilement. La trajectoire en courbe censée se finir en une belle remontée, serres pleine d'aventuriers, devint simplement une ligne droite oblique, brisée au moment de l'impact avec le sol et continuant parallèlement à lui. Le corps de la "poupoule" heurta puis racla le sol, tandis que ses ailes inertes balayaient l'espace derrière elle et sur les côtés. Et emmenant avec elle diverses silhouettes humaines qui n'avaient pas eu le bon goût de s'écarter assez vite - et il y en eu plusieurs - avant de s'arrêter enfin au beau milieu de la zone des sables mouvants, son élan brisé. Juste au-dessus de l'endroit où Taurgil avait été vu pour la dernière fois.

Le cavalier sur le dos de la monture ailée avait subi le choc de l'arrivée de la lionne et du contact avec le sol de plein fouet. Lui aussi finit dans les sables mouvants, probablement bien étourdi voire assommé, et les aventuriers n'entendirent plus parler de lui. Quelle ironie que de voir le créateur des sables mouvants magiques périr de l'œuvre dont il était si fier... La lionne qui avait été en partie la raison de cette chute, pour sa part, choisit de sauter au bas de la créature avant de finir engloutie, et elle se reçut sans mal sur le sol grâce à ses pattes puissantes et son sens de l'équilibre exercé même pour un félin. Taurgil, pour sa part, sentit un poids important s'abattre sur lui et l'enfoncer davantage vers le sol ferme sous les sables mouvants. Heureusement, ces derniers avaient absorbé l'énergie de la créature en mouvement et il ne perdit même pas son souffle devant la faiblesse du choc.

Plus haut, les choses étaient assez mitigées selon les personnes. Geralt, rompu à ce genre d'exercice, avait plongé assez loin pour éviter le corps ou les ailes de la "poupoule". Rob, pour sa part, en avait fait autant grâce à une dépense d'énergie supplémentaire, mais il avait senti passer le corps de plus près. Mordin et Drilun évitèrent le corps raclant le sol mais pas les ailes, et ils furent balayés en direction des sables mouvants. Le nain s'arrêta dans la vase, juste sur le bord, tandis que le Dunéen finissait avec le haut du corps à sec et le reste dans la boue, prêt à mesurer la profondeur des sables mouvants sur le bord de la zone magique. Quant à Isilmë, qui n'avait rien vu venir, elle subit le choc de l'arrivée de la créature de plein fouet et finit elle aussi dans les sables mouvants, complètement étourdie voire assommée.

Les archers en hauteur s'étaient arrêtés de tirer pour distinguer ce qui pouvait l'être dans la brume et l'obscurité après l'écrasement de la créature montée. Les premiers ennemis à réagir furent les loups amassés aux alentours : ils n'avaient pas besoin d'y voir beaucoup pour sentir que des ennemis vivants étaient encore là, y compris un félin dont ils abhorraient l'odeur. Ils se précipitèrent en hurlant vers les survivants. Tandis que l'archer-magicien se hissait sur le bord des sables et que le marchand nain, moulu, se faisait tirer hors du liquide par la lionne, le maître-assassin et le petit voleur se mirent à courir vers la droite, sur le bord de la zone des sables mouvants, en direction des rochers proches d'où les archers ennemis recommençaient à leur tirer dessus. C'est à ce moment-là qu'une voix sinistre se fit à nouveau entendre.

10 - Problèmes
S'il est quelqu'un à qui la voix ne fit pas grand-chose, ce fut Taurgil. D'abord parce qu'il avait les oreilles un peu pleines, ensuite parce qu'il n'était pas la cible de ladite voix, et enfin parce qu'il avait autre chose à faire, commencée dès qu'il avait pensé à retenir sa respiration : prendre la corde magique du serpent, qui se trouvait être dans son sac. Par chance, elle n'y était pas quand il était parti pour son funeste rendez-vous avec Bairanax, car sinon il ne l'aurait pas eu au moment présent - son sac avait fini en cendres, de même que son contenu - et elle allait bien lui servir. Il réussit à la sortir de son sac et à la tenir par un bout, et alors que la créature ailée plongeait dans les sables mouvants, sérieusement blessée, il prononça le mot magique - malgré le liquide autour de sa bouche - qui en activa la magie.

Du coup, la corde devint comme un serpent, une extension de lui-même à l'extrémité de laquelle il pouvait voir. Ce qui lui permit de comprendre rapidement ce qui s'était passé lorsque le bout de la corde qu'il ne tenait pas fut hors de l'eau. Il repéra aussi le corps de l'elfe, apparemment inconsciente, en train de couler. La corde pouvait s'animer comme un serpent aussi costaud que lui, ce qui lui permit de se hisser au-dessus de la surface en prenant appui sur la "poupoule" prise dans les sables mouvants. Elle semblait reprendre conscience et essayait de se dépêtrer un peu de la vase dans laquelle elle nageait, sans grand succès. Tandis que le rôdeur revenait à l'air libre et reprenait sa respiration, une flèche du maître-assassin donna une nouvelle raison au monstre ailé pour rester là où il était.

Ailleurs, les choses n'allaient pas si bien que ça. Si Geralt avait pu atteindre les rochers en faisant le vide autour de lui avant de reprendre son arc, ce ne fut pas le cas de Rob : alors qu'il allait rejoindre son ami aux cheveux blancs, un loup le mordit au mollet et y resta accroché, l'empêchant d'atteindre la partie rocailleuse qui allait lui permettre de passer de l'autre côté du passage bloqué par les sables mouvants. Il lui fallut une contorsion acrobatique et un saut en partie dans la vase pour se dégager, et il put enfin suivre le maître-assassin qui cherchait d'où venait la voix pour l'abattre. Mais tous deux trouvèrent que l'autre côté du passage était déjà bien encombré par des Sagaths à pied prêts à en découdre. Geralt reprit son cimeterre avec lequel il fit de grands moulinets pour repousser les ennemis, tout en avançant près du bord des sables mouvants pour limiter le nombre de combattants sur lui.

Drilun, de son côté, entendit parfaitement la voix. Elle provenait du même sorcier qu'ils avaient perçu peu auparavant, et elle était plus menaçante que jamais. Il était en fait la cible de la magie noire dont elle était emplie, et qu'il reçut brutalement. Malgré sa forte volonté et la protection dont il bénéficiait grâce à une breloque magique qu'il avait fabriquée, il ne put empêcher le désespoir de trouver chemin jusqu'à son cœur. Hébété, il observa sans vraiment réagir des loups courir dans sa direction. Quand le premier lui arriva dessus, le choc le fit basculer en arrière... dans les sables mouvants. Ce qui empêcha le loup de perpétuer son attaque, car il était alors trop occupé à essayer de se sortir de là.

Mordin, pour sa part, était bien assez occupé avec les flèches ou les loups qui lui arrivaient dessus pour jouer au sauveteur. A dire vrai, il se sentait un peu seul dans son coin, tous ses amis ayant déserté le rivage des sables mouvants où il se trouvait. Le Dunéen, l'elfe et le Dúnadan étaient dans la zone des sables, tandis que le hobbit et l'Eriadorien étaient passés de l'autre côté. Quant à la lionne, elle avait bondi dans les rochers de gauche d'où venait la voix qui s'était fait entendre. Elle avait repéré un sorcier blond et barbu, là-haut, à moitié caché derrière des archers sagaths, et elle se souvenait de lui et de son cheval très rapide. Et elle ne comptait pas le laisser s'en tirer comme les autres fois.

11 - Sauvetages et dénouements
Taurgil, une fois qu'il put respirer, accroché à la créature volante au milieu des sables mouvants, se dépêcha d'utiliser sa corde magique pour repêcher Isilmë qui se noyait. Elle n'était plus à la surface du liquide mais il utilisa la corde magique comme une sonde pour tâtonner et arriver à la trouver. Il ne lui resta plus qu'à la ramener en surface et à lui faire reprendre sa respiration grâce à ses compétences de soigneur et l'aide de la larme de Yavanna. L'elfe était très gravement blessée par le choc qu'elle avait subi ; mais une fois sa conscience revenue, elle se rappela du don-de-vipère qu'elle portait et elle farfouilla dans ses affaires jusqu'à trouver la glande séchée qui pourrait la sauver. Par la suite, avant même de se mettre plus au sec, le rôdeur dúnadan put utiliser encore sa corde pour aider d'autres amis à le rejoindre. Et ces derniers ne manquèrent pas...

Il y eut Drilun tout d'abord, tellement affecté par la magie noire dont il avait été victime qu'il aurait pu mourir noyé sans rien faire. Heureusement, suite à son rapatriement par la corde magique, le contact de la larme permit de le guérir de cette affection et de reprendre ses esprits. Pendant ce temps-là, de l'autre côté, la voix d'un Sagath roulait et devait exhorter les cavaliers à un quelconque sacrifice, car ils s'ébranlèrent. Leur cible était nul autre que Geralt : entre les ténèbres accrues par la magie de son cimeterre, l'armure - ou plutôt les armures - qu'il portait et sa maîtrise du combat rapproché, il était presque intouchable face aux guerriers à pied qu'il avait autour de lui. Mais lorsqu'il vit les chevaux s'ébranler, à une vingtaine de pas de lui, il comprit son problème : il était dos aux sables mouvants et trop loin des zones des rochers pour pouvoir y retourner et se protéger de la charge de cavalerie. Et même s'il plongeait dans la vase derrière lui, les chevaux allaient lui passer dessus car les Sagaths étaient assez fous pour se lancer dedans avec leurs chevaux...

Le maître-assassin ne vit alors qu'une issue possible à son problème : il fonça vers les chevaux qui arrivaient sur lui. Il put ainsi atteindre les premiers avant qu'ils ne prennent assez de vitesse pour l'empêcher de mettre une audacieuse manœuvre à exécution : il plongea sur l'encolure du premier cheval et en fit chuter son cavalier après une brève lutte, lui permettant ainsi de prendre sa place. Lorsque la charge de cavalerie acheva sa course dans les sables mouvants, il était sur un cheval et non sous la marée de corps qui se déversait dedans. Et grâce à l'aide de la corde magique du rôdeur dúnadan, dont il n'était pas très loin de toute manière, il put rejoindre ses amis sans craindre de finir au fond du trou plein de vase.

Le petit voleur hobbit ne tarda pas à les rejoindre. Lorsqu'il avait perçu le départ de la cavalerie ennemie, il était plus proche que Geralt d'une des zones de rochers qui bordaient le site des sables mouvants. Il avait pu rejoindre ladite zone dont il était venu, mais pour la trouver trop pleine d'ennemis à son goût. En effet, si les cavaliers ne pouvaient monter dans les rochers mais juste s'écraser dedans ou finir dans les sables mouvants, il y avait aussi des Sagaths à pied ainsi que des loups qui pouvaient occuper l'endroit, et que le hobbit n'effrayait nullement. Après une brève hésitation et l'encouragement de ses amis, il s'était jeté à l'eau - ou plutôt dans la vase - et avait pu être secouru à son tour par la corde magique.

Vif, pour sa part, avait vu le sorcier blond et barbu prendre son arc et une flèche spéciale dont elle ne tenait pas à faire les frais. Aussi prit-elle soin de commencer par se faire un bouclier avec un malheureux archer qui se tenait non loin d'elle, qu'elle tua et qu'elle empoigna dans sa gueule. Malgré la gêne pour la vue, elle avait les sens assez développés pour repérer sa proie qui visait tranquillement la lionne. Lorsque la flèche couverte de poison quitta l'arc, elle écopa d'une blessure légère ; le poison ne pénétra pas assez profondément pour inquiéter son corps résistant, et elle abandonna son bouclier humain pour foncer sur le sorcier. Ses griffes déchirèrent son armure et sa cavité abdominale, ainsi que de nombreux organes vitaux, et l'homme mourut sur-le-champ. La féline Femme des Bois empoigna alors le corps du sorcier et elle redescendit vers ses amis, qu'elle atteignit d'un bond.

Le nain était là aussi, qui avait dû bénéficier à son tour de la corde. D'après le décompte des aventuriers, il ne restait plus aucun sorcier aux alentours, ils avaient tué les deux derniers du convoi, ou du moins ceux qu'ils avaient remarqués et dont ils se souvenaient. Ce qui ne voulait pas dire que d'autres n'existaient pas. Il ne leur restait plus qu'à prendre congé, tandis que les flèches continuaient à pleuvoir sur eux qui se tenaient sur un cadavre de "poupoule" qui s'enfonçait petit à petit dans les sables mouvants, même si elle devait toucher en partie le fond. Sur le bord, entre de nombreux cavaliers d'un côté et les loups de l'autre, les ennemis ne manquaient pas. Il ne restait plus qu'à "emprunter" quelques chevaux et à se frayer un chemin dans tout cela pour revenir au camp de l'armée nordique, qui n'aurait aucun mal à affronter l'armée de Sagaths le lendemain. Simple, non ?
Modifié en dernier par Niemal le 15 septembre 2015, 20:39, modifié 2 fois.
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Niemal
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Horselords - 50e partie : tout n'est pas fini

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1 - Position inconfortable
Si certains comme Taurgil ou Geralt disposaient d'armures tellement résistantes que les flèches n'avaient aucune chance de les percer, ce n'était pas le cas de tous. Et en particulier d'Isilmë, mortellement blessée et intransportable. Son état avait été stabilisé par l'ingestion du don-de-vipère, mais sa guérison complète prendrait une heure de repos ou du moins de relative immobilisation. Comme ils l'avaient expérimenté auparavant à Dol Guldur sur le hobbit, le contact de la larme de Yavanna devait accélérer encore la vitesse de la guérison. Restait que tenir dix minutes sous des pluies de flèches, il y avait de quoi se transformer en porc-épic et venir à bout même d'armures de mailles naines ou équivalentes. Aussi Taurgil se coucha-t-il sur l'elfe pour la protéger de son corps et de sa cotte de mithril, qui ne craignait rien de tel.

Allongé lui aussi, Mordin avait pris deux boucliers sous lesquels couvrir à peu près entièrement son corps et celui de Rob. Même sans lumière pour les trahir, malgré l'obscurité et la brume, les archers sagaths envoyaient tellement de flèches au jugé, dans leur direction, que certaines arrivaient à trouver leur objectif et venaient se ficher dans ses boucliers, qui se faisaient plus lourds avec le temps. Geralt connaissait un peu la même chose : son armure de peau de dragon était trop solide pour se laisser percer par de tels projectiles, et l'armure de mystérieux cuir souple qu'il portait en dessous amortissait bien les chocs. Mais il lui fallait régulièrement enlever les projectiles de son armure, qui sinon l'alourdissaient et le gênaient.

Drilun était protégé magiquement, et même deux fois : son armure de peau de dragon avait été renforcée par des runes magiques, et un sort à lui déviait les flèches, si bien qu'il était l'un de ceux qui craignaient le moins les projectiles. Pour sa part, Vif était une créature enchantée que les armes non magiques affectaient difficilement. Néanmoins, si la plupart des traits ennemis ne faisaient que la picoter, certains étaient un peu plus douloureux, et à force pouvaient la blesser. Jugeant qu'une aile de la créature sur laquelle ils se tenaient tous était faite d'un cuir solide et qu'elle permettrait de tous les couvrir, elle se précipita vers une jointure, avant qu'elle ne fût immergée, et commença à amputer le monstre ailé d'un membre qui de toute manière ne lui servirait plus. Avec l'aide de Geralt, la tâche fut bientôt achevée et un nouveau bouclier les recouvrit tous.

Mais ou bien les flèches venaient à manquer, ou bien des Sagaths avaient réussi à percevoir que leurs efforts n'avaient guère d'effet. Aussi commencèrent-ils à utiliser d'autres projectiles, comme les nombreuses pierres qui gisaient aux pieds de ceux qui étaient au-dessus d'eux, sur les positions surélevées qui bordaient le piège de sable mouvant dans lequel ils se tenaient. Lancées d'une hauteur de dix pas vers la tête ou les membres des aventuriers, les plus grosses d'entre elles avaient suffisamment d'énergie pour meurtrir quelqu'un qui les recevait même à travers bouclier et armure. Attendre passivement que la guerrière elfe soit en mesure de reprendre le voyage n'était plus une option viable, il fallait réagir d'une manière ou d'une autre. Sans parler du fait que le corps de la créature sur laquelle ils se tenaient s'enfonçait progressivement dans la vase...

A l'aide de sa corde magique, le rôdeur dúnadan permit au balafré aux cheveux blancs de franchir les sables mouvants jusqu'aux archers sagaths qui avaient pris position sur leur bord, côté cavalerie. Auréolé de la magie d'obscurité du cimeterre ténébreux, il était comme invisible, sauf à proximité des torches ou autres lumières. Et à l'aide de son arme magique, il fit bientôt le vide autour de lui. De son côté, Vif avait facilement bondi sur le bord du piège et elle s'attaquait à présent aux archers en hauteur, grimpant sans mal sur les rochers sur lesquels ils se tenaient. Ils ne pouvaient tenir longtemps contre elle, mais en revanche de nombreux loups vinrent compliquer sa tâche, la forçant à bouger sans cesse. Et avec le temps et l'aide de la corde magique, ses autres amis quittèrent leur refuge précaire pour rejoindre la terre ferme... et les ennuis.

2 - Nouvelle forteresse végétale
L'objectif était d'utiliser à nouveau les graines de roncier magiques données par Radagast, afin d'établir pour eux une nouvelle forteresse facile en défendre. Ainsi, la guerrière elfe pourrait se remettre de sa blessure mortelle sans pour autant mettre toute l'équipe en danger : une petite ouverture pouvait être tenue par un guerrier aguerri et bien équipé contre une armée presque infinie, et plusieurs aventuriers correspondant à ces critères étaient là qui pouvaient se relayer : Taurgil, Geralt, Vif, voire Drilun et sa magie, ou bien encore Mordin, mais de manière peut-être plus limitée. Seul Rob n'était pas taillé pour le combat de mêlée, et Isilmë n'était ni en état ni assez bien équipée. Le seul véritable facteur limitant était l'endurante physique ou psychique des combattants.

Mais si les ennemis n'avaient plus de sorcier pour compliquer le travail des aventuriers, ils avaient tout de même le nombre pour eux. Et ils n'étaient pas non plus complètement idiots, et arrivaient à renouveler leurs attaques pour essayer de trouver des modes d'agression efficaces contre les formidables combattants qu'ils devaient affronter. Ainsi, les nombreux loups présents ne pouvaient percer de leurs mâchoires des armures de mailles de mithril ou de peau de dragon enchantée, voire d'autres à l'origine encore plus exotique et en fait inconnue. Aussi cherchèrent-ils à agripper et faire chuter leurs adversaires sur deux pattes, ou à les noyer sous leur poids et le nombre, afin de pouvoir les immobiliser et avoir accès à leurs points faibles pour les blesser. Et les Sagaths, à défaut d'être assez compétents ou bien équipés, pouvaient tout de même user l'énergie du groupe petit à petit.

En-dehors du maître-assassin qui combattait en solitaire du côté de la cavalerie sagath, les autres combattants valides du groupe firent appel à un moment ou l'autre à tous leurs talents pour faire de la place sur un sommet d'où les archers les bombardaient de projectiles. Les rochers furent bientôt noirs du sang ennemi et couverts de membres et cadavres déchirés, transpercés, brûlés ou découpés. Ceux de Sagaths d'abord, mais très rapidement les loups prirent leur place, en particulier autour de la lionne enchantée, leur ennemie jurée. A tel point qu'elle était obligée de courir sans cesse dans les rochers pour éviter d'être noyée sous le nombre. Elle était en effet plus agile qu'eux dans un pareil environnement, et elle ne craignait donc rien. Mais ils étaient encore très nombreux et endurants, et avec le temps la fatigue se faisait sentir dans ses membres.

De son côté, le rôdeur dúnadan utilisait son épée magique pour accroître sa magie royale et devenir invulnérable - ou presque - face à ses ennemis. L'archer-magicien en faisait autant avec sa magie, capable de dévier projectiles et coups, ce qui lui permettait de prendre le bâton magique de lumière et d'économiser ses flèches, quand il n'était pas en train d'enflammer les fourrures des loups pour les blesser et les repousser. A l'occasion, le marchand et meneur nain utilisa aussi sa hache magique pour découper les ennemis en rondelles. Et le petit voleur hobbit récupérait les flèches de ses adversaires, qui utilisaient des arcs courts comme lui, pour larder sans interruption loups et Sagaths avec ses traits précis. Tous étaient très endurants, et à court terme ils ne craignaient pas de faiblir, même s'ils ne se voyaient pas tenir tout le reste de la nuit comme cela.

Enfin, après de nombreux combats et petites péripéties, le sommet sur lequel ils se tenaient fut dégagé d'ennemis à quatre ou deux pattes, les graines furent semées et la forteresse végétale fut érigée. Elle avait la forme d'une pièce circulaire avec une entrée étroite et elle-même protégée des projectiles par d'autres ronces à courte distance. Ils purent ensuite s'y réfugier, pour certains, et surtout y amener Isilmë pour veiller sur elle et lui procurer davantage de soins. Car tout cela avait pris du temps et nécessité des efforts, et son état ne s'était pas amélioré. Elle était encore consciente et capable de quelques efforts, mais sa faiblesse était telle que ses capacités étaient assez limitées.

3 - Un Sagath ne sachant pas parler
De son côté, le maître-assassin progressait en direction de voix et de lumières qui lui semblaient provenir des chefs de la cavalerie ennemie. Son objectif était simple : supprimer le plus possible de Sagaths d'élite, les dirigeants restants de l'expédition, et en particulier du ou des individus qui devaient dominer les autres. Une fois ces individus éliminés, les Sagaths, naturellement guerroyeurs y compris dans leurs propres rangs, ne seraient plus une vraie menace. Et le combat contre l'armée nordique bien organisée en serait grandement facilité. Peut-être même qu'une partie des ennemis, privés de chefs, seraient poussés à déserter... Le moral des Sagaths serait fortement affecté et la bataille finale ne serait qu'une formalité. Et bien moins meurtrière en termes de vies nordiques.

Malheureusement pour lui, le fanatisme des Sagaths ne l'aidait pas dans sa tâche. L'aura de magie qui accentuait l'obscurité autour de lui, au milieu de la brume faiblement éclairée par des torches proches, apparaissait de manière assez visible aux archers sagaths. Du coup, ils criblaient de flèches la zone en question, sans se soucier d'alliés ou ennemis. Geralt était trop bien équipé pour craindre grand-chose : il lui suffisait de se protéger les yeux et le visage et de brosser régulièrement son armure des flèches qui s'y plantaient. Mais ceux qu'il approchait - ennemis et chevaux de même - étaient abattus, poussant les autres à s'écarter, et le vide se fit vite autour de lui. En face, il vit un groupe de guerriers d'élite se préparer à lancer une attaque contre lui. Or son armure ne le protégerait pas complètement d'une pareille charge de cavalerie, et notamment du piétinement des chevaux.

Son métier d'assassin et son expérience d'aventurier lui avaient aussi enseigné les bienfaits de la tromperie et la discrétion. Il se laissa alors tomber au milieu des cadavres et fit le mort, tout en annulant la magie du cimeterre qui l'entourait de ténèbres plus profondes. Les Sagaths s'arrêtèrent de tirer, cherchant en vain où leur ennemi était passé, tandis que ce dernier prenait discrètement aux cadavres quelques affaires pour passer pour l'un d'eux. Progressivement, un Sagath blessé se mit debout, comme quelques autres d'ailleurs, et tenta en titubant de rejoindre les blessés sans chevaux sur les bords de la petite vallée, tout en laissant le centre aux chefs pour qu'ils puissent lancer leur charge. Chefs qui n'en firent rien vu l'absence de cible clairement identifiée.

Mais si le déguisement du maître-assassin était très bon, surtout dans cette profonde obscurité doublée de brume épaisse juste entrecoupée par la lumière des torches pas toutes proches, ses connaissances de la langue étaient très limitées, pour ne pas dire nulles. Le premier cavalier sagath qui s'adressa à lui avec agressivité en perdit vite la tête, faute d'une meilleure réponse à apporter. D'autres Sagaths s'en mêlèrent et le pot-aux-roses fut bientôt découvert. Sans même comprendre le logathig que parlaient les Sagaths, il était clair pour Geralt que sa supercherie était dénoncée, et il dut bien vite éperonner le cheval qu'il venait de voler à son défunt cavalier pour prendre la poudre d'escampette. Il aurait bien voulu utiliser son arc pour abattre un maximum de guerriers d'élite, mais il dut se rendre à l'évidence : la charge serait bientôt sur lui et ses affaires risquaient de vite sentir le roussi.

Il lui fallut donc fuir en direction de la zone de contact entre les sables mouvants, à présent désertés, et l'éperon rocheux sur lequel ses amis s'étaient réfugiés. Cavalier émérite, il fit bondir son cheval par-dessus les rochers les plus bas, laissant un obstacle presque infranchissable à ses poursuivants derrière lui. L'un d'eux tenta bien la même manœuvre, mais avec moins de succès, et sa monture se brisa les pattes et il finit par terre. Les autres cavaliers furent obligés de mettre pied à terre pour commencer à escalader les rochers, perdant l'avantage de leur monture et de leur élan. Cela étant, le balafré aux cheveux blancs avait déjà largement de quoi faire, car il était arrivé au milieu d'une nuée de loups qui n'étaient pas tous en train de combattre ses amis et en particulier la lionne. Il se fit vite sauter dessus de tous les côtés, et Vif dut dévier un peu sa course erratique dans les rochers, poursuivie par des hordes de canidés sauvages, pour aller lui prêter main-forte et lui permettre de monter auprès de ses amis.

4 - Soins, fouille et magie noire
Tandis que les combats s'intensifiaient autour de la forteresse de ronces enchantées, à l'intérieur, tout était relativement calme. Tout au plus Mordin dut-il couvrir de son bouclier le petit hobbit qui préparait de l'infusion d'athelas pour Taurgil. En effet, faute de pouvoir les atteindre par des flèches désormais, les Sagaths ne se privaient pas de leur envoyer des pierres par-dessus le mur de ronces. Et la faiblesse de l'elfe était telle qu'il fallait la soigner un peu plus qu'avec le seul don-de-vipère pour lui permettre de suivre ses amis qui ne tenaient pas à rester là plus que nécessaire. Après un moment, le Dúnadan remplaça le hobbit au foyer afin de terminer la préparation. Il utilisa alors sa magie et ses mains de roi guérisseur - héritier de roi en fait - pour améliorer l'état d'Isilmë voire soigner quelques petits bobos reçus par ses amis.

Lequel héritier des rois du Rhudaur avait aussi fait une petite excursion au niveau des sables mouvants. En effet, deux sorciers avaient été récemment abattus. L'un d'eux avait subi l'ablation de divers organes vitaux grâce à la patte de Vif, puis avait été ramené sur la créature ensablée quand le groupe l'occupait encore, où il avait été fouillé. En plus d'un anneau magique ressemblant furieusement à ceux d'autres sorciers précédemment rencontrés, et manifestement magique et actif, diverses affaires avaient été récupérées sur lui, comme une arme, une bourse à herbes un peu malmenée et une bourse avec entre autres un peu d'or. Lorsque la lionne était partie s'occuper d'autre chose, elle avait laissé le corps choir dans l'eau, anneau compris. En souhaitant bien du plaisir à qui voudrait le récupérer, d'autant que la magie qui avait fait apparaître les sables mouvants n'était sans doute pas éternelle.

Mais un autre sorcier avait précédemment été abattu : l'homme (ou était-ce une femme ?) qui montait la féroce créature volante abattue par le hobbit et la lionne. Il avait plongé dans les sables mouvants à la suite de sa monstrueuse monture et s'y était probablement noyé, car personne n'avait plus entendu parler de lui. Mais qui savait s'il ne portait pas des équipements ou informations intéressantes ? Aussi le Dúnadan avait-il profité d'une occasion ou l'autre, après l'établissement de leur abri de ronces magiques, pour aller à la pêche au sorcier à l'aide de sa corde magique. A la manière d'une canne d'aveugle, il avait sondé les fonds du lac de vase jusqu'à trouver le corps qu'il recherchait - c'était bien celui d'un homme. Puis il l'avait ramené jusqu'à leur abri, malgré les ennemis intimidés ou gênés par sa magie, pour une fouille minutieuse.

Laquelle fouille n'avait rien apporté d'extraordinaire : une dague, un vêtement de cuir sombre léger, épais et résistant, une bourse à herbes quelque peu trempée et dont le contenu - de probables poisons - était en grande partie inutilisable, et une bourse contenant un peu d'or et deux clés dont ils ne trouveraient sans doute jamais les serrures. Et encore un anneau, que les plus perceptifs de l'équipe ne pouvaient ignorer : il était porteur d'une manifeste magie, et même d'une forte volonté maléfique, comme si un puissant sorcier était en train de contacter le défunt possesseur de l'anneau ou d'essayer de percevoir les environs pour un prochain lancement de quelque ténébreux sortilège. Lorsqu'il fut au courant de la chose, Geralt, alors revenu de son expédition parmi la cavalerie sagath, sortit son cimeterre ténébreux - et magique - pour briser l'anneau du sorcier, comme il l'avait déjà fait par le passé.

Il frappa l'anneau qui fut instantanément brisé. Mais autre chose se passa : la magie active au sein de l'anneau se propagea au ténébreux cimeterre magique du maître-assassin. Cimeterre qui explosa en mille morceaux ! L'Eriadorien était légèrement à l'écart et lui seul fut touché. Si son armure arrêta l'essentiel des débris, en revanche son visage fut lardé de bouts de métal. Il n'y perdit pas les yeux, mais le nez, les joues, la bouche et le menton étaient en sang. Méprisant les conséquences que cela aurait sur lui, il réclama à Isilmë à présent en meilleure forme qu'elle lui enduise le visage de baume orc cicatrisant. Ce qu'elle fit, non sans hésitation : les cicatrices provoquées par l'onguent étaient douloureuses et surtout elles laissaient de terribles traces. Geralt était déjà balafré, mais là il serait complètement défiguré et ne serait sans doute pas beau à regarder. Mais l'intéressé répondit que cela l'aiderait à intimider ses adversaires, et il saurait toujours se refaire une beauté, lorsque nécessaire, avec une bonne trousse de maquillage. Et ainsi fut-il fait selon ses désirs...

5 - Départ et retour
Au bout d'un moment, il semblait que tous étaient prêts pour revenir auprès des nordiques. Les blessés étaient en grande partis guéris, les guerriers étaient fatigués de combattre, et même les rangs des ennemis s'amenuisaient. Les cadavres d'au moins deux cents loups jonchaient les rochers ou le sol du chemin qu'ils avaient emprunté, qui montait dans les contreforts des Montagnes Grises. Sans parler de nombreux Sagaths, dont une vingtaine de guerriers d'élite. Les archers ou lanceurs de pierre restaient à présent à bonne distance, tandis que les cavaliers s'étaient éloignés et restaient du côté du convoi, qu'ils protégeaient toujours. Les loups restants, de l'autre côté des sables mouvants, n'étaient plus que quelques dizaines, et assez échaudés par la férocité qu'ils avaient rencontrée. Les aventuriers ne savaient d'ailleurs plus vraiment ce qui les motivait : il ne semblait plus y avoir de wargs pour les commander, ils devaient être partis combattre les nordiques, et les sorciers avaient tous disparu... Restait tout de même leur haine pour la lionne magique : ils se concentraient presque exclusivement sur elle, ce dont elle avait profité pour soulager ses amis lorsque c'était nécessaire.

Drilun utilisa sa magie pour percevoir au loin les sons apportés par le sol et les interpréter. Il ne put que constater ce que Geralt ou Vif percevaient plus naturellement : une armée d'orientaux plutôt en retrait, pas vraiment motivée par une poursuite des hostilités à leur égard, dans cette nuit brumeuse ; et des loups en petit nombre, et probablement incapables de constituer une menace sérieuse désormais. C'était donc sans doute le moment idéal pour vider les lieux. Un dernier son grave et puissant attira néanmoins son attention, qui provenait du haut du chemin, plus loin en amont. Manifestement, la dragonne du nom de Haurnfile était encore vivante, et active : elle semblait creuser quelque chose au niveau du chemin. Était-elle en train de s'enterrer pour se soigner ?

Après un rapide débat, les aventuriers prirent leurs cliques et leur claques et ils quittèrent leur abri enchanté. Les rochers étaient tellement couverts de sang et de cadavres que la lionne dut aider plusieurs de ses amis pour éviter une mauvaise chute. Il y eut peut-être encore quelques flèches envoyées, depuis l'autre éperon rocheux, mais sans grande conséquence car il était difficile de les percevoir dans la nuit brumeuse : seuls les hurlements des loups autour d'eux - manifestement adressés à Vif et sa féline odeur qui leur était insupportable - devaient trahir leur déplacement, et les canidés eux-mêmes ne s'approchaient guère mais préféraient rester à une petite distance en arrière.

Ils commencèrent donc à monter la pente boueuse des pluies récentes et du passage des chevaux de l'armée nordique, sans être plus inquiétés que cela. Leur fatigue et leurs petites blessures restantes étaient des fardeaux déjà bien assez lourds, d'autant qu'ils avaient du chemin à faire, et en montant encore : peut-être huit miles (~ 13 km) avant de retrouver l'armée nordique. Pour sûr, ils avaient laissé deux chevaux en chemin. Mais si une armée de loups et de wargs était passée en sens inverse pour attaquer l'armée nordique, pouvoir récupérer les montures paraissait un pari plutôt hasardeux, sur lequel peu d'entre eux auraient été prêts à mettre de l'argent !

Et puis, alors qu'ils montaient, Vif entendit de manière de plus en plus distincte les efforts de terrassier de la dragonne. Manifestement, elle creusait et transportait quelque chose sur le chemin, au-dessus d'eux, comme si elle avait dressé une barrière dans la grosse demi-heure depuis qu'ils l'avaient quittée. Elle entendait aussi sa respiration laborieuse, comme celle d'un gigantesque animal gravement blessé. Que pouvait-elle être en train de faire ? Mais la créature avait dû les percevoir à son tour, malgré ses travaux et ses blessures, car la lionne l'entendit s'arrêter. Elle s'éloigna même un peu... avant de foncer en avant dans leur direction. Elle percuta de tout son corps le monticule de terre et de rochers qu'elle avait patiemment érigé à leur attention, distant d'une portée de flèche d'eux. Le choc mit les rochers et la terre en mouvement, produisant une petite avalanche qui avala le chemin en direction du groupe.

6 - Avalanche
Si la lionne fut la première à percevoir ce qui se passait, le Dunéen comprit très vite la nature du danger. Tandis que Vif prenait une jambe du hobbit dans sa gueule puissante et fonçait vers les bords relevés du chemin où ils se trouvaient, l'archer-magicien dressait autour de lui une protection magique pour le protéger des coups. Mais cela suffirait-il face à une avalanche ? En tout cas, il ne perdit pas beaucoup de temps sur ses amis qui avaient vite saisi l'inconfort de leur position et qui tentaient de courir comme jamais avant d'être broyés et ensevelis. Il avait tout de même pris un certain retard pour lancer son sortilège, et il se demanda si sa magie serait suffisante pour compenser ce retard, qui sinon risquait de devenir définitif. Car la boue et les rochers qui apparurent vite dans la brume avaient manifestement un pouvoir destructeur qui donna des ailes aux chevilles des aventuriers !

Le féline Femme des Bois, de par la puissance de ses pattes rapides et musclées, fut bientôt en dehors de la zone de danger. Elle put déposer le petit voleur qui avait tout juste pu s'agripper à son cou pour rendre le court voyage un peu moins inconfortable. Malgré la brume, ils purent plus ou moins distinguer quelques-uns de leurs amis. Geralt, toujours très rapide, parmi les premiers, mais aussi Mordin juste devant lui. C'était toujours une merveille de voir ce grand nain courir aussi vite : où avait-il acquis une telle aisance dans ses courtes jambes ? Son métier de marchand et meneur de troupes naines l'avait certes préparé à marcher beaucoup, mais courir comme cela ? Et en plus ce n'était pas vraiment un fuyard, et même le contraire... Mais peut-être sa vie antérieure, avant qu'il ne rejoigne le groupe, recelait-elle quelques succulents secrets ?

Dans tous les cas, si le nain et l'Eriadorien défiguré ne purent pas éviter toute l'avalanche, ils ne furent inquiétés que par de petites pierres qui les heurtèrent sans grand mal, grâce à leurs armures de qualité. Ils s'en sortiraient avec quelques bleus bien vite ignorés. On ne pouvait en dire autant des trois autres amis, qui n'arrivèrent pas à sortir assez vite de la brume et du chemin encaissé parcouru par l'avalanche. L'oreille de Vif arriva néanmoins à repérer leur position au moment où ils furent emportés. Sur les derniers instants ils avaient donné un fameux coup de collier, en particulier Isilmë et Drilun, mais cela n'avait pas été suffisant. Heureusement ils avaient évité le gros de l'avalanche et n'avaient pas été emportés trop loin, car elle arrivait à percevoir deux d'entre eux au moins.

Les quatre aventuriers qui n'avaient pas été ensevelis se portèrent vite à la rescousse de leurs amis en partie enterrés. Dúnadan et Dunéen ne s'en étaient pas trop mal sortis, protégés par leurs magie et armures. La guerrière elfe, en revanche, avait subi l'attaque de plus gros rochers et elle avait été emportée un peu plus loin. Tous étaient encore conscients, mais Isilmë ne pourrait peut-être pas respirer bien longtemps. Heureusement, entre leur force, leurs talents de contorsionniste et l'aide de leurs amis, ils purent bientôt être dégagés, avant même de commencer à manquer d'air. L'avalanche avait aussi eu un à-côté très positif : plusieurs loups qui les suivaient d'un peu trop près avaient été complètement ensevelis, et ceux qui avaient survécu se désintéressaient à présent totalement d'eux et s'éloignaient.

Les côtes cassées de la guerrière elfe furent bandées et de nouveaux soins magiques furent faits. Décidément, suivre Drilun, son amour, était loin d'être un fleuve tranquille, et elle se demandait parfois si elle n'était pas un boulet pour lui et ses amis... De son côté, Vif ne percevait plus aucun son de la part de Haurnfile. Manifestement, le dernier effort de la dragonne lui avait été fatal : elle s'était tuée pour tenter de leur nuire, si grande était sa haine à leur égard, et en particulier Geralt qui l'avait maintes fois moquée. La nouvelle fit bondir le nain : non seulement il n'avait pu donner le coup de grâce à cet ancestral ennemi de son peuple, mais en plus il ne pourrait plus mettre la main sur son trésor ! Il maudit une nouvelle fois le monstre pour ne pas avoir attendu le bon moment pour mourir...

7 - Nouvelles des nordiques
Malgré le passage de l'avalanche, la route put être reprise sans plus aucune mauvaise surprise cette fois-ci. A l'endroit où les chevaux avaient été laissées, plus aucune monture n'était présente, mais ce n'était pas vraiment une surprise. Il fallut donc trois bonnes heures de marche pour rejoindre le camp nordique, sans compter, en chemin, un petit combat avec des wargs montés qui allaient dans l'autre sens. Manifestement, l'armée nordique avait bien été attaquée, et manifestement, ça ne s'était pas si bien passé que ça pour les attaquants, sinon les gros loups et leurs cavaliers orcs seraient en train de festoyer. Voyant ce petit groupe de sept personnes (en comptant Vif), alors qu'eux étaient une vingtaine et peu blessés, ils eurent la mauvaise idée - fatale pour une partie d'entre eux - de réajuster les compteurs en leur faveur...

Enfin, alors que la nuit tirait à sa fin, le petit col où l'armée nordique s'était installée fut atteint. Des traces de combat étaient manifestes, avec nombre de cadavres d'orcs et de loups, et plutôt récentes puisque tous les guerriers étaient debout et que le nettoyage n'avait pas encore été terminé. Les aventuriers furent bien accueillis et vite amenés à une tente où les chefs nordiques conversaient. Des informations furent échangées, qui permirent à Taurgil et ses amis d'apprendre qu'une centaine de guerriers nordiques avaient été gravement blessés voire pire, contre au moins un millier de morts chez l'ennemi. Les nordiques comptaient encore à peu près mille quatre cents hommes valides, et les Sagaths autour du double, même si la forte diminution de leurs élites n'était pas à négliger.

L'action des aventuriers fut saluée, sans parler de leurs manifestes épreuves, comme le visage de Geralt l'attestait. Mais elle entraîna de sombres réflexions de la part de Bronwyn en particulier : si effectivement les Sagaths étaient livrés à eux-mêmes, sans aucun sorcier pour les diriger mais seulement une élite fanatique, ils risquaient de radicaliser leur action. Les sorciers tenaient avant tout à ce que le convoi arrivât en Angmar, mais les Sagaths ? Ils préféreraient sans doute la mort et la destruction - leur mort (en emportant un maximum d'ennemis avec eux) et la destruction du convoi - plutôt que la fuite, la honte de la défaite et la prise du convoi par leurs ennemis.

Après réflexion, tous se rangèrent à cette idée : sans aucun doute les Sagaths tenteraient un baroud d'honneur en journée, pour franchir le col et abattre leurs ennemis nordiques. Mais les charriots et les chevaux non montés ne pourraient suivre, ils gêneraient les guerriers. Pratiquement tout le monde à la table était prêt à parier que les hommes qui seraient laissés en arrière - et les Sagaths disposaient de jeunes peu aptes au combat à qui ce rôle collerait bien - auraient des consignes pour détruire tous les chariots et tuer tous les chevaux qu'ils pourraient si la bataille tournait mal. S'ils arrivaient à mettre ce plan à exécution, même s'ils étaient vaincus, d'une certaine manière les Sagaths - et surtout leurs maîtres - auraient en partie gagné : les nordiques auraient été fortement affaiblis sans rien gagner en échange. Et Taurgil et ses amis n'auraient plus espoir de ramener beaucoup de chevaux en Arthedain...

Et donc, à peine les aventuriers revenus, il devenait clair qu'un appel du pied leur était lancé pour les voir repartir immédiatement. Les nordiques avaient une position avantageuse et un meilleur équipement ; sans loups, orcs ou sorcellerie pour leur apporter de nouveaux atouts, les Sagaths n'avaient pas une chance de l'emporter. La question serait surtout de minimiser les pertes en vies humaines ou chevalines. En revanche, comment s'assurer que le butin serait toujours là, sauf en comptant sur les aventuriers pour déjouer les plans de l'ennemi ? Dans l'idéal, Taurgil et ses amis devaient reprendre la route tout de suite pour être au plus tôt auprès du convoi, tout en évitant l'armée orientale qui prendrait sans doute le chemin dès le matin. Matin qui n'était plus très loin, ce qui signifiait repartir sans même prendre de repos. Les aventuriers s'en sentaient-ils le courage ?

8 - Séparation et mauvaise blessure
Ce n'était pas le cas de la lionne, dont l'endurance avait ses limites. Elle alla de ce pas se mettre en boule dans un coin pour dormir, après avoir demandé à quelqu'un de lui préparer du marchand de sable pour avoir un sommeil bref mais récupérateur. Les deux heures de repos que cela lui apporterait en vaudraient huit, et elle pourrait tout à fait voyager ensuite et retrouver sur place ses amis partis avant elle - ce qu'elle leur annonça avant de s'isoler. Sans surprise, Geralt décida d'en faire autant, de même que Rob, après le refus des elfes de les emmener sur place, drogués pour pouvoir dormir, sur des chevaux. Les autres acceptèrent de partir sur-le-champ, après avoir récupéré des montures. Les trois absents se débrouilleraient pour retrouver les quatre partis en avance. Dans la mesure où maître-assassin et lionne enchantée étaient les plus perceptifs du groupe, et le hobbit était loin d'être ridicule, cela ne venait à l'esprit de personne que cela pût leur poser une quelconque difficulté.

Taurgil, Mordin, Drilun et Isilmë se mirent donc en route après avoir trouvé des montures. Ils prirent le chemin, à présent dégagé de la brume, tandis que le ciel s'éclaircissait légèrement vers l'est, même s'il était difficile de s'en apercevoir en raison des nuages d'altitude. Ils comptaient aller le plus loin possible avant d'abandonner les chevaux et de prendre des chemins détournés et discrets, car la cavalerie ennemie emprunterait tôt ou tard la même voie, et le relief escarpé de chaque côté de la route n'était pas vraiment praticable pour leurs montures. Le trèfle de lune qu'ils avaient pris en début de nuit ne faisait plus guère effet, aussi le Dunéen utilisa-t-il sa magie pour créer une douce lumière autour d'eux, comme un paysage fantomatique qui diminuait quelque peu l'obscurité aux alentours.

Mais cette lumière devait aussi les rendre plus visibles aux yeux d'éventuels guetteurs. Isilmë, dont les sens elfiques lui permettaient de voir à une plus grande distance, crut percevoir quelque chose à un angle de la route auquel ils allaient bientôt parvenir. Soupçonnant des guetteurs en embuscade, ils approchèrent un peu, puis Taurgil mit pied à terre avant de s'avancer au milieu de la voie, seul et protégé par sa magie. Mordin le suivit à courte distance, sur le côté, en restant caché à la vue d'éventuels guetteurs grâce aux rochers qu'il longeait. Plus en arrière, la guerrière elfe avait mis pied à terre, bandé son arc et encoché une flèche, tandis que l'archer-magicien faisait de même tout en restant sur sa monture. Comme prévu, une vingtaine de cavaliers sagaths sortirent de derrière le tournant dans le chemin pour charger Taurgil et ses trois amis.

Nullement pris au dépourvu, le rôdeur esquiva facilement les lances ou les chevaux, blessant au passage l'un des cavaliers. Mordin se rapprocha peu après par le côté et découpa à l'aide de sa hache le flanc d'un cheval qui passait devant lui, envoyant la bête et son cavalier - bientôt achevé - au tapis. Plus loin, l'elfe abattit un premier cavalier avant de subir les premières attaques sur sa personne. Elle vit au dernier moment que la lance du premier cavalier allait bel et bien l'embrocher comme un lapin, et elle se jeta sur le côté pour l'éviter. La lance l'épargna, mais pas le cheval qui la bouscula et l'envoya à terre, où elle offrit une cible facile pour le Sagath qui venait derrière. Sa lance traversa l'armure et le corps de l'elfe, qui, déjà blessée, s'effondra et ne bougea plus. Après avoir abattu un cavalier d'une flèche, Drilun, très inquiet pour l'elfe qui occupait une place importante dans son cœur (même s'il maudissait l'imprudence dont elle avait fait preuve), amena son cheval à côté du corps de l'elfe à terre, immobile, pour tenter de le protéger.

Si les Sagaths étaient ravis de ce début de leur attaque, la suite ne fut pas vraiment du même tonneau. Les trois aventuriers restants esquivèrent les coups et les rendirent largement, mettant à terre cavalier après cavalier. Les survivants comprirent bien assez tôt qu'ils feraient mieux de rebrousser chemin et rejoindre deux guetteurs plus éloignés qui attendaient pour éventuellement aller chercher de l'aide ou au moins faire part à l'armée de ce qui s'était passé. Ce qu'ils firent donc, profitant de ce que le corps de l'elfe accaparait l'attention de leurs adversaires qui n'avaient pas le cœur à les poursuivre et les abattre tous. Les cavaliers sagaths s'éloignèrent donc dans la nuit, vers l'est et leur campement, tandis que trois personnes se penchaient sur le corps d'Isilmë.

Il était vite apparu qu'elle était encore vivante, mais sa blessure saignait beaucoup et son état allait vite empirer. Il fallut retirer l'armure trouée et la déshabiller pour permettre d'enduire la blessure de baume orc cicatrisant. Ceci fait, il restait à bander la plaie et utiliser la magie dont Taurgil était capable, augmentée par la larme de Yavanna qu'il portait, afin d'améliorer le plus possible l'état de l'elfe mal en point. Restait que tout cela prendrait du temps et qu'elle ne serait pas sur pied avant un moment. A tout le moins, elle reprit progressivement conscience, et les questions affluèrent : combien de temps disposaient-ils avant que d'autres Sagaths n'arrivassent, voire l'armée toute entière ? Comment mettre la guerrière en sûreté pour lui permettre de récupérer sans aggraver son état ? Pouvaient-ils encore mener leur mission à bien avec ce nouveau délai qui leur était imposé ? A nouveau, Isilmë eut le sentiment d'être un boulet pour ses amis. La nuit qui s'achevait ne figurerait certainement pas parmi ses bons souvenirs...
Modifié en dernier par Niemal le 16 septembre 2015, 20:15, modifié 2 fois.
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Horselords - 51e partie : bluff d'enfer

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1 - Obstacles
Si l'état de santé d'Isilmë s'améliorait vite grâce aux magies et onguent cicatrisant qui furent appliqués, cela ne résolvait pas un problème qui ne devait rien à son état. En effet, même sans le retard pris et l'annonce de leur arrivée, l'armée adverse ne tarderait pas à prendre le chemin sur lequel ils se trouvaient, la Men Rhúnen ou "Route de l'Est". Il fallait donc le quitter tôt ou tard. Or le relief était montagneux et tourmenté, donc rejoindre le camp des Sagaths posait un réel problème. En effet, s'ils mettaient trop de temps, le combat pourrait être terminé - a priori en faveur des nordiques - avant même que les quatre amis fussent en vue de leur objectif ! Ce qui voulait dire qu'ils arriveraient peut-être trop tard pour éviter d'éventuelles représailles sur les marchandises du convoi et surtout sur les chevaux qui l'accompagnaient. Chevaux qui, s'ils manquaient à Angmar, manqueraient aussi à l'Arthedain. Et ils étaient venus pour eux.

Dès que l'état de l'elfe le permit, ils remontèrent en selle et s'apprêtèrent à reprendre leur chemin vers l'est. Mais auparavant, ils se dirent qu'un obstacle sur le chemin de l'armée ennemie leur laisserait un peu plus de temps. A l'aide des graines de ronciers magiques données par Radagast, ils érigèrent une barrière végétale infranchissable de trois pas de large sur toute la largeur du chemin, là où il était le plus étroit. Voilà qui ralentirait un certain temps l'armée, d'autant qu'il ne restait plus de sorciers pour brûler magiquement les ronces ou faire des tours de passe-passe similaires. Puis ils poursuivirent leur descente vers le convoi pour Angmar, avec précaution. Bientôt ils virent les signes d'une présence ennemie et ils surent qu'il fallait abandonner le chemin. Fallait-il aussi abandonner les montures et continuer à pied ?

En fin de compte, ils arrivèrent à trouver des passages en dehors du chemin, grâce entre autres à l'aide de la larme de Yavanna qui créait une remarquable harmonie entre son possesseur et le milieu naturel. Ils furent tout de même obligés de mettre pied à terre et les nombreux détours qu'il fallut prendre pour permettre aux chevaux d'avancer sans trop de risque les ralentirent beaucoup. Après un moment, alors qu'un jour couvert et humide pointait le bout de son nez, ils entendirent même, au-dessus d'eux, le déplacement de nombreux chevaux. Manifestement, l'armée ennemie n'avait pas perdu de temps et les premiers cavaliers avaient dû partir dès l'aube. D'un autre côté, ils ne devaient plus être trop loin du camp, même si les détours qu'ils faisaient et l'allure très réduite qu'ils avaient rendait leur progression extrêmement lente, sans parler de la fatigue...

Des volutes de fumée les guidèrent alors qu'ils approchaient. De loin, les plus perceptifs virent qu'il s'agissait de la forteresse végétale qu'ils avaient occupée pendant la nuit. Les Sagaths avaient dû y mettre le feu en la bourrant de combustible pour arriver à faire un bûcher pareil. Il s'avéra plus tard qu'ils avaient utilisé, entre autres, les nombreuses peaux des loups qu'ils avaient tués. Mais il y avait d'autres colonnes de fumée plus éloignées et bien plus petites qui devaient correspondre à l'emplacement du convoi. Elles étaient trop loin pour déterminer à quelle distance elles se trouvaient et ils repartirent. Il leur fallut faire encore un nouveau détour, d'autant que des guetteurs étaient visibles sur les hauteurs, sans parler de l'armée qui continuait à avancer et qui était loin d'avoir vu passer tous ses guerriers.

En fin de compte, en raison de la fatigue de certains et du côté peu discret des chevaux, ils firent un camp à l'écart. Isilmë s'endormit alors, gardée par Drilun qui veillait aussi sur leurs chevaux, tandis que Mordin et Taurgil partaient en reconnaissance, à pied, pour voir le convoi d'un peu plus près. Il leur avait fallu une bonne heure pour arriver là depuis qu'ils avaient quitté la route, et il fallut encore une heure aux deux amis pour se rapprocher assez du convoi. Ils se débrouillaient pour mettre toujours la végétation et le terrain entre eux et les guetteurs qu'ils percevaient de plus en plus près au fur et à mesure qu'ils s'approchaient d'eux. Car les Sagaths n'étaient pas tous partis en laissant les chariots et chevaux seuls derrière, mais ils avaient laissé certains d'entre eux. Et au vu de ce qu'ils voyaient, les deux aventuriers n'avaient guère de doute sur le fait que des consignes avaient été données pour détruire et tuer le maximum de marchandises et de chevaux en cas de pépin ou de mauvaise fortune du combat contre les nordiques.

2 - Voyage et réunion
A moins d'une dizaine de miles de là, plus en hauteur, l'armée nordique se préparait à recevoir l'assaut des cavaliers sagaths avec l'aide de leurs alliés : elfes, cavaliers dúnedain du Gondor, mercenaires (hommes de Rult)... et aventuriers. Trois d'entre eux finissaient leur courte nuit avec l'aide de marchand de sable, ce puissant somnifère qui permettait d'avoir un sommeil très récupérateur. Deux d'entre eux se réveillèrent peu après l'aube, à savoir Geralt et Vif. Ils n'avaient dormi que deux heures, mais ils se sentaient aussi bien que s'ils étaient restés dans les bras de Morphée toute une demi-journée. En revanche, Rob dormait encore et il ne semblait pas prêt de se réveiller. Pourtant il fallait partir rejoindre les amis sans tarder. Fallait-il le laisser là aux bons soins des nordiques ?

Avant cela, les elfes furent consultés, de même que la longue-vue de Geralt. Les rapaces que la magie des elfes avait appelés n'avaient rien vu du côté de la Forêt Sombre : pas de nouvelle monstruosité ailée venue de là et en particulier de Dol Guldur pour porter secours aux gens du convoi. Du côté du convoi, justement, les crebain et autres oiseaux charognards étaient en train de se déplacer, probablement en même temps que l'armée des cavaliers orientaux. Il ne fallait donc pas tarder à rejoindre les quatre aventuriers déjà partis. Mais que faire du hobbit ? Il ne servirait à rien de spécial au cours du combat au col, même si c'était un très bon archer. Alors que là-bas, près du convoi, sa taille et sa discrétion (entre autres talents) pourraient être davantage mises à contribution éventuellement...

Dès qu'il eut trouvé une monture, le maître-assassin demanda aux hommes de Rult d'attacher le hobbit au cheval comme un vulgaire sac de patates. Il repassa derrière pour l'arrimer encore mieux et éviter qu'il ne tombât en route, puis il fut parti avec la lionne enchantée. Ils descendirent très tôt du chemin dans le relief accidenté qui le bordait. La féline Femme des Bois n'en était pas beaucoup ralentie, mais elle sut trouver des passages que le cheval de son ami pourrait emprunter. Et comme lui-même était un excellent cavalier, il n'eut même pas besoin de descendre de cheval. Ils passèrent l'endroit où, plus haut, l'armée des orientaux était bloquée par des murs de ronces, et ils notèrent de loin ce que leurs amis avaient fait, et à quel point l'obstacle était efficace.

Un peu plus loin, la lionne trouva les traces de leurs amis, qui furent faciles à suivre. Lorsqu'ils arrivèrent à proximité du goulet où ils avaient livré bataille dans la nuit, ils constatèrent que les cavaliers n'étaient pas encore tous partis. Mais au son, il ne devait pas en rester beaucoup. Puis ils continuèrent jusqu'au camp de fortune établi par Taurgil et les autres. Vif, partie un peu en avance, se débrouilla pour se glisser discrètement à proximité du Dunéen qui veillait sur sa belle, mais pas assez bien pour la repérer, elle, dans cet environnement tourmenté et plein de cachettes. Heureusement, Drilun avait l'habitude des farces de son amie et il ne s'offusqua pas de l'entendre grogner près de lui sans s'annoncer...

Après quelques échanges pour mettre les nouveaux venus au courant des derniers événements, Vif et Geralt repartirent en direction du convoi de chariots et de chevaux non montés. Grâce aux traces qu'ils avaient laissées, ils purent trouver sans mal Taurgil et Mordin, qui n'avaient pas bougé mais attendaient précisément leurs amis. Discrets comme ils étaient, les guetteurs ennemis ne les virent pas plus que les autres et tous purent observer sous toutes les coutures le camp ennemi et les préparatifs qu'ils y faisaient. Avec l'aide de la longue-vue, Geralt vit de nombreux détails que les autres n'avaient pu remarquer. Certains comme la lionne se déplacèrent même à différents endroits pour mieux couvrir la scène et les positions des troupes restées sur place. Puis ils firent demi-tour et rejoignirent leur camp provisoire et les trois amis qu'ils avaient laissés là-bas, dont deux endormis.

3 - État des lieux
Le hobbit et l'elfe s'étaient réveillés et ils furent rapidement mis au courant des observations. Les chariots et chevaux non montés étaient installés dans un camp circulaire distant d'un demi-mile (~ 800 m) à un mile (~ 1,6 km) à l'est de l'endroit où ils avaient combattus dans la nuit. Il était constitué des nombreux chariots - autour de deux cents - disposés en cercle, et au milieu desquels les chevaux, peut-être deux ou trois mille, étaient parqués, serrés. L'espace entre les chariots - aucun n'était attelé - était largement suffisant pour que des chevaux puissent passer, mais il était en parti encombré par divers équipements tirés des chariots eux-mêmes.

Autour des véhicules s'affairaient de nombreux Sagaths, en général assez jeunes, qui sortaient certaines affaires à l'extérieur, où elles étaient triées. Geralt avait pu voir avec sa longue-vue que ce qui était non combustible comme la nourriture ou des outils métalliques était plutôt installé dans l'espace entre les chariots afin de bloquer le passage des chevaux. En revanche, les objets de cuir, de tissu ou de bois étaient remis à l'intérieur. Des petits feux étaient régulièrement disposés à proximité des chariots, et le maître-assassin avait pu distinguer aussi des torchères préparées à proximité, prêtes à être allumées pour mettre le feu aux véhicules, probablement.

A l'extérieur du cercle des chariots et des Sagaths qui s'y affairaient, d'autres jeunes Sagaths, montés et arborant fièrement des armes, tournaient en permanence dans le même sens. Ils surveillaient les environs et s'arrêtaient juste pour laisser passer çà et là d'autres jeunes partis ramener des branchages récoltés non loin du camp. Branchages qui étaient disposés sous les chariots le plus souvent. Il s'agissait de bois vert, qui n'aiderait pas beaucoup à démarrer un feu, mais avec de l'huile de lanterne cela pouvait changer les choses. Au final, Geralt estimait le nombre de jeunes Sagaths à peut-être cinq cents. Ils étaient faciles à repérer car mal équipés pour la guerre : leur seule armure était le plus souvent une veste de cuir souple.

Tout cela faisait énormément penser à la préparation d'un gigantesque incendie. Et comme les chevaux étaient serrés et que les Sagaths disposaient tous d'arcs, il serait facile de leur tirer dessus, même sans viser, et d'en tuer un grand nombre. De plus, même si les bêtes avaient l'idée d'essayer de fuir dans les ouvertures entres les chariots, elles ne pourraient le faire très rapidement vu les espaces limités. Cela, plus la peur liée aux flammes ou aux hennissements de douleur, garantissait une panique des bêtes assez facilement. Cette seule panique entraînerait sans doute des heurts et de nombreuses blessures comme des pattes cassées, fatales à terme pour les chevaux.

Ailleurs, donnant des ordres aux jeunes ou guettant les environs depuis des positions élevées, des Sagaths moins jeunes étaient présents. Ils étaient peut-être une centaine, certains fixes et d'autres toujours en mouvement. Il ne semblait pas y avoir de guerrier d'élite sur place, même si un chef manifeste se faisait entendre depuis un endroit à l'abri du regard. Après avoir longtemps guetté, l'homme en question apparut un bref moment. Vêtu de mailles et d'un meilleur équipement que les autres, il faisait manifestement partie de l'élite. Ces Sagaths adultes étaient à peu près tous, à des degrés divers, porteurs de blessures qui expliquaient sans doute le choix de les laisser en arrière. Et tout ce beau monde, fût-il jeune ou adulte expérimenté, à pied ou à cheval, fixe ou immobile, se parlait ou s'invectivait en permanence dans la langue des Sagaths, le logathig. Il était évident que l'ordre avait été donné d'échanger constamment dans une langue que leurs ennemis ne parlaient pas afin de pouvoir repérer d'éventuels faux Sagaths. Les maquillages passés de Geralt n'avaient pas été oubliés...

4 - Ralentissement et approche
La logique qui sous-tendait ces préparatifs était bien celle d'un fanatisme absolu : les Sagaths lançaient leur dernière carte, faite de destruction et de mort. Sans doute que dans leur esprit, mourir en combattant et en ne laissant que des cendres derrière eux était préférable à la fuite en laissant du butin aux ennemis ; fuite qui serait probablement synonyme d'une vie honteuse et contraire à leurs principes. Donc, d'un côté ils lançaient toutes leurs forces dans une attaque désespérée, de l'autre ils se préparaient à détruire l'intégralité du convoi. Avec sans doute la promesse d'un quelconque paradis après cela, dans la mesure où les dégâts effectués seraient assez importants. Et manifestement, ils avaient pris en compte les capacités dont les aventuriers avaient fait preuve par le passé...

A défaut de trouver une solution facile pour récupérer le plus de chevaux et de butin possible, il était déjà possible de gagner du temps en ralentissant l'armée. Aussi l'équipe fit-elle appel à une technique déjà éprouvée : un harnais fut installé sur la lionne pour permettre au hobbit de bien s'accrocher. Après avoir pris ce qu'il fallait de graines de ronciers magiques, le petit voleur s'installa sur son amie, non sans avoir laissé derrière lui une partie de son matériel pour ne pas trop l'alourdir et la fatiguer. Puis ils partirent à grande allure, toujours dans le terrain tourmenté que traversait la Men Rhúnen - la Route de l'Est dans la langue des hommes - dans ces premiers contreforts des Montagnes Grises. Leur objectif : dépasser l'armée adverse et trouver un site propice à bloquer encore le passage à l'aide d'un mur végétal magique.

La féline Femme des Bois, très à l'aise dans ce terrain accidenté, rattrapa bientôt l'armée, toujours bloquée derrière la première barrière végétale. En effet, les ronces créées par la magie de Radagast étaient difficiles à couper avec des épées, pour ne rien dire de l'inutilité des lances. Les cavaliers ennemis furent dépassés, puis la route fut reprise pour gagner du temps. A moins d'un mile du col et de l'armée nordique qui y était installée, Vif trouva un endroit où le chemin était étroit et où un obstacle était impossible à contourner facilement - et rapidement - par un côté. Rob sortit alors les graines de ses poches et la lionne et lui se transformèrent en semeurs. Après quelques minutes, le chemin était complètement bloqué par un mur de trois pas d'épaisseur de ronces magiques. Leur travail était accompli, ils pouvaient maintenant rejoindre leurs amis qui n'avaient pas dû les attendre pour s'approcher du convoi. Peut-être même avaient-ils déjà lancé une action ?

Mais si les cinq autres aventuriers avaient en effet progressé pour arriver à proximité des guetteurs du camp ennemi, non loin des chariots et chevaux, la suite des opérations restait à préciser. Néanmoins, après de multiples discussions, Drilun avait appelé à lui une pluie battante. Un brouillard épais risquait de rappeler de mauvais souvenirs aux Sagaths et peut-être de déclencher un ordre d'incendie. Tandis que la pluie était relativement naturelle avec le temps couvert, et elle rendrait tout départ de feu difficile. Au minimum elle réduirait considérablement l'incendie des chariots et l'impact du feu sur les chevaux. Et elle leur laisserait donc plus de temps pour intervenir. Et effectivement, les Sagaths eurent bien du mal à maintenir quelques rares feux allumés, sans doute à l'aide d'un peu d'huile, comme Geralt le confirma à une occasion.

Au-delà de ce premier point, restait à se débarrasser de tous ces fichus guerriers fanatiques sans risquer la vie des chevaux. Et là, les idées fusèrent mais toutes furent vite repoussées. Une attaque en catimini quelque part, à l'aide d'un maquillage, serait bien vite découverte, et le camp était trop grand pour espérer tuer rapidement tous les archers. Et même avec des vents violents, la densité des chevaux était telle que les dégâts seraient vite importants. Si Vif arrivait à se glisser parmi les chevaux et les poussait à fuir au-delà du cercle des chariots, ce serait vite la panique et cela ferait plus de mal que de bien. Un (faux) guerrier sagath blessé à la gorge, s'il avait une bonne excuse pour ne pas parler, ne comprendrait pas les ordres qui lui seraient donnés... Comment faire pour mettre hors d'état de nuire des centaines de cavaliers assez vite pour qu'ils ne puissent pas affoler ou tuer les chevaux, ou les inciter à changer leurs plans alors qu'on ne parlait pas leur langue ?

5 - Les envoyés du "Noir"
Ce problème de la langue était crucial, car dans les souvenirs hérités de Caran Carach, grâce aux bons soins de Tevildo, il était clair que l'influence de Dol Guldur sur les Sagaths se faisait grâce à des intermédiaires (assassin, sorciers ou rôdeurs noirs) qui parlaient le logathig. Le côté superstitieux de ces orientaux guerroyeurs avait ensuite été facile à pervertir en un culte à la gloire d'une entité maléfique appelée le "Noir", qui récompensait la destruction et la violence tellement présentes dans la culture des Sagaths. Ce qui amena petit à petit à une idée : si les aventuriers ne pouvaient pas se faire passer pour des Sagaths, pouvaient-ils se faire passer pour des alliés serviteurs du "Noir" ?

D'idée en idée, un plan commença à se former qui séduisit le groupe, même si Geralt répétait à l'envi que ça n'allait pas marcher, qu'ils allaient échouer, etc. Plusieurs aventuriers parlaient le noirparler, la langue de Dol Guldur et de l'élite des orcs, des rôdeurs noirs et des sorciers. De plus ils portaient, pour certains, les cuirs sombres pris à ces mêmes rôdeurs ou sorciers. Ils avaient donc déjà des facilités pour se faire passer pour ces serviteurs du "Noir" et alliés des Sagaths. Seul le problème de la langue restait, mais était-il possible de trouver une bonne raison de ne pas la parler, ainsi que des garanties à présenter pour prouver qu'ils étaient du même côté que les Sagaths ? Était-il possible de faire un tel coup de bluff sur les orientaux qui restaient ?

Les garanties pouvaient se trouver sous la forme des têtes coupées des aventuriers : l'ennemi de mon ennemi n'est-il pas mon ami ? En se présentant aux Sagaths avec des têtes coupées maquillées - éventuellement magiquement - pour ressembler aux leurs, quel meilleur moyen de tromper les Sagaths qui verraient ainsi les nouveaux venus en alliés voire sauveurs ? Et la barrière de la langue pouvait peut-être s'expliquer ainsi : avant la mort récente des derniers sorciers au sein des orientaux, de l'aide avait été réclamée au "Noir". Cette aide arrivait sous la forme de terribles guerriers qui parlaient avant tout la langue de l'élite, pas le logathig. Et il était facile d'inventer une histoire d'interprètes tués en chemin lors d'une confrontation avec des elfes ou autres ennemis des orientaux...

Le plan fut donc adopté. Vif et Rob étant trop reconnaissables sur un plan physique pour être maquillés, ils resteraient à l'écart. Les autres firent en sorte de coller le plus possible à l'image de serviteurs du "Noir" : armures de cuir noir uniquement (les cottes de mailles furent retirées), traces de combat récent (blessures éventuellement), attitude dominatrice et méprisante... Des têtes de Sagaths furent récupérées, maquillées pour ressembler à celles des aventuriers ; la lionne partit en chasse et ramena un cerf dont la tête servirait pour un enchantement de Drilun, afin de la faire ressembler à une grosse tête de félin... Bien sûr, les ennemis n'avaient pas tous vu leurs têtes de près, et en général pas dans les meilleures des conditions ; mais entre la tête de l'elfe et celle de la lionne, les Sagaths n'auraient pas grand effort à faire pour saisir à qui elles appartenaient.

Après quoi le groupe - moins le hobbit et la Femme des Bois - s'éloignèrent en catimini avec leurs chevaux de manière à arriver ensuite sur le lieu du camp ennemi depuis l'est et le sud. Ce qu'ils firent peu après, au petit galop, sans chercher à se cacher, comme des voyageurs qui savent parfaitement où ils vont et dont le convoi pour Angmar est la destination. Chacun d'eux avait une tête sanglante accrochée à la selle, comme preuve de récents exploits, et des traces de combat voire de blessures sur leur équipement ou leur corps. Ils furent vite repérés par les Sagaths qui donnèrent l'alerte et attendirent les nouveaux venus de pied ferme. C'est maintenant qu'il allait falloir être convaincants, même sans parler le logathig...

6 - Coup de bluff
Les jeunes Sagaths qui travaillaient autour du cercle de chariots ne se précipitèrent pas vers eux l'arme au poing, ce qui était une première chose. Mais ils avaient cessé leur travail, et, sans s'éloigner des véhicules dont ils avaient la charge, ils se rapprochaient de là d'où venaient les aventuriers, manifestement indécis ou même inquiets. Il est vrai que l'apparence donnée par les maquillages du maître-assassin leur conférait une aura de peur qui faisait manifestement son effet, ou en tout cas qui collait bien à ce que les adolescents orientaux devaient imaginer concernant les serviteurs du "Noir"... Visuellement, donc, tout collait bien.

Lorsqu'ils furent à portée d'arc ils ralentirent de manière à arriver au contact des Sagaths avec une attitude d'assurance dominatrice, méprisante même, mais pas ouvertement agressive. Les armes restèrent sagement rangées, comme si elles n'étaient pas nécessaires. Face à eux, les jeunes attendaient de voir comment allait réagir un guerrier plus âgé qui arrivait pour gérer les étrangers, mais Geralt pouvait déjà percevoir que les adolescents étaient favorablement impressionnés. Ils le furent encore plus quand le maître-assassin déguisé - qui avait laissé visibles voire accentué ses blessures au visage - envoya bouler une tête d'elfe devant lui, au sol. Elle s'arrêta au pied du chef sagath qui venait d'arriver et qui les avait invectivés dans sa langue, que l'Eriadorien ne comprenait pas.

Face aux questions dont ils ne percevaient le sens, les aventuriers - du moins les plus doués en théâtre ou en intimidation, tels Geralt ou Mordin - répondaient de manière agressive ou impatiente, comme des chefs qui apprécient peu de perdre leur temps. Mais ceux qui étaient perceptifs ne manquaient de percevoir l'enthousiasme grandissant de certains jeunes qui avaient manifestement identifié la tête coupée comme celle d'un ennemi. Dans la tentative d'établir un dialogue avec le chef, le maître-assassin essaya plusieurs langues autres que le logathig ; dont le fornen, sorte d'espéranto des langues nordiques parlées dans le Rhovanion, et que manifestement l'homme qui leur faisait face maîtrisait un peu car il lui répondit dans ce parler nordique.

Tandis que ses compagnons montraient des signes d'impatience, Geralt jouait son jeu de grand guerrier du "Noir" appelé à la rescousse par feu les sorciers du convoi. Il réclama de parler au chef dudit convoi ou au moins à un bon interprète, le sien ayant été tué lors d'un combat avec des elfes et autres ennemis des Sagaths. Son jeu d'acteur eut manifestement du succès, même si son interlocuteur restait quelque peu méfiant. Les cinq aventuriers ne furent pas inquiétés mais furent bientôt conduits au chef des Sagaths restés sur place, un guerrier d'élite en partie blessé. Avant même de lui adresser la parole, les aventuriers envoyèrent au pied de son cheval la tête de cerf magiquement transformée pour ressembler à celle de Vif, et l'homme ne put s'empêcher de sourire. L'hameçon semblait avoir pris...

Le guerrier d'élite comprenant le ouistrain, le dialogue fut un peu plus facile avec l'ensemble des aventuriers déguisés. Les Sagaths, fanatiques convaincus de suivre les préceptes de leur divinité maléfique, avalèrent sans mal l'idée d'avoir l'aide de fabuleux guerriers qui venaient leur prêter main-forte à point nommé. Les cris de joie commencèrent à fuser de toutes parts : les têtes rapportées étaient la preuve de la défaite de leurs ennemis, et avec des alliés tels que les cinq étrangers qui venaient d'arriver, les nordiques n'avaient qu'à bien se tenir ! Bientôt ils allaient sentir sur eux toute la force de leur dieu et ils seraient balayés. Le convoi pourrait arriver à son terme, les Sagaths tout auréolés de gloire, prêts à pourfendre les nouveaux ennemis qu'on leur avait promis...

Il restait encore à faire partir le plus de monde se faire tuer au loin. Taurgil fit mine de s'énerver de la lenteur des Sagaths encore présents ou du respect d'ordres qui n'avaient plus lieu d'être. Avec agressivité, il commanda au chef de rassembler sur-le-champ tous les hommes capables de monter en selle et de partir immédiatement au combat. Il allait lui-même mener l'attaque contre l'armée nordique qui serait balayée avant la fin de la matinée. Avec enthousiasme, le guerrier d'élite donna de nouveaux ordres et presque tous les Sagaths restants suivirent avec ardeur le Dúnadan déguisé, en particulier les jeunes : ils allaient enfin participer à une vraie bataille et pouvoir prouver leur valeur guerrière, et aux côtés d'un envoyé du "Noir" par-dessus le marché ! Comment ne pas être fou de joie et vouloir rester en arrière ?

7 - Remise en état et nettoyage
De fait, très peu de Sagaths restèrent en arrière. Certains ne partirent pas car ils manquaient de force, et d'autres tout simplement... parce que Geralt leur avait ordonné ! Le grand flemmard avait en effet fait comprendre, parfois en fornen, qu'il fallait remettre les chariots en état de marche au plus vite. Pour les Sagaths, il s'agissait de pouvoir repartir bientôt, une fois l'armée nordique balayée ; pour les aventuriers, il s'agissait plutôt de désamorcer le piège dans lequel se trouvaient les chevaux et faire en sorte d'occuper les ennemis le plus possible. Ils seraient alors d'autant plus faciles à mettre hors d'état de nuire.

Taurgil partit donc avec plus des neuf dixièmes des Sagaths restants, tandis que ses amis restaient tous derrière pour harasser les derniers et les épuiser à la tâche. Il en restait peut-être une cinquantaine, dont quelques guetteurs, et ce n'étaient pas les mieux en point. Les jeunes furent vite rudoyés - comme ils s'attendaient sans doute à l'être venant de guerriers si supérieurs à eux - et ils commencèrent à évacuer les affaires et les premiers chariots. Mais à une certaine distance, Vif s'approcha avec Rob des quelques guetteurs encore présents à l'endroit où les sables mouvants étaient apparus, la nuit. Avant de la quitter, Drilun avait pris soin de lui donner magiquement l'apparence d'un grand cerf, mais elle n'en était pas moins difficile à repérer pour autant. Une sentinelle se dressait sur chaque éperon rocheux qui bordait la zone étroite dont le sol était redevenu solide, tandis que trois autres patrouillaient cette même zone, en bas.

La lionne magique fit comprendre au petit archer ce qu'elle attendait de lui, et il prépara son arc, visant soigneusement. Discrète et aidée par la pluie toujours battante, la féline Femme des Bois s'approcha sans se faire voir du guetteur en haut des rochers où elle se trouvait. Sans même utiliser ses griffes, elle projeta l'homme déjà blessé d'un puissant coup de patte sur des rochers plus bas, simulant une chute accidentelle quoique bien brutale. Sur l'éperon rocheux qui leur faisait face, l'autre guetteur vit une flèche s'enfoncer dans sa poitrine et il tomba à terre. Puis la lionne descendit à la rencontre des trois guetteurs au sol qui s'approchaient du Sagath qu'elle venait de faire tomber. Il y eut bientôt trois morts de plus, même s'ils eurent le temps de prévenir leurs congénères de cette attaque surprise...

Blessés et fatigués, les Sagaths restants furent néanmoins poussés par les serviteurs du "Noir" récemment arrivés à prendre les armes et à aller affronter ce grand cerf qui était manifestement un allié des elfes. Même s'il avait l'air redoutable et si ses coups de sabots faisaient anormalement gicler le sang, il ne serait sans doute pas dur de l'abattre avec l'aide des nouveaux venus. Vif eut donc l'occasion, avec l'aide des flèches discrètes du hobbit, de faire tomber encore une trentaine de ces pitoyables guerriers. Puis elle fit mine de s'enfuir devant le courroux des Mordin, Geralt, Drilun et Isilmë déguisés, qui crièrent bientôt victoire. Puis ils retournèrent auprès des quelques Sagaths qui ne s'étaient pas interrompus de travailler ou de surveiller les environs pour combattre.

Que dire de plus ? Qu'auraient pu faire une quinzaine de Sagaths jeunes et/ou blessés, fatigués, face à une demi-douzaine de redoutables aventuriers expérimentés bardés d'équipements enchantés et de puissante magie ? Les premiers furent mis en pièces avant de comprendre ce qui se passait, et ceux qui restèrent, sans saisir très bien pourquoi, surent très vite que leurs instants étaient comptés. Rapidement, les six amis se retrouvèrent pour se féliciter et savourer leur victoire : la totalité du convoi était entre leurs mains : le contenu d'environ deux cents chariots et autour de deux ou trois mille chevaux leur appartenaient. Du moins, une partie leur appartiendrait certainement après avoir vu avec les nordiques la répartition du butin...

8 - Assaut sur les nordiques
Pendant ce temps-là, plus loin, Taurgil chevauchait sur le chemin qui menait au col où l'armée nordique était installée, comme le nouveau seigneur de guerre qu'il était devenu. Son charisme et sa présence motivaient les Sagaths qui l'accompagnaient, et ils eurent bientôt rejoint le gros de leur armée partie combattre les nordiques. La première barrière végétale, semée à l'initiative du Dúnadan lui-même, avait mis du temps pour être percée, fautes des outils appropriés, et elle avait aussi limité le flux des cavaliers. Ces derniers avaient ensuite été bloqués par la seconde barrière de ronces magiques semée par le hobbit et la lionne, et ils venaient à peine de la percer. Une bonne partie des Sagaths n'avaient pas encore fini de la franchir. L'assaut n'avait pas vraiment débuté, même si des archers elfes et nordiques avaient déjà prélevé leur écot.

Grâce au guerrier d'élite auprès de qui il chevauchait, le faux envoyé du "Noir" vit s'écarter les rangs des cavaliers sagaths pour lui permettre d'accéder aux commandants, groupe de guerriers d'élite vêtus de mailles et portant des armes de qualité. L'un d'eux, un guerrier plus grand et imposant que les autres, semblait diriger le groupe et à travers lui toute l'armée. Taurgil lui fut bientôt présenté et la mort des ennemis des Sagaths, dont la tête avait été tranchée, fut rapportée. Là encore, l'apparence et le charisme du grand rôdeur, ainsi que le fanatisme de ses interlocuteurs, permirent de faire avaler le morceau qu'il présenta à nouveau : il était venu les aider à balayer leurs ennemis elfes et nordiques. Avec lui à leurs côtés, ils allaient tous monter en première ligne et enfoncer le front de l'armée ennemie. Cette dernière serait alors submergée sous le nombre et ne ferait pas un pli.

Son discours de commandement toucha la fibre guerrière des Sagaths qui répondirent avec enthousiasme, et il se retrouva à galoper en première ligne au milieu des autres Sagaths d'élite, à côté de leur chef. Il avait si bien "chauffé" les orientaux qu'il les sentait motivés comme jamais, et s'ils arrivaient aux nordiques dans cet état-là, les Éothraim risquaient bien d'être facilement enfoncés, malgré les flèches des elfes et les fortifications établies près du col. Lorsqu'ils arrivèrent à portée des archers elfes, le déluge de traits mortels fit un massacre dans l'élite de l'armée sagath mais cela ne les ralentit pas le moins du monde. Curieusement, aucune flèche ne le visa, mais le Dúnadan savait que son amie féline était bien capable d'avoir contourné l'armée et prévenu ses vrais alliés...

Il fallait néanmoins briser l'élan des Sagaths avant d'arriver au contact, à présent imminent. Il prit son épée et la plongea dans la tête du cheval du chef, qui chuta instantanément. Le moment de confusion qui s'ensuivit fut de courte durée et les guerriers d'élite comprirent vite que le prétendu serviteur du "Noir" était un imposteur et un ennemi qui les combattait à présent ouvertement. Si Taurgil ne craignait pas trop les attaques adverses grâce à sa magie, ce n'était pas le cas de son cheval qui fut bientôt abattu. Une fois à terre, il fut malmené par les sabots des cavaliers, d'autant qu'il n'avait plus son haubert de mailles de mithril pour le protéger. La charge avait été en partie bloquée, mais il risquait à présent d'être piétiné à mort...

Heureusement, comme il s'y attendait, un nouveau venu perturba encore un peu plus la charge ennemie en attirant l'attention sur lui : un très grand cerf venait d'apparaître sur le chemin. Ce n'était pas un cerf très ordinaire car il rugissait avec la voix d'une lionne et affolait les chevaux proches, et le Dúnadan n'eut pas de mal à reconnaître son amie sous la magie de Drilun. Massacrant hommes et bêtes, elle arriva jusqu'à son compagnon à terre qui put monter sur son dos. Puis ils s'enfuirent de l'armée sagath momentanément immobilisée, d'autant que son chef avait été abattu avec un grand nombre d'autres guerriers d'élite. Ils franchirent sans mal le front de l'armée nordique, où ils furent accueillis avec des cris de joie. Puis les nordiques se tournèrent vers les cavaliers orientaux.

Profitant de la confusion des Sagaths et préparés à cette éventualité depuis l'arrivée de Vif peu auparavant, les nordiques chargèrent leurs ennemis orientaux confus voire démoralisés. Avec l'aide de Taurgil, qui avait récupéré un cheval, et de la lionne enchantée, l'armée sagath fut battue à plate couture et ses cavaliers renversés hors du chemin, poussés dans les rochers sur lesquels hommes et bêtes se blessèrent et ne furent plus une menace. Les Sagaths, en général trop fiers pour se rendre ou fuir, furent presque tous massacrés, et la lionne fit en sorte que de nombreux fuyards fassent la joie - voire l'indigestion - des charognards. En milieu de journée, la victoire avait été totale et les pertes très minimes. C'était le jour du solstice d'été, un jour de fête pour de nombreuses peuplades. Si les Sagaths survivants n'avaient pas le cœur à la fête, en revanche les nordiques l'avaient largement assez pour eux : avec cette écrasante victoire, ils venaient probablement de garantir la paix pour eux et les leurs pour de nombreuses années.

9 - Butin et magie
Lorsque des cavaliers nordiques arrivèrent au convoi de chariots conquis par les aventuriers, ils ne purent que louer l'ingéniosité de ces derniers. Ce dont lesdits aventuriers se fichaient pas mal pour le moment, tellement ils étaient occupés à fouiller les marchandises du convoi en quête d'objets magiques ou exceptionnels. A l'aide de la magie divinatoire du Dunéen, ils avaient pu déterminer que quelque chose de cette nature était présent dans au moins l'un des deux cents chariots du convoi. En fait ils recherchaient tout particulièrement deux sortes d'objets : les carreaux d'arbalète magiques utilisés par l'assassin de Dol Guldur, et des fers à cheval probablement enchantés utilisés par le dernier sorcier abattu. En effet, par le passé, Vif avait constaté que le cheval qu'il montait allait particulièrement vite, ou tenait une allure rapide particulièrement longtemps, et que ses traces étaient anormalement légères...

Drilun fut obligé d'interroger de nombreuses fois sa magie pour arriver à déterminer dans quel chariot se trouvaient les artefacts enchantés qu'ils cherchaient. Puis il avait fallu fouiller les nombreux articles de cuir, dont des selles et sacoches, jusqu'à mettre la main sur une série de onze carreaux d'arbalète en tout point similaires aux deux qu'ils possédaient déjà : ils avaient enfin trouvé les traits magiques recherchés. De la même manière, l'archer-magicien put déterminer que le cheval équipé des fers magiques était mort au combat. Après de nombreuses tentatives, ils finirent enfin par mettre la main dessus, ou plutôt la patte (et la mâchoire) de Vif, en l’occurrence. D'une certaine manière, ils étaient comblés.

Comblés, vraiment ? Pas tout à fait, car ils pensaient à une carcasse de dragon qui attirerait certainement du monde avant peu, et dont ils pouvaient tirer de fabuleux ingrédients pour en faire, entre autres, des armes et armures magiques. Certains d'entre eux se relayèrent donc nuit et jour pour découper et retirer certaines parties du corps de Haurnfile : cuir tout d'abord, mais aussi cornes, griffes, dents... Le groupe s'était approprié un chariot pour entreposer leur encombrant et dangereux butin. Il l'était d'autant plus que le sang de dragon, très corrosif, pouvait encore blesser ou tuer, et seules des armes exceptionnelles - magiques - pouvaient supporter sans mal un contact prolongé avec de telles substances... Ils firent aussi des essais un peu malheureux comme avec le bâton magique de lumière qui avait tendance à faire éclater les os et tissus, au risque de recevoir quelques projections...

Après plus d'une journée et deux nuits sur place, l'armée nordique avait déjà commencé à prendre le chemin du retour que les aventuriers traînaient encore en arrière. Les blessés les plus graves voyageaient en chariot, confortablement installés au milieu des tissus et cuirs transportés par le convoi. Les chevaux étaient bien encadrés et feraient l'objet de transactions ultérieures pour déterminer la part à attribuer à chacun en fonction de ses besoins et d'accords antérieurs. Le contenu des chariots avait été inventorié et comprenait de nombreuses provisions et beaucoup de matières premières, certaines de qualité, essentiellement tournées vers les artisanats et la guerre. Peu de choses précieuses avaient été découvertes, à l'exception de quelques bijoux et d'un peu d'or.

Un moment, le groupe - et en particulier Mordin - avait caressé l'idée voire bruyamment manifesté l'envie d'aller récolter le trésor des deux dragons abattus. Mais certains, dont Taurgil, avaient douché l'enthousiasme de leurs compagnons et en particulier celui du nain : ils n'avaient pas le temps de s'en occuper, sans parler de s'exposer à Eru savait quelles nouvelles complications. Leur priorité était à présent les chevaux et le retour vers l'Arthedain, et les nordiques ne les attendraient pas s'ils traînaient en arrière. Et ils avaient besoin d'eux, car à sept ils se voyaient mal ramener un millier de chevaux voire plus. Sans compter qu'ils revenaient aussi avec un chariot plein de cuir et autres parties de dragon qui pouvaient exciter la convoitise et qui risquait de les ralentir...

Ils suivirent donc les nordiques vers le sud, sans aller chercher les antres des dragons des Montagnes Grises, mais en se rappelant de se rendre utiles avec des soins aux blessés. Les talents de négociateur de Mordin allaient bientôt servir car au-delà des accords passés, chacun voyait à sa porte ses propres efforts accomplis et ses besoins. Certes, l'action des aventuriers avait été déterminante dans la résolution du conflit et la suppression de la menace sagath dans la région. Mais seuls ils n'auraient pas pu faire grand-chose, et de nombreuses familles nordiques avaient à présent à déplorer la perte d'êtres chers ou le retour de blessés voire d'infirmes parmi eux. Chacun avait donc à cœur de trouver une juste compensation pour ses efforts, et le mal des dragons n'était pas loin : à trop avoir on avait parfois du mal à partager...
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Niemal
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Horselords - 52e partie : détours

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1 - Carcasse visitée
L'allure de l'armée était ralentie par les chariots, bien moins rapides que les cavaliers nordiques, sans parler des milliers de chevaux non domestiqués à ramener et faire manger ou boire. Si la prairie ne manquait pas pour les sustenter, les points d'eau capables d'abreuver autant de bêtes n'étaient pas monnaie courante. Et il valait mieux prévenir à l'avance les nordiques urbains et fermiers chez qui l'armée allait passer, sauf à risquer des problèmes diplomatiques. Et prévenir ne serait sans doute pas suffisant, car l'eau et l'herbe n'étaient pas forcément gratuits sur les terres nordiques les plus densément peuplées. Les aventuriers laissèrent volontiers cette tâche à Atagavia et consorts, tandis qu'ils se concentraient sur d'autres tâches.

L'une d'elles était les blessés : Taurgil et Isilmë continuèrent à officier de manière à favoriser leur guérison grâce à leurs soins, éventuellement - et même souvent - magiques. Ce qui était aussi une manière d'améliorer le bilan de cette expédition guerrière et de pouvoir obtenir davantage de chevaux à ramener en Arthedain en fin de compte. Mais quelques ambassadeurs de ce lointain pays choisirent également de prendre une autre route qui les ferait passer un peu plus à l'est de celle qui menait vers Dale. En effet, une autre carcasse de dragon, celle de Bairanax, devait toujours être là où le monstre était mort, et certains espéraient en ramener quelques parties voire remplir un deuxième chariot avec des morceaux de la dépouille.

Les quelques aventuriers, menés par la lionne enchantée, retrouvèrent assez facilement le cadavre du monstre. Des traces manifestes indiquaient que quelqu'un était déjà passé avant eux et qu'il avait prélevé quelques morceaux choisis comme des griffes ou dents, quelques cornes ou morceaux, voire les yeux. Et sans doute un certain nombre d'écailles voire de peau. Quelqu'un dont la monture était assez lourde et qui pouvait passer par les airs. Autrement dit, un serviteur du Nécromancien était venu peu auparavant sur une monstrueuse créature ailée faisant office de monture, comme celles qu'ils avaient déjà vues par le passé. Les traces étaient assez récentes, à un jour près ils auraient peut-être pu rencontrer le cavalier amateur de dépouille de dragon...

Geralt, maître dans l'art de trancher toutes sortes de choses vivantes ou mortes, fut bientôt chargé de découper des morceaux de dragon. Malheureusement il n'avait plus son cimeterre ténébreux dont la magie le protégeait sans doute de l'acidité des chairs et du sang de dragon. Il put récupérer certaines parties mais la dague de qualité qu'il utilisait se rompit au bout d'un moment, le métal ayant été trop corrodé par les chairs draconiques trop acides. Une préalable discussion avec les elfes qui étaient restés avec l'armée n'avait pas permis d'identifier des parties plus précieuses que d'autres, sans doute parce que les elfes ne possédaient pas une telle information. A leurs yeux, dents, griffes et os pouvaient servir pour des armes, le cuir avait de l'usage comme armure, et le reste pouvait servir d'ingrédients dans divers rituels magiques probablement.

Les aventuriers partis à l'est revinrent vers l'armée nordique après une journée, avec un butin plutôt réduit. L'armée avait peu progressé et il faudrait certainement encore plusieurs jours avant d'arriver à Dale, sans parler des tractations et pourparlers qu'il faudrait pour traverser la région. Par la suite les nordiques prendraient par l'est puis le sud, par là même d'où ils étaient venus. Ils repasseraient donc par les terres des nordiques fermiers, les Gramuz, à qui ils devaient faire preuve de générosité pour l'aide auparavant obtenue. Sans parler de négocier pour un nouveau passage de l'armée renforcée par de nombreux chevaux, et sans oublier les chariots. Il restait donc du temps pour envisager une autre expédition pour des aventuriers rapides et décidés à nettoyer la région de tous les serviteurs du Nécromancien qu'ils pourraient trouver... et à récupérer leurs précieuses possessions éventuellement.

2 - Elfe à sauver
Lors de leur passage par Dol Guldur, les sept héros avaient notamment recueilli divers papiers concernant un groupe secret au sein des Monts de Fer, le Culte de la Longue Nuit. Cette cabale d'une dizaine de puissants sorciers avait de nombreux liens avec le Nécromancien. Ses membres, qui se nommaient les "Seigneurs Transperçants" (Maeghirrim), étaient en grande partie responsables de l'agressivité des Sagaths envers les autres peuples libres. Sous couvert de cultes religieux vantant l'état d'esprit guerrier et nomade de ces orientaux, ils en avaient fait, pour une bonne part, des fanatiques faciles à influencer et à contrôler...

L'un de ces sorciers, pour une obscure raison, avait fait l'acquisition d'une elfe du royaume de Thranduil capturée par une bande d'humains. La disparition de cette elfe avait été confirmée par ses compatriotes lorsque des aventuriers avaient pu échanger avec eux. Ceux qui étaient venus prêter main-forte aux nordiques purent apporter ou rappeler quelques précisions : l'elfe enlevée s'appelait Narmirë et elle était la fille du chef des gardes de Celebannon, un village des elfes des bois qui contrôlait le trafic des tonneaux avec les humains. Pour autant, les elfes présents n'étaient pas forcément disposés à aller rechercher Narmirë sur un terrain qu'ils ne connaissaient pas et face à des adversaires inconnus mais a priori redoutables.

L'armée nordique était lente et n'avait pas besoin d'eux. Les aventuriers, grâce aux papiers qu'ils avaient rassemblés et qui étaient transportés par les hommes de Rult, étaient en mesure de trouver le repaire du Culte de la Longue Nuit dans une sinistre vallée du nom de Nan Morsereg, la "Vallée du Sang Noir". Les papiers en question furent récupérés et étudiés, et tous les éléments nécessaires au voyage purent être réunis. A l'aide des indications précises pour arriver jusqu'au lieu de culte secret, les aventuriers se faisaient fort de débarrasser les Monts de Fer de cette pustule maléfique que représentait le culte, et sauver par la même occasion une elfe sylvestre si elle était encore en vie. Ce qui semblait bien être le cas d'après un sort de divination lancé par Drilun.

Les aventuriers partirent donc tous dès le lendemain, sauf Isilmë qui fit le choix de rester avec l'armée pour continuer inlassablement à soigner et aider les blessés à guérir à l'aide de sa magie. Les chevaux galopèrent toute la journée et amenèrent le groupe au nord des Monts de Fer, non loin d'une forteresse des Sagaths qu'ils avaient déjà vue de loin. Ils ne rencontrèrent aucun ennemi cette fois-ci, et ils commencèrent à s'enfoncer dans les montagnes basses qui hébergeaient le Culte de la Longue Nuit, sans parler d'orcs mais aussi des nains des Monts de Fer d'où provenait Mordin. La nuit finit par tomber et le groupe choisit de faire halte et de monter un camp, d'autant qu'il pleuvait. Mais l'abri monté par Rob les protégea correctement de l'humidité. Confiants dans les capacités de la féline Femme des Bois, les aventuriers ne montèrent pas de garde pour la nuit. Drilun était magiquement endormi pour lui procurer un profond sommeil récupérateur, dont il avait bien besoin pour toute la magie qu'il avait faite.

Inévitablement, Vif fut réveillée par l'arrivée d'une trentaine d'orcs qui avaient manifestement repéré ses amis et elle et comptaient bien leur tomber dessus par surprise. Jugeant la menace bien trop faible pour réveiller ses compagnons, elle approcha discrètement le groupe armé et commença à en faire de la chair à pâtée. Mais, gardant un œil sur ses amis, elle avisa une silhouette furtive qui s'approchait de ses compagnons et qui avait échappé à ses perceptions initiales. Un puissant rugissement permit de réveiller les autres aventuriers à distance - Drilun excepté - et d'empêcher la mort rapide du nain. Il fut tout de même blessé par l'attaque du rôdeur noir qui s'approchait de lui, mais l'homme n'eut pas le temps de porter un second coup que Geralt le fit passer de vie à trépas...

3 - Nahald Kûdan
Le nain fut en partie guéri par du baume cicatrisant et le reste de la nuit se déroula sans autre incident. Le lendemain, le chemin fut repris et suivi au mieux des indications données dans les papiers trouvés à Dol Guldur. Par ailleurs, quelques discrets signes de passage témoignèrent d'une présence humaine régulière. Enfin, après plusieurs heures passées à négocier des chemins tortueux dans un environnement escarpé et dangereux pour les montures, les six aventuriers parvinrent en vue de leur objectif : Nahald Kûdan, ou "Trous Secrets" dans la langue nordique couramment employée dans le Rhovanion, fut repéré par les sens exercés de Vif et Geralt alors qu'ils en étaient encore éloignés.

Le groupe resta à bonne distance, sous le couvert des arbres d'un petit bois, afin de ne pas être repéré. De plus, il était plus facile d'inspecter le repaire du Culte de la Longue Nuit à distance car il était en hauteur, sur un escarpement rocheux à flanc de falaise. La longue-vue du maître-assassin fut bien employée et ramena de nombreux détails, même s'il n'était pas possible de distinguer trop de choses depuis une position inférieure. Il fut néanmoins aisé de distinguer le petit et étroit chemin d'accès qui menait de la base de la falaise au repaire en altitude, à au moins une portée de flèche de hauteur. Dénué de tout couvert, passant sous l'œil vigilant de quelques guetteurs placés au-dessus, il rendait toute approche discrète concrètement impossible. Et l'étroitesse du chemin, guère praticable par plus gros qu'une mule, permettait de le défendre facilement.

Un sort de divination de l'archer-magicien dunéen, plus tard, précisa qu'il n'y avait pas d'autre chemin d'accès. Hormis les êtres pouvant accéder à la voie des airs, seul un excellent grimpeur pouvait envisager d'arriver là-haut autrement que par l'étroit sentier dénudé. Et il aurait facilement été repéré par les guetteurs, même de nuit. Sauf à prendre une voie d'escalade encore plus longue et difficile. Un oiseau appelé par Taurgil confirma que l'elfe qu'ils recherchaient avait bien été vue là-haut, et de nouveaux sorts de Drilun certifièrent qu'elle était toujours là et encore vivante. Mais où, et comment la rejoindre, voilà des questions qui ne trouvaient pas encore de réponse.

D'autres détails attirèrent l'attention : le repaire du Culte était en fait divisé en deux parties. Le chemin permettait d'arriver à un premier escarpement relativement étroit occupé en partie par trois constructions, en forme de dôme de pierre, qui devaient servir d'habitation. Un petit chemin montait depuis ce premier palier jusqu'à un deuxième escarpement plus large et occupé par davantage d'habitations en forme de dôme, dont deux structures plus grandes que les autres, qui semblaient s'appuyer sur le flanc de la montagne derrière elles. L'ouïe incroyablement fine de la lionne arrivait à distinguer quelques bruits de vie courante, dont des poules, et la longue-vue de Geralt avait permis d'identifier une dizaine de guetteurs répartis en deux endroits, à deux hauteurs. Mais vu la taille du lieu et la douzaine de dômes de pierre présents, il pouvait y avoir beaucoup de monde.

Tandis que certains réfléchissaient à la meilleure manière d'atteindre leur objectif, d'autres profitèrent de leur inactivité forcée pour profiter du milieu naturel, comme la recherche d'athelas pour le Dúnadan, ou pour se reposer. Il y avait sans doute encore des sorciers dans le repaire des Maeghirrim, il fallait donc être prudent et ne pas trop claironner leur présence avec de la magie, même si les gens là-haut s'attendaient sans doute un peu à leur arrivée. D'un autre côté, comment emprunter le chemin sans subir un déluge de flèches ou de cailloux lancés par les gardes ? Et vu l'étroitesse et la hauteur du sentier, une chute serait fatale pour n'importe lequel d'entre eux.

4 - Approche multiple
L'approche discrète par un bon grimpeur, de nuit, était difficilement envisageable... sauf peut-être pour le hobbit. Il était assez bon en escalade pour tenter une telle ascension, et il s'était beaucoup endurci ces derniers mois, si bien que la longueur du trajet n'était pas un problème. Sa petite taille lui donnait également un avantage certain pour ne pas être repéré. Une fois là-haut, il était assez discret pour passer inaperçu et assez passe-partout et perceptif pour trouver l'endroit où l'elfe était tenue en captivité, sans trop se mettre en danger. D'autant que ses perceptions pour d'éventuels sortilèges étaient les plus affûtées du groupe. C'était donc un excellent éclaireur et il fut convenu qu'il tenterait l'ascension au milieu de la nuit, qui s'annonçait couverte. Il serait aidé par du trèfle de lune pour bien voir dans l'obscurité, tandis que les gardes seraient gênés par le manque de lumière.

Mais Rob ne pourrait sans doute pas libérer l'elfe seul, tout au plus pouvait-il préparer la venue de ses amis. Mais lesquels, et comment les faire arriver là-haut sans encombre ? La solution était assez simple pour Vif : il leur restait encore un peu de caméléon de nuit, ce champignon qui donnait de remarquables pouvoirs de camouflage au corps nu... dans l'obscurité seulement. Comme elle n'avait aucun besoin de matériel sur elle, elle avalerait ce champignon et pourrait ainsi passer à la barbe des guetteurs, au plus profond de la nuit, sans se faire repérer. Et elle était assez discrète pour ne pas faire de bruit qui pourrait éveiller leurs soupçons. Une fois là-haut, elle était capable de résister à une petite armée, mais aussi de rester discrète et de trouver l'elfe ou le hobbit grâce à ses sens félins incomparables.

Taurgil fut également partant pour accompagner la lionne. Grâce à la magie de la nature apprise par les elfes, il pouvait non seulement appeler des animaux et converser avec eux, ou prévoir le temps à venir, mais également être particulièrement difficile à percevoir. Il ne porterait pas son haubert de mailles de mithril afin d'être plus discret et de ne pas fatiguer plus son amie, qui le transporterait sur son dos. Et surtout, le cuir qu'il portait sous ses mailles, pris à un sorcier rencontré dans le Rhovanion, était sombre et rendait son porteur très difficile à percevoir dans l'obscurité. Il faudrait bien cela car il savait que la magie qu'il allait utiliser s'affaiblissait à proximité des constructions, hormis celles en parfaite harmonie avec la nature. Il y avait donc un risque d'être découvert lorsqu'ils passeraient au plus près des gardes...

Geralt serait aussi de la partie, même si sa décision fut prise au dernier moment. D'une part il était l'un des plus discrets du groupe, d'autre part il serait aidé par Drilun à l'aide d'un sort permettant d'accentuer l'obscurité autour de lui. Il ne serait donc rien de plus qu'une ombre dans l'obscurité aux yeux des guetteurs. Et, bien entendu, ses compétences de combattant et ses perceptions le rendaient presque indispensable. Ce qui ne garantissait pas non plus qu'il parviendrait à passer l'œil attentif des gardes, mais il restait confiant. Et puis il s'était bien reposé, et il avait hâte de revenir auprès des nordiques et de retrouver un bon lit.

Resterait Mordin et Drilun, jugés peu discrets en comparaison de leurs amis. Ils se tiendraient non loin de la falaise - les chevaux seraient laissés à eux-mêmes dans le petit bois où ils avaient monté le camp - et se tiendraient prêts à intervenir en cas de besoin. Le Dunéen s'était déjà rendu bien utile avec sa magie, et peut-être cette dernière servirait-elle encore une fois les ennemis éliminés. Le nain, pour sa part, rongeait son frein à l'idée de n'être que la cinquième roue du char, même si ses idées étaient loin d'être les dernières à servir. Il se consola en pensant qu'il ne lui faudrait pas beaucoup de temps pour avaler le sentier et venir épauler ses amis quand les choses commenceraient à chauffer.

5 - Escalade et bruit
Au cœur de la sombre nuit, les aventuriers laissèrent leurs montures en arrière et quittèrent le couvert des arbres où ils avaient trouvé refuge pour un temps. Profitant des nombreux rochers, ils arrivèrent à deux ou trois portées de flèche du début du sentier qui grimpait à flanc de falaise, sans manifestement alerter les gardes plus haut. Tous ceux qui en avaient besoin avaient pris du trèfle de lune pour devenir nyctalopes. Puis le petit voleur partit seul en direction de la falaise, après avoir soigneusement examiné les différentes voies possibles pour arriver tout en haut sans trop être exposé au regard des gardes.

Il arriva sans mal à la falaise qu'il commença à grimper avec son aisance habituelle. Il faisait lentement, tant pour s'économiser et assurer ses prises que pour rester discret. Pourtant, arrivé à environ un tiers de la hauteur, il ne put empêcher quelques cailloux de rouler et tomber, délogés par son passage. Le bruit attira immédiatement l'attention des guetteurs, qui étaient clairement sur leurs gardes. Plusieurs d'entre eux s'approchèrent de l'endroit où ils avaient entendu le bruit, tout en allumant quelques torches pour essayer de mieux repérer quelque chose à flanc de falaise. Le hobbit s'immobilisa, espérant que son cuir sombre et sa petite taille seraient suffisants pour le masquer. Après un moment à tenter de distinguer quoi que ce fût, les gardes conclurent à une fausse alerte et revinrent à leur première position.

Rob reprit son ascension, mais la même mésaventure se produisit - pierres délogées qui attirent l'attention des guetteurs - aux deux tiers de son ascension. Cette fois-ci il était bien plus proche des gardes qui se rapprochaient, et ces derniers avaient décidé d'allumer une lanterne pour mieux éclairer la paroi rocheuse où ils avaient entendu du bruit. Vu sa situation extrêmement délicate, le hobbit chercha autour de lui jusqu'à distinguer un petit surplomb rocheux non éloigné sous lequel il pourrait s'abriter. Il quitta alors la voie qu'il avait déterminée pour arriver en haut, afin de se protéger des regards d'en haut sous ce petit abri. Là encore, les gardes en furent pour leurs frais, même s'ils cherchèrent avec insistance à découvrir l'origine du bruit.

Vif et Taurgil profitèrent de ces moments pour tenter l'escalade par le chemin, suivis peu après par Geralt à faible distance. Plusieurs gardes étaient occupés par la diversion créée - involontairement - par le hobbit, donc l'occasion semblait idéale pour tenter de passer inaperçu au nez et à la barbe des guetteurs qui restaient. La lionne et le rôdeur dúnadan, sur son dos, étaient comme invisibles dans l'obscurité, et même leurs amis auraient eu bien du mal à les distinguer à quelques pas de distance. Et peu après, le maître-assassin était comme une ombre dans la nuit, complètement silencieux et impossible à repérer sauf par les yeux les plus exercés. Et ainsi commencèrent-ils à monter sur l'étroit sentier en zigzags.

Pendant ce temps, Rob écoutait les gardes chercher puis s'éloigner après leur infructueuse inspection des parois de la falaise. Il put alors revenir - non sans peine - dans la voie d'escalade qu'il avait repérée et reprendre son ascension. Par la suite il n'y eut pas d'autre pierre délogée, pas d'autre bruit pour trahir sa présence. Peut-être une heure après le début de son ascension, il parvint enfin à l'escarpement supérieur qui servait de repaire aux Maeghirrim et à leurs serviteurs. Quelques guetteurs étaient postés non loin qui observaient le chemin et le bas de la falaise, mais aucun n'était conscient de sa présence. Il observa les lieux en se demandant où l'elfe qu'ils étaient venus délivrer pouvait bien se trouver.

6 - Piège magique
Geralt avançait doucement le long du sentier qui montait, sans faire aucun bruit ni geste brusque qui pourrait alerter les guetteurs de sa présence. Ses deux amis partis peu avant lui, Taurgil et Vif, étaient impossibles à distinguer dans l'obscurité grâce à la magie ou au champignon particulier que l'un et l'autre avaient utilisés. Il pensait donc les suivre à une certaine distance, quand il lui sembla distinguer un mouvement flou non loin devant lui, peu après avoir franchi le milieu du chemin en hauteur. Comme si quelque chose d'impossible à distinguer nettement était en train de frotter la surface du bord du chemin, sur lequel des signes et courbes bizarres se révélaient peu à peu à sa vue...

La lionne enchantée, qui était à l'origine du mouvement, avait entendu le maître-assassin approcher, sa respiration - quoique douce et maîtrisée - l'ayant trahi. Elle s'exprima tout doucement pour le prévenir, sans alerter les guetteurs plus haut. L'Eriadorien balafré comprit bientôt la raison de l'arrêt de ses amis : ils étaient arrivés à une portion du sentier entièrement couverte de signes cabalistiques manifestement magiques et qui n'auguraient rien de bon. Le sentier était ainsi recouvert sur près d'une dizaine de pas de ces inscriptions enchantées faites de substances diverses comprenant - entre autres - du sang dans leur composition. Inutile de dire que les aventuriers n'attendaient rien de bon à marcher sur ces runes magiques.

C'est pourquoi Vif avait choisi de commencer à les effacer à l'aide de ses pattes félines, tout en restant attentive à leurs émanations magiques. Tout effacer leur prendrait trop de temps, aussi avait-elle choisi de ne faire disparaître qu'une étroite bande en bordure du chemin, au bord de l'à-pic, de manière à pouvoir avancer dessus à la manière d'un funambule, avec le Dúnadan sur son dos. Les trois amis furent donc retardés un bon moment, la lionne avançant très lentement sur l'extrême bord du sentier tout en faisant disparaître les traces devant elle. Elle percevait toujours la magie du piège, certes atténuée mais encore prête à se déclencher. Derrière elle et son fardeau humain, Geralt suivait, habitué lui aussi à jouer aux équilibristes.

Alors qu'il ne restait qu'un ou deux pas à franchir avant d'atteindre une zone dépourvue des signes magiques, des bruits se firent entendre plus haut. Bruits de cor et cris humains indiquèrent aux trois amis, sans compter les deux restés plus bas, que le hobbit avait peut-être des problèmes ou qu'en tout cas il n'était pas resté parfaitement inaperçu. La lionne se ramassa alors et franchit le reste de l'obstacle magique d'un bond, puis poursuivit discrètement mais avec plus de hâte. Derrière elle, le maître-assassin en fit autant et lui non plus ne déclencha pas la magie probablement inscrite à leur attention vu son caractère récent. En tout cas, le bruit avait réveillé du monde. Avec de la chance, les guetteurs, semblait-il un peu moins nombreux à présent, seraient un peu distraits par ce qui se passait dans leur dos et vers lequel des hommes d'armes se dirigeaient bruyamment...

Plus bas, nain et Dunéen se concertèrent : que devaient-ils faire devant ce fameux remue-ménage, ces cris et les lumières allumées là-haut ? Pour le peu qu'ils arrivaient à distinguer, il y avait encore des guetteurs au bord de la falaise qui se feraient un plaisir de les apercevoir et de les flécher s'ils s'essayaient à monter. Drilun était donc peu partisan d'une action irréfléchie et hésitait sur la suite à donner, tandis que Mordin trépignait et tentait de convaincre son compagnon de faire quelque chose. Et puis il finit par ne plus y tenir et il se mit à courir vers le bas de la falaise et le départ de l'étroit sentier, bientôt rattrapé par l'archer-magicien.

7 - Fouille et indiscrétion
Pendant ce temps-là, alors que ses amis étaient bloqués par le piège magique sur le sentier, Rob avait commencé à faire le tour du propriétaire. Il avait ainsi distingué dix petits dômes de pierre et deux gros, avec des signes de vie autour de chacun d'eux. Mais à flanc de falaise, sur l'escarpement le plus haut, deux renfoncements rocheux laissaient place au départ de deux souterrains complètement invisibles depuis le plancher des vaches où ils avaient fait leurs premières observations. Il s'approcha de l'ouverture la plus au nord et la plus éloignée du sentier et des guetteurs qui le surveillaient.

Le renfoncement arriva bientôt à une solide porte en bois, verrouillée, qui bloquait l'accès à ce qu'il y avait derrière. Mais les sens du petit hobbit lui indiquaient qu'il y avait quelque chose ou quelqu'un de vivant non loin derrière, aussi ne se laissa-t-il pas arrêter par cet obstacle. Il y avait longtemps de cela il avait récupéré des outils de crochetage magiques qui, une fois par jour, pouvaient déverrouiller une serrure pas trop complexe par eux-mêmes. La magie ou l'utilisation des objets magiques n'étaient pas son fort, mais il arriva à prononcer correctement le mot de commande et la porte fut bientôt ouverte. Il entra alors dans une vaste pièce creusée dans la roche qui devait servir tout autant de lieu de stockage que d'atelier, et qui comportait quatre portes. Et de la lumière filtrait sous l'une d'elles.

Malgré le manque de lumière, et grâce au trèfle de lune, il arrivait à distinguer les objets qui encombraient la pièce et à se mouvoir sans faire de bruit. Son odorat lui apprit que les trois portes non éclairées devaient probablement amener à des ateliers divers tels que forge ou laboratoire d'apothicaire. Mais bien entendu, c'est la porte qui comportait un rai de lumière qui concentra toute son attention. Au bruit, une personne se trouvait derrière qui faisait parfois des allées et venues, comme un garde. Mais de manière très discrète, il lui sembla percevoir également comme la délicate respiration d'une autre personne un peu plus loin, peut-être endormie...

La porte en question devait s'ouvrir vers lui, mais elle ne comportait aucune serrure visible ni même quoi que ce fût pour la tirer ou la faire pivoter. Comme si seule la ou les personnes qui étaient derrière étaient capables de donner accès à l'espace qu'elle bloquait. Comment faire pour passer, alors ? Il avait déjà utilisé la magie de ses outils enchantés, la porte semblait solide - bois cerclé de métal - et d'un seul tenant, sans ouverture. Il n'arrivait pas non plus à regarder dessous. Il prépara alors son arc et une flèche et s'approcha de la porte. Puis il frappa le bois comme pour demander à passer et se recula, l'arc bandé, en espérant bien voir le passage s'ouvrir pour lui permettre de ficher une flèche entre les yeux du probable garde qui devait se trouver derrière.

Malheureusement, ledit garde devait avoir des consignes très claires et une voix s'éleva de derrière la porte, demandant quelque chose dans une langue nordique que le hobbit ne comprenait pas. Probablement un mot de passe, mais cela faisait de toute manière une belle jambe au petit voleur qui n'aurait pas su quoi répondre, sans parler d'être trahi par le son de sa voix. La voix de l'homme derrière la porte se répéta, plus insistante, à laquelle Rob ne répondit rien, se contentant d'attendre la suite des événements tout en se demandant comment franchir cette fichue porte. Enfin, l'homme se mit à sonner du cor et à crier pour attirer l'attention de ses collègues en dehors de la caverne. Le hobbit entendit bientôt des cris et de nombreux pas se rapprocher de la pièce troglodyte dans laquelle il se trouvait...

8 - Multiples fronts
Le petit voleur chercha rapidement autour de lui la cachette idéale, et il trouva bientôt quelque chose qui pouvait en tenir lieu : un coffret juste assez grand pour permettre à un petit hobbit tel que lui, et de surcroît assez souple et doué en contorsions, de se faufiler dedans. Personne n'imaginerait fouiller un pareil endroit, et cela lui avait déjà permis d'échapper à des poursuites par le passé, dans la Comté. Il ouvrit donc rapidement le coffret, qui n'était pas verrouillé, mais qui n'était pas vide non plus : il était en partie empli de flacons et fioles de verre, vides. Il n'avait pas le temps de vider ces objets et il essaya désespérément de partager la place avec eux en se faisant tout petit, mais il n'arrivait pas à fermer le couvercle sur lui et les pas se rapprochaient. Il brisa alors les flacons de verre sous son corps pour permettre de rentrer complètement et de refermer le couvercle du coffret sur lui.

De nombreux cris et échanges se firent alors entendre tandis que des guerriers nordiques, à leur voix, entraient dans la pièce et échangeaient avec le garde qui surveillait la porte fermée. Une fouille eut bientôt lieu, dedans comme dehors, mais personne effectivement ne pensa à ouvrir la cachette du hobbit et à le découvrir dans la fâcheuse posture dans laquelle il s'était fourré. Ou en tout cas les guerriers n'eurent pas le temps d'arriver jusqu'à lui, car de nouveaux cris se firent entendre à l'extérieur, bientôt doublés du bruit de cordes d'arc que l'on tire, puis de combat à l'épée et de cris de douleur. Les copains arrivaient, et la diversion qu'ils faisaient fit bientôt se vider la pièce où Rob était caché.

En effet, non loin de là, les choses se précipitaient. Vif était complètement invisible et pratiquement inaudible, même si ce n'était pas le cas de son compagnon juché sur son dos. Sa magie vacillait, atténuée par la proximité de constructions non naturelles, et il n'était guère camouflé que par son cuir spécial et l'obscurité. Néanmoins, par chance ou grâce à la diversion involontaire opérée par le hobbit, les deux amis arrivèrent à passer sous le regard des quelques guetteurs postés plus haut sans leur faire bouger le moindre cil. Ils arrivèrent alors à la partie basse du repaire des Maeghirrim.

Malheureusement pour Geralt, son passage ne se fit pas aussi facilement. Alors qu'il passait un lacet à la verticale de la position de trois guetteurs, l'un d'eux distingua l'ombre qu'il faisait dans la nuit et il donna l'alerte. Des cris fusèrent, bientôt suivis de flèches, et le maître-assassin courut et esquiva sur le sentier de manière à arriver au sommet sans ressembler à un porc-épic. Heureusement, il était assez haut désormais pour ne pas risquer de prendre un rocher sur le coin du crâne, et ses armures de qualité - cuir souple d'origine inconnu sous une armure de peau de dragon - le protégèrent d'une blessure sérieuse, même si elles ne purent empêcher quelques traits de lui piquer les reins par la suite.

Taurgil et Vif, toujours inaperçus, durent laisser passer un flux de guerriers en direction de leur ami, et ils ne purent prendre le deuxième sentier qui permettait d'atteindre la partie supérieure de l'escarpement. La lionne choisit alors de grimper un peu plus loin pour arriver au même endroit, discrètement, profitant de ce que l'attention des guerriers était occupée ailleurs. Parvenue tout en haut, le Dúnadan et elle se séparèrent pour fouiller les lieux et trouver hobbit et elfe à sauver, en espérant que l'Eriadorien aux cheveux blancs s'en sortirait bien tout seul. L'héritier des rois du Rhudaur choisit de diriger ses pas vers le sud de l'escarpement, d'autant qu'il distinguait des hommes en bordure de falaise qui lui tournaient le dos ; tandis que la féline Femme des Bois choisissait de concentrer son attention plus au nord, et en particulier près d'une caverne que quelques guerriers achevaient de quitter.

Plus bas, Mordin et Drilun progressaient rapidement mais tout de même discrètement, pour autant qu'il leur était possible. Après un moment, ils entendirent de nouveaux bruits plus proches qui correspondaient à la découverte de leur ami Geralt par les guetteurs. Alors qu'ils s'approchaient de la zone du piège magique, ils entendirent le maître-assassin crier quelques mots à leur égard concernant ledit piège. Nain et Dunéen ne comprirent pas tous ses propos, mais ils ralentirent l'allure, ayant saisi l'essentiel et s'attendant à quelque traîtrise sur le sentier. Ils finirent par identifier le problème et l'archer-magicien découvrit que les runes inscrites au sol, si elles étaient déclenchées, modifieraient la nature de la surface du sol... et il ne tenait pas trop à découvrir l'effet engendré. Mais comment passer ? Ni lui ni son plus petit mais large ami n'étaient capables de jouer les funambules comme les autres l'avaient fait auparavant pour franchir l'obstacle magique...

9 - Flèches, épées et porte
Le maître-assassin rencontra bientôt ses premiers épéistes, mais ces derniers découvrirent vite qu'ils étaient largement surclassés. Par la suite, la plupart des guerriers du Culte de la Longue Nuit préférèrent garder leurs distances et se contenter de tirer sur Geralt, qui sentit plusieurs pointes lui caresser les côtes, heureusement stoppées ou du moins freinées par ses armures. Il était tout de même en position délicate et essaya un moment de fuir par le sentier, pour revenir bientôt quand il s'aperçut qu'il offrait une cible encore plus facile, et de dos. Et par ailleurs, plus haut, un probable sorcier commençait à entamer un sortilège qui lui était manifestement destiné. Aussi préféra-t-il remonter, hors de vue du sorcier et d'une partie des archers plus haut, pour combattre avec ses armes. L'arbalète qu'il avait prise à l'assassin de Dol Guldur, et qui se rechargeait automatiquement, faisait merveille et les archers qui lui tiraient dessus se firent de moins en moins nombreux...

De son côté, le rôdeur dúnadan avait repéré également le sorcier au milieu de divers guerriers, sur le bord de la falaise. Il s'approcha discrètement pour tenter une attaque surprise, mais c'est le moment que choisit son ami balafré pour s'esquiver à la vue de ses agresseurs. Du coup, guerriers et sorcier se retournèrent pour aller jusqu'au sentier qui permettait de descendre à l'escarpement inférieur... et ils se retrouvèrent face à Taurgil qui était en pleine vue, sans rien pour se cacher. Il fut bientôt assailli de toutes parts et dut se mettre dos à un dôme de pierre pour limiter les attaques sur lui. Heureusement, sa magie de roi dúnadan le rendait difficile à toucher par ses adversaires qui étaient intimidés par son charisme enchanté.

Du coup, Mordin et Drilun eurent les coudées franches pour commencer à effacer les runes magiques qui les empêchaient de progresser sur le sentier étroit. Mais c'était un travail de longue haleine et ils se doutaient bien que tout serait fini avant qu'ils ne puissent passer. Mais que pouvaient-ils faire d'autre ? Rob, pendant ce temps, avait pu ressortir de son étroite cachette. Le verre brisé sous lui n'avait heureusement pu pénétrer l'armure de cuir souple mais très solide qu'il portait, il n'avait pas pris une égratignure. Entendant des bruits de combat dehors, et l'éternelle présence d'un garde derrière une porte toujours fermée, il s'estima libre de trouver un moyen d'abattre ce fichu obstacle qui, il en était presque sûr, l'amènerait à l'elfe qu'ils recherchaient.

Vif, de son côté, entra tranquillement dans la caverne occupée par le hobbit, sans que ce dernier ne la remarquât. En fait, elle le trouva dans la pièce attenante qui servait de laboratoire d'apothicaire, à chercher - et trouver - du combustible tel que des alcools. Il avait allumé une bougie pour faciliter sa recherche et il essaya bientôt de faire brûler la porte qu'il voulait passer, s'attirant une fois de plus l'attention du garde et ses coups de cor ou ses cris. La lionne enchantée évalua la situation : la porte était solide, elle s'ouvrait de son côté, mais une porte peut toujours s'enfoncer pourvu qu'on y mette la force nécessaire... Et la pièce était assez grande, suffisamment pour lui permettre de prendre son élan. Elle s'éloigna le plus possible, puis fonça en avant en l'espace de quelques bonds.

Les guerriers occupés à combattre rôdeur et assassin ne réagirent pas immédiatement aux appels de cor de leur collègue dans la caverne. Les quelques-uns qui s'en approchèrent enfin entendirent bientôt le bruit d'une solide porte qui vole en éclat sous le poids d'un félin enchanté de bonne taille. Le garde qui se tenait non loin derrière la porte fut tué sous le choc de la lionne qui le percuta violemment. Cette dernière était tout de même blessée par son effort, ayant écopé d'une probable fracture, mais elle se contenta de fouiller l'homme et d'essayer de prendre dans sa gueule l'anneau à son côté, auquel étaient attachées quelques clés qui devaient permettre d'ouvrir les probables cellules qu'elle distinguait dans la petite pièce où elle avait pénétré. Car elle était bien arrivée à une espèce de prison, et l'une des cellules était manifestement occupée par quelqu'un de drogué, endormi ou dans le coma, à la respiration très douce, comme elfique...

10 - Fin d'un culte
Dehors les choses se passaient plutôt bien pour les aventuriers. Malgré quelques blessures mineures, rôdeur et maître-assassin faisaient tomber adversaire après adversaire, sorcier compris. Du coup, les survivants se dirent que la partie étaient trop inégale et ils tentèrent de fuir par le sentier qui descendait de la falaise... pour se retrouver devant le piège magique et surtout le nain et l'archer-magicien. Les runes magiques ne semblèrent pas gêner les hommes, qui après s'être concertés énoncèrent un mot de passe qui neutralisa la magie. Ils s'avancèrent ensuite à la queue leu-leu pour attaquer Mordin, mais les flèches de Drilun leur firent comprendre qu'ils avaient peut-être mieux à faire plus haut... où ils retrouvèrent Geralt qui n'avait plus d'adversaire.

Ailleurs, le rôdeur dúnadan faisait aussi fuir les derniers guerriers sur lui, qui n'avaient d'autre choix que de passer Geralt ou essayer de se terrer quelque part pour éviter une mort qui les frappa bientôt. Dans la caverne, le hobbit prit les clés de la gueule de son amie, ses mains à lui étant plus adaptées à leur utilisation. De toute manière elle avait largement de quoi faire car des guerriers arrivaient dans la caverne. Malgré sa blessure, elle bloqua l'entrée de la prison dont elle avait fait voler la porte en éclats, et commença à faire de même avec ses agresseurs, de manière plus traditionnelle : ses griffes et ses crocs firent voler les chairs et le sang de ses ennemis, et bientôt il n'y eut plus aucun adversaire vivant à proximité.

Mordin et Drilun purent franchir le piège magique qui avait été désamorcé et atteindre enfin l'escarpement rocheux où commençait la demeure des Maeghirrim - ou ce qui restait de ces derniers, c'est-à-dire pas grand-chose. Ils purent aider le Dúnadan et l'Eriadorien à finir de nettoyer l'emplacement du Culte de la Longue Nuit de tous ses occupants. Une seule personne fut gardée en vie pour pouvoir l'interroger, et par la suite l'endroit fut fouillé sans révéler rien d'extraordinaire, même si une bibliothèque bien fournie et de nombreux papiers écrits dans la même langue que celle utilisée à Dol Guldur apporteraient peut-être des informations intéressantes.

Mais cela viendrait après, car un autre problème posait souci aux aventuriers : lorsqu'il était entré dans la petite prison, le hobbit avait vite senti que la cellule d'où provenait un faible bruit de respiration comportait de la magie. En cherchant bien il avait fini par trouver la clé qui permettrait d'ouvrir la porte de la cellule, mais lorsqu'il l'avait insérée il avait senti qu'un palier magique était franchi et qu'il risquait de déclencher quelque chose de peu agréable. Quelqu'un était venu, un puissant magicien, qui se doutait bien que les aventuriers ne se laisseraient pas intimider par les survivants du Culte. Et il avait laissé des choses à leur intention...

Des sorts permirent à Drilun, peu après, d'identifier la personne en question : un elfe aux cheveux argent, manifestement une personne importante de Dol Guldur qu'il avait déjà vue par divination. Un utilisateur de magie qui le surclassait très largement, ayant probablement eu des milliers d'années pour affiner son art. L'elfe en question n'était pas non plus dénué d'un certain humour : lors de la fouille des bâtiments et de l'autre caverne, les aventuriers découvrirent que les trésors du Culte avaient tous été subtilisés récemment par quelqu'un qui avait laissé des messages moqueurs ou menaçants derrière lui.

11 - Bombe magique
Lorsque les combats se terminèrent faute de combattants, l'archer-magicien put se porter au secours de Rob qui n'osait plus toucher à la clé qu'il avait laissée dans la serrure. Analysant finement le piège qui avait été préparé, il vit bientôt l'effet qu'aurait eu un geste inconsidéré : la cellule et son occupante, voire plus, auraient été englouties dans une explosion de feu dévastatrice. Peut-être même que la structure de la caverne en aurait été fragilisée, un éboulement meurtrier n'était pas à exclure... A l'aide d'autres sorts, il confirma que Narmirë reposait bien derrière la porte. Également, il semblait que la magie destructrice était déclenchée par la pénétration de quoi que ce fût dans le périmètre de la magie. En revanche, ce qui était dedans pouvait facilement en sortir.

Vif mit cette information en application en arrachant la porte de ses gonds à l'aide de ses griffes puissantes et de sa force de lionne. Derrière le seuil quelque peu massacré, une petite cellule contenait une paillasse sur laquelle reposait une belle elfe inconsciente, sur le dos, les pieds vers la porte mais à un bon pas de cette dernière. Des signes cabalistiques magiques parsemaient la pièce et se terminaient au ras de la porte, et précisément à sa serrure maintenant retirée. Inutile de dire que Narmirë, car il s'agissait bien de celle dont on leur avait fait la description, ne réagit aucunement à leurs appels.

Les runes enchantées avaient été en parties creusées dans le rocher de la pièce et en partie inscrites avec une poussière brillante. Le sort avait pris, selon Drilun, des heures de préparation à un grand magicien elfe, et il n'avait aucun espoir de pouvoir annuler cette magie très supérieure à ce qu'il pouvait faire. De même, ses cailloux divinatoires indiquèrent clairement que la larme de Yavanna n'aurait pas le temps d'annuler la magie si elle était lancée dans la pièce. La déflagration serait garantie. Il fallait trouver autre chose pour sortie l'elfe de là.

Diverses idées fusèrent, mais aucune ne donna satisfaction : hormis un fil très fin ou quelques gouttes d'eau, ou un peu d'air en déplacement, tout ce qui entrait dans la pièce signerait la fin de l'elfe prisonnière - voire de ceux qui se tiendraient trop près. Même à l'aide de la magie de l'archer-magicien, il était impossible de tirer l'elfe comateuse hors de la pièce à l'aide d'un quelconque subterfuge, comme en tirant magiquement sur la paillasse ou elle se trouvait, ou du moins certains de ses éléments. Réveiller l'elfe était également voué à l'échec, et le Dunéen détermina qu'elle resterait dans son état présent encore au moins une journée. Trop pour attendre là sans rien faire, d'autant que rien ne garantissait qu'elle se réveillerait un jour.

Après divinations diverses et propositions en tout genre, sans parler de l'interrogation du prisonnier (qui ne savait rien sauf que le sorcier abattu était le seul qui aurait pu aider), Drilun arriva tout de même à déterminer que la magie pouvait être désactivée par un mot de passe. Mot qui était en fait une phrase dans le parler de Dol Guldur. L'archer-magicien envisagea alors de trouver cette phrase à l'aide de nombreuses divinations portant sur les lettres qui composaient chaque mot de la phrase. Mais la tâche se révélerait vite épuisante pour lui et nécessiterait du repos entre les étapes de la découverte de la phrase-clé. Dans tous les cas, ils étaient coincés là pour un moment, sans parler des risques que quelque chose parte de travers, ou autre mauvaise surprise...
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Horselords - 53e partie : voyage et fin... provisoire

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1 - Nouveau piège
L'archer-magicien se mit tout de même à la tâche, nonobstant la fatigue que cela ne manquerait pas de lui causer et le temps qu'il s'apprêtait à y consacrer. Grâce à ses cailloux et à sa magie divinatoire, il progressait petit à petit, lettre par lettre, dans la découverte de la phrase qui permettrait de désactiver la magie qui retenait l'elfe prisonnière. Il essaya des techniques pour aller plus vite, comme de sauter une lettre sur deux. Mais la structure particulière du noir parler de Dol Guldur, la structure composée des verbes et le petit nombre de voyelles, ne facilitèrent pas la tâche. Malgré l'aide de Taurgil qui maîtrisait très bien la langue lui aussi, ils ne progressèrent que lentement.

Néanmoins, après plus d'une douzaine d'heures de dur labeur, le Dunéen vit sa dernière divination magique prendre un tour particulier. En plus de deviner la nature d'une nouvelle lettre, il comprit que la magie qu'il cherchait à annuler comportait un piège resté caché jusque-là. Lorsque le hobbit avait mis la clé dans la serrure, il avait enclenché un compte à rebours magique pour le déclenchement d'une nouvelle magie. Où se trouvait-elle et que faisait-elle ? De cela il n'avait pas la moindre idée, même s'il se doutait qu'à coup sûr cela signifierait l'explosion de flammes magiques dans la prison, la mort de l'elfe et peut-être l'éboulement des souterrains. Et le temps était compté, il n'avait pas le temps de trouver la fin de la phrase qu'il cherchait.

Un débat eut bientôt lieu entre les aventuriers : ils étaient en danger, il fallait abandonner l'elfe à son triste sort et sauver leur peau à eux. C'est en tout cas ce que pensaient certains, tandis que les autres ne voyaient pas quoi d'autre proposer. Rob, très sensible aux émanations magiques, prit tout de même le temps de faire le tour du repaire pour essayer de détecter de nouvelles émanations de magie active. Il finit par trouver assez vite, mais avec des efforts certains de sa part, que quelque chose se trouvait en fait au-dessus d'eux, du côté des sommets rocheux qui surplombaient les cavernes et escarpements rocheux où ils se trouvaient. Un endroit accessible uniquement par la voie des airs... ou en grimpant le long de la paroi rocheuse, comme seul un grimpeur très doué pouvait le faire. Quelqu'un comme lui...

Restaient tout de même deux problèmes : aurait-il le temps d'arriver là-haut avant que la magie ne s'active, d'une part ; et ensuite, que faire une fois là-haut, pour lui qui ne connaissait rien à la magie ? Il faudrait que Drilun puisse monter examiner la chose, pas lui. La fouille des lieux avait permis de découvrir, dans l'équipement assemblé par les Maeghirrim, de nombreux rouleaux de corde ainsi que du matériel d'escalade ou ce qui pouvait en tenir lieu. Autrement dit, le hobbit avait de quoi l'aider à monter et surtout assez de cordes et de pitons pour faire un chemin de cordes jusqu'au sommet. Ce qui permettrait peut-être d'arriver assez vite et surtout d'amener l'archer-magicien là-haut avec un effort et des compétences d'escalade bien inférieurs à ce dont le petit voleur allait devoir faire preuve. Se posait aussi le problème du poids de toutes ces cordes pour la frêle carrure du hobbit, qui allait être bien gêné. Heureusement, l'équipe avait aussi des cordes de bonne qualité et légères, et le complément apporté par les rouleaux pris sur place amena à une gêne supportable. L'ascension pourrait donc avoir lieu dans de bonnes conditions.

Et elle se déroula sans anicroche : Rob arriva en une vingtaine de minutes, en donnant le maximum de lui-même, à un endroit où une grande créature volante avait pu se poser. Un endroit un peu plat et couvert de runes magiques inscrites récemment par quelqu'un de doué... Drilun arriva à monter là-haut à l'aide des cordes, et il put vite déterminer la nature de la magie qui était sur le point de se déclencher : le sort inscrit dans la pierre allait faire trembler la montagne. Sans doute pas au point de faire des dégâts quelconques voire de créer une avalanche, comme ses amis et lui l'avaient craint un moment. Mais sans doute assez peut-être pour faire tomber quelques pierres dans les souterrains. Ce qui serait sans doute assez pour activer la magie destructrice de la prison et causer sa déflagration...

2 - Libération
Les runes n'étaient pas protégées d'une quelconque manière, néanmoins. Hobbit et Dunéen s'évertuèrent à les effacer ou les abîmer, et bientôt leur magie ne fut plus que souvenir. La montagne ne tremblerait plus, et Drilun avait à présent tout loisir de reprendre ses divinations sans craindre de voir le ciel lui tomber sur la tête. Restait tout de même d'abord à descendre, archer-magicien en premier, tandis que le petit voleur récupérait les cordes à sa suite. Ils n'étaient qu'un peu fatigués par leur escalade. Cela ne gêna guère Rob qui put ensuite se reposer, au contraire de Drilun qui se remit à l'ouvrage afin de libérer au plus vite leur elfe prisonnière.

En soirée, après moult sorts de divinations, il pensa enfin avoir trouvé la phrase complète qu'il recherchait. Sa traduction en langue commune donnait quelque chose comme "un feu pour les amener tous et dans les ténèbres les lier". Maîtrisant parfaitement la langue de Dol Guldur après avoir bénéficié des connaissances du loup-garou Caran Carach avec l'aide de Tevildo, il la prononça sans erreur et il sentit la magie disparaître. Le piège magique était inactif à présent, plus aucune déflagration n'était à craindre. Les aventuriers pénétrèrent tout de même dans la cellule occupée avec précaution, attentifs à d'autres pièges plus classiques, mais rien ne se produisit. Ils transportèrent le corps de l'elfe au dehors pour tenter de la ranimer.

Avec l'aide de magie et du contact de la larme de Yavanna, Narmirë put enfin ouvrir les yeux. Elle voulut prévenir d'un danger, mais Taurgil et ses amis lui dirent qu'elle était en sécurité, que les pièges avaient été désamorcés. Elle expliqua qu'un elfe aux cheveux argentés s'était vanté du vilain tour magique qu'il préparait, alors qu'elle était déjà paralysée et sombrait peu à peu dans l'inconscience. Elle était restée droguée et parfaitement immobile plus de deux jours, et il lui fallut un peu de temps, d'eau et de nourriture pour pouvoir se lever et retrouver une vie un peu normale. Entretemps, des explications furent données et elle se réjouit de bientôt retrouver les siens. Cela faisait des années qu'elle était prisonnière ici, et les aventuriers s'étonnèrent qu'elle n'ait pas été tuée. Il semblait en fait que celui qui l'avait amenée là, un nordique barbu dont Vif se souvint, était tombé un peu amoureux d'elle...

Restait, enfin, à quitter les lieux. L'elfe sylvestre n'était pas en mesure, si tôt, de descendre par elle-même le long de l'étroit sentier qui menait au bas de la falaise. Du coup elle fit le voyage sur le dos de la lionne enchantée, après avoir été rassurée sur sa nature. Narmirë et les six amis purent retrouver leur camp dans les bois ainsi que les chevaux restés en arrière. Bénéficiant de quelques heures de soleil avant la tombée de la nuit, ils progressèrent un peu dans le relief tourmenté des Monts de Fer le long du sentier utilisé par les membres du Culte de la Longue Nuit. Narmirë n'étant pas une cavalière émérite comme ses compagnons, elle chevaucha derrière Geralt tandis que Rob montait seul le cheval surnuméraire amené pour l'occasion.

La nuit venue, un camp fut fait et de la nourriture fut cueillie et préparée par le hobbit tandis que la lionne allait chasser. Le balafré aux cheveux blancs monta la garde pendant la nuit mais rien ne se passa et tous purent dormir profondément, avec l'aide de magie éventuellement pour regagner davantage de force. Au matin ils purent tous sortir des Monts de Fer et chevaucher à plus vive allure vers l'ouest et les armées nordiques, qu'ils rejoignirent en fin de journée. Narmirë put retrouver des gens de chez elle parmi ceux qui restaient encore avec les cavaliers. Elle fut bientôt à pied d’œuvre parmi les blessés dont elle s'occupa, car elle était soigneuse. Elle avait d'ailleurs été capturée non loin de la lisière de la forêt, alors qu'elle cherchait des herbes médicinales.

3 - Retour aux Monts de Fer
Le convoi de chevaux et chariots arriva peu de temps après aux environs de Dale. Taurgil et ses amis auraient bien voulu discuter du partage des chevaux et chariots entre tous et de la part qui leur reviendrait. Ils comprirent néanmoins assez vite que ce n'était pas encore à l'ordre du jour : l'armée allait passer par les territoires des Gramuz, les nordiques fermiers qui les avaient soutenus à l'aller. Victorieux, les Éothraim se devaient de payer leurs alliés en retour. D'une part il faudrait - c'était bien le moins - compenser leur passage à l'aller et au retour par des dons de nourriture ou équipements équivalents à ce qu'ils avaient consommé. D'autre part, pour la bonne santé des relations diplomatiques et commerciales entre nordiques, il convenait aussi d'offrir plus, et en particulier des chevaux. C'était à la fois une manière de récompenser des risques pris vis-à-vis de possibles représailles des Sagaths, et une façon de favoriser un fructueux commerce à l'avenir...

Bref, le "butin" ramené par l'armée risquait de diminuer avec le temps, sans parler de la nourriture consommée par les nordiques eux-mêmes. Le véritable partage n'aurait donc lieu, d'après les chefs des six tribus nordiques, qu'une fois leurs terres retrouvées, à savoir après le franchissement de la Celduin, la "Rivière Courante". A l'allure où le convoi se traînait, il faudrait bien deux semaines avant d'en arriver là, selon les estimations de Mordin ou des nordiques eux-mêmes. N'y avait-il pas mieux à faire que de traîner avec l'armée pendant tout ce temps ? Les blessés étaient bien soignés, même si les derniers elfes furent bientôt partis, Narmirë comprise. Mais il restait un chariot rempli de bouts de dragon à valoriser. N'était-il pas temps d'aller voir les nains des Monts de Fer, à Azanulinbar-Dûm, pour profiter de leurs compétences en la matière ?

Le voyage fut effectivement décidé. Il faudrait une semaine pour arriver là-bas, peut-être moins en forçant les chevaux. Le train d'attelage fut porté à quatre chevaux, plus deux chevaux de plus à l'arrière pour faire une rotation et reposer les bêtes. Cela permettrait aussi éventuellement de laisser le chariot là-bas et de revenir plus vite, les montures en trop chargées des produits finis ou des cuirs et autres parties brutes qui ne seraient ni transformés ni monnayés. Ce qui laissait un peu moins d'une semaine pour faire des affaires là-bas et acheter du matériel ou le service des meilleurs artisans nains.

Le chariot rempli de morceaux de cuir, os, dents et cornes de dragon quitta donc les nordiques un matin pour retourner vers les Monts de Fer, mais par le sud cette fois-ci. Geralt conduisait l’attelage et les autres suivaient à cheval. Vif reprit forme humaine afin de ne pas poser problème aux nains et pouvoir pénétrer dans leurs cavernes, ce qui ne l'enchantait guère. Il fallut un peu moins de six jours pour arriver là-bas, près des sources de la rivière appelée l'Eau Rouge (Carnen) où les nains avaient établi leur demeure souterraine. Cette rivière prenait son nom de la coloration rougeâtre que lui donnaient les gisements de fer des environs, gisements qui avaient justement incité les nains à venir ici.

Mordin échangea bientôt avec ses congénères, avant même d'arriver à la demeure des nains, puis aux portes de cette dernière. Les échos de la victoire des nordiques et de la défaite des Sagaths étaient déjà parvenus jusqu'ici et ils avaient stimulé le commerce : les orientaux, privés de leurs éléments les plus agressifs et dangereux, n'étaient plus considérés comme une menace sérieuse. Après la Peste et les raids des orientaux, les besoins étaient grands d'échanger des biens de toute sorte. Le rôle des aventuriers dans le Rhovanion n'était pas passé inaperçu, et le nain du groupe dut confirmer voire préciser nombre d'informations concernant leurs aventures ou eux-mêmes. Il en profita parfois, comme tout nain qui se respecte, pour obtenir quelques faveurs ou informations. Enfin, ils purent tous entrer, même Isilmë, malgré les regards désapprobateurs des gardes qui les laissèrent passer.

4 - Transformations
Le soir même de leur arrivée à Azanulinbar-Dûm, un messager était envoyé au roi des nains des Monts de Fer afin d'obtenir une entrevue et pouvoir discuter des besoins et désirs des aventuriers. Il faudrait sans doute un peu de temps avant d'obtenir une réponse, mais au moins Mordin avait-il l'assurance, grâce à ses contacts et à sa verve (ou son argent), que la demande parviendrait vite à destination. En parallèle, il fila voir les maîtres-artisans pour essayer de faire affaire avec eux. Entre le cuir, les cornes et l'os de dragon apportés, le travail ne manquerait pas pour leur faire faire des armes et armures. Encore fallait-il avoir le temps de les fabriquer.

Il arriva à voir deux des maîtres-artisans qu'il voulait voir le soir de leur arrivée, et le troisième le lendemain matin. A chacun il leur proposa de travailler ce fabuleux matériau tiré du corps des ennemis jurés des nains, les dragons, afin d'en faire ce dont ils auraient bien vite besoin : des armures, arcs et armes blanches non métalliques. En effet, dans le Grand Nord où Tevildo comptait les emmener bientôt, le froid glacial de l'hiver avait la réputation de transformer les armes et armures métalliques en cadeaux empoisonnés. Le contact avec un objet de métal était le plus sûr moyen de perdre un bout de peau voire un membre, et une armure de métal, en plus d'être cassante par des froids extrêmes, absorbait trop facilement la chaleur du corps pour être une réelle option.

Les artisans se montrèrent très intéressés par le matériau qu'on leur proposait : c'était un défi pour les meilleurs d'entre eux, qui n'avaient jamais travaillé pareille matière, vue seulement sur de rares artefacts. En revanche, ils étaient peu nombreux à pouvoir la travailler, et ils avaient d'autres contrats à honorer. Les talents de négociateur de Mordin n'étaient plus à démontrer, et ils suffirent. De l'or ou des bouts de dragon bruts pouvaient servir de monnaie d'échange, et ils n'en manquaient pas, ce ne fut pas un réel problème. Par contre, le temps nécessaire pour faire ces transformations manquait : le groupe n'était là que pour six jours, ce qui limitait très fortement les possibilités des artisans. A moins de faire une livraison ultérieure à Fornost Erain, mais seraient-ils longtemps là-bas ? Et un convoi ne risquait-il pas d'être intercepté ?

La question était particulièrement délicate pour tout ce qui concernait le cuir de dragon. Sa préparation nécessitait plusieurs semaines pour le rendre apte à un travail soigné ensuite. Cela, plus la fabrication d'une demi-douzaine d'armures, demanderait un délai estimé à trois mois par le chef des armuriers spécialisés dans le travail du cuir. Même en bloquant le travail des meilleurs artisans par des promesses d'or et d'une partie importante du cuir brut de dragon, Mordin ne put faire mieux que diviser ce délai par deux. Ils ne pouvaient donc repartir d'ici avec des armures prêtes à affronter tant le froid du Grand Nord que la chaleur d'autres dragons. Or ils s'attendaient bien à rencontrer les deux dans un futur pas si éloigné que cela... D'un autre côté, ne pas traiter le cuir de dragon l'amènerait vite à se détériorer. Même en y consacrant du temps en route, il y aurait sûrement de la perte.

Pour les armes, il en allait autrement. Une corne commença très vite à être transformée en un arc court dont le hobbit serait bientôt l'heureux possesseur. En même temps qu'il prenait forme, Mordin avait obtenu que Drilun pût suivre la fabrication de l'arme en y apposant ses runes magiques, afin de réaliser un arc digne des temps anciens. L'archer-magicien avait à présent une telle maîtrise de cet art qu'il s'en sentait parfaitement capable, aidé par ses outils et divers parchemins qui pouvaient l'aider à une telle conception. Egalement, sa magie serait renforcée par le matériau exceptionnel qui servirait de base à l'arme. La semaine serait bien remplie pour lui.

Restait aussi à fabriquer des épées ou autres armes de contact en ivoire. L'os, la corne ou la dent de dragon, extrêmement solides, pouvaient en effet se transformer en manches voire pointes ou lames d'une solidité ou d'un tranchant équivalant à ceux des meilleurs aciers. Par contre, le Dunéen était déjà trop pris par l'arc destiné à Rob pour apposer des runes magiques sur d'autres armes. Et si les nains comportaient des artisans exceptionnels, ceux de l'Arthedain étaient pratiquement aussi bons. Par ailleurs, les nains n'avaient pas le temps de réaliser grand-chose en quelques jours. Le groupe décida alors de voir plus tard, à Fornost Erain, à transformer ce matériau avec l'aide des artisans du roi.

5 - Rêves et discussions
Les premiers jours passèrent, à se reposer pour certains, à écrire des runes magiques (et faire baver les artisans nains) pour un autre, et d'autres choses encore. Mais la convocation à voir le roi n'arrivait toujours pas. En revanche, les problèmes des délais et possibles livraisons d'armes et armures faites en cuir ou corne de dragon se faisaient chaque jour plus aigus. Si bien que le groupe sentit le besoin de contacter Tevildo pour en avoir le cœur net : combien de temps cet esprit des temps anciens leur laisserait à Fornost pour se préparer à affronter les rigueurs du Grand Nord ? Ces derniers temps, les aventuriers ayant bénéficié des enchantements de Tevildo, guérison ou apprentissages rapides, et qui avaient donc un lien magique avec cet être, avaient cru déceler comme une certaine impatience. Les forcerait-il à le suivre plus tôt que prévu ?

Le premier, Rob essaya, une nuit, de rentrer en contact avec cet esprit désincarné qui possédait le corps d'une guérisseuse du nom de Tina, sous la forme enchantée d'un lynx blanc. Le hobbit avait été soigné de nombreuses fois par Tevildo et son lien avec lui était très fort. Aussi l'être lui apparut-il bientôt en rêve. Le petit voleur lui posa maintes questions tout en tâchant - et réussissant tant bien que mal - à empêcher l'emprise que l'esprit avait sur lui de se renforcer. Le sentiment d'urgence fut confirmé et ses causes en partie expliquées. Ce qui ne préjugeait pas de la capacité de Tevildo à être franc avec le hobbit, ou au contraire à le manipuler.

Lorsqu'il se réveilla, Rob parla à ses amis de cet entretien onirique. Amis qui ne comprirent pas complètement le petit voleur, même s'il semblait brusquement motivé pour ne pas perdre de temps et aller vite au nord. Il était question de menaces à éviter en partant au plus vite, mais la seule date butoir avancée était la nouvelle année, ce qui laissait plus de cinq mois - largement assez pour rentrer en Arthedain et se préparer tranquillement. Taurgil pensa alors que la date butoir correspondait peut-être à leur arrivée quelque part dans le Grand Nord, sans savoir combien de temps il faudrait pour y parvenir...

En tout cas, le récit de Rob amenait davantage de questions que de réponses, et Isilmë tenta à son tour, à la nuit suivante, de contacter Tevildo. Le Prince des Chats répondit présent et, s'il n'arriva pas plus à gagner en influence dans l'âme de l'archère elfe, cette dernière, comme son petit ami, ressortit de l'entretien elle aussi avec un sentiment d'urgence. Les éléments qu'elle rapporta à ses compagnons étaient plus faciles à comprendre, également : le Maia lui avait dit que le Nécromancien mais aussi le Roi-Sorcier d'Angmar étaient à présent fort courroucés vis-à-vis des aventuriers. Des individus très spéciaux étaient en route pour régler leur compte définitivement, et la fuite dans le Grand Nord était le meilleur moyen de ne pas leur faciliter la tâche...

L'entretien s'était interrompu un peu brutalement. En effet, au tout début, Drilun avait usé d'un sort pour partager le rêve que faisait son amie elfe. Mais dès l'arrivée de Tevildo, sa magie avait été rompue et il avait été proprement éjecté de l'esprit d'Isilmë. Le Dunéen était alors allé chercher la larme de Yavanna afin de lui garantir une protection sans faille contre la magie du Prince des Chats. Malheureusement, cela avait eu pour principale conséquence de faire fuir ce dernier. L'archer-magicien n'avait rien pu constater par lui-même, ce qui de toute manière ne changeait rien : les éléments avancés par Isilmë se tenaient bien, et ils devaient à présent payer leur exploit d'avoir pu entrer et ressortir de Dol Guldur. Ce qui était aussi valable pour Bronwyn, fille d'Atagavia, tirée des geôles du Nécromancien. Tevildo suggéra d'ailleurs qu'elle partît de chez elle pour accompagner chevaux et aventuriers jusqu'à Fornost... voire au-delà ?

Drilun n'en resta pas là et il fit par la suite, et même au cours du voyage vers l'Arthedain qui suivrait, des divinations magiques ou rêves prémonitoires réguliers. Il en tira comme enseignements que trois êtres au moins étaient en route pour leur faire passer un mauvais quart d'heure, destiné à être leur dernier quart d'heure en fait. Et l'un d'entre eux n'était autre que le démon du froid qu'ils avaient vu lors de leur sortie de Dol Guldur. Cet être n'avait fait qu'une bouchée d'eux l'unique fois où ils l'avaient combattu, et ils seraient sans doute morts ou prisonniers du Nécromancien si Radagast n'était pas arrivé à point nommé pour les sauver de la créature. D'ailleurs, l'archer-magicien voyait aussi dans ses visions deux personnages les protéger, personnages qu'il assimila facilement aux magiciens gris et brun. Mais ils ne seraient sans doute pas derrière eux tout le temps.

6 - Entretien avec le roi des nains
L'information arriva à la fin du troisième jour sur place : Fulla III, roi des nains des Monts de Fer, accordait une audience à Mordin et ses amis le surlendemain, très tôt dans la matinée. Même si la forteresse était essentiellement souterraine, l'alternance entre jour et nuit était respecté grâce à un système de cloches qui rythmaient la vie sous terre, comme d'ailleurs chez les nains des Monts Brumeux, à Khazad-Dûm. Après discussion entre eux, les aventuriers décidèrent de se présenter à quatre. La présence d'une elfe ne serait pas forcément vue d'un très bon œil donc il valait mieux laisser Isilmë à l'écart ; Rob était présenté comme un cuisinier et passait facilement pour un enfant, ce qui ferait un peu déplacé face au roi ; et Vif, en plus d'être mal à l'aise dans cette forteresse de pierre et sans vie, faisait un peu trop jeune paysanne fruste pour bien s'intégrer à une mission diplomatique.

Mordin se présenta donc devant le roi accompagné de Taurgil, noble Dúnadan, et de Drilun et Geralt, qui passaient pour ses gardes du corps. Les talents du Dunéen et les nombreuses cicatrices du balafré aux cheveux blancs ne pouvaient déplaire aux nains, redoutables guerriers et artisans. Les présentations furent faites, et le roi montra qu'il avait beaucoup entendu parler de Mordin et de ses amis récemment. Même le récent combat des nordiques contre les Sagaths était parvenu jusqu'à lui, comme en attestait d'ailleurs le nombre récent de missions commerciales à avoir quitté Azanulinbar-Dûm. Le marchand nain savait bien qu'au retour d'une expédition dans le monde extérieur, les nains se faisaient fort de renseigner leurs pairs sur ce qu'ils avaient vu et entendu dans le vaste monde. Il suffisait à son roi d'être bien à l'écoute de ses sujets pour rester bien informé. Peut-être aussi avait-il un réseau d'artisans nains installés dans les villes humaines qui lui faisaient passer des informations d'une manière ou d'une autre.

Fulla III, donc, avait apparemment suivi avec intérêt les périples de la troupe qui s'était présentée aux nordiques comme des ambassadeurs d'Arthedain. Il avait l'air d'en savoir beaucoup sur leurs aventures passées, au point de remarquer l'absence d'un grand félin ou de s'étonner de la présence d'une elfe et d'un semi-homme dans cette équipe vraiment très bigarrée. Mordin donna des arguments pour expliquer l'utilité du hobbit, dont la capacité à se faire oublier leur servait beaucoup, et d'Isilmë, très bonne soigneuse. Surprenant ses amis présents, il avoua aussi que Vif et la lionne enchantée, soi-disant appelée par la magie des elfes, étaient toutes deux le même être. Devinant que le roi ne voyait peut-être pas d'un très bon œil la présence d'une sorcière chez lui, il expliqua qu'elle était en fait l'assistante ou l'héritière de la magie du magicien brun, Radagast, qui semblait connu du roi.

Drilun eut droit aussi à sa part de questions : les artisans nains avaient manifestement rapporté à quel point il était doué dans un art où pratiquement seuls les nains et les elfes se faisaient concurrence. Le roi était donc très curieux quant à l'origine de ses compétences magiques, se demandant si les elfes n'y étaient pas pour quelque chose. Drilun éluda la question en focalisant son histoire sur son passage à Khazad-Dûm et la hache magique qu'il y avait réalisée pour son compagnon nain, et le roi sembla s'en accommoder. Même si son étonnement était bien palpable de voir un si jeune homme damer le pion à ses meilleurs artisans, concernant une discipline considérée comme secrète, du moins dans sa mise en œuvre. Taurgil et Geralt eurent également l'occasion de parler d'eux et d'expliquer leur raison d'être dans la région. Le Dúnadan était fidèle à son image, mais en revanche le balafré aux cheveux blancs était plus un mystère pour le roi nain. Il s'étonna de voir un si féroce guerrier avoir reçu autant de cicatrices... et y avoir survécu.

Après ces présentations, Mordin aborda le cœur de l'objet de leur visite : il expliqua à quel point les missions de son équipe avaient un impact positif sur l'équilibre politico-économique de la région, ce que son roi ne chercha pas à contester. Effectivement, le passage des sept aventuriers s'était traduit par une pacification du Rhovanion et une relance très récente de l'économie comme personne ne s'y attendait. Le nain du groupe poursuivit son récit avec l'idée que leur mission n'était pas terminée : au-delà des sorciers et Sagaths vaincus et des chevaux qu'ils allaient rapporter, il restait d'autres ennemis qui continuaient à tirer les ficelles. Le Nécromancien et le Roi-Sorcier d'Angmar ne s'en arrêteraient pas là, et pour continuer à les combattre ses amis et lui devaient aller prochainement dans le Grand Nord et ils avaient besoin du meilleur matériel possible. Qui d'autre que les nains pouvait le leur fournir en un temps si limité ?

Fulla III acquiesça et dit qu'il ne voyait pas d'objection à aider comme il pouvait le groupe d'aventuriers. Mais ses ressources étaient tout de même limitées : les nains des Monts de Fer étaient surtout spécialisés dans les équipements métalliques, comme l'abondance du fer dans la région le laissait supposer. S'ils avaient de très bons artisans pour le travail du cuir, du bois voire de l'os ou la corne, ce n'était pas pour autant qu'ils avaient des armes ou armures exceptionnelles à fournir dans ces matériaux, particulièrement pour des tailles non naines. Les armures d'exception, en particulier, étaient toutes réservées à des seigneurs nains, et elles étaient pour la plupart en métal. Le roi finit l'entretien en disant qu'il donnerait des ordres aux artisans et verrait auprès de ses gens de manière à aider au mieux Mordin et ses amis.

7 - Derniers achats et tractations
Satisfaits du déroulement de l'entretien, les quatre amis quittèrent le roi pour bientôt aller voir les maîtres-artisans à qui ils avaient déjà eu affaire. S'ils comprenaient bien, ils avaient à présent l'appui politique du roi, ce qui se traduirait par la prise en compte de leurs besoins en priorité. Et peut-être même auraient-il accès à de l'équipement qu'on ne proposait d'ordinaire pas à d'autres qu'à des seigneurs nains ou des rois d'autres contrées. Néanmoins, cet appui ne faisait pas tout. D'une part, les nains ne pouvaient réaliser n'importe quoi dans la journée et demie qu'il leur restait ; d'autre part, la négociation faisait partie de la culture naine et les talents de Mordin seraient sans doute encore mis à contribution. Et l'or ou autres valeurs pouvaient apporter davantage de motivation, et donc de qualité au final, pour la réalisation d'un produit fini.

Malheureusement, les paroles du roi avaient été justes également sur un autre point : contrairement aux elfes qui privilégiaient la légèreté, les nains favorisaient la résistance, quitte à la marier avec du poids. Et en particulier avec du métal. Toutes choses qui ne faisaient pas bon ménage dans le Grand Nord, où il faudrait combiner les matériaux les plus isolants possibles avec un encombrement minimal pour ne pas s'épuiser face à ce qui les attendait. Et si les nains avaient leurs propres artisans capables de manier les runes magiques, comme l'archer-magicien, ils les réservaient en général aux meilleures armures, ce qui pour eux voulait dire les armures métalliques...

Le groupe obtint tout de même une aide précieuse de la part des artisans. Plusieurs de leurs armures avaient été endommagées lors de divers combats : armures de cuir comme celle d'Isilmë, mais aussi le haubert de mailles de mithril du Dúnadan. Le cuir spécial dont étaient faites les vestes prises aux sorciers du Rhovanion laissèrent perplexes les nains quant à leur origine. Ils s'accordèrent néanmoins à dire qu'elles étaient d'une incroyable solidité, mais pas au point de les mettre en échec. Et ainsi tout fut-il réparé et comme neuf, après au plus une journée. L'armure de mithril fit des envieux, car le mithril était originaire des Monts Brumeux uniquement et de tels objets étaient rares dans les Monts de Fer...

Pour le reste, les nains présentèrent ce qu'ils pouvaient proposer de mieux aux aventuriers dans les matériaux demandés, mais cela restait limité. Mordin, ayant le bon gabarit, obtint ainsi une armure de cuir rigide de fabrication naine digne d'un grand seigneur. C'était même sans doute une armure destinée voire déjà portée par un seigneur local, et qui remplacerait avantageusement son armure de mailles. Pour les autres, ils ne trouvèrent presque rien qu'ils n'eussent déjà. Taurgil bénéficia de gants de cuir de grande qualité, et Isilmë fut équipée d'une cape de cuir très résistante et protectrice également. Hormis cela, et l'arc en corne de dragon destiné au hobbit, les nains n'avaient pas ce que les aventuriers recherchaient.

En revanche, après des tractations presque trop faciles, Mordin obtint la garantie qu'ils traiteraient les cuirs de dragon en échange d'une partie d'entre eux. Le marchand nain négocia du maître-artisan qu'il se contentât de 15 % des cuirs bruts, pour son propre usage, en échange de la préparation de l'ensemble des cuirs qu'ils avaient apportés sur place. Ce qui comprenait aussi leur envoi à Fornost Erain, où l'équipe, à défaut de pouvoir s'en servir, savait que les artisans du roi Argeleb II trouveraient à en faire bon usage dans leur guerre contre Angmar. Le reste des morceaux de dragon, essentiellement sous forme de morceaux de cornes, repartirait avec eux. Ils ne risquaient pas de s'abîmer et ils auraient plus de temps pour en faire des armes une fois qu'ils seraient de retour à Fornost Erain.

8 - Nouvelles tractations
Restait à présent à rejoindre l'armée nordique qui ne les attendrait sans doute pas pour partager chevaux et autre butin. En effet, selon leurs calculs, les Éothraim devaient être sur le point de franchir la Celduin qui marquait la frontière entre les terres des Gramuz et les leurs. Après quoi les armées des différents clans se sépareraient, non sans avoir partagé entre eux ce qu'ils avaient pris aux Sagaths. Or il faudrait bien près de deux jours pour rejoindre le gué sur la "Rivière Courante", et les ambassadeurs d'Arthedain ne tenaient pas à ce que les tractations se passent sans eux. Une fois mis devant le fait accompli, même s'ils savaient qu'ils seraient défendus par Bronwyn voire d'autres, il serait difficile de faire valoir leurs arguments.

Ils partirent donc au matin du septième jour à compter du début de leur séjour chez les nains. Leur chariot fut gracieusement laissé sur place, même si d'une certaine manière il servait en partie à payer le futur transport des cuirs de dragon à Fornost. Auparavant, Vif avait quitté la demeure des nains un peu avant ses amis afin de reprendre forme féline et pouvoir se reposer de sa transformation. Le contenu du chariot qu'ils conservaient fut réparti entre les six chevaux qui s'étaient relayés pour tirer le véhicule à l'aller. Et ils partirent vers le sud-ouest.

Le paysage fila vite, d'autant qu'ils n'hésitèrent pas à forcer un peu l'allure. Le temps restait au beau fixe, chaud sans l'être trop, les chevaux n'étaient pas très chargés, et Geralt était assez doué pour diriger correctement et rapidement tous leurs animaux de bât. Si bien qu'ils mirent un peu plus d'une journée et demie pour arriver au gué sur la Celduin. L'armée nordique l'avait franchie la veille, avec l'ensemble du convoi, moins ce qu'ils avaient donné comme paiement ou cadeaux aux Gramuz chez qui ils étaient passés. Cela représentait environ dix pour cent de leurs "gains", si bien qu'il ne restait plus qu'un peu moins de deux mille chevaux à se partager, sans compter le contenu des chariots, eux aussi moins nombreux. Et une partie non négligeable des provisions transportées avait été consommée par l'armée.

Les six chefs de clan avaient déjà commencé les tractations entre eux, aidés par leurs plus proches aides et conseillers, comme Bronwyn par exemple. Taurgil et ses amis arrivèrent à temps pour faire valoir leurs demandes, donc. Avec une difficulté de taille, qui était de comparer des choses très différentes entre gens ayant des échelles de valeur bien distinctes. Comment évaluer le rôle des aventuriers face aux morts subies dans l'armée nordique ? Combien valait un guerrier nordique disparu, ou un guerrier handicapé à vie ? Comment chiffrer le prix de la paix retrouvée dans le Rhovanion ? Et puis au-delà du partage des chevaux et autres biens, les aventuriers savaient qu'ils avaient besoin des nordiques pour ramener ces chevaux dans l'Arthedain.

Les tractations durèrent longtemps. Elles furent tendues parfois, mais globalement cordiales, en raison notamment du capital de sympathie dont bénéficiait le groupe, et du soutien sans faille de Bronwyn entre autres. Mordin mit l'accent sur la nécessité de penser à l'avenir et pas juste aux bénéfices immédiats : il recommanda de ne pas en exiger trop, mais de profiter du regain économique des nordiques pour favoriser des liens commerciaux ultérieurs avec eux. Mieux valait demander moins de chevaux tout de suite mais davantage à l'avenir. Ils en auraient bien assez tout de suite par rapport à ce qui avait été prévu voire espéré, et ce serait encore mieux si de nouveaux convois venaient renforcer régulièrement, dans les années à suivre, les haras des Dúnedain. Si les Éothraim bénéficiaient plus du partage que ce que Taurgil ou ses amis auraient voulu, ils se sentiraient davantage obligés de rendre la pareille à l'avenir, ce qui profiterait à tous.

9 - Accord final
Petit à petit, le partage des chevaux et autres possessions tirées du convoi finit par se dessiner, sans oublier l'aide nécessaire pour aider à tout rapporter en Arthedain. Si Taurgil et d'autres aventuriers avaient commencé à tenir la comptabilité précise des gains et pertes de part et d'autre pour servir d'arguments, cette approche mercantile finit par s'effacer devant la bonne volonté de tous. Les Éothraim étaient conscients du travail fantastique que le groupe avait prodigué et ils étaient prêts à faire des concessions. Les ambassadeurs d'Arthedain, de leur côté, pouvaient comprendre les difficultés issues des morts de cette courte guerre et de la Peste avant cela. Entre court terme et long terme, entre les intérêts du Rhovanion et ceux de l'Arthedain, entre la politique et le quotidien des gens, un compromis fut trouvé.

Au final, mille chevaux partiraient pour l'Arthedain, sans compter ceux qui seraient montés par les nordiques qui accompagneraient le convoi. Cela représentait plus de la moitié des équidés non montés pris aux Sagaths à arriver sur les terres des Éothraim. Bien qu'en fait le compte n'était pas parfaitement juste, car cela comprenait aussi les chevaux promis par les différents clans des cavaliers lorsque l'équipe avait fait le tour de la région pour les aider tous et les rallier à leur cause. C'était tout de même énorme, même si le Dúnadan n'était qu'à moitié satisfait et en aurait voulu plus.

D'autant que tout cela n'était pas gratuit : pour obtenir autant de chevaux, Mordin dut au final se séparer de mille six cents pièces d'or : une pièce d'or par cheval, puis, plus tard, six cents pièces d'or pour ceux qui les accompagneraient. Mais cet or permettrait aux nordiques de ne manquer de rien et cet afflux de valeurs stimulerait notablement le commerce dans les années à venir. Et comparé au prix moyen d'un cheval après la Peste, qui avoisinait les trente pièces d'or, ce n'était pas grand-chose. Qui plus est, même après cela le groupe restait riche et les poches bien remplies : entre les mille pièces d'or remises par le roi d'Arthedain et les mille deux cents pièces d'or apportées par Narmegil, il en restait encore six cents. Et c'était sans compter l'or pris aux sorciers çà et là, même si la majeure partie avait servi pour financer l'effort de guerre. Bref, ils allaient rendre de l'argent au roi Argeleb II, qui en plus comptait au départ sur trois cents chevaux...

Les nordiques comptaient garder l'ensemble des chariots et leur contenu, arguant du fait que les ambassadeurs n'en avaient pas vraiment besoin et qu'ils repartaient avec plus de chevaux que quiconque. Mais ils acceptèrent sans mal de faire trois exceptions : les vivres nécessaires au voyage seraient prises sur les réserves confisquées aux Sagaths, d'une part. L'équipement des nordiques qui accompagneraient le groupe en Arthedain serait complété par celui présent dans les chariots, de manière raisonnable. Enfin, Taurgil et ses compagnons avaient une dette envers les voleurs de Forpays, et s'ils ne comptaient pas la payer avec des espèces sonnantes et trébuchantes, ils tenaient tout de même à laisser quelques chariots divers et leur contenu pour apaiser les demandes des voleurs et ne plus avoir affaire à eux.

Restaient les frais du voyage et de ceux qui les accompagneraient. Le convoi pour l'Arthedain traverserait des terres habitées et il aurait un impact physique sur les champs et pâtures, qui n'étaient pas à la disposition de tous gratuitement. Un peu d'or aiderait à accommoder leurs recommandations et le poids politique qu'ils représentaient. Et les nordiques prêts à les accompagner seraient d'autant plus nombreux et motivés que les perspectives de refaire une vie comme éleveurs ou mercenaires dans l'Eriador s'accompagnaient d'une somme non négligeable pour faire face à de nouveaux frais. Ce qui ne fut pas toujours facile à avaler pour Mordin, à qui certains de ses amis firent remarquer qu'ils étaient riches au-delà de leurs besoins ; et de toute manière, à quoi leur servirait tout cet or dans le Grand Nord ?

10 - Discours et enrôlement
Maintenant que le nombre de chevaux à ramener était connu, restait à trouver les nordiques pour les aider dans cette tâche. Pour encadrer mille équidés, Taurgil et ses amis auraient bien vu une centaine de cavaliers les accompagner. Était-ce envisageable ? Bronwyn fit remarquer que d'une part, les aventuriers bénéficiaient d'un fort capital de sympathie auprès des jeunes qui rêvaient d'aventure. De plus, une partie d'entre eux, en particulier chez les Gadraughts, avaient vécu de terribles expériences qui les mettaient à part et les empêchaient de s'intégrer correctement aux leurs. Sans parler de ceux qui avaient perdu des êtres chers au cours des conflits contre les Sagaths et pour qui l'éloignement aiderait à oublier. Bref, il y avait certainement là un potentiel.

Un autre élément qui pouvait jouer était la personne qui serait mise à la tête de cette troupe. En dehors des aventuriers eux-mêmes, les nordiques apprécieraient de se voir donner des ordres par l'un d'entre eux. Encore fallait-il trouver quelqu'un qui fasse l'unanimité et qui ne ravive pas des tensions inévitables entre clans. Or il existait une telle personne, reconnue et appréciée de tous : Bronwyn. Ce qui n'était pas sans rappeler certains conseils de Tevildo la concernant : le Maia n'avait-il pas dit en rêve à Rob et Isilmë que la fille d'Atagavia serait plus en sécurité loin de chez elle ? Mais souhaiterait-elle partir, et son père l'accepterait-il ?

Le mieux était de sonder le terrain, ce qui fut fait. Que la fougueuse princesse cavalière des Waildungs fût tentée d'aller voir du pays, cela ne surprenait pas vraiment les aventuriers. Pour l'avoir côtoyée un bon moment, ils avaient pu jauger de son côté aventureux, prêt à prendre des risques et à côtoyer de nouveaux individus. En revanche, la réaction du père en surprit plus d'un. Atagavia était en effet plutôt favorable à voir sa fille prendre un peu de distance. Il faut dire qu'il avait compris que le Nécromancien avait des visées particulières sur sa fille, d'autant qu'elle faisait désormais partie des rares personnes des peuples libres à avoir vu l'intérieur de Dol Guldur sans avoir perdu la vie ou la raison - contrairement à son frère, qui n'avait pas vraiment gardé mémoire de l'événement. Et apparemment, le prince des Waildungs avait aussi eu vent de mouvements de troupes et de combats en forêt, pendant qu'ils étaient partis guerroyer. Il se disait donc que la proximité des aventuriers était peut-être préférable à la sienne pour la garder en bonne santé...

Au final, Bronwyn conseilla aux aventuriers de s'adresser directement aux guerriers des clans qui avaient combattu, avec l'aval des chefs de clan. La paix étant amenée à prendre ses droits dans le Rhovanion, les perspectives de combat seraient limitées et le désir d'aventure et de bataille contre les armées d'Angmar - qui comportaient de nombreux orientaux - pouvait attirer du monde. Taurgil, sans doute le personnage le plus charismatique du groupe avec Drilun, décida de faire un discours aux hommes encore présents. Il n'eut pas de mal à obtenir l'accord des six chefs de clan, et il se présenta au matin aux armées réunies, avant leur séparation.

La voix amplifiée magiquement par l'archer-magicien, le Dúnadan fit un discours inspiré où il mit beaucoup de son énergie et de sa motivation. Il parla de rapprochement entre les peuples libres, de refaire une vie comme mercenaire ou éleveur reconnu dans un pays qui en avait bien besoin, de bon matériel à piocher dans les affaires prises aux Sagaths, de deux pièces d'or pour aider à se faire une nouvelle vie... Sans oublier de parler de Bronwyn qui les accompagnerait, ou encore d'allers-retours réguliers dans le Rhovanion suite aux échanges renforcés entre les deux peuples, et de nouveaux chevaux à aller chercher et rapporter en Arthedain.

Le succès dépassa l'espérance des aventuriers, qui avaient oublié peut-être à quel point leur statut de héros était important : n'avaient-ils pas sauvé de nombreuses vies nordiques et pacifié la région en détruisant sorciers et armées d'orientaux ? N'avaient-ils pas combattu et tué des dragons ? N'avaient-ils pas sauvé Bronwyn des geôles de Dol Guldur, même si beaucoup avaient du mal à le croire ? Au final, trois cents Éothraim décidèrent de changer de vie ou au moins d'accompagner les ambassadeurs d'Arthedain jusqu'à Fornost Erain. Trois cents cavaliers ! Si Mordin manqua de s'étouffer devant l'argent à donner, en revanche un pareil nombre garantissait que le millier de chevaux dont ils auraient la garde serait bien encadré. Par contre, les chefs de clan, même s'ils respectaient le choix de leurs sujets, faisaient un peu la grimace à l'idée d'autant de départs de leurs rangs...

11 - Début de voyage et nouvelles
Les armées se séparèrent ensuite, certains comme Taurgil et ses amis prenant la route du sud alors que d'autres allaient vers l'est. Les aventuriers dirent donc adieu aux Algifryonds et aux Gadraughts, moins ceux - et ils étaient nombreux - qui viendraient avec eux jusqu'en Eriador. Puis ce fut le tour des Ailgarthas de les quitter, non sans un hommage appuyé de leur chef, Mahrcared. Après quoi les terres des Waildungs furent atteintes, qui vit le départ d'Atagavia et des siens. Bronwyn quitta donc son père et son frère, non sans bonne raison : plus les armées longeaient la Forêt Sombre, plus leur parvenaient des échos de combats en son sein. Pendant que nordiques et aventuriers combattaient orientaux et dragons, les orcs de la forêt avaient semblait-il lancé des opérations en direction des lisières. Mais les elfes de Thranduil les attendaient au passage et leur avaient tendu des embuscades. Ce qui ne voulait pas dire que de futures opérations ne seraient pas reconduites...

C'est aussi le moment que choisit Mordin pour s'écarter un peu du groupe, après avoir sollicité une entrevue avec le magicien brun auprès des gens susceptibles d'être en contact avec lui. Manifestement son appel avait été entendu car il était parti vers la forêt, bien décidé à discuter avec Radagast de choses concernant leur future mission dans le Grand Nord. Car lui seul, de toute l'équipe, n'avait pas subi de corruption de la part de Tevildo, et il s'alarmait des conséquences que leur prochaine quête pourrait avoir sur les peuples libres. Il avait pu constater à quel point cet esprit des temps anciens était puissant et ses amis de plus en plus sous son contrôle. Quels buts poursuivait-il, et Vif et les autres étaient-ils autre chose que des pions bientôt opposés aux peuples libres ? Il revint en partie rasséréné : il n'était pas le seul à se poser des questions et il avait eu l'assurance de trouver plus d'amis dans le Grand Nord qu'il l'avait escompté...

Plus tard, les troupes restantes passèrent les abords de Forpays, où ils ne s'arrêtèrent pas. A proximité de la ville, Taurgil et ses amis laissèrent quelques chariots de matériel et une note adressée aux voleurs de la ville afin de régler leur dette envers eux. En effet, ces derniers avaient participé à leur manière au combat dans le nord grâce à des chiens entraînés. La plupart avaient trouvé la mort, ainsi que leur maître, sous les griffes ou dents d'un dragon, mais ils avaient néanmoins bien servi et évité un probable empoisonnement de l'armée en cours de route. Selon un contrat passé avec les voleurs, Mordin aurait dû encore débourser une somme importante, mais ses amis et lui avaient choisi de laisser quelques chariots pris aux Sagaths, avec leur contenu de tissus, peaux et autres biens, aux bons soins des voleurs qui en tireraient certainement un très bon prix. De toute manière ils ne risquaient rien avec les armées qui les entouraient, et bientôt ils seraient loin et l'influence des voleurs de la ville serait très limitée...

A cette occasion, les hommes de Rult - ceux qui avaient survécu - quittèrent eux aussi les aventuriers, satisfaits de leur passage auprès d'eux. Ils n'avaient pas gagné beaucoup d'or, certes, mais ils avaient pu bénéficier d'excellent matériel pris aux Sagaths d'élite que Taurgil et ses amis avaient combattus. Enfin vinrent les adieux aux Widureiks et aux Brotharas, sans oublier les cavaliers dúnedain envoyés par le régent Vagaig, et les ambassadeurs d'Arthedain se retrouvèrent seuls avec le fruit de leur mission : mille chevaux dirigés par une petite armée de trois cents cavaliers nordiques menés par Bronwyn. Les terres des Éothraim furent bientôt laissées en arrière et la troupe se prépara à franchir le gué sur l'Anduin et à passer sur les terres de Gondor, en l'occurrence la province du Calenardhon.

Au fur et à mesure qu'ils progressaient, à bonne allure malgré la taille et l'importance de la troupe, les terres avoisinantes se faisaient moins sauvages, les villages plus nombreux, les droits de passage et autres contraintes plus fréquents aussi. Ils s'étaient d'ailleurs posé la question du chemin à prendre mais avaient finalement choisi de s'en tenir à la route principale qu'ils avaient suivie à l'aller. Dol Guldur était encore trop proche pour oser s'aventurer sur des chemins de traverse et sortir des sentiers les plus battus. Ce sentiment était d'autant plus partagé que les prémonitions magiques de Drilun laissaient clairement entendre qu'ils étaient le centre d'une attention soutenue de forces tant négatives que positives, sans oublier Tevildo pour compléter le tableau. Ils avaient donc tout intérêt à rester au plus près des populations civilisées comme celle du Gondor, loin des possibles excursions d'orcs ou autres créatures du Rhovanion ou des Monts Brumeux.

12 - Incidents de parcours
La route qui allait de Minas Anor, capitale du Gondor, à Fornost Erain, capitale de l'Arthedain, fut donc rejointe et suivie dès que possible, malgré la gêne que pouvait poser un équipage fort de plus de trois cents personnes et leurs montures et un troupeau de plus de mille chevaux. Les aventuriers et l'objet ne leur quête ne passèrent pas inaperçus, non, mais ils n'eurent pas d'autres problèmes que les peccadilles liées aux droits de passage et à la réparation des dégâts causés par une troupe de cette taille. Tout se passa donc au mieux, à l'exception de la bourse de l'équipe gérée par Mordin, et la progression fut rapide. Deux exceptions ternirent très légèrement ce constat, néanmoins.

Le premier se produisit après le passage de la trouée du Calenardhon, à savoir l'espace entre les Monts Brumeux au nord et les Montagnes Blanches au sud. Le troupeau de chevaux et l'armée nordiques entrèrent alors dans l'Eriador et ils longèrent le pays de Dun, que Drilun connaissait bien de réputation même s'il n'y avait jamais vécu. Les siens, les Dunéens, y étaient divisés en différents clans plus ou moins guerroyeurs et en général peu ouverts aux étrangers. Si la plupart des clans ne posaient aucun problème aux voyageurs, il existait tout de même une faction particulièrement xénophobe qui n'hésitait pas à s'en prendre aux cibles faciles ou peu attentives. Il convenait donc de rester prudent.

Une nuit passée à proximité d'un de ces clans montra que ce côté caricatural était avéré. Un groupe de jeunes guerriers approcha du camp en catimini, une nuit, sans doute avec l'espoir de voler quelques chevaux. Mais ils ne le firent pas assez discrètement pour échapper aux sens exacerbés des aventuriers et de la lionne enchantée en particulier. Blesser ou tuer ces voleurs aurait été une déclaration de guerre en bonne et due forme au clan tout entier voire à l'ensemble de la faction xénophobe du pays de Dun. Vif se contenta donc de surprendre les jeunes Dunéens et de jouer avec eux avant de les laisser filer. Ils en furent quittes pour des vêtements à changer et une bonne humiliation qu'ils ne seraient pas près d'oublier. Et il n'y eut pas d'autre problème de ce côté-là.

Peu après, plus au nord-ouest, le convoi arriva à la ville de Tharbad, passage obligé dans la mesure où il comportait le seul pont sur le fleuve Gwathló, mot elfique signifiant "Flot-Gris" dans la langue des hommes. En tant que chef des assassins de la ville, Geralt y avait ses entrées et ses appuis... à condition de voir sa position respectée. Il se déguisa donc, avec Drilun et Taurgil, pour avoir une idée claire de la situation des assassins, dont il avait confié le commandement à son ami Eskel. Un passage chez Dirhavel l'alchimiste lui apprit que les choses avaient quelque peu changé, mais son ami était encore vivant et il put le retrouver. Il apprit ainsi que le chef des assassins par intérim s'était vu démettre de ses fonctions des mois après le départ de Geralt, quand manifestement ce dernier était loin de la région et ne risquait pas de rentrer de sitôt. Eskel avait dû faire profil bas pour rester en vie, espérant bien le retour de son ami et savourant à l'avance ce qui allait se passer...

Le maître-assassin s'employa donc à remettre les points sur les i. Après avoir rossé quelques hommes au service du nouveau patron, il se présenta au bordel où ce dernier prenait ses aises. Le visage plus couturé que jamais et les intentions très claires, Geralt vit les occupant(e)s du bordel s'écarter devant lui et personne ne fit mine de soutenir l'assassin qui avait pris sa place. Ce dernier, sentant le vent tourner, sauta par la fenêtre de la chambre qu'il occupait et chercha à s'enfuir, mais pas assez vite : après une brève course-poursuite dans la ville, l'homme fut rattrapé, publiquement humilié et exécuté. Eskel reprit son poste de chef par intérim, et le lendemain quelques pattes furent graissées afin de limiter les taxes pour le passage du convoi de chevaux et cavaliers...

13 - Fin de la mission
Le reste du voyage se déroula sans incident. Le Cardolan fut traversé sans plus de difficulté que des taxes à payer, et bientôt les abords des Galgals furent atteints. Le convoi passa très vite à l'ombre des collines dont les sépultures, plus à l'ouest, hébergeaient de nombreux spectres depuis l'époque de la Grande Peste. L'endroit était désert, peu rassurant, mais au moins rien ne s'opposait à leur passage rapide sur les bords de la Vieille Route du Nord, ou Iaur Men Formen en langue elfique. De rares voyageurs et convois de marchandises furent croisés mais les aventuriers ne s'arrêtèrent pas.

Le convoi arriva ensuite à Bree, en Arthedain. D'une certaine manière Taurgil et ses amis commençaient à se sentir chez eux, et Vif se souvint que c'était là que les aventures avaient réellement commencé et que le groupe d'aventuriers s'était formé pour la première fois. De ce groupe originel il ne restait plus qu'elle, tous les autres étaient partis et avaient été remplacés. Elle avait rempli la mission qui avait vu son départ de la ville des Hommes des Bois, à savoir la mort du loup-garou Caran Carach. Mais quelle était sa mission à présent, servir Tevildo avec ses compagnons ? Après l'aide qu'il leur avait apporté il fallait lui régler son dû, mais quelles en seraient les conséquences ?

La troupe ne s'attarda pas et fila vers le nord. Enfin, Fornost Erain, capitale de l'Arthedain, fut atteinte. Depuis qu'ils avaient quitté les terres des Éothraim, il ne s'était déroulé qu'un mois. L'été était bien avancé mais il s'en fallait encore d'un mois avant l'arrivée de l'automne. Même s'il faudrait encore du temps avant d'atteindre le Grand Nord, surtout s'ils partaient à pied, ils pouvaient espérer passer un peu de temps à la capitale pour se préparer, sans trop attirer assassins et démons sur leurs têtes ou laisser le temps à l'hiver d'arriver sur les contrées inhospitalières plus au nord. Ils avaient un peu de marge et estimaient qu'ils pouvaient profiter des bienfaits de la civilisation avant de repartir vers de nouvelles missions dont personne ne connaissait la finalité.

Le convoi avait été repéré bien avant d'arriver à la capitale et les chevaux et nordiques furent laissés dans une pâture en vue de la colline qui abritait la forteresse des Dúnedain du Nord, en accord avec les autorités. L'équipe entra dans la ville et retrouva avec plaisir Narmegil et sa famille, qui leur firent bon accueil, même si une certaine gêne demeurait vis-à-vis de Rob. Isis avait le ventre bien arrondi qui annonçait l'arrivée prochaine d'un frère ou d'une sœur à Míriel. Cette dernière avait déjà plus de deux ans, l'air vif et espiègle, intelligente comme une enfant elfe de son âge. Et aussi curieuse et joueuse qu'un chaton...

Mais si certains n'eurent pas de plus pressé désir que de goûter aux charmes indéfinissables d'un lit et d'un édredon moelleux, d'autres pensaient déjà à leur future mission dans le Grand Nord. Taurgil demanda à voir le roi et ses conseillers en personne pour faire un rapport sur le succès de leur mission, mais aussi pour préparer leur prochain voyage : entre les artisans dont ils avaient besoin pour les aider à travailler les bouts de dragon qu'ils rapportaient, et les précieuses connaissances à glaner dans la grande bibliothèque royale, le descendant des rois du Rhudaur ne se sentait pas vraiment en vacances. Le temps allait vite leur filer entre les doigts, et il n'oubliait pas que plus longtemps ils resteraient, plus vite leurs poursuivants - et l'hiver - les rattraperaient. Et ils ne savaient même pas où ils devaient partir, ni ne connaissaient le pays qu'ils allaient parcourir. Ni quels objectifs réels poursuivait Tevildo. Il leur faudrait apprendre tout cela au plus vite s'ils voulaient avoir une chance de revenir un jour des terres glacées du Nord. Après tout, elles représentaient l'héritage de l'ancien royaume de Morgoth au Premier Âge. Si le Noir Ennemi du Monde avait été définitivement banni de la Terre du Milieu, peut-être ne pouvait-on en dire autant de ses anciens serviteurs...
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Niemal
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Grand Nord - 1re partie : préparatifs

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1 - Question de temps et d'objectif
Après un repos bien mérité et des discussions avec Narmegil et sa famille ou avec des membres de la famille royale, la première question qui se posa au groupe d'aventuriers fut la suivante : combien de temps resteraient-ils à Fornost Erain ? La question sous-entendue était de connaître les conséquences d'une pause d'un jour, une semaine, un mois ou plus : pouvaient-ils se permettre de prendre tout leur temps pour préparer au mieux leur prochaine expédition dans le Grand Nord, dans les terres que Dúnedain et elfes nommaient Forodwaith ? C'était un très vaste territoire allant de la Baie de Forochel jusqu'à la Désolation Glacée au nord des Montagnes Grises, et au-delà jusqu'à l'est de la Terre du Milieu. Reste de l'ancien territoire de Morgoth au Premier Âge, c'était avant tout un désert froid parcouru par certains de ses anciens serviteurs et créatures, selon les légendes...

Mais avant d'en savoir plus sur cette vaste étendue, il fallait en savoir plus sur leurs poursuivants et les objectifs de Tevildo. Car oui, au cours du voyage du retour, les divinations magiques de Drilun - entre autres - avaient clairement révélé que le groupe faisait l'objet d'une "attention particulière" de la part de trois puissants voyageurs. Pas qu'ils risquaient grand-chose tant qu'ils restaient à Fornost Erain, nom elfique désignant le "Norchâteau des Rois" - capitale de l'Arthedain - en langue commune, le ouistrain. Néanmoins, ils ne resteraient pas ici éternellement et ils reprendraient tôt ou tard la route pour accomplir les desseins du Prince des Chats, desseins qui restaient à préciser. Et à ce sujet, ledit prince ne se montrait guère bavard...

Ce qui poussa Geralt à essayer de le contacter : après tout, autant demander directement à la source, d'autant que rester dans un lit moelleux était sa conception du travail idéal. En effet, en raison du lien magique qui liait les aventuriers - Mordin excepté - à Tevildo, ce dernier pouvait facilement leur parler en songe et partager - ou espionner à leur insu - leurs pensées. Le paresseux maître-assassin s'installa confortablement et, tandis que sa conscience descendait les premières marches du sommeil, il appela le Prince des Chats pour lui poser quelques questions sur leur avenir. Le lien avec le puissant esprit des temps anciens était fort, et ce dernier ne mit pas longtemps à répondre.

Pour autant, il ne répondit pas à toutes les questions du balafré aux cheveux blancs : Geralt obtint parfois la réponse à certaines de ses interrogations, mais le plus souvent il fut laissé dans le vague, un peu comme si l'esprit jouait avec lui comme avec une souris. Oui, lors de leurs précédentes aventures, le groupe s'était fait de puissants ennemis, et à présent certains venaient s'occuper d'eux. Le plus longtemps les aventuriers resteraient à Fornost Erain, le plus de temps leurs poursuivants auraient, leur permettant d'arriver, de réunir des serviteurs et alliés, et de préparer un accueil à leur attention. Le mieux était de partir immédiatement, de toute manière il serait possible de s'équiper sur place selon Tevildo.

Mais pour aller où exactement ? Cette question resta finalement sans réponse, le Prince des Chats l'esquivant par une pirouette. Il avait constaté par le passé que les aventuriers avaient parfois d'excellentes initiatives et il dit qu'il ne tenait pas trop à les prendre par la main mais à leur laisser la bride sur le cou. Tout au plus se contenta-t-il de dire que de précédents aventuriers avaient été envoyés dans le Grand Nord, en bateau, mais ce dernier s'était échoué et il y avait du matériel à récupérer. Sur quelles côtes, dans quelle direction aller ? Mais Tevildo répondit que le bateau ne s'était pas échoué sur des côtes mais à l'intérieur des terres, dans un endroit parcouru par un vent glacial et puissant, un vent démoniaque. Un endroit où personne ne voulait aller car personne n'en revenait...

2 - Dette réglée
Après son "entretien", Geralt mit ses compagnons au courant de l'échange. Ils discutèrent de ces nouveaux éléments, des anciens qu'ils connaissaient déjà, et de ceux qui leur manquaient. Avec l'aide de Narmegil et de la famille royale, ils espéraient bien bénéficier de certaines ressources particulières de l'Arthedain ; comme par exemple ses voyants qui pouvaient voir à travers espace et temps dans les palantíri (ou "pierres de vue") possédés par la couronne. Restait encore à interpréter les visions tirées de ces pierres de vision magiques, dont certaines ne se réalisaient jamais ; mais les aventuriers se faisaient fort d'en tirer de précieux renseignements. Néanmoins, bien d'autres ressources royales risquaient d'être sollicitées, comme les meilleurs artisans de l'armée, la bibliothèque royale, et tous ceux capables de renseigner le groupe sur les terres du Grand Nord...

Tous avaient donc du pain sur la planche, et chaque membre du groupe trouva bientôt de quoi s'occuper. Taurgil avait une visite à faire à une ancienne connaissance aux frontières du Rhudaur, ce qui prendrait peut-être une demi-douzaine de jours de voyage aller et retour. A condition de ne pas avoir trop de problèmes en chemin, car ce dernier traversait essentiellement un no man's land parcouru par les ennemis - loups, orcs, cavaliers orientaux... - et que la vitesse primait sur la discrétion. Mais avec l'aide de la féline Femme des Bois sous sa forme de lionne magique, il espérait bien que le voyage ne serait qu'une formalité. Vif refusa de le prendre sur son dos, il dut donc prendre un bon cheval aux écuries, et ils furent partis tandis que leurs amis vaquaient à leurs tâches respectives.

Le cheval du Dúnadan filait vers l'est au simple galop, précédé par la lionne qui repérait facilement les cairns de l'ancien chemin qui menait à Nothva Rhaglaw. Ils trouvèrent bien des ennemis sur leur passage, effectivement, tant de journée que de nuit. Les premiers furent une bande de cavaliers orientaux que Vif dispersa avec un puissant rugissement, avant de terminer le travail à l'aide de ses griffes. Et il y eu aussi des loups et des orcs, certains montés. A chaque fois la lionne ouvrait le passage pour éliminer la menace et empêcher toute attaque sur le cheval de son compagnon. Sa constitution magique et ses puissantes griffes ne laissaient aucun espoir à ses adversaires, et elle n'écopait au mieux que d'égratignures vite oubliées. Et ils allaient trop vite pour que les ennemis puissent organiser une force qui puisse les inquiéter vraiment. La féline devait néanmoins se reposer, comme le cheval du rôdeur, mais les deux amis étaient très doués pour trouver des lieux de repos où ils ne seraient pas dérangés.

Ils arrivèrent donc à Nothva Rhaglaw dans l'après-midi du troisième jour. Vif se fit discrète, d'autant qu'elle sentait la magie qui protégeait les environs et qui ne la considérait pas vraiment comme une amie : le lien avec Tevildo était bien plus fort qu'à son précédent passage et elle n'était plus la bienvenue. Taurgil fit le tour de ses connaissances et échangea avec les uns et les autres, donnant des nouvelles aussi rapidement que possible. Puis il quitta la ville pour se diriger vers le Tateshalla, ce grand hall nordique qui abritait la dépouille d'un ancien roi auprès de qui il avait une dette. Il remit à son propriétaire l'équipement qu'il lui avait emprunté, et qui lui avait bien servi. Mais il ne serait plus nécessaire dans le Grand Nord, car le métal, même magique, n'y était pas adapté aux grands froids.

Avant de partir, l'esprit du roi chuchota quelques conseils à Taurgil, concernant des ennemis qu'il aurait à affronter à l'avenir. Le Dúnadan retourna à la ville où il passa la nuit, puis il retrouva sa compagne le lendemain. Tous deux prirent le chemin inverse en direction de l'Arthedain, chemin qu'ils avalèrent sans plus de difficulté qu'à l'aller. Ils retrouvèrent donc leurs amis avant le soir du sixième jour après leur départ de la capitale. Le Dúnadan avait réglé sa dette à l'égard du roi nordique qui protégeait la vallée aux frontières du Rhudaur, il pouvait maintenant se consacrer entièrement à leur prochain voyage dans le Forodwaith.

3 - Herbes et remèdes
Mais pendant ce temps-là, que faisaient les amis des deux rôdeurs ? Plusieurs d'entre eux essayaient tant bien que mal de trouver des marchands ou habitués des terres nordiques, mais sans succès : en ce début d'Ivanneth, huitième mois de l'année et dernier de l'été, c'était la pleine saison de la chasse, pêche ou des échanges avec ou entre les autochtones, et elle ne durait pas longtemps. Tous étaient donc là-bas pour en profiter avant l'arrivée du froid et de la neige en automne, qui bloquait vite tant les terres émergées que les étendues d'eau qui gelaient et piégeaient les bateaux - baleiniers en particulier - qui s'attardaient trop longtemps dans les eaux froides de la baie de Forochel. Bref, les habitués du Grand Nord étaient tous là-bas.

Ce qui n'empêchait pas de faire diverses recherches et emplettes à partir des quelques informations glanées çà et là auprès de quelques connaisseurs ou à travers des rapports de rôdeurs et érudits. Les terres du nord étaient couvertes de neige et de glace plus de la moitié de l'année, et la plupart des prédateurs naturels - loup blanc, ours polaire, panthère des neiges - s'habillaient de blanc ? Le corps félin de Vif risquait d'être trop visible avec ses belles couleurs fauves ? Le hobbit s'empressa d'aller chercher dans la nature herbes et autres ingrédients naturels, qu'il rapporta en grands volumes, afin de pouvoir préparer poudres et maquillages blancs en assez grande quantité pour donner une couleur très nordique à la lionne magique...

De la même manière, Mordin, en bon marchand (expert !) nain qu'il était, ne ménagea pas sa peine pour acheter au meilleur prix plantes et remèdes qui pourraient leur être utiles dans le Forodwaith. Il fut aidé en cela par les efforts de Narmegil et un décret royal qui donnèrent au groupe accès aux ressources du royaume, du moins en quantité raisonnable. De la même manière, les artisans d'Arthedain, tant civils que militaires, se devaient d'accorder une importance particulière aux requêtes des aventuriers. Autrement dit, dans la mesure où cela ne mettait pas en péril le fonctionnement de leur entreprise ou du royaume, Mordin et ses amis devaient être traités en priorité.

Certains de ces artisans furent un peu irrités par ces aventuriers pour qui rien d'autre n'existait que leur quête et leur voyage prochain pour le Forodwaith, sans aucune considération pour leur travail en cours ou leur vie personnelle. Néanmoins, le peuple d'Arthedain était soudé et obéissant à son roi, et les aventuriers étaient connus pour avoir grandement aidé le royaume par le passé. L'irritation fut donc réduite au minimum et les gens s'exécutèrent pour aider du mieux qu'ils pouvaient ce groupe d'individus exceptionnels pressés par le temps. Mordin put ainsi avoir accès à une grande quantité d'herbes médicinales de l'armée d'Arthedain, complétée par des visites auprès des apothicaires du royaume.

Ce qui ne voulait pas dire qu'il pouvait prendre n'importe quoi. Néanmoins il fut plus que tenté par de l'athelas, la "feuille de roi", même si cette dernière ne restait pas fraîche très longtemps. D'autres plantes médicinales furent également embarquées ou achetées, comme un peu de bonneherbe ; en insistant un peu, tellement les stocks de ce stimulant étaient faibles et utiles. Les cataplasmes déjà préparés furent laissés de côté car trop sensibles au froid, tandis que les baumes de soin, à base de graisse résistante au froid, eurent sa préférence. En plus d'une éventuelle utilisation, ils pouvaient être un élément important pour du troc avec les Lossoth, le peuple du Forodwaith. En effet, ces derniers n'utilisaient pas vraiment de système de monnaie mais le troc de biens et services. Et côté biens, étaient en grande demande ceux qui aidaient à la survie dans le Grand Nord : nourriture, vêtements chauds et isolants, soins et remèdes... entre autres choses.

4 - Autres emplettes et fabrications
Les apothicaires ne furent pas les seuls à être mis à contribution, loin de là. Le principal danger du Grand Nord, c'était le froid, et il fallait s'en protéger de plusieurs manières. En plus de manger une nourriture plus riche, avec notamment davantage de graisses, la protection contre le froid revêtait dans les terres nordiques une importance primordiale. Même les elfes, là-bas, risquaient de mourir d'hypothermie s'ils n'étaient pas suffisamment couverts. Il fallait donc couvrir l'essentiel du corps avec des vêtements bien isolants, y compris les extrémités comme pieds, mains et oreilles.

Vêtements isolants ? Ils étaient par exemple faits de peau de phoque ou de fourrures diverses, entre autres matériaux. Les fourrures les plus accessibles étaient celle des lièvres blancs ou lièvres des neiges, relativement communs dans le sud du Grand Nord, ou encore celle des loups blancs, peut-être le prédateur le plus courant de la région. Gros comme un warg et aussi dangereux, il était réputé pour sa férocité, sa faim éternelle et sa grande intelligence dans ses techniques de chasse. D'autres fourrures étaient encore plus réputées, comme celles de l'ours blanc ou de la panthère des neiges. Mais tant la rareté des animaux que les risques associés à leur chasse faisaient qu'ils n'étaient aucunement disponibles à Fornost Erain.

Tandis que Rob se faisait confectionner des bottes en peau de phoque, Mordin acheta des vêtements de fourrure de loup blanc pour toute l'équipe, Vif exceptée : la féline Femme des Bois pensait rester essentiellement sous sa forme animale, plus adaptée au froid que sa forme humaine. Si des félins comme les panthères des neiges pouvaient vivre sans mal dans les terres nordiques, la lionne enchantée ne devrait pas avoir de problème. Du coup elle donna son armure de peau résistante, trouvée sur des sorciers combattus dans l'Est, afin de servir aux autres membres de l'équipe. Un très bon artisan fut mis à contribution pour réaliser deux cagoules et paires de gants, auxquels Drilun ajouta parfois quelques runes magiques pour aider à la protection contre le froid. En effet, comment voulez-vous tirer à l'arc avec de grosses paires de moufles ?

L'archer-magicien ne se limita pas seulement aux vêtements : il utilisa ses runes pour insuffler de la magie dans une épée fabriquée à partir de corne de dragon qu'ils avaient rapportée du Rhovanion. Les artisans de l'armée d'Arthedain comptaient parmi les meilleurs, seulement dépassés par les nains et les elfes, et certains d'entre eux pouvaient travailler un tel matériau - et encore plus à l'aide des outils enchantés prêtés par Drilun. Les armes métalliques, dans le grand froid, risquaient de casser au moindre choc, sans parler du danger qu'elles représentaient : conducteur, le métal transmettait le froid comme aucun autre matériau - eau exceptée - et il absorbait toute chaleur environnante au risque de créer engelures et amputations (armes), ou hypothermie et mort (armures).

Au bout du compte, Geralt fit donc l'acquisition d'une épée magique en corne de dragon, aussi solide que le meilleur acier, et qui ne risquait pas de lui geler la main ou de se briser en morceaux chaque fois qu'il s'en servirait. L'ensemble du groupe mit de côté armes, armures et outils de métal, laissés à Narmegil et sa famille, pour s'équiper avec leur équivalent en bois, cuir, os, corne ou arête chaque fois que c'était possible. Et en s'en passant chaque fois que cela ne l'était pas : seules des armures de cuir seraient portées, ou des boucliers en os, bois et cuir. Mais l'équipe était déjà bien pourvue. Les arcs composites númenóréens, traditionnellement en métal, furent également mis de côté, comme la plupart des épées.

5 - Recherches en bibliothèque
Mais l'endroit dans lequel les aventuriers passèrent peut-être le plus de temps fut la bibliothèque royale. Même si elle ne pouvait se comparer à la grande bibliothèque d'Annúminas ou à celle d'Imladris ("Fondcombe"), elle représentait quand même l'un des plus importants recueils d'ouvrages du nord-ouest de la Terre du Milieu. Ce qui représentait aussi un défi de taille pour classer toute l'information qui y était stockée mais aussi pour la retrouver. Même avec l'aide de nombreux érudits formés à l'entretien, le classement et l'utilisation des parchemins et livres de la bibliothèque, trouver la bonne information ou juste l'information essentielle risquait de prendre du temps.

Heureusement, Narmegil avait pu rapidement obtenir, tandis que ses amis se reposaient du voyage, un outil essentiel pour leur future expédition : une carte détaillée du Grand Nord, mise à jour en permanence par les meilleurs rôdeurs et érudits du royaume. Le groupe d'aventuriers découvrit avec quelque surprise que les terres qu'ils allaient parcourir étaient bien plus vastes que ce à quoi ils s'attendaient. Au nord d'Arthedain se trouvait une vaste baie, dont les rivages plus à l'est laissaient place à de grandes plaines au nord des Montagnes Grises, plaines qui allaient jusqu'à l'est de la Terre du Milieu. Plus au nord se trouvaient des chaînes de montagnes, héritières des Montagnes de Fer érigées autrefois par Morgoth, mais aussi une région de lacs et de forêts résineuses. Et encore plus au nord, après un petit bras de mer souvent pris par les glaces, des étendues blanches dépourvues de vie que personne ne parcourait.

Tous n'avaient pas forcément la fibre d'un érudit et l'habitude de lire parchemins et autres supports écrits. Mais plusieurs y firent des recherches régulières, en s'appuyant sur le travail des bibliothécaires et des copistes pour les aider à trouver l'information recherchée et à leur faire un résumé sur des rouleaux ou parchemins. Drilun y consacra une partie non négligeable de son temps, même s'il était limité par la fabrication d'objets magiques divers pour l'ensemble du groupe. Il étudia la carte et en réalisa une copie, tout en recherchant des informations sur les symboles ou les noms qui y étaient inscrits. Et il était parfois aidé dans sa tâche par Geralt, qui tentait de retrouver les lieux évoqués en rêve par Tevildo.

Isilmë, pour sa part, fit des recherches sur les montagnes du Grand Nord et tout ce qu'elle pouvait trouver à ce sujet concernant leur possible escalade. En effet, d'après les renseignements fournis par l'entretien du maître-assassin avec le Prince des Chats et les visions des voyants d'Arthedain qui n'allaient pas tarder à suivre, il semblait bien que l'ascension de certaines montagnes ferait partie de leur séjour nordique. Manifestement, ils auraient à y trouver l'équipement des aventuriers partis avant eux, mais aussi un terrible ennemi qui portait le nom d'Eloeklo. Démon du froid et du vent, tout en lui faisait penser à un des anciens et puissants serviteurs de Morgoth, le "Noir Ennemi du Monde".

Mais après un moment, l'elfe avait changé de sujet de recherche et elle avait demandé la confection d'un lexique ouistrain-labba : ce dernier était la langue couramment parlée par les peuples humains qui occupaient les terres nordiques, que les elfes et Dúnedain appelaient les Lossoth, le "peuple des neiges". Elle s'était vite rendu compte que ces étranges nordiques adaptés à la vie dans le Grand Nord seraient leurs principaux interlocuteurs. Et qu'ils ne parlaient que leur langue à eux. De même, Vif rejoignit bientôt l'archère elfe après son voyage aux frontières du Rhudaur : elle aussi avait compris l'importance de connaître le plus de choses sur les Lossoth, leur culture et mode de vie, afin de s'en faire des amis et d'obtenir leur aide précieuse.

6 - Un peu d'histoire
Il serait vain de vouloir condenser en quelques phrases tout ce que les aventuriers lurent ou se firent résumer par les érudits d'Arthedain. Ou ce que leur dirent quelques contacts qu'ils purent trouver çà et là dans la capitale, car ils ne désespérèrent jamais de trouver des visiteurs du Grand Nord auprès de qui se renseigner. Par ailleurs, ils connaissaient certaines choses que même les érudits ignoraient, car ils les tenaient de sources sûres telles que le magicien Radagast. Ils se firent décrire des visions que les voyants d'Arthedain avaient perçues dans les palantíri, et auxquelles se rajoutèrent des divinations magiques de Drilun. De tout cela, il ressortait tout de même une certaine vue d'ensemble.

Et la première était que le Grand Nord était, à l'origine, la source du plus grand mal qui vit jamais le jour sur la Terre du Milieu : Morgoth, le Noir Ennemi du Monde, y résidait en effet par le passé. Il avait pour cela érigé de puissantes montagnes, les Montagnes de Fer (ou Ered Engrim en sindarin), dont les plus hauts sommets étaient trois montagnes volcaniques appelées Thangorodrim ("montagnes d'oppression"). Dans ces montagnes Morgoth avait bâti sa forteresse, Angband ("prison de fer"), dont le volcanisme lui permettait de donner l'énergie nécessaire à ses forges. Là furent réalisées nombre de créations destinées à apporter la mort et la destruction sur les peuples libres, et pas seulement des armes plus terribles les unes que les autres : parfois Angband vomissait de la lave sur ses ennemis, ou bien encore les dragons, créés en son sein.

Mais, comme tous les historiens le savent, le règne de Morgoth prit fin lors de la Guerre de la Colère. Les armées de Valinor affrontèrent celles du Noir Ennemi du Monde à la fin du Premier Âge dans un déchaînement de fureur et d'énergie. Ni les myriades de serviteurs ni ses plus terribles lieutenants, les "Démons de Puissance" (Balrog), ne sauvèrent Morgoth du courroux des Valar. Les trois pics du Thangorodrim furent brisés par la chute d'Ancalagon le Noir, le premier dragon ailé et le plus puissant de tous, abattu par les forces combinées d'Eärendil et de Thorondor. Angband fut détruite, de même qu'une partie des Montagnes de Fer, et les flots envahirent une partie des terres. Si terribles furent les forces libérées là que la face de la Terre du Milieu en fut changée à jamais.

Pour autant, même si Morgoth fut vaincu, le mal qu'il avait répandu n'avait pas pour autant été anéanti. Nombre de ses serviteurs s'étaient enfuis ou cachés dans les sombres tunnels qui parcouraient les profondeurs des montagnes, et dont ils se servaient pour voyager à l'abri du soleil et des espions ailés des Valar et de leurs alliés. Le froid glacial dont le Noir Ennemi du Monde avait empli son royaume perdurait, et la vie en était toujours absente. A tel point que la Valië Yavanna, nom quenya qui signifie la "pourvoyeuse de fruits", en versa de nombreuses larmes. Mais les aventuriers savaient que ces larmes, dont ils portaient un exemplaire, avaient un grand pouvoir de guérison et seraient un jour amenées à purifier le Nord et ses habitants...

Quoi qu'il en fût, tous partirent à l'issue de la Guerre de la Colère, hormis les serviteurs de Morgoth qui s'étaient cachés dans son ancien royaume. Petit à petit, la vie commença à reprendre ses droits et à coloniser ces terres, et avec elle les hommes arrivèrent. Au Second Âge, les armées de Sauron poursuivirent là un groupe d'elfes d'Eregion, qui virent leurs rangs réduits tant par les rigueurs de l'environnement que par certains des anciens serviteurs du Noir Ennemi du Monde. Mais les survivants finirent par trouver asile dans une région éternellement enveloppée de brouillard, surveillés de près par des dragons.

La chute de Númenor et la courbure du monde qui en résulta affecta certainement les terres nordiques, mais de manière mineure. Et comme personne ne se souciait d'elles, les peuplades qui les occupaient continuèrent à se développer. Arriva la Guerre de la Dernière Alliance, et avec elle la chute de Sauron et la fin du Second Âge. Elles n'eurent aucune conséquence pour le Forodwaith, sauf peut-être un verdissement plus rapide. En revanche, lorsque Angmar vit le jour, le froid se fit plus vif et les difficultés plus grandes pour les Lossoth et autres peuples qui occupaient la région. Par ailleurs, les anciens serviteurs de Morgoth se firent plus actifs. En parallèle, des récits nouveaux virent le jour qui parlèrent de la corruption d'objets magiques anciens utilisés par les Lossoth, et d'une épidémie de morts-vivants. Et si Angmar ne se souciait guère des terres nordiques, il ne les oubliait pas complètement et y envoyait régulièrement espions et hordes de guerriers sanguinaires.

7 - Géographie, faune et flore
Lors de la chute de Morgoth à la fin de la Guerre de la Colère, les terres subirent de grands bouleversements. Les anciennes Montagnes de Fer furent par endroit rasées, et la mer pénétra loin à l'intérieur des terres, formant ainsi la baie de Forochel. Et la carte que Narmegil avait trouvée montrait qu'elle était loin d'être ridicule en taille : du nord au sud ou d'est ou ouest, elle avait une longueur d'environ quatre cents miles (~ 640 km), avec des côtes très irrégulières. Au nord de la baie se trouvaient encore les restes des anciennes montagnes de Morgoth, elles-mêmes surmontées plus au nord par un étroit bras de mer. Mais la plupart du temps, ce bras de mer était pris par les glaces et il était possible de marcher jusqu'aux glaces éternelles qui composaient le pôle nord de la Terre du Milieu.

La baie de Forochel elle-même était en grande partie prise par les glaces de la fin de l'automne aux débuts du printemps. Ses eaux étaient riches en poissons divers et les mammifères marins qui s'en délectaient : phoques, morses et baleines, abondamment chassés par les Lossoth comme les baleiniers du Cardolan. Les poissons eux-mêmes nourrissaient également nombre d'oiseaux et certains remontaient les rivières qui se déversaient dans la baie pour frayer, ce dont profitaient divers prédateurs à quatre ou deux pattes. La vie restait liée à la présence d'eau liquide, et celle-ci abondait dans la région.

Jusqu'à un certain point : le sud et l'est de la baie formaient des toundras, grandes étendues herbeuses occupées par des troupeaux de rennes et d'élans, entre autres ongulés. Mais avec la distance, plus loin à l'est, l'eau se faisait plus rare et le climat plus froid : les sols restaient gelés en permanence et aucune plante ne poussait. En hiver, les troupeaux d'ongulés descendaient dans le sud, en Eriador ou dans les vallées abritées des Monts Brumeux voire des Montagnes Grises. Certains restaient plus au nord, à l'est des anciennes montagnes et forteresses de Morgoth, dans une région de lacs couverte en grande partie par des forêts de conifères.

Les prédateurs ne manquaient pas. Si certains, au sud, étaient communs à l'Eriador, comme les loups gris ou l'ours noir, d'autres étaient spécifiques au Forodwaith : ours blancs qui n'hibernaient jamais et se nourrissaient de poissons, de phoques, de bouquetins et de baies en été ; loups blancs qui poursuivaient les troupeaux des toundras et dont la fourrure était très recherchée, mais qui étaient aussi très craints : avec eux, on ne savait jamais qui était le chasseur et qui était la proie. On trouvait également, en montagne, la panthère des neiges, tellement discrète et agile qu'on ne voyait en général d'elle que ses traces...

Difficile aussi de ne pas citer, en été, les myriades de moustiques et autres parasites ailés qui profitaient de la belle - et courte - saison pour se gorger du sang des mammifères à deux ou quatre pattes. De tout cela profitaient aussi divers oiseaux et rongeurs, les plus petits arrivant à continuer à vivre sous la neige en hiver tandis que d'autres préféraient hiberner. Les montagnes abritaient aussi quelques aigles qui profitaient de ces rongeurs ou des plus petits ongulés. Quelques loutres ou visons occupaient également la région des lacs, de même que quelques grosses corneilles peu appréciées des populations locales.

8 - Peuples et cultures
Là où la vie prospère, même de manière limitée, des peuples peuvent s'installer. Dès le Second Âge, des humains arrivèrent dans les terres nordiques. Les elfes ou les Dúnedain leur donnèrent le nom de Lossoth, ou "Hommes des Neiges", mais dans leur langue, le labba, ils s'appelaient les Ystävät Talven, les "Amis de l'Hiver". Ils se développèrent sur les côtes de la baie de Forochel, à pêcher et chasser le phoque, la baleine, l'élan et le renne, et plus à l'intérieur des terres en suivant les populations d'ongulés. Ils colonisèrent ainsi les côtes du sud à l'est de la baie, ainsi qu'une partie des toundras et jusqu'à la région des lacs. Certains disent que les Lossoth venaient de l'Est et fuyaient un peuple de guerriers belliqueux.

Quoi qu'il en fût, le développement pacifique des Lossoth attira bientôt ces fameux barbares qui ne connaissaient pas d'autre loi que celle du plus fort. Ils se déplaçaient sur des bouts de bois ou d'os qui glissaient sur la neige, les skis, ou dans des traineaux tirés par des ours blancs affamés, et un chef terrible semblait les pousser par ici. Les Lossoth fuirent ou se cachèrent, et une partie d'entre eux émigra autour des montagnes du nord de la baie, notamment les Ered Rhívamar, ou "Montagnes du Bord du Monde". Privés des troupeaux d'élans et de rennes, ces peuplades dépendaient davantage de la mer et de la chasse aux phoques et aux baleines. Les hordes aux traineaux repartirent dans l'Est mais les Lossoth restèrent, plus ou moins divisés en deux peuples assez proches. Ces hordes de guerriers sanguinaires refirent néanmoins leur apparition lorsque le royaume d'Angmar fut fondé par son roi-sorcier.

Dans les montagnes, les Lossoth découvrirent qu'ils n'étaient pas seuls. Des elfes habitaient une vallée cachée par la brume, un lieu plus chaud et où des arbres arrivaient à pousser comme nulle part ailleurs. Il s'agissait sans doute des réfugiés d'Eregion chassés là par les troupes de Sauron au Second Âge, mais les contacts avec eux furent très limités : des dragons occupaient également les montagnes et cherchaient à entrer dans la vallée cachée, ou à défaut se défoulaient sur ceux qui s'en approchaient trop. S'il n'y avait pas eu d'autres références à ces réfugiés noldor, la présence de ces elfes aurait pu n'être qu'une quelconque légende, d'autant qu'il en existe d'autres qui parlent d'êtres semblables à des elfes aux cheveux blancs et qui supportent des températures que même les elfes du sud n'arrivent pas à endurer. Une légende des Lossoth raconte même que ces "elfes des neiges" auraient appris aux hommes des neiges à parler leur langue chantante, le labba.

Elfes des neiges ou Noldor réfugiés dans la vallée des brumes éternelles, difficile de savoir ce qu'il en était vraiment avec la présence des dragons. D'autant qu'ils n'étaient pas les seuls rescapés des anciennes armées de Morgoth : plusieurs tribus d'orcs habitaient toujours certaines parties des montagnes du nord de la baie. Heureusement, les Lossoth, très dispersés et peu actifs durant le long hiver pendant lequel les orcs s'activaient, ne représentaient pas une cible attrayante ou très facile à atteindre. Et ces orcs passaient plus de temps à se combattre entre eux qu'à chercher noise aux autres peuples de la région. Bien qu'il semblât que cela ait changé dernièrement, suite à l'émergence d'un chef orc ayant réussi à unifier la plupart des tribus.

A cela il faudrait aussi rajouter des trolls et des géants de glace dans les montagnes, heureusement rares et que la chaleur et le soleil font fuir ou endorment. Il semblait aussi que les nains aient depuis longtemps fouillé la région voire se soient installés sur place : deux peuplements d'Umli, comme ils s'appellent eux-mêmes, étaient présents dans les côtes sud-est de la baie et dans la région des lacs. Enfin, un clan de grands hommes nordiques apparentés aux Béornides s'installa brièvement sur les côtes sud-est de la baie. Malheureusement, ils refusèrent de verser un tribut aux forces d'Angmar et une armée les força à fuir après de lourdes pertes. Ils finirent néanmoins par former un nouveau campement dans la région des lacs, loin d'Angmar et de ses sbires.

Le tableau ne serait pas totalement complet si l'on ne parlait pas de certaines légendes dont chacun sait qu'elles reposent en général sur un fond de vérité. Rappelons les elfes des neiges dont certains disent qu'ils vivent dans une cité lumineuse au beau milieu des glaces éternelles du pôle nord de la Terre du Milieu. Et d'ailleurs, nul ne conteste la véracité des rubans colorés qui ondulent parfois dans le ciel nordique des longs mois d'hiver. Une autre légende parle de Lossoth ayant choisi de vivre non pas sur les côtes de la baie mais dans des montagnes de glace flottant sur l'eau, les icebergs. Enfin, divers esprits rôderaient çà et là dans les terres ou mers nordiques, comme par exemple Eloeklo, un esprit de vent et de glace qui habiterait les plus hautes montagnes ; ou Jäänainen, une femme splendide que le froid n'affecte pas, et qui séduit les hommes qu'on retrouve plus tard gelés dans la neige et le froid. Et des histoires récentes parlent d'une invasion de morts-vivants dans le nord de la baie...

9 - Mode de vie des Lossoth
Le petit condensé sur les Lossoth réalisé par des bibliothécaires à la demande de Vif comprenait de nombreux points sur leur mode de vie particulier. Ce qui en ressortait avant tout était que la nécessité de survie dans le Grand Nord demandait un grand recul vis-à-vis des choses personnelles, et cela pouvait facilement choquer les visiteurs. En bref, les conflits ou les manifestations d'un trop grand égoïsme pouvaient mettre en danger le groupe entier. Et cet "égoïsme" commençait lorsqu'un individu profitait du groupe sans rien donner en retour, et il allait parfois très loin. Une personne inutile menaçait l'équilibre du groupe par la simple consommation de précieuse nourriture qui pouvait manquer pendant la mauvaise saison...

Mais les visiteurs des terres nordiques voyaient autre chose en premier : un peuple timide mais ouvert aux étrangers qui montraient leurs intentions pacifiques et leur capacité à accepter la vie et l'entraide communautaire et égalitaire qui étaient à la base de la vie des Lossoth. Les conflits, en particulier, n'avaient pas lieu d'être et menaçaient la communauté. S'ils étaient inévitables, ils devaient être réglés au plus vite, par exemple par un duel de chant. Il s'agissait plutôt d'un affrontement en prose, éventuellement en chanson, dont la communauté se faisait juge. Une fois le vainqueur désigné par les applaudissements de la communauté, la question était réglée et on n'y revenait plus. Sans quoi la ou les sources du conflit se voyaient vite isolées voire expulsées du groupe.

La vie des Lossoth était beaucoup rythmée par les saisons et la recherche de nourriture. De nature nomade, le peuple des neiges suivait en été les sources de nourriture - élans et rennes, mais aussi mammifères marins et toute autre source de provende animale comme végétale - dans des camps de tentes de peau. Le court été était l'occasion de se gorger de nourriture et de préparer la mauvaise saison en constituant des stocks de viande ou poisson séchés voire fumés. Sans oublier de faire ou réparer de nouveaux vêtements chauds, armes pour la chasse ou la pêche, bateaux, etc. En hiver, les peaux disparaissaient au profit d'une maison de glace faite à partir de neige tassée et découpée en blocs disposés de manière à constituer de petits dômes étroits pour chaque famille, plus un ou deux plus grands que les autres pour accueillir la communauté entière dans les nombreux épisodes de mauvais temps où tous restaient bloqués à réparer, bricoler, fabriquer des petits objets d'artisanat (sculpture, couture...), chanter et raconter des histoires.

Car la culture des Lossoth était avant tout orale : ils ne disposaient pas de système d'écriture, même s'ils utilisaient parfois des runes pour désigner des concepts et idées. En revanche, ils se sentaient en communion permanente avec l'environnement et un soi-disant monde des esprits qui se manifestait par des signes les plus divers, que certains d'entre eux savaient interpréter. Il n'existait pas vraiment de chefs parmi eux mais certains étaient des "sages" - souvent des femmes - qui percevaient l'équilibre entre la vie et la mort et savaient quelle voie menait à l'un ou à l'autre ; souvent ces personnes étaient des soigneurs et célébraient les rites de passage (mariage, naissance, mort...). D'autres étaient des "nommeurs d'esprit" - toutes des femmes - qui savaient communiquer avec ces derniers et éviter de provoquer leur courroux, voire solliciter leur aide. Certains leur attribuaient des pouvoirs magiques, et en général ils bénéficiaient des meilleurs équipements.

L'effacement de l'individu derrière le groupe pouvait souvent choquer les visiteurs. Ainsi, des personnes âgées qui ne pouvaient plus rien apporter à leur sept (famille élargie voyageant et vivant ensemble) ou leur clan (désigné par un animal totémique) par leur travail ou leur savoir, décidaient souvent d'eux-mêmes de quitter les leurs pour aller dans le monde des esprits ; autrement dit, de se suicider, le plus souvent en mourant de froid loin des leurs. A l'inverse, le partage et l'hospitalité des Lossoth pouvait aller très loin. Ainsi, lorsqu'une famille partageait son repas avec des (rares) invités, il était de coutume de partager aussi son lit : même si les femmes étaient parfaitement libres de se refuser à quiconque (mari compris), elles ne le faisaient que rarement et le mari en tirait même de l'estime. Les enfants pouvaient être de pères différents mais ils faisaient naturellement partie de la famille, du sept (en particulier en cas de mort précoce des parents) ou du clan.

La lecture des présages et signes envoyés par les esprits était d'une grande importance, et la mort faisait partie du quotidien. Les morts étaient envoyés à leur sort sur des bateaux ou radeaux sur les rivières, ou immergés en mer, ou recouverts de pierres à l'intérieur des terres. Après quoi les survivants tâchaient de ne garder d'eux que de bons souvenirs et la vie reprenait son cours, avec de nouveaux mariages et de nouvelles naissances. Tout ce qui nuisait à l'harmonie du monde - orcs, trolls, dragons... - devait être éliminé ou fui. Ainsi, les Lossoth pouvaient parfois être soumis par la contrainte, notamment aux armées d'Angmar, mais rares étaient ceux qui acceptaient volontairement de les servir. D'où les échecs répétés du roi-sorcier pour en faire ses serviteurs ou esclaves. A contrario, de tous les peuples libres, les hobbits, bien que très rares, semblaient les préférés des Lossoth : leur nature joviale et pacifique et leur maîtrise de la nourriture comptaient sans doute pour beaucoup.

10 - Visions - poursuites et menaces
Néanmoins, en plus de l'apprentissage de la vie dans le Grand Nord et de ses habitants, une partie importante de la discussion entre les aventuriers tourna autour des visions et des divinations magiques apportées par les voyants d'Arthedain (à travers les palantíri) ou Drilun lui-même, à travers ses sortilèges. Narmegil, et les actions passées des aventuriers au bénéfice de la couronne, leur avaient obtenu un accès à ce que le royaume d'Arthedain possédait de plus précieux : pouvoir interroger les pierres de vue magiques venues de Númenor et au-delà, cadeau des elfes aux ancêtres des Dúnedain.

Mais si l'accès aux pierres était possible, grâce aux voyants spécifiquement entraînés à leur utilisation, la maîtrise des visions et leur interprétation en était une autre. Rares étaient ceux capables de sélectionner et orienter ce qu'ils pouvaient voir à travers les pierres, plutôt qu'une vision complètement aléatoire. Il fallait du temps et de l'énergie pour cela, et il n'était pas possible de vagabonder dans le temps et l'espace à trouver des solutions à tous les problèmes des aventuriers. En bref, les voyants pouvaient s'engager à chercher chaque jour des visions se rapportant à un sujet précis, et à en rapporter la description au groupe. L'interprétation qu'ils en feraient restait à leur discrétion. Et certaines des visions rapportées pouvaient ne jamais se réaliser, disait-on.

Les visions qui furent demandées concernaient des sujets différents mais plusieurs revenaient sans cesse. Parmi ceux-ci figuraient les poursuivants du groupe. Trois puissants personnages avaient pris les aventuriers en chasse, le groupe voulait en savoir plus à leur sujet, et plusieurs requêtes furent faites aux voyants pour en apprendre davantage. L'une de ces visions rapporta la vue nocturne de deux cavaliers en habits noirs, dont les traits étaient impossibles à distinguer, chevauchant non loin d'un grand fleuve avec des montagnes lointaines sur leur gauche et la lisière d'une vaste forêt loin à droite. Ce qui n'était pas sans rappeler la vallée de l'Anduin, entre les Monts Brumeux à gauche et la Forêt Sombre à droite, donc un trajet vers le nord. Au-dessus d'eux cheminait une silhouette humaine portée par de grandes ailes, et de tous se dégageait une impression de puissance et de peur...

A l'aide de divers détails fournis par le voyant ayant réalisé la vision, ainsi que des sorts divinatoires du Dunéen du groupe, le trio fut relativement facile à identifier : la créature volante était le démon du froid Andalonil, puissant lieutenant de Dol Guldur qui avait par le passé battu le groupe sans grand mal, groupe sauvé par l'intervention de Radagast. Les deux autres étaient sûrement des personnes magiques et puissantes comme le Grimburgoth, qui lui aussi avait terrassé les aventuriers sans le moindre effort, et qui lui aussi avait été mis en échec grâce au magicien brun. Un trio de choc que le groupe ne pouvait pas espérer combattre de manière équitable et victorieuse.

Diverses discussions portèrent sur leurs intentions et leurs moyens, mais une chose semblait sûre : s'ils ne viendraient certainement pas au sein de l'Arthedain pour combattre Taurgil et ses amis, ils avaient tout loisir de rassembler des serviteurs en Angmar ou plus au nord pour les aider à attendre, trouver ou piéger les aventuriers dans le Forodwaith. Une autre vision, qui remua fortement les entrailles du voyant qui la fit, montra des hordes de guerriers barbares en train d'attaquer et de détruire de manière particulièrement cruelle et sanglante un village de probables Lossoth. Autrement dit, le trio de poursuivants, s'il n'arrivait pas à débusquer les aventuriers, s'en prendrait indirectement aux Lossoth pour faire réagir Vif et compagnie... et leur tomber dessus. Drilun se fit la réflexion que ses amis et lui étaient donc une menace pour tous ceux qu'ils devaient bientôt côtoyer, même de loin...

11 - Eloeklo et aventuriers
Plusieurs visions concernèrent un vaste sujet du nom d'Eloeklo. Il semblait que le groupe serait amené à le rencontrer, et ce pour plusieurs raisons. D'une part car c'était la volonté de Tevildo : l'être en question avait paraît-il anéanti des aventuriers partis pour le Grand Nord et qui avaient un lien avec le Prince des Chats. Et ils avaient avec eux de puissants objets magiques qui auraient sûrement leur utilité, à condition de pouvoir les récupérer. Mais en dehors de Tevildo, Taurgil lui-même avait été prévenu par le fantôme d'un ancien roi que cet être des temps anciens serait tôt ou tard sur sa route et qu'il fallait s'en méfier. Il semblait d'ailleurs qu'il était aveugle et que le combat n'était peut-être pas la seule manière de l'aborder...

Certaines des visions que fit le voyant dédié à servir les aventuriers étaient clairement des images du passé : Eloeklo était certainement un ancien et puissant serviteur de Morgoth qui défendait les montagnes de son maître. Il avait été vaincu par de puissants sortilèges qui avaient détruit sa forme physique et l'emprisonnaient dans le Nord, à tout le moins sa conscience et une partie de ses pouvoirs. Il n'était guère autre chose à présent qu'un nuage de vents violents et glacials, prisonnier des hauteurs des montagnes de Forodwaith. Mais ce nuage avait eu des interactions avec de nombreuses personnes. En plus de figurer dans les légendes des Lossoth, il avait manifestement croisé le chemin des réfugiés noldor d'Eregion lorsqu'ils fuyaient les troupes de Sauron, au Second Âge. Et il avait aussi anéanti un vaisseau volant plein d'aventuriers dans leur voyage pour le Grand Nord.

Le lien avec les aventuriers était d'ailleurs assez complexe, car il semblait qu'à défaut de forme physique stable, Eloeklo avait fini par posséder le corps de quelqu'un d'autre : une jeune et superbe elfe qui avait de grands pouvoirs magiques comme celui - prêté par le démon ou propre à la magicienne - de manipuler les éléments. Certains des aventuriers avaient vaguement entendu parler d'eux à Fondcombe ou ailleurs, et Vif savait qu'un de ses anciens amis de chez elle faisait partie de cette ancienne équipe. En tout cas, une vision montrait assez clairement que le funeste destin et l'échouage du bateau en montagne était le fait de la magicienne elfe et non directement d'une attaque d'Eloeklo. Même si cela ne faisait guère de différence : l'elfe n'était sans doute qu'une marionnette manipulée par le puissant esprit.

D'autres visions s'attardèrent sur les membres de l'équipage. Tous n'avaient pas péri, même si de la plupart il ne restait plus que des morceaux de corps glacés et perdus dans les flancs inhospitaliers d'une montagne du Nord, que Drilun pensa avoir cernée grâce à ses sorts divinatoires. L'un d'eux était une petite femme blanche aux yeux rouges, une albinos naine et dont le corps était transformé en lynx blanc sous le contrôle du Prince des Chats, Tevildo. De la magicienne elfe possédée par le démon du froid il a déjà été question. Mais un autre membre de l'équipe avait survécu, l'ancien ami de la féline Femme des Bois et Homme des Bois lui-même : Dwimfa, car c'était son nom, avait été éjecté du bateau (ou avait-il sauté quand il avait senti le vent tourner ?) avant sa chute et son éparpillement. Comment il avait pu survivre à une telle chute et retrouver la civilisation, c'était un mystère. En tout cas une vision le montrait clairement vivant et hôte d'une espèce de caverne de glace aux côtés de probables Lossoth.

D'autres visions montrèrent qu'Eloeklo ne connaissait que la destruction comme mode opératoire et motivation. Sans doute qu'il ne rêvait de rien de plus que d'être libéré de sa prison et de partir se venger et détruire le monde. Et sa puissance était presque incommensurable : Andalonil, lui-même démon du froid, était manifestement un pion en comparaison du maître du froid et des tempêtes. En revanche, une vision montra que la discrétion était peut-être son point faible : dans cette dernière, un petit être discret accédait aux débris du vaisseau sans se faire repérer par le puissant et proche nuage de glace tourbillonnante et démoniaque.

12 - Serpent de feu et gardien de lave
Un autre habitant des terres glacées que le groupe serait sans doute amené à rencontrer, d'après le fantôme du roi auprès de qui Taurgil avait une dette maintenant réglée, était un être similaire à Eloeklo, mais fait de feu. En fait, lui aussi semblait être un ancien lieutenant de Morgoth emprisonné sur les terres de son ancien maître, et pas n'importe où. En effet, la destruction du Thangorodrim, cette immense montagne aux trois pics volcaniques, n'avait pas eu pour seule conséquence la destruction de l'ancienne forteresse d'Angband. A sa place le sol était désormais creusé sur plusieurs miles, et au fond de la dépression reposait un lac de lave qui émettait en permanence des fumées nauséabondes et toxiques.

L'endroit était connu des érudits et portait même un nom, Eithel Morgoth ("Puits de Morgoth"). La lumière et la chaleur qui s'en dégageaient en faisaient parfois un moyen de repère commode car visible à de nombreux miles à la ronde quand le ciel était clair, en particulier en hiver. Des légendes courraient même à propos de la vie qui florissait aux abords du lac de lave, plutôt côté nord car les vapeurs toxiques portées par le vent du nord rendaient la vie difficile au sud de la dépression. Les érudits mentionnaient des herbes miraculeuses qui ne poussaient que là-bas. Mais ces légendes entraient en conflit avec d'autres qui prétendaient que personne ne revenait d'un voyage dans ce sinistre puits...

Quoi qu'il en fût, le voyant fut particulièrement choqué par la vision qu'il fit de ce fameux serpent de feu dont on lui avait parlé. Non seulement il avait vu le Puits de Morgoth et son lac de lave, mais il avait réussi à distinguer une espèce d'énorme serpent qui dormait dans la roche en fusion. Mais ne dormait que d'un œil : le serpent en question, se sentant observé à travers le palantír, s'était brusquement réveillé et il avait comme plongé vers le voyant tandis que le lac de lave entrait en éruption ! La vision avait été brutalement interrompue et le voyant d'Arthedain, après avoir attendu un moment que son cœur se calme un peu, n'avait pu que constater qu'il n'avait pas réussi à maîtriser ses sphincters...

Au moins une autre vision fut essayée pour tenter de trouver un moyen de combattre l'être de feu qui semblait prisonnier du lac de lave et qui ne rêvait que de libération et de destruction. Mais ou bien le voyant n'avait pas su ou pu mener à bien ce qui lui avait été demandé, ou bien la conclusion était tout autre : il n'était tout simplement pas possible de combattre ce probable ancien lieutenant de Morgoth. Cet esprit des temps anciens faisait d'ailleurs beaucoup penser aux "démons de puissance" au service du Noir Ennemi du Monde, démons dont l'appellation en langue elfique n'était autre que Balrog. Un bref moment, le voyant avait peut-être eu la vision d'un être non avec une forme de serpent mais celle d'un immense démon ailé fait de feu et d'obscurité...

Dans tous les cas, cela faisait de ce démon du feu un nouvel adversaire qu'il n'était sans doute pas possible de combattre. Et pourtant l'équipe serait sans doute amenée à le rencontrer ! Quelles en étaient les raisons, les aventuriers ne pouvaient guère faire que des conjonctures. Mais l'une d'elles était que cet endroit correspondait aux anciennes forges d'Angband, où de nombreux objets avaient été forgés. Peut-être que l'un d'eux était l'amulette qui avait pu emprisonner le Prince des Chats, Tevildo. Et peut-être que le seul moyen de le libérer était de détruire l'amulette à l'endroit même où elle avait été créée...

13 - Secrets et derniers préparatifs
Une vision fut également posée au voyant, mais seul un membre du groupe se vit décrire ce que la personne avait vu dans le palantír. En effet, la vision portait sur Tevildo, Prince des Chats, et la manière de se débarrasser de lui. Malheureusement, il avait un tel lien avec les membres du groupe, ils étaient déjà tellement corrompus par sa magie, qu'il pouvait sans mal lire dans leurs pensées en permanence. Sauf Mordin, qui n'avait jamais accepté quoi que ce fût de la part du Maia, et qui donc ne pouvait être espionné de manière aussi aisée qu'avec les autres. La vision fut donc partagée avec lui seul. A l'issue de l'entretien, l'air sombre, il partit en ville faire quelque achat et revint avec une bouteille de vin d'un cru rare et cher, probablement de Dorwinion. Avec une bonne et une mauvaise nouvelle : la mauvaise était qu'il n'était pas possible de se débarrasser de Tevildo. La bonne était qu'il avait acheté - cher ! - la présente bouteille de vin pour la partager avec eux et profiter du moment plutôt que de déprimer quant à leurs épreuves à venir...

Mordin et son exceptionnelle générosité étonnèrent certains de ses amis, et le maître-assassin, expert en mensonges, eut un sourire troublé. De son côté, Drilun ne put s'empêcher de consulter ses cailloux magiques pour en savoir plus. Le voyant qui utilisait le palantír, comme d'autres fois auparavant, avait été en contact avec la larme de Yavanna de l'équipe pour éviter toute tentative d'espionnage magique de la part du Prince des Chats. Mais si certains membres de l'équipe en savaient plus sur les réelles intentions du nain, qui sait comment Tevildo allait réagir ? Quoi qu'il en fût, le mal était fait et chacun vaqua à ses occupations avant le prochain départ.

Car ils ne tarderaient plus longtemps. Ils étaient restés deux semaines à Fornost Erain et ils avaient conclu qu'il fallait désormais bouger, faute de quoi les mauvaises surprises seraient plus nombreuses à les attendre dans le Grand Nord. Geralt avait enfin pu rencontrer le capitaine de la garde royale, Halmir Eketta : malgré son appartenance à l'agressive famille Eketta, le maître-assassin avait entière confiance en l'homme, fidèle au roi et à sa famille, comme de précédentes aventures l'avaient montré. Le balafré aux cheveux blancs souhaitait en effet en apprendre plus sur Inhael Eketta, un vieux rôdeur de plus de deux siècles d'âge et le plus grand spécialiste du Grand Nord en Arthedain. Halmir le rassura sur son parent, qui détestait la politique et était tombé amoureux du Forodwaith. En revanche, il y passait l'essentiel de sa vie, sauf parfois le cœur de l'hiver, et il n'était donc pas possible de l'attendre ici. Par ailleurs il bougeait beaucoup, voyageant de village en village, et il ne serait sans doute pas facile à trouver sans l'aide des Lossoth.

Mais si les principaux connaisseurs du Grand Nord, marchands, chasseurs, herboristes et rôdeurs, étaient tous partis là-bas pour profiter de la courte et belle saison, toute aide n'était pas impossible. Le groupe obtint de pouvoir être guidé à travers le nord de l'Arthedain jusqu'aux premières côtes du sud de la baie de Forochel. Le trajet représentait autour de trois cents miles (~ 480 km) dans des terres essentiellement sauvages. Une partie pourrait se faire à cheval jusqu'aux tours de garde les plus au nord de la région. Au-delà ce n'était que collines désertes essentiellement parcourues par des orcs, des rôdeurs et des aventuriers.

Deux (principaux) chemins étaient d'ailleurs possibles : aller directement au nord en traversant des territoires contrôlés par l'ennemi, et notamment une importante tribu d'orcs ; ou passer plus à l'ouest pour les éviter, au risque de rallonger le temps de trajet d'une bonne semaine peut-être. Dans le premier cas la discrétion serait problématique car les orcs étaient nombreux et possédaient de nombreux wargs ; au minimum des combats seraient à prévoir, à moins de traverser lentement et avec moult précautions. Dans le second cas, Angmar ou ses alliés auraient du mal à percevoir le passage des aventuriers, mais ils auraient plus de temps pour leur tendre une embuscade ou installer des espions plus au nord et à l'est.
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Grand Nord - 2e partie : tractations et épreuve de force

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1 - Destination et mode de transport
Au bout du compte, après divers échanges et comparaisons du pour et du contre, une majorité d'aventuriers pencha pour rester groupé. Par ailleurs, après consultation de cartes militaires obtenues par Narmegil où la présence des tribus orcs était indiquée, le chemin choisi passerait par l'ouest et remonterait la rivière Lhûn, non loin des Montagnes Bleues : le secteur était jugé sûr de bout en bout, relativement sauvage et occupé par les Hommes des Rivières. C'était un peuple nomade qui parcourait la rivière et ses affluents pour transporter diverses marchandises entre les peuplades naines et humaines comme les Lossoth ou les Dúnedain d'Arthedain. Les orcs ne venaient jamais aussi loin depuis Angmar, et les elfes et les nains avaient depuis longtemps éliminés ceux des Montagnes Bleues.

Autre avantage possible : la rapidité. En effet, même s'il n'y avait pas ou peu de routes qui remontaient le cours du fleuve, essentiellement des sentiers, il serait possible d'utiliser des chevaux. Ces derniers seraient remis à la garde des rôdeurs qui accompagneraient l'équipe lorsque le Grand Nord serait atteint et que l'utilité des chevaux deviendrait discutable. De cette manière, le groupe pouvait espérer atteindre assez vite Mulkan, un village de Lossoth du sud-ouest du Grand Nord habitués aux marchands, trappeurs et aventuriers qui s'aventuraient par chez eux. Le village était donc bien pourvu en marchandises et équipement divers pour affronter les rigueurs du pays.

Dans un premier temps, la route de l'ouest serait prise jusqu'à l'ancienne capitale en ruines, Annúminas, sur les rives du lac Nenuial. Prise par les forces d'Angmar en 1409, elle n'avait jamais été reconstruite et était à l'abandon. Après quoi la route poursuivrait plus à l'ouest à travers les terres des grandes maisons nobles d'Arthedain comme Tarma et Orros, avant d'arriver à Caras Celairnen, au confluent de la rivière Lhûn et d'un de ses affluents. Le lieu hébergeait un centre de formation des rôdeurs du royaume où le groupe pourrait reposer. Après quoi il faudrait longer la rivière côté occidental ou oriental, le choix de prendre des embarcations pour remonter la rivière ayant été rejeté.

Les avantages et inconvénients des deux rives de la rivière furent débattus : la rive ouest était la plus usitée par marchands nains et autres voyageurs à terre, un peu plus facile à suivre hormis pour franchir les nombreux affluents de la rivière qui descendaient des montagnes. Côté est, la rive était plus sauvage, le relief plus escarpé, les chemins moins nombreux. Un peu plus dur pour des chevaux mais globalement plus discret, la région ne connaissant aucun centre urbain ; tout au plus y aurait-il quelques hameaux d'Hommes des Rivières où leurs bateaux pouvaient faire halte et où demeuraient en permanence certaines personnes âgées ou de jeunes enfants et leurs mères.

L'équipe était donc fin prête pour partir au milieu du mois d'Ivanneth, le dernier de l'été. Trois rôdeurs accompagneraient le groupe qui avait pu bénéficier du prêt de très bons chevaux de la couronne pour cette équipée. Des vivres en bonne quantité avaient été achetés, sans parler de moult équipement adapté à la vie dans le Grand Nord, même si certains resteraient à acheter sur place. Mais le matin du départ de l'expédition, un imprévu obligea à revoir le calendrier du départ : Mordin semblait atteint d'un mal de dos carabiné qui, selon ses dires, ne lui permettait pas de voyager à cheval. Il faudrait donc patienter quelques jours de plus jusqu'à ce qu'il se sente capable de voyager.

2 - Mal de dos nain
Certains des personnages se trouvèrent un peu dans l'embarras vis-à-vis des rôdeurs d'Arthedain qui devaient les accompagner. Vif, de son côté, s'était déjà éclipsée la veille avec Taurgil pour bénéficier de ses compétences : grâce à son aide, elle avait pu se transformer dans un bosquet proche de la ville fortifiée. Puis elle avait bénéficié d'un sort afin de l'aider à se reposer après cette transformation qui lui demandait toujours beaucoup d'énergie. Mais ses amis ne s'en faisaient pas pour elle, ils savaient qu'elle se débrouillerait et les attendrait. Et puis Drilun profita de l'occasion pour commencer de nouveaux objets magiques qui leur serviraient. Bref, chacun fit contre mauvaise fortune bon cœur.

Pas tous néanmoins : Geralt était quelque peu irrité par son ami, car ses compétences lui disaient assez clairement que le réel problème ne venait pas du dos du nain. D'ailleurs, Mordin n'avait pas vraiment laissé les soigneurs de l'équipe l'examiner ou tenter de le soigner, avançant des prétextes liés à sa condition de nain, prétextes qui ne l'avaient pas du tout convaincu ! Manifestement, le nain faisait semblant d'avoir mal et il voulait rester plus longtemps. Pour qui et pourquoi, ce n'était pas très clair et il en voulait à son ami de ne pas leur en avoir parlé. D'autant que les conséquences n'étaient pas anodines : pendant ce temps-là, leurs ennemis ne se reposaient pas...

Et cela ne s'en arrêta pas là : Mordin remit le couvert le lendemain, malgré une embellie l'après-midi du premier jour. En effet, après une sieste plus ou moins partagée par certains, Rob avait confié à son ami barbu que les conditions étaient remplies pour voir leur voyage commencer. Après quoi ledit barbu avait demandé à ses amis soigneurs et magiciens d'examiner les membres du groupe, ce qui permit de révéler que, aux perceptions magiques de certains, le lien qui unissait le hobbit à Tevildo - son degré de "corruption" en quelque sorte - avait semblait-il baissé légèrement. Mais cela n'était aucunement le cas pour les autres...

Par ailleurs, avant leur départ mais aussi après le début de leur délai, le marchand nain s'était éclipsé plus d'une fois sans parler de ce qu'il avait fait. Comme d'ailleurs Vif, sur un laps de temps à peu près similaire. De là à penser que Mordin tentait de marchander avec Tevildo pour obtenir Eru savait quoi, il y avait un pas que le maître-assassin franchit vite et qui l'inquiéta plus qu'un peu : il savait à quel point le nain pouvait être têtu et opiniâtre, mais son compagnon savait-il à quel point il risquait d'irriter le Prince des Chats, et surtout comprenait-il les conséquences que cela pouvait avoir sur les Lossoth, sur eux et sur bien d'autres ?

Et il en eut un exemple très parlant lors d'une nouvelle sieste, le second jour où Mordin prétextait son mal de dos pour retarder le départ du groupe : un cauchemar bien éprouvant comme il avait déjà connu par le passé lui rappela combien Tevildo pouvait pourrir la vie de ses serviteurs qui lui déplaisaient. Bien sûr, ils avaient toujours une larme de Yavanna pour protéger certains d'entre eux des influences du Maia, mais c'était bien insuffisant pour tout le groupe. L'irritation de l'esprit des temps anciens se fit davantage perceptible et Geralt eut la vision d'un autre être avec qui ils partageaient l'influence de Tevildo... et la présente habitation : Míriel, fille demi-elfe d'Isis et Narmegil, risquait de faire les frais de l'entêtement du nain !

3 - Tractations et pression félines
Le ton monta entre l'humain aux nombreuses balafres et son compère à la longue barbe. Si Geralt comprenait très bien que Mordin ne souhaitait pas les mettre dans la confidence à cause du lien qu'ils partageaient tous - lui excepté - avec Tevildo, il n'était pas du tout d'accord avec les risques qu'il faisait courir non seulement au groupe mais à beaucoup d'autres. Et il lui cita en vrac : les Lossoth qui risquaient de souffrir davantage de leur retard ; la fille d'Isis qui ne pouvait vivre en permanence avec la larme de Yavanna accrochée au bras ou ailleurs ; la réaction d'Isis qui risquait de les rôtir vif si elle apprenait qu'on jouait avec le bien-être de sa fille dans des tractations avec Tevildo ; la réaction possible des elfes et des Dúnedain s'ils savaient que la possible future reine ou ascendante d'un roi du royaume, que certains voyants avaient vu en Míriel, voyait sa santé menacée par les agissements des aventuriers...

Toujours aussi opiniâtre, Mordin ne lâcha pas le morceau et ne détailla toujours pas ses motivations, même s'il reconnaissait jouer à un jeu dangereux. Mais pour lui le temps jouait en sa faveur : le Prince des Chats ne pouvait se permettre de laisser trop de retard s'accumuler, cela mettait en péril ses beaux jouets que les aventuriers représentaient pour lui - les meilleurs qu'il ait jamais eus ! Il finirait tôt ou tard par céder quelque chose. Et puis, de toute manière, il était impensable de ne pas lui résister : une fois ses objectifs atteints, Mordin et ses amis ne seraient que quantité négligeable et ils ne survivraient pas au Maia s'il recouvrait tous ses pouvoirs !

Son instinct de nain marchand lui disait qu'il pouvait obtenir mieux. Il se rappela le premier contact où il avait invoqué Tevildo à travers des chats, sans en parler au groupe ; tout cela pour avoir la surprise de voir arriver Vif, chargée de servir d'intermédiaire en communication féline ! Il n'avait obtenu de l'esprit des temps anciens que des belles paroles et des promesses sans rien de concret, alors que lui avait besoin de plus : la libération de ses amis de l'influence du Maia, ou à tout le moins une nette diminution de son influence. En montrant qu'il était prêt à retarder le groupe et donc de les mettre tous en péril, il avait obtenu un début avec un petit mieux concernant le hobbit. Mais le côté somme toute ridicule de ce geste ne l'avait pas convaincu, il voulait plus et mieux ! Par ailleurs, le Prince des Chats avait montré son intérêt - à travers Vif - pour la vision demandée aux voyants concernant les moyens de lutter contre lui, vision décrite au nain et à lui seul.

Les amis de Mordin étaient tous d'accord qu'on ne pouvait laisser Tevildo faire comme il voulait. Mais Drilun rappela bien que Elrond lui-même pensait que l'influence grandissante du Maia au sein du groupe était aussi sa plus grande faiblesse et qu'une occasion pourrait se présenter de le mettre en péril. D'autres membres de l'équipe appuyèrent en ce sens, à savoir que plus l'esprit se dispersait en tentant de les influencer, moins il était fort. Affronter de face le Prince des Chats était un jeu dangereux et il avait trop de moyens de pression. L'opportunisme et l'affaiblissement progressif de Tevildo semblaient être une voie plus facile...

En fin de compte, Geralt menaça son compagnon de tout raconter à Isis s'il n'en disait pas plus, et d'en supporter ensuite les conséquences. Poussé par le maître-assassin, Mordin le fit patienter en disant qu'il attendait un message, sans détailler - même si ses amis s'en doutaient - qu'il avait eu un échange avec Vif en dehors de la ville et qu'elle lui ferait savoir dès que possible la réaction de son maître. Elle lui fit effectivement savoir que Tevildo n'avait cédé en rien aux exigences du nain, sous la forme d'une brindille d'une forme particulière portée par un chat depuis l'extérieur de la ville. Chat qui trouva le chemin de la maison Eldanar où ils résidaient tous, et où il se fit connaître. Chat dont la brindille fut rapidement saisie par le nain et brisée en morceaux après avoir compris le message. Après quoi Mordin fit comme si tout allait bien, esquivant les demandes de précision de son compagnon aux cheveux blancs et refusant de détailler la nature du message ou des tractations qu'il tentait de faire aboutir...

4 - Cris et départ
Non loin de la ville, Vif se prélassait dans un arbre tandis que le soir tombait. Suite à ses échanges secrets avec le nain, elle avait pressenti l'arrivée des ennuis, même si elle respectait ses tentatives et sa volonté d'essayer de faire avancer les choses. Aussi avait-elle bien dormi en journée, au cas fort probable où le Prince des Chats finirait par s'énerver. Il ne fut d'ailleurs pas le premier, et la féline Femme des Bois ne fut aucunement surprise d'entendre un cri perçant parvenir de la forteresse où résidaient ses amis. Son ouïe était en effet assez fine pour identifier ce bruit malgré le bruit de fond de la ville et la distance. Isis poussait une gueulante, et il était facile de deviner pourquoi : elle venait d'apprendre le jeu dangereux que jouait Mordin (quelqu'un avait dû l'en informer qui n'aimait pas les méthodes du nain...) et l'impact possible sur sa fille.

Le cri finit par disparaître et la féline rôdeuse visualisa très bien les voisins de la famille Eldanar, alertés par les bruits, accourir vers la maison de Míriel, Isis, Narmegil et son grand-père Tarcandil. Elle imagina sans mal ses amis, et en particulier Geralt, réussir à calmer ces mêmes voisins par quelques belles paroles. Apaiser l'elfe bouillonnante qu'était la mère de Míriel, par contre, avait dû être plus difficile ; mais sans doute Geralt avait-il su la convaincre - il savait être vraiment persuasif - qu'il ferait tout pour protéger la petite demi-elfe. Par contre, Tevildo allait certainement mettre ses menaces à exécution et la nuit promettait d'être longue...

Et c'est bien ce qui arriva : le maître-assassin s'était engagé à veiller toute la nuit pour que la fille d'Isis et Narmegil, par ailleurs filleule de Drilun et Vif, puisse dormir protégée du Maia à l'aide de la larme de Yavanna. Ses parents veillèrent également, de même que Taurgil qui avait senti le vent venir et qui s'était lui aussi bien reposé en journée. Ne parlons même pas d'Isilmë qui n'avait pas besoin de se reposer autant que les autres et qui préféra aussi rester éveillée. Quant aux derniers, à part Mordin qui n'avait pas de lien avec Tevildo et dont le sommeil ne fut pas troublé, ils connurent les affres de cauchemars particulièrement réalistes. Au bout du compte, le hobbit et le Dunéen en sortirent encore plus fatigués qu'après une nuit blanche ! Vif préféra veiller elle aussi, bien entendu.

Si le nain aurait bien voulu prolonger le rapport de force et obtenir davantage du Prince des Chats, il n'en eut pas vraiment l'occasion. L'équipe se retrouva bientôt à la rue, poussée dehors par une elfe qui voulait les voir partir le plus loin de sa fille et le plus vite possible ! Peut-être que cela voulait dire que la larme de Yavanna ne serait plus là pour protéger Míriel, mais Isis n'en avait cure : elle imaginait assez bien que Tevildo se calmerait une fois ses anciens amis partis pour leur destin dans le Grand Nord. Sans oublier que son mari avait des compétences certaines dans les soins magiques et qu'elle pouvait espérer de lui de pouvoir protéger sa fille mieux que quiconque ou presque, avec l'appui de la famille royale d'Arthedain au besoin - et elle avait déjà eu preuve de leurs capacités par le passé.

Le groupe retrouva donc rôdeurs et chevaux, qui, ordre dúnadan oblige, avaient patiemment attendu le bon vouloir des aventuriers. Une fois hors de la ville ils retrouvèrent Vif sous sa forme de grand félin. Les rôdeurs avaient été prévenus et ne firent pas trop de commentaires, d'autant qu'ils eurent fort à faire, au début, pour maîtriser les chevaux qu'ils montaient et qui auraient bien voulu aller dans une autre direction. Mais c'étaient de bonnes bêtes, obéissantes comme un peu tout le monde dans ce royaume. Tous prirent la route de l'ouest ; comme le soleil était de la partie et que la route était bonne, le galop fut adopté afin d'avaler le plus de distance et ne plus accumuler de retard.

5 - Vers l'ouest et le nord
La route fut donc avalée sans mal, chacun ayant son cheval sauf Rob qui montait en croupe de la monture de Geralt. L'automne approchait et de nombreuses personnes qui travaillaient aux champs les virent passer, mais l'équipe ne s'arrêta pas. En milieu de matinée la ville de Rood fut atteinte et dépassée, et la rivière que les hobbits nommaient Brandevin (Baranduin/"Rivière Brune" en langue elfique) fut longée jusqu'à sa source, le lac Nenuial ou "Lac du Crépuscule" en langue elfique. C'est là que reposaient les ruines d'Annúminas, ancienne capitale d'Arnor puis d'Arthedain. Mais le groupe ne s'attarda pas et profita de la lumière pour poursuivre la route le long du sud du lac.

Ce n'était plus la route pavée qui joignait l'ancienne et la nouvelle capitale, mais tout de même un chemin bien visible et régulièrement emprunté. L'allure diminua un peu, et en soirée les cavaliers s'arrêtèrent dans un hameau où ils reçurent l'hospitalité. En tant qu'envoyés de la couronne, comme l'attestaient les rôdeurs qui les accompagnaient, ils pouvaient s'attendre à un bon accueil partout où ils allaient. Pour autant, ils ne s'attardèrent pas pour des mondanités, et le lendemain ils traversèrent les terres des seigneurs Orros et Tarma sans présenter leurs hommages. Certains aperçurent peut-être la tour de Tarmabar au loin mais personne ne tenait vraiment à faire un détour.

Après avoir laissé les Collines du Crépuscule (Emyn Uial en sindarin) au nord et derrière eux, les aventuriers et leurs guides se rapprochèrent de l'embouchure de la rivière Lhûn, mais leur objectif n'était pas les Havres Gris. A un moment ils tournèrent vers le nord pour atteindre la rivière à l'endroit où l'un de ses affluents, la Rivière du Crépuscule (Uialduin), se jetait dedans. La confluence des deux rivières abritait Caras Celairnen sur un éperon rocheux entouré de marécages. C'était la ville d'Arthedain la plus à l'ouest du royaume, et elle hébergeait un centre de formation des rôdeurs de la couronne où ils firent halte avant de repartir dès le lendemain.

L'allure se fit plus lente, d'autant qu'il fallait tout d'abord franchir les zones marécageuses qui protégeaient la ville sur de nombreux miles. Le sentier étroit fut donc parcouru au pas, et lorsque le sol se fit plus sec une allure plus rapide put être reprise. Un sentier continuait à longer la rivière vers le nord mais il était peu employé : la plupart des voyageurs, et en particulier les marchands nains, prenaient plutôt la rive occidentale, voire utilisaient les services des Hommes des Rivières qui remontaient ou descendaient la rivière Lhûn et ses affluents dans de petites embarcations qu'ils dirigeaient essentiellement à la rame.

Au cours des jours qui suivirent, Taurgil et ses amis rencontrèrent régulièrement cette peuplade assez rustre. Ou bien ils voyaient certains sur la rivière avec leurs embarcations, ou bien ils longeaient ou traversaient de petits hameaux où les bateaux pouvaient faire halte. Ces minuscules bourgades sans réelle échoppe ou quelconque commerce pouvaient néanmoins abriter des voyageurs, mais elles servaient avant tout aux nomades les plus vieux ou jeunes, ou malades, qui ne pouvaient pas ou plus voyager comme les autres membres de leur culture. Globalement c'étaient des gens peu bavards ou enclins à communiquer, ce qui convenait parfaitement aux aventuriers qui recherchaient avant tout rapidité et discrétion.

Les premiers jours furent calmes et l'allure relativement soutenue : même si la chevauchée se faisait hors des sentiers battus, sur un terrain parfois un peu escarpé, tous étaient d'assez bons voire très bons cavaliers et les montures étaient de qualité. Le temps n'était pas toujours le meilleur et les chevaux devaient parfois ralentir, mais sinon le voyage était loin d'être exténuant. En soirée les sorts de Drilun permettaient parfois de trouver une grotte pour s'abriter, même si la configuration (hauteur parfois !) demandait quelquefois des efforts et ne permettait pas toujours d'en faire profiter les chevaux. Cela laissait même parfois assez de temps pour aller chercher des herbes, recherche facilitée par la larme de Yavanna. Sans parler de Vif qui chassait de temps en temps le gibier sous sa forme féline, gibier qu'elle partageait et que Rob préparait ensuite pour le plus grand plaisir de ses compagnons.

6 - Neige précoce
Mais une nuit, alors que tant les rôdeurs d'Arthedain que le Dúnadan du groupe s'attendaient à du beau temps, ils durent au contraire affronter une tempête de neige, à la fin de l'été ! Même si les températures avaient baissé avec la proximité des montagnes et le voyage vers le nord, c'était un temps plus qu'exceptionnel et inattendu. L'origine magique et même maléfique était manifeste et assez facile à percevoir pour les gens compétents, ainsi que le fait que les éléments hivernaux semblaient affecter un secteur relativement petit... et centré sur le groupe. Le phénomène semblait puissant et venir de loin à l'est. Le roi-sorcier d'Angmar était-il à l'origine de cette perturbation, ou l'un de ses sbires ? Et si oui, comment leur présence avait-elle été perçue ?

Cette question pouvait avoir de multiples réponses : entre la présence de Vif à leurs côtés, les sorts parfois utilisés par le magicien du groupe ou la trace magique (ou autre...) de certains de leurs objets, les suivre ne semblait pas si difficile que cela à un sorcier chevronné. Encore fallait-il pouvoir le faire sur une vaste distance... En tout cas, Drilun répondit à la magie dont ils semblaient la cible par la sienne : il apaisa quelque peu les éléments autour du groupe, si bien que la neige était moins drue autour d'eux et les chevaux moins gênés. Il fallut en effet repartir trouver un meilleur abri avant que le temps et les conditions n'empirassent.

L'archer-magicien dunéen repéra une belle caverne à distance modérée grâce à sa magie. Mais, arrivés sur place, ils virent qu'il fallait un peu d'escalade pour y parvenir et il fallut faire un abri pour les chevaux, abri que ces derniers partagèrent avec Isilmë. En fait, la caverne en question n'était pas inoccupée : avant même d'y arriver, les sens exceptionnellement fins de la lionne magique lui avaient indiqué que des hommes y résidaient. La plupart dormaient mais deux d'entre eux veillaient autour d'un feu, d'après les bruits qu'elle seule arrivait à percevoir. Pourtant le bruit de la rivière toute proche aurait dû couvrir de tels sons, mais les oreilles de la féline Femme des Bois étaient particulièrement sensibles cette nuit-là.

En fait, cette caverne était cachée et essentiellement accessible depuis la rivière alors qu'elle contournait un gros éperon rocheux. Elle avait été découverte par des Hommes des Rivières qui en avaient fait une halte secrète invisible des quelconques voyageurs à terre. En escaladant le rocher il était tout de même possible d'y entrer mais non sans mal, et encore plus de nuit et avec une paroi en partie balayée par le vent et la neige ! Après s'être fait connaître des occupants, le groupe s'invita dans ce très bon abri, parfois avec l'aide de la lionne pour ceux - comme le nain - qui avaient du mal avec les compétences d'escalade.

Les Hommes des Rivières ne virent pas d'un très bon œil ces nouveaux venus violer le secret de leur abri. Mais ils firent contre mauvaise fortune bon cœur, d'autant que les aventuriers et leurs guides semblaient des gens importants et non agressifs, et surtout pressés par le mauvais temps. Et puis ces nouveaux arrivants promirent de ne pas dévoiler l'emplacement du site, et plusieurs membres du groupe avaient l'habitude et le bagout nécessaire pour calmer les esprits. Ce fut une occasion de plus de discuter avec les gens du cru, comme avec les rôdeurs d'ailleurs, concernant ce phénomène inhabituel ou d'autres histoires au sujet du Grand Nord.

Les aventuriers repartirent le lendemain, toujours avec l'aide de la magie de Drilun. Le groupe put progresser dans une neige plus ou moins épaisse, même à vitesse réduite, et rien de plus fâcheux que ce mauvais temps n'advint aux sept compagnons et à leurs guides rôdeurs, ainsi qu'aux chevaux. Le principal problème concernait surtout ces derniers, à savoir que la neige recouvrait l'herbe dont ils avaient besoin pour se nourrir, d'où des pauses plus longues pour utiliser les pelles à neige dont certains s'étaient équipés. Mais après une journée un peu difficile, le temps reprit une allure plus normale et la neige, le vent et le froid disparurent. Le groupe put alors progresser plusieurs jours sans nouvelle anicroche, et les frontières de l'Arthedain furent bientôt franchies. Un soir, l'équipe fit halte dans un hameau d'Hommes des Rivières sur un petit affluent de la rivière Lhûn, rivière qu'ils avaient quittée pour se diriger plein nord. Ils entreraient bientôt, dès le lendemain, sur les premières terres de Forodwaith.

7 - Histoires et précisions
Les habitants de la minuscule bourgade où ils s'étaient arrêtés avaient l'habitude d'aventuriers de tout poil partis explorer les terres nordiques, parfois sans l'équipement adéquat. Ce fut donc l'occasion de troquer des raquettes, entre autres choses, contre des pierres semi-précieuses ou de bonnes histoires. Le groupe avait décidé de garder les chevaux jusqu'à Mulkan, un proche village des Lossoth et point de départ de nombreux explorateurs du Grand Nord. Une neige précoce recouvrait les terres qui les séparaient des "Hommes des Neiges", mais pas assez pour mettre en péril leurs montures. Ils pouvaient donc se permettre de se charger un peu plus, car ce n'est qu'à partir de Mulkan que leurs guides repartiraient avec leurs chevaux pour revenir au sud.

Avant d'entrer dans le Grand Nord, les aventuriers purent faire le point des histoires entendues çà et là au cours du voyage et des questions que cela posait parfois. Ils avaient entendu dire que depuis l'arrivée du roi-sorcier d'Angmar à Carn Dûm, sa capitale, les Lossoth mais aussi les gens de l'Arthedain se plaignaient que le temps devenait plus froid et imprévisible, au point même de menacer les peuples qui vivaient dans le Forodwaith et qui étaient pourtant rompus à ses caprices. Suite à leur épisode neigeux le groupe ne pouvait que compatir et se demander à quoi une tempête pouvait vraiment ressembler au pays de l'hiver, comme on appelait parfois le Grand Nord.

D'autres récits avaient porté sur les fameux guerriers venus de l'Est et qui se déplaçaient à ski ou sur des traineaux tirés par des ours polaires. Leur férocité et leur cruauté ne semblaient avoir aucune limite, et certains Hommes des Rivières firent part d'histoires que les Lossoth leur avaient racontées. Ainsi, lorsque les hordes des traineaux conquéraient un village de Lossoth, ils ne tuaient pas tout le monde mais faisaient des prisonniers. Puis une grande fosse était creusée dans laquelle un ours polaire était placé et excité jusqu'à l'enragement par des petites piques de lance et autres amabilités. Les prisonniers étaient alors jetés en pâture à l'ours et les spectateurs pariaient sur le déroulement de la boucherie. Si par un hasard extraordinaire un prisonnier arrivait à rester en vie, il était jugé digne de servir d'esclave à la horde, sort tout aussi funeste mais bien plus long que de périr par la griffe ou les crocs d'un ours polaire enragé !

Les aventuriers prêtèrent une grande attention aux moyens de locomotion dans le Grand Nord et en particulier à partir de Mulkan. Selon les conditions météorologiques en vigueur, le mois d'Ivanneth, qui était le dernier de l'été, correspondait déjà au bref automne du Grand Nord, pour ne rien dire des neiges précoces qui faisaient déjà leur apparition. Les eaux de la baie de Forochel étaient encore liquides, mais les baleiniers et autres vaisseaux allaient vite rentrer car les glaces commençaient déjà à s'étendre depuis le nord du pays. Mulkan était un petit village côtier, même s'il bougeait d'année en année et de saison en saison. C'était un village de pêcheurs et des embarcations du Cardolan mouillaient parfois à proximité avant de repartir vers le sud. Passer par des voies navigables ne représentait-il pas une alternative à des voies enneigées et facilement surveillées par les espions d'Angmar ?

Mais si cela restait possible, l'avis des Hommes des Rivières était assez nuancé : à partir de l'automne - qui était court - les glaces pouvaient parfois prendre très vite. De plus, sur les côtes, les premières glaces étaient dangereuses : d'une part elles empêchaient les bateaux de trop s'approcher des terres, d'autre part elles étaient trop fines pour pouvoir marcher dessus. Sans parler du danger des glaces couvertes de neige que les étrangers prenaient pour de la solide terre ferme enneigée... avant de faire un plongeon dans l'eau glacée ! Ce qui était en général synonyme de mort rapide si l'on ne pouvait faire un feu pour faire sécher ses vêtements et se protéger du froid. Sans même parler de ceux qui n'avaient même pas le temps de sortir de l'eau et qui mouraient de noyade ou d'hypothermie...
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Niemal
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Grand Nord - 3e partie : marais et mauvais esprits

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1 - Accueil frileux
Le lendemain, les aventuriers et les trois rôdeurs prirent une nouvelle fois leurs montures. Ils longèrent l'affluent de la rivière Lhûn vers son amont, en direction du nord. Au fur et à mesure que le groupe montait dans des collines basses, la rivière se faisait plus petite. La source fut bientôt franchie et la petite troupe arriva à un sommet qui marquait la limite de partage des eaux entre Eriador et Forodwaith. Au loin, malgré le temps plutôt couvert, certains pensèrent distinguer une ligne bleutée qui devait correspondre aux eaux de la baie glaciale de Forochel. Le chemin qu'ils suivaient se prolongeait et ils poursuivirent vers le nord. Ils longèrent bientôt une forêt et décidèrent de faire une pause pour, entre autres choses, rechercher des herbes rares et utiles comme la noix de l'écureuil.

Ils n'étaient pas non plus seuls. Ils avaient rejoint une nouvelle rivière qui allait dans la même direction qu'eux. Elle se jetait dans les eaux de la baie et le village de Mulkan était traditionnellement disposé près de son embouchure, même s'il changeait régulièrement de place. Des Hommes des Rivières étaient également présents, mais aussi des petits groupes de chasseurs lossoth. Les premiers semblaient avoir de bons contacts avec les Hommes des Neiges, traduction de "Lossoth", avec qui ils faisaient régulièrement du commerce. Quant aux seconds, ils profitaient des terres sauvages et giboyeuses pour faire leurs réserves pour l'hiver. De nombreux rennes vivaient dans les environs, de même que des élans, sans parler de la faune plus classique comme chevreuils, lièvres, renards et bien d'autres.

Tandis que Taurgil partait en quête de leur fantastique stimulant, avec un certain succès, Vif se mettait en chasse et revenait bientôt avec un cadavre de renne. Pour le plus grand plaisir de Rob qui se mettrait bientôt aux fourneaux, et le plus grand plaisir des papilles du groupe qui pourrait bientôt se délecter de la nouvelle viande. Et pas seulement, car d'autres membres de l'équipée, tels qu'Isilmë, entrèrent en contact avec les autochtones, entre autres pour les inviter. Ou du moins ils essayèrent : si cela ne posait aucun problème aux Hommes des Rivières qui campaient là de partager un repas et de discuter, les quelques Lossoth présents semblaient plutôt timides, ce qui étonna même leurs amis friands d'embarcation. Les Hommes des Neiges semblaient intimidés par les aventuriers, comme s'ils reconnaissaient en eux quelque chose dont ils avaient entendu parler, et pas qu'en bien. Et les rôdeurs qui accompagnaient le groupe ne recevaient pas une attention similaire, il s'agissait bien de quelque chose propre aux sept aventuriers.

Pourtant Geralt essayait de cacher sa mine balafrée et tous évitaient de mettre leurs armes en avant. Bien sûr, Mordin ne pouvait éviter de faire chanter un peu les anneaux de sa cotte de mailles qu'il portait encore sur lui. Vif évitait de se montrer, et elle était d'ailleurs repartie en chasse ; elle reviendrait un peu plus tard non loin du campement avec le corps d'un élan qui pourrait servir de troc avec les autochtones. Même Rob, s'il ne provoquait pas autant que ses compagnons des mines inquiètes chez les Lossoth, ne semblait guère attirer ces derniers. Les hobbits avaient pourtant bonne réputation parmi eux, entre autres à cause de leurs talents culinaires. D'ailleurs le semi-homme du groupe allait vite prouver qu'il méritait largement cette réputation ! Mais il y avait bien autre chose...

Entre le succulent plat du hobbit et les efforts des uns ou des autres pour dérider leurs compagnons de hasard, telles les pitreries de Geralt qui se moquait de ses compagnons, les Hommes des Neiges se déridèrent après un moment et ils acceptèrent plus facilement de parler. Certains comprenaient très bien le ouistrain, ce qui facilita les échanges. Et effectivement, il semblait que la réputation des aventuriers les précédait, comme cela fut confirmé de nombreuses fois par la suite. Les héros de l'Eriador ou du Rhovanion apprirent bientôt, le soir même ou au cours des jours qui suivirent, que deux histoires couraient à leur sujet, associées à une description assez fidèle de leurs personnes. En fait ils entendirent de nombreuses histoires différentes mais elles se rapportaient toujours plus ou moins à deux principaux récits.

Le premier avait pour origine prétendue des attaques des Hordes des Traineaux qui semblaient chercher les aventuriers et qui se disaient prêts à tuer (très) douloureusement tous ceux qui aideraient Taurgil et ses amis. Le second venait des Lossoth eux-mêmes : il semblait que le monde des esprits, qui avait pour eux une grande importance, avait prévenu par le biais de certains shamans que les aventuriers seraient bientôt là et qu'ils attiraient mauvais esprits, malchance et funeste destin, pour ne pas dire plus. En bref, pour la bonne santé de tous, il fallait les éviter comme la peste ! Certains crurent que leurs ennemis répandaient des racontars à leur sujet pour faire fuir de potentiels alliés ; mais d'autres, Taurgil en tête, pensèrent que tout cela était la stricte vérité : les Lossoth qu'ils allaient côtoyer étaient en danger de mort et le moins ils approcheraient le groupe, le mieux cela valait pour eux...

2 - Inconscience et arrivée
Au petit matin, les quelques Hommes des Neige avec qui les aventuriers avaient échangé n'étaient plus là : ils avaient déguerpi très tôt, laissant même sur place la viande d'élan qui leur avait été offerte. Les traces dans le sol indiquaient qu'ils étaient descendus dans la direction de Mulkan, la destination du groupe. Ils seraient donc rejoints sans doute rapidement sur la route ou dans le village même des Lossoth, qui n'était distant que de quelques heures de marche selon les rôdeurs ou les Hommes des Rivières. La viande d'élan fut emballée avec l'idée que ce serait une marchandise précieuse auprès des autochtones, et chacun se prépara à partir. Pourtant, une personne manquait à l'appel alors que tous étaient prêts : où donc était passée Isilmë ?

Elle s'était isolée peu auparavant et elle gisait non loin de là, sur le sol, inconsciente. Aucun des soigneurs du groupe ne trouva la moindre blessure ou contusion sur son corps : rien ne laissait penser qu'elle avait été attaquée. Par ailleurs, Vif, qui rôdait dans les environs et dont la qualité des perceptions n'était plus à démontrer, n'avait rien perçu d'anormal. Restait que la belle elfe était dans un coma dont les efforts de ses amis pour la réveiller demeurèrent vains, même avec l'aide du contact de la larme de Yavanna. Ce qui indiquait seulement qu'elle n'avait pas été la cible d'un ténébreux sortilège.

En désespoir de cause, la guerrière elfe fut disposée sur le travois qui avait déjà été préparé pour le transport de la viande, qui serait placée sur le cheval vacant. Puis la troupe se mit en route et suivit la rivière qui les mènerait bientôt à Mulkan, leur premier objectif. Au cours de la matinée, de nouveaux petits groupes de chasseurs lossoth furent rencontrés, qui se montrèrent prudents voire distants, et peu bavards. Certains d'entre eux étaient accompagnés de chiens qui aidaient à la chasse et qui se lancèrent parfois à la poursuite de la lionne magique une fois qu'ils eurent croisé son odeur. Cela arriva plus d'une fois au cours des jours à venir, mais la lionne les distança toujours sans mal. En une occasion, près des marais proches de Mulkan, elle vint même à la rescousse d'un des chiens qui avait fini dans des sables mouvants...

Les eaux proches de la baie de Forochel furent bientôt visibles et la physionomie des environs changea : les aventuriers étaient passés d'une zone de collines à un terrain plus plat où la rivière faisait de nombreux méandres et où les zones humides voire marécageuses étaient plus nombreuses. Au grand bénéfice de la flore et de la faune qui semblaient toutes deux assez riches. Enfin, les aventuriers distinguèrent un groupe de petites habitations près de l'embouchure de la rivière qu'ils suivaient. Ce n'étaient guère plus que des cabanes de terre, de bois et de peaux sans doute faciles à monter ou démonter, et c'était le village de Mulkan. Ses habitants vivaient de pêche et de chasse et faisaient le commerce de fourrures avec les Hommes des Rivières. Ce qui leur permettait d'acquérir de nombreux outils et objets de métal qui pouvaient leur servir et faisaient parfois des envieux auprès d'autres Lossoth, qui ne pouvaient en faire autant. D'autant que l'usage du métal posait problème ailleurs que dans le sud de Forodwaith, lorsque le climat était plus froid.

Il n'y avait guère plus d'une vingtaine de huttes, mais un certain attroupement réunissait quelques dizaines de personnes au milieu du village. Les chasseurs rencontrés la veille semblaient le centre de l'attention des villageois, et il n'était pas difficile, même sans parler la langue ou sans être trop près pour bien entendre, de comprendre quel était le sujet de la conversation. D'ailleurs, l'arrivée du groupe s'accompagna de nombreux regards dans leur direction puis par une évacuation rapide des villageois soudain bien occupés à vaquer à leurs affaires loin des aventuriers. Il n'y avait aucune manifestation d'hostilité à leur égard, mais manifestement on ne souhaitait pas les voir rester plus longtemps que nécessaire, voire même moins !

3 - Soins et autres échanges
Malgré la fraîcheur de cet accueil, les aventuriers tentèrent de s'intégrer tant bien que mal et de nouer des contacts avec les habitants de Mulkan. Hormis Vif, qui préféra rester à l'écart du village pour éviter de provoquer l'effarouchement ou l'émoi des êtres à deux ou quatre pattes. En effet, en plus des Hommes des Neiges eux-mêmes qui n'avaient jamais vu un tel félin de leur vie, deux espèces d'animaux partageaient la vie des Lossoth : tout d'abord des rennes domestiques, qui leur servaient d'animaux de trait ou de bât voire de monte, que l'odeur du formidable prédateur rendait nerveux. Mais également des chiens utilisés pour aider à la chasse, pour tirer des traîneaux voire porter des petites charges. L'odeur de Vif était nouvelle pour eux, ils ne l'aimaient pas, et lorsqu'ils la croisaient ils ne pouvaient s'empêcher de lui donner la chasse.

Les rennes, par contre, intéressèrent vite certains des membres du groupe. A défaut de cheval - ceux avec qui ils étaient venus allaient repartir avec les rôdeurs d'Arthedain - ces cervidés pouvaient rendre de multiples services similaires. Les mâles étaient d'un poids et d'une force similaires à ceux d'un poney, et les femelles, presque deux fois plus légères, pouvaient néanmoins porter leur part de charges diverses et variées. Et ils étaient parfaitement adaptés à la vie dans le Grand Nord, ce auquel la plupart des aventuriers ne pouvaient pas (encore) prétendre. Bref, Mordin ayant repéré quelques animaux dans un enclos, il alla de ce pas en quête du ou des propriétaires pour opérer une transaction dont il avait le secret.

Pendant ce temps-là, Drilun voyait s'approcher de lui - et du corps inanimé d'Isilmë - une femme âgée à l'air bienveillant, que l'état de la guerrière elfe semblait intriguer. Sa maîtrise du ouistrain était bien suffisante pour interroger le Dunéen à propos de l'état de son amie. Devant son incompétence à lui expliquer l'origine de l'inconscience de l'elfe, elle lui proposa d'aller soigner cette dernière. C'était en effet une viisas, terme qui correspond à une "sage" chez les Lossoth, sage qui préside aux rituels liés à la vie et à la mort. En plus d'être écoutées de tous, ces viisat étaient avant tout des soigneuses, voire des soigneurs pour une petite partie. L'archer-magicien du groupe se laissa guider par la vieille femme jusqu'à sa demeure, où elle les fit pénétrer.

Avec l'aide d'un des membres de sa famille, elle s'occupa du corps de l'elfe d'une manière shamanique, avec des chants destinés à apaiser des esprits, mais aussi l'incinération d'une mousse et une infusion réalisée avec une petite racine, infusion qu'elle fit avaler à la belle endormie. Drilun, qui regardait tout cela, n'arrivait pas à percevoir si de la magie était utilisée ou non. Néanmoins, l'efficacité du traitement fut bientôt avérée, et Isilmë finit par ouvrir les yeux. Ils semblaient un peu vitreux et l'amie du Dunéen avait manifestement du mal à percevoir clairement les images, les sons et les odeurs. Mais d'après la viisas, l'infusion ingérée l'aiderait à recouvrer ses sens. L'elfe expliqua que sa condition avait été causée par le lancement d'un sort qui ne s'était pas bien passé, mais qui n'aurait pas d'autre conséquence.

Le couple d'aventuriers remercia leur bienfaitrice et échangea avec elle sur les plantes du Grand Nord mais aussi concernant la présence de leurs amis et eux dans la région. Il semblait bien que les "esprits" avec lesquels les Lossoth construisaient leur vie avaient parlé de la venue du groupe, et pas en des termes toujours positifs, même si leur bonne volonté ne posait pas de problème. Mais ils représentaient des aimants à ennuis, pour ne pas dire plus, et ils allaient avoir du mal à apaiser les esprits négatifs qui les tourmentaient. Auquel cas ils conserveraient malchance et sort funeste pour eux et ceux qu'ils contacteraient ! Elle confirma aussi que le bruit avait couru récemment que des membres des Hordes des Traîneaux semblaient s'intéresser à eux et menaçaient ceux qui les aideraient...

4 - Commerce et départ
De son côté, Mordin avait fort à faire avec la manière dont les Lossoth faisaient commerce. Peut-être que son côté un peu guerrier les effrayait un peu, car même s'il ne les portait pas ouvertement, il avait tout de même sur lui des équipements bien guerriers comme une hache et une cotte de mailles. Si l'on rajoutait les bruits de mauvais esprits qui couraient à l'attention de ses amis et lui, il partait déjà avec un handicap. Le fait que les Hommes des Neiges ne fassent que du troc et n'utilisent pas de pièces de monnaie, il pouvait faire avec. Mais leur côté très terre-à-terre, pragmatique et peu commerçant, avait de quoi le déstabiliser...

Il avait donc pu rencontrer le propriétaire de quelques rennes, non loin de l'enclos où ils étaient parqués. Arriver à combler la distance manifeste avec lequel l'homme lui parlait avait déjà été une première chose. Mais surtout, et cela se répéta plus d'une fois, il eut beaucoup de mal à découvrir de quoi son interlocuteur pourrait avoir besoin. Il aurait bien voulu que l'homme lui dît de lui-même ce qu'il aurait aimé posséder, mais il ne sentit jamais, au cours de ce premier entretien comme ceux qui suivirent, la moindre volonté d'aller dans ce sens. Après tout, c'est Mordin qui tenait à faire un échange et acquérir une possession - un renne - que son propriétaire ne souhaitait pas vraiment échanger. Au nain de se débrouiller pour proposer quelque chose d'intéressant qui justifierait pareil échange...

Le marchand nain ne partait pas sans quelques éléments tout de même : il savait que les Lossoth faisaient des réserves de nourriture, peaux et autres pour l'hiver. Or ils avaient apporté avec eux une bonne part de la dépouille de l'élan que Vif avait chassé. Cela représentait une sacré quantité de viande, de cuir et d'os, et l'homme fut assez heureux d'échanger un de ses trois rennes - il pouvait se permettre d'en abandonner un - contre un poids plus grand de nourriture et de matériau utile. Et puis, d'une certaine manière, cela permettait aussi de mettre fin à un entretien qui durait un peu trop à son goût !

Ce côté un peu repoussoir finit par servir le nain et ses amis qui purent parfois obtenir ce qu'ils voulaient contre la promesse de partir au plus vite, sans même rester la nuit dans le village. Il fallut tout de même se séparer de petits bijoux, de trousses de soin et autres remèdes, et se gratter la tête pour trouver mieux. La féline Femme des Bois se prêta aussi aux échanges en aidant ses amis à acquérir davantage de choses à troquer sous la forme de butin de chasse. Ainsi un renne vivant put-il être échangé contre un autre mort plus quelques petits ajouts. Non sans quelques parties de course avec certains chiens parfois...

En fin de compte, les aventuriers réussirent en fin de journée à être les heureux possesseurs de trois rennes capables de servir d'animaux de bât ou de monte. Ils laissèrent donc les rôdeurs d'Arthedain et leurs chevaux à leurs affaires après quelques derniers échanges. Puis ils quittèrent Mulkan vers l'est en suivant la côte de la Baie Glacée, un petit bras de mer en partie fermé qui donnait sur la plus grande baie de Forochel. Ils avaient fini par décider d'éviter de prendre un bateau mais de passer par la terre. Ils cherchaient toujours le célèbre rôdeur d'Arthedain Inhael Eketta, grand spécialiste du Grand Nord, mais n'avaient rien pu apprendre sur sa localisation, sauf qu'il devait probablement être beaucoup plus au nord et à l'est.

5 - Voyage, échanges et histoires
Le groupe longea donc les rives de la baie un moment avant de devoir trouver un abri pour la nuit. L'habituel sort de divination de l'archer-magicien dunéen lui apporta pour toute information qu'il n'y avait aucune grotte proche pour faire office d'abri, zone marécageuse oblige. Mais même s'il gelait la nuit, l'équipe comportait ses habitués de la débrouillardise en extérieur, et une cabane de branchages assez grande pour tous fut bien vite érigée qui les protégerait suffisamment. Vif, en gros félin qu'elle était, dut tout de même se trouver sa propre couche sous des végétaux. Quant aux rennes, ils furent attachés non loin de l'abri.

Au matin, lesdits rennes n'étaient plus là, mais les traces qui furent suivies montrèrent qu'ils n'étaient pas allés bien loin : ils s'étaient juste éloignés un peu pour trouver une zone riche en lichen, leur met principal et favori. Puis le groupe reprit sa progression vers l'est, plus lente que ce que certains avaient escompté. En plus de suivre un tracé de côte qui était tout sauf rectiligne, le terrain assez marécageux gênait la progression des aventuriers. Les moins habiles à placer les pieds où il fallait, les plus lents, se retrouvèrent vite à cheval sur les rênes histoire de ne pas ralentir le groupe ou ménager leur santé physique et morale.

Au cours de la journée, des petits groupes voire des familles de Lossoth furent croisés et divers petits échanges purent être tentés. Les Hommes des Neiges étaient en général assez timides et peu causants au premier abord, d'autant qu'ils voyaient dans ces étrangers des porteurs de malchance et d'ennuis, d'après les histoires qui couraient à leur sujet. Et tous ne parlaient pas très bien le ouistrain, même si beaucoup le comprenaient dans une certaine mesure. Ce fut aussi l'occasion de pratiquer le labba, la langue des autochtones, pour les aventuriers les plus courageux. En tout cas, malgré le statut imposé par leur réputation sulfureuse, sans parler des chiens qui partaient sur les traces de Vif, les amis de cette dernière purent en apprendre plus sur les Lossoth et l'endroit où ils vivaient.

Pour l'essentiel, les habitants de la région vivaient surtout de la chasse et de la pêche, qu'ils pratiquaient avec assiduité avant l'arrivée de la mauvaise saison : le poisson abondait, sans parler des nombreux oiseaux (et leurs œufs !) qui nichaient à proximité, marécages oblige. Divers mammifères étaient également présents, et les phoques se prélassaient au soleil dès qu'il y avait le moindre rocher. Malgré l'abondance de la faune et les bateaux qu'ils possédaient, les Lossoth ne pénétraient pas très loin à l'intérieur des marais mais se cantonnaient à la zone côtière. La principale raison qui fut donnée fut une histoire de trolls et de mauvaise réputation des marais, ce qui allait toujours de pair, chez les Hommes des Neiges, avec la présence de mauvais esprits.

La présence de trolls à proximité, qui sortaient parfois des marais, expliquait pourquoi les habitants des environs pouvaient parfois être si rapides à embarquer sur leurs embarcations pour se réfugier à distance. Les aventuriers eux-mêmes en firent plus tard l'expérience. Néanmoins, cela leur donna aussi des idées : les trolls ne leur faisaient aucunement peur, ils avaient l'habitude d'en combattre, et les éliminer pouvait apporter plusieurs choses positives : améliorer leur réputation auprès des locaux et peut-être leur fournir du butin intéressant - quel aventurier ne rêve pas de trésors magiques exceptionnels trouvés dans le trésor d'un troll ? - ou en tout cas digne d'intérêt (donc de troc) pour des Lossoth. Et ainsi fut-il décidé de régler leur compte aux trolls s'il était possible de les trouver.

6 - Mauvaise surprise et mort rapide
En fait, les trouver ne posait pas tant de problème que cela : à l'aide d'un sort, le magicien dunéen du groupe sut qu'il existait une espèce de grotte à une certaine distance dans les marais. L'endroit rêvé pour abriter des créatures qui ne supportent pas le soleil, pensèrent les aventuriers. La réelle difficulté était bien d'arriver là-bas : les marais étaient parcourus par de nombreux petits cours d'eau et le terrain sec et stable n'était pas une denrée très commune. Marcher dans ces conditions, même en sachant où aller, était déjà difficile. Rajoutons une eau glaciale capable de faire rapidement tomber en hypothermie même un grand costaud comme le Dúnadan, et le tableau devenait plus noir.

Néanmoins, les membres du groupe étaient débrouillards. En comptant sur les plus perceptifs d'entre eux d'une part, et sur les rennes qui pouvaient porter les moins dégourdis d'autre part, le trajet jusqu'à la grotte fut estimé à trois heures. Ce ne serait pas une simple balade de santé et tous n'étaient pas forcément très enthousiastes à l'idée des efforts à accomplir, mais néanmoins le groupe se mit en marche. Les deux rôdeurs - Vif et Taurgil - ouvraient la marche, et les autres suivaient, avec Geralt, Isilmë et Drilun à dos de renne. Rob avait le pied léger et l'habitude des terrains de ce genre, et Mordin était un expert en déplacement en environnement extérieur, contrairement à beaucoup d'autres de sa race.

Les aventuriers progressèrent donc sans trop de mal, malgré la tombée de la nuit, jusqu'à une zone qui devait abriter la grotte perçue magiquement, mais où ne figurait aucun rocher visible. Tout au plus y avait-il une espèce de monticule de végétaux divers formant comme une île ou presqu'île sur un petit plan d'eau. Où certains - lionne la première mais également hobbit et homme balafré - perçurent un faible bruit de plongeon dans l'eau du plan, sans en voir la source. En revanche, des vaguelettes montrèrent aux plus perceptifs qu'il devait y avoir une grosse masse qui progressait vers eux et en particulier le Dúnadan. Masse qui fit penser, lorsqu'elle fut visible, à une anguille ou serpent, mais de la taille d'un petit dragon ! Pas vraiment les trolls qui étaient attendus...

Lorsque la bête fantastique émergea de l'eau pour se jeter sur le grand rôdeur, elle fut reçue avec les amabilités attendues : Taurgil mit tout son poids dans une attaque de la créature et la lionne se jeta au sommet de son corps pour s'y agripper, tandis que deux flèches volaient et que Geralt se rapprochait sur son renne, suivi non loin par le nain. Las ! L'épée du rôdeur rebondit sur la carapace du monstre, ne causant qu'une grosse égratignure qui ne l'affecta aucunement. Les deux flèches ne firent pas mieux - Drilun, qui était descendu de renne pour mieux tirer, avait bien du mal à ajuster son tir sur le terrain instable qui était sous ses pieds - et les griffes de la lionne ne firent qu'une blessure légère au serpent qui ne sembla pas s'en soucier outre mesure. A contrario, la tête monstrueuse se referma sur le rôdeur dúnadan et le transperça de part en part, malgré ses protections d'excellente qualité. La douleur était telle que son cœur faillit s'arrêter... mais il tint bon et se débrouilla pour rester debout. Mais combien de temps pourrait-il tenir ainsi ?

Heureusement, Geralt put arriver sur son renne, qu'il avait eu bien du mal à empêcher de fuir comme les autres. Armé de son épée magique, par un coup bien inspiré qui l'étonna lui-même (sans parler de ses compagnons), il transperça la tête du monstre qui relâcha sa prise sur son ami et plongea dans l'eau dans un soubresaut de mort. Le corps sembla alors se dissiper de lui-même et il ne resta bientôt plus qu'une trace lumineuse qui fila dans les eaux jusqu'à pénétrer le monticule végétal au milieu du plan d'eau. Juste comme trois formes humanoïdes géantes finissaient de sortir de sous la boue et les végétaux - deux non loin derrière le groupe et une sur le monticule - avec des bruits et une attitude pas véritablement amicales. Trois trolls venaient d'apparaître, et ils allaient passer à l'attaque, même si le combat contre l'espèce de serpent géant n'avait duré qu'une quinzaine de battements de cœur. Mais peut-être les trolls n'avaient-ils pas eu le temps de s'en rendre compte.

Aussi bêtes que lents, les trois créatures, malgré leur force, ne constituaient aucunement une menace pour les aventuriers. Entre les flèches de certains, les griffes d'une autre et la haine et la hache magique d'un dernier, les trois monstres furent bientôt laissés sans vie et parfois en plus d'un morceau. Par contre, de cette rencontre il restait que Taurgil était mortellement blessé et qu'il saignait abondamment, tandis que plusieurs de ses amis avaient pris un bain plus ou moins forcé dans de l'eau glaciale. Et que cela pouvait être plus mortel que l'arme la mieux maniée : Mordin avait perdu l'équilibre en tuant l'un des monstres, et le plongeon dans l'eau glacée avait été tel que son cœur s'en était arrêté. Isilmë avait juste eu le temps de le tirer de là avec l'aide de ses amis et de lui faire un massage cardiaque pour redonner vie à son ami barbu. Ami nain qui fut rouge de honte d'apprendre qu'il devait la vie à une elfe. Il fallut donc rapidement traiter la blessure du Dúnadan et sécher et réchauffer la majeure partie de l'équipe. Sans parler de retrouver deux rennes qui s'étaient enfuis.

7 - Soins et trésors
Tandis que certains enlevaient leurs vêtements trempés et s'apprêtaient à faire un feu, que le magicien du groupe augmentait magiquement la température environnante, que les soigneurs restants du groupe - essentiellement Isilmë - se pressaient autour du grand guerrier pour arrêter le saignement voire plus, et que l'assassin du groupe partait à la recherche des montures qui s'étaient enfuies, la lionne magique inspectait les environs. Elle avait distinctement perçu que le serpent géant qui les avait attaqués s'était dissous dans l'eau pour ne laisser qu'une trainée de lumière, trainée qu'elle avait vu pénétrer dans le monticule végétal qui leur faisait face. Après inspection plus détaillée, il lui sembla percevoir comme une ouverture sous le niveau de l'eau, d'où une faible lueur était à peine visible.

Forte et endurante au-delà des humains normaux et bien protégée par sa fourrure enchantée, Vif, après s'être rapprochée le plus possible de l'ouverture, plongea dans l'eau. Elle arriva sans mal à se glisser dans le tunnel immergé et à le suivre jusqu'à une sorte de caverne sous-marine sous l'île végétale, caverne dont une partie était au sec, et d'où venait la lueur. Plus exactement, une petite statuette en forme de serpent émettait une assez vive lumière, suffisante pour éclairer les environs. En plus des odeurs de trolls, de décompositions végétales et animales diverses, elle put donc mieux percevoir le probable repaire des trolls et de l'entité serpentine qui les avait attaqués. Et des diverses babioles qu'il recélait. Mais elle put également repérer une espèce de tunnel à moitié masqué et encombré de végétaux en décomposition, végétaux qu'elle dut repousser en partie pour arriver à s'extraire du tunnel émergé menant au repaire des monstres.

Elle rejoignit ensuite ses amis non loin, leur faisant part de sa découverte grâce à la magie qui permettait à certains de comprendre les animaux comme elle. Les aventuriers grelottants ou blessés avaient été au moins en partie réconfortés, mais Taurgil, dont la blessure mettrait un peu de temps à se fermer, ne pourrait guère voyager beaucoup. Aussi l'équipe trouva-t-elle bientôt refuge dans la caverne découverte par la Femme des Bois. Entre le don-de-vipère ingéré et les soins magiques reçus, le rôdeur serait vite sur pied mais il lui fallait tout de même une nuit de repos avant de pouvoir repartir. La caverne était donc tout indiquée, et l'inventaire des possessions présentes fut bientôt réalisé.

Si l'argent était totalement absent du butin trouvé là, il était remplacé par quelques armes et armures des Hommes des Neiges, mais aussi des babioles et bijoux divers en ivoire, qui pourraient sans doute faire l'objet d'un troc avantageux avec les Lossoth. Par ailleurs, en plus de la statuette susmentionnée et manifestement magique, plusieurs objets présentant diverses runes à leur surface attirèrent les aventuriers : un couteau en ivoire et cinq perles de céramique. Drilun, expert en runes, confirma que ces objets étaient eux aussi magiques, et il entreprit d'en découvrir la nature et l'utilité grâce à ses compétences et quelques divinations magiques, sans oublier la statuette.

Cette dernière semblait héberger un puissant esprit maléfique qui ne resterait pas éternellement dans la statuette et que les membres du groupe ne tenaient pas trop à affronter à nouveau. Il fut vite décidé d'anéantir l'objet maudit, ce qui put être fait sans danger grâce à l'action combinée du Pourfendeur d'Obscurité (Krisfuin), ce bâton récupéré à Dol Guldur et utilisé par le Dunéen, et de la larme de Yavanna. Privé de fana (forme physique) et trop faible pour s'attaquer à quelqu'un, l'esprit ancien et la lumière qui dénotait sa présence s'évaporèrent, sans doute pour ne plus jamais revenir sur la Terre du Milieu. Certains eurent une pensée pour Sîralassë, qui les accompagnait autrefois, et qui devait éliminer de tels êtres pour pouvoir retrouver les siens à Valinor...

Le couteau runique, qui était une arme courante auprès des shamans lossoth, semblait protéger son porteur de la chaleur et du froid. C'était donc un objet bien utile qui serait vite mis à contribution. Quant aux perles, trois d'entre elles étaient manifestement corrompues par un pouvoir très probablement proche d'Angmar, et elles furent bientôt réduites en morceaux. Elles donnaient certes confiance et pouvoir à leurs porteurs mais elles finiraient vite par les transformer en morts-vivants, ce dont les aventuriers avaient déjà eu des échos concernant certains habitants du Forodwaith. Les deux autres apportaient à leur porteur, pour l'une, une aide à détecter mensonge et tromperies ; pour l'autre, à faire les bons choix.

8 - Passage de rivière
Au petit matin, la blessure de Taurgil était globalement guérie. Aussi le groupe put-il reprendre sa route après s'être extrait de la caverne humide et malodorante. Quelques heures furent nécessaires pour quitter les marais et retrouver la côte de la baie aux eaux glacées. Le voyage vers l'est fut alors repris, qui devait durer encore plusieurs jours. En fait, la côte ne fut pas suivie éternellement : les aventuriers longeaient en effet les rives de la "Baie Glaciale" (Hûb Helchui en langue elfique), qui n'était qu'une petite partie de la baie de Forochel. Lorsque le trait de côte commença à tourner vers le nord et que les terres marécageuses firent place à une terre plus rocailleuse, les sept amis se tournèrent vers l'est et prirent un sentier marqué par des cairns et sensé les amener à Homela, une ville des Lossoth sur les rives de la "Baie de la Glace Craquante", ou Jäänaisen Koti dans la langue locale.

Mais avant cela, ils firent diverses rencontres et apprirent à mieux connaître les Hommes des Neiges, même si cela ne fut pas toujours facile. En plus d'une occasion ils firent fuir les autochtones, qui pouvaient facilement se mettre hors de leur portée dans leurs embarcations. Ils faillèrent même causer indirectement la mort d'un pêcheur à la suite de plusieurs maladresses. Il faut dire qu'ils étaient arrivés à une assez grande rivière qui sortait des marais. Les eaux étaient toujours glaciales, et si la lionne magique ne se priva pas de traverser à la nage sans grande conséquence, ses amis ne se voyaient pas en faire autant, même à dos de renne. Même les cavaliers auraient été en majeure partie trempés par l'eau glaciale, et ils ne tenaient pas à tester les limites de leur résistance au froid.

Ils appelèrent donc deux pêcheurs qui officiaient non loin dans leur embarcation. Mais ces derniers, une fois arrivés plus près, ne montrèrent aucun empressement à venir aider les aventuriers : leur barque restait à distance prudente de la rive, et Taurgil et ses amis n'arrivaient pas à trouver quelque chose qui les motiverait à leur prêter main-forte. Isilmë utilisa alors ses charmes elfiques et l'un des deux pêcheurs, subjugué, vit en elle une très bonne amie et oublia complètement les histoires inquiétantes envoyées par les bons esprits à la femme du clan qui pouvait converser avec eux, histoires qui portaient sur les individus présents...

Quand le pêcheur charmé se mit à pagayer pour approcher de la rive, son compagnon, effaré, se rendit compte que de la magie était à l'œuvre. Aussi prit-il sa rame et en assena-t-il un grand coup à l'arrière du crâne de l'autre Lossadan. Malheureusement, son ami, s'il perdit bien conscience comme souhaité, passa par-dessus le bord du frêle esquif et plongea dans l'eau. Tout cela sous les regards effarés de celui qui avait manié la rame, mais aussi ceux des aventuriers. Ils ne réfléchirent pas longtemps et trois d'entre eux se précipitèrent dans l'eau glacée. Geralt fut le premier à remonter le corps du pêcheur assommé à la surface de l'eau glaciale. Aidé par ses compagnons, il put regagner la rive tandis que d'autres commençaient à préparer un feu. Lequel feu, ajouté à des soins physiques et magiques, permirent au Lossadan de ne pas perdre la vie ou aux aventuriers trempés et glacés de pouvoir se sécher sans plus de conséquence.

Mais l'incident avait fini par attirer du monde, et ainsi, la preuve de leur bonne volonté ayant été plus qu'apportée, les six amis purent-ils enfin être abordés de près par les Lossoth présents. Ces derniers acceptèrent de partager un repas avec eux - les plats du hobbit avaient toujours beaucoup de succès - et de discuter de choses et d'autres. Bien entendu, les autochtones acceptèrent en fin de compte d'aider Taurgil et ses amis à traverser la rivière, et ce d'autant plus qu'ils le faisaient rapidement et ne s'attarderaient pas dans les environs. Cela permit au groupe, une fois la rivière franchie, de repartir avec les indications nécessaires pour aller dans la bonne direction sans se tromper. Et quelques jours après, ils arrivèrent à la ville de Homela.

9 - Echanges et nouvelles diverses
Le nom de la ville signifiait "Lieu du Lichen" en labba, la langue des Lossoth. Il faut dire qu'il n'y poussait pas grand-chose d'autre : ce gros village - le plus gros de la région, plus d'une centaine d'habitations - était situé sur un promontoire rocheux, extension d'un petit massif de basses montagnes qui protégeait le secteur des incursions d'Angmar, situé de l'autre côté du relief. Le village était situé sur les rives de la Baie de la Glace Craquante, petite alcôve dans la grande baie de Forochel, à l'extrémité ouest de Talath Uichel ("Plaine du Froid Eternel" en langue elfique). Un endroit glacé et aride qui n'était guère parcouru que par des troupeaux de rennes, des loups et autres prédateurs, mais aussi parfois par les armées d'Angmar ou les Hordes des Traîneaux.

En fait, ce qui sauvait les villages lossoth de l'intérêt d'Angmar tenait en peu de choses. Il y avait déjà une certaine distance et la difficulté à organiser l'envoi et le ravitaillement de troupes par ici, vu le manque d'officiers compétents dans les armées d'Angmar pour les expéditions dans le Grand Nord. Il y avait tout de même eu quelques essais en ce sens, car la baie où se trouvait le village, ainsi que d'autres, était un bon mouillage pour les baleiniers du Cardolan. Mais ces derniers, par calcul ou par altruisme, avaient toujours soutenu les Hommes des Neiges chaque fois qu'ils avaient été menacés. Par ailleurs, une peuplade naine résidait également sur les rives de la baie et ils n'avaient jamais, eux non plus, ménagé leurs efforts contre les peuples d'Angmar.

Même si Homela n'était pas le meilleur endroit pour accueillir les bateaux du Cardolan (le meilleur était le village de Ruskea Vene, à l'embouchure de la rivière Everhir), l'un d'eux était tout de même présent à une petite distance du village. Le lieu semblait assez cosmopolite et habitué aux étrangers, et les aventuriers remarquèrent moins de signes de peur voire de fuite à leur égard ; même si les réactions des Lossoth restaient dans le cadre d'une timidité bien prononcée. Néanmoins, Geralt eut la surprise de voir un habitant du Cardolan, et membre important du baleinier présent, le reconnaître et l'interpeler de manière très positive.

Apparemment, l'homme avait pu identifier le maître-assassin voire ses amis, même s'il n'avait pas eu l'occasion par le passé de les voir de très près. Mais il raconta qu'il devait une part importante de sa bonne fortune comme membre d'un baleinier prospère à l'héroïsme passé des aventuriers. En effet, leurs actions contre Ardagor, entre autres choses, avaient favorisé le commerce récent et permis l'investissement dans un nouveau bateau dans lequel il avait pu prendre place. Cela étonnait un peu le maître-assassin de se faire accoster de manière si positive, habitué qu'il était à se faire reconnaître en tant que membre important de la guilde des voleurs de Tharbad, chef de ses assassins. L'homme échangea avec plaisir avec le groupe, expliquant notamment que son bateau allait bientôt rejoindre le sud - l'été venait de s'achever et l'automne débutait à peine - avant que les glaces ne deviennent trop menaçantes. Et la saison de pêche avait été très bonne.

Entre l'homme du Cardolan et d'autres sources plus locales, les aventuriers apprirent diverses choses, même s'ils savaient déjà l'essentiel, par exemple en ce qui concernait les bruits à leur égard. Mais ils sentirent également la présence non loin d'Angmar, dont on pouvait s'attendre à trouver des représentants - masqués ou non - assez facilement dans les villages des environs. Voire même leurs armées non loin, ou les Hordes des Traîneaux plus à l'est. Par ailleurs, le maître-rôdeur de l'Arthedain et expert du Grand Nord, Inhael Eketta, n'avait toujours pas été rencontré. Néanmoins, plusieurs personnes avec qui Taurgil et ses amis parlèrent le connaissaient au moins de loin et il avait été possible de mieux cerner où il pouvait être. Restait à poursuivre la route vers l'est ou le nord, éventuellement après avoir recueilli davantage de renseignements. Voire en sollicitant l'aide locale, certains Hommes des Neiges pouvant peut-être servir de guide.
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Niemal
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Grand Nord - 4e partie : guerre contre Angmar

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1 - Recherche, échanges et socialisation
Avant de quitter l'homme du Cardolan, Geralt lui demanda de faire des recherches pour le compte du groupe. En effet, il avait bien senti par le passé que les Lossoth étaient un peu réticents à leur parler, avec les histoires de mauvais esprits qui couraient à leur sujet. Utiliser une tierce personne comme ce baleinier, qui manifestement connaissait la ville et ses habitants et pouvait discuter avec eux, semblait une bonne chose. Histoire de motiver l'homme davantage, il lui donna une bonne pièce avec la promesse d'en obtenir une deuxième à l'issue de ses recherches. Elles devaient concerner le maître-rôdeur déjà cité et sa localisation dans le Grand Nord. Peut-être l'homme pourrait-il apprendre quelques nouveaux détails intéressants ?

Tandis que la journée s'écoulait et que les aventuriers vaquaient à leurs affaires, comme de faire quelques derniers échanges commerciaux pour Mordin, le baleinier fut croisé plus d'une fois en grande conversation avec les habitants de la ville ou ses visiteurs. Mais sans grand succès, manifestement. Une partie du groupe se rendit en soirée à la salle de vie commune de la ville, sorte de grande tente où une bonne partie des habitants ou des voyageurs venaient se détendre et échanger les uns avec les autres. D'une certaine manière cela pouvait faire penser à une taverne ou auberge, hormis le fait qu'il n'y avait pas de tenancier ni de débit de boisson, ce qui n'empêchait pas certaines personnes d'amener et proposer des choses gratuitement.

Ainsi certains jouaient de la musique ou chantaient, de manière relativement improvisée. D'autres racontaient des histoires et concentraient beaucoup l'attention. Manifestement les Hommes des Neiges avaient une riche culture orale et les histoires y tenaient une place importante. Mais en attendant de parler mieux leur langue et de pouvoir échanger plus facilement de cette manière, Isilmë décida de tenter sa chance sur un plan musical. Très inspirée ce soir-là, elle entama un morceau de musique, avec l'aide de Drilun, qui attira très vite l'attention. Assez rapidement, malgré les regards parfois nerveux de certains à l'adresse des aventuriers, un petit groupe de musiciens se forma autour de l'elfe et du Dunéen pour jouer de nombreux morceaux, et ce jusque assez tard dans la nuit...

Tandis que de nouvelles musiques s'élevaient qui mêlaient les rythmes elfiques avec ceux des Hommes des Neiges, les conversations ne s'arrêtaient pas pour autant. Le baleinier du Cardolan était là qui parlait avec divers voyageurs comme des trappeurs qui venaient du nord. Isilmë elle-même, à la suite ou entre deux morceaux de musique, s'imprégnait de la langue locale et posait des questions sur la vie locale, profitant d'un contact plus facile avec les autochtones. D'une certaine manière, si les gens du coin avaient des réticences à leur parler, il fallait aussi leur proposer autre chose que des menaces à leur sujet.

La guerrière elfe apprit ainsi des choses concernant une légende locale, la Dame du Froid ou la Sirène de Glace. Ce semblait être un esprit maléfique qui hantait les environs de la Baie de la Glace Craquante ; elle portait aussi le nom de Jäänainen. Cet esprit apparaissait toujours sous les traits d'une femme merveilleusement belle et très légèrement vêtue, malgré les conditions météorologiques très difficiles dans lesquelles elle choisissait de se faire connaître. Elle avait un don particulier pour rendre les hommes fous amoureux d'elle, hommes qui, s'ils n'étaient pas maintenus de force, répondaient à son appel - en combattant violemment leurs proches au besoin - pour ne jamais revenir vivants...

Geralt finit par discuter avec l'homme du Cardolan sur ce qu'il avait récolté comme information. Il lui versa la pièce promise, même si ce qu'il avait pu apprendre restait limité. Il semblait que le rôdeur de l'Arthedain profitait le plus possible de la belle saison pour aller dans la partie nord de la baie, auprès d'une peuplade lossoth qui se désignait comme les "Hommes des Glaces". Ils vivaient plus de la pêche (au phoque, à la baleine) que de la chasse, les régions où ils vivaient étant moins riches en troupeaux de rennes ou d'élan. Sans parler de quelques orcs ou autres dans les montagnes proches, ce qui faisait qu'ils restaient proches de la mer.

Mais parfois le rôdeur passait du temps dans des forêts du nord-est avec de nombreux lacs, une zone de taïga appelée Järvimaa ou "Terre des Lacs". Les Lossoth, peut-être apeurés par les formes tordues des petits pins et sapins qui luttaient contre le vent et le froid, n'allaient pas souvent par là-bas. Ou peut-être étaient-ce les histoires de serpents ou dragons qui vivaient dans les profondeurs de certains de ces lacs glacés. En revanche, les Berninga, ce peuple nordique très amateur d'ours, s'étaient réfugiés là-bas après avoir été chassés par Angmar de leur précédente demeure le long de la rivière Everhir. Ils y avaient construit un village fortifié du nom de Ligr Wodaize Berne. Et l'homme d'Arthedain allait parfois leur rendre visite.

2 - Ruskea Vene
Le lendemain, le groupe reprit sa route le long des rives de la Baie de la Glace Craquante, en direction de la rivière Everhir. Le plan restait de trouver Inhael Eketta, rôdeur d'Arthedain, qui devait se trouver plus au nord, parmi les Hommes des Glaces ou les Berninga, avant que la mauvaise saison ne le fasse redescendre. Malgré l'aridité du lieu, les végétaux se faisant bien rares (lichen excepté), les aventuriers purent croiser régulièrement des petits groupes d'Hommes des Neiges. Mais la plupart étaient occupés à pêcher et ils prenaient grand soin de maintenir une distance prudente avec ces étrangers qu'ils ne connaissaient pas, et encore plus lorsqu'ils voyaient leur air un peu trop martial à leur goût. Et encore davantage lorsqu'ils faisaient le lien avec des bruits qui couraient concernant des étrangers porteurs de malchance, qui attiraient mauvais esprits et destin funeste.

Le voyage sans incident porta les pas de Taurgil et de ses compagnons, sans oublier les pattes de Vif et celles des rennes qui leur servaient de monture, jusqu'à l'embouchure d'une rivière de bonne taille dont les eaux se jetaient dans la baie. Côté sud de la rivière, une petite ville de Lossoth - presque aussi grande que Homela - semblait fourmiller d'activité et comportait des quais et pontons. Deux grands vaisseaux du sud, probablement des baleiniers du Cardolan, mouillaient contre une jetée de pierre située de l'autre côté, au nord de la rivière. Là-bas, d'autres habitations des Hommes des Neiges étaient également présentes, mais aussi des constructions différentes dont la majeure partie semblait creusées dans les flancs de la rivière. Des fumées assez nombreuses s'échappaient d'ouvertures dans le sol ou de cheminées. Tout cela, tant au niveau de l'architecture que de l'activité, dénotait par rapport à ce que les aventuriers connaissaient des Lossoth.

Mais ce n'était pas tout. Le long de la rivière, plus en amont, les plus perceptifs dans le groupe pouvaient percevoir de nombreux petits groupes de Lossoth qui progressaient en direction de la ville. D'autres petits groupes, moins nombreux peut-être, quittaient la ville, essentiellement en direction de l'ouest, voire du nord. Au vu des nombreuses affaires qu'ils portaient avec eux, ces familles d'Hommes des Neiges ne semblaient pas être en train de chercher de la nourriture - chasse, pêche ou cueillette - mais plutôt de déménager avec toutes leurs possessions. Pourtant, même si l'été était terminé et que le court automne venait de commencer, cela ne semblait pas être la meilleure période pour bouger et prendre les quartiers d'hiver. Et sur la ville planait comme une aura d'inquiétude qui transparaissait dans le visage des personnes qui quittaient la ville, voire dans les attroupements et le ton plutôt fort et aigu des conversations. Comme si la ville avait peur...

Geralt et Taurgil, vu leur allure un peu trop martiale voire inquiétante, choisirent de rester à l'écart et laisser le reste du groupe - moins Vif, bien entendu - prendre contact. Pour une fois, les aventuriers ne furent pas la cible de l'attention des Lossoth lorsqu'ils arrivèrent, même si la réserve habituelle à leur égard restait toujours un peu présente, quoique bien diminuée. Pour une fois, mauvais esprits et destin funeste n'avaient pas attendu l'arrivée du groupe pour s'annoncer. En effet, l'elfe, le nain, le hobbit et le Dunéen apprirent bientôt ce qui se tramait dans Ruskea Vene : une armée d'Angmar était annoncée qui descendait le long de la rivière. Composée d'au moins un millier d'hommes et d'orcs, dont certains étaient montés, elle était la plus importante force armée qui s'attaquait aux peuplades locales, de mémoire d'homme. Des groupes de cavaliers orientaux les précédaient et tuaient tout sur leur passage, même s'ils prenaient soin de laisser parfois quelques survivants partir pour répandre la terreur.

En s'approchant des habitations, les quatre aventuriers se rendirent compte qu'une réunion importante devait avoir lieu dans une espèce de grande salle commune - pour des Lossoth - près de laquelle convergeait beaucoup de monde et d'où émanaient les bruits de nombreuses conversations. Ils comprirent également qu'ils étaient en présence de deux villes en fait : les habitations de ce côté-ci de la rivière représentait le village de Ruskea Vene, où habitaient de nombreux Lossoth ; de l'autre côté de la rivière, les maisons creusées dans le sol servaient de demeure à l''une des rares communautés naines du Grand Nord, formant une petite ville du nom de Puolimisten Satama, soit le "Port des Demi-Hommes" en labba. Le nom faisait référence au ponton de pierre que les nains avaient fabriqué pour l'amarrage de bateaux.

3 - Présentation et informations
Lorsqu'ils arrivèrent près de la grande structure faite de peaux et de bois et qui servait de salle commune au village, un bref coup d'œil montra la gravité de la situation : il y avait tellement de monde que la salle était trop petite pour les contenir tous, d'une part. D'autre part, de nombreux Lossoth avaient manifestement laissé de côté leur pêche ou leur chasse, ou autre occupation, pour venir en apprendre plus sur les événements récents et à venir. Malgré tout, les quatre aventuriers arrivèrent à se faufiler sans grand mal à l'intérieur, où avaient lieu des débats nourris entre des Lossoth importants, assez âgés, mais aussi des nains de la ville voisine ainsi que des membres dirigeants des bateaux baleiniers du Cardolan.

Même si les échanges se faisaient essentiellement en labba, que les aventuriers ne maîtrisaient guère, ils comprirent assez vite que le fond des échanges portait surtout sur la manière de fuir, sachant que les nains comptaient bien rester sur place. Isilmë et ses amis intervinrent vite dans la discussion, tant pour échanger dans une langue qu'ils comprenaient que pour proposer rien de moins que l'anéantissement prochaine de l'armée d'Angmar. Ils rencontrèrent néanmoins beaucoup d'incrédulité de la part de leurs interlocuteurs. En effet, quand bien même les nouveaux venus pourraient prouver leurs formidables capacités guerrières, ce qui restait à voir, qui étaient-ils pour dire aux Lossoth et à leurs amis ce qu'ils devaient faire ?

Devant la méfiance affichée et bien compréhensible, le groupe décida de faire appel à l'ensemble de ses membres afin de montrer la partie la plus martiale du groupe et mieux marquer les esprits. L'arrivée de Taurgil, dont la présence et le physique dominaient assez largement les autres personnes présentes, et de Geralt, dont les cicatrices en disaient plus long qu'aucune parole, donnèrent plus de poids aux paroles des aventuriers. Mais pas assez néanmoins : même si des gens du Cardolan reconnurent Geralt et vantèrent la qualité et la bravoure de l'équipe qui avait aidé à vaincre le seigneur de guerre Ardagor par la passé, le scepticisme était encore bien présent. Mener des armées entraînées à la bataille, c'était une chose ; affronter une armée d'Angmar en position de très grande infériorité numérique, c'était autre chose !

Car face au millier de guerriers adverses, et encore cela n'était-il qu'une estimation, les défenseurs avaient peu à offrir : entre cent et deux cents nains au maximum, qu'on pouvait espérer bons combattants ; quelques dizaines de marins du Cardolan qui savaient tenir une arme ; et quelques centaines de Lossoth dont les capacités guerrières étaient pour la plupart proches de zéro. Non pas qu'ils ne savaient pas manier une arme, mais affronter un phoque, un loup voire un ours, ce n'était pas du tout la même chose que de participer à une bataille rangée. Sans parler du fait que les armées d'Angmar avaient une mauvaise réputation quant aux mauvais esprits (ou sorciers) qui les accompagnaient. Et les armées étaient souvent précédées ou suivies par des loups qui pouvaient facilement anéantir les chiens des autochtones. En bref, sans raison vraiment valable de croire à une victoire, les Lossoth ne risquaient pas de rester très longtemps sur le champ de bataille.

Heureusement, le groupe pouvait aussi montrer que Geralt et ses amis avaient plus que des capacités guerrières ordinaires. Ils appelèrent donc le dernier membre du groupe, celui à quatre pattes, membre qui entendit l'appel et qui se mit en route de plus en plus vite. Il faut dire que dès qu'ils eurent flairé son odeur, les chiens des Lossoth devinrent comme fous et tentèrent de lui faire un mauvais sort. La féline Femme des Bois parvint néanmoins à arriver jusqu'à ses amis en faisant un minimum de dégâts, le temps que l'archer-magicien du groupe jette un sort pour masquer son odeur et calmer des animaux des Lossoth. Mais à tout le moins, l'arrivée de Vif avait fait son effet, plus par le côté magique qu'elle inspirait à travers sa maîtrise et son intelligence, que par ses capacités physiques manifestes.

4 - Premier plan et changement
Interpelés par les extraordinaires capacités des aventuriers, sans rien dire de leur assurance, de leur bagout, les Lossoth acceptèrent de mettre leur vie entre les mains des nouveaux arrivants. Taurgil et ses amis se faisaient fort, en effet, de réduire l'armée d'Angmar à néant tout en minimisant les pertes des Lossoth et de leurs amis. En leur fort, ils croyaient même pouvoir régler à eux sept l'essentiel des combats, même si le nain leur rappela que par le passé aussi ils avaient cru pouvoir s'attaquer à une grosse armée sans l'aide de personne, et ils avaient eu des mauvaises surprises. Quoi qu'il en fût, les aventuriers commencèrent à discuter tactique et stratégie afin de bien préparer les futurs combats contre Angmar.

Un premier point de divergence émergea assez vite : celui de partager le groupe en deux. Il était tentant d'envoyer une équipe de choc régler leur compte aux cavaliers sagath et autres éclaireurs à deux et quatre pattes. D'un autre côté, comme cela fut vite confirmé par un sort de Drilun, des assaillants pouvaient aussi arriver par le terrain montagneux au sud et non par la vallée de l'Everhir, la rivière qui se jetait dans la baie. Il fallait donc maintenir une force sur place pour d'éventuels coups durs. Mais diviser c'était aussi affaiblir le groupe, et si certains des aventuriers paraissaient invulnérables face au commun des mortels, il n'en était pas de même contre des individus exceptionnels dotés de capacités ou d'équipements magiques.

Or c'était précisément une description assez exacte de trois individus venus de Dol Guldur et lancés à la recherche des aventuriers. Trois individus dont l'un d'eux, le démon du froid qui portait le nom d'Andalónil, avait réussi à mettre la pâtée à l'équipe entière à lui tout seul, sur son terrain. Bien sûr, il n'était pas chez lui ici. Mais le terrain froid et aride des environs n'était pas vraiment fait pour le handicaper beaucoup. Et par ailleurs il était accompagné de deux personnages que tout désignait comme des adversaires d'un niveau similaire. Autrement dit, l'équipe n'avait aucune chance de remporter la victoire dans un affrontement direct, régulier, face à ces trois adversaires. Contre un seul des trois c'était peut-être envisageable, deux c'était pratiquement hors de question, alors les trois...

Il devint donc évident qu'il fallait en savoir plus sur les positions et intentions de ce trio maléfique. Les divinations magiques de Drilun furent donc une nouvelle fois mises à contribution. A force de les utiliser, la maîtrise qu'il en avait grandissait et cette magie lui coûtait de moins en moins. Il pouvait donc en faire davantage, ce qui ne voulait pas dire que l'interprétation des signes qui lui étaient envoyés restait facile. Mais à tout le moins, l'envoi de cailloux en l'air qui permettaient de répondre par oui ou non à une question précise, bien réfléchie, apportait beaucoup et comportait peu de risques de mauvaise interprétation.

Et donc les questions fusèrent. Mais au fur et à mesure que les cailloux tombaient et que les réponses aux questions - certaines très claires mais d'autres non - arrivaient, les aventuriers comprirent dans quel piège ils s'apprêtaient à tomber. Leurs adversaires étaient bien là et ils allaient profiter de l'occasion pour leur régler leur compte. Alors bien sûr, les trois personnages auxquels ils faisaient face n'avaient pas exactement les mêmes objectifs, ils n'étaient pas parfaitement coordonnés, ni même ensemble. Mais ils représentaient un danger mortel trop sérieux pour être pris à la légère.

Taurgil en particulier pensa avoir très bien compris le fonctionnement du démon du froid. Ce dernier avait échoué à les tuer ou capturer lors de leur précédente rencontre, il avait été humilié, voire plus. A présent il en faisait une affaire personnelle : il mettrait toute son énergie et sa volonté pour faire en sorte de ne pas trop aider ses compagnons de route, mais d'intervenir juste au bon moment pour que ce fût lui et lui seul qui assurerait la victoire sur les aventuriers. Il pouvait arriver facilement à tout moment, depuis les airs ; face à d'autres adversaires importants, Taurgil et ses amis seraient une proie facile pour lui. Il aurait à la fois la tête de Vif et ses compagnons, les lauriers de la gloire, et sans doute le pardon pour son précédent échec.

5 - Nouveau plan et réflexion
A la surprise de nombreuses personnes, Geralt annonça donc qu'en fin de compte les plans étaient modifiés : il fallait organiser la fuite des habitants de la ville et de ses environs. Il expliqua que cela était dû à de nouvelles informations et que certaines personnes chez les adversaires étaient trop puissantes pour pouvoir les combattre. Certaines familles d'Hommes des Neige avaient déjà commencé à fuir, il fallait organiser cela et faire en sorte de limiter au maximum les pertes possibles. Autrement dit, était-il possible de faire fuir plusieurs centaines de personnes en moins de deux jours tout en les mettant hors de portée des cavaliers ennemis ?

Du côté des Lossoth, habitués à bouger et ne rien avoir de plus que ce qu'ils pouvaient emporter, cela n'était pas trop dur : en quelques heures ils pouvaient démonter leurs maisons et embarquer toutes leurs possessions sur des travois, des rennes, des chiens ou leurs dos. Le réel problème était plutôt qu'en fuyant, ils perdaient un temps précieux pour parfaire leurs stocks de nourriture pour l'hiver. Et donc la mauvaise saison serait plus risquée pour eux. Pour les baleiniers du Cardolan, l'ancre pouvait être levée en quelques heures, ce n'était nullement un problème. Pour les nains, par contre, même s'ils avaient l'habitude de voyager beaucoup, ils ne comptaient pas laisser leurs forges à la portée du premier ennemi venu. Pour eux, s'ils ne pouvaient combattre aux côtés des Lossoth ou d'autres, ils s'emmureraient chez eux et laisseraient le temps - et les ennemis - passer. Ce qui, comme pour les Lossoth, posait le problème de leur ravitaillement hivernal, d'autant que les Hommes des Neiges qui les ravitaillaient auraient plus de mal à leur fournir de la nourriture une fois les armées reparties.

Au départ les aventuriers comptaient accompagner les Lossoth, les protéger d'éventuels assaillants. Mais après quelques réflexions et divinations pour confirmer la chose, il semblait bien que ce fût une erreur. Bien sûr, les aventuriers pouvaient protéger les autochtones des cavaliers sagaths, des hommes ou des orcs d'Angmar, ou des loups. Mais probablement pas d'Andalónil ou des deux personnes qui l'accompagnaient. La véritable cible de cette démonstration de force, c'était eux, et ils mettraient en péril tous ceux qui les accompagneraient. Pour sûr, si l'armée d'Angmar ne rencontrait aucune résistance, elle se ferait un plaisir de tout détruire sur son passage. Si les autochtones étaient hors de sa portée, en revanche, elle serait vite obligée de rebrousser chemin.

D'une certaine manière, il fallait combiner la fuite des aventuriers d'un certain côté, de manière à attirer leurs trois principaux poursuivants ; et mettre les Lossoth et les autres hors de portée de l'armée adverse, et loin de Taurgil et ses amis. Avec en plus la difficulté de penser aux nains qui resteraient sur place et aux problèmes d'approvisionnement. Vif et ses compagnons comptaient aller vers le nord, et cette destination fut maintenue : ils traverseraient la toundra des troupeaux (Everdalf en sindarin) vers le nord, jusqu'à la côte de la baie qui les amènerait plus au nord et à l'est. Après quoi ils pourraient choisir d'aller plus à l'ouest vers les Hommes des Glaces ou vers l'est et les Berninga. Et ils seraient loin des armées d'Angmar, même s'ils ne s'attendaient pas à voir leurs trois principaux poursuivants lâcher prise facilement.

Côté Lossoth, la plupart partiraient sur les baleiniers du Cardolan, qui pouvaient sans grand mal se permettre de prendre quelques jours en mer pour les transporter plus à l'ouest, hors de portée des cavaliers ennemis, sans parler des autres. En fait seul Andalónil pouvait leur poser problème, et il serait plutôt à la poursuite des aventuriers. Ces mêmes baleiniers furent d'autant plus motivés pour agir ainsi que, en plus d'aider des peuples qui leur prêtaient main-forte dans leurs expéditions maritimes, Mordin - avec quelques difficultés, il est vrai - leur versait une importante somme d'or. En effet, il avait acheté une partie de la cargaison des vaisseaux pour servir de réserve de nourriture aux nains du village voisin. Ainsi, ils pouvaient facilement s'enfermer et la mauvaise saison ne serait pas un problème, même sans le soutien des Lossoth. Peut-être Andalónil et ses compagnons étaient-ils en mesure de forcer leurs défenses, mais là encore, ce n'était pas leur objectif, donc les nains seraient probablement en sécurité.

6 - Organisation et départ
Sitôt le dernier plan arrêté, les détails pratiques furent communiqués aux Lossoth, nains et hommes du Cardolan. De l'or changea de mains, ce qui ne manqua pas de faire s'étrangler un peu Mordin : il avait beau savoir que c'était dans leur intérêt à tous, il avait toujours du mal à jouer au bienfaiteur lorsque la bourse du groupe en pâtissait sans espoir de retour direct. Bon, en fait ce n'était pas totalement vrai car le groupe obtint, en échange de leurs bons et loyaux services (et de leur or) quelques équipements de qualité : armes et armures, quelques barques pour traverser les rivières et cordes pour aider à cela. Il est vrai aussi que les aventuriers avaient déjà un tellement bon équipement qu'ils profitèrent assez peu de l'ensemble des cadeaux proposés.

Chacun partit informer son peuple et commencer les préparatifs du départ. La nuit fut active pour beaucoup et la proximité des ennemis empêcha certains de se reposer pleinement. Au matin, certains Hommes des Neiges étaient déjà partis de leur côté avec famille, armes et bagages, mais la plupart furent embarqués dans les vaisseaux baleiniers du Cardolan, allégés par le transfert d'une partie importante de leur cargaison de viande de baleine au bénéfice des nains du Port des Demi-Hommes, ou Puolimisten Satama dans la langue locale. D'une certaine manière les gens du Cardolan avaient déjà vendu - et à bon prix - une partie de leurs marchandises, en échange de quoi ils offraient un service au risque mesuré. Tout en garantissant des liens encore plus étroits pour l'avenir et donc de nouvelles économies ou opportunités commerciales. Ou tout simplement la garantie de trouver quelqu'un sur place avec qui échanger lors de leur prochaine campagne de pêche à la baleine.

Des familles de Lossoth continuaient à arriver le long de la rivière Everhir, apportant des mauvaises nouvelles de l'amont, même s'il était facile de les imaginer. Les aventuriers connaissaient les mœurs des Sagaths ou de leurs maîtres, et les méthodes employées pour briser la volonté de leurs adversaires. Au fur et à mesure que ces clans lossoth arrivaient, chassés par la peur des armées d'Angmar, ils étaient informés des choix qui s'offraient à eux pour continuer à fuir, par terre ou par mer. Puis, au bout d'un moment, les nains furent bien retranchés dans leurs habitats souterrains, le village de Ruskea Vene avait comme disparu de son emplacement initial, les baleiniers étaient prêts à partir, et le flux des réfugiés s'était tari.

Chacun partit alors de son côté : les vaisseaux du Cardolan levèrent l'ancre et se dirigèrent vers l'ouest. Ils déposeraient leurs amis Hommes des Neiges assez près des Montagnes Bleues, par exemple du côté de Mulkan, là où les armées d'Angmar ne risquaient pas d'arriver faute de provisions suffisantes, sans parler de la proximité des nains des Montagnes Bleues ou des elfes du Lindon. Les nains restés dans leur habitat troglodyte sur les rives nord de la rivière Everhir scellèrent leurs entrées et attendirent confortablement l'armée ennemie, prêts à soutenir un siège qui de toute manière ne pourrait s'éterniser longtemps. La plupart des Lossoth présents sur les bateaux regardèrent les rives s'éloigner, tout en se promettant de revenir vite dès que la menace se serait éloignée. Certains avaient d'ailleurs choisi de partir par la terre, à l'intérieur des terres escarpées où les chevaux des Sagath ne risquaient pas de venir les embêter, d'autant que la mauvaise saison allait vite arriver.

Et Vif, Taurgil, Geralt, Drilun, Mordin, Isilmë et Rob franchirent la rivière Everhir pour se diriger vers le nord, à travers la vaste plaine appelée Toundra des Troupeaux, ou Everdalf en sindarin, ou encore Hyvämetsästyksen Maa en labba, la langue locale. Mais à ce stade de leur apprentissage, la plupart des aventuriers préféraient en rester au ouistrain ou au sindarin. Ils savaient surtout que la plaine hébergeait de nombreux troupeaux d'élans et de rennes, voire d'autres ongulés du nord de l'Eriador comme quelques chevreuils et moutons sauvages. Et que les seuls prédateurs étaient, pour l'essentiel, les loups gris qu'ils connaissaient déjà - les terribles loups blancs descendaient rarement autant au sud, en tout cas pas en cette saison - ainsi que des groupes de wargs venus d'Angmar. Rien de bien méchant. En tout cas, ce n'était pas ce qui inquiétait le plus les aventuriers.

7 - Everdalf
Menée par les deux rôdeurs du groupe à deux et quatre pattes, l'équipe se dirigea vers le nord, ou plutôt le nord-nord-est, à travers la vaste plaine qui portait le nom de Toundra des Troupeaux. Et les sept compagnons comprirent vite pourquoi : par endroit, ils pouvaient voir comme une mer de fourrures tellement les troupeaux d'élans et surtout de rennes étaient gros et serrés. Certains des troupeaux de rennes devaient comporter au bas mot quelques milliers de têtes, et ils étaient si serrés qu'au loin il était impossible de voir la couleur du sol. Ce n'était qu'une vaste tache brune sur l'horizon, tache souvent en mouvement. Et les troupeaux étaient nombreux. Ce qui n'empêchait pas de trouver de vastes espaces vides dans lesquels avancer, car si les troupeaux étaient de grande taille, la morne plaine qu'ils parcouraient l'était encore plus.

Le groupe progressait donc sans mal, même si les points de repère manquaient dans cet univers plat et sans aucun arbre ou arbuste, juste couvert de touffes d'herbe et de lichens. Heureusement, les capacités de Vif et Taurgil laissaient peu de place à l'erreur, du moins dans la mesure où le temps restait clément. Lorsque la longue nuit viendrait sur le Grand Nord, ou la neige tant sur le sol que dans le ciel, ce serait sans doute une autre histoire. Mais pour l'instant il n'y avait rien de tout cela et les aventuriers étaient bien équipés : avec les derniers rennes obtenus par Mordin et ce qui leur avait été offert, l'expédition avait tous les airs d'une petite caravane, avec des barques portées par les animaux de bât, entre autres choses.

Le groupe se dirigeait vers le nord-nord-est plutôt que le plein nord, car selon la carte qu'ils avaient copiée en Arthedain, ils atteindraient tôt ou tard un trait de côte qui se dirigeait vers le nord-est. Après quoi ils trouveraient de nouvelles terres au nord, la côte plongeant plus vers l'ouest. Ils auraient alors le choix entre longer divers massifs montagneux au nord et à l'ouest, et trouver sur les côtes de la baie les peuplades d'Hommes des Glaces et peut-être Inhael Eketta. Ou alors aller plus à l'est et au nord, sur des territoires occupés par une taïga et de nombreux lacs, voire une toundra au-delà. Et il semblait qu'encore plus au nord il y avait de nouveaux bras de mer séparant les terres du Grand Nord d'une banquise de glace éternelle déserte et sans vie. Encore que des légendes suggéraient que des êtres magiques y vivaient, qui étaient à l'origine de lumières surnaturelles visibles dans le ciel pendant la longue nuit de l'hiver nordique.

Mais qui disait troupeaux disait aussi prédateurs. En journée, quelques groupes de loups gris avaient bien été repérés à distance, mais sans jamais poser aucun problème. Il faut dire que la nourriture était abondante en cette saison, même si avec autant de guetteurs à quatre pattes et si peu d'endroits où se cacher, il devait être difficile pour les loups d'approcher de leurs proies. En journée du moins, car la nuit c'était une autre histoire. D'autant qu'avec la chute des températures l'odorat des animaux n'était peut-être pas tout à fait aussi efficace. En tout cas, l'ouïe de Vif, elle, n'était absolument pas affectée par les conditions actuelles, et une nuit elle perçut très bien l'arrivée en catimini de prédateurs à quatre pattes de l'espèce des canidés.

Pour elle, il ne s'agissait rien de plus que d'une bonne excuse pour se dégourdir les pattes. Accompagnée par Drilun qui souhaitait continuer à s'entraîner au maniement de son fameux bâton magique trouvé dans les trésors de Dol Guldur, elle alla à la rencontre des loups sans guère de stratégie en tête. Le combat fut bref et sanglant, même si certains des canidés en réchappèrent, ayant très bien compris que rester groupés n'était pas une bonne chose face à la lionne enchantée. L'archer-magicien manieur de bâton et la féline Femme des Bois aux griffes acérées et ensanglantées revinrent donc bientôt avec la satisfaction du devoir accompli, et l'impression d'avoir fait un peu d'exercice. Sans parler de pouvoir offrir un bon dîner à la lionne dont l'appétit restait conséquent.

8 - Panique sur la plaine
Le voyage se poursuivit sur la morne plaine battue par les vents froids et les troupeaux. De temps en temps les plus perceptifs parvenaient à distinguer la présence de groupes de chasseurs lossoth au loin, et un jour leurs pas les amenèrent sur le chemin de quelques habitations des Hommes des Neiges. Il y avait là moins d'une dizaine de tentes de peaux et de bois, occupées par quelques familles prises par divers travaux manuels ou des soins à des jeunes enfants, tandis que les chasseurs étaient au loin, en train de vaquer à leurs affaires. D'immenses troupeaux de rennes étaient d'ailleurs visibles à quelque distance.

Le contact entre autochtones et aventuriers se fit avec prudence et une certaine timidité, mais Taurgil et ses amis commençaient à avoir l'habitude et ils rassurèrent les Lossoth : malgré leur apparence, ils n'avaient pas d'intention belliqueuse. La présence de Vif était plus difficile à expliquer, mais elle tâcha de se faire discrète. Néanmoins, les interactions furent bientôt interrompues par les regards alarmés de Rob et Drilun : de la magie noire était à l'œuvre à faible distance. Et bientôt, même les moins perceptifs sentirent la terre trembler, tandis que les autres voyaient les grands troupeaux proches approcher rapidement dans leur direction. Manifestement, sans doute à l'aide de la magie, quelqu'un - qui n'était pas difficile à imaginer - avait rendu les troupeaux de rennes fous de terreur, de manière à les faire galoper dans la direction des aventuriers, de leurs rennes, et des gens qui avaient la malchance de se trouver auprès d'eux...

Même avec les meilleurs des combattants, il était impossible de briser la charge de milliers de rennes affolés. Quant à fuir, le temps manquait pour mettre tout le monde hors de portée de l'immense troupeau en déplacement. Et puis si le camp des Lossoth était réduit en morceaux, ils n'avaient presque aucune chance de reconstituer provisions et équipement pour passer l'hiver. Il fallait donc tenir sur place et se débrouiller pour faire dévier les rennes paniqués qui arrivaient à toute allure dans leur direction. Et si possible tout en calmant les propres rennes du groupe, les aventuriers ne tenant pas trop à porter les barques et autre équipement à dos d'homme (ou de femme) pour le reste de leur long voyage !

Les habitations et possessions des Lossoth, ainsi que leurs habitants, furent réunis aussi proches que possible les uns des autres. Face aux rennes, devant le camp des Hommes des Neiges, fut rapidement érigé un triangle défensif, comme une pointe de flèche faite des barques des aventuriers avec les archers et leurs armes. A la pointe de la flèche, la lionne enchantée se tenait, menaçante, la voix rendue magiquement plus puissante. Lorsque les rennes furent à portée de flèche, Vif poussa un terrible rugissement perceptible à au moins une lieue de distance. Les rennes les plus proches paniquèrent encore plus et cherchèrent à éviter ce nouveau danger, provoquant une bousculade accentuée encore par les flèches des archers. Sans parler des griffes de la féline Femme des Bois qui continuait à rugir tout en découpant en morceaux les rennes qui finissaient trop près d'elle.

Il y eut bientôt une double barrière de cadavres de rennes de part et d'autre des aventuriers, suffisante pour dévier le troupeau de chaque côté et lui faire éviter le camp lossoth. A l'arrière, les autres membres du groupe avaient fort à faire pour maîtriser leurs propres rennes, avec l'aide de la magie et des compétences d'Isilmë et de Geralt en particulier. Mais bientôt la vague d'animaux sauvages prit fin : le camp était intact, ses habitants - et le groupe d'aventuriers - étaient sauvés. Des chasseurs partis en matinée il n'y avait pas trace, mais à tout le moins la nourriture ne manquerait pas : avec tous les corps de rennes disponibles, il y avait de quoi nourrir des clans entiers d'Hommes des Neiges pendant toute la mauvaise saison, si la viande pouvait être conservée.

Taurgil et ses compagnons avaient donc passé avec succès cette première épreuve, s'il s'agissait bien de survivre à un troupeau paniqué. D'un autre côté, si l'objectif de leurs ennemis était plutôt - ou aussi - de leur coller une très mauvaise réputation, les poursuivants de Dol Guldur avaient sans doute également réussi : sans parler de la perte possible et même probable des chasseurs lossoth, les survivants répandraient vite autour d'eux la rumeur - fondée - comme quoi la présence du groupe était vraiment source de danger mortel. Les aventuriers avaient besoin de l'aide des Lossoth, ne fût-ce que pour trouver Inhael Eketta voire d'autres objectifs. Mais comment combiner cela avec le danger de mort qu'ils représentaient pour les Hommes des Neiges ? Ils n'avaient sans doute pas fini de se poser la question.
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Niemal
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Grand Nord - 5e partie : poursuivis

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1 - Avancée et objectif
Les dizaines de cadavres de rennes représentaient des tonnes de nourriture, sans parler de l'utilisation du reste du corps (cuir, os, tendons...). Cela faisait bien plus qu'il n'en fallait pour les Lossoth, qui se mirent rapidement à l'œuvre pour récupérer et utiliser le plus possible de choses avant qu'elles ne commencent à se décomposer. Aussi Taurgil en fit-il autant : en l'espace d'une heure, il avait découpé autour d'une tonne de bons gigots qui trouveraient vite leur utilisation : ou bien dans leurs estomacs, ou bien comme monnaie d'échange dans les trocs à faire avec les Hommes des Neiges. Restait à trouver un moyen de transporter tout cela, ce qui ne posa guère problème : la lionne magique pourrait facilement tirer une espèce de traineau confectionné avec le pavois du grand Dúnadan, sans parler d'en mettre une partie sur divers rennes voire les épaules de certains.

Le groupe reprit donc sa route en début d'après-midi, toujours en direction du nord-est. L'idée restait de contourner la baie de Forochel par l'est pour aller vers le nord et rechercher, dans un premier temps, le rôdeur d'Arthedain Inhael Eketta. La direction à prendre une fois plus au nord avait été résolue peu auparavant par des lancers de cailloux enchantés par les bons soins de la magie divinatoire de Drilun. En effet, selon ses divinations, le spécialiste du Grand Nord était en train de cheminer plutôt vers le nord-est, dans une zone de lacs et de taïga appelée Järvimaa, soit "Terre des Lacs" en labba. Il semblait que leur objectif se dirigeait plus ou moins en direction d'un village de nordiques appelés Berninga, proches des Béornides du nord du Rhovanion. Et par ailleurs il existait non loin de leur village, appelé Ligr Wodaize Berne ("Tanière des Ours en Colère" en langue nordique), une nouvelle colonie naine que certains aventuriers tenaient à visiter.

A pied, à quatre pattes ou à dos de renne, les aventuriers voyagèrent donc dans la morne plaine abondamment fréquentée par les troupeaux de rennes et les chasseurs lossoth qui préparaient leurs provisions pour l'hiver. Il semblait tout de même aux plus perceptifs du groupe que les bêtes évitaient plus leur groupe que ce à quoi ils auraient pu s'attendre. Peut-être la faute à leurs poursuivants qui, d'une manière ou d'une autre, leur collaient magiquement au-dessus de leurs têtes un gros panneau fluorescent avec marqué "danger mortel" en lettres clignotantes... Quoi qu'il en fût, cela limita les contacts du groupe avec d'autres êtres vivants, et l'après-midi se passa sans incident notable.

Vers le soir, alors que le soleil se couchait, les aventuriers les plus perceptifs distinguèrent à l'horizon quelques alignements d'arbres rabougris comme ceux d'une ripisylve, la végétation arborée qui accompagne le bord des rivières. Plus important, cette ripisylve servait d'abri à au moins un village d'Hommes des Neiges. Malgré la distance estimée à deux-trois heures de cheminement, le groupe décida de pousser jusque-là et d'y passer la nuit, en plus des contacts et éventuelles informations que cela pourrait leur apporter. Ils reprirent donc la route et se dirigèrent vers le village Lossoth, guidée par la lionne enchantée et ses fabuleux sens félins.

La nuit était donc bien avancée lorsqu'ils parvinrent aux abords du village. En dehors de quelques chants émanant d'une tente plus grande que les autres, la tente communale où les Lossoth aimaient socialiser, le village était tranquille. Ce qui ne risquait pas de durer si Vif s'approchait trop sous sa forme magique, aussi préféra-t-elle s'éloigner un peu plus loin et trouver un endroit à l'écart pour passer la nuit. Pendant ce temps-là, les autres aventuriers s'approchèrent des tentes de peau et de bois, provoquant la réaction des chiens du village et la sortie de quelques têtes hors de la tente commune.

2 - Menace et départ rapide
Certains aventuriers, comme Geralt et Taurgil, avaient choisi de rester un peu en arrière pour ne pas inquiéter les habitants du cru avec leur apparence un peu trop guerrière. Le premier contact se fit essentiellement avec Isilmë, dans la mesure où elle maîtrisait mieux le labba que ses compagnons. Par la suite les échanges se poursuivirent dans la tente communale. D'un côté l'elfe s'employait à obtenir divers renseignements comme par exemple la situation du groupe par rapport à leur objectif ; de l'autre le hobbit proposa de cuisiner un peu de la viande apportée par ses compagnons et lui et de la partager avec les Lossoth présents. Bientôt les bonnes odeurs firent frémir les papilles gustatives des Hommes des Neiges qui pourtant avaient déjà mangé, et le hobbit - et sa cuisine - eurent beaucoup de succès.

Les aventuriers apprirent entre autres choses que la côte de la baie de Forochel n'était plus très éloignée. En fait le village présent était situé sur les bords d'une petite rivière qui se jetait dans la baie, rivière qui par sa présence favorisait la biodiversité et notamment la présence d'arbres, ressource précieuse s'il en est dans la toundra dans laquelle ils se trouvaient. Sans parler de l'eau abondante, les premières neiges étant encore rares et les pluies peu fréquentes. De plus, la rivière Lhúchir (Rivière des Dragons en sindarin, par ses origines dans des zones des Montagnes Grises infestées de dragons), cours d'eau majeur du Grand Nord et repère facile pour les étrangers, n'était plus distante que de deux ou trois jours à allure de marche normale. Entre les rennes utilisés par certains et les chants magiques d'Isilmë pour aider ses amis et elle à marcher plus vite et sans fatigue, les aventuriers pouvaient escompter atteindre la rivière en moins de deux jours.

D'autres informations intéressantes furent données. En effet, il semblait que la rivière Lhúchir, appelée simplement Eau Argentée (Hopeavesi) localement, représentait également une frontière pour les armées d'Angmar qui s'aventuraient parfois sur la Toundra des Troupeaux. Pour cette raison, les nombreux villages d'Hommes des Neiges qui la bordaient étaient invariablement disposés au nord de la rivière en dehors de la mauvaise saison. Pendant cette dernière, la rivière gelait et n'était aucunement un obstacle, mais de toute manière les armées d'Angmar n'étaient pas assez équipées pour s'aventurer jusque-là en cette saison. Il se trouvait également que les aventuriers avaient à leurs trousses une telle armée et qu'ils ne l'imaginaient pas renoncer si vite à leur faire un mauvais sort...

Histoire de rappeler cette vérité aux quelques aventuriers présents, un puissant rugissement se fit entendre à une certaine distance du village, rugissement auquel firent écho de nombreux aboiements, sans parler des rennes gagnés par une certaine inquiétude. A l'extérieur, en plus de Geralt et Taurgil qui se rapprochèrent du village avec les rennes et l'équipement du groupe, la lionne bondissait dans leur direction tout en essayant d'éviter les chiens des Lossoth pour ne pas avoir à trop en blesser ou en tuer. Non sans mal, le groupe entier fut bientôt réuni et les Hommes des Neiges furent rassurés sur la présence de la lionne magique, et les chiens furent rappelés avec plus ou moins d'efficacité.

Vif entreprit alors d'expliquer à ses amis, grâce au bijou magique de l'un d'eux, qu'elle avait perçu une créature ailée qui volait au-dessus du village, créature qui lui faisait furieusement penser à un démon du froid de leur connaissance. Autrement dit, et malgré les protestations de Geralt, il n'était pas question de se reposer sur place, tant pour eux que pour la sécurité des Lossoth. De la viande fur remise aux habitants du village, au grand dam de Mordin, ainsi que des conseils avisés de fuite vers l'ouest loin du trajet des aventuriers... et de l'armée qui les poursuivait. Et surtout des trois êtres venus de Dol Guldur qui accompagnaient l'armée. Et ainsi le groupe se retrouva-t-il bientôt à marcher ou chevaucher dans la nuit, vers le nord-est, tandis qu'une sinistre présence les accompagnait loin au-dessus d'eux.

3 - Blizzard surnaturel
Le groupe n'en était pas à sa première nuit blanche, sans même parler des protestations ou du défaitisme de leur maître-assassin atteint de flemmardise aigüe. Par ailleurs, la progression était d'autant plus facile qu'une partie de la troupe était montée sur des rennes et que les chants magiques d'Isilmë permettaient aux autres de progresser plus vite et sans sentir de fatigue. Du moins pas la fatigue due à la marche : en cas d'encombrement, la fatigue était bien réelle et les tours d'elfe ne permettaient pas de l'ignorer. Restait que les aventuriers possédaient tous, par la force de l'habitude et de leurs nombreuses aventures, une endurance hors du commun.

Taurgil et compagnie avançaient donc à bonne allure dans le plat pays qu'était la Toundra des Troupeaux. Le désespérant manque de relief ne leur permettait pas de pouvoir compter sur un quelconque abri face à la menace ailée qui les suivait, et les troupeaux semblaient sentir de loin les ennuis qui leur collaient aux basques. Les interactions avec les habitants du Grand Nord étaient donc très limités, et de toute manière non souhaitables au vu des risques que cela leur faisait courir. Il n'y eut donc pas grand-chose de notable à espérer ou à constater au cours du reste de la nuit.

Peu avant l'aube attendue, cependant, le ciel se couvrit au-dessus de la tête des aventuriers. Andalónil, leur poursuivant ailé, n'était plus visible dans le ciel vu le plafond de nuages qui s'abaissait de plus en plus, mais la féline Femme des Bois pouvait néanmoins percevoir ses coups d'ailes au-dessus d'eux. Rob, de son côté, ressentait également des effluves magiques provenant de la créature et qui étaient sans nul doute à l'origine du changement de temps qui se préparait : la température chutait, le vent se levait et des précipitations glacées ne tardèrent pas à s'abattre sur la tête des rennes et des aventuriers. Drilun utilisa bientôt ses pouvoirs magiques pour repousser le mauvais temps, mais après un début d'amélioration le temps empira et ses efforts pour contrer la magie du démon du froid furent vains.

Il fallut donc se résigner à faire un camp de fortune à l'aide des affaires emportées. Une bâche fut disposée sur les bateaux regroupés en étoile, un peu à la manière d'une tente basse, rudimentaire mais efficace. Au centre de l'abri reposait la lionne enchantée, contre laquelle se blottissaient les aventuriers friands de chaleur, et en particulier le hobbit. Vu leur équipement de qualité, le froid les gênait moins que la pensée de leur ennemi qui pouvait s'attaquer à eux à tout moment, et donc aux mauvaises surprises qui pouvaient survenir pendant leur sommeil. Vers l'extérieur de leur abri, les cinq rennes étaient blottis sur le sol, endormis par un sort de la guerrière et soigneuse elfe, afin de ne plus ressentir la peur engendrée par la présence de leur ennemi et de sa magie.

Même si les sens particulièrement aiguisés de la lionne rassuraient le groupe, un tour de garde fut tout de même décidé. Geralt prit le premier tour, de sa propre initiative, le temps de permettre à Isilmë de se reposer complètement et rapidement comme le font les elfes. Afin de récupérer encore plus efficacement, elle utilisa sa magie pour plonger plus profondément dans le monde des rêves, tandis que le maître-assassin veillait. Mais ses compagnons n'eurent guère le temps de dormir bien longtemps qu'iil lui sembla percevoir une nouveauté à travers le bruit du blizzard hors saison qui secouait leur petit abri : quelque chose - ou quelqu'un - semblait en train de leur tomber dessus.

4 - Attaque et bilan
Son cri eut à peine le temps de réveiller ses compagnons que deux rennes mouraient d'un puissant et glacial coup de fouet porté par un bras puissant et démoniaque. Tandis que les aventuriers se débattaient avec la bâche et autres affaires qui entravaient leurs mouvements, un autre coup ôta la vie à deux autres rennes. Geralt, qui le premier arriva à sortir la tête au-dessus du mélange de débris en tout genre (morceaux de bateau compris), affaires et cadavres, vit leur ennemi ailé, le démon du froid Andalónil, qui s'apprêtait à porter un coup fatal au dernier renne encore vivant et toujours endormi par la magie de l'elfe.

La lionne enchantée sortit son puissant corps des restes de leur abri tandis que ses compagnons peinaient encore à se dégager, suivie de peu par Taurgil ou Drilun, dont le bâton put éclairer la fin de la scène, tandis que Rob se demandait encore où était le haut et où était le bas et que l'elfe dormait toujours. Vif put voir en direct la mort du dernier renne, tandis que leur maître-assassin se mettait debout et se précipitait sur leur adversaire, l'arme levée bien haut. Malheureusement, il avait oublié les éléments glacés que le démon du froid avait fait tomber sur eux. Éléments qui avaient constitué une belle couche de glace autour de leur camp de fortune, glace sur laquelle glissa leur ami aux nombreuses cicatrices...

Grâce à son excellent sens de l'équilibre, Geralt parvint à ne pas tomber, mais il aurait difficilement put porter le moindre coup sur une surface aussi instable. La féline Femme des Bois vit le démon sourire avant de porter un splendide coup de poing dans le visage de l'Eriadorien aux cheveux blancs, coup de poing qui lui cassa le nez, lui gela une partie du visage et qui le laissa par terre, sur le cul. Coup de poing qui aurait sans doute pu être mortel, mais manifestement ce n'était pas ce que cherchait leur ennemi.

Avantagée sur la glace par ses quatre grosses pattes et ses sens de gros chat, Vif bondit vers une aile du démon de manière à pouvoir l'endommager assez et ainsi le clouer au sol, histoire de pouvoir lui régler son compte tous ensemble. Mais il avait anticipé la chose et, malgré sa rapidité, elle ne put que lui faire une blessure très mineure qui ne l'empêcha nullement de s'envoler avec un rire moqueur. Lorsque les derniers aventuriers émergèrent, le combat était bien terminé, les rennes n'étaient que de la chair morte fumante, leurs bateaux étaient en morceaux, et le visage de Geralt était encore plus moche que d'habitude.

Après quelques soins et récupérations en tout genre, le bilan qui fut fait n'était pas très positif : si les blessures restaient limitées - Geralt trouvait d'ailleurs sa collection de cicatrices très utile pour inspirer la peur - le groupe était à présent bien ralenti faute de moyen de transport adapté au Grand Nord. Sans même parler de la perte financière que cela représentait pour Mordin, qui ne mâchait pas ses mots dans sa barbe. Et le temps ne s'améliorait pas, virant franchement à la neige et empêchant tout cheminement faute de points de repère. Il ne restait plus qu'à attendre le bon vouloir du démon du froid pour pouvoir repartir. A tout le moins il était réconfortant de savoir qu'il ne souhaitait pas les tuer, ou du moins pas tout de suite...

5 - Tremblements et interrogations
Un nouvel abri fut donc mis en place pour permettre de se reposer. Le temps passa, permettant à chacun de se reposer malgré le souci d'une nouvelle attaque de leur ennemi démoniaque. Les aventuriers semblaient complètement coupés du reste du monde par le vent et la neige qui occupaient l'espace autour d'eux et leurs sens de la vue et de l'ouïe, sans parler de la température. Néanmoins, après un temps indéfinissable, alors que la journée devait être bien avancée, c'est un autre sens qui prévint Vif que quelque chose se passait : à travers les vibrisses de ses pattes félines, la Femme des Bois percevait des vibrations dans le sol : quelque chose s'approchait d'eux, qui finit par se stabiliser à distance moyenne de leur campement...

Les divinations magiques de Drilun furent de nouveau mises à contribution. Elles lui indiquèrent qu'une troupe de cavaliers, soit peut-être une cinquantaine d'individus, était disposée à une petite distance d'eux. Distance facilement couverte par des chevaux au galop, et sans doute assez faible pour permettre à des gens perceptifs de les repérer de loin. D'autres divinations magiques permirent de compléter le tableau : si les cavaliers étaient a priori de peu d'intérêt pour les sept compagnons, en revanche ils semblaient menés par un de leurs ennemis de Dol Guldur, ennemi qu'ils ne connaissaient pas encore mais dont ils avaient toutes les bonnes raisons de se méfier. Ennemi qu'ils ne souhaitaient aucunement affronter sur un terrain qu'il avait préparé, avec des pions à sa disposition.

D'autant qu'il n'était pas seul : la présence d'Andalónil était toujours perceptible, et d'autres éléments étaient en marche. Car les cavaliers n'étaient pas seuls, ils ne représentaient qu'une petite partie de l'armée d'Angmar venue leur chercher des noises. Ils s'étaient disposés de manière à leur barrer la route vers le nord et permettre aux fantassins de les rejoindre, menés eux aussi par un des ennemis au service du Nécromancien. Entre les cavaliers et leur chef, les guerriers à pied et leur autre chef, et la menace ailée qui planait au-dessus d'eux, les perspectives d'avenir paraissaient bien sombres pour Vif et ses amis.

Aussi décida-t-elle de faire jouer ses propres contacts. Même si elle ne le percevait pas, elle savait que Tevildo, dont les pouvoirs félins coulaient dans ses veines, restait en permanence en contact avec elle et qu'il pouvait percevoir ce qu'elle vivait ou pensait. Elle se concentra alors pour l'appeler et lui demander des renseignements afin de les aider à se sortir du guêpier dans lequel ils se trouvaient. L'esprit des temps anciens daigna lui répondre après un peu d'insistance de la lionne magique, tel un chat qui se laisse tirer l'oreille pour bien montrer qu'il ne fait que ce qu'il souhaite et qu'il est maître de ses décisions. Et bien entendu, s'il répondit effectivement à certaines de ses questions, ce fut avec une certaine avarice.

Pourtant, les renseignements donnés furent précieux. Le Prince des Chats confirma et précisa même les informations apportées par les divinations de l'archer-magicien du groupe. Le chef des cavaliers était vraiment quelqu'un de puissant, et sans doute impossible à tuer durablement. Peut-être le plus puissant des trois, celui dont il fallait le plus se méfier. Pour autant, il avait certaines faiblesses, comme par exemple la répugnance voire la peur d'éléments naturels comme de l'eau courante, ou encore la lumière du soleil qui l'affaiblissait grandement. L'autre chef de l'armée, et troisième personne à venir à leurs trousses depuis Dol Guldur, était lui d'une autre trempe. Même si c'était probablement un puissant sorcier, il n'était pas du même niveau que le chef des cavaliers, qui pouvait sans doute demander à ses troupes - et obtenir sans mal - n'importe quelle action de son choix, suicide collectif compris.

Mais peut-être plus important encore, Tevildo confirma ce que les aventuriers avaient pu deviner : Andalónil n'avait pas les mêmes objectifs que ceux de ses compagnons. Ces deux derniers ne souhaitaient que l'obéissance aux ordres du Nécromancien, alors que le démon ailé en avait bien d'autres. Non seulement il souhaitait obtenir tout le crédit pour la capture ou la mort de Taurgil et compagnie, ce qui pouvait l'amener à gêner indirectement les efforts des deux autres ; mais également il était susceptible de servir les intérêts d'un autre esprit puissant avant même ceux du Nécromancien. Eloeklo, esprit de la tempête et du froid et ancien gardien des forteresses de Morgoth, paraissait garder un certain lien avec leur ennemi démoniaque. Ce qui paraissait naturel pour deux esprits anciens liés au froid et à la destruction.

6 - Choix et prise de risque
Petit à petit, le temps changea : le blizzard s'arrêta et la neige disparut du ciel. Mais pas du sol : une épaisse couche de neige fraîche recouvrait les environs, et n'allait pas aider les aventuriers à quitter les lieux facilement. Certes, ils disposaient de raquettes pour avancer plus vite dans la neige, mais ils n'avaient pas tous les mêmes facilités avec ce mode de déplacement. En tout cas, même si le ciel ne se dégagea pas complètement, il fut plus facile de voir en quoi consistait leur environnement. Curieusement mais sans réelle surprise, la couverture de neige ne semblait pas très étendue autour d'eux, comme si le blizzard avait été très localisé, et centré sur leur campement. Et les cavaliers ennemis, visibles à la longue-vue, ne semblaient pas avoir été affectés du tout par le mauvais temps : les sabots des chevaux étaient bien au sec...

C'était le début de la nuit, et, même de loin, il devait être facile à un bon observateur de pouvoir suivre leurs déplacements. Autrement dit, leurs options étaient somme toute assez limitées : s'ils restaient sur place ils allaient être pris assez vite entre les cavaliers déjà présents et les fantassins qui arriveraient tôt ou tard, et plutôt tôt que tard. S'ils s'éloignaient des cavaliers ils allaient immanquablement tomber sur ces mêmes fantassins. Et s'ils cherchaient à s'enfuir dans une autre direction, les cavaliers pourraient rapidement les rattraper. Et c'était également sans compter avec leur ennemi ailé qui pouvait leur tomber dessus à tout moment et depuis à peu près n'importe où...

La rivière Lhúchir, qui représentait une barrière non négligeable pour l'armée ennemie, était certainement assez proche, mais encore trop loin pour espérer l'atteindre, d'autant que les cavaliers s'étaient placés entre le groupe et elle. Et rechercher le combat avec l'un ou l'autre groupe était trop risqué : cavaliers et fantassins avaient avec eux un puissant lieutenant du Nécromancien de Dol Guldur, sans parler d'Andalónil pour leur prêter main-forte. Bref, où qu'ils aillassent, les aventuriers allaient être vite rejoints par leurs ennemis supérieurs tant en nombre qu'en force brute. Se séparer n'était pas vraiment une option souhaitable, et parlementer l'était encore moins.

Néanmoins, une autre option se dessina bientôt : la mer. En effet, le groupe n'était pas si loin que cela des côtes de la baie de Forochel, visible à la longue-vue. Bien entendu, c'était encore trop loin et les cavaliers pourraient leur tomber dessus bien avant d'avoir parcouru ne serait-ce que la moitié du chemin : il leur serait facile de se mettre en route dès qu'ils les verraient partir dans cette direction. Et par ailleurs, les aventuriers n'avaient plus de bateau. Mais Drilun pouvait magiquement manipuler le temps pour les couvrir tous, avec un brouillard par exemple. Et quelque chose disait à l'oreille de certains qu'Andalónil, s'il avait le pouvoir de contrer l'archer-magicien, n'en ferait rien. Enfin, de nombreux Lossoth étaient présents sur les côtes, et d'ailleurs bien occupés à plier bagages pour s'éloigner au plus vite de l'armée présente.

Il n'y avait donc pas de temps à perdre, puisqu'une fois les Hommes des Neiges partis ou trop éloignés, il serait impossible de leur emprunter une embarcation avant l'arrivée des cavaliers et surtout de leur maître. Le Dunéen magicien rassembla son énergie magique afin d'invoquer un brouillard qui les masquerait tous sur au moins la moitié de la distance entre leur campement et les côtes proches. Il faudrait une bonne heure pour qu'il se mette complètement en place, mais les aventuriers furent bien vite couverts. Ils purent donc lever le camp sans trahir leurs intentions, même si l'ennemi devait être conscient qu'ils allaient tenter quelque chose. Ils prirent leurs raquettes, ou le dos de la lionne pour les plus petits ou maladroits, et commencèrent à se diriger dans la direction souhaitée grâce aux sorts de Drilun.

7 - Course et embarquement
Guidés par la magie de l'archer-magicien, les sept compagnons se dirigèrent vers le bord de mer, jusqu'en limite de la zone de brouillard épais qui les masquait aux yeux de leurs ennemis. Ils purent alors vérifier que ces derniers n'avaient pas repéré leur déplacement furtif : leur subterfuge avait jusque-là bien fonctionné, mais le plus dur restait à venir. En effet, ils allaient devoir franchir une zone à découvert entre la zone de brouillard et quelques arbres qui devaient profiter de la présence d'un cours d'eau proche qui se jetait dans la baie. Et quelque chose disait aux aventuriers que, magiquement ou autrement, ils seraient vite repérés.

Le groupe décida alors de privilégier la vitesse à la discrétion. Vif prit sur son dos, en plus du hobbit, Isilmë et Drilun, laissant aux trois autres le soin de faire le trajet à pied et à bonne allure, malgré les protestations de Geralt dont le moral chutait sans cesse. Grand flemmard devant Eru, il avait peu apprécié de passer du statut de cavalier à coureur de fond et ses réserves nerveuses fondaient comme la neige sous le feu d'un puissant dragon. Puis la Femme des Bois fila vers la côte qu'elle percevait sans mal, sans parler de petites silhouettes qui s'éloignaient vers l'ouest et le sud, loin des cavaliers d'Angmar. Il s'agissait des Lossoth qui avaient pris leurs cliques et leurs claques lorsque les cavaliers s'étaient montrés. Malgré l'heure nocturne, ils avaient donc embarqué leurs affaires, y compris tentes et embarcations légères, vers des horizons plus tranquilles et surtout sans ennemis proches.

La lionne, malgré la charge portée, avait bien progressé et la côte n'était plus très loin lorsque des mouvements furent perçus à l'est et au nord : les cavaliers avaient fini par les repérer et peut-être comprendre ce qu'ils avaient en tête, et ils s'étaient mis au galop afin de les intercepter. De l'autre côté, les Lossoth virent arriver cette étrange monture portant de non moins étranges cavaliers, pour le plus grand émoi de leurs rennes ou de leurs chiens à qui l'odeur de la lionne ne revenait absolument pas. Les amis de la féline Femme des Bois furent bien vite laissés à eux-mêmes sur le plancher des vaches, ou plutôt des rennes vu l'absence manifeste de vaches dans la région, tandis que leur amie revenait en arrière, autant pour distancer les chiens que pour aller chercher ses amis en danger.

Isilmë utilisa toutes ses compétences mais aussi ses talents et son charisme d'elfe pour pouvoir approcher les Lossoth et leur faire comprendre qu'ils n'avaient rien à craindre d'eux, dans l'immédiat du moins. Charmés par la magie de la belle guerrière, certains des Hommes des Neiges acceptèrent de donner leur embarcation à une si bonne amie, car ainsi la voyaient-ils, avant de prendre leurs jambes à leur cou pour fuir les cavaliers qui seraient bientôt là. Trois barques de bois, de cuir et d'écorce de bouleau furent donc mises à l'eau et les premiers aventuriers et leurs affaires furent installés. Isilmë était la seule qui savait réellement se servir d'une embarcation, elle prendrait donc la tête du convoi.

Vif arriva bientôt avec Mordin et Geralt, tandis que Taurgil restait seul avec les cavaliers qui se rapprochaient. Les premiers d'entre eux n'étaient plus très loin, menés par une silhouette humaine entièrement vêtue de noir sur une monture de la même couleur, et dont il émanait une aura de peur manifeste. Ce cavalier noir poussa un cri qui n'avait pas grand-chose d'humain et le Dúnadan sentit son cœur se glacer d'effroi. Il avait laissé la larme de Yavanna à un de ses compagnons pour lui permettre de progresser plus vite sur le terrain enneigé, il ne pouvait donc profiter de sa protection contre la sorcellerie. Aidé par sa propre magie purificatrice, il arriva néanmoins à surmonter sa panique - de justesse - et il arriva enfin parmi le reste du groupe qui n'attendait plus que lui.

Il monta dans la dernière barque avec le hobbit, en essayant de ne pas faire chavirer le frêle esquif et de les plonger tous deux dans l'eau glacée de la baie, avant l'arrivée des cavaliers. En tête, l'elfe se mit à ramer à bonne allure, quelque peu aidée par Geralt, tandis que le nain et le Dunéen tenaient l'embarcation du milieu. Toutes étaient reliées les unes aux autres par une corde, et la lionne se jeta à l'eau en essayant tant bien que mal de pousser la dernière embarcation avec son puissant corps félin. Derrière eux, le cavalier noir poussa un cri de rage et s'arrêta à bonne distance du rivage, tandis que d'autres cavaliers arrivaient au bord de l'eau et s'empressaient de prendre leur arc.

8 - Échange de tirs et manœuvres nautiques
Tandis que l'elfe ramait avec vigueur, aidée par Vif à la nage, quelques échanges de flèche eurent lieu sans grande conséquence pour les aventuriers : les premiers archers ennemis tombèrent sous les flèches de Rob et Geralt, et les flèches qui suivirent ne blessèrent personne. Taurgil, le plus exposé, s'abritait derrière son pavois, bientôt rejoint par le hobbit. Le Dunéen préféra rester observateur plutôt que de gaspiller ses flèches pour des ennemis sans importance. La lionne était difficile à toucher dans l'eau, sans parler de son corps magique résistant aux flèches normales. Et par ailleurs il faisait nuit... Au bout d'un moment, tandis qu'ils se faisaient de plus en plus nombreux, les archers ennemis arrêtèrent de tirer et les regardèrent s'éloigner.

Mais la féline Femme des Bois ne pouvait pas rester indéfiniment dans l'eau glaciale, malgré son épaisse fourrure et sa formidable constitution. Par chance, les aventuriers n'étaient pas seuls : des Lossoth avaient choisi de prendre leur barque pour fuir les cavaliers d'Angmar et ils se trouvaient à faible distance d'Isilmë et de ses amis. L'elfe mit donc le cap sur certains d'entre eux et elle en persuada deux d'entre eux de se regrouper sur la même embarcation, ce qu'ils firent, afin de leur remettre celle qui restait vide. Par la suite, à l'aide de la corde magique tenue par les bras costauds du Dúnadan et de la stabilité conférée par les trois autres barques, la lionne put monter dans la barque vide juste assez grande pour elle, sans la faire chavirer ou faire chavirer l'un des esquifs de ses amis.

Restait que les cavaliers ennemis les suivaient à distance, et donc que le trajet maritime risquait de durer un peu. Par ailleurs, un vent se levait venant de l'est qui les poussait vers le large, alors que leur objectif était le nord et l'embouchure de la rivière Lhúchir, vers lesquels Isilmë dirigeait leur convoi maritime. Mais il faudrait encore de nombreuses heures pour y arriver et la guerrière elfe risquait de manquer de forces, surtout s'il fallait rester près des côtes et lutter contre le vent. Aussi fut-il décidé de laisser le vent les éloigner de leurs ennemis, tout en continuant leur trajet vers le nord.

Le trajet se poursuivit et les aventuriers perdirent de vue une partie des côtes et les repères permettant de connaître leur position. La rameuse, au bout d'un moment, remisa sa rame pour se reposer un peu, accompagnée par une partie de ses compagnons. Si bien que lorsque le soleil se leva, la longue-vue leur apprit, comme cela fut confirmé ensuite par les sorts de divination de Drilun, qu'ils avaient dérivé bien plus à l'ouest qu'ils ne l'avaient prévu. En fait, ils se trouvaient plus près de Rast Losnaeth (Cap de la Neige Mordante, en sindarin), des collines rocailleuses formant une extension des terres du nord de la baie de Forochel, que des côtes est de la baie qu'ils venaient de quitter. Ils s'étaient donc bien éloignés de leur objectif premier, à savoir les Terres des Lacs et Inhael Eketta.

Ce qui n'était pas forcément pour leur déplaire, car ils étaient à présent hors de portée de l'armée d'Angmar et de leurs poursuivants, Andalónil excepté. En dehors de quelques baleines, de baleiniers et de quelques icebergs lointains, les eaux étaient calmes et ne présentaient pas de danger visible. Du coup l'objectif des sept compagnons changea et se porta plutôt vers Dwimfa, survivant de la précédente bande d'aventuriers et surtout du crash du bateau volant qu'ils recherchaient, ou plutôt que Tevildo leur avait dit de rechercher. Il semblait que cet Homme des Bois devenu aventurier, que Vif connaissait depuis l'enfance, était hébergé par des Lossoth habitant un iceberg. Iceberg qui ne devait plus se trouver si loin que cela...

Du coup, Drilun occupa son temps et ses compétences magiques à consulter la carte recopiée en Arthedain et à extrapoler l'emplacement de l'ami d'enfance de la Femme des Bois à l'aide de ses divinations. Petit à petit, il arriva à cerner la zone de la baie de Forochel où le fameux Dwimfa devait se trouver, tout en sachant bien que l'iceberg sur lequel il se trouvait, ou du moins c'est ce que supposaient les sept aventuriers, pouvait dériver et changer de position. Néanmoins, vu leur situation actuelle, se diriger vers leur nouvel objectif paraissait plus à leur portée que de revenir vers l'est et la région des lacs où devait se trouver le fameux rôdeur d'Arthedain expert de la région du Grand Nord...
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Niemal
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Grand Nord - 6e partie : aventures maritimes

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1 - Rast Losnaeth
Si leur objectif premier était maintenant clair, à savoir un ancien aventurier, ami d'enfance de Vif, ayant survécu à une probable confrontation avec Eloeklo, restait à savoir comment arriver jusqu'à lui. Son emplacement était à peu près connu, même s'il était susceptible de changer. Le passage par le nord et par la terre fut brièvement envisagé, mais jugé peu pratique et trop long. Par ailleurs, le cap vers lequel ils voguaient semblait abriter, d'après la carte recopiée par Drilun, deux sites lossoth. Tous deux étaient situés au sud, sur la partie occidentale du cap. Deux solutions s'offraient au groupe pour aller jusqu'à ces lieux jugés intéressants : débarquer sur la rive orientale du cap et finir le trajet à pied, ou contourner le cap par le sud par la voie maritime.

L'examen des terres du cap à la longue-vue montra une terre rocailleuse et désolée, sans grande trace de vie, difficile à parcourir. Sans parler d'une côte dangereuse à aborder avec une probable abondance de récifs. Le trajet par la voie terrestre semblait donc dangereux, difficile et lent. Même si le vent qui poussait les bateaux vers l'ouest de la baie avait faibli, le trajet par la mer semblait plus rapide et sûr. Quelques sorts de divination donnèrent des précisions sur le courant dominant au-delà du cap, et il semblait aller dans le bon sens. Le ciel restait clément et le resterait sans doute encore un peu d'après les compétences et la magie de Taurgil, et donc le choix fut arrêté : Isilmë allait encore ramer un moment.

La vue d'un baleinier un peu éloigné, visible à la longue-vue seulement, donna l'espoir bref d'une traversée plus facile. Mais cet espoir vola vite en éclats lorsqu'il parut que le bateau mettait voile vers l'ouest, et il allait plus vite que les barques. Quant à attirer l'attention de ses marins depuis une telle distance, ce fut une idée vite remisée au rayon des inutilités. L'elfe rama donc encore et encore, aidée par certains de ses compagnons qui, par la force des choses, commençaient à savoir manier un peu ce nouvel outil de bois permettant de diriger leurs frêles esquifs. Les aventuriers commencèrent donc à contourner Rast Losnaeth par le sud à une distance respectable des côtes, tant pour éviter les récifs que pour aller plus vite et ne pas suivre un trait de côte très accidenté et donc bien long.

Au fur et à mesure que le groupe découvrait les eaux plus occidentales de la baie, de nouveaux détails furent perceptibles, en particulier avec l'aide de la longue-vue : il y avait davantage de montagnes de glace - les icebergs - flottant sur les eaux, pour commencer. Les côtes occidentales du cap semblaient un peu plus hospitalières et paraissaient héberger davantage de vie, et notamment des phoques. Phoques qui semblaient attirer des petites baleines blanches et noires, majoritairement présentes, même si quelques individus plus rares, plus loin des côtes, pouvaient être repérés grâce au panache de vapeur qui émanait d'eux.

La vie humaine était également présente, bien qu'avec un certain bémol : l'un des sites notés sur la carte du Dunéen était en fait une ruine ancienne composée des restes très dégradés de vieux bâtiments de pierre. Par contre, l'autre site semblait bien plus récent et comportait de nombreuses embarcations. Un camp et une certaine présence humaine étaient également présents près des ruines, mais cela semblait bien plus modeste. Le soir commençait à tomber et la nuit serait bientôt là, et les aventuriers décidèrent de laisser les ruines pour une prochaine visite et de filer vers le site plus peuplé. De toute manière ils n'avaient pas le temps d'atteindre l'un ou l'autre avant la nuit.

Ils progressaient vers le nord, le long des côtes occidentales du cap, dans une espèce de large échancrure au milieu des terres, ce qui protégeait les bateaux des courants. Les ruines qu'ils avaient passées étaient sur la pointe occidentale de cette échancrure, et le site vers lequel ils se dirigeaient était situé au fond. La nuit venue, la proximité des côtes augmenta et le nombre de récifs avec. La guerrière elfe possédait une bonne maîtrise de son embarcation grâce à ses compétences maritimes, néanmoins elle apprécia la lumière émise par le bâton magique de Drilun qui facilita le repérage du chemin à prendre. Ses amis aussi, car ils furent bien obligés de participer - Vif comprise, à l'aide de ses pattes - pour suivre avec exactitude le trajet du bateau de devant entre les rochers et récifs. Petit à petit, le groupe s'approcha du camp lossoth, d'où émanèrent bientôt quelques dizaines de personnes. Malheureusement, elles étaient armées de harpons et leurs cris et gestes semblaient indiquer que les aventuriers n'étaient pas vraiment les bienvenus...

2 - Échanges et camp nocturne
A distance, Isilmë tenta de calmer le jeu et d'expliquer que ses amis et elle n'avaient aucune intention belliqueuse, ils cherchaient juste un endroit où passer la nuit. Petit à petit, l'agressivité de ses interlocuteurs diminua et elle put comprendre ce qui avait causé leur émotion. Le camp qu'ils souhaitaient aborder n'était pas un camp ordinaire. C'était en fait un endroit sacré où les membres d'un culte de chasseurs de baleines venaient se purifier, se préparer avant une chasse. Les gens qui n'étaient pas membres de ce culte n'étaient pas les bienvenus et ils perturbaient les préparatifs ; ce qui, aux yeux des Lossoth présents, pouvait signifier une mauvaise chasse, avec des conséquences comme une famine possible en hiver, voire des morts au cours de la chasse.

Car chasser la baleine n'était pas un métier de tout repos. Les risques étaient grands, les chasseurs pouvaient revenir bredouilles voire ne pas revenir du tout : un plongeon dans l'eau glacée était vite fatal en raison de l'hypothermie. La plupart des Lossoth ne savaient d'ailleurs pas nager : les occasions de pratiquer étaient très faibles et souvent accidentelles, et elles ne pouvaient durer longtemps sans mort certaine. Bref, un chasseur à l'eau était un homme (ou une femme) mort s'il n'était pas très vite secouru par ses pairs. Peu d'entre eux vivaient au-delà de quarante ans. D'où une bonne préparation nécessaire, que les aventuriers perturbaient avec leur présence.

Néanmoins, les chasseurs de baleine lossoth n'étaient pas vraiment belliqueux. Lorsqu'ils eurent compris que leurs interlocuteurs souhaitaient juste des informations voire un peu d'aide, ils se firent plus conciliants. D'autant que c'était une bonne manière de faire partir vite ces étrangers qui n'avaient pas leur place ici. Les Lossoth ici présents faisaient partie des Merimetsästäjät ou "Chasseurs des Mers". Conformément à ce que Taurgil et ses amis avaient entendu dire, ils vivaient bien dans des montagnes de glace qui voguaient sur les eaux de la baie et ne mettaient que très rarement pied à terre. Les chasseurs de baleine étaient donc très importants, et c'était la fin de la saison de chasse.

La guerrière elfe fut très intéressée par ce qu'elle apprenait. En effet, l'ancien aventurier qu'ils recherchaient était censé vivre dans un iceberg avec ces gens-là, d'après des visions passées. Les chasseurs avaient-ils entendu parler de lui ? Ces derniers ne connaissaient personne qui portât le nom de Dwimfa, l'ami d'enfance de Vif. En revanche, oui, ils avaient entendu parler d'un étranger recueilli dans un de leurs icebergs qui servaient d'habitation. Il était amnésique et semblait s'être bien intégré au clan, et portait le nom de ulkomainen onnekas ou "étranger porte-bonheur". Il avait été recueilli suite à des rêves et autres échanges très positifs avec le monde des esprits, mais il était dit que s'il devait partir, ceux qui l'avaient côtoyé subiraient les attaques de puissants mauvais esprits ou quelque chose de similaire, d'après ce qu'en comprenait Isilmë. En bref, son absence serait synonyme de mort et destruction.

La belle elfe arriva également à obtenir un peu d'aide de la part des Lossoth. Une chasseresse prit une embarcation et vint les guider jusqu'à un endroit proche mais légèrement éloigné du camp, isolé, où le groupe pourrait passer la nuit sans problème. Cela demanda encore quelques manœuvres en barque et certains comme Mordin, qui n'avait pas le pied très marin, se mouillèrent un peu dans l'eau glacée au moment de quitter leur embarcation pour une grande pierre plate en hauteur. Puis leur guide, après quelques derniers échanges courtois, les laissa afin de rentrer au camp. Afin de l'aider à revenir dans la nuit profonde, Drilun enchanta sa barque pour qu'elle émette de la lumière et que leur guide puisse ainsi retrouver son chemin au milieu des récifs, à son grand plaisir.

3 - Ruines et découvertes
La nuit se passa sans incident et un nouveau jour se leva bientôt. Tandis qu'au loin les chasseurs de baleine se mettaient en chasse sur leurs frêles embarcations, les aventuriers décidèrent de la suite à donner. Beaucoup d'entre eux souhaitaient explorer les ruines visibles au loin, au-dessus d'un éperon rocheux présent à une certaine distance au nord et à l'ouest, de l'autre côté d'un certain nombre de miles d'eau glacée. En effet, d'après ce que leur avaient dit les Lossoth rencontrés la veille, il s'agissait des ruines d'une civilisation autrefois disparue qui fabriquait de nombreuses perles de céramique, dont certaines étaient magiques. Il était aussi possible d'y arriver par la terre, mais la nature très rocailleuse et escarpée du cap, sans beaucoup de terre ou de végétation, n'inspirait pas grand monde. Sauf Vif, très à l'aise dans les rochers, et Mordin, qui goûtait peu aux joies de la navigation.

Ces deux derniers prirent donc la voie terrestre pendant que les autres reprenaient leurs embarcations. Cela se transforma bientôt en une sorte de course pour savoir qui arriverait en premier, et le nain, balloté de partout sur le dos de la lionne enchantée qui bondissait de rocher en rocher, regretta vite amèrement d'avoir quitté la surface de l'eau. Les quatre embarcations arrivèrent près des ruines en même temps que le félin et son étrange - et quelque peu malmené - cavalier, mais il fallut encore un peu de temps avant d'arriver à trouver le bon chemin entre les récifs et de pouvoir monter jusqu'aux ruines, non loin d'un camp lossoth qu'ils avaient contourné.

Les ruines avaient manifestement été fouillées de nombreuses fois. Vif se concentra donc sur les parties plus isolées ou qui, à ses sens, avaient subi une fouille moins minutieuse. De son côté, l'archer-magicien dunéen utilisa ses sorts de divination pour les aider. Grâce à quelques perles magiques qu'ils avaient déjà obtenues - non sans mal - dans un trésor une douzaine de jours auparavant, dans des marais, il put se concentrer sur la présence de perles similaires. Il en sentit un certain nombre, dans un lieu relativement facile d'accès. La fouille fut rapide et apporta un butin de perles de céramique comportant des runes et inscriptions diverses à la surface d'un grand nombre d'entre elles.

La lionne fit néanmoins entendre sa voix, et après avoir usé de magie pour traduire ce qu'elle souhaitait dire, ses amis comprirent qu'elle les prévenait d'un probable danger. Ils avaient entendu parler de perles maudites qui apportaient la mort et la non-vie, et celles qui venaient d'être trouvées l'avaient été avec bien trop de facilité, à un endroit où elles auraient déjà dû l'avoir été. Grâce à ses compétences en runes magiques, Drilun confirma bientôt que les perles qui avaient été trouvées étaient bien maudites et pas si vieilles que cela. Il lui sembla même reconnaître une origine magique du côté d'Angmar... Bientôt, à l'aide de son bâton enchanté, elles volèrent en éclat et la magie fut détruite.

En revanche, du côté où Mordin et Vif avaient commencé à fouiller, le magicien du groupe sentit un autre butin possible grâce à ses compétences divinatoires. Mais cela serait sans doute difficile à fouiller, les perles détectées étaient plutôt en profondeur, sur le site d'une ancienne bâtisse qui s'était effondrée il y a bien longtemps et qu'il serait difficile à dégager, sauf en y consacrant beaucoup de temps. Les membres du groupe déblayèrent et creusèrent donc, jusqu'à dégager un boyau minuscule permettant d'aller plus en profondeur. Malheureusement, il était impossible de dégager davantage, les parois étant de lourds blocs de pierre effondrés, et il était trop petit pour s'y faufiler, sauf peut-être pour un enfant petit et agile... ou un hobbit.

Rob arriva donc à se faufiler là où personne d'autre n'aurait pu aller, après une reconnaissance faite à l'aide de la corde magique portée par Taurgil, qui avait confirmé qu'il y avait bien quelque chose en profondeur. Aidé par la magie, le petit voleur arriva à explorer les ruines effondrées et il remonta plus d'une vingtaine de perles manifestement enfouies là depuis longtemps. Certaines comportaient des runes et de la magie était faiblement perceptible. D'après les perceptions et compétences du Dunéen, l'une d'elles était même particulièrement puissante et pouvait stimuler tous les sens et perceptions de son porteur. Il y eut débat pour savoir qui prendrait quoi, et c'est finalement l'elfe qui hérita de cette babiole, pendant que les autres étaient données à l'archer-magicien du groupe pour l'amélioration de certaines de ses compétences en artisanat, ou remises au nain comme monnaie d'échange possible, pour celles ne comportant aucune magie.

4 - Croisière
Le lendemain, le groupe quitta les ruines et reprit les barques et les eaux glacées de la baie de Forochel ("Couverture de glace nordique" en langue commune). Une fois la zone des récifs passée, la petite caravane d'esquifs fut menée, essentiellement par Isilmë aidée de quelques-uns de ses amis, vers le nord. Leur objectif restait de trouver une de ces fameuses montagnes de glace habitées flottant sur les eaux de la baie, si possible avant qu'elles ne soient prises par les glaces, et de demander à leurs habitants où vivait l'étranger porte-bonheur, nouveau nom de l'ami d'enfance de Vif. Les eaux de la baie comportaient un courant qui les menait dans la bonne direction, les armées d'Angmar étaient loin et ne pouvaient rien leur faire, et Andalónil ne souhaitait pas les tuer pour le moment. Bref, que de bonnes raisons de se réjouir.

Au passage, les aventuriers remarquèrent souvent la présence de petites baleines noires et blanches, en groupes de quelques individus. Elles restaient près des côtes et semblaient s'intéresser aux phoques qui y avaient leurs quartiers. Ces baleines avaient peut-être deux fois la taille de leurs barques, et en fait elles chassaient les phoques. Parfois, après s'être approchées furtivement, elles allaient jusqu'à se jeter hors de l'eau sur leur proie, avant de revenir dans l'eau en se trémoussant. Parfois aussi certaines proies étaient rabattues vers d'autres membres du groupe. Mais ces prédateurs étaient aussi la proie de certains groupes de Lossoth qui les chassaient collectivement depuis leurs embarcations...

Isilmë et ses compagnons croisèrent plusieurs groupes de chasseurs à une certaine distance. Au début ils tentèrent de contacter les Hommes des Neiges mais ils comprirent rapidement qu'ils dérangeaient plus qu'autre chose, et ils restèrent ensuite concentrés sur leur route. De toute manière, ils eurent bientôt d'autres soucis car le temps se voila et la neige fit son apparition, masquant les environs en plus de rendre leur position plus qu'inconfortable. Heureusement la magie de Drilun lui permit d'évacuer les nuages et le mauvais temps autour d'eux. Cela ne permettait pas de voir très loin mais cela rendait tout de même le trajet plus facile et évitait de se retrouver sur une zone de récifs, entre autres choses.

Cette navigation était loin d'être parfaite et, après quelques heures de progression, les aventuriers virent les côtes à faible distance. Ils se rendirent compte qu'ils avaient dérivé trop à l'est et il fallut de nouveaux sorts pour leur permettre de reprendre une bonne direction, plutôt au nord et à l'ouest. Arriva une nouvelle nuit, froide et humide, mais tous étaient bien équipés, endurants, sans parler des compétences magiques de certains d'entre eux pour soigner rhumes et autres petits (et gros) problèmes de santé. Au matin, le ciel était plus dégagé et la belle elfe et ses compagnons purent naviguer avec plus de facilité et surtout en se repérant plus facilement.

Ils eurent ainsi une occasion, au cours de leur trajet maritime, de repérer de nombreuses embarcations assez loin des côtes. Manifestement, des chasseurs de baleine lossoth avaient repéré une proie, une assez grosse baleine dont ils pouvaient difficilement deviner la taille exacte mais qui pouvait atteindre peut-être deux fois celle des baleines carnivores de la veille. Ils s'en approchaient de plus en plus depuis plusieurs directions, et les sept compagnons s'apprêtaient à laisser les chasseurs faire leur ouvrage sans plus leur prêter attention. Mais l'attention de Vif fut attirée, de même que celle des aventuriers les plus perceptifs, par quelque chose d'étrange : leurs embarcations bougèrent soudain comme s'ils venaient de passer au sommet d'une grosse vague, vague causée par le déplacement, sous leurs esquifs, de quelque chose de très gros qui allait dans la direction des chasseurs et de leur proie...

5 - Chasse interrompue
Alors que les chasseurs lossoth se rapprochaient de leur cible, ils furent soudain interrompus par l'arrivée explosive d'une énorme baleine. Jamais les aventuriers n'avaient vu un animal d'une telle taille, ni entendu parler d'une chose pareille. Il émergea de l'eau avec une telle vitesse qu'il vola littéralement hors de l'eau avant de retomber sous le nez des plus proches Lossoth. Il en résulta une énorme vague qui éparpilla les embarcations et fit se renverser certaines d'entre elles. La vague se propagea ensuite en direction des aventuriers qui eurent juste le temps de manœuvrer pour ne pas la prendre de flanc et tomber à la baille. Même ainsi, certains eurent une grosse frayeur et apprécièrent peu de prendre une douche lorsque le sommet de la vague menaça de les engloutir. Il paraissait étonnant qu'un animal, même aussi grand, puisse avoir un tel impact sur la mer autour de lui...

A la suite de cela, tout se passa très vite : plusieurs chasseurs lossoth étaient tombés à l'eau, et si certains allaient bientôt être récupérés par leurs collègues, ce ne serait certainement pas le cas de tous. Isilmë et ses amis se précipitèrent alors sur leurs rames et pagayèrent du mieux qu'ils purent vers la scène de chasse interrompue tout en observant la situation et les efforts des autochtones pour ne pas mourir. Certains d'entre eux n'arrivaient pas à se maintenir à flot, et l'un en particulier, peut-être assommé par sa chute dans l'eau glacée, ne bougeait pas et s'enfonçait sous l'eau, immobile, hors de portée de ses amis, qui regardaient sans pouvoir faire quoi que ce fût. Car se jeter à l'eau ne ferait qu'ajouter un mort de plus à une liste déjà longue.

Mais pas pour les sept nouveaux arrivants, qui avaient connu bien pire avec par exemple leur incursion dans les profondeurs de Dol Guldur. La première, Vif plongea à l'eau et nagea vigoureusement vers le chasseur inconscient et voué à une mort rapide, tandis qu'Isilmë faisait de son mieux, tout en ramant, pour expliquer aux Lossoth inquiets que l'animal n'était pas une menace mais un secours qu'elle contrôlait par magie. Elle attrapa le corps immobile de l'homme immergé, tandis que Geralt, à son tour, goûtait aux joies d'un bain glacé pour aller secourir un Lossoth en train de se noyer. Et s'il n'avait pas la fourrure enchantée de la lionne pour le protéger, il portait néanmoins une babiole magique qui augmentait sa résistance au froid. Ce n'était pas pour autant une expérience agréable, et son moral en subit les conséquences...

Tous les naufragés furent bientôt tirés hors de l'eau, mais ce n'était que le début du sauvetage : tous, à des degrés divers, souffraient d'hypothermie et l'un d'eux ne respirait plus depuis un moment. L'hypothermie menaçait également Geralt, qui, après son sauvetage, dut remonter avec difficulté dans une barque tout en tremblant de la tête aux pieds. Tandis que la belle elfe s'occupait de faire un massage cardiaque - dans une petite barque ! - avec l'aide de sa magie pour redonner de la vie au corps inconscient, et avec succès, le balafré aux cheveux blancs retirait ses vêtements trempés et glacés et offrait son corps nu aux éléments. Après s'être rapidement séché du mieux qu'il pouvait, il se sentit étrangement bien, son corps stimulé par le contact de l'eau glacé ayant bien réagi pour lui fournir toute l'énergie dont il avait besoin. Les Lossoth ne savaient pas s'ils devaient être plus impressionnés par ses nombreuses cicatrices que par son apparente facilité à se jouer du froid glacial qui l'environnait...

Au bout du compte, grâce aux efforts des aventuriers, tous les naufragés purent être traités avec un certain succès, aucun mort n'était à déplorer dans l'immédiat. Isilmë restait prudente quant à l'état de certains et notamment du chasseur inconscient, et elle pressa les chasseurs de baleine de les emmener à un endroit où les blessés pourraient se réchauffer et reprendre des forces. Impressionnés par le sauvetage opéré par les nouveaux arrivants, sans parler de leur apparence et de la présence du félin magique, les Lossoth ne firent guère de difficulté pour prendre leurs rames et les emmener tous en direction d'un iceberg peu éloigné qui, vu de plus près, semblait comporter un ponton taillé dans la glace avec d'autres barques tirées hors de l'eau. Ils distinguèrent enfin une ouverture d'où des silhouettes émergèrent, y compris des enfants, afin de les voir arriver de leur chasse interrompue.

6 - Palais de glace
Le ponton de glace et l'entrée au sein de l'iceberg étaient faits de manière à simuler quelque chose de parfaitement naturel et ne pas attirer l'attention. En fait, hormis pour des personnes habituées ou extrêmement perceptives, il était très difficile de noter l'aspect artificiel de cette gigantesque habitation glacée. L'approche des embarcations entraîna assez vite la sortie de divers Lossoth depuis l'entrée dans la montagne de glace. Bientôt les barques accostèrent et les "Chasseurs des Mers" entrèrent au plus vite, emportant avec eux leurs chasseurs à demi-morts de froid. Il ne resta bientôt plus que quelques Lossoth qui regardaient les aventuriers sans rien dire, avec une certaine appréhension. Aventuriers qui finirent par descendre des barques et emprunter avec une certaine lenteur le chemin prit par les Hommes des Neiges, pour qui avancer sur la glace était très naturel. Cela ne l'était pas autant pour Isilmë et ses amis, mais la plupart d'entre eux avaient tout de même des talents d'acrobate qui suffirent largement à la tâche.

Le groupe pénétra donc avec précaution dans la montagne de glace, observé de loin par quelques habitants du lieu qui regardaient les nouveaux venus avec un mélange d'effroi et de curiosité. L'entrée donnait sur un escalier taillé dans la glace qui s'enfonçait doucement dans les entrailles de la montagne glacée. Guidés par le son, les aventuriers débouchèrent bientôt dans une grande caverne où s'affairaient de nombreuses familles : certains tentaient de réchauffer les chasseurs ayant chuté à l'eau tandis que d'autres mettaient au courant les habitants de la caverne de ce qui s'était passé, et du rôle joué par la lionne et ses amis. Il semblait bien qu'une partie des habitants de l'iceberg, en particulier les plus jeunes, voyaient des étrangers au Grand Nord pour la première fois de leur vie. Quant à Vif, il s'agissait d'une expérience nouvelle pour l'intégralité des habitants du lieu.

Comme d'habitude, le premier contact fut délicat. Isilmë joua une nouvelle fois le rôle d'interprète et expliqua à une probable soigneuse que Taurgil et elle pouvaient aider les blessés. Après un moment, le Dúnadan put faire une infusion d'athelas et utiliser ses mains de roi (potentiel) pour améliorer encore un peu l'état de santé des blessés. Plus tard, Isilmë, suite au suivi de ces mêmes blessés, les déclarerait tous sortis d'affaire, y compris le chasseur qui avait commencé à se noyer et qui avait été le plus touché par l'hypothermie. Grâce à l'intervention du rôdeur et héritier de la famille royale du Rhudaur, il conserverait la vie et tous ses membres, malgré quelques probables engelures. S'il avait fallu l'amputer d'un membre cela aurait signifié une mort certaine à très court terme : la société des Hommes des Neiges ne pouvait se permettre de supporter une bouche à nourrir inutile, et l'homme lui-même se serait sans doute suicidé dès que possible pour ne pas mettre ses proches en danger.

Quoi qu'il en fût, passés les premiers moments, les visages se détendirent quand les Lossoth eurent compris que les étrangers ne représentaient aucune menace et même qu'ils avaient sauvé certains des leurs. Le "village" organisa alors l'équivalent d'une fête, tant pour honorer les étrangers bienveillants que pour se soulager de la pression née de l'accident de chasse et la mort évitée de peu pour certains des chasseurs. Les aventuriers participèrent à leur manière, en racontant des histoires - essentiellement la belle elfe - ou en jouant au clown (Geralt) voire animal de cirque (Vif). Ou encore en participant à la cuisine (Rob), en chantant (Isilmë) ou jouant de la musique (Drilun)... Le hobbit eut beaucoup de succès avec les enfants présents, de même que Vif, même si les parents étaient eux beaucoup moins rassurés !

Ce fut aussi l'occasion de regarder de plus près la montagne de glace qui servait d'habitation à plusieurs centaines de personnes divisées en deux ou trois "villages". La salle commune du "village" où ils étaient était fascinante pour leurs yeux étonnés : des rigoles couraient le long des murs ou piliers de glace qui émaillaient la pièce, et emportaient l'eau qui émanait de la lente fonte des murs. Les plafonds s'ornaient de quelques stalactites d'où tombaient goutte après goutte dans des trous creusés dans la glace. Mais surtout, les murs étaient sculptés d'innombrables scènes de la vie quotidienne des "Chasseurs des Mers", sculptures qui s'effaçaient peu à peu avec la fonte de la glace, pour renaître prochainement dans de nouvelles sculptures lorsque les habitants du lieu seraient coincés ici par le mauvais temps.

Lorsque la nuit tomba, l'intérieur des cavernes de glace, auparavant éclairées par la diffusion du soleil à travers la glace bleutée de l'iceberg, s'illuminèrent avec les lampes à huile (de phoque ou de baleine) allumées par les Hommes des Neiges. La lumière réfractée par la glace sculptée transformait l'intérieur du lieu en cathédrale de lumière. Une fois auparavant, les aventuriers avaient vu de loin un tel iceberg éclairé de l'intérieur, la lumière se diffusant à travers la glace et l'eau de la baie dans laquelle baignait l'iceberg. Spectacle merveilleux et tout aussi prenant depuis l'intérieur, où se rajoutaient également de nombreux sons. En plus de ceux des chanteurs lossoth (ou leurs invités), les bruits de la mer se faisaient entendre ; Vif pouvait distinguer à travers eux - ce qu'elle avait déjà perçu auparavant depuis la surface de l'eau - une mélodie étrange faisant penser au chant de gigantesques créatures maritimes, le chant des baleines...

7 - Menaces du Grand Nord
Petit à petit, grâce aux efforts des uns et des autres, de nombreux échanges eurent lieu entre les habitants du lieu et leurs invités. Au-delà du partage de cuisine, d'histoires et de musique et chants, entre autres choses, Isilmë et ses amis étaient en quête d'informations. Des informations sur Dwimfa, tout d'abord, cet homme qui devait les aider à combattre sans doute divers ennemis présents dans le Grand Nord. Mais aussi des informations sur le Grand Nord lui-même, ses habitants, ses menaces, et tout ce qui pouvait les aider à comprendre comment vivre ou survivre ici, en particulier en hiver. Car les aventuriers se doutaient qu'ils étaient partis pour rester là un bon moment, et qu'ils n'avaient vu pour l'instant que le plus facile...

Malgré toutes leurs compétences, les héros qui s'étaient infiltrés dans Dol Guldur savaient qu'ils pouvaient avoir besoin de l'aide des Lossoth. Mieux les connaître était nécessaire pour mieux les comprendre et pouvoir les aider. Leur seule présence représentait déjà un risque pour ces gens. Mais surtout, la vie périlleuse des Hommes des Neiges les empêcherait d'aider si en faisant cela ils retiraient peu de choses face aux risques encourus. Les Lossoth devaient lutter contre la famine, l'environnement mortel (froid...), mais aussi la magie noire et une pléthore d'ennemis en tout genre. Concrètement, comme ils l'avaient fait avec les Seigneurs des Chevaux, les aventuriers se doutaient bien qu'ils auraient à combattre des ennemis communs. Autant apprendre à mieux les connaître.

Ces "Chasseurs des Mers" ne craignaient pas les habituelles menaces issues d'Angmar ou équivalent : les armées humaines ou autres ne venaient pas jusque-là, sur les eaux glacées de la baie de Forochel, ou sur ses glaces hivernales. Et s'il existait des orcs qui vivaient dans le Grand Nord, au sein de montagnes plus au nord, ils ne descendaient pas jusqu'ici. Les Hordes des Traîneaux, de la même manière, n'avaient pas l'habitude de se risquer si loin à l'ouest, sur la mer glacée. Par contre, s'il n'était pas réellement un ennemi, Isilmë apprit que l'être qui prenait la forme d'une baleine géante portait un nom dans la langue des Lossoth, et c'était Aamumeren Isä, qu'on pouvait traduire par "Père de la Mer du Matin". Un être qu'ils vénéraient et qui les aidait parfois, mais dont les colères pouvaient aussi causer la perte de nombreuses vies.

L'elfe apprit aussi un peu davantage sur d'autres créatures qui hantaient les côtes et montagnes plus au nord. Il semblait qu'il y avait des trolls des neiges, voire des géants également, actifs durant les grands froids et les longues nuits de l'hiver. Les ours des neiges pouvaient parfois se hasarder près des icebergs habités et constituer une menace. Leur plus terrifiant prédateur restait tout de même certains dragons qui s'aventuraient jusque chez eux en hiver : la glace pouvait être assez épaisse pour supporter le poids de certains, tandis que d'autres pouvaient nager dans les eaux glacées et briser la glace sous les pas de chasseurs ou de voyageurs. Les montagnes de glace qui servaient d'habitation étaient toutes conçues pour ne pas avoir l'air habitées de loin, mais aussi pour avoir des tunnels trop étroits pour un éventuel dragon qui voudrait leur chercher noise...

Néanmoins, la menace la plus présente dans leurs esprits, pour le moment, restait l'épidémie de morts-vivants qui les affligeait depuis quelques années. Elle était probablement issue, d'après les "sages" (viisaat) et nommeurs d'esprit (henkinimittäjät), de perles de céramique maudites comme certaines que les aventuriers avaient déjà trouvées. Il paraissait ainsi que certains icebergs entièrement funéraires étaient devenus des citadelles de morts-vivants qui pouvaient errer sur les glaces à la recherche de proies vivantes, en hiver. Et les Lossoth étaient complètement désarmés face à ces créatures : comment tuer quelque chose qui l'était déjà, et qui ne craignait ni la faim ni le froid ? Certes, certains des habitants des icebergs connaissaient de la magie ou possédaient des armes runiques qui pouvaient combattre de telles créatures, mais c'était loin d'être suffisant. D'autant que l'épidémie prenait une proportion inédite.

8 - Informations et nouveau voyage
Petit à petit, la fête prit fin et les habitants partirent se coucher. Au-delà de la salle commune du village, plusieurs tunnels menaient à des quartiers composés de petites pièces familiales où les gens pouvaient avoir une vie plus intime. Ainsi, un couloir pouvait être percé de nombreuses ouvertures des deux côtés, chacune donnant sur une petite pièce, derrière un coude et une tenture, abritant un couple et ses enfants. L'essentiel des pièces était occupé par un ou deux lits faits de cuirs et tissus divers sur une armature d'os. L'iceberg comportait également des baies pour hisser et découper les carcasses de baleine, ainsi que des latrines, même si ce n'était guère plus que des trous dans la glace. Et même si certaines pièces étaient assez grandes pour la présence de nombreuses personnes, les passages étaient invariablement étroits pour limiter l'accès à des hôtes non invités comme des dragons.

Rob fut vite adopté par une famille dont les enfants l'avaient plus ou moins pris comme compagnon, ou au moins invité à partager leur lit pour une nuit. Au cours de la soirée, certaines jeunes femmes avaient parfois eu des regards éloquents à l'adresse de Drilun essentiellement, mais n'avaient pas osé franchir le pas de l'inviter à partager leur nuit et un moment de tendresse, comme cela était courant avec des visiteurs. Peut-être à cause de ses cicatrices, peut-être à cause d'autres regards de la belle elfe qui manifestement ne partageait pas les mêmes habitudes... Vif était un lit à elle seule, dans lequel certains enfants voulaient passer la nuit, non sans inquiétude pour les parents. Et un logement vacant fut mis à la disposition des aventuriers pour se reposer et se tenir au chaud les uns contre des autres.

La nuit se passa sans incident d'aucune sorte et le matin fut bientôt là. Les Lossoth furent très vite debout et actifs : les chasseurs de baleine et de phoque furent bientôt partis, de même que d'autres chasseurs-cueilleurs. C'était la fin de la belle saison mais il était encore possible de ramasser quelques baies et autres plantes comestibles, ou de chasser le lièvre voire d'autres proies terrestres. Sans parler de ramener quelques herbes médicinales ou simplement utiles, trouver du bois, fumer de la viande... Et à l'intérieur de l'iceberg, le travail ne manquait pas non plus : préparer ou réparer cuirs et tissus, conserver la nourriture excédentaire, fabriquer ou réparer armes d'os ou autres outils, s'occuper de l'iceberg pour qu'il reste habitable le plus longtemps possible et limiter sa fonte... Autant de choses qui seraient vitales pour l'hiver à venir et la survie des habitants de l'iceberg. Sans parler de s'occuper des jeunes enfants voire des éventuels malades ou blessés.

Les aventuriers prirent bientôt congé des Lossoth qui les avaient accueillis. Nul doute qu'ils feraient de leur passage parmi eux de nombreuses histoires et chansons, et que le récit de leur irruption dans leur vie serait bientôt moult fois partagé avec les autres Hommes des Neiges avec qui ils seraient en contact. De leur côté, sans réfléchir aux bons et mauvais côtés de cette future célébrité, Isilmë et ses compagnons remirent leurs barques à l'eau et reprirent leur route sur la baie de Forochel. Cette fois-ci ils avaient pour les guider non seulement les sorts de divination de l'archer-magicien dunéen, mais également les nombreuses explications données par leurs hôtes suite aux demandes qu'ils leur avaient faites. La guerrière elfe ne comprenait pas tout à leurs récits de courants et d'emplacement probable, mais suffisamment pour savoir mieux où chercher un iceberg susceptible d'abriter Dwimfa et les Chasseurs des Mers qui l'avaient accueilli...

Une nouvelle journée se passa donc à pagayer, avec l'aide du courant, avec de rares contacts avec les autochtones et la recherche de nouvelles maisons de glace. Progressivement, les héros changeaient de décor, tandis qu'ils entraient dans des estuaires plus abrités des courants et où les icebergs étaient peut-être plus nombreux. Il faisait aussi plus froid, et les bords des côtes étaient plus souvent en partie pris par les glaces. L'automne ne durerait pas, même si ça n'en était que le début, l'hiver serait vite là. Au nord, des montagnes étaient visibles à l'aide de la longue-vue quand le temps était assez clair. Enfin, les sens exercés des membres du groupe distinguèrent un iceberg habité qui, selon les informations données, pouvait être susceptible d'être celui abritant l'ancien ami d'enfance de Vif. Ils s'en approchèrent et abordèrent ses habitants, qui leur répondirent. Non, ce n'était pas la demeure du village qui abritait l'ancien aventurier amnésique. Mais il fallait bien trouver un abri pour la nuit...
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Niemal
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Grand Nord - 7e partie : épidémie de morts-vivants

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1 - Histoires à faire peur
Une nouvelle fois, les Lossoth présents accueillirent les aventuriers avec une certaine réserve. Les esprits qui parlaient à leurs viisaat ("sages") et leurs henkinimittäjät ("nommeurs d'esprit") leur collaient véritablement une réputation peu enviable (mais juste !) comme aimants à problèmes et mauvais esprits. Et vu la vitesse à laquelle Taurgil et compagnie se déplaçaient, ils ne pouvaient que constater la réalité de ces esprits ou du moins de la magie qu'utilisaient les Hommes des Neiges pour guider leurs vies et obtenir des informations sur leur avenir proche... et l'impact que pouvait avoir la venue du groupe. Mais en fin de compte, la simplicité et la bonté de ce peuple frustre mais soudé les empêchaient de refuser toute demande d'aide. Une nouvelle fois, malgré des signes peu encourageants, les aventuriers purent pénétrer dans la montagne de glace habitée.

A nouveau, malgré les peurs liées entre autres à leur apparence, en particulier celles de Vif ou Geralt, les sept amis utilisèrent leurs dons pour la cuisine, le théâtre, la musique et le chant pour passer de très bons moments en compagnie de leurs hôtes. Hôtes qui les adoptèrent bientôt et profitèrent de cette irruption fantastique et agréable dans leurs vies dangereuses et parfois monotones. En plus de cela, certains se surpassèrent, comme Taurgil en cuisine ou encore Isilmë au chant. Sans parler du charme de la chaude fourrure féline auprès des enfants lossoth, bien moins effrayés que leurs parents... Tant et si bien que l'ambiance fut vraiment festive et que les langues se délièrent facilement. Et puis l'elfe comme le Dúnadan comprenaient de mieux en mieux le labba, la langue de leurs hôtes, et ainsi les échanges étaient-ils plus faciles.

Au départ les aventuriers ne comptaient pas interagir particulièrement avec leurs hôtes, juste assez pour les aider à trouver Dwimfa, l'ami d'enfance de Vif. Néanmoins, ils entendirent parler d'une histoire inquiétante et récente qui s'était passée peu de jours auparavant dans un autre iceberg habité, non loin de celui dans lequel ils se trouvaient. Il s'agissait d'une histoire de quête ayant misérablement échoué et porteuse de sinistres présages : il semblait qu'un important iceberg funéraire avait été occupé par de puissants morts-vivants bien connus dans la région. Cet iceberg avait la particularité d'héberger un puissant artefact qui empêchait les morts de se relever et de tourmenter les vivants. Mais divers(es) sages et nommeurs d'esprit avaient senti que cet artefact était menacé, et ils avaient donc envoyé une équipe pour le ramener en sécurité. Un seul homme était revenu de l'expédition, traumatisé, ayant de terribles visions, incapable de tenir des propos cohérents et d'expliquer à quiconque ce qu'il avait vu ou vécu...

Taurgil, très intéressé, demanda plus de détails. En réponse il lui fut conté deux histoires, qui furent vite traduites par Isilmë qui se sentait particulièrement en forme ce soir-là et qui montra une maîtrise du labba vraiment exceptionnelle. Toute l'équipe apprit donc bientôt l'histoire d'Elämänantaja et de la Meripihka ("résine de mer"), mais aussi celle de Sinipilvi et du visiteur masqué. Toutes les deux se rapportaient à l'épidémie de morts-vivants qui touchait les Lossoth depuis plus d'une vingtaine d'années. Cette épidémie avait probablement pour cause des perles maudites, copies de perles magiques autrefois fabriquées par une civilisation ancienne et à présent disparue. Ces perles maudites, dont l'origine angmarienne semblait acquise, offrait une puissante magie au bénéfice de leurs possesseurs, mais elle finissait par les mener à leur perte et les empêchait de trouver le repos.

La première histoire avait comme figure centrale une viisas ("sage") très douée nommée Elämänantaja ("Donneuse de Vie"). Lorsqu'elle avait compris, comme d'autres avec elle, le danger posé par ces perles maudites, elle avait cherché conseil auprès du monde des esprits et elle était partie en quête d'une magie qui pourrait les aider. Elle était revenue avec un objet en forme de grosse larme, translucide, qui décupla sa magie des soins et de la protection. Avec cet objet, elle put tracer des runes magiques puissantes dans le plus grand des icebergs funéraires des Chasseurs des Mers, et ainsi s'assurer qu'aucun mort inhumé là ne pouvait se relever. A sa mort deux ans plus tard, l'artefact en question fut installé comme prévu dans une pièce spéciale de l'iceberg, qui ne fut jamais dérangé par aucun mort-vivant. Tout cela s'était passé environ quinze ans dans le passé.

Mais une autre histoire plus sinistre suivit la première. Elämänantaja avait une assistante du nom de Sinipilvi ("Nuage Bleu"). Un hiver, alors qu'elles habitaient toutes deux une maison de glace (igloo) suite à des déplacements pour soigner d'autres Lossoth, l'igloo eut un étrange visiteur. Seule Sinipilvi était présente, sa patronne s'étant absentée pour aller donner des soins. Avec effroi, elle vit entrer un grand visiteur couvert de manteaux noirs et dont elle ne pouvait voir le visage. Après avoir réclamé Elämänantaja et constaté son absence avec déplaisir, le visiteur demanda à Sinipilvi une herbe pour soigner les engelures, à quoi elle répondit qu'elle n'en avait pas. Mais l'homme, selon la légende, avait reniflé et il s'était saisi de la bourse qui contenait les herbes qu'il avait réclamées, comme s'il l'avait identifiée à l'odeur. En échange, il offrit à Sinipilvi une bourse contenant trois perles magiques pour paiement des herbes qu'il avait prises. Plus tard, Elämänantaja avait regretté de ne pouvoir rencontrer l'inconnu, mais elle avait laissé les perles à son assistante, perles qui renforcèrent beaucoup sa magie des soins, si bien qu'elle rivalisait avec celle de la Donneuse de Vie. De manière étrange, la bourse contenant les herbes prises par l'inconnu fut retrouvée non loin au printemps suivant. Malheureusement, au bout de quelques années, Sinipilvi ne trouva plus aucune motivation à ce qu'elle faisait. Motivée par le désespoir, elle se suicida avec ses deux filles et son fils, mais leurs corps ne purent connaître aucun repos. Depuis, ce ne sont que des créatures maléfiques dont le principal objectif semble être de répandre la mort, ou plutôt la non-vie.

2 - Première quête
Taurgil était d'autant plus intéressé que la fameuse "résine de mer" (Meripihka) de la première histoire correspondait en tout point à leur larme de Yavanna. Tant au niveau de la description physique que des effets de la magie, cela collait parfaitement à ce qu'ils connaissaient déjà. La viisas dont il était question dans l'histoire avait donc utilisé une larme de Yavanna pour créer des runes ou rituels capables de bloquer la non-vie qui touchait certains morts affectés par la magie des perles maudites probablement fabriquées par Angmar. Néanmoins, le roi-sorcier d'Angmar avait par la suite envoyé quelqu'un - voire s'était déplacé lui-même ? - afin de corrompre la célèbre viisas. Faute de mieux il avait piégé son assistante. La description du visiteur masqué faisait d'ailleurs penser à certains à la sinistre créature qu'ils avaient entrevue à leurs trousses, quelques jours auparavant. Créature qui semblait très puissante, plus encore qu'Andalónil et l'autre personne qui les poursuivaient depuis Dol Guldur.

Mais l'histoire racontée était également intéressante pour une autre raison : les aventuriers tenaient là une occasion unique pour aider les Lossoth, et se faire aider d'eux. De toute manière les morts-vivants étaient leurs ennemis à tous, et l'équipe avait les moyens - magie, larme, bâton - de combattre ces créatures. Par ailleurs, le Dúnadan pensait de plus en plus à un lien possible entre la recrudescence récente de l'épidémie de morts-vivants chez les Lossoth, et le mauvais sort de leurs prédécesseurs, à savoir les aventuriers dont Dwimfa était l'unique survivant. Du moins sans compter sur une soigneuse devenue le jouet de Tevildo et une magicienne elfe possédée par le démon du froid Eloeklo. Quoi qu'il en fût, le moment de la chute du bateau volant qui hébergeait les aventuriers et le moment de l'explosion de morts-vivants correspondait à peu près. Qui sait s'il n'y avait pas de puissants artefacts possédés par les ex-aventuriers et qui étaient tombés entre de mauvaises mains ? Tout semblait lié...

Et même sans cela, aider les Lossoth à purifier leur iceberg funéraire ne pouvait leur faire de mal. Les Chasseurs des Mers semblaient hésiter à les amener à Dwimfa de peur de déchaîner une malédiction sur eux. Reprendre leur quête et l'amener à une heureuse conclusion aiderait à lever les derniers doutes à leur sujet. En effet, les Lossoth, s'ils percevaient bien que les aventuriers attiraient la poisse, avaient aussi compris qu'ils pouvaient avoir un effet bénéfique. Restait à leur prouver que le jeu en valait la chandelle, par exemple en récupérant leur larme de Yavanna ou mieux encore, en nettoyant le coin des puissants morts-vivants qui les affligeaient. Car il semblait bien que Sinipilvi et sa famille figuraient parmi les plus puissants des morts-vivants contrôlés par Angmar et consorts.

Par la suite, tant auprès de leurs présents hôtes que de ceux qu'ils seraient amenés à rencontrer, les aventuriers écoutèrent avec attention tout ce qui se disait sur Sinipilvi et sa famille de morts-vivants. Ils apprirent ainsi que le fils de la viisas morte-vivante s'appelait Lumipallo ("Boule de Neige"), dont la description faisait plutôt penser à un guerrier. La fille cadette portait le nom de Pieni Kukka ("Petite Fleur") et elle était aussi une viisas, suivant sa mère avec dévotion. La fille aînée, elle, était connue sous le nom de Sadenainen ("Femme de Pluie"). Ce n'était pas une viisas mais une henkinimittäjä, et on la disait puissante et capable de maîtriser les éléments comme le vent, l'eau, la glace ou le feu. Ce qui en faisait un adversaire redoutable, en particulier au sein d'un iceberg.

Après débat, le groupe décida de remettre à plus tard la recherche de Dwimfa pour se concentrer sur la résolution de cette histoire d'iceberg enchanté et de morts-vivants. Apparemment Sinipilvi et sa famille avaient été vus, ou perçus en rêve, dans l'iceberg qui hébergeait la larme de Yavanna qui empêchait les morts-vivants de se lever. Il y avait urgence, et il fallait essayer d'en savoir plus avant de se jeter aveuglément dans la bataille. Leur premier objectif serait donc de rencontrer le survivant de l'expédition dans l'iceberg, de le soigner à l'aide de leur larme et de magie des soins, et d'en apprendre le plus possible sur ce qu'il avait vu. Après discussion avec leurs hôtes, ceux-ci acceptèrent de laisser quelqu'un les guider vers l'autre iceberg habité où le survivant avait été ramené. Cela prendrait quelques heures en barque et pourrait se faire dès le lendemain.

3 - Mauvais temps et brise-glace
Tandis que la plupart de ses amis allaient se coucher, Drilun décida d'interroger les étoiles pour en apprendre plus sur ce qui les attendait. Le ciel était couvert néanmoins, mais il usa de sa magie pour éclaircir les cieux et lui permettre de pratiquer sa divination magique. Ou du moins était-ce là son objectif. Mais les choses ne se passèrent pas si simplement : après un moment où tout se passait comme prévu, le ciel qui commençait à se dégager changea brusquement pour le pire : une masse de gros nuages obscurcit bien vite le ciel, le vent se leva et la température chuta brusquement. De la grêle força bientôt le Dunéen à rentrer dans l'iceberg sans avoir fait sa divination magique...

A ses sens magiques comme à ceux de ses amis perceptifs, comme Rob, l'origine de ce mauvais temps était toute trouvée : Andalónil était là pour les tourmenter et se jouer du magicien du groupe. Magicien qui ne comprenait pas vraiment l'objectif du démon : avait-il quelque chose en cours qu'il souhaitait terminer avant de voir les aventuriers débarquer ? Ce sentiment se renforça après la nuit, quand les membres du groupe constatèrent que la tempête, dehors, n'avait pas faibli et qu'elle empêchait de prendre la mer. Lossoth comme aventuriers étaient bloqués dans l'iceberg, et, s'ils firent contre mauvaise fortune bon cœur et profitèrent les uns des autres, ils discutèrent beaucoup de la tournure que prenaient les événements.

Leurs hôtes, s'ils expérimentaient régulièrement des tempêtes en automne, s'alarmaient tout de même de son caractère précoce et de l'intensité du froid. Drilun avait utilisé ses sens magiques pour percevoir une activité quelconque dans les environs mais il n'avait rien senti d'autre que le vent et la grêle. Geralt, de son côté, avait pris la précaution de se tenir non loin de l'entrée de l'iceberg de manière à percevoir plus facilement l'arrivée inopportune d'un éventuel visiteur. Mais rien ne se passa et la journée et la nuit suivante se déroulèrent sans incident. Tout au plus les habitants de l'iceberg sentirent-ils que leur habitation bougeait de moins en moins, comme lorsqu'elle commence à être prise par les glaces, et ainsi stabilisée.

Le lendemain, le ciel était limpide et le froid glacial. Tout autour de l'iceberg, une couche de glace large d'une portée de flèche faisait comme un anneau blanc. Cette glace posait problème selon les Lossoth, car elle était certainement trop fragile pour supporter le poids d'une personne sur la majeure partie de la surface. Il fallait donc attendre de la voir fondre un peu pour pouvoir reprendre la mer, ce qui n'était pas trop du goût des aventuriers. Ces derniers, la lionne en tête, décidèrent de tester leurs capacités à briser la glace sans tomber dans l'eau glacée. Tant Vif que Taurgil étaient assez agiles et perceptifs pour sentir la glace craquer et sauter en lieu sûr et rester au sec. Tous n'avaient pas leurs capacités (ou leur poids), et après quelques expériences moins concluantes, ils laissèrent la féline Femme des Bois s'occuper de la tâche, tandis qu'ils dégageaient leurs propres barques.

Cela prit tout de même plusieurs heures à la lionne pour dégager complètement l'espèce de port où s'amarraient les barques des Chasseurs des Mers sur leur iceberg. Au bout du compte les aventuriers et leur guide prirent la mer à la mi-journée seulement, vers le nord. Par ailleurs, aux dires des Lossoth et aux observations faites avec l'aide de la longue-vue, il semblait que la tempête avait poussé la montagne de glace vers le sud. Le trajet serait donc un peu plus long que prévu. Et effectivement, s'il ne fut émaillé d'aucun incident notable, le voyage prit tout de même toute l'après-midi. Enfin, alors que le soleil se couchait à l'ouest, leur guide annonça qu'ils arrivaient à destination : il reconnaissait l'iceberg qui abritait le village d'où venait le survivant de l'expédition malheureuse dans le mausolée glacé, village où il était à présent soigné.

4 - Sommeil et soins
Avec toujours une certaine gêne ou appréhension, les aventuriers rencontrèrent la viisas du village qui accepta de les emmener auprès du survivant de la funeste expédition. Cette dernière avait eu lieu moins de deux semaines auparavant, et le rescapé, dont le nom était Nuorilintu ("Jeune Oiseau"), avait été retrouvé sur les rives proches du mausolée de glace, tremblant de tout son corps en regardant fixement le large. Depuis il avait été ramené auprès des siens mais il était incapable de parler de manière cohérente et de répondre aux questions. Il paraissait voir des choses terrifiantes qu'aucun autre ne percevait, et parfois il se mettait à crier des phrases sans signification, ou alors des choses comme "Cousin, non, ne fais pas ça !". Et malgré ses compétences et sa magie, la viisas avait été incapable de le soigner.

Il était présentement en train de dormir, et le magicien Dunéen proposa d'aller visiter ses rêves par magie. Pour le moment il avait l'air calme, en paix, et Drilun put s'allonger près de lui sans susciter aucune réaction. A l'aide de son sort il sombra bientôt dans les brumes du sommeil, ou plutôt celui de Nuorilintu. Ce dernier revivait une scène de chasse - c'était un scout et chasseur de baleine renommé qui s'était porté volontaire pour mener l'expédition dans l'iceberg funéraire - qui culmina avec la mort de la baleine et son remorquage dans l'iceberg qui leur servait d'habitation. Drilun le vit découper le flanc de la bête, pour trouver sous la peau du cétacé... un trou noir, dans lequel il s'engouffra.

Le décor changea brusquement : le "Jeune Oiseau" se trouvait à présent dans une grande pièce vide, mais dont le plancher était en fait le couvercle de nombreuses tombes de glace à travers laquelle on pouvait distinguer des corps. Soudain une femme blonde à la peau bleutée apparut dans la pièce en riant après lui, et progressivement les morts se levèrent par dizaines, sortant de leur trou et avançant vers lui. Il fuit mais les morts étaient toujours plus nombreux et sa course se termina dans un cul-de-sac, face à une multitude de morts-vivants armés. Et alors que le premier d'entre eux levait son harpon avec l'intention manifeste de le faire passer de vie à trépas, le Dunéen perçut le grand désarroi de son hôte en rêve, hôte qui criait et suppliait le mort, qu'il appelait son cousin, de l'épargner... sans succès.

Drilun se réveilla avec un bleu à la mâchoire, bleu causé par Nuorilintu qui était sorti de son sommeil en se débattant, comme à l'issue d'un cauchemar. Malgré son réveil, il semblait toujours en partie en proie aux affres d'une confrontation avec des morts-vivants. C'est le moment que choisit Taurgil pour prendre discrètement la larme de Yavanna et la mettre en contact avec le corps du chasseur. Ce dernier cessa de se débattre, même s'il tremblait encore beaucoup. Pour la première fois il sembla reconnaître des visages autour de lui et demanda où il était, avant de fondre en larmes, comme en état de choc. Puis il se jeta dans les bras de l'elfe qui avait utilisé sa magie pour paraître plus rassurante et l'aider à se sentir mieux, avant de sangloter. Isilmë utilisa à nouveau de magie pour le plonger dans un sommeil profond et réparateur, dans lequel il sombra sans attendre.

Enchantée de cette guérison, la viisas partit bientôt annoncer la nouvelle au reste du village et organiser un petit événement festif pour célébrer la chose et remercier les étrangers. Il fut convenu que l'homme serait questionné à son réveil le lendemain seulement, après avoir repris des forces. Le reste de la soirée fut consacré à se socialiser et à faire bonne impression auprès des Lossoth, avec toujours les mêmes astuces et le même succès. C'était aussi l'occasion pour les membres du groupe d'améliorer leur connaissance du labba, la langue du Grand Nord, et de s'imprégner de la culture de leurs hôtes. Comme par le passé, une pièce fut mise à leur disposition pour passer la nuit lorsque tous partirent se coucher.

5 - Visite et questionnement
Le lendemain, le "Jeune Oiseau" dormait toujours alors que les habitants de l'iceberg étaient actifs : chasseurs de baleine et pêcheurs partirent en barque, de même que des cueilleurs ou chasseurs de lièvres blancs, d'élans ou autres. A l'intérieur du village de glace, les Lossoth anticipaient l'hiver en fabriquant, réparant, préparant outils, vêtements et armes, sans parler de conserver la nourriture en trop et de s'occuper des enfants et de l'iceberg, entre autres choses. De leur côté, les aventuriers décidèrent d'attendre le réveil naturel de Nuorilintu pour pouvoir l'interroger sur ce qui s'était passé dans l'iceberg funéraire, même s'ils en avaient à présent une assez bonne idée. Néanmoins, ils ne s'attendaient pas à recevoir une visite dans la matinée.

Ils furent en effet présentés à Pitää Kalasta ("Aime le Poisson"), un Chasseur des Mers d'un certain âge, petit et trapu et manifestement bien musclé. Ses cheveux blonds tombaient jusqu'à ses épaules, ses yeux étaient d'un bleu très pur, et son visage inspirait la franchise et la confiance en soi. Taurgil et ses amis virent tout de suite que les autres Lossoth le traitaient avec une grande déférence, c'était manifestement une personne importante. Ce qui fut confirmé en partie par l'homme, qui parlait assez bien le ouistrain. D'après ses dires, les gens de son clan voire d'autres clans le recommandaient souvent pour commercer ou parler aux étrangers, en raison de son expérience. En cela il était le tietäyä ("celui qui sait") de son clan, sorte de personne de référence vers qui on se tourne pour trouver conseil en cas de difficulté. C'était sans doute ce qui se rapprochait le plus d'un chef chez les Lossoth, même si chacun était libre de faire ce qu'il voulait et si personne ne commandait à personne. Plus tard les aventuriers apprendraient qu'il était aussi un membre respecté du Culte de la Baleine, qui regroupait les chasseurs de cétacés, mais également qu'il était reconnu pour son jääsilmä ou "Œil de Glace", c'est-à-dire sa capacité à juger de l'habitabilité d'un iceberg.

C'était donc une éminence des Chasseurs des Mers qui venait les voir pour en savoir plus à leur sujet. L'homme était très franc et posait des questions directes sur leurs motivations à venir ici et à les aider, comme la viisas de l'iceberg lui avait manifestement fait part : que venaient faire des étrangers dans le Grand Nord et pourquoi aider les Lossoth contre les morts-vivants, entre autres choses ? Taurgil répondit avec franchise que les morts-vivants étaient leurs ennemis communs et qu'ils étaient venus combattre d'autres ennemis encore, pour lesquels l'aide des Lossoth serait précieuse. Bref, il mit en avant la coopération, l'entraide et le combat contre les mauvais (et puissants) esprits, sans omettre Tevildo, qui avait une certaine influence sur eux.

Au passage, l'homme accepta aussi de répondre à des questions et son importance crut encore pour Taurgil et ses compagnons. En effet, il habitait un autre iceberg proche de celui dans lequel ils se trouvaient, un "village de glace" plus grand, et manifestement important. Et il devint vite évident qu'il connaissait Dwimfa, l'ami d'enfance de Vif, qu'ils cherchaient. Il était probable que ce dernier vivait dans le même iceberg, et que "Aime le Poisson" n'était pas encore décidé sur l'attitude à avoir face au groupe d'étrangers. Selon les songes des nommeurs d'esprit ou des sages concernant Dwimfa et les aventuriers, ces derniers pouvaient amener le pire comme le meilleur. Manifestement, il avait voulu se rendre compte par lui-même.

La franchise du Dúnadan sembla parler à l'homme dont les yeux perçants paraissaient voir jusqu'au cœur des gens. Il revenait néanmoins toujours sur une question à laquelle il ne trouvait pas de réponse claire, car elle était un peu éludée par le grand rôdeur : la nature exacte de Vif. En fin de compte, Taurgil et ses amis, se sentant acculés par leur interlocuteur, choisirent de lui dire l'exacte vérité plutôt de de lui mentir, ne fût-ce que par omission. L'homme ne parut pas particulièrement surpris d'apprendre que la lionne était en fait une femme ayant le pouvoir de se transformer, prenant la chose comme ce qu'elle était : un constat. Il demanda si elle pouvait le faire à présent, par curiosité ou pour échanger plus facilement avec elle ; néanmoins il accepta - car c'était la vérité - de ne pas la voir faire cela dans l'immédiat car cela demandait beaucoup d'énergie à Vif.

6 - Informations et préparatifs
Le réveil de Nuorilintu, après un très long sommeil réparateur, permit de changer un peu les rôles. Après avoir été questionnés, les aventuriers devinrent les interrogateurs et ils se retrouvèrent auprès du chasseur rescapé afin d'en savoir plus sur ce qui s'était passé au cours de la récente et funeste expédition. La viisas du village et Pitää Kalasta étaient présents également, ce qui sembla rassurer un peu l'homme encore passablement secoué. Il accepta sans mal de répondre aux questions et de faire le récit relativement détaillé de ce qu'il avait vécu. En revanche, il était assez clair que sa contribution n'irait pas plus loin : en aucun cas ne retournerait-il là-bas...

Par ailleurs, son récit n'apportait pas tant d'informations nouvelles après la vision de Drilun. Le groupe de "Jeune Oiseau" était arrivé sans encombre au mausolée de glace, et après avoir sorti les barques hors de l'eau, les Lossoth étaient entrés, armes sorties et tous les sens aux aguets. Ils comptaient récupérer la Meripihka ("Résine de Mer") qui empêchait les morts de se relever, et qui devait se trouver dans la dernière pièce du mausolée. Malheureusement ils ne purent jamais y arriver, et manifestement la magie déployée dans l'iceberg avec l'aide de l'artefact ne fonctionnait plus : les membres de l'expédition furent bientôt assaillis par des corps morts animés et armés, ainsi que par une peur panique.

Le chasseur reconnut ainsi son cousin mort deux ans auparavant, et dont il était très proche. Cela brisa sa volonté et il ne put plus rester sur place. Il réussit à s'enfuir sans trop se rappeler comment, esquivant ses agresseurs, jusqu'à l'extérieur de l'iceberg. Là, il sauta avec tant d'énergie dans sa barque qu'elle glissa sur la glace jusqu'à l'eau. Il pagaya avec force jusqu'à entendre un rire et quelqu'un l'appeler, ce qui le fit se retourner. Il vit à l'entrée de l'iceberg une femme dont la description correspondait à Sinipilvi, qui lui parla comme pour transmettre un message à tous les Lossoth. En substance, elle annonçait qu'un nouveau monde allait voir le jour et que les enfants du chasseur, ou de tous les siens, seraient bientôt à elle. La mémoire du chasseur était encore confuse et il ne parvenait pas à se rappeler d'autres détails intéressants.

Tout cela fortifia la résolution des aventuriers qui comptaient plus que jamais aller là-bas. Pitää Kalasta les questionna sur leur capacité à combattre les morts-vivants. Il semblait vraiment avoir le don de savoir quand on lui mentait, et a contrario, il avait entière confiance en Taurgil et ses amis désormais, sachant qu'ils disaient la vérité. Il accepta donc d'aider le groupe à atteindre le mausolée de glace le lendemain, et il s'éclipsa pour bénéficier des conseils et visions de ses viisas et henkinimittäjä, et pour une purification avant d'entreprendre l'expédition. Le Dúnadan trouva l'idée bonne et demanda s'il était possible pour ses amis et lui de bénéficier également d'une purification pour s'assurer l'aide des bons esprits. Il lui fut répondu par l'affirmative, et que cela pouvait se faire le jour même, ce qui fut décidé : les sept amis allaient participer à un rituel des Lossoth.

Par ailleurs, la purification allait se faire dans les deux sens. En effet, avant que "Aime le Poisson" ne s'éclipse, Taurgil expliqua que ses amis et lui avaient le pouvoir de détecter et détruire les perles maudites qui affectaient son peuple. Il proposa donc d'étudier toutes celles portées par les Lossoth qu'ils seraient amenés à rencontrer, en commençant ici même. Pitää Kalasta ne sentant que vérité dans ces paroles, il convainquit les personnes de l'iceberg qui possédaient des perles de les soumettre à la magie des aventuriers. Ici comme dans la plupart des demeures qu'ils seraient amenés à visiter, quelques perles maudites seraient trouvées et détruites, à la confusion mais aussi à la satisfaction de leurs hôtes. Ce qui renforça l'estime des Lossoth pour ces étrangers qui leur apportaient une protection contre la corruption d'Angmar.

Le soir même, les sept amis participèrent donc à un rituel de purification sous la conduite de la viisas de l'iceberg qui allait encore les héberger une nuit. C'était une expérience nouvelle pour eux, et ils s'y prêtèrent du mieux possible, malgré l'inconfort d'être nus dans une caverne de glace et sous le regard de nombreuses personnes. Néanmoins cela permit de briser encore un peu plus la glace entre les Lossoth et eux, qui les traitèrent par la suite de moins en moins comme des étrangers environnés de mauvais esprits. Tant et si bien que le Dúnadan se vit proposer de passer la nuit en compagnie d'une jeune femme du village, comme cela était fréquemment la coutume chez les Lossoth. Ce qu'il accepta de faire, plus pour se rapprocher davantage encore de ses hôtes que pour son propre plaisir.

7 - Jusqu'à la Mer de Silence
Le lendemain matin, le groupe se prépara tranquillement à voyager et nettoyer un iceberg de ses nombreux morts-vivants. Leurs hôtes avaient fourni une description précise des cavernes qui servaient de mausolée, si bien qu'un plan assez détaillé avait pu être dressé. L'entrée des cavernes de glace était bordée par deux petites tours de glace qu'il était possible d'escalader, au sommet desquelles certains rituels pouvaient être accomplis. A l'intérieur, un long couloir aboutissait tout d'abord à six chambres rituelles pour les enfants, les femmes, les hommes, les viisaat et henkinimittäjät, les guerriers, et les membres du culte de la baleine. Par la suite, quatre chambres funéraires recueillaient les dépouilles : celle du clan de la baleine, celle du clan du poisson, celle du clan de l'oiseau de mer, et enfin celle du monde des esprits, réservée à d'important(e)s viisaat et henkinimittäjät. Enfin, le couloir finissait par déboucher sur un grand hall au sein duquel une chambre était sculptée en forme de baleine, qui hébergeait la "résine de mer" sur un piédestal.

"Aime le Poisson" arriva bientôt accompagné d'une jeune femme qui était aussi sa fille. Les aventuriers prirent leurs barques et la mer, puis ils suivirent les deux Lossoth qui connaissaient le chemin jusqu'à l'iceberg funéraire. Le voyage devait durer trois jours, si tout se passait bien. L'iceberg qui était leur objectif reposait en effet dans une autre baie que celle où ils se trouvaient, et plus exactement dans un bras de mer presque fermé dont les icebergs ne sortaient pratiquement jamais. Par ailleurs, il y régnait un très grand silence, si bien que l'endroit portait le nom de Mer du Silence. Les aventuriers furent prévenus qu'il n'était pas permis de briser le silence des lieux, sauf une fois l'iceberg atteint et pour des rites ou autres travaux funéraires.

Les deux premiers jours se passèrent sans problème. A chaque fois, Pitää Kalasta les amenait dans un iceberg habité en fin de journée. Il était toujours bien accueilli et le groupe mesura son importance, même si l'homme n'en tirait aucune fierté ou avantage quelconque. En tout cas cela permettait de briser la glace plus facilement, les aventuriers bénéficiant de la confiance que le chasseur leur montrait, notamment pour trouver et détruire les perles maudites que certains utilisaient. Au cours du matin du troisième jour, par contre, le temps se gâta et les plans durent être changés. La question se posa d'utiliser les pouvoirs magiques de Drilun pour faire fuir les nuages et continuer sans plus attendre, mais certains objectèrent que cela risquait d'attirer l'attention d'Andalónil, qui pourrait contrer leurs efforts par pure malice. Par ailleurs, d'après Taurgil, ce mauvais temps serait bref et il serait possible de reprendre la route dès le lendemain matin. De plus, cela permettrait d'arriver en milieu de journée, défavorable pour les morts-vivants, plutôt qu'en début de nuit.

"Aime le Poisson" dévia alors leur route pour chercher un hébergement dans un autre iceberg habité où ils passèrent le reste de la journée et la nuit. Au matin ils purent repartir comme prévu, et ils se rapprochèrent peu à peu de la côte occidentale de la baie où ils naviguaient. Les terres semblaient inhospitalières et dénuées de vie, essentiellement couvertes par des montagnes qui finissaient par plonger dans la mer. Il faisait plus froid également, et les côtes commençaient déjà à être prises par les glaces. Le bras de mer presque fermé qu'ils recherchaient fut bientôt atteint, et son ouverture était déjà entièrement glacée. Mais la glace était mince, il n'était pas possible de marcher dessus, et il fallut la briser pour pouvoir faire avancer les barques et retrouver un peu d'eau liquide sur laquelle naviguer.

Le silence était presque assourdissant, l'endroit portait bien son nom de Mer du Silence. Par endroit, des petits glaciers descendus des montagnes terminaient leur course dans l'océan et devaient se casser en petites montagnes de glace flottante qui donnaient des icebergs, dont certains assez gros et stables pour servir de mausolée. La petite caravane de barques se dirigea bientôt vers l'un d'eux, qu'elle atteignit vers le midi. Il était d'autant plus facile à repérer que quelques barques abandonnées gisaient non loin de l'entrée dans les cavernes du mausolée. L'iceberg n'était pas encore pris par les glaces, en revanche il avait sur une partie de son pourtour une petite couronne de glace qui se soulevait et plongeait avec le léger tangage de l'iceberg, ce qui rendait tout accostage difficile ailleurs que sur la rampe de glace inclinée près de l'entrée des cavernes.

8 - Brouillard et premiers combats
Le groupe débarqua sans mal auprès des autres barques laissées lors de la funeste expédition de "Jeune Oiseau". Elles étaient vides, sauf pour les rames, et ne semblaient pas avoir été touchées. Comme pour les icebergs habités, l'entrée des cavernes était assez étroite, et les plus grands devaient se baisser ; sans doute pour empêcher certains intrus comme des dragons de s'y installer ou jouer quelque mauvais tour. Puis le couloir s'élargissait vite et permettait à plusieurs personnes de marcher de front. En revanche, contrairement aux icebergs habités qu'ils avaient connus, les aventuriers trouvèrent que la glace sur laquelle ils marchaient étaient lisse et glissante, peut-être comme si elle avait en partie fondu récemment. Certains remarquèrent aussi que Pitää Kalasta marchait avec une très grande assurance, sans jamais glisser, et que son harpon semblait ancien et couvert de runes...

La fille du chasseur resterait près des barques, à l'extérieur. Il fut un moment question de laisser Mordin avec elle, non pour la protéger mais plutôt pour le protéger lui : il n'avait pas le pied très agile, contrairement à l'ensemble de ses compagnons, et certains de ses amis ne le voyaient pas trop combattre dans ses conditions. En fin de compte il prit une des dernières "noix de l'écureuil" restantes de manière à stimuler son adresse, et il suivit le groupe. Taurgil et Geralt marchaient en premier, Vif en dernier, et Drilun avait activé son bâton de lumière, non pour éclairer leurs pas - le soleil sur la glace translucide était suffisant pour chasser les ombres - mais pour gêner d'éventuels morts-vivants que sa lumière dérangeait. Les murs du couloir comportaient de nombreuses sculptures, même si certaines semblaient avoir fondu récemment.

Après un moment, le maître-assassin aperçut deux choses après un coude dans le couloir : une ouverture sur un côté devait livrer passage à une chambre rituelle, puis une deuxième de l'autre côté ; mais près d'une dizaine de corps ensanglantés obstruaient le passage précisément à cette intersection, probables victimes de la funeste expédition deux semaines auparavant. Les sens exacerbés de la lionne enchantée ne percevaient rien à proximité, même si de très légers sons plus avant dans le couloir indiquaient une présence animée dans des salles plus lointaines. Le groupe s'approcha avec précaution, quand de la brume manifestement magique commença à envahir le couloir et masqua les cadavres au sol. En parallèle, l'archer-magicien dunéen entendit une voix sinistre derrière lui lui annoncer sa fin prochaine. Il se retourna brièvement, mais personne d'autre que lui ne paraissait avoir entendu la voix...

Après s'être ressaisi, il lança un sort pour dissiper le brouillard épais qui menaçait de les engloutir tous. Juste à temps pour voir que les cadavres s'étaient animés et qu'ils avançaient vers les aventuriers, leurs armes prêtes à en découdre. Bientôt ce fut la mêlée, avec les principaux guerriers du groupe à l'avant - Vif s'étant déplacée pour l'occasion - et leurs compagnons en renfort. Ce fut donc l'occasion d'expérimenter le combat contre ces zombies et de tester l'efficacité de leurs armes et magies. Car si les créatures mortes-vivantes étaient effroyablement fortes et résistantes, elles n'étaient pas assez rapides ou adroites pour inquiéter réellement les aventuriers, qui ne reçurent jamais plus que quelques bleus ou égratignures vite oubliés.

Mais combattre ces morts-vivants n'avait rien d'évident. L'épée magique de Geralt ou les griffes de la lionne arrivaient à briser ou trancher membres voire têtes, mais cela n'empêchait nullement le reste du corps de continuer à combattre, bien qu'avec davantage de difficulté. Quant aux flèches, elles semblaient n'avoir quasiment aucun effet. En revanche, le bâton de lumière de Drilun était particulièrement destructeur et faisait comme exploser les chairs mortes à chaque coup, et le contact de la larme de Yavanna porté par Taurgil dissipait la magie qui permettait aux corps d'avoir un semblant de vie et de pouvoir attaquer. Au bout du compte, les morts-vivants furent mis hors d'état de nuire assez vite, malgré une petite voix menaçante qui titilla plusieurs fois Geralt ou Drilun sans qu'ils puissent trouver d'où elle provenait, mais sans les affecter plus pour autant. Pitää Kalasta s'était tenu prêt à intervenir mais il n'en avait pas eu l'occasion, ce qui lui avait permis d'observer l'efficacité de ses compagnons. Et ce qu'il avait vu semblait lui convenir.

9 - Séparation et piège
Le combat résolu, les huit membres de l'équipe explorèrent les chambres rituelles avec précaution. Elles étaient vides d'occupant, leurs parois très finement sculptées dépeignant des scènes de la vie quotidienne le plus souvent. Pourtant, là encore, certaines sculptures semblaient avoir souffert d'une exposition à la chaleur. "Aime le Poisson" se rappela que ces endroits correspondaient à des zones où des runes de protection avaient été gravées par la vieille viisas qui s'était servi de la "résine de mer". La fille de Sinipilvi qui maîtrisait la magie du feu avait sans doute fait fondre ces protections à distance, ce qui avait permis aux morts-vivants d'entrer et de permettre aux corps maudits de prendre un semblant de vie. Et l'iceberg funéraire contenait des milliers de morts...

Le groupe poussa plus avant dans le couloir, jusqu'à une ouverture sur la gauche. Elle menait à la salle funéraire du clan de la baleine, sorte d'immense labyrinthe à trois dimensions dont les murs étaient percés de trous dans lesquels les corps avaient été disposés tête la première, si bien que seuls les pieds étaient clairement visibles dans le trou. Les corps étaient habillés et ils tenaient à la main ou portaient sur eux un objet de valeur pour eux - souvent un outil ou une arme, fait le plus souvent en ivoire ou os de baleine. La croyance voulait qu'ainsi les morts fussent rassurés par cet objet familier, qui les aidait dans leur ultime voyage dans l'au-delà. Déranger ou voler de tels objets, quelle que fussent leur utilité et leur valeur, était considéré comme un grand crime par les Lossoth.

La féline Femme des Bois percevait une présence dans la pièce, comme si quelqu'un était là qui marchait lentement, sans respirer, sans avoir de cœur battant dans la poitrine. Cela fut confirmé par un sort du Dunéen qui percevait bien un bipède marchant lentement au centre de la pièce. Plutôt que de laisser un mort-vivant sur leurs arrières, l'équipe décida de laisser partir en reconnaissance Vif et Taurgil afin d'évaluer la menace et d'y mettre fin au besoin. A sa demande, Pitää Kalasta les accompagna. Le reste de l'équipe resterait sur place, prête à venir en aide mais surtout à empêcher une attaque arrivant du couloir. Pour cela, Mordin et Geralt se postèrent dans le couloir à l'intersection avec le passage vers la chambre funéraire, tandis que Rob, Isilmë et Drilun attendaient dans ce même passage, attentifs.

Après un moment, alors que les trois compagnons avaient disparu sans bruit dans la chambre funéraire, le petit hobbit sentit de la magie à proximité, et en particulier... sous les pieds de ses deux compagnons plus loin. Le balafré aux cheveux blancs se rendit compte, à peu près en même temps, que quelque chose se passait sous ses pieds. Il se rendit compte qu'il marchait au-dessus d'un gros trou qui occupait l'essentiel du passage, et que la glace sur laquelle il se tenait était en train de fondre. Puis tout se passa très vite : la glace fragilisée se brisa sous le poids combiné des deux aventuriers, tandis que le petit voleur prévenait ses amis. Le maître-assassin eut juste le temps de se retenir sur le bord du trou et d'arrêter sa chute, tandis que l'elfe plongeait pour attraper - avec succès - la main du nain qui n'avait rien vu venir.

Alors que Geralt, en bon acrobate qu'il était, ressortait du trou avec facilité, Isilmë découvrait qu'elle ne pouvait guère que freiner la chute du nain... qu'elle suivit dans le trou faute de le lâcher à temps. Tous deux plongèrent dans une eau glaciale quelques pas plus bas, tandis que des morts armés arrivaient dans le couloir pour s'occuper des vivants. L'assassin de Tharbad se dressa alors face à eux, dos au trou, tandis que Rob prenait son arc et que l'archer-magicien se saisissait de la corde magique du serpent qu'il avait avec lui. Plus bas, elfe et nain découvraient avec effroi que l'eau glacée dans laquelle ils trempaient commençait à se solidifier alors qu'ils venaient à peine de sortir la tête hors de l'eau !

10 - Sauvetages
Plus loin dans la pièce mortuaire, Vif et ses compagnons entendirent les bruits de combat. Mais, confiants dans les capacités de leurs amis, ils décidèrent de les laisser gérer le problème sans eux, et ils continuèrent à avancer. Ils ne virent donc pas Geralt trancher la jambe d'un mort, mort qui s'écroula et dont l'élan le propulsa dans le trou où étaient tombés le nain et l'elfe. Ils ne virent pas non plus le hobbit envoyer ses flèches sans grand effet, avant de lâcher son arc pour lancer des morceaux de glace à la tête des morts. Ils ne virent pas plus Drilun animer la corde magique et arriver par un grand effort à arracher le nain de la gangue de glace dans laquelle il se débattait...

Bientôt Isilmë fut aux prises avec un mort-vivant qui lui était tombé dessus et qui était bien plus fort qu'elle. Prise dans la glace, elle ne pouvait bouger beaucoup et elle était donc une proie facile, sans arme. Un de ses amis avait laissé tomber une épée à son attention, mais elle était trop loin d'elle et elle ne put la prendre pour s'en servir contre son agresseur qui menaçait de lui arracher la tête ou de l'étrangler. Au bout d'un moment la corde magique s'enroula autour d'elle mais son bien-aimé ne put l'arracher de la glace comme il l'avait fait avec Mordin. Il chercha alors à empoigner le mort avec la corde mais sans plus de succès : le mort-vivant était trop costaud et il se retenait à l'elfe...

De son côté, Geralt tranchait membre après membre mais les corps encore animés menaçaient de le faire tomber, même si son armure était assez robuste pour le protéger de leurs morsures. Il poursuivit son combat tandis que le nain, qui avait repris ses esprits (et son arme) de l'autre côté du trou, essayait de venir l'aider. Malheureusement, seule une petite corniche sur le bord du piège permettait de rejoindre son compagnon, et il n'avait pas le pied très sûr malgré la consommation de la noix de l'écureuil. Il y parvint néanmoins, au prix d'un effort certain, et put ainsi aider son ami à découper les morts en petits morceaux inoffensifs.

Dans le trou, l'elfe guerrière se rappela enfin que la magie des soins était néfaste aux morts-vivants. Grâce à un tel sort elle put enfin blesser et faire lâcher prise à son agresseur mort-vivant, qui put être géré par ses compagnons plus haut, et en particulier Drilun. Par la suite il faudrait encore casser la glace autour d'Isilmë pour permettre à cette dernière de se libérer enfin de la gangue de glace qui l'emprisonnait. Alors que le combat était terminé, elle put sortir du trou dans laquelle elle était tombée en tâchant de venir en aide au nain, geste qui au final n'avait été d'aucune utilité. Sauf peut-être vexer un peu Mordin d'avoir été aidé par une elfe !

En haut, tout était terminé, les derniers agresseurs avaient été transformés en petits morceaux, ce qui, à défaut d'être très rapide, était tout aussi efficace que la magie de la larme ou du bâton de lumière. L'elfe n'en était pas sortie indemne mais ses blessures restaient légères, et les autres n'avaient pas à se plaindre de grand-chose. Par contre, il était possible d'entendre des voix dans la chambre funéraire du clan de la baleine. Manifestement, leurs compagnons avaient rencontré le mort-vivant perçu auparavant et cela n'avait pas dégénéré en combat. Il semblait même qu'ils s'affairaient à quelque chose, se déplaçant ou déplaçant des corps. Ils s'armèrent donc de patience pour les voir revenir et leur donner le récit de ce qu'ils avaient fait.

11 - Malédiction et allié
Après un moment à déambuler dans les couloirs labyrinthiques de la chambre funéraire, face à des centaines de paires de pieds qui émergeaient des murs, Vif, Taurgil et Pitää Kalasta arrivèrent enfin vers le centre, face au mort-vivant qu'ils entendaient déambuler. De son vivant ce devait être un homme imposant et très costaud - ils apprendraient plus tard que le nom de l'homme était Puolikarhu ("Demi-Ours") - mais la mort ne l'avait pas rendu plus beau : sous l'effet d'une longue exposition au froid, sa peau était noircie et craquelée. Mais ce ne fut pas ce qui frappa les trois compagnons de prime abord : lorsqu'ils virent "Demi-Ours", ils sentirent une vague de désespoir tenter de les balayer. Taurgil était protégé par la larme de Yavanna avec laquelle il était en contact, et Vif avait une très forte volonté, ainsi qu'une babiole magique du Dunéen pour l'aider. Mais devant l'intensité de ce désespoir, le Dúnadan crut bon d'aider "Aime le Poisson" avec un sort de soin afin de protéger son esprit, ce qui ne sembla pas inutile, l'homme marquant le coup devant tant de sentiments négatifs.

Après quoi Puolikarhu prit la parole et raconta sa triste histoire, quand, vingt-cinq ans auparavant, il avait aidé à choisir et à creuser un iceberg pour sa famille et son village. Il était doué pour cela, en particulier à l'aide de perles magiques qu'il portait. Mais quelque chose tourna mal alors qu'il était sur la rive, et il vit l'iceberg se retourner et se briser, engloutissant sa famille et son village. C'est lui qui, plus tard, retrouva les corps de ses proches et il comprit à leur grimace qu'ils étaient morts en sachant que c'était de sa faute. Il mourut peu de temps après mais il ne put trouver le repos. Néanmoins, lorsque l'iceberg funéraire dans lequel il reposait fut protégé magiquement, il resta en "sommeil", jusqu'à ce que Sinipilvi et les siens viennent le libérer et le faire souffrir avec la mémoire de ce qu'il avait fait.

Tout cela avait été traduit par "Aime le Poisson", ce qui permit à la lionne enchantée de tout comprendre, le rôdeur ayant à présent une maîtrise suffisante pour comprendre l'essentiel par lui-même. Relayée par la magie de son ami qui pouvait la comprendre et traduire auprès du Lossadan, elle proposa d'essayer de se faire un allié de l'homme mort. Manifestement, même s'il était mort-vivant et s'il irradiait le désespoir, il n'était pas foncièrement mauvais et ne souhaitait qu'une seule chose, c'était trouver la paix. Il restait juste à le convaincre qu'ils étaient ses alliés et non une menace, et qu'ils pouvaient lui permettre de reposer enfin et ne plus être un mort-vivant tourmenté.

Il fallut beaucoup parler et expliquer. Souvent Vif avait des idées qu'elle grognait pour qu'elles soient traduites par Taurgil à l'attention de Pitää Kalasta, qui ensuite les exprimait en labba à "Demi-Ours". Petit à petit, l'homme se laissa convaincre qu'il pouvait guérir de sa malédiction : d'une part en aidant les aventuriers à rendre la paix aux morts-vivants présents dans l'iceberg, d'autre part en se laissant purifier par la larme de Yavanna. Il lui fut expliqué que le drame qu'il avait vécu n'était pas de sa faute mais qu'il avait été causé par la magie pernicieuse et maudite de perles magiques fabriquées par Angmar. Ce qui était fait ne pouvait plus être défait, mais en aidant à détruire les perles maudites restantes et soigner les morts qui ne trouvaient pas le repos comme lui, il connaitrait le pardon.

Puolikarhu les testa tout de même en éveillant un mort, afin que les étrangers puissent prouver qu'ils étaient capables des choses qu'ils avançaient. Il fut satisfait de les voir à l'œuvre et il accepta de leur indiquer quels morts pouvaient devenir actifs et de voir détruire les perles maudites que certains portaient sur eux. Ainsi, après avoir sorti divers corps, leur avoir fait toucher la larme de Yavanna et réduire les perles maudites en morceaux, les trois compagnons nettoyèrent la chambre funéraire de toute la sorcellerie qui permettait à certains morts de se relever. Les runes de protection autrefois sculptées avaient fondu et n'empêcheraient plus d'autres morts-vivants de venir, mais au moins les morts ici présents ne se relèveraient plus jamais. Seul restait "Demi-Ours", qui accepta de remettre son destin dans les mains de Taurgil.
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Grand Nord - 8e partie : le jeu se complique

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1 - La chambre du monde des esprits
Le Dúnadan, après avoir posé quelques questions à Demi-Ours, lui permit de trouver enfin le repos à l'aide de la larme de Yavanna. L'homme n'avait jamais quitté la salle de son clan et ainsi il ne pouvait savoir ce qui attendait les aventuriers dans le reste de l'iceberg funéraire. Taurgil, Vif et Aime le Poisson quittèrent donc la pièce en sachant qu'ils avaient fait le maximum : les morts-vivants n'étaient plus et les perles maudites avaient toutes été détruites. Le tout pratiquement sans combattre et sans endommager les tombes des Lossoth. Restait à retrouver le reste de l'équipe afin de poursuivre plus avant avec les autres salles funéraires. Le groupe fut bientôt réuni, les uns et les autres s'informèrent de ce qu'ils avaient vécu, avant de discuter de la suite à donner.

A l'évidence, il fallait continuer plus avant pour détruire les autres perles maudites et les morts-vivants rencontrés. Mais la prudence était de mise, car le danger venait parfois de là où on ne l'attendait pas. Ainsi, Geralt fut quelque peu stressé d'entendre de légers bruits, comme ceux que feraient une personne très discrète... à l'entrée de l'iceberg, donc derrière eux. Chose qui fut confirmée par la lionne magique : elle percevait l'approche très discrète d'une unique personne, sans pouvoir dire s'il s'agissait d'un ami ou ennemi. Cela ne ressemblait pas à ce que ferait un mort-vivant, mais hormis la fille de Pitää Kalasta, qui était censée rester à l'extérieur, personne ne voyait de qui il pouvait bien s'agir. Certains étaient partisans de retourner en arrière pour s'assurer qu'il n'y avait pas un nouveau danger, mais leur guide lossadan leur dit qu'il avait confiance en sa fille : s'il y avait eu un danger, elle les aurait prévenus, il n'en avait aucun doute. Le groupe finit par se fier à son avis et poursuivit plus avant dans les profondeurs de l'iceberg.

Avant d'arriver aux chambres funéraires du clan du poisson puis du clan de l'oiseau de mer, une autre ouverture apparut dans le couloir, sur le mur opposé à celui où s'ouvraient les chambres des clans. Aime le Poisson précisa qu'il s'agissait de la chambre du monde des esprits, réservée aux nommeurs d'esprit (henkinimittäjät) et sages (viisaat) qui s'étaient distingués d'une manière ou d'une autre. La pièce était comme vierge, sans sculpture ou décoration aucune, sauf les runes anciennement gravées pour la protection magique de l'iceberg contre les morts-vivants... si elles n'avaient pas été endommagées. Par ailleurs, les murs avaient été comme "frottés" de manière à leur donner une surface non lisse mais plutôt rugueuse, semblable à de la neige. La pièce était également plus proche des bords de l'iceberg que les autres. Cela n'enlevait rien à la solidité des murs, mais cela permettait à davantage de lumière de pénétrer jusque-là, sans parler des sons de la mer et d'autres vibrations.

La salle était très grande et entièrement vide, juste occupée sur son pourtour par de nombreux sarcophages de glace. Très peu d'entre eux étaient occupés par des corps, peut-être une trentaine au plus, sur un total de sans doute plus d'une centaine de cercueils glacés. Tous les corps reposaient dans des bières situées loin de l'entrée dans la caverne. Mordin pouvait percevoir magiquement, grâce à un objet magique en sa possession, que certains d'entre eux portaient des perles enchantées susceptibles d'être maudites par la sorcellerie d'Angmar. Leur mission était ici très simple : trouver et détruire les perles maudites, et éventuellement, si besoin était, purifier les morts-vivants à l'aide de la larme de Yavanna... ou les détruire si cela posait problème.

Mais avant d'entrer, Rob les prévint d'une chose, à savoir que de la magie avait été utilisée récemment dans la pièce... ainsi que dans le couloir qui servait d'ouverture vers la chambre funéraire. Et à examiner physiquement et magiquement ce couloir, il semblait bien qu'il avait été fragilisé par l'utilisation de magie du feu. Autrement dit, en cas de chocs violents, il était susceptible de s'effondrer et de piéger les gens à l'intérieur. Néanmoins, il faudrait plus que quelques coups d'épée ou de pioche pour arriver à cela. La magie par contre... Il y eut donc débat pour savoir s'il fallait pénétrer dans la chambre ou poursuivre plus avant - au risque de voir apparaître des ennemis dans le dos - et s'il fallait tous entrer ou juste une partie du groupe, au risque de voir ce dernier divisé et attaqué sur deux fronts.

2 - Toc toc toc
En fin de compte, il fut décidé de laisser entrer Taurgil et Mordin. Le premier pouvait facilement lutter contre les morts-vivants à l'aide de la larme de Yavanna, tandis que le second pouvait identifier les perles magiques. Le reste du groupe se tiendrait près de l'entrée, prêt à intervenir dans la pièce pour aider nain et Dúnadan, ou prêt à repousser l'arrivée de nouveaux zombies, ou prêt à tenter de renforcer - par exemple par la magie de Drilun - la solidité du couloir d'accès. Et ainsi fut-il fait : les deux amis entrèrent avec précaution, faisant le tour de la pièce et des cercueils de glace vides avant d'arriver enfin à ceux qui contenaient des corps. Dans le couloir, la lionne enchantée percevait toujours des signes de vie plus avant mais plus aucun son derrière eux.

Si Mordin était capable de sentir la présence de perles magiques, en revanche il ne pouvait dire lesquelles étaient corrompues par la magie d'Angmar. Il ne lui restait d'autre choix, alors, que de les détruire toutes... ou les emporter - sans les toucher - de manière à les faire expertiser par son ami dunéen. Drilun saurait faire le tri entre les bonnes et les mauvaises, et le nain envisageait avec plaisir de disposer des bonnes. Mais avant d'avoir eu le temps de mettre ce plan à exécution, divers événements vinrent perturber ses rêveries et réflexions. Sans surprise, le réveil de certains morts en faisait partie. Mais la magie que certains utilisèrent ensuite, peu d'aventuriers l'avaient envisagée...

Au début, lorsque moins d'une demi-douzaine de corps s'agitèrent et sortirent de leurs cercueils de glace, Taurgil utilisa la larme et dit à son ami barbu de le laisser gérer les morts-vivants. Lorsque ces morts furent suivis par plus d'une dizaine d'autres, le descendant des rois du Rhudaur était toujours aussi sûr de lui mais ses amis l'étaient moins. Quand un des morts-vivants leva son bâton qui émit un éclair aveuglant, étourdissant le grand rôdeur du nord, sa certitude commença à vaciller comme son corps. La féline Femme des Bois repéra également une grande ombre extérieure et probablement aquatique comme celle que pourrait faire une grosse baleine. Elle fut suivie par un choc puissant qui ébranla l'ensemble de l'iceberg, envoyant à terre des morceaux de glace tombés du plafond ou du couloir, ainsi que quelques aventuriers. Aussi les plans durent-ils être quelque peu révisés.

Vif commença par entrer dans la danse, sautant sur les morts-vivants qui sinon allaient submerger son ami dúnadan. Ses griffes n'étaient pas très efficaces contre eux mais suffisamment pour les tenir occupés loin de Taurgil et Mordin, qui avaient les mains plus libres pour continuer leurs affaires de purification des corps comme des perles. Et elle-même ne risquait pas grand-chose, hormis quelques morsures qui seraient vite oubliées. Dans le couloir, le reste de l'équipe vit venir d'autres morts-vivants que Geralt et Isilmë s'efforcèrent de juguler pour le mieux, avec succès. En revanche, au second choc de la baleine contre l'iceberg, le couloir vit tomber des morceaux de glace encore plus gros, et malgré les efforts de Drilun il sembla plus fragile que jamais.

Tandis que Vif s'attaquait à la femme morte-vivante qui utilisait manifestement de magie dans la pièce, celle-là même qui avait ébloui Taurgil avec un sort, la baleine revint pour une troisième fois. Et cette fois-ci, le choc contre l'iceberg et les vibrations qui s'ensuivirent furent suffisants pour faire s'écrouler le passage entre le couloir principal de l'iceberg et la chambre funéraire du monde des esprits. Drilun faillit être enseveli sous la glace mais il arriva à sauter en arrière assez vite pour ne pas finir écrasé. Peu de temps après les combats prirent fin, et la baleine ne revint plus, peut-être parce que la féline Femme des Bois avait taillé en pièces le mort-vivant qui la commandait.

En revanche, il n'était pas possible de se faufiler dans les débris du couloir d'entrée pour rejoindre le reste de l'équipe. Heureusement la chambre était très grande et ils ne risquaient pas de manquer d'air dans l'immédiat. Faute de meilleurs outils, il fallut que la lionne jouât des griffes pendant un long moment afin d'ouvrir un passage suffisant pour le nain et le Dúnadan, qui n'étaient pas vraiment des contorsionnistes, ainsi qu'elle-même. Bien entendu, Mordin en profita pour occuper ce temps à son bénéfice : il rassembla les dagues runiques portées par la quasi-totalité des cadavres et les mit dans son sac à dos. Egalement, il prit bien soin d'emporter toutes les perles magiques trouvées sur les corps, perles qui purent être expertisées plus tard par l'archer-magicien. Celles qui n'étaient pas maudites furent conservées, de même que les dagues, ce dont il se garda bien d'informer leur guide lossadan...

3 - Le clan du poisson
La chambre funéraire du clan du poisson était très similaire à celle du clan de la baleine : une grande salle labyrinthique comportant de nombreux piliers, dont les parois - tant de la caverne que des piliers - étaient creusées de nombreuses niches, plusieurs centaines. Ces niches étaient assez profondes pour héberger le corps d'un défunt, dont on pouvait voir les pieds. Diverses marches et étroites terrasses en escalier permettaient d'accéder à davantage de tombes en hauteur, ce qui ajoutait une troisième dimension à cette chambre funéraire. Au-dessus des niches les plus élevées, les murs comportaient de nombreuses sculptures associées à la mer et à leurs habitants à branchies.

Là encore, certaines portions de mur avaient été endommagées par un probable feu magique, sans doute pour faire fondre des runes destinées à protéger les morts de la sorcellerie qui pouvait animer certains d'entre eux. Et là encore, Mordin sentait distinctement la présence de perles de céramique magiques, dont certaines devaient être corrompues par la magie d'Angmar. Et sans doute là encore, des morts-vivants devaient se tenir prêts à se jeter sur eux de tout côté lorsqu'ils viendraient purifier leurs corps animés par la magie noire et faire leur moisson de perles magiques, que ce fût pour les détruire ou pour les emporter.

Cette fois-ci, ils entrèrent directement à trois : Taurgil une nouvelle fois, avec la larme de Yavanna ; Mordin et sa capacité magique à détecter les perles enchantées ; et Drilun dont les talents magiques lui permettaient de détecter les pouvoirs de chaque perle et si elles étaient corrompues ou non. Il devait y avoir une vingtaine de perles à trouver çà et là, réparties dans l'ensemble de la chambre funéraire, sur des corps placés à portée de main ou parfois en hauteur, ce qui nécessitait de monter des marches de glace avant de pouvoir sortir des corps éventuellement prêts à bouger pour vous mordre, étrangler, embrocher à l'aide de harpons ou dagues (entre autres armes), bref à vous faire passer de vie à trépas.

Et bien entendu, tout cela ne manqua pas d'arriver, même si cela prit un peu de temps. Pendant un long moment, le travail des fouilleurs de tombe se déroula sans anicroche, si l'on excepte une ou deux glissades sur les marches de glace et quelques bleus aux fesses de l'archer-magicien. Les corps furent sortis de leur alvéole de glace, les perles furent prises, auscultées, et soit détruites à l'aide du bâton de lumière manié par le Dunéen, soit conservées pour une utilisation future par le groupe, même si le marchand nain s'arrachait souvent les poils de la barbe devant l'inutilité - pour lui - du pouvoir de ces perles : amélioration de la fertilité, des compétences de couture, sculpture, pêche et autres, facilité à raconter des histoires ou à se faire des amis...

Bien entendu, vers la fin, alors que le trio était au plus profond de la salle, les morts se réveillèrent enfin pour leur tomber dessus à bras raccourcis. Mordin, auparavant, avait entendu l'un d'eux lui chuchoter magiquement à l'oreille quelques déplaisantes prévisions, mais cela avait été le cas pour d'autres de ses amis avant lui et comme eux, il n'eut aucun mal à repousser la terreur que ces menaces fantomatiques étaient censées provoquer dans le cœur des gens. Bref, aucune magie n'affecta les aventuriers et les morts-vivants furent combattus avec énergie et efficacité, voire un certain ennui devant ce spectacle routinier. Ce qui n'empêchait pas le groupe de rester tous les sens aux aguets, redoutant de mauvaises surprises qui finiraient bien par arriver tôt ou tard. Mais cela ne serait pas pour cette fois-ci, et le groupe put passer sans mal à la dernière chambre funéraire de l'iceberg.

4 - Le clan de l'oiseau de mer
Un peu plus loin, une ouverture dans un mur permettait d'accéder aux tombes du clan de l'oiseau de mer. Contrairement aux chambres des deux autres clans déjà visitées, les morts n'étaient pas emmurés dans des alvéoles creusées à même les parois des murs et piliers. Ce qui frappait d'emblée, en arrivant dans cette chambre, c'était son plafond. En fait, les parois de la chambre étaient toutes fortement inclinées vers l'intérieur, le plafond assez bas, et seuls trois piliers aidaient à supporter la voute de glace. Mais surtout, les parois et le plafond ne comportaient aucune alvéole mortuaires mais étaient entièrement sculptés en un magnifique tableau : le visiteur ne pouvait que s'imaginer entouré d'une myriade d'oiseaux volant dans les cieux, ou nageant à la surface des eaux, ou plongeant à la recherche de quelque poisson naviguant dans les eaux superficielles.

Hormis quelques zones fondues, probables témoignages d'anciennes runes magiques endommagées, les parois et piliers ne formaient qu'une gigantesque sculpture, sans aucune alvéole ou cadavre glacé visible. Pour les repérer, il fallait baisser les yeux : comme Pitää Kalasta l'avait bien décrit, les alvéoles étaient verticales et creusées à même le sol, un peu à la manière dont les abeilles faisaient les rayonnages de leurs ruches, juxtaposition de nombreuses et étroites cellules hexagonales. Les morts, dont la rigidité cadavérique était conservée par le froid glacial, étaient ensuite descendus dans les cellules verticales les pieds en premier, cellules ensuite recouvertes d'un opercule de glace à travers lequel on pouvait distinguer le crâne du défunt. Les visiteurs marchaient donc littéralement sur les tombes...

Les opercules devaient être faciles à ouvrir depuis l'intérieur, surtout quand on a la force d'un mort-vivant, alors qu'il fallait un outil - dague ou autre lame fine - pour les ouvrir depuis l'extérieur. Et l'idée de devoir marcher sur un sol de glace surtout composé de trous ne donnait pas vraiment envie aux aventuriers. Taurgil et Mordin entrèrent néanmoins avec précaution, à distance l'un de l'autre, et commencèrent à explorer la chambre au-delà de l'entrée, où les alvéoles étaient toutes vides et sans cadavre, donc sans corps à purifier ou perle à découvrir et identifier. Mais bientôt, un bruit de glace contre la glace se fit entendre, puis un autre : l'un après l'autre, sans pouvoir identifier aucun mouvement d'un quelconque cadavre, les opercules s'ouvraient et glissaient sur un côté, sur la tranche des parois séparant les cellules verticales. Ce qui compliquait encore plus la marche des bipèdes : non seulement l'espace était plus rempli de trous qu'autre chose, mais en plus il était encombré de plaques de glace qui ne demandaient qu'à glisser sur le sol...

Mordin n'était déjà pas bien à l'aise sur le sol glissant, aussi se dépêcha-t-il de revenir vers ses compagnons. De son côté, Drilun tentait de refermer magiquement les cellules funéraires, mais elles s'ouvraient plus vite qu'il n'arrivait à replacer les opercules. Bientôt la très grande majorité des cellules furent ouvertes, transformant la marche sur le sol en numéro d'équilibriste. L'ambiance de terreur était augmentée par les bruits de déplacement des opercules, même si parfois il semblait qu'ils n'étaient pas associés à un déplacement réel. De plus, le froid dans la pièce devenait de plus en plus mordant, à tel point que tous, même Vif, non seulement le sentaient mais également commençaient à en être affectés. La chambre semblait vivante et prête à avaler un infortuné visiteur, et c'est plus ou moins ce qui se passa. En l'occurrence il s'agit de Taurgil, qui progressait avec précaution vers ses amis mais ne put arriver jusqu'à eux.

En effet, des mains sortirent brusquement de leurs cellules et agrippèrent ses chevilles, le forçant à tomber sur le sol. Bientôt d'autres mains - et les corps à qui elles appartenaient - le saisirent et cherchèrent à l'ensevelir sous le nombre et à l'écarteler, le mordre, le découper et autres joyeusetés, sans parler du froid qui risquait de l'engourdir s'il restait là un peu longtemps. Et malgré l'utilisation de la larme de Yavanna, il risquait d'être vite débordé. Ses amis se portèrent bientôt à son secours, mais le sol glissant et plus troué qu'un gruyère ne les aidait pas à se dépêcher, sans compter que d'autres mains et d'autres corps se levaient pour leur faire connaître un sort funeste comme celui qui attendait leur ami. Seule la lionne enchantée, munie de ses quatre pattes et dotée d'un sens de l'équilibre tout félin, arrivait à se déplacer et utiliser ses armes naturelles sans mal, ce dont elle ne se priva pas.

Heureusement, Rob restait en observateur et son talent pour détecter la magie fut d'un grand secours. Il parvint en effet à indiquer à son amie féline d'où provenaient les enchantements dans la pièce et en particulier la source de froid magique que Drilun était incapable de contrer avec ses sorts, malgré ses efforts, même si cela fut tout de même utile pour tiédir un peu l'atmosphère un petit moment. Vif se porta dans le secteur de la pièce que lui indiquait son ami, et elle arriva à repérer une forme féminine occupée à tisser ses sortilèges sans sortir de sa petite cellule. D'une grosse patte griffue elle fit sortir la morte-vivante de son alvéole, et elle s'acharna si bien sur elle qu'il ne fallut pas longtemps pour la transformer en charpie inanimée. Le froid ne se fit pas plus intense, les morts-vivants ne se levèrent pas davantage et ceux qui l'étaient furent combattus et purifiés ou réduits en morceaux. Le calme revint enfin dans la chambre funéraire, avec juste quelques bleus ou morsures sans gravité à déplorer chez les aventuriers.

5 - Le Grand Hall
Avant même d'arriver à la dernière pièce de l'iceberg funéraire, le groupe se savait observé. Deux fois auparavant les héros avaient été la cible de sortilèges alors qu'ils s'apprêtaient à entrer dans une chambre funéraire. La première fois c'est un brouillard magique qui avait commencé à se former autour d'eux, que l'archer-magicien s'empressa de dissiper à l'aide de l'un de ses sorts. Une autre fois, alors qu'ils surveillaient les environs avant de se décider à entrer dans une chambre, de la magie avait été détectée sous les pas du rôdeur, sur toute la largeur du couloir. Le Dúnadan s'en était sorti par une acrobatie en arrière, mais il restait à passer l'endroit affecté par la magie d'un des morts-vivants qui les attendaient.

En fait la glace avait été en quelque sorte sculptée pour former comme un piège : une couche de glace fine abritait un trou d'un pied de profondeur dans lequel des pointes de glace étaient disposées vers le haut, prêtes à embrocher les pieds ou autres parties du corps du premier à casser la glace au-dessus d'elles. Taurgil disposa son pavois par-dessus et demanda à Rob de s'installer, puis il le fit glisser de l'autre côté avec une bonne poussée, sans incident aucun. Isilmë, quant à elle, choisit d'utiliser la capacité qu'ont les elfes à avoir le pied très léger pour avancer sur le piège de glace sans la briser. Lorsque le grand rôdeur s'installa sur son pavois, par contre, celui-ci ne mit pas longtemps à briser la glace et à s'arrêter au milieu du piège. Les aventuriers en furent quittes pour briser les pointes de glace et pouvoir passer sans mal, même si l'endroit nécessitait de progresser lentement et avec circonspection. Pas question de courir sur ce trou empli de morceaux de glace parfois tranchants.

Le groupe, toujours accompagné de leur guide lossadan Aime le Poisson, arriva enfin à l'entrée du Grand Hall de l'iceberg funéraire. Avant d'en arriver là, ils avaient soigneusement écouté derrière comme devant eux. Ils n'avaient rien perçu derrière, et comme d'habitude des petits bruits face à eux leur indiquaient que certains morts-vivants s'apprêtaient à les accueillir. Pour autant, lorsqu'ils arrivèrent à l'entrée de l'immense salle au cœur de l'iceberg, ils furent tout de même surpris par ce qu'ils virent. Non seulement par la beauté du lieu, qui dépassait de loin ce que les descriptions de leur guide leur avaient évoqué, mais également par la manière dont ils étaient attendus.

Tout d'abord, sans doute suite à une mauvaise interprétation des paroles de Pitää Kalasta, ils découvrirent qu'il n'y avait pas de chambre intérieure en forme de baleine. En fait, le centre du sol de la très vaste pièce était sculpté de manière à donner l'impression d'une baleine en train d'émerger des flots. La queue de l'animal de glace était proche de l'entrée tandis que la tête était à l'opposé. Le geyser de vapeur qui sortait de l'évent de l'animal était représenté par l'unique pilier permettant de soutenir la voûte de glace au-dessus de leur tête. Devant la tête de la baleine, à une dizaine de pas au plus et en partie masqué par le pilier, un igloo dont l'entrée n'était pas apparente abritait la "résine de mer" des Lossoth sur un piédestal, aux dires de leur guide. Les murs et plafonds étaient sculptés et la glace était par endroit colorée, de manière à donner l'impression d'un paysage d'été plein d'animaux et de vie. Tout le long de la paroi de la caverne de glace, des blocs de glace sculptée permettaient à de nombreux spectateurs de s'assoir et profiter d'un éventuel rituel de purification et d'adieu aux morts récemment amenés par les Merimetsästäjät, les "Chasseurs de la Mer", dont Aime le Poisson était l'un des chefs.

Mais justement, ces bancs de glace étaient déjà occupés, pour moitié, par des morts-vivants assis paisiblement ; hormis le fait qu'ils tenaient tous un harpon ou autre arme à la main, et que leurs yeux sans vie semblaient suivre les aventuriers sans les regarder directement. En fait les cadavres glacés n'occupaient que la moitié de la salle à peu près, et celle la plus proche de l'entrée. La partie proche de l'igloo où demeurait la probable larme de Yavanna qui protégeait l'iceberg des morts-vivants était vide de morts ensorcelés, comme s'ils ne voulaient ou pouvaient s'approcher de l'igloo. Alors que les aventuriers contemplaient ce curieux spectacle, une voix féminine et enjouée, sortie de nulle bouche visible mais manifestement du fond de la salle, les accueillit avec un certain humour en leur demandant ce qui leur avait pris tant de temps, et en les invitant à se rapprocher... Elle s'adressait à eux en un ouistrain parfaitement maîtrisé, et la voix semblait tout à la fois chaude et juvénile, comme celle d'une adolescente qui passe un bon moment.

6 - Gillowen
Quelques échanges eurent lieu à distance entre les aventuriers et la voix invisible, Taurgil et ses amis n'ayant manifestement pas confiance dans la nouvelle venue. Aussi finit-elle par apparaître soudain, comme surgie de nulle part, assise au sommet de l'igloo. Même si le pilier issu de la "baleine" dans le sol la masquait un peu, l'équipe ne manquait pas de gens perceptifs qui l'aurait vue se déplacer. Autrement dit, elle était auparavant invisible et elle avait fini par mettre fin à son sort. Pourtant Rob et d'autres ne percevaient aucune magie venant d'elle, comme s'il n'y avait pas de magie, ou comme si elle était bien masquée... A tout le moins, cette personne, qu'aucun membre du groupe n'avait jamais vu, semblait devoir être cataloguée dans la catégorie des lanceurs de sort expérimentés. Ou peut-être était-ce juste quelqu'un de très bien équipé, mais cela changeait-il grand-chose ?

En tout cas, même à la moitié d'une portée de flèche, une chose était évidente, voire deux. La première était que la nouvelle venue était splendide, le genre de beauté qu'on ne peut oublier après l'avoir vue. Ses cheveux blonds encadraient un visage jeune et parfait et ses yeux bleus étaient comme deux bijoux enchâssés dans un splendide écrin, et visibles - pour les plus perceptifs - même à cette distance. C'était également une elfe, manifestement, et sans doute très jeune, à tout le moins pour Isilmë qui avait l'impression de faire plus vieille qu'elle, même si elle-même ne se considérait guère plus agée qu'une adolescente pour ceux de sa race. Ce qui ne l'empêcha nullement de se méfier d'elle : la guerrière elfe n'aimait ni le contexte de leur rencontre ni les manières de la nouvelle venue.

Mais également, l'elfe qui leur parlait portait autour du cou une chaîne à laquelle était suspendue une énorme gemme, manifestement très lourde. Jamais personne n'avait jamais vu une gemme aussi grosse ; si elle était globalement assez sombre, la lumière faisait jouer sur ses multiples facettes de nombreux reflets de toutes les couleurs, avec une certaine dominante de tons rouges. Mais également, la gemme était en contact avec un autre bijou translucide attaché à sa surface par une espèce de lanière qui l'enveloppait assez complètement. En fait, le bijou ne fut réellement visible qu'au moment où l'elfe qui les interpelait la prit d'une main par la lanière en disant qu'elle n'en avait plus besoin. Elle l'approcha de son autre main, et au moment où les aventuriers purent reconnaître une larme de Yavanna, un feu intense jaillit de la main de l'elfe et la larme fut bientôt entièrement consumée, complètement détruite.

Au même moment, Rob et ses amis se sentirent comme agressés par ce que leurs sens leur criaient. Pour le hobbit et les autres membres du groupe sensibles à la magie, de la gemme que portait la belle elfe émanait une puissance comme ils n'en avaient jamais senti auparavant, sauf peut-être lorsqu'ils avaient été à proximité de l'éclat de la lampe des Valar trouvée dans une montagne magique gardée par un dragon. Et même ceux qui ne percevaient pas la magie d'ordinaire sentaient bien que quelque chose émanait de cette pierre, quelque chose de puissant qui les mettait mal à l'aise. Si mal à l'aise que Isilmë, à qui leur interlocutrice ne revenait vraiment pas, profita que cette dernière continuait à parler pour encocher une flèche et la tirer dans sa direction.

La flèche aurait dû atteindre son but, mais les aventuriers virent que son vol fut dévié et elle rata l'elfe qui n'eut même pas à bouger. En fait la flèche disparut complètement. Pour autant, malgré un regard marqué en direction de la guerrière du groupe, la nouvelle venue de se fâcha pas d'avoir été prise pour cible. Au contraire, sa voix se fit encore plus mielleuse et elle invita tous les aventuriers et leur guide à la rejoindre au pied de l'igloo, afin de mieux pouvoir échanger, en bons amis qu'ils étaient tous. Le nain s'en offusqua, disant à leur interlocutrice qu'ils ne connaissaient même pas son nom alors qu'elle-même semblait connaître beaucoup de choses à leur sujet.

Elle lui proposa de donner son nom lorsqu'ils seraient proches d'elle, ce qui fit naître un sourire sur le visage du marchand nain. Pour qui les prenait-elle ? Mais son sourire se figea bientôt quand il s'aperçut que ses amis s'avançaient avec confiance vers leur interlocutrice, avec peut-être juste un petit retard pour Drilun. Du peu qu'il en vit, tous portaient sur leur visage l'air de gens qui retrouvent une bonne vieille amie oubliée depuis longtemps. Cette sale magicienne avait envoûté ses amis avec un de ses tours d'elfe ! Plutôt que de rester seul au milieu des morts-vivants qui ne semblaient pas perdre une miette du spectacle, même s'ils ne bougeaient pas, il suivit ses compagnons jusqu'à l'autre bout de la salle. Ils se disposèrent en arc de cercle face à leur interlocutrice, près de l'entrée de l'igloo qui était disposée à l'opposé de l'entrée dans le Grand Hall. Enfin, quand ils furent tous là, l'elfe au sommet de l'igloo leur annonça qu'elle s'appelait Gillowen.

7 - Une elfe un peu spéciale
Ce nom elfe ne suscita guère de réaction. Était-ce un nom inventé pour l'occasion ? En y repensant bien, peut-être qu'Elrond, Niemal ou Gandalf avaient autrefois cité cette personne dans une conversation. Personne n'était vraiment sûr, mais certains dans le groupe avaient peut-être entendu parler d'une telle elfe. N'aurait-elle pas fait partie de l'ancien groupe d'aventuriers qui accompagnait Dwimfa, dont ils étaient à la recherche ? Et si c'était le cas, que faisait-elle ici, alors que selon diverses visions ou autres informations le groupe n'avait pas survécu, à de rares exceptions près ? Par ailleurs, comment se faisait-il que les morts-vivants alentour de réagissent pas et les laissent parler comme si de rien n'était ? Même si les aventuriers voyaient leur interlocutrice comme une vieille amie, leur raison leur soufflait que bien des choses méritaient des éclaircissements.

La discussion avec Gillowen porta d'ailleurs sur ces morts-vivants. Manifestement, elle les contrôlait - ce dont elle se défendit - ou au moins avait-elle une certaine emprise sur eux. Pourquoi alors les avait-elle laissés les attaquer depuis leur entrée dans le berg funéraire ? Elle se défendit en disant qu'elle avait fait en sorte de limiter leurs attaques. Taurgil et ses amis auraient-ils préférés se faire attaquer au pire moment par une armée de plus de cent spectres et zombies à la fois ? Elle avoua tout de même avoir eu grand intérêt à observer les capacités du groupe, ce qui interpela quelque peu les aventuriers. Pouvait-elle, enfin, les aider à éliminer leur menace ? Mais elle répondit qu'ils pouvaient être des outils tant utiles que dispensables à l'avenir, et qu'elle ne tenait pas à les sacrifier inutilement. Ces propos choquèrent certains aventuriers, mais le sujet finirait par revenir sur le tapis plus d'une fois, Taurgil y veillerait.

Tandis que les conversations se poursuivaient et que le groupe découvrait petit à petit l'elfe qui leur faisait face, Drilun essaya de tendre ses perceptions magiques vers l'énorme gemme que Gillowen portait contre sa poitrine. Pour bien faire il aurait dû l'approcher voire la toucher, mais même à cette distance il la sentait irradier d'une telle magie qu'il devait bien pouvoir arriver à discerner ses pouvoirs. Il fut exaucé au-delà de ses espérances, ce qu'il regretta assez vite : non seulement les pouvoirs magiques conférés par l'objet ne semblaient pas avoir de limite perceptible à ses sens, mais en même temps ses pouvoirs de corruption ne paraissaient pas avoir non plus de limite ! Autrement dit, le porteur de la pierre avait la puissance d'un être au-delà de ce monde, peut-être même celle d'un des créateurs de la Terre du Milieu elle-même... à condition de savoir la maîtriser. Mais également, il ne semblait pas possible de résister à la tentation de la posséder et d'en faire un usage que la pierre elle-même déciderait. Elle avait sa volonté propre et son porteur, sauf peut-être pour les pareils à ceux qui avaient fabriqué cet objet, ne serait qu'un pion pour la gemme. Le Dunéen sentit le désir immense de posséder l'objet et il dut le combattre avec énergie pour ne pas tenter quelque folle tentative...

Tandis que l'archer-magicien était tout étourdi par ce qu'il venait de sentir et qu'il pensa qu'il devait prévenir ses amis au plus vite de ne jamais toucher à cet objet, les conversations se poursuivaient. Même si pour une majorité des aventuriers Gillowen restait pour eux comme une amie chère, leur raison s'alarmait de ce qu'ils entendaient : étaient-ce vraiment une belle elfe et amie qu'ils avaient en face d'eux, ou quelque autre individu qui avait pris ses traits et ses pouvoirs ? Et elle avait une telle assurance, comme si elle n'avait nulle peur de voir les aventuriers lui sauter dessus. En fait, ces mêmes aventuriers avaient le sentiment que si jamais ils essayaient, elle pourrait les balayer facilement avec ses pouvoirs, ou ceux que la pierre qu'elle portait lui conférait.

Petit à petit, en continuant à discuter, la vérité finit par voir le jour : c'était bien Gillowen qu'ils avaient en face d'eux, une magicienne elfe qui avait été l'amie de Dwimfa et d'autres aventuriers qu'Elrond et Gandalf avaient connus. Mais ailleurs et en d'autres temps, elle avait été possédée par un démon, une créature que semble-t-il elle avait elle-même appelée. D'ailleurs, une remarque de l'elfe - ou de l'entité qui la contrôlait - laissait à penser qu'il y avait eu quelqu'un d'autre avant Gillowen, un autre corps qui avait été possédé. En tout cas Gillowen et ses amis étaient venus dans le Grand Nord, où ils avaient connu une funeste fin... à l'exception d'au moins deux d'entre eux : Dwimfa, d'une part, un Homme des Bois très chanceux et aux multiples talents, et la magicienne elfe qu'ils avaient en face d'eux. Et d'après ce qu'ils en savaient et en particulier les visions que Drilun avaient partagées, ils pouvaient mettre un nom sur la créature responsable de tout ceci : Eloeklo, Démon du Vent du Nord et ancien lieutenant de Morgoth au Premier Âge...

8 - Discussions avec Eloeklo
Les choses devenant plus claires, la discussion se poursuivit de manière plus franche et directe. En quoi Taurgil et ses amis intéressaient-ils le démon Eloeklo, que leur voulait-il et qu'attendait-il d'eux ? Gillowen, ou plutôt le corps de l'elfe possédé par le démon, répondit de manière franche - en apparence - qu'il souhaitait leur proposer une aide mutuelle et bénéfique. Certes, il contrôlait parfaitement le corps de Gillowen dont l'âme était enfermée ailleurs. Mais son corps à lui, ou plutôt son essence, était prisonnier en un autre lieu et il cherchait depuis des milliers d'années à se libérer. Or il se trouvait que depuis peu il avait certains éléments qui pouvaient lui permettre de se libérer. Il avait seulement besoin d'une aide qui était double : d'une part, une personne maîtrisant bien les arts magiques, comme Drilun, afin de pouvoir accomplir un rituel de libération ; d'autre part, lutter contre d'autres créatures comme lui qui souhaitaient elles aussi se libérer de leurs chaînes.

Car la liste ne se limitait pas à Tevildo, dont le nom fut vite avancé. Certes, le Prince des Chats partageait les mêmes objectifs que Eloeklo : utiliser les aventuriers pour lui permettre de retrouver un corps tangible, une fana comme disaient les elfes. Le Démon du Vent du Nord savait-il qu'en ce moment même, Tevildo devait écouter leur conversation à travers les yeux de Vif ? L'intéressé(e) répondit que le Prince des Chats n'ignorait sans doute rien de ses intentions et que cela ne changeait rien à sa proposition. Et qu'est-ce que Eloeklo pouvait proposer de mieux que Tevildo ? Car après tout, les deux entités voulaient toutes les deux la même chose : être libérées pour pouvoir ensuite conquérir le monde. Ce à quoi le démon répondit que Tevildo avait une influence profonde sur le cœur et l'âme des aventuriers, alors que lui, Eloeklo, leur proposait de devenir ses lieutenants à part entière. Ils garderaient toujours leur libre arbitre, alors qu'avec le Prince des Chats ils resteraient toujours ses marionnettes et ne seraient jamais complètement eux-mêmes.

Un aventurier évoqua le cas où Tevildo serait battu. Que deviendrait leur amie Vif, alors ? Perdrait-elle ses pouvoirs, mourrait-elle ? Car jamais elle n'accepterait de suivre quelqu'un qui la mènerait de toute manière à sa perte ou à la perte de ses pouvoirs félins. L'elfe en haut de l'igloo leur répondit qu'il était possible qu'elle conserve une partie de ses pouvoirs, comme des sens accrus ou la capacité à parler aux félins. Peut-être même, suite à une suggestion de Taurgil, lui paraissait-il possible de garder Tevildo enfermé pour l'éternité, ce qui permettrait à la Femme des Bois de conserver toutes ses capacités félines. En revanche, elle resterait toujours la marionnette de son maître et donc Eloeklo ne pensait pas qu'elle pourrait survivre longtemps. De toute manière, lui-même doutait que la libération de Tevildo et la création d'une fana à son goût puisse se faire sans le sacrifice de Vif...

Et tout cela c'était sans compter sur un troisième larron : Durlach, la créature qui habitait le lac de lave dans les tréfonds du Puits de Morgoth. Sa fana à lui était parfaitement réelle et tangible, sorte de gigantesque serpent de feu ; mais il ne pouvait se libérer du lieu où il avait été enfermé. Cet "idiot", selon les termes mêmes d'Eloeklo, était incapable de concevoir autre chose que pures violence et destruction. Aussi ne savait-il qu'attaquer et détruire tous ceux qui passaient à sa portée, il serait impossible à raisonner d'aucune manière. Or c'est chez lui que le rituel devait avoir lieu, et il aurait tout intérêt à profiter de l'énergie magique qui pouvait lui permettre de se libérer et de déchaîner sa fureur sur le monde... Il faudrait donc le combattre avant de pouvoir faire quoi que ce fût. Trois entités avides de se libérer, mais une seule pourrait l'être. Et aucune ne manquerait au rendez-vous, d'une manière ou d'une autre.

Et c'était sans même parler d'un quatrième larron dont les serviteurs poursuivaient les aventuriers, même si pour Eloeklo ils n'étaient que quantité négligeable. Ce qui surprit d'ailleurs certains des aventuriers : Andalónil n'était-il pas un serviteur du Démon du Vent du Nord ? Ce dernier confirma la chose, mais sa confiance envers son ancien serviteur était loin d'être complète : par le passé il en avait servi un autre, et il n'était pas complètement certain de ses véritables intentions. Les aventuriers eurent beau dire qu'il était tombé en disgrâce auprès du Nécromancien et donc qu'il avait plus d'avenir avec son ancien maître, ce dernier ne paraissait pas totalement convaincu. En tout cas, les trois serviteurs du Nécromancien n'étaient pas pour lui un réel problème : deux d'entre eux étaient immortels et l'un d'eux ne pouvait être éliminé définitivement, mais manifestement ils n'étaient rien comparés au problème posé par Durlach ou Tevildo.

Et la conversation se poursuivit ainsi longtemps, Eloeklo n'hésitant pas à donner de nombreux renseignements aux aventuriers. Tout en leur faisant sentir qu'il leur faisait une fleur en leur présentant pareille proposition, et qu'il ne ferait qu'une bouchée d'eux s'ils devaient se mettre en travers de son chemin. Suite à certaines questions il parut qu'il connaissait très bien le magicien Radagast et qu'il ne le portait pas dans son cœur, même si pour lui ses pouvoirs étaient limités, alors que de Gandalf il n'avait pas grand-chose à dire, juste à exprimer un peu de mépris. Et tout en discutant, il semblait garder un œil sur chaque aventurier, et en particulier la lionne enchantée, qui grognait et piétinait comme si elle n'attendait qu'un ordre pour bondir sur l'elfe, ce dont elle seule était capable ; ou Geralt, qui semblait s'ennuyer et qui avait fini par s'allonger sur un banc de glace un peu plus loin, comme pour dormir, avant de revenir et se retourner, songeur, comme perdu dans ses pensées. Car un élément nouveau venait de s'inviter dans la ronde...

9 - Retournement de situation
Cet élément, la lionne enchantée et ses sens fantastiques avaient été les premiers à le remarquer : quelqu'un de très discret marchait à pas feutrés dans leur direction, et il arrivait à présent à l'entrée du Grand Hall. Tous ne pouvaient pas s'en rendre compte car ils étaient disposés de sorte que le pilier proche leur masquait l'entrée. Par ailleurs, lorsqu'il parut enfin, il se fondait avec le décor : sa peau et ses vêtements semblaient faits de glace et il était très difficile de le percevoir. Mais pas pour les morts-vivants, qui fixèrent immédiatement leur attention sur lui. Et même si leur mouvement avait été minime, presque imperceptible, il n'avait pas échappé à certains membres du groupe comme Geralt, même s'il ne pouvait voir l'entrée de là où il était. Aussi s'était-il allongé un peu plus loin pour mieux voir de quoi il retournait et suivre le manège des morts-vivants près de l'entrée...

Certains aventuriers découvrirent aussi que la magie fonctionnait bizarrement où ils étaient : Mordin s'aperçut qu'il ne comprenait pas ce que la lionne enchantée marmonnait, alors que son tour d'oreille magique, fabriqué par Drilun, était bien activé. Les autres non plus ne purent rien faire avec le leur, et seul Taurgil put user de sa magie pour comprendre que Vif leur annonçait l'arrivée de quelqu'un de discret. A un moment, Rob constata aussi l'étrange manège des spectres et zombies et il demanda à voix haute ce qu'il se passait, ce qui fit se retourner Gillowen. Mais le nouvel arrivant s'était déplacé pour mettre le pilier entre lui et elle, et l'elfe se retourna bien vite avant qu'un aventurier n'ait de mauvaise intention à son égard - ce qui était bien le cas - et surtout avant qu'il ne mette sa mauvaise idée à exécution.

Sur son banc, Geralt, l'air de rien - il savait très bien jouer la comédie - finit par repérer l'intrus aux habits et à la peau de glace. Ce devait être une illusion car il avait déjà vu Drilun faire des choses pareilles, modifier magiquement son apparence. En tout cas, l'homme - car ce devait être un homme, et armé d'un arc long au passage, avec des flèches aux pointes comme argentées - se figea lorsqu'il se rendit compte qu'il avait été repéré. Mais le maître-assassin ne réagit pas, d'autant qu'il sentait le regard de Gillowen posé régulièrement sur lui. Le nouvel arrivant reprit sa marche vers le pilier, légèrement sur un côté de manière à pouvoir voir Gillowen qui faisait pour lui une cible facile, surprise et de dos - pour l'instant du moins. Dans le même temps, le balafré aux cheveux blancs se rapprochait de la base de l'igloo, puis se retournait pour que l'elfe à son sommet ne puisse voir les mots silencieux qu'il envoyait au nouveau venu, l'enjoignant à ne pas tuer l'elfe. Mais il ne sut ce que l'inconnu avait compris, lui dont la corde de l'arc était déjà tendue, même si la pointe de la flèche n'était pas (encore) dirigée vers le dos de l'elfe...

Revenu près de ses amis, Geralt tenta de faire passer discrètement le message qu'il allait se passer quelque chose, tandis que Taurgil remarquait que son amie féline sursautait. Il l'entendit alors dire dans sa langue féline qu'elle reconnaissait cette odeur... Aussi le Dúnadan comprit-il ce qu'il se passait et pensa-t-il avoir deviné qui venait d'entrer. Il surveilla Vif, qui semblait sur le point de bondir, tout en tenant fermement la larme de Yavanna à la main. D'autres aventuriers continuaient à discuter avec Gillowen/Eloeklo, mais certains devinaient que les choses étaient sur le point de se précipiter. Rob voyait que le regard des morts-vivants était à présent tourné vers eux, tout le monde semblait attendre quelque chose... qui finit par arriver.

Alors qu'Eloeklo évoquait le fait d'avoir auparavant possédé un autre corps, tous entendirent distinctement le chant de la corde d'un arc que l'on relâche. La flèche aurait dû transpercer la tête de Gillowen, mais elle fut comme ralentie par une magie protectrice. Elle parvint bien à son but, et tout d'un coup l'elfe bascula en avant, morte ou inconsciente, roulant sur le toit de l'igloo en direction des aventuriers groupés autour de l'ouverture. Tandis que lui-même plongeait en avant, Taurgil vit les pattes de la lionne se détendre brusquement et son corps bondir vers Gillowen, une patte avant prête à lui arracher la tête. Dans le même temps Geralt, un peu à l'écart, courait en sortant son épée dans l'idée de l'utiliser pour prendre la chaîne à laquelle la pierre magique de Gillowen était suspendue, tandis qu'Isilmë se mettait sur son chemin, genoux pliés et mains réunies, en lui disant silencieusement de l'utiliser pour qu'elle l'aide à plonger vers sa cible.

Avec un effort de volonté le Dúnadan arriva tout juste à attraper la queue de la lionne et à y coller la larme de Yavanna. Drilun tentait de lancer un sort pour faire fuir les morts-vivants que Rob voyait se lever et venir vers eux, ce qu'il ne se priva pas de crier. Les griffes de Vif redevinrent ongles alors qu'elle frappait le visage de l'elfe, toujours magiquement protégé, ce qui lui fit à peine une blessure légère. Isilmë souleva Geralt prenant appui sur ses deux mains, afin de plonger en avant, la pointe de l'épée dirigée vers la chaîne portée par Gillowen. L'épée fichée dans la glace de l'igloo, la chaîne resta bloquée par la lame, et la tête de l'elfe également, suspendue à la chaîne, juste devant Mordin qui venait de sortir sa hache. Il en donna alors un coup sur la chaîne, qui se brisa. Le corps de Gillowen tomba d'un côté, la pierre sombre et multicolore de l'autre, aux pieds du nain, tandis que Drilun, dont le sort n'avait pas fonctionné, hurlait de ne pas toucher à la grosse gemme. Plus loin, l'homme à l'apparence de glace courait vers eux, les morts-vivants non loin derrière.

10 - Problèmes de morts-vivants et de magie
Vu la centaine de morts-vivants qui venaient sur eux, la situation serait vite tendue pour les aventuriers. D'autant que Drilun et Taurgil constatèrent que la magie ne fonctionnait pas, ou du moins elle semblait très amoindrie, comme si la gemme récupérée au cou de Gillowen amoindrissait les magies hormis les plus négatives. Cela étant, Rob infirma cette hypothèse quand il constata que deux femmes mortes-vivantes lançaient des sorts dont la magie se dissipait aussitôt. En fait le hobbit, en suivant les énergies magiques grâce à ses perceptions particulières, pouvait voir l'énergie des sorts être comme absorbée au centre de l'igloo. Où reposait un piédestal sur lequel trônait une larme de Yavanna, piédestal contre lequel le corps de l'elfe inconsciente était posé, la main coincée sur la larme. Gillowen était en effet encore vivante, soignée en urgence par l'elfe guerrière pour qu'elle ne perde pas tout son sang, tandis que Taurgil qui avait commencé à l'aider laissait son amie gérer le soin pour aller repousser les hordes de morts-vivants.

Vif aussi se retrouva bientôt dans l'igloo. Son corps nu n'était plus protégé du froid par une épaisse fourrure magique et il fallut rapidement lui donner quelques vêtements. Avec l'aide de la magie de l'elfe elle tenta de se retransformer en lionne mais quelque chose bloquait le chat en elle et elle ne pouvait se transformer, même avec de l'aide. Elle ne put donc aider ses amis qui peinaient à l'extérieur. Si Geralt se rappela vite qu'attaquer avec le plat de la lame pouvait être plus efficace qu'avec le tranchant - les zombies ne saignaient pas et leurs membres étaient peu affectés par des muscles endommagés - ses adversaires étaient trop nombreux pour tenir longtemps. D'ailleurs Taurgil ne faisait que parer, sans chercher à blesser des créatures contre lesquelles il ne disposait pas des bonnes armes. Seul le bâton de lumière de Drilun était vraiment efficace, mais il ne pouvait combattre la horde à lui tout seul.

Heureusement, les morts-vivants semblaient gênés par la proximité de l'igloo, dont l'intérieur était couvert de runes de protection contre leur engeance. Si bien qu'ils n'osaient s'en approcher à plus d'une longueur de harpon - ce qui était bien suffisant pour attaquer les aventuriers qui se mirent dos à l'igloo. Après des efforts globalement inutiles, les zombies, comme dirigés par la volonté d'une morte-vivante en particulier, mirent des cordes ou ficelles dans un trou fait dans leur harpon, afin de pouvoir les lancer et les récupérer ensuite, comme pour la chasse à la baleine ou autre gros gibier marin. Aussi les aventuriers se réfugièrent-ils à l'intérieur de l'igloo, non sans avoir récupéré la gemme portée par Gillowen auparavant. Mordin avait senti le pouvoir de la pierre mais il y avait résisté, se contentant de vider son sac à dos des dagues runiques qu'il y avait entreposées pour y mettre la pierre magique à l'aide de sa hache, sans la toucher.

Le groupe se retrouvait réuni avec leur guide, mais piégé à l'intérieur de cet igloo, sans moyen d'affronter les morts-vivants à l'extérieur et donc condamnés à mourir de faim ou de froid. Ils eurent l'occasion de faire la connaissance du nouveau venu, que Pitää Kalasta semblait connaître : c'était Dwimfa, l'Homme des Bois qu'ils recherchaient, et Taurgil et ses amis comprirent que Aime le Poisson se doutait bien que c'était lui qui les avait suivis de loin, même si sans doute il ne lui avait pas demandé de le faire. Manifestement, leur guide était habitué à ce genre de comportement. Par contre, leur nouvel ami avait bien perdu la mémoire et il ne se souvenait pas de sa vie passée, même si certaines paroles de Gillowen l'avaient fait réagir. Ainsi, il avait libéré sa flèche sans bien réfléchir quand elle avait parlé d'un autre corps que le démon avait occupé avant elle, sentant comme un éclair de haine en lui.

A force de tester et de chercher, les aventuriers découvrirent d'où venait l'absorption de magie qui les environnait. Chaque fois qu'un sort était lancé, son énergie magique était absorbée par une bague de mithril avec un gros diamant que Gillowen portait au doigt. Comme ce doigt était sur la main qu'Isilmë maintenait sur la larme de Yavanna au centre de l'igloo, la confusion était facile. Le bijou fut retiré du doigt, de même que d'autres babilles magiques en possession de l'elfe, comme deux ceintures et un anneau d'or. La bague au diamant, selon Drilun, permettait de contrôler la magie, tant amplifier celle du porteur que d'absorber celle des autres. C'était un anneau très ancien dont il ne parvenait pas bien à cerner tous les pouvoirs, d'autant que l'un des pouvoirs de l'objet était justement de masquer la magie. Une ceinture protégeait contre les éléments et les coups, tandis que l'autre ceinture et l'autre anneau permettaient de se rendre invisible.

Forts de ces nouveaux éléments, Taurgil et ses compagnons se concertèrent. Ils testèrent et confirmèrent leur hypothèse, à savoir que l'anneau avec diamant n'opérait que s'il était au doigt de l'un d'eux. Sans que personne ne le porte, il était possible de lancer des sorts normalement. Drilun put faire une protection magique autour de lui, et Vif, avec l'aide d'un sort de soin, commença à se retransformer en gros félin magique. Avant cela, le pansement à la tête de Gillowen fut complété pour éviter que sa blessure, très sérieuse, ne s'aggrave. A l'extérieur, les morts-vivants avaient compris que la magie fonctionnait à nouveau et ils avaient essayé de faire fondre les runes de protection, mais manifestement elles avaient été faites pour leur résister et elles tenaient bon... pour l'instant. De toute manière, le groupe semblait maintenant prêt et disposé à ressortir pour montrer aux morts-vivants ce dont ils étaient capables.
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Niemal
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Grand Nord - 9e partie : nettoyage

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1 - Sortie et glissades
Les derniers sorts de protection furent bientôt lancés, la féline Femme des Bois était transformée, les bras et les cœurs étaient un peu fatigués, mais pourtant le signal fut donné. Rob accepta de mettre l'anneau elfique de Gillowen au doigt pour les protéger de la magie des morts-vivants. Isilmë resterait à l'intérieur pour continuer à soigner la tête de l'elfe blessée et la maintenir en contact avec la larme de Yavanna disposée au centre de l'igloo, sertie dans une espèce d'écrin de glace sur un piédestal du même matériau. Drilun, Geralt, Taurgil et Vif s'apprêtèrent à sortir casser du mort-vivant, armés de leurs bâton, épée, larme purificatrice et griffes acérées. Les autres resteraient dans l'igloo, indécis quant à leur contribution ou attendant de voir la suite avant de prendre une décision. Le rôdeur dúnadan remarqua qu'hormis une dague, Dwimfa ne semblait pas porter d'arme de combat rapproché. Et elle n'était même pas sortie de son fourreau.

Les perceptions du hobbit lui permirent de détecter deux sources de magie à l'extérieur, qui devaient correspondre aux deux sorcières mortes-vivantes encore actives, d'après les récits qui leur avaient été faits et les combats précédents. L'une d'elles était peut-être à une quinzaine de pas de l'igloo, non loin du pilier au centre de la chambre ; l'autre était plus proche, de l'autre côté par rapport à la première. Toutes deux étaient entourées par de nombreux morts-vivants, corps bleus animés par une magie ténébreuse et armés de harpons, haches ou dagues, pour l'essentiel. Il devait y en avoir autour d'une centaine, disposés tout autour de l'igloo, à environ trois pas du bord de celui-ci. Les runes magiques qui en ornaient l'intérieur devaient les repousser et les empêcher d'approcher. Cela laissait un espace pour sortir et circuler avant d'attaquer, mais les zombies n'attendaient qu'une occasion pour essayer de les transpercer avec leurs armes comme des phoques à la chasse, et ils savaient s'en servir et ils étaient costauds.

Drilun, protégé par sa magie, fut le premier à sortir. Les harpons qui lui furent jetés dessus sans conséquence l'affectèrent moins que la glace humide à ses pieds. Sans doute sous l'effet d'un sort, la surface du sol avait très légèrement fondu et était particulièrement glissante. Avec un gros effort de volonté, le Dunéen réussit à conserver son équilibre et à s'approcher des zombies vers la droite de la sortie de l'igloo, mais il fut bien incapable de porter un coup avec son bâton magique de lumière. Geralt, plus adroit que son ami, glissa non loin de lui pour prendre position et se préparer à combattre. Taurgil, de son côté, avait aussi le pied sûr et il ne fut pas trop gêné par le sol glissant. Il préféra aller vers la gauche pour toucher les zombies à l'aide de la larme et les purifier de la magie maléfique qui les animait. Lui non plus ne craignait pas trop leurs harpons et autres armes, protégé qu'il était par sa magie et son armure de qualité.

La lionne enchantée, comme à son habitude, choisit un chemin différent. Grâce à ses quatre pattes, ses griffes et son sens de l'équilibre, le sol glissant ne l'affecta pas. A peine fut-elle sortie de l'igloo qu'elle fit demi-tour et bondit de manière à grimper au sommet de ce dernier. Depuis cet avantageux poste d'observation, elle put repérer l'emplacement de la sorcière en train d'incanter. Derrière la féline Femme des Bois, d'un côté le Dúnadan progressait lentement mais sûrement dans la direction de cette même sorcière, tandis que de l'autre côté l'Eriadorien au visage balafré et le Dunéen n'avançaient guère. Il faut dire que si le premier avait commencé à casser têtes et bras zombies du plat de sa lame, le second n'avait pas été long à perdre son équilibre et à se retrouver sur son séant ou à quatre pattes, dans une position difficile pour le combat.

Vif prit son élan sur l'igloo puis elle fit un bond puissant au-dessus d'un grand nombre de zombies. Au passage, certains tentèrent de l'embrocher avec leurs armes, mais sans plus de succès que de vagues égratignures ou estafilades dans son cuir magique. Elle réduisit en pulpe glacée le corps d'un zombie sur lequel elle atterrit, à relativement faible distance de la sorcière qu'elle visait. Dans l'igloo, le hobbit tâchait de renseigner ses amis - en criant - sur la position des sorcières mortes-vivantes, l'elfe continuait à soigner, l'Homme des Bois récemment arrivé et son ami lossadan étaient en attente de Eru savait quoi, tandis que le nain se demandait ce qu'il fichait là et comment faire pour aider ses amis. Il faut dire aussi qu'il avait une gemme maléfique dans son sac à dos, gemme qu'il aurait voulu mettre en contact avec la larme de Yavanna sur le piédestal. Malheureusement, tel que l'écrin de glace était fait, il n'était pas possible de mettre la gemme au contact de la larme et en même temps faire toucher la larme à la main de l'elfe inconsciente et blessée.

2 - Difficultés magiques
Mais un nouvel élément allait rendre la situation des aventuriers un peu plus périlleuse. La sorcière vers laquelle se dirigeait la lionne magique venait d'achever une incantation destinée à remplir les cœurs des vivants de peur et de panique. La seule proximité des morts-vivants était déjà une épreuve en soi, mais cette magie d'épouvante rendait la maîtrise de soi bien plus difficile. Heureusement, l'anneau porté par le hobbit devait les protéger tous... ou du moins le pensaient-ils. En tout cas ils furent nombreux à se sentir affectés par cette épouvante et il fallut à certains puiser dans leurs réserves déjà affaiblies pour ne pas prendre leurs jambes à leur cou voire pire encore. Et nombreux furent les genoux ou les dents à s'entrechoquer.

Un cri de Rob montra une autre conséquence de cette magie : l'anneau enchanté qu'il portait venait de se contracter magiquement et de lui sectionner le doigt ! Les aventuriers avaient déjà remarqué qu'il pouvait changer de forme pour s'ajuster au doigt d'un nouveau porteur, mais cette agression était pour le moins inattendue. Heureusement le petit voleur avait mis le doigt à l'auriculaire de la main gauche, qui ne lui manquerait guère. Mais surtout, le pouvoir de l'anneau n'opérait plus à présent, ce qui voulait dire que les sorcières mortes-vivantes étaient libres de continuer à utiliser leurs sortilèges pour les affaiblir ou pire.

Dans l'igloo, Rob ramassait son doigt pour le montrer à Isilmë : la magie pourrait-elle faire en sorte de le recoller ? L'elfe pensait que ce serait possible peut-être, malgré une section tout sauf nette. Peut-être que les mains de roi de Taurgil, et sa magie, en seraient capable, associées à un peu de chirurgie qu'elle pourrait faire à l'aide de sa propre magie des soins. En attendant, elle dit à son petit ami de mettre le doigt dans un tissu et de laisser le tout sur de la glace - ce n'était pas ce qui manquait ici - pour qu'il ne se détériore pas. Elle lui fit aussi rapidement un pansement après avoir laissé Mordin s'occuper de la main de Gillowen.

Drilun, de son côté, faisait aussi les frais de la magie de ses adversaires. Si sa magie à lui déviait les coups des harpons et d'autres armes, une autre commençait à faire fondre la glace sous lui. Il avait déjà du mal à tenir debout, mais là cela devenait complètement impossible, d'autant que certains zombies, faute d'arriver à le blesser, essayaient de lui monter dessus pour le malmener et le blesser par leur seule force. L'archer-magicien se retrouva donc bientôt à plat ventre dans une cuvette de plus en plus profonde et qui en même temps se remplissait d'eau, maintenu ainsi par le poids de deux zombies au-dessus de lui. Il avait bien essayé de sortir de son trou, sans succès aucun. Et Geralt, qui dans un premier temps avait essayé de le tirer de là, avait dû vite s'écarter pour ne pas glisser à son tour.

La féline Femme des Bois, de son côté, faisait voler les corps des zombies de manière à arriver au plus vite sur son objectif. Mais un mort-vivant lossoth s'interposa qui devait correspondre, d'après la description qui en avait été faite, au fils de la sorcière, du temps où elle était vivante. Et il maniait avec adresse un harpon couvert de runes manifestement magiques, ce dont elle eut à souffrir assez vite. Après un moment elle réussit à le bousculer pour poursuivre sa route jusqu'à sa mère, mais cette dernière avait eu le temps de préparer un nouveau sort. La lionne enchantée fut percutée alors par une puissante onde de choc magique qui la fit reculer de plusieurs pas, étourdie et blessée plus sérieusement qu'elle ne l'avait été depuis longtemps. Ses ressources diminuaient et elle n'était pas sûre de pouvoir régler ce combat seule. Elle poussa des rugissements, et même si ses compagnons ne pouvaient tous les comprendre, son ton était assez clair pour saisir qu'elle appelait à l'aide.

3 - Décisions et secours
Dans l'igloo, depuis l'entrée, Rob pouvait voir les difficultés du maître-assassin et de l'archer-magicien. Le nain poussa alors l'elfe à aller secourir ses amis, sans oublier au passage de prendre l'anneau magique pour le passer au doigt et les protéger de la magie. Sinon, comme ils l'avaient déjà vécu, Drilun risquait fort de voir l'eau qui allait bientôt passer au-dessus de sa tête se congeler par magie. Déjà qu'un bain avec des zombies sur le dos et des parois glissantes, il n'arrivait pas à s'en sortir seul, si une fois la tête sous l'eau il était pris dans la glace sa survie serait plus que compromise : on ne brisait pas de la glace en un clignement de cils, surtout avec des épées ou hache qui ne sont pas faites pour ça !

L'elfe sortit donc de l'igloo après avoir mis l'anneau au doigt. Ses capacités elfiques lui permirent de glisser sans mal jusqu'à l'homme qu'elle aimait, tout en évitant les coups des zombies. Derrière elle, le hobbit suivait avec autant de succès, car même s'il n'était pas un elfe son pied était tout aussi sûr. Drilun, lui, sentait davantage de poids sur le dos tandis que de nouveaux zombies se jetaient sur lui. Son ultime effort pour essayer de sortir de sa baignoire de glace ne réussit qu'à le faire à nouveau glisser, plongeant par là même la tête sous le niveau de l'eau, qui heureusement venait de s'arrêter de monter. Il eut tout de même le réflexe de prendre un peu d'air avant de devoir retenir sa respiration.

Toujours dans l'igloo, Aime le Poisson avait succombé à la peur et il était à présent accroché au piédestal qui hébergeait la larme de Yavanna, tremblant de tous ses membres et parfaitement inutile à quoi que ce fût. Dwimfa, par contre, n'était plus là : glissant avec adresse, il attaquait à présent les zombies avec une épée large surgie de nulle part, dont la lame était aussi noire que la nuit. Mais son tranchant était tel qu'il arrivait à couper en deux les zombies qu'il touchait, manifestement sans mal, et ces derniers ne bougeaient plus une fois touchés par cette lame manifestement enchantée. Et ainsi il se dirigea, tout en esquivant les rares coups des zombies autour de lui - il faut dire que le nombre de ces derniers avait passablement diminué grâce aux efforts de Taurgil - vers le Dúnadan, la féline Femme des Bois dont il avait perçu la détresse, la sorcière morte-vivante et son fils maudit.

Resté plus ou moins seul, Mordin lâcha la main de Gillowen et la larme de Yavanna pour prendre la gemme maléfique dans son sac. Le contact avec l'objet lui fit tourner la tête, tant son pouvoir de corruption était puissant : grâce à l'objet, il sentait qu'il était invincible et qu'il pouvait balayer tous leurs ennemis sans mal. Avec difficulté malgré son incroyable volonté, il mit l'objet en contact avec la larme du piédestal de glace et la magie corruptrice de l'artefact s'arrêta brusquement. Bon, ainsi, les entités maléfiques ne seraient plus attirées par le pouvoir de cet objet que même lui, qui n'y connaissait rien en magie, pouvait sentir à distance. Il sortit sa hache et en assena un grand coup - pas du tranchant néanmoins - à l'arrière du crâne de l'elfe qu'il gardait. Ainsi, se dit-il, elle ne risquait pas de se réveiller et de leur faire un petit dans leur dos. Puis il sortit de l'igloo pour prêter main-forte à ses compagnons.

Plus loin, Vif, Dwimfa et Taurgil finissaient de se rejoindre, entourés de toutes parts par des lossoth zombies, face au fils mort-vivant de la sorcière. La lionne enchantée l'avait bousculé mais il avait eu le temps de se redresser lorsqu'elle avait été repoussée magiquement par sa mère. Dwimfa et lui firent une passe d'armes sans blessure aucune, mais ce fut suffisant pour voir que le harpon du lossadan devait bien être magique, comme l'attestaient les runes qui couvraient sa hampe en os. En effet, la lame que maniait l'Homme des Bois ne l'avait pas coupé en deux. De son côté, Vif profita de l'occasion pour bondir sur le côté, bousculer les zombies présents et arriver devant la sorcière... qui fit jaillir de sa main un éclat de glace qui s'enfonça dans ses chairs, la blessant une nouvelle fois et la laissant étourdie et incapable d'attaquer. De l'autre côté, le Dúnadan continuait à purifier les zombies les plus proches à l'aide de la larme de Yavanna, de manière à leur donner tout l'espace dont ils avaient besoin autour d'eux.

4 - Fin du combat
Les choses ne se présentaient pas très bien pour Drilun, qui se débattait avec énergie pour éviter de finir noyé. Il est vrai qu'avec à présent quatre zombies sur le dos qui le maintenaient au fond d'une petite cuvette de glace glissante et à moitié remplie d'eau, ce n'était pas gagné. Et se débattre consommait son oxygène encore plus vite. Il réussit tout de même à sortir brièvement la tête hors de l'eau avant de la replonger, peut-être grâce à un peu de poids en moins sur le râble. Il faut dire que Geralt faisait son possible pour découper les membres des zombies qui l'agrippaient, afin de le libérer, tout en esquivant lui-même les attaques d'autres zombies. Heureusement, entre sa rapidité et ses armures de très grande qualité, il était bien protégé.

Et puis d'un coup, en plus de ressentir de moins en moins de poids, l'archer-magicien se sentit soulevé hors de l'eau, ce qui lui permit à nouveau de reprendre sa respiration. Isilmë était là qui le tirait avec un bras, tandis que son autre bras tenait celui de Mordin qui s'accrochait à sa hache qu'il avait plantée dans le sol de glace au bord de la cuvette. L'elfe était arrivée sans mal, son pied elfique se jouant facilement de la glace glissante, et elle avait même pu descendre en partie dans la cuvette où le Dunéen risquait de se noyer. Mais elle n'avait pas assez de prise pour le sortir de là avec les zombies - ou ce qu'il en restait - qui l'alourdissaient. Puis le nain était arrivé, plus ou moins à quatre pattes car il n'avait pas le même sens d'équilibre que ses amis, pour lui prêter secours. Elfe et nain main dans la main pour sauver un compagnon...

Mais si ses compagnons étaient dans la zone proche de l'igloo que les morts-vivants ne pénétraient pas, ils restaient à portée de leurs harpons. Ils faisaient des cibles faciles, ne pouvant esquiver les coups et ne comptant que sur leurs armures pour les protéger. L'elfe prit plusieurs blessures légères, sans flancher, mais un harpon pénétra dans ses chairs plus profondément et, sous la douleur, elle lâcha son aimé. Heureusement, Drilun s'agrippa à elle tandis que Mordin les tirait tous les deux, malgré les coups de harpon qu'il avait reçus. Enfin, ils étaient sortis de la cuvette, même s'ils continuaient à être la cible de nombreuses attaques, malgré les efforts de Geralt pour les défendre, et ceux de Rob. Faute de mieux, le hobbit tirait flèche sur flèche, non pour tuer les zombies, ce qui était assez inefficace, mais au moins pour transpercer leurs mains et rendre leurs coups de harpon moins précis et difficiles.

Et tout d'un coup, la sorcellerie qui donnait vie aux zombies s'arrêta net, et ils tombèrent tous les uns sur les autres. Ce n'étaient plus que des tas de chairs mortes et glacées - parfois en plusieurs morceaux - qui n'auraient jamais dû sortir de leur tombe. Plus loin, Dwimfa avait pu régler son compte au fils de la sorcière morte-vivante avec l'aide du Dúnadan. Ce dernier remarqua qu'à la suite du dernier coup d'épée porté par ce nouveau compagnon d'armes, l'Homme des Bois l'avait regardé de manière étrange, en serrant fort son épée noire et en ayant l'air d'avoir du mal à se contrôler et à se retenir de faire... il ne savait quoi. De son côté, Vif avait épuisé ses dernières ressources morales, mais, animée par l'énergie du désespoir, elle avait foncé en direction de son adversaire, renversant les zombies présents sans aucune considération pour sa défense. Folle de douleur et de désespoir, elle était tombée sur son ennemie et avait transformé son corps en charpie, rompant le lien qui permettait au spectre qui l'animait de le contrôler.

Manifestement, l'immense majorité des morts-vivants présents dépendaient de la volonté de la sorcière pour nourrir la sorcellerie qui leur permettait de bouger. Majorité ? Oui, car il restait un corps de lossadan glacé à tenir encore debout : le corps qui avait été la fille de la sorcière abattue par la lionne et ses amis, et qui était elle-même une sorcière expérimentée, sentit le vent tourner et préféra fuir. Les aventuriers cherchèrent à éliminer cet ultime mort-vivant mais il était difficile d'avancer sur un sol glissant jonché de corps. Sauf pour la féline Femme des Bois qui avait repris espoir mais sentait toujours une froide fureur lui dévorer les entrailles. Elle fut bientôt sur le spectre maudit et ses griffes magiques la renvoyèrent dans les limbes - pour un temps au moins.

5 - Soins, corruptions et purifications
Le travail n'était pas encore terminé, car les spectres étaient susceptibles de revenir - avec ou sans corps - et d'animer à nouveau les nombreux cadavres présents. Mais en même temps, plusieurs membres de l'équipe avaient subi des blessures sérieuses, comme Vif ou Isilmë, et nécessitaient des soins sans trop tarder pour ne pas voir leur état empirer. De plus, l'épuisement moral ou physique de certains était manifeste, sans parler de nombreuses petites blessures qui mettraient du temps à guérir et qui nécessitaient du repos pour cela. Et c'était sans parler de la nouvelle blessure à la tête de Gillowen, qui devait être traitée de toute urgence pour ne pas la voir rapidement passer de vie à trépas. Et même ainsi, l'elfe que connaissait Drilun n'était pas très optimiste sur les chances de survie de l'elfe enchanteresse, sans magie du moins. Et Rob aurait bien voulu récupérer l'usage de son doigt...

Malgré le mauvais état de l'elfe possédée par Eloeklo, il ne fallait pas prendre de risque. En conséquence, d'une manière ou d'une autre, il fallait à nouveau la mettre en contact avec une larme de Yavanna, sachant que l'autre - celle des aventuriers ou celle de l'iceberg funéraire (la "résine de mer") - allait servir pour les soins. Ce qui voulait dire retirer la gemme maléfique que Gillowen portait autrefois, pour un temps au moins, du piédestal sur lequel elle reposait. Mordin ne fit ni une ni deux et il prit le bijou avec la main pour le remettre dans son sac. A son contact, il sentit à nouveau le pouvoir corrupteur de l'objet et la puissance fantastique qu'elle lui apportait. Et même s'il rejeta plus facilement que la première fois les désirs de possession et d'utilisation qu'elle faisait naître en lui, il sentit que la force de cette corruption s'était encore accrue depuis la fois précédente.

Et il ne fut pas le seul à le sentir. Au moment où le nain détacha la gemme de la larme de Yavanna, devant les yeux de tout le groupe, chacun sentit le désir de posséder ce puissant artefact. Y compris Vif, dont l'épuisement physique et mental, et les nombreuses blessures, ne lui permirent pas de résister. Elle succomba aux rêves de puissance que lui envoyait la gemme, et elle s'approcha du nain. Son corps félin puissant, bien que blessé, fit voler son ami et elle lui arracha le sac à dos. Puis elle se précipita vers la sortie de l'igloo où ils s'étaient rassemblés pour emporter son trésor avec elle, redoutant de voir les autres venir lui voler. Heureusement, Taurgil put réagir assez vite, d'autant qu'il était près de l'étroite entrée. Si la lionne enchantée réussit à lui passer entre les jambes, il put sans mal la mettre en contact avec la larme qu'il portait... ce qui lui fit reprendre forme humaine, pour le coût d'un épuisement supplémentaire dont elle se serait bien passée. Complètement abattue, blessée, désespérée, elle resta là tandis que ses amis lui donnaient des vêtements et l'aidaient à les enfiler pour qu'elle ne meure pas de froid.

Par la suite quelques soins furent enfin faits, certains en urgence, dont des soins magiques pour permettre aux corps de récupérer vite et mieux ou pour trouver un sommeil profond et récupérateur. Mais également, le doigt du hobbit dut être traité : à l'aide de sa magie des soins et de ses autres compétences, la guerrière et soigneuse elfe put recoudre le doigt à la main gauche. Ensuite, une casserole d'eau fut mise à chauffer pour que le Dúnadan puisse jeter de l'athelas dans l'eau frémissante. L'odeur de l'herbe apaisa un peu les cœurs fatigués et les mains de roi de Taurgil entrèrent en action sur la main de son petit ami. A la suite de quoi Isilmë lui dit qu'il pouvait espérer récupérer l'usage du doigt d'ici à une semaine, sous réserve de ne pas passer ce temps de manière trop fatigante. L'elfe avait été très active magiquement malgré ses nombreuses blessures et son épuisement, et elle avait senti que l'anneau magique qu'elle portait l'avait bien aidée. En revanche, elle n'avait rien voulu en dire à ceux qui évoquaient le sujet, et encore moins le retirer de son doigt à elle.

Bien entendu, les morts-vivants ne furent pas oubliés. Grâce aux compétences et matériels des uns ou des autres, les perles enchantées furent recherchées et analysées, et celles qui portaient des traces de corruption furent détruites par la magie du bâton de lumière manié par l'archer-magicien. A la suite de quoi Aime le Poisson commença à passer auprès des morts pour les allonger côte à côte, par famille quand il pouvait la déterminer, avec l'idée de leur rendre une sépulture décente comme c'était le cas autrefois. Ce qui ne serait pas facile vu le nombre de corps à identifier, sans parler de morceaux divers et variés pour certains d'entre eux. La tâche allait se montrer rude... Il aurait de l'aide à partir du lendemain, mais bien d'autres choses durent auparavant se mettre en place.

6 - Un Lossadan d'adoption nommé Dwimfa
Il y eut tout de même un soin qui ne fut pas à l'ordre du jour : Taurgil pensait que la magie qu'il maîtrisait au travers de sa lignée royale pouvait servir pour rendre la mémoire à Dwimfa, l'Homme des Bois et ancien ami de Vif. Auparavant ils lui avaient fait toucher une larme de Yavanna, mais sans aucun effet visible. Or ils avaient probablement besoin de sa mémoire voire de ses compétences, comme son intervention l'avait montré. Mais l'homme accueilli par les Lossoth déclina la proposition du grand rôdeur : il n'avait pas envie que l'héritier des rois du Rhudaur fasse jouer sa magie sur lui. Ou bien il ne faisait pas complètement confiance aux aventuriers, ou bien il ne tenait pas vraiment à retrouver la mémoire, ou bien les deux.

Les plus perceptifs avaient peut-être remarqué que Dwimfa et Aime le Poisson avaient passé un certain temps à parler ensemble après le combat. Et l'Homme des Bois s'était par la suite éclipsé pour aller prévenir la fille de son ami que tout était terminé et que son père allait bien. Mais par la suite, quand Drilun était sorti pour aller interroger magiquement les étoiles, il n'avait trouvé personne : la fille d'Aime le Poisson était partie... avec toutes leurs barques. Était-ce par manque de confiance ou autre chose ? En tout cas toute l'équipe était coincée sur l'iceberg avec le Lossadan d'adoption qu'était l'ancien ami de Vif et le grand chasseur du clan qui l'avait accueilli.

Au passage, le Dunéen constata aussi que le temps, qui était plutôt beau auparavant, se dégradait vite et qu'il ne serait pas possible d'interroger les étoiles. Se doutant de quelque maléfice, il demanda son avis au hobbit qui confirma qu'il y avait de la magie dans l'air. Manifestement, Andalónil était là et il n'avait pas envie de les voir partir. De toute manière, sans barque ils ne pouvaient aller loin et il leur faudrait du temps pour se guérir et reposer, sans parler de faire un peu de ménage et de prendre des décisions concernant Gillowen. Mais avant d'aller se coucher comme la majorité de ses compagnons, Drilun souhaita faire une petite expérience magique et partager le rêve de l'Homme des Bois. Il s'allongea non loin de lui, qui dormait aux côtés de Vif, avec qui il avait beaucoup parlé. Le magicien du groupe lança ensuite son sortilège, puis il laissa le sommeil l'envelopper et sa magie le guider jusqu'aux songes de cet ancien aventurier.

Le rêve qu'il partagea lui montra un homme plein d'énergie et d'enthousiasme dans son quotidien chez les Lossoth. Peut-être ses actions étaient-elles exagérées par la dimension onirique du récit, mais la vie de tous les jours en rêve mettait bien en valeur le personnage : très doué pour chasser, le pied sûr, capable des acrobaties ou actions d'éclat les plus spectaculaires, se riant des risques inconsidérés qu'il prenait et déjouant toujours le mauvais sort... Il avait l'air - dans son rêve à tout le moins - de prendre beaucoup de plaisir à cette vie dans le Grand Nord, d'apporter beaucoup aux Lossoth qui l'avaient adopté, et qui en échange l'aimaient beaucoup et lui montraient une reconnaissance certaine. Un homme heureux.

Mais après une bonne journée parmi les siens, le tableau changeait avec l'arrivée inopportune des aventuriers, tous plus ou moins menaçants - en particulier le nain et le Dunéen, mais beaucoup moins la Femme des Bois et le hobbit - et dont les futures actions semblaient incertaines. La soirée pleine de chants et de contes dans la salle commune du clan s'était vite transformée en un face-à-face un peu tendu, un silence pesant régnant chez les Lossoth surpris par Taurgil et ses compagnons. Dans le rêve, les aventuriers jouaient le rôle peu enviable de trouble-fête venus d'un autre monde, sans réelle empathie pour les Hommes des Neiges. Bien sûr, tous n'étaient pas vus de la même manière, et l'appréhension de Dwimfa était variable et facilement perceptible.

Que le hobbit fût du côté des personnages les plus sympathiques ne pouvait surprendre : dans les légendes des Lossoth il n'y avait que des histoires positives les concernant, et de plus, dans l'ensemble du groupe, c'était celui qui avait l'air le plus inoffensif. Pour la Femme des Bois, rien d'étonnant non plus : non seulement elle parlait une langue connue de lui seul, mais elle avait passé plusieurs heures à lui raconter des histoires de leur enfance à Buhr Widu, de son passé. Elle lui montrait de l'amitié, du plaisir de le retrouver, et manifestement il y avait là un lien qu'il ne pouvait ignorer. Quant à Mordin et lui, qu'est-ce qui les mettait à l'autre extrémité de l'échelle, parmi les plus menaçants et moins dignes de confiance ? Qu'y avait-il ou qu'avaient-ils fait qui déplaisait ou avait déplu à ce Lossadan d'adoption, qui manifestement avait embrassé avec plaisir sa nouvelle vie et la culture des gens qui l'avaient accueilli ?

7 - Nettoyage et réparation
Une partie de la réponse vint de la Femme des Bois, ou plutôt des discussions avec cette dernière. En effet, elle continua à passer beaucoup de temps avec celui qui fut pour elle un ami d'enfance, à parler, échanger... et comprendre pourquoi il ne souhaitait pas tenter de retrouver la mémoire. Il y avait bien là un problème de confiance, qui tenait en deux idées : d'une part, Aime le Poisson avait rapporté à Dwimfa, ou plutôt ulkomainen onnekas ("étranger porte-bonheur") comme il l'appelait, des comportements des aventuriers qui ne lui avaient pas plu et qui n'avaient certainement pas plu aux habitants du monde des esprits. D'autre part, l'Homme des Bois était heureux parmi les Lossoth, et il avait peur de perdre cela, de ressembler aux compagnons de Vif dans ce qu'ils avaient de moins positif : n'étaient-ils pas poursuivis ou menacés par divers ennemis puissants ? Obnubilés par diverses possessions matérielles ? Tellement concentrés sur leurs problèmes qu'ils ne savaient plus ce que c'était d'être heureux ?

Retrouver sa mémoire et redevenir un aventurier n'avait donc pas que des bons côtés pour celui qui paraît-il était autrefois (voire encore) un vrai trompe-la-mort, du peu qu'en savaient Vif et ses amis. Il aimait les Lossoth, son clan, sa nouvelle famille, et non seulement il avait peur de les perdre mais il avait également peur de leur faire du mal en les quittant - doublement : en privant ceux qui l'aimaient de sa présence auprès d'eux, et de ce qu'il apportait au clan. Sans parler du fait que les esprits auraient dit à ceux du clan qui savaient les entendre que son départ serait synonyme de grand malheur pour ceux avec qui il partageait désormais sa vie. Mais plus que tout, il était à présent plus Lossadan qu'Homme des Bois, et le comportement des aventuriers, d'après lui, montrait un manque singulier de respect pour les traditions des Hommes des Neiges.

La Femme des Bois partagea ces réflexions avec ses compagnons, leur demandant de faire plus attention à la culture et aux croyances des Hommes des Neiges. Ainsi, certains comme Taurgil allèrent très vite prêter main-forte à Aime le Poisson pour remettre en état l'iceberg funéraire et ses habitants. D'autres comprirent aussi que le manège de Mordin et Drilun, qui avaient récupéré nombre d'objets précieux appartenant aux Lossoth décédés, pour la "bonne cause" bien sûr, n'était pas passé inaperçu aux yeux du tietäyä ("celui qui sait") du clan de l'Oiseau de Mer, et homme très écouté de tous les Chasseurs des Mers, ces Hommes des Neiges qui vivaient dans des montagnes de glace flottante. Et de toute manière ce que faisaient les aventuriers ne pouvait échapper à la vigilance des esprits, et Eru savait s'ils étaient nombreux ici...

Cela amena ainsi le Dunéen à avoir une conversation avec cette éminence des Hommes des Neiges qui les avait accompagnés. Il fit comprendre à l'archer-magicien que ce n'était pas tout d'éliminer des spectres et autres morts-vivants : piller les morts était un crime qui pouvait déranger le monde des esprits et l'harmonie dans laquelle vivaient les Lossoth. Privés de cette harmonie et en butte aux problèmes des esprits en colère, ses congénères pourraient souffrir beaucoup voire disparaître par le fait du climat dangereux ou des nombreux autres dangers animés qui les menaçaient dans le Grand Nord. Prendre des perles enchantées corrompues pour les détruire aidait à rétablir l'harmonie, mais prendre celles qui ne l'étaient pas pour des raisons personnelles, égoïstes, ne valait pas mieux que le travail de mort et de destruction des morts-vivants ou de leurs maîtres.

Les deux aventuriers remirent donc à Aime le Poisson les objets qu'ils avaient pu récupérer sur les morts - animés ou non - non sans un peu de mal pour Drilun, qui aurait apprécié l'aide magique qu'ils pouvaient apporter à lui et à ses amis. Il eut tout de même l'idée de recopier les runes magiques que les perles portaient, de manière à pouvoir un jour fabriquer des objets magiques qui comporteraient les mêmes pouvoirs. Quand c'était possible ils aidèrent le Lossadan à rapporter les objets auprès de leurs propriétaires, mais dans certains cas il faudrait faire des recherches auprès des familles concernées pour rendre son dû à chacun. Taurgil posa aussi la question de donner ou prêter un objet ayant appartenu à l'une des sorcières mortes-vivantes, un bâton ayant des pouvoirs magiques d'éblouissement. Ce à quoi Aime le Poisson répondit qu'il n'avait pas la réponse à cette question. En revanche, si l'objet n'était pas corrompu par son précédent porteur et si les esprits leur transmettaient des visions positives, c'était peut-être possible.

Manifestement, ce changement d'attitude dut plaire aux esprits. En effet, les aventuriers étaient passés d'un comportement du style "je prends car c'est utile pour nous donc pour tous" à "je demande aux Lossoth et à leurs esprits s'il est possible d'utiliser un de leurs objets qui pourrait être utile pour tous, et je respecterai leur décision". Cela se vit notamment dans les échanges avec la fille d'Aime le Poisson. Elle apparut en effet le lendemain en cours de journée, après que le mauvais temps fut parti. Elle revint juste avec une barque et des vivres pour tous, annonçant que le monde des esprits notait des progrès mais qu'il restait troublé. Puis elle repartit. Et le lendemain matin, elle apporta l'ensemble de leurs barques et l'annonce de présages favorables provenant du monde des esprits. Manifestement, d'une manière ou d'une autre, les efforts fournis par les aventuriers avaient porté leurs fruits.

8 - Tranche de vie d'aventurier
Du coup, le comportement plus positif à leur égard de la part des deux membres du clan de l'Oiseau de Mer - Aime le Poisson et Dwimfa - incita Vif à revenir à la charge auprès de ce dernier : ne voulait-il toujours pas faire confiance à Taurgil et essayer de retrouver la mémoire ? En aucun cas cela ne le priverait de son libre arbitre, mais au moins serait-il plus complet et agirait-il en connaissance de cause, alors que parfois il avait eu des impulsions qu'il n'avait pas comprises. L'Homme des Bois et ancien aventurier se laissa convaincre par son ancienne amie et il accepta de retrouver la mémoire grâce aux mains de roi du Dúnadan, si cela était possible. Ce dernier fit une nouvelle infusion d'athelas, puis il utilisa sa magie sur l'Homme des Bois devenu Lossadan. Ce dernier fut parcouru de frissons et de tremblements, dénotant qu'il se passait quelque chose, ce qu'il confirma bien vite. Oui, il avait retrouvé la mémoire. Il ne savait pas si cela était une bonne chose, mais en tout cas si cela pouvait servir le groupe d'aventuriers, il était prêt à répondre à certaines de leurs questions.

Ce dont ils ne se privèrent pas. Les principales questions tournèrent surtout autour de Gillowen, du démon Eloeklo, du terrible artefact représenté par l'énorme gemme portée par la magicienne blessée, et de l'ancien groupe d'aventuriers. Le récit de Dwimfa commença très longtemps en arrière, quand il était adolescent dans la ville des Hommes des Bois et qu'il avait pour amie une apprentie magicienne venue de la forêt magique que certains appelaient parfois Lorien. Gillowen, car c'était bien d'elle qu'il s'agissait, semblait avoir des facilités pour les arts magiques, ce qui ne manquait pas d'intéresser l'Homme des Bois qui aurait bien voulu partager ce savoir. Ce qui d'ailleurs fut effectivement le cas, comme certains comme Geralt avaient déjà pu avoir l'occasion d'observer.

Mais l'elfe qui était son amie, si elle disposait déjà très jeune de grands pouvoirs, ne les maîtrisait pas complètement. C'est ainsi qu'un jour un sort tourna mal et Dwimfa s'en trouva très affecté. Régulièrement, il avait des "absences" pendant lesquelles son comportement changeait du tout au tout : il devenait cruel, destructeur, maléfique. Pour ces raisons Gillowen et lui partirent de chez eux pour aller sur les routes et trouver quelque part réponse à leurs besoins - de puissance, de maîtrise, d'aventures. Ils trouvèrent en chemin d'autres compagnons, de nombreux ennemis, de nouveaux problèmes avec le mal de Dwimfa, qui était en fait sa possession par un puissant démon. Heureusement il apprit à combattre l'influence démoniaque lorsqu'elle l'incitait à faire le mal, afin de minimiser ses effets. Et un jour, il fut soigné de sa possession par un pouvoir de l'elfe magicienne... qui devint la nouvelle proie du démon qui serait plus tard connu sous son nom : Eloeklo.

L'Homme des Bois donna encore de nombreux détails qu'il serait trop long de rapporter ici. Toujours est-il que l'âme de Gillowen fut un jour arrachée à son corps pour être déposée dans une gemme remise à une monstrueuse araignée géante habitant les montagnes du Mordor, en un lieu nommé la Passe de l'Araignée (Cirith Ungol). Dwimfa et ses compagnons ne purent affronter l'araignée démoniaque et ils partirent pour le Grand Nord pour tenter de détruire une gemme monstrueuse découverte dans la plus grande forteresse des orcs de la Terre du Milieu, Gundabad. Cette gemme maléfique portait en elle une parcelle de pouvoir de Morgoth, le Noir Ennemi du Monde, qui fut rejeté hors de la Terre du Milieu à la fin du Premier Âge. Mais les pouvoirs maléfiques de cette gemme étaient tels qu'elle n'apportait que mal et corruption tout autour d'elle, attirant toutes les entités maléfiques des environs - consciemment ou inconsciemment - et tentant de corrompre les autres. Le porteur de la gemme devenait de fait une espère de demi-dieu, qui n'avait très vite d'autre choix que de grandir en puissance pour tuer ses pareils ou en faire ses esclaves... s'il ne voulait pas être tué par eux. Et la gemme ne pouvait être détruite que là où elle avait été créée, dans ce qui restait de l'ancienne forteresse de Morgoth (du nom d'Angband), dans le Grand Nord. Dans un lieu étrange appelé le Puits de Morgoth, un gigantesque creuset abritant un son sein un lac de roche en fusion.

Le groupe d'aventuriers dont faisait partie Dwimfa disposait d'un bateau volant, tel le Vingilot à présent guidé par Eärendil dans les cieux et portant à sa proue le silmaril de Beren et de Lúthien. C'était Dwimfa qui le pilotait, après la défection de Tina lorsque Tevildo prit possession d'elle. Ils partirent jusqu'au Grand Nord où ils furent déviés, peut-être par des vents magiques, peut-être par les pouvoirs de Gillowen, car elle était avec eux. En effet, ils n'avaient pu se résoudre à la tuer, or son corps dépérissait s'il n'était pas régulièrement animé... et seul Eloeklo était là pour le faire. Et ce dernier, d'une manière ou d'une autre, avait su les diriger là où ses pouvoirs étaient encore puissants, au-dessus de certaines montagnes du Grand Nord où les Valar l'avaient emprisonné. Sentant ce qui allait se passer et redoutant la libération de Gillowen ou plutôt du démon à travers elle, Dwimfa avait sauté hors du vaisseau et il avait survécu en tombant dans une pente enneigée à flanc de montagne. Il faisait toujours montre d'une chance étonnante, et il avait un pouvoir magique acquis au cours de ses aventures qui le protégeait du froid. Il avait donc pu survivre à sa chute et son errance, même s'il avait perdu la mémoire, jusqu'au moment d'être accueilli par les Lossoth chez qui il avait pu commencer une nouvelle vie.

L'Homme des Bois donna encore bien d'autres détails concernant son ancienne vie d'aventuriers. Entre autres choses, il dit que son équipe avait déjà eu à sa disposition plusieurs larmes de Yavanna, dont l'une d'elles servait à annuler les pouvoirs magiques (attirance et corruption en particulier) de la gemme, qui s'appelait en fait l'Ulûkai de Morgoth. Mais plusieurs furent perdues, et même détruites, même s'il semblait qu'une fois détruite, une larme se reformait toujours quelque part mais en un lieu inconnu. Il décrivit parfois ses anciens compagnons ou évoqua très rapidement le formidable matériel qu'ils avaient eu en leur possession. Même si souvent, les artefacts possédés venaient avec un prix. Ainsi, l'épée enchantée qu'il portait - et qui pouvait se changer en dague à volonté - était peut-être une des plus grandes lames existantes en Terre du Milieu, mais elle avait sa volonté propre qui souhaitait avant tout la mort des êtres vivants (ou non), amis ou ennemis.

9 - Objectifs à trouver, décisions à prendre
Les informations apportées par Dwimfa éclairaient d'un jour nouveau la quête des aventuriers dans le Grand Nord. Drilun rappela aussi la vision magique qu'il avait eue lors de la deuxième nuit qu'ils avaient passée sur l'iceberg. En effet, le ciel était clair, la magie ténébreuse et le mauvais temps levé par Andalónil avaient disparu en cours de matinée, et les étoiles étaient visibles. Ce qui avait permis à l'archer-magicien d'avoir une vision prémonitoire où le ciel était d'abord chargé de nuages noirs qui se faisaient et se défaisaient autour d'étoiles diverses. Mais trois d'entre elles étaient particulièrement grosses et visibles : une bleue, une blanche et une rouge. Elles semblaient même lutter d'influence dans le ciel, et souvent elles étaient entourées de nombreuses étoiles filantes. Jusqu'au moment où elles avaient toutes paru sombrer du ciel sur l'horizon. Un endroit de l'horizon qui semblait même rougeâtre et qui ne disait rien au magicien.

Au final, Taurgil et ses compagnons ajoutaient à leurs propres casseroles - poursuivis par de puissants ennemis, servir Tevildo pour ses propres objectifs - quelques-unes de l'ancien groupe d'aventuriers. Ils héritaient en effet d'un artefact magique d'une redoutable puissance et d'une capacité à leur nuire encore plus grande, mais aussi de la vie ou de la mort d'une elfe qui servait de vaisseau à un puissant démon des environs. Démon dont les objectifs étaient les mêmes que ceux de Tevildo et d'une autre puissante entité emprisonnée dans le Puits de Morgoth cité auparavant, d'après des visions faites en Arthedain, entité qui répondait au doux nom de Durlach. Bref, leur objectif à tous les trois était de se libérer de leur prison physique ou magique et/ou de retrouver une fana, un corps physique à eux, qui leur permettrait d'utiliser l'ensemble de leurs pouvoirs retrouvés.

Concernant Gillowen, Isilmë rappela que l'on ne pouvait la laisser indéfiniment dans son état, privée d'âme - elle finirait tôt ou tard par mourir. Il fallait donc régulièrement qu'Eloeklo prenne possession d'elle afin de maintenir son corps en vie, sans parler de le soigner et le nourrir. Cela laissait principalement trois possibilités aux aventuriers : la première et la plus simple était de tuer l'elfe qui fut autrefois la magicienne du nom de Gillowen. Resterait à gérer la gemme qu'elle portait, gemme qu'on ne pouvait juste jeter quelque part, tant un artefact comme celui-là finirait toujours par trouver quelqu'un pour mettre la main dessus, et si possible quelqu'un de peu recommandable. Il était aussi envisageable de soigner puis libérer Gillowen, ce qui avait l'avantage d'en faire un allié potentiel bien que ce terme fût discutable. Et restait encore à déterminer s'il était possible de la laisser partir sans l'Ulûkai de Morgoth ou si lui laisser la gemme était une option possible.

Les avis étaient très partagés au sein du groupe. La gestion de l'Ulûkai de Morgoth paraissant être une vraie plaie, certains comme Taurgil envisageaient de pouvoir le laisser à Gillowen si cette dernière restait vivante. Dwimfa objecta contre cette idée, énumérant une petite liste des pouvoirs avérés de la gemme : maîtrise des sorts maléfiques ou des armes, contrôle des morts-vivants, facilités à faire de la magie... mais surtout, capacité à imposer sa volonté à une autre personne ou groupe de personnes. Et, selon l'Homme des Bois, ce pouvoir était tel que selon lui, aucun aventurier n'était en mesure de résister au pouvoir de la gemme. Autrement dit, le possesseur de la gemme était en mesure de faire de chacun d'entre eux une parfaite marionnette. Certains pensèrent tout de même que Vif, par la présence de Tevildo en elle, était certainement un candidat sérieux à la résistance au pouvoir de la gemme.

D'ailleurs, l'intéressé lui-même fit connaître son avis. En effet, Tevildo, par l'intermédiaire de Vif, n'hésita pas à réagir. Tous savaient qu'il devait suivre depuis un moment leurs péripéties et notamment les discussions concernant une alliance possible avec Eloeklo et contre lui. Mais le Prince des Chats semblait s'en amuser et trouver qu'une alliance avec Eloeklo pouvait avoir de grands bénéfices et en particulier de focaliser l'attention de Durlach sur lui. Autrement dit, pour Tevildo, il serait sans doute facile de manipuler Eloeklo de manière à lui faire affronter l'habitant du Puits de Morgoth pour pouvoir ensuite liquider le survivant affaibli et prendre possession des lieux. En revanche, Tevildo semblait, comme Dwimfa, trouver abusif et trop dangereux de laisser la gemme à Gillowen. Non seulement elle apportait trop de puissance, mais en plus elle était nécessaire pour libérer les deux concurrents du Prince des Chats, alors que lui-même n'en n'avait peut-être pas forcément besoin, se dirent certains aventuriers.

Et il restait aussi à déterminer quoi faire et où aller lorsqu'il serait temps de quitter l'iceberg funéraire. Tevildo et Eloeklo partageaient l'idée de faire combattre des dragons à l'équipe d'aventuriers, histoire de les aguerrir un peu et de peut-être récupérer du matériel intéressant. Taurgil et ses compagnons, par contre, caressaient plus l'idée d'aller récupérer les possessions magiques des anciens compagnons de Dwimfa. D'ailleurs, l'un d'eux était en leur possession : pendant qu'elle se reposait, Isilmë avait été soulagée de son anneau magique - auparavant au doigt de Gillowen - par les mains agiles du hobbit. A son réveil elle avait voulu récupérer "son" bien, mais Drilun avait réussi à lui faire entendre raison et la babiole était demeurée dans une bourse fermée et non au doigt de l'un d'eux, elfe ou non. Il fut aussi question d'aller chercher d'autres larmes de Yavanna pour les aider dans leurs aventures. Et bien d'autres idées furent évoquées, mais sans pour autant trouver un consensus et prendre une décision approuvée de tous. Et pourtant il faudrait bien vite le faire, ne serait-ce que parce que la gemme de Morgoth allait très vite faire pleuvoir sur eux les ennuis les plus grands comme les plus terribles ennemis que comptait le Grand Nord, et Eru savait s'ils étaient nombreux et puissants !
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Niemal
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Grand Nord - 10e partie : diplomatie et magie

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1 - Affaire d'interprétation
La première décision à prendre ne dépendait pas des aventuriers, mais elle était au sommet de leur liste : la participation de Dwimfa à leur quête. L'ancien aventurier avait montré qu'il avait les capacités pour être un membre utile au groupe, ou le matériel, ou tout cela à la fois. Et en plus de cela il connaissait en partie le Grand Nord et ses habitants voire il était connu d'eux, et en termes plutôt positifs. Vif et ses amis étaient donc unanimes - la féline Femme des Bois la première, vu leurs liens d'enfance - pour l'intégrer à leur groupe. Ce qui n'était pas du goût de l'intéressé, qui connaissait depuis deux ans une vie heureuse et qui aurait préféré ne pas la changer ; ou de Pitää Kalasta, qui craignait pour son peuple si ulkomainen onnekas ("étranger porte-bonheur"), comme était appelé Dwimfa ici, venait à les quitter. En effet, les esprits avaient bien fait savoir que l'étranger porterait chance aux Lossoth et que de grands malheurs surviendraient s'il les quittait.

Dans tous les cas, car c'était la manière de faire des Hommes des Neiges, l'intéressé ferait son propre choix : Aime le Poisson ne donnait d'ordre à personne, et aucun Lossadan n'aurait osé dire à Dwimfa ce qu'il fallait faire, tous ses amis et connaissances de sa nouvelle vie respecteraient sa décision et il le savait. Restait qu'entre son ancienne vie d'aventurier faite de beaucoup de souffrances et de risques (et de pertes), et sa nouvelle vie, déjà bien aventureuse mais plus stable et à l'avenir plus prometteur, son choix était vite fait. Et savoir qu'accompagner les aventuriers pouvait mettre en danger ceux qu'il aimait ne simplifiait pas les choses. Ou plutôt cela simplifiait sa prise de décision qui était de laisser Vif et ses amis se débrouiller sans lui. Sauf qu'il était conscient que les enjeux le dépassaient et menaçaient son peuple, sans parler des liens d'amitié, peut-être, qu'il ressentait pour la féline Femme des Bois et ancienne amie d'enfance.

Les membres du groupe appuyèrent fortement sur l'importance de leur quête, l'impact positif qu'elle aurait pour les Lossoth (ou l'impact négatif s'ils échouaient), et donc la nécessité pour Dwimfa de les accompagner et ainsi - indirectement - de servir les siens. Mordin et Drilun en particulier insistèrent sur cet aspect des choses, disant peu ou prou que sans leur aide les Hommes des Neiges étaient perdus et qu'aider les aventuriers dans leur quête était la meilleure chose à faire pour permettre aux habitants du Grand Nord de vivre heureux et libres. Ce à quoi Pitää Kalasta opposa une vision différente et reprocha au nain et au Dunéen de se croire tout-puissants et de négliger les capacités de son peuple à se défendre lui-même. Ainsi, son peuple n'avait pas attendu l'arrivée du groupe pour trouver comment combattre les dragons et limiter leur impact sur son peuple. Cela faisait bien d'innombrables années que ces monstres étaient présents et même de plus en plus actifs, et pourtant les Lossoth étaient toujours en vie. Et ils avaient développés des techniques et des armes adaptées au combat contre les dragons, que presque tous les sages et nommeurs d'esprit possédaient et maîtrisaient.

Ainsi, Aime le Poisson proposa au groupe une autre manière de les aider. Les aventuriers parlaient de la nécessité de détruire la gemme maléfique appelée l'Ulûkai de Morgoth ? Pourtant elle avait existé pendant des milliers d'années auparavant, et son pouvoir de corruption était bloqué par un contact avec une larme de Yavanna appelée ici "résine de mer". Taurgil et ses amis ne pouvaient-ils pas laisser la gemme au contact de la résine de mer de l'iceberg funéraire et aider les siens à réparer et protéger ce dernier ? Bien sûr, les aventuriers répondirent qu'ils ne souhaitaient pas passer leur vie dans le Grand Nord, mais le Lossadan avait pu leur montrer ce qu'il souhaitait leur faire entendre : les aventuriers avaient l'habitude de trouver des solutions avec leur manière de voir les choses, mais les Lossoth avaient une autre manière de réfléchir et leurs solutions à eux, et qui pouvait dire laquelle était la meilleure ? Taurgil et ses amis connaissaient la magie, le combat et les entités maléfiques, ils savaient les combattre et d'autres choses ? Mais connaissaient-ils vraiment les Hommes des Neiges et leurs capacités, le monde des esprits, le Grand Nord et ses pièges ?

Vif insista plutôt sur le fait que les aider ne voulait pas dire, pour Dwimfa, quitter son nouveau peuple. L'Homme des Bois ne ferait qu'aider le groupe à résoudre leur quête avant de retourner vivre parmi son nouveau peuple, il n'était pas question de les quitter définitivement. D'une certaine manière, vu qu'ils seraient toujours dans le Grand Nord, il serait toujours parmi les siens. A minima, n'était-il pas possible de demander leur avis aux esprits avec qui vivaient les Lossoth pour savoir ce qu'ils en pensaient ? Si cette manière de voir les choses plaisait déjà plus à Aime le Poisson car elle était plus proche de la façon de faire des siens, c'est en fin de compte Taurgil qui fit avancer le plus les choses. En effet, il montra aux Hommes des Neiges présents - en incluant Dwimfa parmi eux - que la présence de l'Homme des Bois parmi les Lossoth et l'aide qu'il apporterait aux aventuriers étaient entièrement compatibles. La prédiction comme quoi le départ de Dwimfa serait synonyme de grands malheurs était déjà vérifiée : si l'ancien aventurier n'avait pas été là, sans lui, les morts-vivants de l'iceberg funéraire n'auraient pas pu être vaincus...

Le Dúnadan reprit donc la prophétie et la tourna à l'avantage des aventuriers : il était écrit, dit le grand rôdeur, que Dwimfa allait servir le groupe d'aventuriers (ou d'autres...) pour combattre et vaincre les ennemis et autres menaces pesant sur les Lossoth et leur pays. Quand il était arrivé dans le Grand Nord, il fallait qu'il reste pour pouvoir accomplir sa destinée dont profiteraient tous les Hommes des Neiges. Sa chance, son matériel, ses capacités, pouvaient faire la différence et faire basculer l'équilibre des forces du bon côté. Il s'était trouvé déjà au bon endroit au bon moment et ce n'était pas un hasard. La prophétie avait eu raison et il fallait qu'il continue. Taurgil acheva sa plaidoirie en disant qu'il était normal de respecter la manière de faire du peuple d'Aime le Poisson, et qu'il était entièrement d'accord avec ce dernier. Il demandait simplement à ce que les esprits soient interrogés sur l'interprétation de la prophétie que lui-même venait de faire. En fonction de ce qu'ils diraient, l'héritier des rois du Rhudaur respecterait parfaitement le choix de l'Homme des Bois de les suivre ou non, et il s'attendait à ce que ses amis fassent de même. Pitää Kalasta fut enchanté d'entendre de telles paroles, mais Dwimfa faisait une mine lugubre. Manifestement, il pensait que le Dúnadan avait raison, et qu'il allait devoir le suivre tôt ou tard, ce qu'il n'appréciait pas énormément...

2 - Larmes et divinations
Tout le monde étant mis d'accord, il restait à décider quoi faire. Trois sujets revenaient régulièrement sur le tapis, à savoir : discuter avec Eloeklo d'un accord, ce qui nécessitait de pouvoir guérir le corps de Gillowen et d'arrêter de le tenir en contact avec la larme de Yavanna qui bloquait sa possession par le démon du vent du nord ; aller récupérer les artefacts laissés par les anciens amis de Dwimfa et Gillowen sur la montagne où ils avaient été assaillis par le démon, artefacts sommairement décrits par l'Homme des Bois (une fantastique épée aux nombreux pouvoirs contre les morts-vivants, un ancien et très complet recueil de runes magiques, une amulette aux nombreux pouvoirs comme par exemple contre les créatures marines, une masse d'armes qui permet de se transformer en pierre, etc.) ; et aller voir d'anciens elfes entourés de dragons...

Il y avait aussi à s'occuper d'une gemme maudite qui n'apportait rien de bon à ceux qui s'en servaient. L'Ulûkai de Morgoth, car c'était son nom, attirait le mal plus sûrement qu'une bougie attirait les insectes. Or la gemme avait servi, et il y avait fort à parier que cela avait attiré l'attention de forces ténébreuses. Il fallait donc l'éloigner de là et l'activer un bref moment afin de brouiller un peu les pistes et attirer d'éventuelles créatures aussi malfaisantes que puissantes, à distance. Il n'était donc pas question de la laisser là, en contact avec la "résine de mer" de l'iceberg funéraire. Et en fin de compte plus personne ne comptait la laisser à Gillowen lorsqu'elle serait à nouveau en état de parler... et de s'en servir.

Au bout du compte, c'est la recherche des larmes de Yavanna qui motiva le plus de monde. L'archer-magicien dunéen ne pouvait-il utiliser ses sorts de divination pour savoir si certaines étaient disponibles non loin d'ici ? Cela ne mangerait pas de pain et pourrait apporter à l'équipe des moyens puissants pour se débrouiller dans l'environnement dangereux du Grand Nord ou se protéger contre les magies ténébreuses utilisées par tant de créatures anciennes... Après discussion, Drilun accepta de jouer le jeu et d'interroger ses cailloux magiques. En se concentrant sur la carte du Grand Nord qu'il avait recopiée en Arthedain, il interrogea sa magie afin de repérer de tels artefacts. Et il semblait bien que certains étaient présents non loin en effet...

Par contre, il y avait un certain flou dans les réponses données par les cailloux : jamais les réponses n'étaient un "oui" franc, pas plus qu'un "non", à ses questions. Ce qui l'amena à penser que la plus proche larme de Yavanna qu'ils recherchaient se trouvait sur un iceberg relativement proche, en mouvement, ce qu'un autre sort de divination sembla confirmer. Mais afin de pouvoir mettre la main dessus, il fallait pouvoir bouger et reprendre la mer, en espérant que de nouvelles divinations permettraient de se rapprocher plus et de mettre la main sur l'objet convoité. Dans la mesure où Aime le Poisson, sa fille et Dwimfa allaient peu ou prou dans la même direction, au moins au début, il fut décidé de quitter l'iceberg funéraire ensemble.

La fille de Pitää Kalasta avait ramené les quatre barques utilisées par les aventuriers, plus celle de son père et elle. Mais il n'y avait aucune trace de l'embarcation utilisée par Dwimfa, qui resta très évasif sur la manière dont il était arrivé sur l'iceberg. De toute manière, en se serrant un peu dans leur barque il pourrait repartir avec les deux Lossoth, ce qui laissait quatre barques pour Gillowen et les sept aventuriers. Et comme Vif était sous forme humaine cela ne poserait aucun problème. Une nouvelle fois Isilmë rama et tira leur petite caravane de barques, aidée par certains de ses amis qui se débrouillaient mieux à force d'essayer. Et Rob utilisa la longue-vue obtenue à Tharbad pour essayer de repérer un éventuel iceberg qui répondait aux indications données par les cailloux de leur magicien dunéen, mais sans succès.

Le groupe sortit de la "Mer de Silence", ce petit bras de mer en partie fermé qui abritait de nombreux icebergs funéraires, sans trouver ce qu'il cherchait. Après un moment, Dwimfa et ses deux compagnons s'en allèrent en direction de leurs pénates glacés après avoir convenu d'un futur rendez-vous pour connaître ce que les esprits avaient pu dire au sujet de la participation de l'Homme des Bois à leur quête. Nombreux étaient les icebergs que Rob pouvait repérer grâce à la longue-vue, et Drilun avait besoin de faire de nouvelles divinations, ce qui n'était pas l'idéal dans leurs frêles esquifs. Comme par ailleurs il valait mieux dresser un abri pour la nuit et s'occuper du corps mal en point de Gillowen, le cap fut mis sur une petite montagne de glace flottante susceptible de pouvoir les héberger...

3 - Repos et soins
La guerrière elfe trouva un bon point pour accoster et après un peu d'acrobatie - hobbit en tête avec une corde - tous purent débarquer et prendre pied sur l'île flottante. Les barques furent ensuite hissées hors de l'eau et recouvertes de neige de manière à les rendre invisibles à un éventuel observateur aérien. En effet, plusieurs membres du groupe craignaient une action nocturne de la part d'Andalónil, d'autant que son maître, Eloeklo, ne devait pas apprécier beaucoup de ne pouvoir se servir du corps de la magicienne elfe. Et de toute manière, à défaut de vouloir les tuer dans l'immédiat, le démon semblait tout à fait disposé à leur pourrir un peu la vie histoire de s'amuser un brin...

La guerrière et soigneuse elfe fit un bilan de l'état de sa consœur : elle était de plus en plus faible et ne risquait pas de guérir sans un peu d'aide. Mais également, il lui fallait une âme pour ce faire, ce qui voulait dire laisser le démon du vent du nord reprendre possession d'elle, puisque l'âme de Gillowen avait été arrachée à son corps. A l'occasion, suite à une question, Dwimfa, avant de quitter le groupe, avait d'ailleurs dit que son équipe était allée dans les montagnes du Mordor pour récupérer le bijou dans lequel l'âme avait été emprisonnée. Ils avaient dû batailler dur contre une gigantesque araignée-démon que la lumière pouvait effrayer voire blesser (mais moins qu'une bonne épée magique tenue par un bras habile et costaud). Ils avaient réussi à la faire fuir mais n'avaient pu trouver le bijou avec l'âme de leur amie...

La glace ne manquant pas et les aventuriers commençant à connaître les techniques de survie dans le Grand Nord, ils profitèrent de toute la neige ou glace disponible pour fabriquer une maison de glace des Lossoth, un igloo assez grand pour tous. Ils y seraient serrés mais se tiendraient chaud, et le corps de Gillowen pourrait être soigné et surveillé plus facilement. De même, Drilun pourrait utiliser sa magie sans difficulté. Par contre, Taurgil avait besoin de faire chauffer de l'eau pour une infusion d'athelas, de manière à pouvoir soigner le corps blessé de l'elfe possédée. En effet, même avec la magie des soins d'Isilmë, elle était trop faible pour se réveiller, ou du moins pas avant un moment. Or le temps pressait et la magie particulière des mains de roi (potentiel) de Taurgil pouvait faire la différence...

Après réflexion et recherche, l'archer-magicien dunéen trouva qu'il pouvait utiliser le bâton magique de lumière comme support pour un de ses sorts de flamme, et ainsi faire chauffer de l'eau... sans aucun dégât pour le bâton. L'odeur apaisante d'athelas profita à tous et le grand Dúnadan traita les blessures de l'elfe possédée. Après quoi Isilmë estima qu'il fallait laisser au moins une journée pour que la magie fasse effet, et peut-être alors Gillowen pourrait-elle se réveiller. La larme de Yavanna fut retirée et cachée, si bien que l'elfe comateuse resta sous surveillance pour éviter quelque mauvais tour d'Eloeklo. Il ne restait plus qu'à attendre, se reposer, discuter de la suite à donner à leurs aventures ou même interroger les cieux.

Et c'est bien ce que fit Drilun à la nuit tombée : le ciel était assez clair pour observer les étoiles et il alla les interroger magiquement au sujet des larmes de Yavanna qu'il recherchait à l'aide de sa magie divinatoire. La vision qu'il en tira le découragea de continuer cette entreprise de recherche des larmes par divination magique. D'une manière ou d'une autre, il était persuadé que quelque chose ou quelqu'un - et Eloeklo faisait partie des personnes qu'il jugeait capable de mettre son grain de sel - empêchait sa magie divinatoire de fonctionner correctement et de trouver si des larmes magiques étaient à proximité, et où. Et dans la nuit, la guerrière elfe sembla repérer une silhouette ailée passer au-dessus d'eux dans le ciel. Manifestement, ils étaient suivis et surveillés... Mais au moins, les barques étaient toujours là au matin.

4 - Discussion et accord
Après la nuit, la journée se passa tranquillement à se reposer, se soigner et préparer les jours à venir. Selon Isilmë, il fallait surveiller Gillowen en soirée en particulier, quand elle serait susceptible d'avoir bénéficié de la magie de Taurgil et serait donc capable de se réveiller et de leur parler... ou de lancer sa magie sur eux. Bon, vu son état ce ne serait sûrement pas une bonne idée pour elle, mais en tout cas elle risquait - ou plutôt le démon Eloeklo qui l'habitait - de peu apprécier le fait de se retrouver privée de ses objets magiques et en particulier l'Ulûkai de Morgoth et l'anneau magique qu'elle portait autrefois. Et la prévision s'avéra parfaitement exacte.

Son état s'améliora donc un peu : l'une des deux blessures graves à la tête traitées magiquement par le Dúnadan descendant de roi avait bien meilleur aspect et devait moins faire souffrir l'elfe possédée. Elle restait tout de même très faible mais elle était en suffisamment bon état - à peine, ce qui était sans doute mieux pour le groupe - pour avoir une conversation avec les aventuriers. Un échange eut donc lieu au sein de l'igloo où ils se serraient tous, un peu tendu au départ et pas vraiment cordial. Un échange où fusaient des menaces à peine voilées et où les choses ne progressaient guère, sauf peut-être la colère du démon qui possédait le corps de l'elfe...

Il faut dire que les propos de Mordin et Drilun, en particulier, ne ménageaient pas vraiment le démon. Parfois il était traité comme un imbécile et les lueurs dans ses yeux pouvaient laisser craindre le pire, ce que le nain omettait un peu trop de voir parfois. Certains aventuriers oubliaient un peu vite qu'ils ne s'adressaient pas à quelque voleur de bas étage attrapé par chance ou par ruse, mais bien à un esprit plus vieux que le monde lui-même, et assez susceptible avec ça. Quelqu'un qu'ils pouvaient pousser à sacrifier un corps d'emprunt mais sans gagner autre chose qu'un terrible ennemi. Quelqu'un qui finit par leur demander s'ils avaient quelque chose à lui proposer pour l'empêcher de demander prochainement à Andalónil de les tuer tous...

Taurgil lui parla plutôt d'égal à égal. Comme ses amis l'avaient dit, mais peut-être pas avec le bon ton, il n'était pas question pour eux de rendre ses objets magiques à Gillowen qui pouvait ainsi trop facilement les manipuler magiquement. Mais pour autant, le Dúnadan et ses amis étaient intéressés par la proposition de l'esprit des temps anciens. C'est d'ailleurs ce qui expliquait que le corps de Gillowen était encore vivant et en état de parler : un accord était possible mais l'Ulûkai et l'anneau magique seraient gardés en possession du groupe comme garantie de respect de l'accord. Ce à quoi Eloeklo, à travers l'elfe, répondit que Durlach se ferait un plaisir de les anéantir et de mettre la main sur ces artefacts lorsque les aventuriers se trouveraient à sa portée. En effet, seul Gillowen/Eloeklo, avec l'aide de ces objets et en particulier de la gemme maudite, pouvait espérer remporter un combat contre le démon de puissance - le balrog en langue elfe - qui vivait au fond du Puits de Morgoth. Mais le grand rôdeur expliqua que la gemme pourrait être rendue à l'elfe possédée au moment de pénétrer les ruines précitées.

Au bout du compte, l'esprit qui possédait le corps de l'elfe se calma. Taurgil était resté direct et n'avait pas exprimé de moquerie ou de mépris, ce qui semblait avoir permis de maintenir l'échange et l'intérêt du démon. Et le compromis qui avait été proposé, s'il n'était pas parfait, paraissait réaliste. Bien entendu, l'accord entre Eloeklo et les aventuriers comportait plusieurs étapes, et chacune serait l'occasion de vérifier que l'entente tenait toujours... ou non. Dans un premier temps, le corps de Gillowen serait davantage soigné - à l'aide de magie ou de baume orc dont Geralt avait encore une certaine réserve - pour pouvoir redevenir autonome. Taurgil et ses amis iraient de leur côté et s'entraîneraient, jusqu'à revenir auprès d'Eloeklo pour s'équiper avec les artefacts qu'il avait promis et préparer le combat contre Durlach... Ce qui incluait la remise de l'Ulûkai à Gillowen.

En fin de compte le démon du vent du nord accepta le marché et les nouveaux soins de Taurgil et Isilmë. Une nouvelle nuit et une nouvelle journée se passèrent sans problème, et le corps de Gillowen se fit de plus en plus robuste. Mieux soigné, habité par une âme - même démoniaque - et nourri régulièrement, il se remit sur pied avec l'aide de la magie de l'équipe. Au bout d'un moment, Eloeklo, à travers le corps de l'elfe, dit qu'il n'avait plus besoin de la présence des aventuriers, que le corps qu'il possédait était suffisamment guéri. A eux de poursuivre leur périple, pendant qu'il attendait leur retour sans leur causer de tort... ou en tout cas pas au point de mettre leur vie en danger. Quant à la manière de le contacter, il dit qu'il s'agissait d'une chose extrêmement simple : il suffisait de prononcer plusieurs fois son nom dans le vent, qui se chargerait de lui apporter l'appel à ses oreilles...

5 - Nouvel objectif
Le moment du départ arriva donc lorsqu'il fut établi que Gillowen se débrouillerait très bien toute seule dorénavant. Le groupe se prépara à reprendre la mer pour aller trouver un endroit mystérieux toujours enveloppé de brumes, et semblait-il gardé par des dragons qui nourrissaient un goût certain pour le massacre des elfes qui demeuraient dans le lieu... ou de toute autre personne qui souhaitait les rejoindre ou les quitter. En tout cas, Drilun avait fait comprendre que la recherche des larmes de Yavanna n'était plus à l'ordre du jour. Il avait demandé à Eloeklo si le démon était la cause de ses problèmes de divinations magiques, mais l'être lui répondit que ce n'était pas le cas, et que bien des choses ou des entités pouvaient affecter une pareille magie. Ce qui n'avançait guère le Dunéen, dont la confiance envers le démon restait limitée. Et comme la récupération des artefacts laissés chez ce dernier n'était pas à l'ordre du jour, leur prochaine destination s'imposait d'elle-même.

Le groupe repartit donc vers le nord-est sous un ciel plutôt nouveau pour eux : il était uniformément gris-blanc et il était impossible de distinguer le ciel de la terre ferme couverte de neige. Ce fut tout de même suffisant pour se repérer et aller en direction des terres qui allaient les amener vers leur objectif. Une nouvelle journée fut donc occupée à ramer à bonne allure, avec l'aide des chants elfiques de leur guerrière et soigneuse elfe qui leur faisaient oublier leur fatigue. Ils purent ainsi progresser à très bonne allure et arrivèrent à proximité des côtes en fin de journée. D'après les dires d'Aime le Poisson, ils devaient s'attendre à mettre autour d'une semaine pour aller de l'iceberg funéraire où ils avaient combattu les morts-vivants jusqu'à la vallée d'Uichith ou "Brumes Eternelles" en langue commune.

En chemin, ils avaient régulièrement croisé des chasseurs de baleine ou de phoque mais sans développer beaucoup d'interactions avec eux. Près des côtes, ils virent que ces dernières étaient régulièrement occupées par des petits groupes de Lossoth. D'après les échanges qu'ils avaient déjà eus avec entre autres les "Chasseurs des Mers" comme Aime le Poisson, certains d'entre eux purent donner un nom aux Lossoth qu'ils voyaient sur la terre ferme, ou plutôt sur la neige qui recouvrait les côtes : il s'agissait de Jäämiehet dans leur langue, ce qui signifiait "Hommes des Glaces". Ils vivaient plus au nord et à l'ouest que les Lumimiehet ("Hommes des Neiges"), dans des conditions plus rudes et difficiles. Et s'ils ne vivaient pas dans des icebergs comme les Merimetsästäjät ("Chasseurs des Mers"), ils partageaient beaucoup de choses avec eux néanmoins, et en particulier la chasse aux phoques et aux baleines. En effet, ils vivaient surtout de la mer car les terres étaient moins riches en gibier et beaucoup plus dangereuses en raison de la présence de loups blancs, et d'orcs, trolls, géants et dragons venant des montagnes proches...

Le groupe se dirigea en direction de l'un des petits peuplements de ces Hommes des Glaces. Il faut dire aussi que les côtes étaient de plus en plus souvent prises par les glaces, une glace trop fine pour supporter le poids d'un homme. Les endroits où accoster sans danger se faisaient rares et les petits ports maintenus par les Jäämiehet étaient les meilleurs accès possibles à la terre ferme. Et si certains aventuriers auraient bien voulu continuer leur périple par la voie maritime, d'autres avaient soupé de l'étendue bleue et préféraient continuer leur voyage à pied, le long des côtes. Il y avait eu débat à ce sujet, certains se souvenant de côtes escarpées, rocailleuses et inhospitalières. Mais celles qu'ils voyaient là semblaient plus accueillantes et giboyeuses, avec davantage de forêts, et plus habitées et hospitalières également. Au final, la décision fut prise de finir le trajet par la terre.

Les barques accostèrent donc à un petit port près des igloos d'Hommes des Glaces. Les chasseurs et pêcheurs surtout n'étaient pas encore rentrés, même si la nuit n'allait pas mettre longtemps à tomber. Aussi n'y avait-il qu'une bonne vingtaine de personnes à les voir arriver, dont beaucoup d'enfants curieux et quelques adultes plutôt âgés et bien occupés avec les plus petits, et quelque peu distants et prudents ; ils maintenaient une certaine distance avec les aventuriers en attendant de voir comment ils allaient se comporter. Mais, habitués à leur manière d'être, Taurgil et ses amis prirent contact pacifiquement avec les Jäämiehet présents et demandèrent à partager la soirée avec les gens du cru. Ils ne comptaient pas passer la nuit avec eux car cela était jugé trop dangereux pour leur bien, mais juste socialiser un peu. Et pour respecter les coutumes d'échange et de partage, Isilmë et Vif s'éloignèrent du village jusqu'à ne plus être visibles afin de permettre à la féline Femme des Bois de reprendre sa forme de lionne enchantée. Après quoi elle alla chasser et rapporta bientôt un phoque qui pourrait servir de troc pour le nain - ce dernier souhaitait faire faire un sac de cuir spécial pour maintenir Ulûkai et larme en contact - ou pour offrir...

6 - Raquettes et rencontres
La soirée se passa sans incident et Mordin put obtenir assez de cuir pour leurs besoins. D'autant que Taurgil avait récupéré et préparé autant qu'il le pouvait le cuir du phoque abattu par la Femme des Bois. L'échange était donc très favorable aux Lossoth présents. Puis le groupe s'éloigna un peu afin de dormir à l'écart dans un bosquet où ils firent des tas de neige tassée pour y creuser un trou et s'y faufiler. Isilmë était à présent suffisamment à l'aise avec cette technique pour arriver à faire un abri assez grand pour Drilun et elle... La nuit n'apporta aucune mauvaise surprise, ce pour quoi un tour de garde avait été mis en place, et au matin le groupe retourna brièvement au camp des Hommes des Glaces : ils laissèrent leurs barques à ses habitants le temps qu'ils seraient absents et leur demandèrent, si l'occasion se présentait de voir des Chasseurs des Mers, de leur dire qu'ils seraient probablement en retard pour leur rendez-vous avec Aime le Poisson, vu leur changement de programme.

Puis ils partirent vers le nord, à pied. En fait ils durent mettre les raquettes vu l'épaisseur de neige sur le sol, épaisseur qui augmenta vite les jours qui suivirent en raison du mauvais temps. A tel point qu'hormis au début du voyage, où ils pouvaient suivre les côtes à distance à la vue ou à l'ouïe, il fallut les talents magiques de leur archer-magicien pour déterminer la bonne direction à suivre. De la même manière, les échanges avec les Lossoth des environs furent assez rares et ils se firent totalement inexistants lorsque le temps passa d'une petite chute de neige à un petit blizzard de saison. D'après les sens ésotériques du hobbit le temps était parfaitement normal, cependant, et non le fait d'une créature mal disposée à leur égard. Et ils profitèrent de leur isolement pour activer l'Ulûkai de Morgoth en enlevant un bref moment la larme de Yavanna qui était à son contact, et attirer vers eux d'éventuelles créatures maléfiques sur les traces de la gemme maudite plutôt que vers l'iceberg funéraire qu'ils avaient quitté peu auparavant.

Néanmoins tout se passa bien. Ils étaient bien équipés, et le temps n'était pas si mauvais que cela, d'autant qu'ils pouvaient se repérer magiquement. Il était difficile de dire si le secteur était plus sauvage qu'au début de leur voyage à pied mais c'est néanmoins l'impression que cela donnait. Les traces de présence humaine se faisaient de moins en moins nombreuses, et ce encore plus avec l'intensification du mauvais temps, et les bois de plus en plus denses et présents, même si l'on était loin des forêts de l'Eriador comme celles de la Comté. Le gibier était lui bien présent et Vif n'avait aucun mal à ramener à manger. Les divinations du Dunéen permettaient de détecter la présence de divers quadrupèdes plus ou moins lourds, tels que rennes ou élans, même si l'épaisseur de neige rendait les vibrations du sol de plus en plus dures à percevoir même par magie.

Et il n'y avait pas que des ruminants parmi les quadrupèdes, comme Drilun en fit la douloureuse expérience. Le soir du deuxième jour, il choisit en effet de prendre le premier tour de garde près du cercle de leurs tas de neige creusés qui leur servaient d'abri, avec celui du hobbit en leur centre. Il n'entendit ni ne vit venir un groupe d'une dizaine de loups blancs s'approcher silencieusement d'eux, et en particulier de lui. Il fut bientôt renversé par deux d'entre eux et blessé malgré son armure, tandis que ses amis étaient attaqués peu après, la lionne magique concentrant la moitié des attaques et Rob aucune. Tandis que le Dunéen se protégeait magiquement mais n'arrivait pas à récupérer son bâton magique, les autres membres du groupe faisaient exploser leur abri pour arriver à combattre plus vite et tuer leurs adversaires. L'aura elfique dont s'entoura Isilmë fit reculer son adversaire si bien qu'elle put aider son amie féline, tandis que le voleur hobbit abattait les deux bêtes sur l'archer-magicien. De leur côté, les autres aventuriers se débarrassèrent assez vite des loups qui les attaquaient, malgré quelques petites blessures parfois.

Un seul loup avait pu s'enfuir, et les cadavres restants firent le délice de la lionne enchantée, mais aussi du Dúnadan. Il se rappelait en effet de la qualité des fourrures de ces loups du Grand Nord et il entreprit de récupérer toutes celles qu'il pouvait, soit une demi-douzaine. A l'aide de soins magiques les blessures furent vite guéries et n'eurent pas plus de conséquences qu'une petite blessure à l'amour-propre de Drilun. De nouveaux abris de neige furent creusés, la nuit pu être reprise, et au petit matin tous repartirent vers le nord, les elfes et les dragons. En chemin les sorts de Drilun lui permirent de percevoir la présence d'autres êtres vivants, mais ils ne furent pas inquiétés.

7 - Géant de glace
Ou plutôt ils ne furent pas inquiétés tout de suite. Le mauvais temps y était sans doute pour quelque chose, qui ne favorisait pas la chasse des prédateurs à deux ou quatre pattes. Mais une nouvelle nuit arriva qui permit aux aventuriers de rencontrer un nouvel habitant du Grand Nord, jusque-là jamais rencontré. En fait Taurgil en avait déjà rencontré un auparavant, avec d'autres amis avec qui il avait partagé des aventures dans le Rhudaur entre autres. Quoi qu'il en fût, alors que la guerrière elfe du groupe veillait sur le sommeil de ses compagnons, ses sens elfiques lui indiquèrent qu'une sourde et puissante vibration venait dans leur direction. Le genre de vibration que ferait un être de plusieurs tonnes marchant sur deux pattes dans une neige pas si épaisse pour lui, autrement dit un géant. D'après le Dúnadan qui en avait déjà rencontré un, ils n'étaient pas foncièrement mauvais. En revanche, selon les légendes des Lossoth, ces créatures étaient la plupart du temps assez affamées - les proies pouvaient les entendre de loin et aller voir ailleurs - ou bien occupées à faire vivre leur petite famille. Raison pour laquelle les enfants des géants étaient vite mis dehors en grandissant, vu le poids et le travail qu'ils représentaient pour leurs parents.

Par précaution, les aventuriers bientôt tous réveillés décidèrent de s'éloigner un peu du chemin de la créature qui arrivait un peu trop droit (et vite) sur eux. Malheureusement, alors qu'elle arrivait non loin de là où ils avaient commencé la nuit, ils l'entendirent renifler et changer de direction : son odorat bien développé lui indiquait la présence de nourriture et il semblait bien que son ventre lui ordonnait de vite le remplir avec ladite nourriture. Et la rapidité avec laquelle les pas puissants du géant se rapprochaient ne laissait guère de doute aux aventuriers sur leurs chances de le semer à la course : il fallait vite se préparer au combat. Drilun réduisit magiquement l'odeur de Vif qui s'éloigna un peu sur le côté, tandis que les archers préparaient leurs arcs et flèches et que les autres guerriers fourbissaient leurs armes. Après avoir préparé un sort de protection, Taurgil se disposa devant ses amis, dans la direction d'où venait la créature.

Le géant arriva qui devait bien mesurer six bons pas de haut. Il était vêtu de quelques peaux et d'un gourdin de la taille d'un petit arbre avec une souche à une extrémité. Manifestement il avait faim et il s'arrêta devant le Dúnadan, et sans écouter ce qu'il tentait de lui dire, il le prit par un membre et l'approcha de sa gueule grande ouverte... Les archers entrèrent en action et arrivèrent à blesser légèrement le monstre qui réagit en jetant le grand rôdeur à bonne distance, sans mal aucun grâce à l'épaisseur de neige et aux capacités et protections du Dúnadan. Tandis que la lionne enchantée arrivait dans le dos de la créature, le maître-assassin approchait avec ses raquettes dans la neige épaisse, quand il vit le gourdin du géant arriver à grande vitesse dans sa direction. Il choisit alors d'adopter la même tactique qu'avec les trolls, à savoir esquiver l'attaque en sautant entre les jambes. Le gourdin creusa une belle tranchée à l'endroit qu'il occupait peu auparavant, et l'Eriadorien aux cheveux blancs se remit debout dans le dos du monstre, assez vite pour voir Vif lui sauter dessus et grimper jusqu'à ses épaules.

Taurgil était trop loin pour revenir vite, et Mordin et les archers n'arrivaient pas à faire de blessure sérieuse. Par contre, tandis que le géant était occupé à essayer de faire descendre le gros chat qui avait pris place près de sa tête, Geralt porta un coup puissant de son épée magique dans la jambe de la créature. La blessure fut telle que le géant hurla de douleur et s'abattit vers l'arrière, son membre blessé ne permettant plus de soutenir son poids. Le balafré aux cheveux blancs s'écarta vite du point de chute du monstre, tandis que la lionne, avant de sauter du dos du géant, trouvait tout de même le temps de lui porter un profond coup de griffes dans la nuque, assez puissant pour lui sectionner les vertèbres cervicales. Le corps de leur adversaire tomba alors au sol et ne bougea plus : il était mort.

Au final les loups blancs avaient été plus dangereux pour les aventuriers. Et par ailleurs le géant n'apporta aucun bénéfice au groupe, qui ne retira rien de sa carcasse. Ce fut tout de même une expérience intéressante, qui montra qu'il n'y avait pas trop de différence avec un gros troll, d'autant qu'on pouvait l'entendre arriver d'encore plus loin. La nuit fut donc reprise sans aucun autre incident, d'autant que la présence du géant avait dû faire fuir gibier mais aussi prédateurs à des lieues à la ronde. Par la suite, en journée, ce qui pouvait être une bande de jeunes géants fut repérée et évitée, et ils ne s'approchèrent pas trop près et ne furent jamais une menace. Et l'équipe progressa dans une forêt toujours plus dense et un climat qui se faisait aussi plus chaud.

8 - Forêt magique et traces de dragon
Tout en progressant vers le nord, Rob prenait conscience de la présence lointaine d'une puissante magie. Elle n'était pas exactement face à eux mais légèrement sur leur droite, comme si elle était en partie dans la mer qu'ils longeaient par la gauche. En fait cela n'était dû qu'à un coude dans le trait de côte, et après qu'ils eurent atteint l'endroit qui les ferait tourner sur leur droite, le hobbit sentit la vaste et puissante magie face à eux. C'était en fait plus qu'une magie très puissante émanant d'un point précis. C'était plutôt comme si une vaste zone de quelques dizaines de portées de flèche de rayon était tellement saturée de magie puissante qu'il pouvait la sentir à peut-être une journée de marche de là. Et en même temps, ce n'était pas quelque chose d'uniforme : la magie était complexe et elle variait selon les endroits.

Dans le même temps, il devenait évident que le milieu changeait grandement. Les arbres étaient de plus en plus grands et ne ressemblaient plus du tout à ce qu'ils avaient l'habitude de voir dans le Grand Nord, où la norme était des petits arbres chétifs, tordus et clairsemés, presque systématiquement des résineux. Certains de ces arbres étaient même inconnus des rôdeurs de l'équipe, et l'ambiance était différente de tout ce qu'ils avaient tous connus plus au sud. Par ailleurs, le tapis de neige au sol était de moins en moins épais et après un moment il fallut enlever les raquettes. Il faisait plus chaud et des gouttes tombaient en permanence de la canopée, comme si la neige qui se déposait sur les branches loin au-dessus d'eux ne pouvait tenir et finissait par fondre. En fait, le temps changea tellement que les aventuriers passèrent assez rapidement d'un petit blizzard à un épais brouillard. Entretemps, ils avaient eu un peu le temps de voir les côtes sur leur droite, entre les arbres. Mais très vite ils furent masqués par le brouillard et la végétation.

Car la chaleur était favorable aux plantes et les arbres, même si certains étaient très hauts, ne ressemblaient en rien à ceux de la Forêt Sombre : ils devaient laisser passer assez de lumière diffuse, malgré la brume permanente, pour permettre à la végétation de pousser au sol. Ce qui profitait au gibier, bien sûr, qui devait apprécier de se réfugier ici en hiver, même s'il devait peut-être y faire un peu chaud... Pour l'instant ce n'était que le début de l'automne, et la zone ne grouillait tout de même pas de rennes et élans. Mais les traces étaient certainement assez communes pour imaginer l'endroit comme un refuge pour bien d'entre eux. Refuge dont certains prédateurs devaient profiter, et certains de grande taille : au bout d'un moment, le groupe arriva à une clairière entre les arbres, comme une petite vallée au milieu de la haute canopée. A l'intérieur, des chicots noircis, des grands coups de griffes immenses et des terres labourées par endroit faisaient penser à une furieuse bataille.

Un sort de Drilun lui apporta quelques précisions : sa divination lui montra un dragon ailé en train de cracher du feu sur un ennemi invisible, sans parler de donner coups de queue ou de griffes tout autour de lui jusqu'à créer la clairière devant laquelle ils se tenaient. Puis la créature s'envolait d'un bond et disparaissait dans la brume, laissant la zone dévastée derrière elle. Dans le même temps, Rob pouvait sentir - et il n'était pas le seul - une magie puissante et très proche. La clairière marquait la limite d'une zone de magie intense et y entrer ou avancer plus avant déclencherait sûrement quelque chose de puissant, même s'il ne pouvait deviner quoi. Il semblait que la magie peut-être développée par les elfes qu'ils recherchaient était assez forte pour affecter et repousser un dragon...

En se concentrant davantage, le hobbit pouvait sentir quelque chose de nouveau également dans cette magie. Elle ne semblait pas disposée au hasard mais représentait comme un labyrinthe dans lequel il serait peut-être possible d'évoluer sans déclencher d'effets divers et peut-être funestes. En tout cas cela laissait un peu d'espoir pour franchir cette barrière magique et permettre à des gens comme eux d'accéder à la vallée interdite. Les Hommes des Glaces leur avaient dit que l'endroit était redouté et que nombreux étaient ceux d'entre eux à n'être jamais revenus du lieu, probablement mangés par les dragons ou tués par la magie du lieu. Mais il existait aussi certains récits qui parlaient de personnes désespérées assez folles pour aller là-bas et en revenir avec des remèdes miraculeux...

Guidés par Rob, le groupe progressa, avec précaution, en bordure de la clairière ou vallée entre les grands arbres. Bientôt le hobbit s'arrêta devant une espèce de grotte au milieu des arbres, à un endroit où les troncs et les branches formaient comme une barrière infranchissable avec une gigantesque ouverture au milieu, assez grande pour laisser passer un dragon. Mais l'endroit puait la magie et Rob préféra passer son chemin et poursuivre un peu plus loin. Malheureusement, la forêt en bordure de clairière paraissait impénétrable tant physiquement que magiquement. D'une certaine manière le labyrinthe qu'il avait senti dans la magie du lieu n'était pas très loin de là mais il ne pouvait en trouver l'ouverture. Jusqu'au moment d'arriver à une mare d'eau claire, sans être limpide, d'où une puissante magie semblait émaner.

9 - Étang magique
La lionne magique examina l'étang et distingua ce qui ressemblait à des marches qui s'enfonçaient dans l'eau, même si l'image avait un côté irréel et difficile à percevoir. Persuadée que l'eau n'était qu'une illusion, elle entra dans l'étang sous les yeux de ses amis, dans ce qui ressemblait à de l'eau véritable dans laquelle son corps félin provoquait des rides et autres mouvements. Pourtant, elle finit par plonger la tête entièrement sous la surface, et, non sans un moment de concentration voire d'appréhension, elle ouvrit la gueule et aspira profondément. Puis le groupe entendit ses grognements félins comme s'ils provenaient de derrière un rideau d'eau, mais pourtant elle ne semblait aucunement manquer d'air ou étouffer ! Et après avoir activé leur tour d'oreille magique, les amis qui en disposaient purent comprendre qu'elle leur disait qu'il n'y avait pas d'eau, que ce n'était qu'une illusion et qu'elle pouvait respirer normalement, même s'il était difficile de s'en convaincre...

Isilmë fut la suivante à tenter l'expérience, rassurée par l'état de son amie qui montrait une santé parfaite et ne produisait aucune bulle visible malgré son apparente immersion. Pourtant tous ses sens lui criaient que l'eau était bien véritable et qu'elle allait se noyer... Mais avec un effort de volonté elle arriva elle aussi à se persuader que ce n'était qu'une illusion, et elle put découvrir l'escalier qui menait au fond de l'étang enchanté dont les parois parfaitement verticales abritaient une ouverture manifestement artificielle et dépourvue de lumière. Le tunnel devant lequel elle se trouvait avait une surface parfaitement lisse et régulière, sans aucune trace ou marque d'aucune sorte. Elle s'entoura d'une aura elfique magique pour y voir mieux et partit explorer ce couloir parfaitement propre et sec.

Pour sa part, Rob s'aida en se tenant à la queue de la lionne pour explorer les fonds aquatiques, mais lui aussi put sans grand mal se persuader que c'était de l'air. Peut-être aussi que sa nature de hobbit, êtres par nature terre-à-terre, l'aida à lutter contre cette magie. De son côté, Taurgil fit un plongeon directement dans l'étang, craignant peut-être de tomber brutalement au fond. Mais d'une part il n'arriva pas à croire que l'eau était en fait de l'air, et d'autre part il flotta comme dans un étang tout à fait normal, malgré les propos de la lionne enchantée qui trouvait assez étonnant - et lui également - de voir son corps comme voler magiquement un peu au-dessus d'elle, dans ce qui n'était pour elle que de l'air, bien qu'un peu enchanté... En tout cas, même sorti de l'étang, le grand Dúnadan se sentait toujours trempé, et froid avec ça, car l'eau était loin d'être tiède !

Geralt, pour sa part, arriva à descendre également les marches de l'étang du premier coup sans avoir à suffoquer ou nager dans une vraie-fausse eau froide. Mordin, de son côté, eut un peu de mal à entrer dans l'eau, cet élément qui pour lui était éventuellement agréable au fond de sa gorge en quantité très limitée. Il n'arriva pas à se persuader du côté limité voire inexistant de cette eau qui ne lui voulait que du mal - pas du premier coup - ce qui le fit cracher et jurer fort. Mais lorsqu'il finit par se forcer à penser à de l'air comme celui que ses amis déjà descendus devaient respirer, il se retrouva à tomber dans l'étang, mais au ralenti, comme si effectivement l'air était aussi dense que de l'eau qui le ralentissait magiquement. Même s'il n'osa pas le dire, ses amis en tout cas pensèrent que les elfes qui avaient fait cela étaient vraiment très forts.

Si même le nain arrivait à jouer au poisson dans cette eau magique, ses amis restants pouvaient bien en faire autant. Le rôdeur du Rhudaur finit donc par rejoindre les autres, sans oublier Drilun qui malgré une petite appréhension ne tarda pas à se faire une raison et à arriver à son tour au fond de l'eau. Ils suivirent alors le chemin que l'elfe avait emprunté, éclairés par la lumière émise par le bâton magique de l'archer-magicien. Le couloir correspondait parfaitement, selon les sens magiques de Rob, aux zones libres de magie dans le labyrinthe de pouvoir ésotérique qui entourait la vallée dans laquelle ils souhaitaient se rendre. Au bout d'un moment ils finirent par rejoindre Isilmë à l'extrémité du tunnel, qui s'ouvrait sur le flanc d'une falaise dont on ne percevait ni le sommet ni le fond...

10 - Sources de chaleur et d'humidité
La brume était en effet trop dense pour pouvoir distinguer le sol plus bas, mais le peu qu'il était possible de voir indiquait qu'une chute serait très certainement fatale. Et au-dessus de l'ouverture, le paysage était le même : un rocher vertical sans véritable prise, impossible à escalader hormis pour les meilleurs grimpeurs, et certainement pas sur une telle distance visible. Autrement dit, le groupe semblait coincé s'il ne pouvait trouver des cordes assez longues ou une manière de voler. De grands arbres majestueux traversaient la brume mais ils étaient trop loin de l'ouverture pour aider en quoi que ce fût : troncs et branches solides étaient inatteignables depuis leur bout de tunnel. Et malgré leur âge et leur expérience, les elfes, même ceux du Premier Âge, n'était pas connu pour avoir des ailes dans le dos ou arriver à voler d'une autre manière... hormis à l'aide de bateaux magiques qui n'avaient certainement pas leur place ici.

Bien entendu, s'attendant à quoi chercher, la féline Femme des Bois découvrit facilement le pot aux roses. Sur la droite de leur ouverture, une illusion magique masquait en fait une échelle de pierre permettant de descendre. Le groupe put ainsi arriver sans mal au bas de la falaise, sur un sol humide et propre. Tellement propre que la lionne s'en étonna : en fait, elle remarqua que leurs traces disparaissaient en un rien de temps, si bien qu'il était impossible de suivre la progression d'un éventuel éclaireur. Or le hobbit était formel : à ses sens magiques, il existait un labyrinthe qu'ils pouvaient parcourir sans déclencher quoi que ce fût, mais s'en écarter pouvait avoir des conséquences insoupçonnées... Cette épreuve fut facilement franchie en suivant Rob et ses sens exceptionnels. Pour éviter de trop dévier de ses pas, les autres membres du groupe percevant la magie active pourraient aider les compagnons qui n'en étaient pas capables à rester sur le droit chemin.

Petit à petit, tandis qu'ils avançaient en zigzag, des bruits se faisaient entendre comme ceux que feraient de gros soufflets... ou de très grosses créatures. Puis l'équipe arriva à une zone assez chaude et très humide, sans aucune végétation, et dont le sol était percé de nombreux trous et petites cuvettes de toutes les tailles. Parfois les cuvettes abritaient une eau bouillonnante en leur fond, parfois elles étaient vides. Mais en prenant un peu le temps de les observer, les aventuriers découvrirent que de ces cuvettes jaillissait à intervalle régulier une colonne de vapeur brûlante, suffisamment pour pouvoir ébouillanter une personne très bien protégée, y compris une lionne au pelage enchanté. Et selon le petit voleur qui leur servait de guide, le labyrinthe magique qu'ils suivaient les menait à travers cette zone, qui semblait entièrement dépourvue de toute magie. Elle n'en était pas moins dangereuse pour autant.

Le passage entre les geysers devait être possible d'une part en repérant le rythme de certaines éruptions de vapeur, d'autre part en observant la manière dont les cuvettes se vidaient avant une éruption, et les signes avant-coureurs de cette dernière. Mais dans certains cas, il fallait bouger vite et un à la fois seulement. Cela voulait dire que les aventuriers moins perceptifs qui suivraient leurs compagnons qui l'étaient plus avaient plus de risques de s'ébouillanter. Et par ailleurs, une fois qu'un chemin serait pris, il n'était sans doute pas question de revenir en arrière ou de ralentir. Après, le groupe dans son ensemble était bien équipé, tant en termes d'armures qu'en termes de soigneurs. Il fallait donc bien se lancer, en se disant que de toute manière d'autres qu'eux-mêmes l'avaient fait et donc que cela ne devait pas être impossible. Et ils avaient parmi eux des gens vraiment très perceptifs pour les guider.

Et donc certains se lancèrent, tels Taurgil, Vif ou Isilmë, qui n'eurent aucun mal à trouver un chemin à peu près sûr entre les jets de vapeur brûlante. Même Rob et Mordin parvinrent à évoluer dans ce petit enfer brûlant sans y laisser de plumes et de manière à peu près autonome. Quant à Geralt et Drilun, ils suivirent leurs compagnons ou se firent aider au mieux. Malgré quelques sueurs froides - ou plutôt chaudes voire brûlantes - ils s'en sortirent sans mal, peut-être juste un peu rouges et en sueur. Néanmoins, ils apprécièrent le confort de leurs armures qui les protégèrent plus d'une fois de la chaleur un peu trop insistante de jets ne vapeur qu'ils n'avaient pas su complètement éviter. En fin de compte, la zone des geysers fut franchie et la brume diminua un peu. Ils évoluaient à présent sur un sol couvert de verdure et plantes diverses de toute taille, parcouru par de nombreux sentiers entretenus par la main de l'homme - ou de l'elfe - et dont ils suivaient le plus important...

11 - Accueil et repos
Le groupe arriva bientôt en vue de quelques bâtiments en bordure d'un lac dont il émanait de la brume, comme si les eaux étaient chaudes. Ce qui devait être le cas au vu des couleurs métalliques sur le rivage où des odeurs particulières qui flottaient dans l'air, semblables à celles de la zone des geysers. Les eaux du lac étaient certainement réchauffées par des sources chaudes. L'un des bâtiments était ouvert et abritait une grande table autour de laquelle discutaient quelques elfes, et vers lesquels Isilmë se dirigea. Elle fut accueillie par des mots agréables, sans surprise aucune, comme si manifestement elle était attendue, ainsi que le reste du groupe. Les aventuriers furent invités à s'approcher pour quelques présentations et furent traités avec déférence, comme des gens importants et dignes d'estime.

Taurgil et ses amis, en plus de se rafraîchir un peu, posèrent de nombreuses questions sur les elfes, leur mission, les habitants du Grand Nord et bien d'autres sujets qui leur tenaient à cœur. Leurs interlocuteurs immortels répondirent du mieux qu'ils purent, tout en indiquant qu'une réunion était prévue plus tard avec le maître de leur communauté, la Loge du Réveil. Leur chef était un elfe noldo du nom de Nestador. C'était un sage et un voyant qui saurait leur apporter les meilleures réponses possibles, mais ils firent tout de même un récit sommaire de l'histoire de leur groupe. Après quoi les aventuriers purent occuper un bâtiment destiné aux rares visiteurs et s'y rafraîchir plus complètement en attendant la convocation et la réunion avec le chef des elfes.

L'origine du groupe d'elfes remontait à la Guerre de la Colère contre Morgoth et ses sbires. Parmi les elfes qui refusèrent - malgré le pardon des Valar - de revenir en Aman, l'un d'eux, Thilgon, était à la recherche de son frère autrefois fait prisonnier par les armées du Noir Ennemi du Monde. Après cinq siècles de vaines recherches dans les anciennes terres contrôlées par Morgoth dans le nord, il finit par être perdu par ses compagnons. Puis il fut de retour parmi eux avec une lueur nouvelle dans les yeux, des graines mystérieuses dans les mains alors que le pays entier n'était que ruines désolées et sans vie. Il embarqua leur groupe dans une nouvelle quête pour la purification du Grand Nord de la souillure de Morgoth, et les amena un jour à une espèce de vallée pleine de vapeurs nauséabondes au fond duquel un lac de lave était tout ce qui restait d'anciennes forges d'Angband, où de nombreux artefacts terribles avaient vu le jour. L'endroit porta bientôt le nom de Puits de Morgoth. Là, Thilgon fit planter les graines qui devinrent très vite des arbres élégants. Il trouva également trace de son frère et la certitude qu'il était mort, mais il trouva également ce qui l'avait sans doute tué : un démon de puissance - un balrog - émergea du lac et les elfes ne purent que fuir et survivre grâce au sacrifice de leur chef...

Avec la mort de Thilgon l'origine des graines fut perdue. Une graine n'avait pas été plantée et fut donnée à sa fille Óleth, qui rêva de retrouver l'endroit d'où elle provenait. Elle vécut en Eregion avec de nombreuses personnes qui connurent son père, jusqu'à la guerre avec Sauron et la destruction de leur cité, Ost-in-Edhil, en l'an 1697 du Second Âge. La plupart des rescapés trouvèrent refuge à Imladris avec Elrond semi-elfe, mais certains ne purent y accéder. Óleth était de ceux-là, mais grâce à ses dons de voyance elle put aider le chef de leur groupe, Lindor, à fuir les armées de Sauron jusque dans le Grand Nord. Mais Lindor était frère de Celebrimbor et en tant que tel particulièrement haï par le Seigneur Ténébreux, et la chasse se poursuivit deux ans durant. Nombreux furent ceux qui périrent, et en fuyant les survivants furent assaillis par le démon du Vent du Nord et ancien gardien des Montagnes de Fer, Eloeklo. Là encore, leur chef se sacrifia pour leur permettre de survivre : le combat de Lindor contre le démon prit des heures et Eloeklo finit par remporter leur duel, et il est dit que le corps glacé du frère de Celebrimbor demeure toujours au sommet des montagnes hantées par le démon.

Mais enfin les elfes trouvèrent-ils, grâce aux visions d'Óleth, la source des graines que son père avait rapporté des siècles auparavant : dans une vallée cachée et toujours couverte de brume, la vie reprenait grâce à des arbres nouveaux porteurs de la magie de Yavanna. Grâce à Óleth mais aussi à son ami Nestador, réputé le plus grand soigneur de leur peuple, et dont Elrond fut le disciple, les elfes purent s'installer et panser leurs plaies. Leur mission devenait plus claire à présent : faire fleurir le Grand Nord grâce aux graines trouvées dans la vallée. Mais les visions d'Óleth lui apprirent qu'elle ne resterait pas longtemps avec eux. En effet, leurs poursuivants n'avaient toujours pas abandonné la poursuite, mais, pris par l'arrivée des fiers guerriers de Númenor, Sauron rappelait toutes ses troupes. Avant d'abandonner la chasse, le chef de leurs poursuivants, un elfe aux cheveux d'argent que Sauron avait séduit en Eregion, réveilla les dragons aux alentours. Surpris par ces derniers alors qu'ils se croyaient enfin en sécurité, les elfes perdirent une partie des leurs et en particulier leur chef Óleth.

Mais avant, elle avait eu le temps de désigner Nestador comme son successeur. Et pendant des siècles et des siècles, leur groupe de survivants avait tâché de répandre les graines des arbres de Yavanna et de refaire fleurir le pays autrefois stérile et contrôlé par Morgoth et ses serviteurs. Ils avaient aussi participé à la Guerre de la Dernière Alliance, et à la suite de cette dernière leurs efforts avaient été couronnés de succès. Mais depuis quelques siècles et l'arrivée d'Angmar, il semblait que le mal gagnait à nouveau. Quand un messager envoyé par les Valar sous la forme d'un grand vieillard aux vêtements bruns était venu les voir, deux ans auparavant, et leur avait fait découvrir une larme de Yavanna. La quête des elfes de la Loge du Réveil était à présent de retrouver toutes les larmes de la Reine de la Terre afin d'accomplir un grand rituel de purification qui permettrait d'effacer toute trace de la souillure de Morgoth. Et le voyageur prédit que la dernière larme serait trouvée lorsqu'un mal ancien se déclarerait ouvertement à la face du monde.
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Grand Nord - 11e partie : savoirs et matériel

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1 - La Loge du Réveil
Les aventuriers purent se reposer environ une journée entière avant d'être convoqués pour la réunion avec Nestador, réunion à laquelle participèrent à peu près tous les elfes présents dans la vallée. Laquelle vallée portait le nom de Brumes Éternelles (Uichith en sindarin) : elle devait son nom et son existence à la grande quantité de sources chaudes riches en minéraux divers qui trouvaient leur chemin jusqu'à un lac au centre de la vallée, le Lac des Brumes (Hithaelin). Ce même lac comportait une île unique, du nom de Tol Ely ("Ile des Visions") : c'est là que les mystiques de la Loge du Réveil (Cuiviémar) se réunissaient, dans un bâtiment conçu pour favoriser les visions mystiques aidées par des bains de vapeur facilités par les sources chaudes présentes.

En dehors du lac et de son île, la vallée présentait des facettes très diverses. Certaines zones étaient parcourues par de nombreux geysers, et si aucune vie n'était présente les elfes noldor utilisaient l'une de ces zones pour recueillir des minéraux divers dont ils se servaient pour leurs forges. Car beaucoup venaient d'Ost-in-Edhil, l'ancienne capitale d'Eregion créée par Galadriel au Second Âge, et que Sauron, qui se faisait alors appeler Annatar ("Seigneur des Dons") avait fini par renverser avec ses armées. C'est à Ost-in-Edhil (la "Forteresse des Elfes") que la confrérie des forgerons elfiques vit le jour, et que furent créées de merveilleuses babioles magiques comme les anneaux elfiques de pouvoir. Bref, les Noldor présents ici, dont certains avaient connu les terres immortelles de Valinor et ses habitants, les Valar entre autres, comportaient un certain nombre de ces forgerons elfiques. Par certains côtés les aventuriers retrouvaient une ambiance proche de ce qu'ils avaient connu à Fondcombe, maison créée aussi à la suite de la chute d'Eregion. Mais les elfes présents ici étaient bien plus isolés que ceux qui avaient suivi Elrond demi-elfe, même si leur origine était plus ou moins la même.

Ce qui ne voulait pas dire qu'ils étaient tous interchangeables : Taurgil et ses amis découvrirent assez vite, en discutant avec eux ou en les observant, que ces exilés se divisaient plus ou moins en deux groupes. L'un d'eux formait les Irmohildi, les serviteurs du Vala Irmo, encore appelé Lórien ("Rêve"). Ils étaient dirigés par un olostar ("seigneur des songes") et se dédiaient aux visions permettant de trouver les larmes de Yavanna et les endroits où planter les graines de l'arbre de leur patronne, le cembereth ("Reine de la Terre"). Ces Irmohildi comprenaient également les serviteurs d'Estë, épouse d'Irmo et Valië de la guérison ; c'étaient des guérisseurs, comme Nestador lui-même.

L'autre groupe était composé des Yavannildi, serviteurs de la Valië Yavanna, dirigés par une massánië ("donneuse de pain"), en l'occurrence Lothwen, épouse de Nestador. Ce groupe s'occupait de récolter et préparer les graines de cembereth avant leur plantation, ainsi que de faire pousser le blé spécial qui servait à faire du lembas, entre autres choses. Plus généralement, les Yavannildi s'occupaient de pourvoir les voyageurs de la Loge (voire d'autres) en vivres et autre équipement. Ils comprenaient aussi les serviteurs d'Aulë, Vala de la Terre et grand forgeron, parmi lesquels les anciens forgerons elfiques d'Ost-in-Edhil.

Le territoire de la vallée des Brumes Éternelles, en plus des zones des geysers et du lac, comportait divers endroits assez fertiles. L'un d'eux était occupé par une colline où le soleil perçait un peu plus et qui servait pour diverses cultures. D'autres comprenaient des forêts plus ou moins clairsemées où les arbres poussaient et en particulier celui de Yavanna, le cembereth. De nombreux rennes et élans venaient s'y réfugier et se nourrir là pendant la mauvaise saison, ce dont les elfes profitaient. Ce qui ne les empêchait pas, en particulier à la belle saison, d'aller chasser ou récolter des herbes diverses en dehors de la vallée.

Là où le cembereth poussait en petits bosquets, Vif et Rob sentirent quelque chose de particulier, comme un silence ou une paix magique à proximité de ces arbres mystiques. En fait, ils se rendirent compte que, dans une moindre mesure, ces arbres - et même le bois dont ils étaient faits - avaient des propriétés similaires à celles des larmes de Yavanna. D'ailleurs ils étaient utilisés dans le même but par les elfes, à savoir la purification du Grand Nord de la souillure de Morgoth. Plus généralement, ces arbres semblaient avoir une action protectrice contre la magie noire et les influences magiques. La féline Femme des Bois ne semblait pas assez affectée par leur proximité pour être forcée de reprendre forme humaine, mais elle avait néanmoins le sentiment de sentir moins son "patron" à l'intérieur de sa tête...

2 - Réunion et présentation
Après une journée de repos, donc, les elfes présents aux côtés du groupe prévinrent ce dernier que les aventuriers allaient rencontrer leurs chefs. Ils longèrent tous le Lac des Brumes par la gauche, jusqu'à arriver, côté nord-ouest du lac, à un embarcadère avec de nombreuses barques. Un peu plus loin dans les terres, des constructions en grande partie enterrées servaient d'habitat à de nombreux elfes, et rappelèrent à Rob, ainsi que d'autres, les smials (ou "trous de hobbit") de la Comté. De nombreux elfes étaient présents qui invitèrent leurs invités à prendre place dans l'une ou l'autre barque, et Taurgil et ses amis se firent amener sur l'Ile des Visions. Ils visitèrent brièvement le grand bâtiment qui en occupait le centre, avant de prendre place dans une grande pièce servant tout à la fois d'auditorium et de sauna. Présentement, les bains de vapeur étaient fermés, mais la température restait assez bonne. La pièce, carrée, comportait des bancs en terrasses sur trois côtés et des escaliers aux angles, et elle pouvait probablement accueillir autour de deux cents personnes.

Les elfes s'éparpillèrent sur les bancs à différentes hauteurs, le plus souvent en petits groupes, et Vif et ses amis furent laissés à eux-mêmes. Ils se placèrent plus ou moins au centre de l'auditorium, à des hauteurs diverses selon chacun. Lorsque tout le monde fut installé, Lothwen et Nestador arrivèrent et restèrent debout face aux gradins et à ses occupants. Rob pouvait nettement percevoir la lumière intérieure qui émanait d'eux et qui caractérisait les anciens elfes ayant vécu en Aman et qui avaient baigné dans la lumière des arbres de Valinor... Ils saluèrent alors elfes et aventuriers, expliquant brièvement la présence de ces derniers par des buts communs et des synergies possibles. Puis ils invitèrent chaque membre de l'équipe à se présenter individuellement aux membres de la Loge du Réveil. Les deux elfes avaient parlé en sindarin, et à une question qui leur fut posée ils indiquèrent que tous ici pouvaient comprendre la langue commune, le ouistrain, mais que certains elfes étaient bien plus à l'aise avec le sindarin et l'utiliseraient probablement. Il faudrait donc aux amis de Vif, qui maîtrisaient tous cette langue, lui traduire certains échanges à elle qui ne la comprenait pas vraiment. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit pour elle de parler, plus tard, Lothwen utilisa un sort afin de comprendre le parler félin de la Femme des Bois et de pouvoir le traduire aux membres de la Loge et aux aventuriers.

Taurgil et ses amis s'exécutèrent avec plus ou moins de facilité. Rob se présenta comme cuisinier du groupe, ce qui entraîna un certain nombre de questions par la suite : les elfes voyaient assez mal l'utilité d'un serviteur comme lui et surtout comment il pouvait survivre à des aventures un peu sérieuses. Mais ce fut peut-être Mordin qui cristallisa le plus de questions et de tensions. Il faut dire que l'un des elfes présents dans le groupe était un ancien forgeron elfique qui n'avait toujours pas digéré de fuir les armées de Sauron et de se retrouver face à la porte de Khazad-Dûm (la "Demeure des Nains") fermée. Bref, les tensions entre elfes et nains étaient parfois encore bien palpables, et beaucoup s'étonnaient de voir un groupe aussi bigarré avec des membres d'autant de cultures différentes, et qui semblaient vivre en bonne entente. Isilmë expliqua, entre autres arguments, les bienfaits de l'humour pour arriver à dépasser les différences entre eux.

Taurgil, plus à l'aise à l'oral que beaucoup de ses compagnons, détailla également leurs aventures passées à la demande de Nestador. Tandis que l'intérêt et le respect des elfes pour les aventuriers n'arrêtaient pas de grandir, même si parfois ils se teintaient d'une certaine dose d'incrédulité, la mission du groupe dans le Grand Nord se précisa. Le Dúnadan, s'il ne donna pas tous les détails faute de temps, n'omit aucune information importante afin de faire comprendre à leurs hôtes l'importance de leur mission et la nécessité de les aider. Car au final il s'agissait bien de cela : le groupe était venu pour trouver toute l'aide possible pour leur mission, sous toutes les formes possibles, tangibles ou non. Car se retrouver au centre de l'attention de trois puissants Maiar - Tevildo, Eloeklo et Durlach - était une chose que les habitants de la vallée pouvaient appréhender : certains des leurs étaient morts sous les attaques de deux de ces créatures, aussi n'avaient-ils pas besoin de beaucoup d'imagination pour comprendre les périls qui menaçaient le groupe...

Et le dernier Maia du trio - Tevildo - eut droit à sa part de gloire afin de mettre les elfes au courant de ses capacités et de son influence concrète. En fait, de savoir qu'il était peut-être présent de manière distante à travers Vif ou ses amis en inquiéta plus d'un, même si Nestador se voulut rassurant. La vallée des Brumes Éternelles était imprégnée de la magie de Yavanna qui avait un certain pouvoir sur le Prince des Chats. Peut-être était-il aux écoutes, mais ses capacités à prendre le contrôle d'un voire plusieurs aventuriers devait être limitée. D'autant que, comme le précisa Taurgil, c'était peut-être là sa faiblesse : à force de se lier à divers enfants d'Ilúvatar comme les aventuriers, sans oublier d'autres qu'eux comme Tina ou encore Míriel, fille de Narmegil et Neniel, le pouvoir de Tevildo se diluait et il était plus vulnérable. La manière de se débarrasser de lui restait complètement ouverte, néanmoins.

3 - Aides multiples et variées
La question fut donc bientôt posée en termes concrets : de quelles manières les elfes des Brumes Éternelles pouvaient-ils aider cette bande de sept humains, elfe, nain et hobbit ? Dans un premier temps, répondant à certaines questions très concrètes, les elfes de la Loge s'appliquèrent à préciser quelles aides ils n'allaient pas fournir. Aller chercher les artefacts gardés par Eloeklo sur la montagne où s'étaient écrasés de précédents aventuriers ? Il ne fallait pas y compter. Prêter au groupe d'aventuriers la larme de Yavanna remise par Radagast à Nestador et à ses pairs ? Hors de question. Les laisser gérer la gemme maléfique qu'ils transportaient et dont ils se seraient bien passés, l'Ulûkai de Morgoth ? Même pas en rêve. Bref, Nestador et Lothwen furent assez clairs sur certaines choses : chaque groupe avait ses missions, et il n'était pas question pour quiconque de se reposer entièrement sur l'autre, même si les objectifs étaient communs. Si, dans le cadre de leurs compétences et sans mettre de côté leurs propres objectifs, les Noldor présents pouvaient aider les aventuriers, très bien. Si ces derniers souhaitaient bénéficier de visions et aller récolter des larmes de Yavanna pour en faire profiter la Loge, pourquoi pas, si Irmo le voulait ainsi. Mais Nestador n'allait pas demander à Taurgil et ses amis de faire son travail, et inversement.

Par contre, en raison de la magie de Yavanna bien puissante dans la vallée, il était envisageable de déposer la gemme maudite de Morgoth dans les environs, dans un bosquet d'arbres de la Reine de la Terre par exemple. Dans la mesure où ce n'était pas définitif... Ce qui était déjà une marque de grande confiance et une sacrée épine en moins dans le pied des aventuriers. Mais par contre, la larme de Yavanna qui neutralisait l'Ulûkai devait rester en contact avec la gemme pour annuler ses pouvoirs... Mais ici, elle serait bien protégée, y compris des divinations magiques. Par contre, Nestador demanda au Dúnadan de gérer entièrement l'enfouissement de la gemme : le moins les elfes présents étaient impliqués, le mieux ce serait. Ils partaient parfois pour leurs missions dans le Grand Nord et il n'était pas impossible de penser que l'un ou l'autre pourrait faire de mauvaises rencontres et se voir soutirer des parcelles de son savoir...

Les elfes de la Loge avaient une longue expérience du Grand Nord, mais ils n'étaient ni les premiers ici, ni les seuls à pouvoir aider et renseigner les aventuriers. Et Nestador ou Lothwen détaillèrent les sources d'aide possibles qui leur venaient en tête. Il y avait les Lossoth, bien sûr. Et les elfes de la Loge précisèrent par exemple, à la surprise de certains des aventuriers, que les Hommes des Neiges, aussi "primitifs" furent-ils, avaient développé des armes particulièrement efficaces pour combattre les dragons, et réservées à leurs sages... voire à d'autres personnes que les esprits pourraient indiquer. Contrairement à la majorité des possessions des Lossoth, qui pouvaient être partagées par les familles ou clans entiers, ces armes étaient créées ou transmises de manière individuelle, au cours d'un rituel compliqué qui établissait un lien spécial entre l'arme et son possesseur. Sans ce lien, l'arme ne pouvait pleinement servir - a priori.

Et tant qu'à parler de dragons, il fut question de ces derniers, et d'un en particulier, sans doute le plus dangereux de tous... mais également celui susceptible d'être le plus utile : Canadras ("Quatre Cornes"), qui vivait à la pointe de montagnes du même nom, dans un ancien palais de glace abandonné peu auparavant par les elfes des neiges (Lossedhil). Ce dragon n'était pas d'une grande gêne pour les peuples libres, même si les nains - et en particulier Galgrinic, chef de leur colonie de Vasaran Ahjo ("Forge du Marteau" en labba) - n'étaient peut-être pas du même avis. En effet, ce dragon ailé était peut-être le plus grand érudit du Grand Nord. En plus de connaître tous les dragons et autres personnages importants de la région, il prenait grand soin, chaque fois qu'il en avait l'occasion, d'hypnotiser une victime qui croisait son chemin pour aller espionner les peuples libres et lui rapporter son savoir, avant de la manger. Les connaissances étaient pour lui plus précieuses que les trésors physiques, ce qui ne l'empêchait pas à l'occasion de dévaliser quelque voisin. D'où la présence du marteau de Galgrin dans son antre, artefact enchanté du père de Galgrinic, ce qui expliquait la grande haine que lui vouait son fils. Néanmoins, malgré ses pouvoirs redoutables, ce dragon n'était pas un guerrier et il n'était aucunement une menace pour Eloeklo ou Durlach. Et contre d'autres savoirs de qualité, peut-être serait-il disposé à partager certains des siens...

Les Lossedhil, ou "elfes des neiges", furent également abordés. Ils avaient fui la Forêt Sombre lorsqu'un prince sinda, Oropher (père de Thranduil), avait choisi pour royaume les terres sauvages au sud des Montagnes Grises et à l'est des Monts Brumeux, au grand dam de ces elfes sylvestres qui ne voulaient pas d'un roi sinda. Après avoir erré dans le Grand Nord, ils avaient fini par fonder la cité de Helloth ("Fleur de Glace"), loin au nord, là où ne pousse aucune plante ni ne vit aucun animal. Mais le lieu abritait un fragment d'une ancienne lampe de lumière des Valar, lampe brisée par Morgoth bien avant que les arbres de lumière n'éclairent le monde. A l'aide de leur magie, ces lossedhil avaient façonné une cité de glace autour de cet éclat lumineux dont les lumières pouvaient parfois être vues dans le ciel jusque très loin au sud. Eux aussi connaissaient bien le Grand Nord, qu'ils parcouraient régulièrement en petits groupes. La cité était dirigée par Losp'indel, épouse de K'elecktor, tué par des dragons en 1545 du Troisième Âge. Malgré leur éloignement, ces elfes connaissaient bien le Grand Nord et ses habitants.

De nombreuses autres informations furent partagées, par exemple concernant les plus puissants habitants de la région. Durlach et Eloeklo en étaient les plus dangereux avec Jäänainen, la Dame du Froid ou Sirène de Glace, et les elfes donnèrent aux aventuriers l'expérience qu'ils avaient eue de leurs rencontres avec les deux premiers, entre autres choses. Le Démon du Vent du Nord, par exemple, semblait aveugle d'une certaine manière, et il utilisait d'autres sens tels que l'ouïe ou l'odorat pour repérer ses victimes. Ils évoquèrent aussi divers personnages, comme Inhael Eketta, ce vieux rôdeur d'Arthedain qui passait son temps dans le Grand Nord. Mais ils ne le connaissaient pas beaucoup, il n'était jamais arrivé chez eux. Certains d'entre eux l'avaient peut-être croisé et ils en avaient entendu du bien. Ils parlèrent aussi de Striuk'ir, un lossedhel ("elfe des neiges") solitaire et particulièrement habitué et résistant au froid, au point d'en oublier que les autres n'étaient pas comme lui. C'était un grand rôdeur et pourchasseur des anciennes créatures malfaisantes de Morgoth dans la région.

4 - Le Puits de Morgoth
Mais s'il y avait un site qui intéressait particulièrement le groupe, c'était Eithel Morgoth ("Puits de Morgoth"), prison du balrog Durlach et reste des anciennes forges d'Angband. Les aventuriers savaient qu'ils y mettraient tôt ou tard les pieds (et le reste) vu l'intérêt que Tevildo et Eloeklo y portaient. Le site avait vu la naissance de nombreux artefacts maléfiques, et il semblait que certains, comme le Kuilëondo ou l'Ulûkai, ne pouvaient être détruits que là. Et c'était bien ce que les deux Maiar escomptaient, l'un pour se libérer de sa prison et l'autre pour lui fournir assez d'énergie magique pour retrouver un corps et sa liberté. Les Noldor de Brumes Éternelles étaient passés là, ils avaient survécu à une mauvaise saison dans le Grand Nord grâce à la chaleur du lac de lave au cœur du site, mais ils y avaient perdu leur chef, Thilgon, tué par le prisonnier des lieux. Car Durlach, s'il était la plupart du temps inactif, semblait percevoir toute présence dans le Puits. Pire encore, il absorbait la magie employée sur place, la rendant plus difficile à utiliser, et s'en servait pour regagner des forces et sortir du puits de lave. Il déchaînait alors ses pouvoirs de destruction avant de devoir revenir dans le lac de lave pour regagner ses forces. Il ne pouvait rester actif plus d'une heure ou deux peut-être, mais c'était amplement suffisant pour tuer quiconque se trouvait sur son chemin.

Nestador décrivit le Puits, profond d'environ un mile (~ 1,6 km), large d'une quarantaine (~ 65 km) d'est en ouest et long d'une cinquantaine (~ 80 km) du nord au sud. De nombreuses fumées toxiques s'échappaient du lac en son centre et étaient poussées par les vents dominants vers le sud, aussi fallait-il descendre dans la caldera par le nord. Par temps clair, de jour, la colonne de fumée qui s'échappait de là pouvait être visible à près d'une centaine de miles, et de nuit, le rougeoiement de la lave pouvait parfois être perçu à la moitié de cette distance. La neige qui était soufflée au-dessus d'Eithel Morgoth fondait pour l'essentiel et tombait sous forme de pluie, voire s'évaporait près du centre, lorsque la chaleur devenait grande. Le lieu avait la structure d'un grand cratère dont l'intérieur comprenait des zones concentriques aux pentes variées, comme des terrasses aux propriétés différentes.

Le Puits commençait sur l'extérieur par une falaise presque verticale d'une portée de flèche (~ 100 m) de hauteur environ. La paroi était truffée de rochers pointus et tranchants couverts de glace plus ou moins glissante, et elle était quasiment impossible à escalader sans corde. Il existait certaines voies un peu moins difficiles à grimper, mais très difficiles à percevoir en raison du brouillard qui imprégnait les zones extérieures. En bas de la falaise commençait une zone que Nestador appelait le "cercle gris" car il était composé de rochers et éboulis divers sur lesquels poussait un lichen gris. Cette zone faisait entre deux et trois miles de large et était en pente assez modérée ne nécessitant pas de compétence particulière. La température était le plus souvent très légèrement supérieure à celle du gel de l'eau, et l'endroit était noyé sous les brumes. Puis venaient plusieurs zones ou "cercles verts", appelés ainsi en raison de la végétation plus ou moins abondante qui y régnait.

Ces "cercles verts" étaient tous en pente douce et couvraient une zone concentrique large d'environ une quinzaine de miles (~ 24 km). A l'extérieur, la température était fraîche et ne permettait pas à une grande variété de végétaux de pousser, d'autant que l'endroit était à peu près dépourvu d'insectes pollinisateurs. Plus près du centre, la chaleur était supportable à condition de pouvoir bien se désaltérer. Les végétaux se faisaient progressivement plus nombreux : les touffes d'herbe devenaient prairie, la sauge envahissait toute la zone, accompagnée par des buissons voire des pins rabougris et des sapins. Les elfes de la Loge avaient plantés là un certain nombre d'arbres de Yavanna. Ils n'atteignaient pas la hauteur qu'ils avaient dans la vallée d'Uichith où elfes et aventuriers se trouvaient, mais néanmoins ils arrivaient à vivre ou survivre. Durlach semblait incommodé par leur présence et il évitait la zone des arbres. Plus près du centre, là où il faisait trop chaud pour les arbres, en revanche, il était susceptible de s'aventurer pendant ses phases de réveil. Aussi les Noldor avaient-ils établi des protections magiques sur une zone concentrique au sein de ces "cercles verts", non pour se protéger du démon mais pour empêcher les éventuels visiteurs d'aller plus loin et de trouver une mort presque certaine, sans parler de nourrir le balrog avec de la magie. La tombe de leur ancien chef Thilgon était également présente à cet endroit, au nord.

Les "cercles verts" laissaient alors la place aux "cercles de la mort", en commençant par une zone à la pente plus raide, d'environ 45°. Là, la végétation disparaissait bien vite sous la chaleur, difficile à supporter très longtemps sans protection et sans eau, qui n'arrivait plus jusqu'ici. Par ailleurs, le sol était parsemé là d'anciennes projections de lave durcie. Ces projections, bien que peu fréquentes, provenaient des éruptions du lac de lave, elles-mêmes liées à des explosions de colère de Durlach. La zone était également parsemée d'ouvertures vers les anciens souterrains d'Angband, certains bloqués par de la lave durcie mais pas tous, et parcourus encore par d'anciennes créatures de Morgoth tels que des trolls ou de mauvais esprits, spectres et autres abominations. Puis la pente se transformait en paroi verticale, formant un puits où la chaleur était impossible à supporter sans magie et où respirer n'était normalement plus possible, magie exceptée là encore. D'autres ouvertures parsemaient la paroi mais étaient très souvent obturées. La falaise aboutissait à une zone en pente douce couverte de brumes rougeâtres et toxiques, d'où émergeaient les ruines d'anciens grands portails en partie inaccessibles, probablement les entrées des anciennes forges d'Angband. Enfin, au centre, le lac de lave et son mortel prisonnier attendent d'éventuels intrus pour les consumer et les engloutir. Lac de lave dont le niveau semblait régulièrement monter et menacer d'engloutir, à terme, les protections magiques qui maintenaient le prisonnier à sa place, d'après les visions de Nestador...

5 - Au bazar du forgeron elfique
Malgré ce tableau peu reluisant, Taurgil et ses amis comptaient bien faire une première approche du site pour mieux appréhender les tâches qu'ils auraient à accomplir à l'avenir. Aussi demandèrent-ils également à Nestador, Lothwen et les leurs toute l'aide matérielle ou magique qu'ils étaient susceptibles de leur fournir. En effet, face à de telles difficultés, le matériel sur lequel ils pouvaient compter pouvait faire toute la différence entre la vie et la mort. Et comme les Noldor présents ici comportaient d'anciens forgerons elfiques d'Eregion, les aventuriers, même sans s'attendre à recevoir en cadeau des artefacts du Premier Âge, espéraient du matériel d'excellente facture que seuls des elfes ou nains au sommet de leur art pouvaient faire, et saturés des magies les plus pratiques et puissantes... ou pas.

Car un matériel normal mais d'excellente qualité était parfois tout ce dont Vif et ses amis avaient besoin : des cordes solides et légères pour permettre de descendre dans le Puits de Morgoth par exemple, ou du lembas, le pain de route des elfes, qui encombrait extrêmement peu et était particulièrement nutritif en plus d'avoir excellent goût. Sans parler de tous les vêtements et autres équipements de base pour pouvoir survivre sans mal dans le Grand Nord, s'y déplacer et se reposer, et en bref ne pas avoir besoin de se soucier de choses basiques propres à détourner une énergie dont les aventuriers avaient grand besoin pour autre chose, comme de survivre à des rencontres avec des esprits puissants et agressifs, par exemple.

Bien entendu, une confrontation avec de telles entités étant toujours à l'ordre du jour, malgré le côté suicidaire de la chose, l'équipement magique prenait ici tout son sens. Comment en effet espérer se battre avec des démons dont la seule proximité pouvait vous glacer les os - de manière très littérale - ou vous transformer en tas de cendres ? Les Noldor pouvaient en effet fabriquer des vêtements ou autres babioles magiques pour permettre à Taurgil et ses amis de survivre à des environnements mortels pour les êtres vivants même les plus endurcis, sous oublier d'aider à résister à des agressions de toutes sortes. Pouvoir soigner et guérir les blessures les plus graves ne fut pas oublié : Nestador était réputé être le meilleur guérisseur présent en Terre du Milieu, et il était capable de concocter des potions aux vertus médicinales miraculeuses. Pour ne rien dire des préparations et stimulants pour permettre à des aventuriers de donner encore plus que le meilleur d'eux-mêmes.

Pourtant, une autre catégorie d'aide intéressait peut-être encore plus Vif et ses amis que des cordes magiques, des armures enchantées ou des anneaux de puissance. Le groupe n'oubliait pas qu'à une exception près, tous ses membres étaient particulièrement vulnérables à l'influence de Tevildo, sans parler des pouvoirs magiques ou hypnotiques de dragons et de quantité de créatures vivant dans la région. Tous les moyens de renforcer la volonté des aventuriers était donc bons à prendre, car ils n'auraient pas forcément, ou en tout cas pas forcément tous, une larme de Yavanna pour protéger leurs pensées et leurs décisions. A défaut de larme, la magie protectrice de la Reine de la Terre était présente en quantité moindre dans le bois du cembereth, son arbre purificateur. Des objets taillés dans ce bois, sans même y ajouter quelque magie que ce fût, seraient donc déjà une aide précieuse. Et si cela ne suffisait pas pour empêcher la possession de la féline Femme des Bois par son lointain parent, quelques objets spécifiquement destinés à combattre Vif ou d'autres félins furent envisagés...

Si Drilun et ses amis auraient bien passé commande d'une liste d'objets plus longue que le plus long bras du plus grand des géants, ils n'ignoraient tout de même pas que tant la bonne volonté de leurs hôtes que le temps dont ils disposaient étaient limités. Malgré leur expérience et leur ancienneté, les elfes de la Loge ne pouvaient pas créer d'objets magiques ou d'équipement de qualité sur un claquement de doigts, et ils n'avaient pas non plus un stock d'artefacts pour les occasions - ô combien courantes - où des aventuriers venaient les solliciter pour qu'ils les aident à sauver le monde. Ne parlons même pas de l'activité auxquels se livraient leurs ennemis - venus de Dol Guldur ou d'ailleurs - et leurs partenaires de circonstance (Tevildo, Eloeklo...) : tout délai pouvait se transformer en quelques méchantes petites surprises de la part de leurs adversaires présents ou à venir, dont l'un d'eux les espionnait en permanence...

6 - Repos et préparatifs
Les sept amis firent donc une liste des équipements dont ils souhaitaient disposer et que les Noldor étaient susceptibles de leur fournir. Certains étaient prioritaires par rapport à d'autres, mais surtout, même si la qualité la meilleure possible était recherchée, les aventuriers n'avaient pas défini le niveau de finition exact - matériel ou magique - de chaque objet. Tout simplement, ils souhaitaient que leurs hôtes fassent de leur mieux dans le temps dont ils disposeraient. Quitte à ce que peut-être certains objets moins importants ne soient pas terminés voire commencés dans l'immédiat, mais susceptibles d'être fournis lors d'une future visite peut-être, lorsque des besoins plus spécifiques se feraient sentir...

Et question temps, justement, de combien de jours disposaient les elfes ? Taurgil et ses amis ne souhaitaient pas s'attarder trop, moins d'une dizaine de jours a priori. Ils comptaient dans un premier temps aller visiter le site d'Eithel Morgoth qui était proche de la vallée des Brumes Éternelles, avant de revenir. Puis ils quitteraient à nouveau les elfes pour revenir honorer une promesse aux Lossoth, et voir si leur équipe allait s'étoffer avec la venue d'un huitième membre, Dwimfa. La suite de leurs aventures restait ouverte et méritait plus de temps de réflexion, même s'il était très fortement envisagé d'aller voir du côté de chez Eloeklo - restait à savoir quand, et comment.

Après encore bien des discussions, qui ne risquaient pas de s'en arrêter là, elfes et aventuriers quittèrent l'île. Certains des Noldor prirent les mensurations de leurs invités afin de pouvoir fabriquer vêtements ou armures. Malheureusement, ils ne disposaient plus de cuir de dragon pour équiper le groupe, ce dont Geralt fut fort marri, lui qui espérait se couvrir intégralement d'une telle carapace protectrice contre les coups, le feu et le froid. Libre à lui d'aller abattre un de ces vers pour fournir la matière première. En revanche, les os et cornes de dragon ne manquaient pas. Plus tard, les aventuriers visitèrent un cimetière de dragons pour l'émerveillement de Drilun, dont on aurait presque pu croire qu'il allait marcher sur sa langue. En effet, une terrible bataille avait eu lieu là peu après la fondation de la Loge, bataille où Óleth, leur chef d'alors, avait péri, ainsi que moins d'une vingtaine d'autres Noldor. Un nombre tout aussi grand de vers avaient succombé là, un peu au nord-est de la vallée, dont il ne restait à présent plus que les squelettes. Les dépouilles de leurs amis tombés reposaient là, dans des petits tertres funéraires, et les elfes d'Uichith avaient placés de telles défenses magiques pour protéger le lieu que les dragons évitaient désormais soigneusement l'endroit.

Sans déranger les elfes de Brumes Éternelles, le groupe choisit un emplacement de la vallée pour enterrer discrètement l'Ulûkai de Morgoth avec la larme de Yavanna collée à lui. En prenant bien soin de marquer l'endroit pour revenir achever leur mission plus tard, et enfin détruire ce maléfique artefact, si possible sans utiliser sa magie au bénéfice de Durlach, Eloeklo ou tout autre esprit du même genre. Les arbres de Yavanna étaient nombreux à cet endroit, ce qui était une garantie supplémentaire pour la tranquillité de cet artefact. Vif attendait d'ailleurs un collier fait du bois de cet arbre, afin de mieux pouvoir résister à l'influence de son "patron", et elle n'était pas la seule qui serait équipée d'une babiole taillée dans ce matériau. Nestador leur avait également promis une ou deux potions pour affermir leur volonté en cas de besoin, contre Tevildo ou d'autres.

A l'aide d'une carte du Grand Nord remise par les elfes, Taurgil étudia leur prochaine étape, tandis que Geralt profitait de leur liberté pour se reposer, comme à son habitude. La lionne magique en faisait autant dans le plus grand cembereth qu'elle avait pu trouver. Rob tâchait d'en apprendre plus sur la flore locale et de nouvelles recettes possibles, tandis que Mordin se demandait encore ce qu'il faisait là, au milieu de tous ces elfes. Isilmë choisissait de passer du temps avec l'archer-magicien dunéen du groupe, qui était soumis à une intense réflexion : avec tout l'os et la corne de dragon à sa disposition, que pouvait-il faire pour aider au mieux ses amis et lui ? Il soupira en pensant à ces forgerons elfiques qu'il avait toujours rêvé d'égaler voire de dépasser, et qu'il côtoyait à présent, comme à Fondcombe. Que n'avait-il plus de temps à leur consacrer, au lieu de toujours courir à droite et à gauche pour sauver ses amis et lui, ou la Terre du Milieu...
Modifié en dernier par Niemal le 04 août 2021, 09:23, modifié 1 fois.
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Grand Nord - 12e partie : loups et dragon

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1 - Changements et matériels
Le groupe choisit de rester une journée entière sur place avant de reprendre la route. Rob et Vif, en particulier, souhaitaient apprendre à entrer et sortir de la vallée de Brumes Eternelles par d'autres voies que celle qu'ils avaient suivie pour arriver. Ils apprirent ainsi qu'il y avait cinq entrées principales dans la vallée, toutes fortement gardées par de puissantes magies. En plus de celle au sud-ouest, qui longeait la côte ouest de la baie de Pitkävesi ("Longue-Eau" en labba), quatre autres étaient présentes :
- une au sud-sud-est qui permettait d'arriver sur la rive est de la baie
- une au nord-est, près du cimetière des dragons, amenant au pied des Ered Úmarth, les "Montagnes Funestes"
- une au nord-ouest, au pied de la chaîne des Ered Rhivamar, les "Montagnes du Bout du Monde"
- une à l'ouest, au milieu de l'épaisse forêt couvrant les terres entre montagnes et baie

Mais au-delà de l'apprentissage des secrets de la vallée, des échanges eurent lieu avec les elfes au sujet de l'équipement qu'ils préparaient pour le groupe. Ces échanges modifièrent les priorités de certains aventuriers, tandis qu'il était décidé de laisser plus de temps aux elfes afin de permettre d'avoir plus de matériel ou de meilleure qualité. Les forgerons de la Loge prévinrent tout de même leurs invités que pour faire des objets aussi puissants en aussi peu de temps - une douzaine de jours tout au plus - la magie utilisée pour fabriquer ces objets serait tout sauf subtile. Autrement dit, la plupart des artefacts créés porteraient une signature magique tellement claire que n'importe quel utilisateur de magie un minimum expérimenté, comme les dragons ou esprits anciens, pourraient suivre le groupe à distance à des lieux à la ronde. Néanmoins, certains objets pouvaient être réalisés le jour même sans utiliser de magie, leurs pouvoirs provenant du bois de cembereth, qui conférait protection et résistance contre influences néfastes et magie noire.

Ainsi, tous les aventuriers porteraient des colliers faits dans ce bois enchanté. Mais certains commandèrent aussi des boucliers en un tel bois ou en os de dragon, ou des sacs ou tissus en fibre de cembereth pour masquer la magie des objets voire personnes enveloppées dedans. Des vêtements légers extrêmement chauds, particulièrement adaptés aux températures glaciales du Grand Nord, furent également taillés dans la journée. Des capes elfiques permettant de disparaître à la vue d'éventuels observateurs, des bottes capables de marcher sur la neige la plus fine sans la briser, des objets divers améliorant les compétences magiques ou autres de leurs porteurs... nécessitaient les douze jours pour être tous prêts. Des onguents et potions diverses, des colliers ou serre-têtes améliorant la résistance aux influences les plus diverses, ne furent pas oubliés. Sans oublier des protections magiques contre les armes ou les éléments, une épée enchantée, ou des flèches magiques contre dragon, félins, ou même Vif dans l'hypothèse où elle deviendrait le jouet du Seigneur des Chats. Et les Noldor pouvaient également fournir corde elfique et pain de route (lembas) en quantité limitée. Mais il faudrait encore du temps pour fournir tout ça.

Nestador et les siens acceptèrent aussi d'entreprendre la création de quelques objets plus longs et difficiles à réaliser, en particulier contre l'influence de Tevildo. Taurgil et ses amis se dirent qu'ils comptaient bien revenir une deuxième fois d'ici un mois, ce qui permettait de faire des objets vraiment exceptionnels. Vif, pour sa part, demanda aux Noldor de la Loge du Réveil de voir s'ils pouvaient lui confectionner une armure adaptée à son corps de félin magique, à partir de cuir et de bois de cembereth. Elle disposait déjà d'un harnais de cuir solide lui permettant de porter quelques petits objets voire de pouvoir avaler des drogues ou potions diverses sans demander l'aide de personne. Mais hormis cela elle pouvait difficilement profiter des compétences d'artisanat magique de leurs hôtes, et l'armure serait la bienvenue face à des ennemis comme dragons et puissants Maiar ou autre entités destructrices.

Au bout du compte, le groupe reçut les présents de colliers de cembereth ou les vêtements extrêmement chauds qui leur permettaient de voyager dans les contrées glacées comme s'ils étaient en plein été. Vif était la moins bien protégée, même si sa fourrure magique lui permettait tout de même de résister au froid encore mieux qu'un elfe. Puis le groupe reprit le même chemin qu'ils avaient déjà emprunté en sens inverse : ils iraient en premier vers le sud-ouest pour aller voir les Lossoth, avec qui une entrevue avait été prévue de longue date. Ils comptaient bien savoir ce que les esprits protecteurs des Hommes des Neiges auraient dit concernant la participation de Dwimfa à leur groupe, espérant donc pouvoir l'accueillir comme le huitième membre du groupe, au même titre que Bronwyn l'avait été un long moment lors de leurs aventures dans le Rhovanion. Ensuite seulement iraient-ils voir du côté du Puits de Morgoth, sans oublier la récupération possible d'artefacts gardés par Eloeklo au sommet des montagnes où il était prisonnier, et où les amis de Dwimfa avaient trouvé la mort.

2 - Blizzard bienvenu
Les sept amis prirent donc congé des elfes trois jours après leur arrivée sur place, au petit matin. C'était bientôt la fin du mois de Narbeleth ("soleil faiblit", en langue elfique), le premier mois de l'automne. Là où ils étaient dans le Grand Nord, le soleil était encore loin d'être levé. Les aventuriers franchirent donc geysers, forêt, falaise et souterrain dans l'obscurité, avant de retrouver une mare d'eau magique dans laquelle ils respiraient sans mal et ne pouvaient plus nager. Ils prirent alors l'escalier pour en sortir, et se retrouvèrent dans une forêt portant des traces de dégradations de dragon, sous une pluie glaciale. Car il semblait que le temps était vraiment mauvais, avec des chutes de neige assez denses qui se transformaient en pluie sous l'effet de la chaleur des geysers et sources d'eau chaude de la vallée de Brumes Eternelles (Uichith).

Le groupe longea alors la côte proche en bordure de la baie qu'ils avaient suivie à l'aller, du nom de Pitkävesi ("Longue-Eau") dans la langue des Lossoth. Ils progressaient sous le couvert des arbres d'une forêt de pins clairsemée, à une portée de flèche d'une zone plus basse et plate sur leur gauche, entièrement recouverte de neige sauf pour une zone un peu lointaine. La baie de Longue-Eau était en effet complètement prise par les glaces sur lesquelles la neige était tombée. Seule une petite zone en son centre était encore libre du gel, dénotant le passage d'eaux plus tièdes provenant du lac d'eau chaude de la vallée. Rapidement, le groupe dut remettre les raquettes - de nouvelles avaient été fournies par les elfes, et de qualité - afin de poursuivre sur la neige de plus en plus épaisse qu'ils trouvaient sous leurs pieds. La tiédeur de la vallée d'Uichith se faisait de plus en plus lointaine, le temps était de plus en plus froid, et la férocité du blizzard qui leur soufflait tout autour de plus en plus forte. Heureusement le vent venait du nord, alors qu'ils progressaient vers le sud-ouest.

Ils avancèrent donc avec lenteur, le hobbit (rejoint en fin de journée par l'archer-magicien) perché sur le dos de la lionne enchantée qui ouvrait la marche. Le moral de Geralt dégringolait plus vite que la neige face à la fureur des éléments qui noyait tout le paysage dans un flou grisâtre dans lequel seule la lionne arrivait à se repérer un peu, grâce à la côte proche. Pourtant les vêtements fournis par les elfes se révélèrent de grande qualité et tout à fait adaptés à la situation, certains qui avaient cumulé les épaisseurs avaient même presque trop chaud. Seule Vif se sentait quelque peu affectée par le froid, elle qui n'avait que sa fourrure, mais sa force et sa résistance étaient telles qu'elle ne ressentait qu'un peu d'inconfort et ne risquait pas de tomber malade ou d'avoir des engelures pour si peu.

Et puis, surtout, ce temps les masquait parfaitement aux sens d'éventuels observateurs. Les elfes avaient prévenu avant leur départ que les dragons semblaient particulièrement actifs autour de la vallée pendant leur séjour. Mais dans un tel blizzard, qui n'avait rien d'exceptionnel pour la saison dans la région, même les sens particulièrement développés de ces créatures ne pouvaient rien. Et les sorts de Drilun lui permettaient de percevoir les déplacements de seulement quelques ongulés (rennes, élans..), divers loups, voire des lièvres progressant dans la neige à la recherche de nourriture. Ils n'allaient donc pas bien vite mais au moins étaient-ils bien tranquilles. Malgré le blizzard, les aventuriers sentirent également qu'il faisait un peu plus clair deux ou trois heures avant midi, puis autant après, et la nuit revint vite, si dense que les mortels avaient grand mal à distinguer leurs pieds. Ils poursuivirent néanmoins leur marche un long moment encore, avant de s'arrêter faire un abri de branchages et de neige tassée par les bons soins des rôdeurs du groupe. Puis Geralt plongea dans les délices d'un sommeil magique pour lui faire regagner son moral, et tous se reposèrent sans que la nuit n'apportât aucune alerte particulière.

Quand ils repartirent après peut-être sept ou huit heures de sommeil, le temps avait changé : il était plus froid, avec moins de vent, et surtout plus clair. Les étoiles étaient visibles, il ne tombait plus rien, et même s'ils progressaient sous le couvert clairsemé des arbres, ils savaient qu'ils étaient bien plus faciles à repérer de loin par des guetteurs ou espions, particulièrement ailés. Mais la journée se passa sans problème, la côte fit un coude vers le sud, ils purent observer le soleil se lever tardivement et rester bas sur l'horizon, avant de plonger à nouveau après cinq ou six heures seulement. Ils refirent un abri pour passer la nuit et Drilun se proposa pour prendre le tour de garde pendant qu'Isilmë se reposait, après quoi elle veillerait toute la nuit, comme à son habitude. Le Dunéen n'était pas un guetteur fantastique, mais il tenait à s'améliorer. De toute manière, lui et ses amis savaient que l'ouïe de la lionne était tellement fine qu'elle percevrait l'arrivée d'un éventuel danger avant lui, même endormie.

3 - Armée de loups et boucherie
Lorsque Drilun perçut les mouvements de Vif après seulement deux heures de sommeil environ, il se dit que des ennuis ne devaient sans doute pas être loin. Tout le monde fut bientôt réveillé et armé. La lionne enchantée grimpa dans un arbre un peu à l'écart de ses compagnons. Rob fit de même et s'installa du mieux qu'il put avec arc et flèches, tandis que ses compagnons se tenaient sous lui, dos à son arbre, en cercle. Ils étaient éclairés par le bâton magique du Dunéen et par l'aura lumineuse dont l'elfe s'était entourée. Il faisait froid mais clair, le ciel était toujours dégagé, et grâce à la réverbération de la neige l'obscurité n'était pas très gênante, plus ou moins l'équivalent d'une aube sombre ou d'un léger crépuscule.

Petit à petit, tout le groupe vit arriver des nombreuses paires d'yeux qui réfléchissaient un peu la lumière dont ils étaient entourés, et le reste des corps suivit. C'était une meute de loups blancs, très gros, de la taille de wargs. Ou peut-être était-ce plus qu'une meute car hormis dans les armées d'Angmar ou du Nécromancien, les aventuriers n'avaient jamais vu autant de loups ensemble : ils étaient environ une soixantaine, et avaient l'air bien féroces et déterminés. Une dizaine d'entre eux coururent à l'arbre dans lequel Vif était perchée, mais pas plus, à son grand dam, tandis que les autres encerclaient entièrement le groupe. Au départ très discrets, les loups finirent par hurler au ciel un bon moment, hors de portée des arcs du groupe. Ils arrêtèrent leurs hurlements après un moment, puis, dans une belle coordination, ils foncèrent sur le cercle d'aventuriers au pied de l'arbre où le hobbit était monté. De son côté, la féline Femme des Bois descendait de son arbre à une distance assez faible pour inciter les loups à sauter et essayer de la mordre. Peu arrivaient à sa hauteur et ils n'arrivaient pas à lui faire mal, mais chaque fois elle lançait sa patte griffue et faisait voler une tête plus loin.

Plus loin, Rob tuait le premier loup d'une flèche tandis que ses amis attendaient de pied ferme avec leurs armes de mêlée. Et ce fut bientôt la curée, pour ne pas dire la boucherie. Le premier moment fut un peu plus difficile car les loups, portés par leur élan, pouvaient percuter les aventuriers même s'ils perdaient la vie une seconde auparavant, déséquilibrant certains parfois. Mais rapidement, aidés par le tir précis de leur petit ami plus haut, ils firent s'amonceler les corps de fourrure blanche tandis que Mordin, dans sa tête, calculait déjà les quantités de peau à récupérer pour pouvoir les échanger auprès des Lossoth. L'épée de Geralt virevoltait à toute allure et faisait voler les têtes, et même s'il était trois fois moins efficace, le bâton magique de Drilun les faisait exploser. Taurgil s'était aidé de sa magie de descendant de roi dúnadan et était presque aussi efficace que le balafré aux cheveux blanc, l'elfe était presque contrariée quand son ami hobbit lui retirait un adversaire de son épée, et le nain, un peu plus lent que les autres, était tout de même aussi efficace que son ami dunéen.

La meute de loups avait déjà perdu la moitié de ses membres quand Rob entendit que la lionne rugissait le même message félin lancinant depuis le haut de son arbre où elle était remontée, malgré la présence de quelques loups au pied de son perchoir. Après une dernière flèche, il se retourna pour regarder dans la direction à laquelle elle faisait face, son nez levé vers le ciel. Et bientôt, pas très haut sur l'horizon, il lui sembla distinguer une forme ailée et assez grande arrivant dans leur direction avec une grande vitesse. Peu après, ce qu'il voyait fut confirmé par le cri d'un aventurier qui avait activé son tour d'oreille magique permettant de comprendre le parler félin : Vif criait sans arrêt "dragon dragon dragon dragon"... et il serait sur eux dans moins d'une vingtaine de battements de cœur ! Il avait probablement été alerté par les hurlements des loups et il venait profiter du festin qu'on lui offrait si gentiment...

Petit à petit, tandis que Rob se dépêchait de se laisser glisser au bas de son arbre, les derniers loups prenaient conscience de la nouvelle menace et se dépêchaient de fuir. Vif avait auparavant sauté à petite distance de son arbre à elle et les loups qui avaient commencé à la poursuivre avaient vite vu le nouveau danger et n'importunaient déjà plus le félin magique. Taurgil s'éloignait non loin de ses amis, gêné par l'épaisseur de la neige, car il n'avait pas pris le temps de remettre ses raquettes. Le hobbit en faisait autant et il était encore plus gêné, tandis que Geralt et Isilmë tentaient de s'enfouir sous les corps des loups abattus. Drilun se concentrait sur un sort, tenant fermement son bâton magique à la main, s'abritant derrière l'arbre d'où Rob était descendu. Mordin, quant à lui, sentait sa hache d'os de dragon le tirer vers la bête, vers un endroit de son dos peut-être, endroit qu'il n'arrivait pas à percevoir clairement. Il s'avança un peu vers le dragon et s'allongea sur le sol, dans la neige. Un peu plus loin, cachée par la végétation et en dehors du trajet du monstre, Vif observait et attendait.

4 - Nouveau venu et coup de foudre
Le dragon volait aussi rapidement qu'un oiseau de proie, juste au-dessus de la cime basse des arbres. Il était long de peut-être une quinzaine de pas, et ses écailles étaient de couleur bleue-grise. Tandis que, un peu à l'écart, Taurgil lançait des blagues douteuses à son encontre dans l'espoir d'attiser sa colère et de le faire venir sur lui pour épargner ses compagnons, d'autres comme la lionne enchantée observaient très soigneusement sa gueule pour l'instant fermée. Si un dragon était déjà en soi un adversaire assez formidable, ceux qui crachaient du feu l'étaient encore plus car ils pouvaient réduire une armée à néant sans recevoir autre chose que de malheureuses flèches. Flèches qui, faute de pouvoir atteindre un éventuel point faible, étaient souvent assez inutiles. Et le peu que Mordin avait partagé avec ses compagnons - sa hache spéciale avait un don magique pour détecter les trous dans les armures des dragons - n'aidait pas beaucoup : il fallait observer le dos de la bête, ce qui, depuis le sol, n'était pas une mince affaire !

Vif, donc, étudiait un éventuel signe de souffle magique, tout en guettant une possible faille dans l'armure du dragon, avec l'idée bien rodée d'attaque du dragon par derrière. Elle avait déjà pu constater qu'un gros félin apeuré - en apparence du moins - n'intéressait pas beaucoup les dragons, mais lui permettait assez facilement de sauter sur le dos de la bête si elle était à terre et occupée par quelqu'un d'autre. Et puis la féline Femme des Bois était la moins protégée contre les attaques puissantes, ne portant aucune armure d'aucune sorte hormis sa fourrure certes enchantée mais peu efficace contre les griffes, dents ou souffles des dragons ! Bref, attaquer de dos après avoir repéré le point faible du monstre était sa tactique favorite et elle ne comptait pas en changer !

Celle du rôdeur dúnadan ne porta pas ses fruits, et le dragon ne dévia pas sa trajectoire d'un pouce : il continua en direction de Mordin en peu en avant, et Drilun (derrière son arbre) auprès de Geralt et Isilmë, tous deux sous des corps de loups blancs. Taurgil changea de langue, se demandant si le dragon comprenait le ouistrain, et opta pour le sindarin, mais un peu tard peut-être. Quoi qu'il en fût, le monstre bleu-gris était presque au-dessus du nain quand les observateurs avertis virent sa gueule commencer à s'entrouvrir. Même si aucun feu, flamme ou fumée n'en sortait encore, c'était là un assez mauvais présage. Et bientôt, de la gueule grande ouverte du dragon surgit un nuage de particules de glace particulièrement froides en forme de cône, qui frappa en premier le nain, puis très peu de temps ensuite ses trois amis regroupés non loin derrière. Et si la glace ne représentait aucun risque pour personne, elle dénotait plutôt un froid si intense qu'il aspirait la vie de tout sur son passage, froid que le sort d'armure magique que le Dunéen avait lancé autour de lui ne bloquait aucunement.

Mais Mordin était particulièrement bien équipé avec les vêtements chauds des elfes. Cela, plus sa robuste constitution, firent qu'il ne se sentit guère incommodé, en tout cas bien moins que la fois où il avait plongé dans l'eau glaciale d'un marais, à leurs débuts dans le Grand Nord. Isilmë et Geralt, eux aussi bien équipés et la tête enfouie dans des fourrures de loup, supportèrent bien le souffle magique. Quant à Drilun, il en aurait sans doute les lèvres craquelées et quelques engelures pas trop méchantes, mais globalement il avait bien supporté l'attaque magique. Il laissa passer le monstre au-dessus de lui et relâcha enfin le sort qu'il avait préparé depuis un moment à l'aide de son bâton magique, et dans lequel il avait mis beaucoup de son énergie : un éclair puissant jaillit du bâton et frappa la créature, qui fit une embardée et s'écrasa au sol à une portée de flèche de distance, poursuivant son chemin sur le sol et renversant quelques arbres au passage. Puis le silence se fit.

Tandis que Vif, parallèlement à la trajectoire du dragon et toujours à distance, s'approchait de la bête avec précaution et discrétion, Isilmë et Taurgil avançaient en direction du monstre abattu. L'archère le faisait d'autant plus vite que sa magie d'elfe lui permettait de marcher facilement sur la neige, contrairement au Dúnadan qui s'enfonçait profondément dans la belle épaisseur de poudreuse. Mais bientôt l'amie de Drilun revint avec précipitation : si le coup de foudre avait surpris et fait chuter le monstre, il s'était vite remis sur ses pieds et n'avait l'air ni particulièrement blessé ni terriblement content de la tournure des événements. Il revenait pour prendre sa revanche, droit vers l'archer-magicien qui avait eu le temps de préparer son arc et d'encocher une flèche particulière, dont la magie lui permettait de trouver les failles dans les armures de dragon.

Les nouvelles moqueries et autres rodomontades du grand rôdeur du Rhudaur n'eurent toujours pas d'effet, même en sindarin. Le dragon avait semblait-il une dent (et quelle dent !) contre Drilun, qui restait sa destination première. Du coup ses amis prirent bien soin de s'écarter de lui : si le premier souffle magique avait été bien supporté, ils ne tenaient pas à recommencer l'expérience de sitôt. Par ailleurs, ses dents et ses griffes restaient des armes formidables, et, comme Vif, ses amis ne tenaient pas spécialement à combattre le monstre de face, mais plutôt de côté ou de dos. Dans tous les cas, arrivé à une douzaine de pas de l'archer-magicien, le dragon ouvrit grand la gueule... mais la referma aussitôt lorsque la flèche du Dunéen s'y engloutit. Malheureusement pour ce dernier, le monstre ne s'abattit pas, même s'il marqua le coup et oublia son souffle magique. Il avait certainement été blessé par le trait enchanté, mais cela ne parut pas l'indisposer plus que quelqu'un qui se coince une arête de poisson au fond de la gorge...

5 - Fuite et tromperie
Tandis que Drilun se préparait à recevoir les attaques du dragon, ses amis commençaient à prendre position autour de lui, tout en étudiant son dos du mieux qu'ils pouvaient pour y détecter un trou dans sa formidable carapace - malheureusement sans succès. La bête, peut-être secouée par ses deux récentes blessures et par l'incroyable culot ou confiance de ses adversaires, semblait hésiter. Elle essaya un moment de river ses yeux dans ceux de l'humain face à lui, comptant peut-être l'hypnotiser, mais sans effet : le Dunéen était bien protégé par de nombreuses babioles magiques, et il ne tenait pas spécialement à se perdre dans le regard enjôleur du dragon. Finalement, ce dernier choisit de bondir en l'air à l'aide de ses puissantes ailes, faisant voler la neige autour de lui, et s'éleva progressivement dans les airs en faisant de larges tours dont le groupe d'aventuriers était le centre, hors de portée de leurs flèches. Puis il obliqua brusquement en direction des montagnes, et disparut bientôt derrière la cime des arbres. Tous observaient le ciel tout autour, ou cherchaient à entendre le bruit éventuel de puissants battements d'aile, mais sans résultat aucun. Le dragon était parti pour quelque ruse ou pour de bon, mais personne ne pouvait dire quand ou comment il reviendrait.

Au bout d'un moment, il fut décidé de poursuivre la route vers le sud, au grand désespoir de Geralt. Néanmoins il se fit une raison, avec juste un "on va tous mourir" pour la forme, auquel ses amis étaient habitués. Puis ils repartirent dans la nuit, après avoir remis les raquettes, non sans au préalable une petite recherche de la lionne magique à la demande de son ami dunéen : elle fouilla la scène de l'atterrissage en catastrophe du dragon, et trouva effectivement ce que l'archer-magicien recherchait : une écaille du monstre. Drilun avait perdu une flèche tueuse de dragon, mais avec cette écaille il se faisait fort d'en fabriquer une nouvelle et spécifiquement destinée à tuer celui-là. Après quoi le groupe fut parti, dans la nuit et le froid. Mais il ne progressa pas longtemps avant que l'alerte fût donnée.

En effet, la forme d'un dragon de dessina bientôt dans le ciel face à eux, une forme qu'ils ne connaissaient que trop bien désormais et qui fonçait dans leur direction. Elle était même clairement visible, comme habitée par une certaine lumière en lui. Vif réagit immédiatement et annonça à ses amis, traduit par ceux qui pouvaient la comprendre, que c'était une ruse : le dragon avait certainement fait une illusion et il allait les attaquer par derrière ! Et effectivement, en se concentrant bien, elle parvint à percevoir à l'aide de son ouïe incroyable qu'une forme fendait l'air derrière eux et s'approchait à grande vitesse, trop bas sur l'horizon pour pouvoir la voir. Le groupe fit au départ comme s'il se focalisait sur la probable illusion face à eux, prenant position pour faire face à une attaque qui venait en fait dans leur dos.

Le vrai dragon arrivait du nord, au-dessus des arbres, après avoir pris beaucoup de vitesse. Manifestement, Drilun était toujours son objectif premier, et il ne dévia pas d'un pouce quand Geralt se rapprocha de la côte à la gauche du groupe, tandis que le reste du groupe, Dúnadan excepté, se plaçait à droite de l'archer-magicien, non loin dans les bois. Le sort de protection magique du Dunéen n'était plus actif, mais en revanche la magie du potentiel roi du Rhudaur était bien active, elle. Le rôdeur dúnadan se plaça entre le dragon et son ami magicien, afin de le protéger comme il pouvait. Lorsque tous purent entendre le bruit du vent que faisait le corps du dragon au ras des arbres, ils se retournèrent. Mais en fait de dragon, Taurgil et Drilun virent avant tout venir sur eux un cône de froid intense qui masquait complètement le corps de leur adversaire, et l'archer-magicien fut bien en peine de lui tirer dessus.

Au dernier moment, le dragon plongea entre les arbres, le corps à quelques pas de hauteur. Son souffle glacial gela l'air autour du Dunéen et du Dúnadan, voire même dans les poumons de l'archer-magicien, qui chancela sous la douleur. Les deux hommes se tenaient autour du tronc d'un arbre, et le dragon pivota sur le côté pour l'éviter... et donner un coup de sa puissante queue sur les deux frêles silhouettes dans la neige, comparées à la sienne. Mais ce faisant, il exposa son dos à la majeure partie du groupe, et Vif, Isilmë et Rob aperçurent clairement, à l'arrière du dos, une petite zone où une voire plusieurs écailles semblaient manquer. De son côté, Geralt voyait le ventre de la bête passer trop haut pour lui, mais en revanche une aile tombait presque au sol ; il fit un saut désespéré, avec ses raquettes, pour porter un coup de sa terrible épée magique dans l'aile du monstre alors qu'il passait à toute allure à quelques pas de lui.

6 - Risques, périls, et conséquences...
La queue du dragon balaya le sol et percuta le Dúnadan qui vola dans les airs, et acheva sa course dans le tronc d'un arbre, qui fut brisé sous le choc. Le corps du grand rôdeur tomba ensuite dans la neige au pied dudit arbre, tandis que sa cime brisée chutait à côté. Pourtant, Taurgil se releva bientôt, un peu secoué bien sûr, mais sans rien de plus que quelques bleus : sa magie et son armure l'avaient bien protégé, et sa robuste constitution avait fait le reste. Mais on ne pouvait en dire autant de Drilun : si le rôdeur dúnadan avait fait écran de son corps et de sa magie pour protéger son ami, l'archer-magicien avait été violemment percuté par Taurgil et la queue de dragon, même si l'impact avait été atténué. Drilun n'avait pas volé aussi loin, et son corps à présent comme disloqué était étendu dans la neige, immobile.

Mais alors que les deux corps n'avaient pas encore touché le sol, l'épée de Geralt s'abattait, cassant net l'extrémité de l'aile du monstre. Il aurait peut-être pu surmonter la douleur et la gêne et remonter au-dessus des arbres pour s'éloigner et gérer sa blessure, mais il n'en eut pas le temps : Rob planta sa flèche dans le petit espace non protégé du dos du dragon, et celle d'Isilmë, issue d'un arc plus puissant, s'enfonça au même endroit encore davantage. Le dragon hurla et son vol s'acheva encore une fois à une portée de flèche de là, glissant sur la neige et renversant les arbres présents sur son passage. Il était encore vivant mais ses blessures étaient tout sauf superficielles. Néanmoins, il ne lui fallut pas trop de temps pour se remettre sur pied et faire face au groupe qui arrivait sur lui.

Si le premier réflexe de Geralt fut de se précipiter vers le Dunéen à terre, il trouva vite en travers de son chemin la lionne enchantée qui lui fit clairement comprendre ce qu'elle attendait de lui : résigné, il l'enfourcha et s'accrocha du mieux qu'il put à son amie qui avançait par grands bonds. Isilmë, de son côté, se précipitait vers le corps brisé de son aimé dunéen : utilisant la quintessence de sa magie des soins, elle stabilisa le corps mourant de l'archer-magicien inconscient qui respirait encore, replaçant les os et fermant plaies et hémorragies. Mais il ne serait pas transportable dans l'immédiat, et la conclusion de la rencontre avec le dragon se ferait sans lui. Mordin, la hache bien levée et prête à servir, courait vers le monstre mais il était bien plus lent que ses amis. Taurgil avait un peu de retard en raison de son vol plané mais arriverait avant lui, et Rob, avec ses petites jambes, n'avait besoin que d'arriver à portée pour son arc et ses flèches. Par contre, le dragon faisait face à présent, le point faible n'était plus accessible.

Vif était de loin la plus rapide, mais lorsqu'elle vit la bête qui lui faisait face, elle laissa le maître-assassin descendre de son dos en roulant dans la neige, tandis qu'elle passait à bonne distance du monstre pour se placer dans son dos. Le dragon ayant réglé son compte au magicien, il espérait bien à présent s'occuper du balafré aux cheveux blancs qui serait bientôt à sa portée, et ne s'occupa donc pas de la lionne enchantée. Ledit balafré se rendit alors compte qu'il était seul face à la bête dont la mâchoire énorme se tendit dans sa direction, mâchoire capable de l'avaler d'un coup et de broyer ses os malgré les armures incroyables dont il était paré. Il se jeta donc sur le côté avec toute son énergie pour ne pas finir comme une souris sous les dents d'un trop gros chat. Les dents claquèrent et raclèrent un côté de son armure, et il acheva son saut par un roulé-boulé dans la neige, se relevant immédiatement à côté du cou du dragon.

Au même moment, la féline Femme des Bois sauta sur le dos du monstre juste à l'endroit où des écailles manquaient. Le maître-assassin, quant à lui, levait l'épée mortelle qu'il avait toujours en main, avant que le dragon ait pu esquisser une fuite ou une nouvelle attaque. Exactement en même temps, la puissante patte griffue de Vif s'enfonça profondément dans le dos de la bête et lui sectionna la colonne vertébrale, tandis que l'épée de Geralt traversait le cou du dragon de part en part. Il n'y eut pas de hurlement, juste un soubresaut du haut du corps, et le monstre s'écroula, immobile et bien mort.

Tandis que l'elfe finissait de sauver la vie de son bien-aimé, Geralt retirait son arme magique du cou ensanglanté du dragon, le sourire aux lèvres mais les genoux jouant des castagnettes. La lionne magique, de son côté, avait un petit rictus de douleur, sa patte puissante quelque peu rongée par le sang très corrosif du monstre ; elle se tourna alors vers Taurgil qui arrivait juste pour quémander quelque soin. Mordin arriva peu après en pestant de n'avoir pu rien faire, tandis que Rob remisait son arc et cherchait sa casserole magique que lui avaient donnée les elfes de Brumes Eternelles, et qui pouvait faire bouillir magiquement de l'eau. Il se dit qu'elle allait certainement servir avec un peu d'athelas, et que les soins magiques des mains du roi potentiel du Rhudaur allaient bientôt être mis à contribution.
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Grand Nord - 13e partie : morts et menaces

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1 - Pas de repos pour les braves...
Des pansements et soins magiques furent bientôt faits en pagaille, qui sur sa patte, son dos, ses côtes... Drilun finit par ouvrir les yeux après l'intervention de son ami dúnadan, dont les mains de roi pouvaient pratiquement tout guérir... avec le temps et des soins. Entre la magie des soins d'Isilmë et celle du grand rôdeur, l'archer-magicien pouvait être estimé tiré d'affaire. Du moins s'il pouvait être maintenu au calme, au chaud et au sec pendant au moins une journée entière, le temps pour ces puissantes magies de faire leur effet. Même ainsi, son état nécessiterait encore du repos et des soins constants, mais le groupe avait assez de ressources pour accélérer la guérison naturelle de leur ami. Quelques jours d'immobilité seraient sans nul doute impossibles à éviter.

Autrement dit, il fallait rapidement établir un abri pour Drilun et ses compagnons. Avec un problème de taille : la présence du dragon - sans parler de leur combat - n'était sans doute pas passée inaperçue, ou en tout cas il allait être difficile de le cacher aux yeux d'éventuels observateurs. D'autant que le temps était relativement clair et allait se maintenir ainsi dans l'immédiat, selon un sort de Taurgil. Il serait donc bien visible, sans parler d'eux-mêmes, et risquait fort d'attirer une attention dont le groupe se serait bien passé. Au minimum il fallait donc s'éloigner un peu de la carcasse, même si certains, comme Geralt, envisageaient de pouvoir récupérer certaines parties du monstre, comme sa peau, pour permettre aux elfes de Brumes Éternelles de pouvoir leur confectionner des armures exceptionnelles.

Mais avant de pouvoir traiter cette question (vite abandonnée par la suite), disposer d'un abri restait la priorité. Et s'éloigner un peu du dragon n'était pas une chose si simple que cela : Drilun souffrait de nombreuses fractures, et il n'était pas franchement déplaçable, sauf avec le plus grand soin, car tout mouvement pourrait rouvrir ses blessures et annuler les effets des soins magiques, et remettre sa vie en péril... Un brancard fut donc confectionné avec l'aide des skis de qualité fournis par les elfes d'Uichith et emportés par les membres de l'équipe. Vu le sol irrégulier, même couvert de neige, de la forêt avoisinante, il paraissait en effet plus sûr de le soulever et de le transporter avec précaution plutôt que lui faire subir une séance de luge seulement en partie contrôlée.

Mais tandis que tout cela fut fait et que le grand blessé fut installé sans mal grâce aux mains expertes de la guerrière et soigneuse elfe, un nouveau sujet d'inquiétude fut annoncé par la féline Femme des Bois. Vif avait en effet mis tout ce temps à disposition pour monter dans un arbre et surveiller l'horizon. Et elle avait fini par voir dans le ciel clair et nocturne une grande forme ailée venir dans leur direction depuis le sud. Une forme ailée qui ne ressemblait pas à un oiseau de proie ou à un dragon mais plutôt à un humanoïde de grande taille possédant de grandes ailes membraneuses comme celles d'une chauve-souris. Autrement dit, dans son parler félin bientôt traduit par ceux capables de la comprendre, elle annonça l'arrivée prochaine de leur très cher démon du froid Andalónil, dont la double casquette de serviteur d'Eloeklo et de membre d'un trio de Dol Guldur lancé à leurs trousses rendait les intentions quelque peu imprévisibles. Mais de toute manière ils n'en attendaient rien de bon.

Ils s'éloignèrent donc du dragon blanc-bleu bien visible près de la côte, vers l'intérieur des terres et la forêt qui pourrait les cacher un peu et les abriter. Lorsqu'un de ses amis demanda à Mordin d'effacer les traces derrière eux, il regarda son interlocuteur avec incrédulité et ne répondit même pas, sans parler de lever le petit doigt pour accomplir cela. Le démon les trouverait bien avec ou sans traces ! Et d'ailleurs, le temps qui était parfaitement clair jusque-là commença à changer : le vent se leva, tourbillonnant, mêlé de plus en plus de neige. Au bout d'un moment le groupe se trouva au centre d'une espère de tourbillon de neige, empêchant les aventuriers de voir plus loin qu'un pas ou deux, malgré la lumière du bâton magique que Drilun utilisait comme lanterne magique par son seul toucher. Andalónil les avait bien retrouvés, à présent il les immobilisait et ce n'en était sûrement pas fini de lui. L'archer-magicien fut posé à terre, contre un arbre autour duquel ses amis montèrent la garde, dos au tronc. Seule Vif, dont l'ouïe était assez fine pour percevoir assez précisément la présence du démon à distance, bougeait autour de l'arbre pour maintenir ce dernier entre elle et Andalónil. Car il tournait autour d'eux à quelques pas de hauteur, et elle avait très peur de son fouet qui pouvait les blesser et les tuer à tout moment.

2 - Coup de fouet ou coût d'un fouet
En fait, la lionne enchantée fut bien la première à subir les assauts de leur adversaire. Mais son ouïe incroyablement fine lui permettait de percevoir l'arrivée du fouet assez tôt pour plonger à distance et éviter le plus gros de l'attaque, qui ne lui fit perdre qu'un peu de fourrure et occasionna une douleur vite oubliée. Andalónil continua ainsi un moment, s'éloignant de la tourmente - selon les perceptions de Vif - pour reprendre de la vitesse et de l'altitude, et revenir ensuite en leur tournant autour, jusqu'à lancer son fouet sur l'un d'eux lorsqu'il était à quelques pas de haut. Il était donc pratiquement impossible à atteindre d'une manière ou l'autre : hors de portée des armes de poing ou des griffes de Vif, et les archers auraient été bien en peine de l'atteindre sans le voir et avec les vents violents qui les entouraient, même si tant Rob qu'Isilmë arrivaient à avoir une petite idée de la présence de leur ennemi.

D'autant qu'il ne se cachait pas vraiment hormis à leur vue, et ponctuait ses passages de petits ricanements destinés à les démoraliser, quand il n'utilisait pas de magie noire pour accentuer encore le sentiment de désespoir qu'il voulait faire grandir dans leur cœur, mais sans grand succès. Le groupe était trop bien protégé contre la sorcellerie, tant grâce à l'équipement de cembereth et des babioles magiques réalisées par Drilun, que par leur très grande volonté ou autres capacités naturelles, comme la résistance innée du hobbit à résister à toute forme de magie ou de désespoir. Restait donc tout de même les attaques à distance du démon à l'aide de son terrible fouet : non seulement celui-ci avait-il le pouvoir, animé par le bras du démon, de couper en deux n'importe lequel d'entre eux, encore avait-il le pouvoir de geler au contact leur corps comme leur âme.

Et pourtant, le démon donnait l'impression de jouer avec eux et non de vouloir réellement les tuer. Il passait de l'un à l'autre, sauf Rob qu'il ne daigna jamais menacer tant manifestement il le considérait comme quantité négligeable indigne de son attention ou de son fouet. S'il s'appliqua à toucher Vif ou Geralt, assez doués pour le percevoir et éviter l'attaque du fouet par un plongeon, il retenait plutôt ses coups pour d'autres comme Isilmë ou Mordin dont l'armure ou la rapidité n'auraient pas forcément permis d'éviter une mort certaine tant le fouet et le bras qui le manipulait étaient puissants. Bref, certains s'en tirèrent avec un peu de frayeur et d'autres avec une blessure légère, sans plus. Les flèches tirées par le hobbit et l'elfe trouvèrent certainement leur cible, car cela la priva un moment de ses ricanements, mais ils se doutaient que cela n'avait pas eu plus d'effet qu'une grosse égratignure.

Néanmoins, pendant tout ce temps, les aventuriers échangeaient et établissaient un plan. Leur objectif : priver le démon de son fameux fouet et le mettre hors d'état de nuire - tant le fouet que son possesseur, si c'était possible. Le démon avait établi ses règles à lui, et les aventuriers les changèrent. Ayant deviné quelle serait la prochaine victime du fouet, ce qui est l'inconvénient de changer à chaque fois de cible et de frapper chaque membre de l'équipe tour à tour, Taurgil s'interposa brusquement. Ou plutôt il interposa son bras gauche, protégé par son armure et sa magie de roi. Même ainsi, le bras cassa et le froid magique le gela presque entièrement. Mais il resta assez d'énergie au Dúnadan pour attraper le fouet et y rester accroché un bref instant. Assez longtemps pour que Geralt, à ses côtés, saute sur le fouet et s'y accroche à son tour. Taurgil retomba, mais la lionne enchantée avait pu bondir et saisir à son tour le fouet dans ses pattes et sa gueule.

Cela faisait bien trop de poids pour Andalónil : malgré toute sa force, sa course s'infléchit rapidement vers le sol. Plutôt que de s'écraser, il lâcha son arme et s'envola plus loin, sans ricaner cette fois, comme le fit remarquer avec joie Vif à travers un rugissement de plaisir et de défi. Tandis que leur ennemi était au loin, rôdeur dúnadan et maître-assassin attaquèrent le fouet magique avec leurs puissantes lames magiques. Bientôt la redoutable lanière de cuir ensorcelé fut découpée en petits morceaux, alors que la créature ailée revenait sur les guerriers qui s'acharnaient sur son arme. Devant eux, sur la trajectoire du monstre, le nain et l'elfe se tenaient côte à côte, pas franchement rassurés quant à leur sort : si Andalónil voulait les tuer, ils ne feraient sans doute pas le poids... La féline Femme des Bois était à leur côté, mais faute d'armure sérieuse face à la magie ou aux coups du serviteur d'Eloeklo, elle ne tenait surtout pas à se mettre trop devant !

C'est le moment où le petit hobbit se rappela qu'il avait sur lui un objet magique pris à Gillowen, un anneau elfique de puissance. Il se rappela que cet objet avait le pouvoir d'annuler la magie proche. Or, selon sa perception magique, Andalónil paraissait prêt à attaquer avec une magie destructrice. Il se faufila derrière ses amis en cherchant fiévreusement la poche abritant la bourse où se trouvait l'anneau enchanté. Ses doigts agiles retirèrent avec rapidité ses gants afin d'enfiler la babiole au petit doigt de sa main gauche, ne se rappelant que trop bien que l'anneau avait une fâcheuse tendance à sectionner le doigt qui le portait. La créature passa et Rob sentit une puissante magie se diriger sur ses amis et lui... avant de se dissiper dans l'aura magique de l'anneau elfique qu'il portait au doigt ! Non sans un petit regret, il arriva à enlever la bague enchantée de son doigt afin de la ranger à nouveau dans sa poche, tandis que plus loin le démon semblait passer sa fureur sur un arbre qui ne lui avait rien fait, et était bien en peine de se défendre... Il avait perdu son arme, certes, mais à quel prix ? Le bras gauche de Taurgil était à peine vivant, et il n'était pas sûr de pouvoir le conserver.

3 - Annonce et au revoir
La confection d'un abri devenait plus que jamais nécessaire. Malgré la présence trop proche de leur ennemi démoniaque, surveillé par les sens exercés de Vif, le groupe se divisa en deux : après avoir choisi un arbre assez gros, Rob et Taurgil firent un petit abri de neige contre le tronc, afin de pouvoir faire un feu et une infusion d'athelas pour soigner le bras souffrant du Dúnadan. Drilun était à leur côté, tandis que Geralt, Isilmë et Mordin commençaient les bases d'un plus grand abri pour eux tous, non loin de la lionne. Le vent avait changé, et il soufflait dans une seule direction, emportant avec lui quantité de neige qui aveuglait les aventuriers et les glaçait, n'eussent été leurs vêtements et autres protections contre le froid.

Au bout d'un moment, sans doute lancé par Andalónil et aidé par le vent, c'est un tronc d'arbre brisé qui fonça sur Vif et les trois aventuriers en train de construire l'abri. Tous arrivèrent à esquiver le projectile qui acheva sa course sur leur abri, détruisant ce qu'ils avaient déjà fait. Après quoi le démon s'adressa à eux à distance, à travers le vent et la neige. Il les félicita pour leur opiniâtreté et vanta leurs qualités, avec un ton plein de morgue, de malice et de désir de revanche et de souffrance, même si ses paroles n'étaient pas dénuées d'un certain plaisir voire même de respect. Plus tard, les aventuriers en parlèrent et se dirent que d'une certaine manière Andalónil devait commencer à les apprécier. Ils étaient plus que des jouets que l'on casse et l'on abandonne, plutôt des jouets auxquels on s'attache, voire de véritables partenaires - et concurrents - qui peut-être un jour seraient des alliés, serviteurs de son maître...

En attendant, si les aventuriers eurent plaisir à rabattre son caquet au démon en vantant leur succès et la perte du fouet, ils durent assez vite ravaler leur plaisir. Car le combat n'était pas destiné à les tuer, ce qu'ils avaient tous deviné, et ne devait faire rien d'autre que de sauver certaines apparences auprès des alliés de Dol Guldur. Après le combat et cette perte, nul doute, comme le dit Andalónil, que Gorovod, grand sorcier de Dol Guldur, ne trouverait rien à redire - même à l'aide de ses sorts de vision - à son "échec" à tuer les aventuriers. De toute manière, il ne semblait pas vraiment compter là-dessus, lui et l'autre personne à la terrifiante présence qui étaient venus depuis le repaire du Nécromancien en Forêt Sombre...

En effet, le démon apprit aux aventuriers que pendant ce temps-là, les Chasseurs des Mers que Taurgil et ses amis avaient rencontrés, ces Lossoth qui vivaient dans des icebergs, ne devaient pas vraiment être à la fête. Peut-être que Gorovod et le démon du froid leur avaient rendu une petite visite, ainsi qu'à leurs amis, pour leur apprendre à ne pas aider des gens aussi peu fréquentables que les aventuriers. Peut-être même que certains restaient vivants, ou en tout cas pas très longtemps si le groupe prenait trop de temps pour arriver et espérer les sauver. En bref, Andalónil ne faisait rien d'autre que transmettre un message de chantage : venez tout de suite ou il n'y aura aucun survivant. Message non dénué de nombreuses menaces sous-jacentes...

Mais le message comprenait un autre niveau : après tout, Eloeklo avait ordonné à Andalónil de ne pas tuer - pas tout de suite au moins - Vif et ses amis. Le démon ailé jouait les serviteurs du Nécromancien de Dol Guldur, tout en leur fournissant quelques informations pour les aider à vaincre ou au moins survivre aux deux personnes qui l'avaient accompagné depuis Dol Guldur : le grand sorcier du repaire, donc, du nom de Gorovod ; et un cavalier noir et terrifiant qu'il ne nomma pas mais qui semblait être le chef des armées de Dol Guldur. Chef qui avait une faiblesse de taille : il ne supportait pas l'eau et ne voudrait aucunement monter sur un bateau ou iceberg, même si marcher sur de l'eau couverte de glace était peut-être envisageable... Avant de quitter les aventuriers, Andalónil termina en disant que bien entendu il ne parlait pas d'une surprise ou deux que Drilun et compagnie risquaient de trouver sur leur chemin. Après tout, cela mettrait plus de piment à leur existence, et le défi qui les attendait serait sans cela trop facile, alors que son maître Eloeklo ne recherchait que les meilleurs, dignes de lui servir comme lieutenants...

4 - Plus rapide que la glace qui casse
Mais dans un premier temps, un peu de repos était vraiment nécessaire. Un nouvel abri fut commencé puis achevé sans mal cette fois-ci, et le groupe y trouva un sommeil plus que désiré. Seule Isilmë ne participa pas au repos collectif, s'étant assez reposée en début de nuit, avant l'arrivée des loups blancs. Elle profita donc de son temps libre pour, en plus de surveiller les abords de l'abri, confectionner un traîneau qui servirait pour leur grand blessé dunéen. En effet il n'était toujours pas transportable sans grand risque pour sa santé pour une journée entière. Taurgil, quant à lui, avait vu son bras suffisamment bien traité par l'elfe pour pouvoir avoir une activité modérée sans mettre sa vie en danger. Faire du feu pour obtenir de l'eau tiède pour baigner le bras n'avait pas été une mince affaire, mais le bâton magique du Dunéen avait bien servi.

Lorsque les derniers furent réveillés, le jour - qui ne durait guère en cette saison - était déjà là. La question se posa alors de la suite à donner aux événements récents. Certains se sentaient un peu responsables du sort des Lossoth, que la seule présence du groupe mettait en péril. Drilun avait besoin de soins, le déplacer mettrait sa vie en péril. D'un autre côté, ne pas le déplacer, garder le groupe immobile - personne n'envisageait sérieusement de diviser le groupe - entraînerait la mort de nombreux autochtones, sans parler de peut-être priver les aventuriers d'une grande aide en la personne de Dwimfa, ou de ses amis. Tous souhaitaient donc avancer, se rapprocher de leurs alliés, sans mettre Drilun en danger. Mais comment ?

Le traîneau confectionné par l'elfe pouvait être tiré par la lionne enchantée pendant que les autres avançaient à ski ou en raquettes. Taurgil estimait tout de même que cela prendrait du temps avant de retrouver le village où ils avaient laissé leurs barques, qui étaient nécessaire pour aller dans l'iceberg où vivaient Dwimfa et Aime-le-Poisson. Et par ailleurs, le sol enneigé était loin d'être plat et lisse et pouvait régulièrement présenter des creux et bosses, des obstacles, et engendrer des chocs et vibrations qui pouvaient annuler les effets des soins magiques sur le Dunéen... et rouvrir ses blessures. Et ce malgré tout le soin que la féline Femme des Bois pouvait mettre à tirer le traîneau, et dont personne ne doutait.

En revanche, une autre solution était peut-être possible : sur la côte, le sol gelé laissait place à une couche de glace plus ou moins épaisse et recouverte d'un peu de neige. Plus loin du rivage, les eaux étaient encore liquides mais le long de la côte il serait peut-être possible de marcher sur la glace sans la rompre, en particulier pour les plus légers... ou les plus rapides. En effet, la glace pouvait rompre sous un poids trop important mais la fracture n'était pas immédiate. Si Vif arrivait avec déjà assez de vitesse, elle pourrait peut-être tirer le traîneau assez vite malgré son poids personnel trop important, d'autant qu'il était réparti sur quatre pattes. De plus, elle commençait à avoir l'œil pour voir les zones de glace trop minces. Et le passage par les glaces de bord de mer avait deux avantages non négligeables : une surface lisse et indemne de heurts et chocs divers pour un occupant en piteux état ; et un chemin bien plus direct que de suivre le relief assez tourmenté de la côte, et qui rallongeait considérablement le temps de voyage sur terre.

C'est donc ce qui fut tenté, et qui permettrait de descendre jusqu'à leur destination en bien moins de temps, sans doute une seule journée au lieu de deux ou trois. Par contre, Vif ne pourrait ralentir beaucoup sans mettre Drilun et elle en péril, et elle risquait d'aller bien plus vite que ses compagnons. Ceux-ci, après discussion, ne passeraient pas par la terre, mais tenteraient aussi les glaces de bord de mer. Grâce à leurs skis de qualité offerts par les elfes leur poids serait réparti sur une assez grande surface. Cela serait certainement suffisant pour les poids plumes du groupe comme le hobbit voire Geralt ou Isilmë, mais cela suffirait-il pour les plus denses et chargés d'entre eux qu'étaient Taurgil et Mordin ? Par ailleurs, aucun n'avait d'expérience de ce type de locomotion, qui restait à apprendre.

Il fut convenu, après moult débats, que la lionne enchantée prendrait de l'avance sur ses amis, tout en restant à portée de vue. Il fallait qu'elle puisse revenir en peu de temps pour les aider au besoin. Eux partiraient derrière elle, en ligne pour éviter de passer deux fois sur une glace déjà éprouvée. Vif s'élança sur la neige de la côte, prenant de la vitesse malgré quelques cahots qui firent serrer les dents à l'archer-magicien chaudement alité dans le traîneau. Puis elle s'élança sur la glace plus mince du bord de mer, qui tint bon... avant de craquer non loin après le passage du traîneau ! Néanmoins, tous purent vérifier qu'avec sa vitesse - celle d'un cheval au trot au moins - les risques étaient minimes et le confort pour Drilun excellent. Ses amis se mirent en route à leur tour, et ils découvrirent les joies de la glisse sur de la neige fraîche... et les frissons lorsque la glace craquait parfois derrière eux, avec des accélérations nécessaires pour arriver à un endroit plus sûr et stable, et des craquements qui ne se rapprochaient pas !

5 - Premier arrêt
Le temps était magnifique, la glace (assez) solide, le blessé confortablement installé et au chaud, dans un traîneau léger mais particulièrement bien réalisé par une elfe inspirée (et douée)... Le trajet était certes fatigant pour Vif, mais elle avait des réserves, elle pouvait continuer ainsi plusieurs heures. Pourtant la réalité lui imposa une première halte bien avant cela. Il y eut tout d'abord une petite colonne de fumée dans le ciel clair, dans la direction qu'elle prenait, le sud. Puis des traces nombreuses dans la neige sur la côte, certaines rouges, des traces de gens en raquettes, à ski, à pied, en train de fuir... ou rattrapés. Bientôt ce furent des corps de Lossoth horriblement mutilés. Et alors que la colonne de fumée devenait plus nette, mais masquée par un éperon rocheux, elle put voir autre chose : plus avant, la glace s'arrêtait et laissait la place à des eaux liquides, avec de nombreuses barques - une vingtaine - présentes, occupées. Et des barques montaient des pleurs et signes de vie, de douleur, de tristesse...

Elle dépassa l'éperon rocheux pour trouver ce à quoi elle s'attendait : un village de Lossoth - à cet endroit ils faisaient partie d'un peuple appelé Jäämiehet ("Hommes des Glaces" en labba, leur langue) - sur la côte, avec un petit port. Ou plutôt ce qu'il en restait : tout ce qui pouvait l'être avait été brûlé ou achevait de se consumer, le reste était brisé ou écrasé, et de nombreux corps mutilés ou en morceaux, voire en partie mangés, étaient éparpillés çà et là. L'endroit était vide et sans vie. C'était environ le milieu de la journée, et une partie des barques s'approchaient des restes du camp.

Le traîneau ne pouvait pas aller plus loin, il faudrait revenir sur terre et attendre les amis, et savoir ce qui s'était passé, même si cela était relativement facile à deviner : l'odorat de la lionne enchantée lui apporta une odeur d'orcs, même si elle était quelque peu différente de celle qu'elle connaissait. Vif monta à terre avec le traîneau, faisant une nouvelle fois serrer les dents de douleur à son compagnon bien installé. Avant même d'entrer dans le campement détruit, elle examina les traces. Le carnage était frais, l'attaque avait eu lieu en pleine nuit. Pris par surprise, une partie des Lossoth avaient cherché à fuir par la terre et avaient été poursuivis et probablement rattrapés. Après s'être détachée, elle poursuivit ses investigations plus avant et autour du camp, pour essayer de trouver des survivants ou indices intéressants.

Plus loin, ses amis commençaient à apercevoir les mêmes signes qu'elle. Ils mirent deux fois plus de temps qu'elle à arriver, et trouvèrent leurs amis entourés de Lossoth survivants - surtout des femmes et des enfants - en général à une certaine distance du traîneau. Le contact n'avait pas été facile, déjà par l'allure menaçante de la lionne enchantée - jamais personne n'avait vu un aussi gros félin ici - mais aussi par le caractère complètement surréaliste de la chose : un traîneau sans guide tiré par un félin inconnu. En plus de cela, Drilun maîtrisait mal le labba, sans parler de son état de grand blessé. Les Lossoth avaient eu du mal à approcher du traîneau, puis ils avaient voulu sortir le Dunéen de là pour aider à le soigner, ce que la lionne avait empêché en éloignant ledit traîneau à chaque fois. Enfin, l'archer-magicien avait eu le plaisir de constater que la vieille femme présente auprès de lui, une viisas, parlait un peu l'ouistrain, ce qui avait grandement facilité les échanges !

Au final, les locaux confirmèrent ce que la féline Femme des Bois avait deviné : une attaque en pleine nuit par de nombreux orcs. Peut-être étaient-ils cent ou deux cents, difficile à dire dans la nuit et l'urgence de la fuite. Mais surtout, il y avait également un personnage vêtu de noir dont émanait une indicible terreur, si grande que certains n'avaient pas hésité à plonger dans l'eau glacée malgré la mort certaine qui s'était ensuivie... Une partie des orcs avaient poursuivi les fuyards un moment, avant de revenir, leur tâche accomplie. Une seule personne leur avait échappé : un enfant avait réussi à grimper dans un arbre et était resté là, caché, toute la nuit. C'est là que Vif l'avait retrouvé, inconscient et près de mourir. Elle avait réussi à monter à l'arbre, à l'en descendre doucement (non sans un craquement ou deux de l'arbre sous son poids), pour le ramener au village où des soins - magiques notamment - purent lui être donnés, suffisants pour le sauver... Leurs méfaits achevés, les orcs étaient repartis vers le sud... où certains pouvaient voir une mince colonne de fumée monter dans le ciel, à l'emplacement du plus proche village.

Et à présent, que faire ? Les Lossoth survivants étaient désemparés, car leurs options - et leur avenir - paraissaient bien noirs. Jamais ils n'avaient eu affaire à une telle attaque d'orcs, si loin de leurs montagnes. Et avec leur campement et leurs provisions pour la mauvaise saison envolés, sans parler de la mort de la plupart des adultes et meilleurs chasseurs et pêcheurs (et des chiens, premiers à tomber, mais dont les aboiements avaient prévenu et sauvé les survivants), l'arrivée de l'hiver signifierait certainement la mort pour eux tous. Et si les autres tribus proches étaient aussi attaquées, ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Juste à l'entrée de la mauvaise saison, la tâche de survivre paraissait impossible. Aussi, dans un geste peut-être un peu futile mais ne trouvant rien de mieux à faire, le groupe donna aux survivants toute la nourriture qu'ils portaient sur eux, à l'exception du lembas fourni par les elfes. Ils conseillèrent aussi aux Hommes des Glaces de trouver refuge vers le nord. Avant de se quitter, la viisas sembla avoir une vision et elle remit son harpon aux aventuriers, en leur disant qu'il était enchanté pour combattre les dragons, et qu'elle pensait qu'il pourrait peut-être leur être utile. Drilun le prit pour lui afin d'en examiner les runes, ce qui serait sans doute sa plus grande utilité. En effet, aucun d'entre eux ne savait utiliser cette arme...

6 - Deuxième et troisième arrêts
Après un moment et quelques conseils aux autochtones, les aventuriers repartirent vers le sud. Les Lossoth, qui connaissaient bien les pièges de la glace mince de l'automne, eurent des frissons en voyant la lionne magique et son traîneau s'élancer sur la glace avec des craquements sinistres. Drilun, toujours un peu secoué au début, serrait les dents au début, avant de se détendre ensuite lorsque la vitesse de croisière était obtenue sur la surface presque parfaitement lisse de la mer gelée. Objectif : le plus proche camp des Hommes des Glaces au sud, d'où montait une sinistre colonne de fumée. En arrière, le reste de l'équipe suivait deux fois plus lentement, à ski. Petit à petit, les aventuriers commençaient à se faire à ce moyen de locomotion nouveau pour eux, mais très pratique dans le Grand Nord.

Le voyage fut encore plus court que le précédent. Une nouvelle fois, les orcs étaient tombés à bras raccourcis sur les Lossoth présents et n'avaient rien laissé de vivant ou d'utilisable. Néanmoins, l'attaque du précédent village avait envoyé quelques signes (feu nocturne...) qui avaient prévenu les Lossoth que quelque chose se passait, et ils avaient été plus nombreux - en proportion - à pouvoir prendre la fuite, même si le campement était bien plus petit que le précédent. Restait que, comme le dit le viisas - un homme cette fois - resté sur place avec quelques autres pour superviser la récupération et les ultimes soins aux membres tombés de leur communauté, leur avenir était compromis, sans grandes réserves et à l'entrée de la mauvaise saison.

A nouveau, des échanges eurent lieu, toute l'aide possible fut apportée et des conseils durent donnés. Taurgil et compagnie suggérèrent aux autochtones de partir vers le nord et de se joindre aux autres Lossoth pour résister plus facilement aux orcs ou aux rigueurs de l'hiver proche. Ils apprirent aussi qu'un autre campement se situait plus au sud, un peu plus éloigné, mais tout laissait craindre le pire : les orcs - au nombre de deux ou trois cents, d'après les gens du campement qui avaient eu plus de temps pour voir venir leurs agresseurs - étaient repartis vers le sud. Et l'heure plus tardive de l'attaque locale (au moment où ils auraient dû tous dormir), ajoutée à la plus grande distance, rendait plus probable une attaque par surprise.

Femme des Bois et Dunéen repartirent, suivis par leurs compagnons à ski un peu plus loin, tandis que le soleil, déjà bien bas même en plein midi en cette période de l'année, descendait de plus en plus. Cela étant, la journée avait été magnifique et propice aux déplacements. Malheureusement, on pouvait sans doute en dire autant pour les orcs. Le trajet fut plus long cette fois, mais au bout du compte la scène de désolation fut la même, voire pire : très peu de Lossoth avaient pu réchapper à l'attaque nocturne. Par ailleurs, les orcs avaient saisi la majeure partie des barques, et un certain nombre d'entre eux étaient même montés dedans pour partir vers l'est, loin du rivage.

L'échange avec les survivants fut plus difficile : il ne restait que trois personnes sur place, les quelques autres autochtones ayant survécu étant déjà partis. Pas de viisas ou autre pour parler la langue commune, mais les échanges se firent avec une femme losson d'âge moyen. Elle apprit notamment aux aventuriers l'histoire des orcs partis sur l'eau, malgré leur inexpérience (qui coûta la vie à certains) et leur peur. Mais leur peur de l'eau (et peut-être du soleil qui allait tôt ou tard les surprendre) était moins grande que la peur de l'individu en noir qui les accompagnait et les commandait. Après quoi le reste des orcs n'était pas allé plus au sud mais il s'était enfoncé à l'ouest, vers les bois et les montagnes où ils avaient probablement trouvé refuge pour le jour.

Et ensuite, que faire ? Le soleil n'allait pas rester longtemps encore dans le ciel, et les orcs allaient sans doute revenir ensuite. Plus au sud, il restait d'autres campements lossoth, dont celui vers lequel se dirigeaient les aventuriers, où ils avaient laissé leurs propres barques. Barques qui leur serviraient pour prendre la mer et rejoindre les Chasseurs des Mers, ces Lossoth vivant dans des icebergs, et notamment ceux parmi lesquels vivaient Aime le Poisson et Dwimfa, ce dernier étant l'objectif de leur expédition présente. Chasseurs des Mers qui avaient dû recevoir la visite d'Andalónil et de Gorovod, sans parler d'un certain nombre d'orcs sur des barques prises aux Hommes des Glaces... Au sud ou à l'est, beaucoup de vies menacées - par leur faute ! - et à aller sauver...

7 - Réflexions et recherche de solution
Les aventuriers débattirent un moment, partagés entre plusieurs objectifs : d'une part, se lancer à l'eau et essayer de trouver au plus vite les Chasseurs des Mers et en particulier Dwimfa, et ce avant les orcs partis dans la nuit. Il faut dire que plus au nord, certaines barques avaient été cachées sur la rive, sous la neige, à l'attention éventuelle de Taurgil et ses compagnons. D'autre part, des campements d'Hommes des Glaces allaient certainement se faire attaquer dans la nuit, dont celui où ils avaient laissé leurs barques. En plus de la mort de nombreux Lossoth, ces attaques allaient fournir des moyens aux orcs pour aller porter leurs méfaits sur l'eau et les icebergs de leurs alliés voire amis...

Les aventuriers ne souhaitaient pas se diviser en deux groupes, il était donc hors de question de voir une partie d'entre eux aller au nord et l'autre au sud. Il faut dire que la présence de l'homme en noir en inquiétait plus d'un, et l'avoir vu à distance quelques semaines auparavant les incitait à le fuir le plus possible. Ils subodoraient qu'il n'aimait ni le soleil ni l'eau, en partie grâce aux dires d'Andalónil. Malheureusement, le temps - beau jusque-là - semblait devoir bientôt changer, comme leur apprirent les autochtones ainsi qu'un sort du rôdeur dúnadan. La nécessité de quitter le plancher des vaches (ou le plancher des rennes) se faisait plus urgente, et aller au secours des habitants des icebergs paraissait de plus en plus utile. Ici les barques n'étaient pas disponibles ; au nord des barques étaient présentes mais demanderaient du temps à récupérer et elles étaient plus loin de leur objectif à l'est ; au sud le chemin était long, les ennemis proches et bientôt à nouveau actifs, et certains - Vif la première - commençaient à tirer la langue...

Taurgil et Vif décidèrent de l'option la plus risquée mais qui n'oubliait personne : le groupe allait foncer vers le sud et essayer de prévenir les deux campements menacés par les orcs. L'objectif était autant de sauver des vies que de priver les orcs, et leur sinistre maître, de barques capables de les emmener sur les eaux, et de là sur les icebergs des Chasseurs des Mers. La féline Femme des Bois allait tirer davantage la langue, il faudrait qu'elle augmente l'allure, et ses compagnons tâcheraient de faire aussi au mieux. Elle irait avec le Dunéen car les autres ne pouvaient pas le tirer derrière eux. Par contre, se posait un autre problème de taille : la compréhension. Vif ne pouvait pas communiquer avec les Lossoth, et dans son état, Drilun était tout sauf fiable. D'une part il manquait de pratique du labba, d'autre part son état n'aidait pas à la compréhension...

Diverses solutions furent envisagées, comme de faire passer un message écrit aux Lossoth. Mais ils n'avaient pas de réel système d'écriture, juste un système de runes, moins précis. Compter sur la présence d'un ou une viisas sachant lire le langage commun d'Eriador était risqué. Emporter sur le dos de la lionne l'un des meilleurs parleurs du groupe, à savoir Taurgil et sa robuste carcasse (aaaargh !!!) ou la relativement grande et musclée Isilmë (ouïe !) ne disait rien à la principale intéressée à quatre pattes. Mais quelqu'un suggéra alors une autre possibilité : la femme losson avec qui ils échangeaient depuis un moment pouvait facilement retenir un message, sans parler de partager son expérience avec ses voisins. Et contrairement aux aventuriers, elle était petite et légère, peut-être trois fois plus légère que le grand Dúnadan avec tout son matériel. Pouvait-elle être persuadée de tenter cette folle expérience de chevaucher un grand félin enchanté lancé à toute allure sur des glaces minces pour le bien de tous ?

Si la bonne volonté de l'intéressée ne faisait pas de doute, ses réticences ne manquaient pas non plus. Drilun avait beau traiter Vif comme son "totem" à lui, et la lionne avait beau montrer qu'elle était intelligente et savait prendre soin de ses amis, c'était autre chose de la monter. Il fallut un peu de patience et beaucoup de persuasion aux aventuriers pour faire admettre à leur interlocutrice qu'il s'agissait de la meilleure des solutions et qu'elle ne risquait rien. Mais enfin elle accepta de tenter l'expérience et le groupe partagea avec elle les détails de leur plan et ce qu'elle devrait dire aux Hommes des Glaces qu'ils allaient rencontrer : il faudrait les persuader de l'imminence d'une attaque et d'une fuite immédiate, entre autres par la voie des mers, alors que le temps allait bientôt se faire menaçant. Pas une mince chose, mais Taurgil et ses amis espéraient bien que le récit de l'attaque et de la destruction du campement alentour saurait les motiver assez...

8 - Course contre le temps
La lionne enchantée disposait déjà de lanières auxquelles s'accrocher pour un éventuel cavalier, tellement cette situation était fréquente lors de leurs aventures. D'autres furent ajoutées pour faciliter encore la chose, et la nouvelle cavalière fut bientôt installée, son cœur battant follement la chamade. Le traîneau de fortune qui abritait l'archer-magicien fut à nouveau attaché à la féline Femme des Bois, et son occupant serra les dents par anticipation. Puis l'attelage s'ébranla et prit de la vitesse, accompagné par un long cri d'effroi de la femme losson, puis les bruits de craquements de la glace sur laquelle ils glissaient à présent. Mais Vif allait trop vite et son pas était trop sûr pour risquer de crever la surface gelée de la mer.

La seule question qui restait était de savoir s'ils arriveraient à temps. A voir la vitesse de la lionne enchantée, la question était plutôt de savoir si elle tiendrait le coup : elle avait beau jouir d'une formidable constitution, les félins n'étaient pas réputés pour leur endurance, même si leur force palliait en grande partie à cela. En tout cas, les autres membres du groupe eurent aussi à payer de leur personne, et ils furent d'autant plus motivés pour accélérer que la glace derrière eux avait une fâcheuse tendance à se briser et les craquements à se rapprocher un peu trop à leur goût. Ils durent donc augmenter l'allure eux aussi, avec toutes les meilleures raisons du monde. Les corps furent donc mis à contribution, et le hobbit n'y fit pas exception, et leur volonté également.

Vif arriva au premier - ou plutôt au quatrième - campement des Hommes des Glaces peut-être plus vite que Taurgil ne l'avait prévu, mais elle n'avait pas ménagé sa peine, et son corps était déjà douloureux. Il faisait encore jour mais le soleil était en train de disparaître à l'horizon, lentement. Dire que l'arrivée de la lionne montée par une femme et tirant un traîneau sans conducteur suscita un certain émoi serait un doux euphémisme. Mais au moins cela stimula-t-il le village des Lossoth, qui comprirent vite que quelque chose d'exceptionnel se passait. Et la présence de la femme survivante du campement plus au nord se révéla bien payante : elle sut trouver les mots justes décrivant l'horreur de l'attaque des orcs, l'urgence de la menace, et la confiance que lui inspiraient les aventuriers, dont certains n'allaient pas tarder à arriver.

Le camp fut donc très vite chamboulé. Heureusement les Lossoth ont l'habitude de changer régulièrement de place au gré des besoins, aussi n'avaient-ils pas besoin d'un long moment pour voir toutes leurs affaires prêtes à un nouveau voyage. Mais Vif ne voyait pas cela : à peine le message avait-il été délivré et bien compris, qu'elle était repartie avec sa cavalière vers le sud. Elle laissait derrière elle son ami Dunéen dans son traîneau, en espérant que ses amis arriveraient vite et que les Hommes des Glaces prendraient soin de lui. De son côté, elle ne pouvait continuer à le traîner derrière elle, et maintenant que la nuit tombait la vitesse et la légèreté était plus que jamais nécessaires.

Quand Rob, Geralt, Isilmë, Mordin et Taurgil arrivèrent sur leurs skis, les Lossoth avaient peu ou prou fini de démonter leur camp et certains avaient déjà commencé à remonter vers le nord par voie de terre. D'autres avaient pris leurs barques et attendaient plus au large tandis que d'autres embarcations étaient prêtes pour les aventuriers. Les sens particulièrement fins du maître-assassin ou les oreilles de l'elfe percevaient déjà l'approche d'une force peu discrète plus loin dans les bois, force que Vif avait déjà perçue depuis un moment. Les orcs n'allaient pas tarder à arriver, mais malheureusement pour eux - ou heureusement pour les Lossoth et les aventuriers - ils allaient trouver place nette ! Le grand blessé dunéen fut soigneusement installé dans une barque - il en avait soupé des voyages de la journée et l'énergie commençait à lui faire défaut - dans laquelle son amie prit place, et les autres trouvèrent à se répartir au mieux. Bientôt la terre s'éloigna, et les orcs n'eurent personne sur qui passer leur colère...

Plus au sud, Vif serrait les dents et forçait son corps douloureux à avancer toujours aussi vite. Sa cavalière était légère mais elle sentait néanmoins son poids, mais elle savait qu'elle arriverait à destination quoi qu'il arrivât. Elle parvint enfin au campement où ils étaient passés à l'aller, et où ils avaient laissé leurs barques. A nouveau, la femme qu'elle portait donna ses terribles nouvelles, encore une fois le campement fut mis en branle, tout fut plié, rangé et empaqueté au plus vite. Certains partirent par la terre vers le sud, les plus rapides, notamment pour prévenir les autres campements les plus proches. Les autres - dont la lionne enchantée - prirent les barques et partirent vers l'est et les icebergs des Chasseurs des Mers, mais aussi vers les orcs et autres ennemis, sans parler du mauvais temps.
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Niemal
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Grand Nord - 14e partie : embuscade ratée

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1 - Abri
Accompagnés par une petite flottille de barques des Hommes des Glaces, Taurgil, Drilun, Geralt, Isilmë, Mordin et Rob allaient donc vers l'Est, sur des flots qui étaient tout sauf tranquilles, dans la nuit, le vent, le froid, ces deux derniers ne faisant qu'empirer. Le genre de temps où normalement les Lossoth se terrent à l'abri dans leurs maisons de neige ou de glace et attendent des jours meilleurs. Le genre de mauvais temps où d'ordinaire se retrouver dehors est synonyme de mort assurée... D'après Rob ce temps n'avait rien de magique, et pour les Hommes des Glaces il était même assez courant à cette période de l'année. Restait qu'une bonne partie du clan était menacé, sans parler des aventuriers, s'ils ne trouvaient pas assez vite un abri. Et Vif devait probablement connaître quelque chose de similaire, plus au sud, avec les membres du village qu'elle était allée prévenir.

Pour les Lossoth présents, le salut ne pouvait être que chez leurs cousins les Chasseurs des Mers, qui habitaient dans des icebergs de grande taille aménagés pour abriter un voire plusieurs clans. Malheureusement, l'eau de la baie n'était pas encore complètement prise - sinon ils ne seraient pas là sur leurs barques - et la position des icebergs habités les plus proches était incertaine. Or c'était la nuit, le temps était mauvais et n'allait pas tarder à se dégrader encore, et d'ici un moment la côte ne serait plus visible, donc il n'y aurait plus aucun point de repère sur lequel s'appuyer pour guider les barques. Quant à repérer les bons icebergs dans cette nuit et par ce temps...

Le groupe apporta sa contribution sous deux formes : du trèfle de lune préparé, qui permettait de voir dans la nuit comme un elfe, fut offert aux meilleurs pisteurs lossoth, ce qui leur permettrait de voir plus loin et d'éviter de prendre une mauvaise direction au départ. Par la suite, Isilmë fut mise à contribution également : non seulement elle manipulait son embarcation aussi bien que les autochtones, malgré le poids mort représenté par Drilun dans sa barque, encore avait-elle la vue la plus perçante de tous les gens présents. Grâce à ses capacités d'elfe, elle percevait les choses bien plus loin que n'importe qui, même si elle n'était pas aussi bonne que Geralt ou Vif pour repérer les moindres détails. Quoi qu'il en fût, elle se retrouva vite parmi les barques de tête, avec les Lossoth qui connaissaient le mieux les eaux et avaient la meilleure vue, à rechercher l'iceberg susceptible de les héberger tout en évitant les autres.

En fin de compte, l'elfe finit par repérer d'abord des corps d'orcs dans l'eau. Puis ce fut une montagne de glace flottante à une certaine distance, à travers la neige et les vagues, montagne comme légèrement auréolée d'une certaine lumière, signe possible de la présence en son sein de lumières allumées par des Chasseurs des Mers. Les Lossoth n'avaient rien vu mais ils lui firent confiance lorsqu'elle arriva à expliquer ce qu'elle avait vu. En effet, même si elle arrivait à émettre de faibles sons, son extinction de voix était encore bien là suite à une malheureuse expérience magique faite au cours de la journée lorsqu'elle avait voulu aider ses amis grâce à une chanson de marche elfique capable de leur faire oublier la fatigue. Il lui fallut aussi attacher le corps de son aimé qui dormait profondément et risquait, avec les vagues, de passer par-dessus bord. Mais en fin de compte, ils purent tous arriver à l'iceberg perçu par la belle elfe et constater qu'elle ne s'était pas trompée. Après un débarquement plus ou moins facile pour certains - Mordin n'aimait décidément pas l'eau, même sous forme de glace - tous furent accueillis et hébergés dans l'iceberg où ils racontèrent leurs mésaventures à leurs hôtes, et où Drilun put poursuivre sa guérison.

Plus au sud, Vif connaissait effectivement un sort similaire, avec une différence de taille : les Lossoth qui la remorquaient - elle était seule dans sa barque - étaient partis plus tard et eux n'avaient pas de trèfle de lune pour voir dans la nuit. Et si sa vue était extrêmement perçante dans l'obscurité, elle ne servait plus à rien lorsque la neige tombait trop drue comme c'était à présent le cas. Les barques n'avaient donc plus aucune visibilité, aucun point de repère, il était donc impossible de repérer un iceberg habité par des Chasseurs des Mers. Faute de mieux, les Hommes des Glaces sonnaient du cor en espérant une réponse qui leur permettrait de se diriger, ce qui n'était pas une mince affaire dans le début de blizzard qu'ils devaient affronter. Les adultes restaient stoïques mais des enfants commençaient à pleurer voire à paniquer.

Heureusement, l'ouïe de la lionne enchantée valait bien celle d'un dragon, et elle finit par entendre d'autres cors, au loin, malgré le mugissement du vent. Des Chasseurs des Mers avaient dû percevoir leurs appels peut-être, ou peut-être les esprits avaient-ils donné des visions aux sages et nommeurs d'esprit du clan... De plus, les habitants des icebergs des environs étaient tous aux aguets depuis qu'une attaque avait été perpétrée sur un de leurs clans quelques jours auparavant. Vif arriva, à travers ses miaulements et gestes des pattes, à se faire comprendre des Hommes des Glaces qui l'accompagnaient, et en particulier de la femme qui avait voyagé sur son dos, et qui avait pu constater à quel point elle était intelligente. Ladite femme persuada donc le clan de suivre la direction indiquée par la lionne, ce qui permit enfin d'arriver à un iceberg habité avant que le temps ne se fasse trop mauvais.

2 - Repos et communication
Le mauvais temps ne dura qu'une journée complète, ce qui força les aventuriers à rester chez leurs hôtes durant un jour et deux nuits. Ou plutôt serait-il plus exact de dire qu'ils dormirent l'équivalent de deux nuits, car de toute manière la nuit durait presque toute la journée, en particulier lorsque le temps était couvert comme actuellement. La féline Femme des Bois restait donc coupée de ses amis, toute communication restant - a priori - impossible en raison du temps. Ce qui ne manquait pas de l'inquiéter, car elle avait eu au cours de ce début de voyage marin un échange mystique avec Tevildo. Le Prince des Chats l'avait poussée à abandonner cette folie d'aller chercher Dwimfa et secourir des Lossoth : c'était un piège, et il ne fallait pas trop compter sur l'aide d'Andalónil pour les aider. Or, une fois sur les eaux, ils seraient tous très vulnérables à la magie du démon du froid ou celle de Gorovod...

Malheureusement pour Vif, elle ne pouvait se faire comprendre des Lossoth autour d'elle à l'aide de ses gestes et miaulements. Heureusement pour elle, il y avait une exception : la viisas du clan était doué de pouvoirs magiques et elle avait compris que son invitée féline était intelligente. Elle arriva à comprendre magiquement son parler félin, tandis que la féline Femme des Bois commençait à se débrouiller assez pour comprendre le labba que parlaient les Lossoth. Elle expliqua donc à la viisas qu'elle souhaitait envoyer un message à ses amis : ils ne devaient pas aller à l'iceberg attaqué par les serviteurs du Nécromancien, mais se retrouver sur un autre iceberg plus proche et s'attendre tous. Son interlocutrice expliqua que le temps empêchait d'envoyer un messager, mais qu'elle essaierait de transmettre le message par l'intermédiaire du monde des esprits...

Sur l'autre iceberg où les amis de Vif se reposaient, il était question des événements récents qui avaient affecté les Chasseurs des Mers. Le plus récent, c'était les orcs arrivés en barque qui avaient sauvagement attaqué leur iceberg. Ils n'étaient pas très doués sur l'eau et il avait été facile de les repousser au prix de rares pertes et de blessés plus nombreux. Blessés que le groupe aida à soigner dès qu'il eut connaissance de la chose. Les orcs étaient repartis vers l'Est, moins nombreux, et des messages avaient été envoyés pour prévenir les autres. Mais avant même cela, peu de jours auparavant, tous avaient appris l'attaque de Pohjoinen Tähti ("Etoile du Nord" en labba), un grand et vieil iceberg qui abritait entre autres le clan Merilintu, dont faisaient partie Dwimfa et Pitää Kalasta ("Aime le Poisson").

Cet iceberg, comme beaucoup d'autres des environs, était situé près des côtes est de la baie et il avait déjà commencé à être pris par les glaces, même si elles restaient encore trop minces pour s'y déplacer déjà à pied. En fait l'Etoile du Nord ne bougeait guère de son emplacement actuel, contrairement à la majorité des icebergs. Egalement, contrairement à la plupart des autres icebergs habités, il ne possédait pas d'iceberg "satellite" plus petit. Et actuellement, tous les pêcheurs des environs l'évitaient. D'abord parce qu'aucun de ceux qui étaient allés là-bas depuis le début de l'attaque n'en était revenu. Ensuite parce que les esprits avaient prévenu que des forces maléfiques très puissantes étaient à l'œuvre et que la résolution du conflit, qui était encore en cours, ne viendrait pas des Lossoth.

Bien entendu, les aventuriers se doutaient que la résolution du conflit passerait par eux, d'autant qu'ils en étaient la source. Restait juste à attendre la fin du mauvais temps pour aller là-bas sauver les Lossoth et retrouver Dwimfa. Plus facile à dire qu'à faire ? C'est ce que pensaient certains, et encore plus quand le viisas et la nommeuse d'esprit du clan qui les hébergeait vinrent leur faire part de rêves envoyés par les esprits pendant leur sommeil. Il semblait que le groupe avait une amie plus au sud, et cette amie voulait leur donner rendez-vous à l'ouest de l'Etoile du Nord, sur un autre iceberg. Et les esprits avaient aussi laissé entendre que Pohjoinen Tähti, l'iceberg attaqué par les serviteurs du Nécromancien, était en fait un piège pour les aventuriers. Cela n'était pas vraiment une nouvelle pour eux, mais en plus de provoquer de nouveaux débats, cela les incitait à être encore plus prudents.

3 - Retrouvailles
Vif passa l'essentiel du temps à dormir le temps qu'elle était coincée chez ses hôtes, plus quelques échanges réguliers avec la viisas du clan. Elle ne mangea pas non plus : d'une part les Lossoth n'avaient pas trop de vivres pour passer la mauvaise saison, d'autant plus en raison de l'exil forcé d'une partie d'entre eux. D'autre part, elle s'était gorgée de viande lors d'une chasse qu'elle avait pu faire la journée précédant l'embarquement, donc elle avait la panse bien tendue et pouvait patienter quelques jours. En espérant que ce serait suffisant : tant qu'elle restait sur les eaux de la baie, les occasions de chasser ou pêcher restaient pour elle limitées voire inexistantes, et mettre à contribution les Lossoth chez qui elle pourrait passer risquait de mettre en péril leurs réserves, vu son appétit !

Lorsque le mauvais temps prit fin, elle arriva à persuader - non sans mal - la viisas qui la comprenait de l'aider à rejoindre un iceberg habité à l'Est, proche de celui qui avait été attaqué. Elle avait en effet besoin de bons rameurs pour la remorquer et l'emmener là-bas. Dire que ses hôtes étaient peu motivés était un doux euphémisme : non seulement sacrifier du temps normalement consacré à pêcher et étoffer les réserves pouvait être dangereux avant la mauvaise saison, mais d'autre part les esprits avaient bien prévenu de ne pas s'approcher de l'iceberg attaqué. Elle dut argumenter qu'elle ne s'approcherait pas trop dudit iceberg, et que d'autre part ses amis et elle étaient justement là pour résoudre le problème dont souffraient l'Etoile du Nord et ses habitants. Les esprits s'étant montrés favorables à sa requête, elle eut satisfaction et put partir dans la nuit, ou plutôt le petit matin nocturne, remorquée par deux barques des Chasseurs des Mers.

Ses amis, sur l'autre iceberg, avaient des problèmes similaires, et eux-mêmes ne savaient pas très bien quelle était la meilleure marche à suivre pour éliminer Gorovod et consorts. Car en effet, sur l'eau, ils étaient particulièrement vulnérables aux tempêtes que le démon du froid pouvait leur opposer. D'autant que la présence du sorcier de Dol Guldur à ses côtés pousserait ce même démon à montrer qu'il était toujours le fidèle serviteur du Nécromancien. Même si certains aventuriers, vu l'opposition qu'ils avaient pu constater entre Gorovod et Andalónil lors de leur expédition à Dol Guldur, prétendaient que leur ennemi ailé ne raterait pas une occasion de se débarrasser définitivement du chef des sorciers s'il pouvait le faire sans témoins compromettants.

Ces interrogations poussèrent Rob, peu après la deuxième nuit de sommeil, à emprunter la longue-vue du groupe et à grimper au sommet de l'iceberg dans l'espoir de voir des éléments pour les aider dans leurs choix. Comme il faisait encore nuit, il utilisa du trèfle de lune pour voir à distance malgré le peu de lumière. Puis il rapporta à ses amis ce qu'il avait vu, ce qui incita Geralt à aller voir à son tour. Il put donc confirmer voire préciser les dires de son petit ami : la mer autour de leur objectif était dénuée de barques des Chasseurs des Mers qui semblaient bien éviter l'iceberg attaqué. Un iceberg où le hobbit avait senti de la magie liée au feu, entre autres choses. Mais également, il avait perçu à l'extérieur une grande forme ailée faisant furieusement penser à un dragon...

Après divers débats, il fut convenu d'une stratégie : en tablant sur la complicité d'Andalónil, le groupe devrait attirer Gorovod et compagnie sur un autre iceberg où les aventuriers seraient déjà présents. L'idée était d'occuper un iceberg habité proche et d'attirer le démon du froid à l'aide de son maître Eloeklo. Andalónil combattrait Taurgil et ses amis, ou du moins ferait-il semblant de leur livrer combat, avant de retourner demander de l'aide à Gorovod pour les "finir". Ce dernier arriverait avec le démon et le dragon pour combattre les aventuriers qui l'attendraient de pied ferme, et il serait facile à Andalónil de ne pas mettre toutes ses capacités dans le combat contre les aventuriers, voire d'aider à mettre le Fhalaugash hors d'état de nuire...

Si certains objectèrent que les Chasseurs des Mers n'apprécieraient peut-être pas de voir un tel combat sur leur iceberg, d'autres répondirent qu'ils pourraient bien le quitter le temps nécessaire à la résolution du conflit. Ou en tout cas se faisaient-ils fort de convaincre les autochtones du bien-fondé de leur stratégie. Le groupe avait aussi pu repérer plus loin au sud la barque de la féline Femme des Bois remorquée par deux autres barques, toutes trois se dirigeant vers l'Est. Ils prirent leurs barques à eux, et, avec l'aide de quelques bons pêcheurs du clan qui les avait hébergés, ils partirent eux aussi dans une direction similaire. Ils dévièrent leur route légèrement de manière à arriver plus rapidement au contact des autres Lossoth et de leur amie féline, et le groupe enfin réuni put poursuivre sa route vers l'iceberg de Dwimfa et Aime le Poisson, et attaqué par leurs ennemis.

4 - Opposition et compromis
Les aventuriers poursuivirent donc leur route vers le plus proche iceberg habité par des Chasseurs des Mers à l'ouest de celui de leurs amis attaqués. Après un jour trop court et une nuit bien vite arrivée, ce nouvel iceberg fut en vue. Il était dans des eaux libres de glace, même s'il possédait une auréole de glace à son pourtour, en partie cassée par les efforts des habitants et la nécessité pour eux d'utiliser leurs barques tant qu'il était encore possible pour aller chasser ou pêcher. L'Etoile du Nord, l'iceberg qui hébergeait Aime le Poisson et les siens, était distant d'environ six ou sept miles plus à l'Est, dans une anse de la baie déjà prise par les glaces. En fait, les aventuriers apprirent à l'occasion qu'en raison des courants marins, la plupart des icebergs avaient tendance à occuper l'est de la baie et à se fixer là plutôt qu'à l'ouest ou au centre.

Malheureusement, Vif et ses amis n'eurent même pas l'occasion de poser le pied sur l'iceberg qu'ils comprirent qu'ils n'étaient pas véritablement les bienvenus. Dès qu'ils furent repérés par des gardes lossoth postés à l'extérieur, le reste du clan fut prévenu et de nombreux guerriers firent leur apparition près de la rampe permettant l'accès à la demeure des Chasseurs des Mers. Ils portaient tous des armes - harpons d'os en grande majorité - et montraient qu'ils avaient l'intention de s'en servir si ceux qui s'invitaient approchaient davantage. Pour ne laisser aucune place au doute, une Losson d'âge mûr, probablement la viisas du clan, leur intima l'ordre de partir au plus vite, leur présence étant synonyme de mort et destruction pour son clan.

Il fallut déjà un peu de diplomatie à Taurgil pour arriver à calmer le jeu et échanger des paroles plutôt que des coups. Heureusement il maîtrisait à présent très bien la langue et les usages locaux, et un dialogue plus constructif put être établi. La viisas expliqua que les esprits avaient clairement annoncé que plus longtemps les étrangers resteraient, plus grandes étaient les menaces pour son clan. Quant à les laisser occuper leur demeure comme cela fut bientôt évoqué, il n'en fut pas question : les visions de mort et malheur qu'elle avait vécues ne laissaient aucune place au doute. Ils devaient donc partir loin de l'iceberg, et au plus vite, et ses habitants n'allaient pas non plus tous partir vers quelque funeste destin pour laisser leur iceberg se transformer en piège ou champ de bataille.

Le grand Dúnadan pouvait comprendre l'inquiétude de son interlocutrice et la probable justesse de ses prémonitions, mais il insista tout de même : si ses amis et lui ne pouvaient tendre un piège à distance aux ennemis qui avaient envahi l'iceberg d'Aime le Poisson et des siens, ces derniers étaient condamnés, et seuls ses amis et lui pouvaient mettre un terme à l'attaque, qui semblait encore en cours aux dires de la sage du clan. N'était-il pas possible de trouver un compromis qui permettrait de sauver les habitants de l'Etoile du Nord sans trop mettre en danger ceux de l'iceberg où ils se trouvaient à présent ? La viisas perçut la sagesse des propos du grand rôdeur, et, après réflexion et consultation des esprits, annonça qu'elle avait peut-être une solution possible à proposer. Non loin de là existait un iceberg trop petit pour la colonisation mais dont une caverne avait été agrandie et servait parfois de refuge à des chasseurs ou pêcheurs qui vadrouillaient à proximité. Les aventuriers pourraient éventuellement l'occuper pour y faire leurs affaires sans trop mettre le clan et son iceberg en grave péril.

L'héritier des rois du Rhudaur remercia son interlocutrice de sa proposition, estimant que le compromis était tout à fait acceptable. Les Chasseurs des Mers qui avaient conduit les aventuriers jusque-là purent entrer dans l'iceberg, tandis qu'une personne fut désignée pour conduire Taurgil et ses amis jusqu'à leur destination. La mer fut donc reprise jusqu'à un iceberg de peut-être une trentaine de pas de large au maximum. Une partie en pente douce finissait dans la mer d'un côté, et par un mur de glace de quelques pas de haut de l'autre, mur au pied duquel une partie plate et émergée permettait d'échouer les barques ou de combattre. Le mur comportait une ouverture un peu étroite en son centre qui donnait sur une caverne au plafond en pente douce, soutenu par deux piliers de glace, et une petite ouverture dans le plafond qui permettait à d'éventuelles fumées de s'échapper.

5 - Appel et discussion musclée
Drilun avait pu guérir en partie lorsque le groupe avait été bloqué dans un iceberg par le mauvais temps, juste avant de reprendre la mer. Il était tout de même encore bien fatigué et il s'installa pour dormir avec l'aide d'une préparation de marchand de sable, ce puissant somnifère qui apportait un sommeil très réparateur. Mais au même moment, Geralt lançait le nom d'Eloeklo trois fois dans le vent, comme il leur avait dit de faire pour l'appeler, lorsque le Démon du Vent du Nord avait échangé avec eux par l'intermédiaire du corps de Gillowen, qu'il contrôlait. Le maître-assassin ne vit qu'ensuite que leur archer-magicien dormait à présent et n'était plus susceptible d'être réveillé. Il espéra que cela n'aurait pas de conséquence funeste, malgré la venue probable et prochaine d'Andalónil, qui n'aimait rien de plus que jouer avec eux...

Entretemps, la longue-vue fut mise à contribution. L'iceberg du nom d'Etoile du Nord, attaqué par Gorovod et ses alliés, était à peut-être six miles de là, et clairement visible pour qui avait une assez bonne vue et était nyctalope. Le dragon était clairement visible à l'extérieur, mais ne semblait pas très gros ou vieux. Il passait l'essentiel de son temps à donner des coups de queue ou de griffe sur les parois de glace ou les ouvertures trop petites pour lui. Rob pouvait sentir régulièrement de la magie destructrice par là-bas, et la silhouette du démon Andalónil était visible dans le ciel au-dessus de l'iceberg. Au bout d'un moment, elle changea de position pour venir dans leur direction, et bien vite le temps autour de l'iceberg où reposait les aventuriers changea : de clair et calme il devint agité et chargé de neige, si bien que plus personne ne pouvait voir très loin.

Les aventuriers et leurs barques étaient installés dans la petite caverne de l'iceberg. Les deux ouvertures qui permettaient de passer semblaient trop petites pour le démon, en particulier celle du toit que seul le hobbit aurait pu emprunter sans un minimum de contorsions. Taurgil s'était placé face à l'entrée, protégé par sa magie de (potentiel) roi dúnadan. Lorsque le démon arriva et se fit annoncer, ce fut à sa manière, brutale : une énergie magique percuta le grand rôdeur et le propulsa au fond de la caverne, manquant de peu de balayer certains de ses amis au passage. Grâce à sa protection magique il n'eut aucune blessure, et il revint vite vers l'entrée pour discuter avec le démon... et recevoir un nouvel impact magique qui le renvoya au fond, toujours sans dommage. Andalónil était néanmoins parfaitement d'accord pour discuter, ce qu'il fit... tout en y mettant les formes pour satisfaire une éventuelle vision magique de son compagnon venu de Dol Guldur avec lui, Gorovod. Et en y trouvant aussi un plaisir certain et manifeste.

Le démon était donc d'accord pour attirer le chef des sorciers de Dol Guldur et suivre le plan de Taurgil, mais il voulait être convaincant. Et puis il n'avait plus son fouet magique et entendait peut-être faire payer les aventuriers pour cela. En tout cas il ne ménagea pas sa peine et, à force de magie destructrice, l'entrée s'agrandissait de plus en plus. La présence de Rob et de son anneau magique qui annulait la magie à proximité évita davantage de dégâts après un moment, notamment un sort de feu - un comble pour un démon du froid - qui aurait pu avoir des conséquences plus funestes. Par contre, Isilmë eut la mauvaise idée d'aller à l'extérieur pour combattre leur adversaire à l'aide de ses flèches, ce qu'elle n'allait pas tarder à payer douloureusement...

Il faut dire qu'elle choisit la voie des airs, à savoir le plafond. Tandis que ses amis étaient diversement occupés à se protéger ou à tenter de combattre le démon, elle demanda à Mordin de lui faire la courte échelle pour lui permettre d'atteindre l'ouverture dans le plafond de la grotte. Le passage était étroit pour elle mais grâce à ses compétences elle pensait pouvoir y arriver sans mal. C'était sans compter sur le démon qui gela magiquement l'ouverture autour d'elle - ainsi qu'une partie de son corps - alors qu'elle avait encore les jambes dans la caverne. Ainsi immobilisée, le démon eut grand plaisir à se poser derrière elle, sur le toit en pente de l'iceberg, et à lui caresser le visage plusieurs fois à l'aide de ses mains glaciales et surtout griffues !

Il ne fallut pas longtemps à ses amis pour sortir et escalader le mur de glace de l'entrée, et ainsi arriver non loin de l'elfe et de son agresseur. Mais Andalónil eut largement le temps de lui faire de nombreuses blessures sanglantes tout en se délectant de la douleur qu'il lui infligeait, et de ses cris. Les blessures n'étaient pas trop profondes néanmoins, bien que très douloureuses, et elles ne laisseraient pas de cicatrices sur son corps d'elfe, même si elles mettraient tout de même quelque temps à guérir. Le visage d'Isilmë n'était pas bien beau à voir... Après quoi le démon esquiva les attaques contre lui et s'envola joyeusement en disant qu'il pensait que ses mains ensanglantées, et les blessures infligées, seraient sans doute suffisantes pour donner un peu le change à Gorovod et peut-être l'attirer ici...

6 - Soins, travestissement et attente
Ses amis firent du mieux qu'ils pouvaient pour casser la glace autour du corps de leur amie ensanglantée et la dégager de son piège. Avant de la soigner magiquement ou avec du baume d'orc, ils se posèrent tout de même la question de profiter de ses blessures pour avoir une apparence de blessés plus convaincante. Au bout du compte, Isilmë fut soignée et Geralt utilisa davantage son matériel de déguisement pour les grimer et donner une impression de nombreuses blessures aux mains d'Andalónil. Et puis le sang qui imprégnait ses vêtements ou ses cheveux restait bien présent. Les débris de glace et autres dégâts provoqués par la magie du démon attestaient assez bien aussi de la violence qui avait eu lieu ici.

Ils forcèrent tout de même encore un peu le trait, se grimant ou prenant, pour certains, des poses de blessés voire de morts ou mourants. Cela, avec le maquillage réalisé par le maître-assassin de Tharbad, serait-il assez convaincant ? A tout moment, pendant que Geralt modifiait l'apparence de ses amis, les aventuriers s'attendaient à voir arriver leurs ennemis, mais rien ne venait. Le mauvais temps empêchait de voir très loin, et Rob ne sentait guère d'activité magique particulière, et les sens exceptionnels de la lionne enchantée ne détectaient pas non plus une quelconque approche d'ennemis en maraude. En fin de compte, tout fut prêt pour accueillir Gorovod et ses compagnons, et le groupe sombra dans une attente teintée d'inquiétude. Leur piège allait-il fonctionner ?

A tout le moins, cette attente permit à Drilun d'émerger de sa torpeur de drogué au marchand de sable. Il se sentait bien mieux, reposé et davantage guéri, et prêt à en découdre magiquement. En fait il était presque impatient de se confronter au chef des sorciers de Dol Guldur. Depuis toujours il avait pris grand soin de perfectionner sa propre magie, qu'il avait développée à un niveau qu'il n'aurait pas cru possible à ses débuts. Cela, plus divers objets magiques dont il était l'heureux possesseur, lui apportait une grande confiance dans ses capacités. Tous ne partageaient peut-être pas son optimisme, car à part Taurgil et Drilun qui étaient capables de se protéger magiquement contre les pires des attaques, leurs amis savaient que dragon, démon ou sorcier étaient susceptibles de les tuer d'un seul coup physique ou magique...

L'attente se prolongea donc un peu - cela faisait plusieurs heures que le démon était parti chercher Gorovod - lorsque le plus petit membre du groupe perçut une activité magique manifeste : le temps autour d'eux se dégradait progressivement, sans doute en raison de l'influence magique du démon. La féline Femme des Bois perçut bientôt un bruit dans la tourmente, comme celui d'un grand corps fendant l'air pour arriver dans leur direction. Bientôt d'autres qu'elle perçurent le bruit, suivi d'un choc puissant contre les parois de leur iceberg. Assez puissant pour faire tomber des murs et du toit de leur caverne des morceaux de glace sur la tête des aventuriers, sans les blesser néanmoins. Le dragon venait d'arriver, et il avait porté le premier coup, avant de repartir dans les airs. Néanmoins, il allait bientôt revenir pour un deuxième, puis un troisième, et encore bien d'autres à venir. De Gorovod il n'était pas question, et Andalónil faisait entendre sa présence non loin dans les airs.

Le combat avait commencé, et il ne se déroulait peut-être pas exactement comme certains l'avaient prévu. Le plafond de la caverne où ils demeuraient n'allait peut-être pas tenir éternellement : coup après coup, il perdait en épaisseur et l'iceberg sur lequel ils se trouvaient n'était pas si grand que ça, et assez plat. Isilmë essaya bien de tirer des flèches sur le dragon par l'ouverture dans le toit, celui-là même où elle avait été piégée par le démon. Mais le passage de la bête était trop rapide et son cuir trop épais, et jamais elle n'eut l'impression de faire la moindre égratignure au monstre ailé. De même, Mordin empoigna sa hache magique afin qu'elle lui indiquât le point faible de leur ennemi draconique, comme elle le faisait toujours. Malheureusement, tout allait trop vite et il ne voyait pas bien le peu que la hache lui indiquait ; tout au plus put-il déterminer, une fois le trou bien agrandi, que cela devait se situer vers la tête du dragon...

7 - Ruines et impuissance
A force de persévérance, le monstre avait atteint son probable objectif : petit à petit, le plafond de la caverne avait cédé, morceau par morceau, ce qui força les aventuriers à esquiver les gros blocs de glace qui tombaient, puis à escalader sans cesse les débris glacés pour ne pas finir ensevelis. Heureusement tous étaient bien protégés par leurs armures et rompus à ce genre d'exercice. Restait que ce n'était plus vraiment une caverne qui les abritait mais plutôt une cuvette, et à force les barques qui avaient survécu à la violence du démon lors de son premier passage ne furent plus bonnes à servir, hormis comme allumettes. Le froid s'engouffra davantage dans ce qui était avant leur abri, et ils se sentaient plus exposés que jamais aux attaques de leurs ennemis.

Le mauvais temps empira, sans doute manipulé par le démon du froid. Mais bientôt un nouveau sursaut magique puissant renforça la détérioration du climat autour d'eux, la température dégringola encore plus vite et les rafales de vent et de neige gagnèrent encore plus et plus vite en intensité. Le magicien du groupe analysa immédiatement la chose comme l'utilisation d'un mot de pouvoir par le chef des sorciers : Gorovod, arrivé non loin d'après le hobbit, avait lancé un sort puissant pour accroître les effets du blizzard déclenché par Andalónil. Il fut tenté de jeter un contre-sort similaire, mais décida de n'en rien faire pour garder son énergie magique pour plus tard, pour la bonne bouche. De toute manière ses amis et lui étaient bien équipés et protégés contre le froid, à l'exception de Vif, mais sa formidable constitution lui permettrait d'endurer le mauvais temps le temps du combat à venir. Sauf que le combat tardait à venir...

Le dragon avait fait une pause dans ses attaques, peut-être en raison de la violence du temps. Taurgil sortit de l'ex-caverne pour défier ses ennemis et concentrer les attaques sur lui, bien protégé par sa magie, son armure et sa constitution de grand guerrier dúnadan. Ce fut le moment que choisit le démon du froid pour revenir et le propulser magiquement hors de l'iceberg, jusque dans l'eau qui l'entourait. Peu après, alors qu'il commençait à remonter sur le sol glacé, un coup de queue du dragon l'expédia en l'air de l'autre côté de l'iceberg, encore une fois dans l'eau. Eau qu'Andalónil commença à geler tout autour de lui, l'emprisonnant dans une gangue de glace incassable. Rob avait bien pris la peine de mettre son anneau magique au doigt, celui qui annulait la magie proche... mais leur ennemi était trop loin pour en être affecté. Le démon poursuivit son travail de fabrication de glace tout autour de l'iceberg, agrandissant notablement l'espace où l'on pouvait se tenir debout au sec, et combattre. Taurgil pouvait encore respirer, même s'il avait toujours les jambes dans l'eau glaciale, ce qui ne l'affectait guère grâce à une protection magique conférée par une dague qu'il portait sur lui. En revanche, il était très vulnérable et serait une proie facile pour quiconque viendrait lui chercher des noises...

Lionne enchantée, hobbit, nain et chef des assassins de Tharbad sortirent aider leur ami. Rob et Vif étaient aux aguets, se préparant à combattre quiconque se montrerait ou à mettre l'anneau anti-magie pour éviter une nouvelle sorcellerie. Pendant ce temps, Geralt utilisait son épée magique et Mordin le harpon enchanté donné deux ou trois jours auparavant, afin de casser autant que possible la glace autour du grand rôdeur. La féline Femme des Bois vint bientôt leur prêter main forte avec ses griffes magiques afin de libérer plus vite leur ami emprisonné. Avec l'aide d'un nouveau sort, Taurgil diminua la solidité de la glace qui l'emprisonnait, déjà fragilisée par ses amis, et il put enfin se libérer. Tous retournèrent alors se réfugier du mauvais temps et d'éventuelles attaques dans les décombres de la caverne.

Après un moment la tempête se calma un peu. Mordin se mit dos à l'entrée de l'ex-caverne, et il défia le dragon en brandissant sa hache en os de dragon magique. C'est le moment où Vif perçut l'approche de nombreuses barques aux alentours, barques chargées de créatures bruyantes et puantes malgré le mauvais temps : les orcs devenus marins malgré eux étaient là, au service de Gorovod, et ils s'apprêtaient à débarquer et attaquer... Du moins les survivants, peut-être au nombre d'une trentaine, après leurs déboires sur l'eau et les attaques ratées sur des icebergs des Chasseurs des Mers. Cela était tout de même nettement suffisant pour mettre davantage les aventuriers en difficulté. Les orcs poussèrent de grands hurlements et convergèrent sur la glace créée par Andalónil vers l'iceberg - ou plutôt son centre - où les aventuriers étaient regroupés. Quant au nain, son souhait d'attirer l'attention du dragon fut exaucé : le monstre piqua vers lui depuis les cieux, et vers le rôdeur dúnadan qui venait se mettre devant son plus petit compagnon pour lui offrir protection.

Geralt avait pris peu auparavant une noix d'écureuil pour augmenter rapidité et réflexes. Il grimpa sur le mur de glace au-dessus de ses amis, prêt à porter une attaque de son épée magique dès que le dragon serait à sa portée, car sa course devait l'amener juste à l'endroit où il était situé. Sauf qu'un ricanement au-dessus et derrière lui lui rappela qu'Andalónil était toujours là et venait probablement de le prendre pour cible. Plus bas, Drilun et Rob s'apprêtaient à recevoir la charge des orcs, le hobbit décelant également une puissante magie protectrice émanant d'une barque encore distante et impossible à percevoir autrement que magiquement, en raison du mauvais temps. Gorovod se protégeait, sans doute en anticipant sa très prochaine participation pour donner le coup de grâce... Isilmë, dans ce qui restait de la caverne devenue cuvette, préparait une flèche à destination du premier ennemi ailé qui passerait. Vif, de son côté, se préparait à l'attaque du dragon et comptait bien sur ses sens et ses griffes pour trouver son point faible et en tirer profit... On ne change pas une stratégie gagnante. Elle aussi avait pris une noix d'écureuil , et elle allait en tirer bientôt parti.

8 - Fin de partie
Maudissant le démon du froid qui ne jouait pas le jeu et les attaquait encore contrairement aux intérêts d'Eloeklo, Geralt abandonna tout espoir d'attaquer le dragon. Il se retourna pour faire face au démon qui arrivait sur lui, prêt à lancer un sort sur lui. Le maître-assassin devinait qu'Andalónil pouvait le projeter magiquement dans l'eau glaciale et mortelle depuis sa position, et il préféra sauter dans la cuvette et ancienne caverne, au fond de laquelle se tenait son amie elfe, l'arc à la main. Le sort du démon du froid écrasa le balafré aux cheveux blanc contre les parois de l'ex-caverne, brisant plusieurs de ses os et le laissant mourant. Mais la flèche d'Isilmë, qui était à présent dans le dos de leur ennemi proche, trouva son chemin et s'enfonça dans le dos bleuté de leur adversaire. Andalónil poussa un cri de douleur, sans doute sérieusement blessé même si l'elfe doutait que cela représenterait une menace sérieuse pour lui. En tout cas il s'éloigna vite du lieu du combat et disparut dans le mauvais temps.

Le dragon arriva sur ses deux proies toutes griffes dehors. Ses pattes arrière heurtèrent le sol de l'iceberg avec violence, envoyant une onde de choc qui secoua toute la montagne de glace. Dans le même temps, ses pattes avant se refermèrent sur les corps de Taurgil et Mordin, malgré les attaques inutiles de ces derniers, et les ailes du monstre, haut levées, se préparèrent à soulever son corps avec ses deux prisonniers. Il allait donc, d'une certaine manière, rebondir sur l'iceberg en profitant de son élan, et repasser au-dessus du mur de glace qui marquait le début de l'ancienne caverne au sommet de l'iceberg. Sans doute voulait-il ensuite prendre de la hauteur et lâcher ses deux proies depuis une belle hauteur, pour les voir s'écraser plus bas sur la glace ou sur l'eau. Ou les déchiqueter tranquillement en l'air ou sur un quelconque perchoir.

Mais il n'en eut pas le temps : Vif avait eu le temps de repérer l'absence d'écailles draconiques au niveau de la gorge du dragon, et elle s'était élancée. Elle sauta en même temps que le dragon rebondissait, et arriva au niveau de sa gorge, où elle enfonça profondément sa patte avant griffue, celle-là même qui avait perdu ses poils, brûlés par le sang corrosif d'un autre dragon. Proprement égorgé, le dragon lâcha Taurgil et Mordin, passa au-dessus de Geralt et Isilmë, glissa sur l'extrémité de l'iceberg et acheva sa course, mort, dans l'eau où il s'enfonça. Rob et Drilun, qui avaient commencé à tirer leurs premières flèches sur les orcs en approche, arrivèrent à garder leur équilibre suite à l'onde de choc engendrée par l'atterrissage du dragon ; mais pas les orcs, dont les jambes volèrent en l'air dans un bel ensemble, pour finir sur le cul, sans plus proférer aucun cri.

Dans le même temps, le hobbit sentit s'évanouir la magie qui dénotait la présence de Gorovod. Le grand sorcier de Dol Guldur avait-il disparu, téléporté ailleurs magiquement ? Il ne sentait absolument plus rien, et les orcs non plus : privés d'une forte volonté pour les guider, et constatant la mort du dragon et la disparition du démon du froid, face à des adversaires qu'ils savaient impossibles à combattre pour leurs manifestement faibles capacités, ils tournèrent le dos aux aventuriers et se précipitèrent vers les barques qui les avaient amenés là. Ils furent cueillis les uns après les autres par les flèches tirées par Rob et Isilmë, mais aussi par des flèches venant de la barque où se tenait auparavant Gorovod. Avec l'aide des autres aventuriers les orcs ne furent bientôt plus qu'un souvenir, les derniers préférant se jeter à l'eau et mourir noyés que de rester plus longtemps en présence de si terribles ennemis.

Tandis que le mauvais temps se calmait et que les températures remontaient, tandis que le corps du maître-assassin mourant était maintenu en vie avant que ne parte son âme pour son ultime voyage vers les cavernes de Mandos, le groupe vit apparaître un grand homme blond et barbu couvert de cuir et passablement trempé, sans que cela ait l'air de l'affecter aucunement. Dwimfa, car c'était lui, expliqua que quand Gorovod et les orcs avaient quitté l'iceberg où il les avait combattus, il avait pu les suivre à distance, discrètement. Il était entré dans l'eau - il était protégé magiquement contre le froid - pour s'approcher encore davantage, et avait trouvé le grand sorcier seul, lorsque les orcs avaient chargé. Malgré les protections magiques de ce dernier, il lui avait fait exploser la tête d'une flèche bien placée qu'il ne vit jamais venir. Et il semblait bien que les esprits étaient d'accord pour qu'il reprenne son ancienne vie d'aventurier. D'autant que son épouse était morte dans l'attaque de Gorovod et Andalónil, et qu'il avait besoin d'un peu d'action avant d'espérer pouvoir retrouver la paix, peut-être...
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Niemal
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Grand Nord - 15e partie : spectre, baleine et dragons

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1 - Passé trouble et blessures présentes
Vif ne percevait plus aucune menace à proximité, mais le groupe ne manquait pas de pain sur la planche. Le corps de Gorovod fut fouillé et dépouillé de ses possessions : ses robes de cuir sombre étaient ainsi très légères mais d'une incroyable solidité. Il portait également une espèce de masse d'armes qui était aussi le symbole de son poste de Fhalaugash, le Grand Sorcier de Dol Guldur, une espèce de sceptre qui accroissait la magie ténébreuse de son possesseur. Sans parler d'une dague particulièrement affûtée et de divers autres objets non magiques. Malheureusement, aux perceptions enchantées du hobbit ou à l'analyse magique de l'archer-magicien, robes et masse étaient enveloppées d'une aura maléfique qui suggérait la corruption plus ou moins rapide de son porteur. Néanmoins Drilun ne put se résoudre à tenter de détruire la masse ou à l'abandonner dans les flots, et il la garda par-devers lui. Plus tard, Dwimfa, qui avait pu récupérer toutes ses flèches, hérita des robes noires du sorcier. Son passé d'aventurier lui avait permis de développer une certaine résistance à toute forme d'influence mentale.

Il fallut assez vite constituer un abri dans les débris de leur caverne écroulée, avec l'aide des barques utilisées par les orcs. Les anciennes barques des aventuriers, réduites en allumettes, servirent à faire un feu pour réchauffer le groupe et permettre une infusion d'athelas, dont Taurgil se servit pour traiter deux blessures : celle de Geralt, au corps brisé par la magie du démon du froid, et celle de la lionne enchantée, dont la patte avait été une nouvelle fois brûlée par le sang corrosif du dragon qu'elle avait abattu. Ce fut aussi l'occasion d'écouter l'Homme des Bois qu'ils étaient venus chercher parler davantage de lui, de ses expériences mais aussi de certains de ses objets. En effet, Dwimfa avait sur lui nombre de babioles enchantées, dont l'une d'elles était une arme redoutable dont ils avaient déjà pu juger de l'efficacité : Morang, ce qui signifie "Fer/Acier Noir" en sindarin, d'après la couleur de sa lame. On lui avait dit qu'elle était peut-être la petite sœur d'Anglachel et Anguirel, célèbres et mortelles épées fabriquées par l'Elfe Noir, Eöl, au cours du Premier Âge...

C'était une épée qui pouvait changer de taille au gré de la volonté de son porteur, et qui possédait une lame tellement tranchante qu'elle ignorait les armures hormis les plus solides ou magiques. En revanche, cette arme était littéralement assoiffée du sang et de la vie des victimes, et elle poussait son porteur à combattre tant qu'il ne restait personne de vivant à proximité. Heureusement, l'Homme des Bois, ayant longtemps été possédé par un démon - ses anciens amis et lui découvrirent sur le tard qu'il s'agissait d'Eloeklo - il avait pu développer une résistance spéciale contre l'influence d'êtres ou d'objets maléfiques tels que Morang. Lorsqu'il était parmi les Lossoth, privé de sa mémoire, Dwimfa n'aimait pas se servir de cette arme, même s'il arrivait à lui résister. A présent qu'il s'en rappelait toute l'origine et les risques associés, elle servirait davantage, même si ce ne serait jamais son arme de prédilection : il restait avant tout un archer et un franc-tireur, habitué aux embuscades et à tuer par surprise, pas à combattre en face à face...

L'Homme des Bois était aussi un Losson à présent, et il pressa le groupe de venir l'aider : Andalónil et Gorovod avaient tué et blessé de nombreuses personnes parmi les siens, et il savait que le groupe possédait en son sein de formidables guérisseurs. Il allait retourner dans l'iceberg du clan, l'Étoile du Nord, après un peu de repos. Il pressa donc les aventuriers de l'accompagner pour aider du mieux qu'ils pourraient. Bien sûr, Geralt n'était pas transportable pour l'instant, le temps que la magie des soins dont il avait bénéficié ne fasse pleinement effet. Mais à présent que les risques avaient été neutralisés, il était possible de scinder l'équipe en deux : une partie, dont Taurgil et Isilmë, pourraient accompagner Dwimfa, tandis que les autres resteraient pour veiller sur le maître-assassin et lui prodiguer des soins jusqu'à ce qu'il soit assez en forme pour reprendre la mer. Ce qui fut fait : Drilun et Vif restèrent avec le balafré aux cheveux blancs, tandis que les autres partirent avec l'Homme des Bois losson après une bonne nuit de repos.

En empruntant les barques laissées par les orcs, elles-mêmes prises à des Hommes des Glaces massacrés trois jours auparavant, ils arrivèrent à l'iceberg d'Aime le Poisson après une heure de voyage rapide et sans souci. Ils découvrirent un grand iceberg déjà pris par les glaces environnantes, et qui avait subi de nombreux dégâts internes, par le feu notamment. De très nombreuses personnes avaient péri, souvent les meilleurs chasseurs ou pêcheurs, et la moitié de ceux qui restaient étaient blessés, pour certains assez gravement. Rapidement, les aventuriers se mirent à la tâche, elfe et Dúnadan utilisant leurs magies pour aider les viisaat du clan à sauver les plus atteints, y compris certains qui étaient jugés impossibles à soigner. Pendant ce temps-là, Dwimfa partait avec les siens chasser la baleine ou d'autres gibiers - de nombreux stocks de provisions avaient été détruits - tandis que Rob faisait preuve de ses talents de cuisinier pour remonter le moral des survivants, sans parler de se servir de sa bonne humeur et son aspect inoffensif pour calmer voire amuser ses hôtes et en particulier les enfants. Et Mordin faisait du mieux qu'il pouvait pour aider à la réparation de l'iceberg ou au nettoyage des dégâts matériels ou humains laissés derrière eux par les ennemis du groupe...

2 - Guérisons
Geralt souffrait de nombreuses fractures, aux côtes essentiellement, qui l'immobilisaient. La magie du Dúnadan héritier des rois du Rhudaur mettrait une journée entière à faire effet, et permettrait de réduire considérablement la gravité de la blessure, à défaut de la guérir totalement. Mais après cela, la magie de l'archère elfe prendrait le relais et devait accélérer la guérison naturelle de l'Eriadorien, et s'assurer que tout se passerait bien, renforçant les capacités du corps à surmonter d'éventuelles rechutes liées à l'état de faiblesse du blessé. Ainsi, en très peu de temps, le maître-assassin pourrait-il être sur pied alors qu'il lui aurait fallu au moins un mois avant de pouvoir se lever. Il était donc forcé de garder le lit, ce qui lui convenait parfaitement, même si le site n'était pas le meilleur pour sa convalescence.

Lui et ses deux amis reçurent la visite d'Isilmë plusieurs fois par la suite : à l'aide de la longue-vue et de ses capacités d'elfe, elle pouvait repérer l'iceberg où ils avaient combattu, depuis celui d'Aime le Poisson. Lorsque la guérison du maître-assassin fut bien avancée, elle put le rapatrier jusqu'à la demeure des Lossoth où il put achever tranquillement son rétablissement. Elle revint également pour Drilun et Vif, afin de les ramener eux aussi à bon port. En attendant, le premier s'occupait en faisant des flèches magiques capables d'abattre plus facilement leurs adversaires en recherchant leurs points faibles. Quant à la seconde, elle recommençait à avoir de l'appétit, n'ayant pas mangé depuis plusieurs jours. Elle brisa donc la glace pour accéder à l'eau, et appâta des poissons avec des morceaux d'orc. Poissons qui à leur tour finirent par attirer un phoque, qui découvrit un peu tard un nouveau prédateur qui aimait bien sa chair...

Sur l'Étoile du Nord, l'iceberg qui hébergeait le clan d'Aime le Poisson et Dwimfa et à présent les aventuriers, les deux soigneurs du groupe avaient passé une journée entière à utiliser leur magie pour sauver des vies et favoriser la guérison du plus grand nombre. Et ce, avec succès : les morts se comptèrent sur les doigts d'une main, alors qu'à leur arrivée une trentaine de Lossoth étaient dans un état plus que préoccupant, malgré les efforts des soigneurs lossoth, efforts limités vu l'ampleur de la tâche. D'autant que, selon la tradition du peuple du Grand Nord, les personnes les plus blessées et les moins susceptibles de guérir étaient les moins prioritaires. En effet, la source de soins et la nourriture étant limitées, pour la bonne survie du clan il ne fallait pas consacrer trop d'efforts aux cas les plus graves, car ils risquaient d'être un fardeau pour l'ensemble du clan. D'eux-mêmes, certains Lossoth blessés n'avaient pas voulu être soignés, s'estimant être potentiellement plus une charge ou une menace pour le groupe qu'autre chose. Il avait donc fallu les convaincre qu'ils pourraient vite retrouver la santé et que les problèmes de nourriture seraient résolus par ailleurs, avant même leur guérison.

Et c'est quelque chose que Dwimfa expliqua bien à ses nouveaux compagnons : le combat contre Gorovod et Andalónil, pour ne rien dire des orcs qui les accompagnaient ou du dragon resté à l'extérieur, avait mis en péril l'ensemble du clan vu la perte de nombreux stocks de vivres. Les clans proches ne pourraient aider, ou de façon très limitée, sans se mettre eux-mêmes en péril. Il fallait donc reconstituer ces stocks au plus vite, avant le début de la mauvaise saison, ce qui paraissait quasiment insurmontable au vu des pertes occasionnées. Aller chasser et pêcher était donc au moins voire plus important que de sauver les blessés. Nombre d'entre eux, s'ils avaient conscience d'être un fardeau pour le clan, préféreraient mettre fin à leurs jours plutôt que de risquer d'être en partie la cause d'une famine pour leurs proches en meilleure santé.

Les aventuriers valides - Geralt n'en faisait bien entendu pas partie - utilisèrent leur second jour parmi leurs hôtes pour reconstituer lesdites réserves de nourriture, faisant de leur mieux pour pêcher ou chasser et ramener le plus possible de viande pour passer la mauvaise saison. Vif en particulier, partie chasser à terre, ramena trois rennes à elle seule. Mais, malgré l'importance de leur chasse, les aventuriers se rendirent compte que cela ne représentait pas grand-chose lorsqu'il s'agissait de nourrir deux cents personnes, dont de nombreux blessés et enfants qui avaient davantage besoin de se nourrir. Peut-être que les stocks pourraient être reconstitués avec l'aide du groupe, mais il faudrait encore sans doute des semaines avant d'y arriver, délai que Taurgil et ses amis n'étaient pas prêts à consacrer...

A moins de rapporter un vraiment gros gibier, tel qu'une baleine de bonne taille. Le problème était que le clan manquait un peu de chasseurs, à présent. La chasse à la baleine était quelque chose de dangereux, en particulier avec les grosses. Les chasseurs valides étaient donc d'autant moins enclins à mettre leur vie en danger, sachant qu'ils étaient nécessaires à la survie du clan. Ils se limitaient donc à la chasse de quelques baleines parmi les plus petites, plus faciles à attaquer avec un nombre réduit de personnes. Et puis les glaces allaient bientôt finir de se former et cette chasse ne serait plus possible d'ici deux semaines au plus. Lorsque des aventuriers émirent l'idée d'aller chasser une baleine assez grosse, eux qui ne l'avaient jamais fait, Dwimfa leur expliqua que ce n'était pas forcément une idée très judicieuse. Néanmoins il accepta d'en parler à son clan et de creuser la chose. En effet, au-delà de la réalisation pratique, il fallait être en harmonie avec l'environnement, les baleines elles-mêmes, et les esprits qui veillaient sur le clan et le Grand Nord. Ce qui ne pouvait pas forcément être fait par n'importe qui ou dans n'importe quelles conditions.

3 - Épreuve initiatique
Les viisaat du clan furent donc consultés, et, par leur intermédiaire, les esprits qui veillaient sur tout ce beau monde. Au final, les aventuriers reçurent un avis favorable pour une chasse à la baleine afin de sauver le clan de la famine. Mais cela ne pouvait pas se faire n'importe comment, et plusieurs conditions furent avancées :
- les participants devaient au préalable se soumettre à un rituel de purification spécial
- aucune arme maléfique, sous-entendu contraire à l'harmonie du Grand Nord, ne devait être employée
- un harpon spécialement enchanté devait servir pour la chasse, tel que celui qui avait été donné au groupe et remis à Dwimfa, qui savait le mieux s'en servir

Au final, toutes les conditions semblaient remplies ou à même d'être remplies : Dwimfa accompagnerait le groupe avec le harpon enchanté, les autres utiliseraient les armes sans malédiction ou corruption d'aucune sorte, et le rituel ne poserait aucune difficulté. Le groupe en avait déjà expérimenté un par le passé, et ce n'était pas pour eux un problème d'en subir un nouveau. Aussi les préparatifs furent-ils rapidement mis en place afin de réaliser ce fameux rituel, et tous les membres du groupe qui prendraient part à la chasse à la baleine furent bientôt réunis : Isilmë, Drilun, Dwimfa, Taurgil et Vif. Geralt ne tenait pas à participer, peut-être plus par flemme que pour laisser son corps finir de guérir. Pour Mordin, l'omniprésence de l'élément marin et sa difficulté à nager l'avaient fait décliner la proposition. Quant à Rob, les risques semblaient trop élevés pour sa petite personne, d'autant que les grosses baleines n'étaient pas très sensibles aux flèches vu l'épaisseur de leur cuir et de la couche de graisse sous-cutanée qui les isolait du froid...

Les cinq aventuriers furent donc bientôt réunis dans une pièce isolée où ils se prêtèrent de bonne grâce à un nouveau rituel comprenant quelques peintures et de nombreux chants. Ils parlaient tous à peu près suffisamment le labba pour pouvoir suivre le rituel et interagir avec la viisas qui conduisait la cérémonie, et tout se passa de manière très satisfaisante. Puis, vers la fin du rituel, une poudre blanche fut déposée dans un petit brasero au centre de la pièce, tandis que la Losson qui avait conduit leur rituel sortait du lieu et en fermait l'unique accès, tout en leur parlant d'une ultime épreuve à accomplir afin de recevoir la bénédiction des esprits du clan et de nombreux autres. Une étrange fumée se diffusa dans la pièce, bientôt inhalée par les cinq aventuriers dont la vision fut bientôt obscurcie. Lorsqu'ils purent à nouveau y voir, la pièce avait disparu : ils se trouvaient sur une banquise sans aucun autre signe à perte de vue, tous les cinq, équipés de leur matériel habituel. Ils y voyaient même si le ciel était gris, sans lune ni soleil, avec par endroit des espèces de vagues de couleur qui ondulaient çà et là. Enfin, des espèces de taches lumineuses étaient présentes dans le ciel, qui bougeaient parfois, comme de drôles d'oiseaux intelligents qui les observaient... Après avoir expérimenté un peu, Vif découvrit qu'elle pouvait apparaître sous sa forme humaine si elle le désirait, ou même rester sous sa forme animale et parler comme si elle était encore humaine.

Aux perceptions de plusieurs d'entre eux, l'endroit n'était pas réel ou du moins pas matériel, et ils soupçonnèrent fortement être en transe et parcourir à présent le monde des esprits à la manière dont les sages et nommeurs d'esprit lossoth pouvaient l'expérimenter. Les taches lumineuses étaient peut-être la manifestation des esprits qui les observaient, attendant de voir comment ils se comporteraient lors de cette fameuse épreuve dont personne ne voyait le commencement. Jusqu'à ce que Vif distinguât, loin à l'horizon, une petite silhouette noire qui marchait dans leur direction. A l'opposé, un petit trait bleuté laissait penser à une surface d'eau lointaine. Tandis qu'elle se rapprochait, d'autres purent repérer la silhouette indistincte qui ne semblait pas être vêtue d'habits noirs mais plutôt d'ombre. Petit à petit, une certaine aura de peur commença à la précéder, et les derniers doutes concernant son identité s'évanouirent : elle représentait certainement le spectre qu'ils avaient déjà rencontré de loin et qui était à leur poursuite avec feu Gorovod et Andalónil. L'épreuve devait donc concerner la manière de l'éliminer ou d'y échapper.

Après un moment ils commencèrent à s'éloigner de l'ombre qui les suivait et se rapprochait. S'ils se séparaient les uns des autres, elle avait tendance à aller vers les plus proches. Mais rapidement un nouvel élément de l'épreuve apparut : le territoire sur lequel les aventuriers progressaient se contractait parfois de manière brutale, et ils se retrouvaient brusquement à l'extrémité de la banquise chaque fois qu'ils cherchaient à fuir le spectre qui se rapprochait. Ainsi, petit à petit, la banquise sur laquelle ils marchaient se réduisait et avec elle la distance au spectre. Certains comme Taurgil jouèrent avec la chose de manière à diminuer encore plus vite leur espace vital, afin de se retrouver très près de leur adversaire, l'entourant de tous les côtés, dos à la mer glacée qui les encerclait tous. Isilmë tira une flèche qui pénétra l'obscurité qui servait de vêtement au spectre, sans manifestement lui faire le moindre mal. Arrivant à portée d'arme, Taurgil enfonça son épée dans la créature, après avoir esquivé celle que le spectre avait sortie de l'ombre, sans aucun effet notable. Dans le monde des esprits, les attaques physiques ne semblaient pas la déranger outre mesure...

Taurgil et Vif en eurent encore la preuve quand ils tentèrent de voler dans les plumes de la créature : ils se heurtèrent à un vrai mur, et c'est tout juste s'ils le firent un peu bouger. En revanche, petit à petit, les aventuriers trouvèrent des moyens de l'affecter : les soins magiques d'Isilmë semblaient la blesser, de même que la lumière du bâton de Drilun, plutôt que ses coups. Les éléments naturels l'affectaient, et Vif tenta une vieille chanson de chez elle, une berceuse célébrant la vie et l'amour, qui fut bientôt reprise par Dwimfa, et qui paraissait également incommoder la créature. La lionne enchantée essayait également de s'interposer entre la créature et ses amis, créature qui de toute manière ne pouvait plus vraiment attaquer : les cinq aventuriers étaient trop proches d'elle, et certains essayaient de la déséquilibrer, de lutter avec elle pour l'immobiliser ou au moins la gêner. Avec un certain succès.

Mais à défaut de coups, l'ombre disposait d'une autre manière d'affecter ses adversaires : de ses mains puis de tout son corps émana un froid glacial qui finit par pénétrer le corps de chacun et grandit petit à petit. Rapidement leurs corps se gelaient et ils avaient très peu de temps pour trouver comment tuer le spectre. L'Homme des Bois et Losson depuis peu sentit aussi une présence bienveillante, en attente, tandis que Vif percevait au loin une indéfinissable musique qu'elle avait parfois entendue sous l'eau : le chant des baleines. Dwimfa comprit alors que la destruction de la créature ne pouvait se faire qu'avec l'aide des esprits du Grand Nord, dont ceux de la mer, et il les appela bientôt. C'est alors qu'une immense baleine émergea tout près de leur morceau de banquise où ils se tenaient tous les cinq autour du spectre, et ouvrit grand la bouche qui était bordée de nombreuses dents, comme pour les avaler. Tandis que le gel gagnait leur corps, les aventuriers tentèrent de faire basculer l'ombre et eux dans la bouche grande ouverte, et comprirent qu'ils ne pouvaient y arriver que s'ils le faisaient tous les cinq en même temps. Le dernier aventurier prit enfin le spectre à bras le corps malgré le froid mortel, et ils basculèrent tous dans la gueule du cachalot...

4 - Chasse mouvementée
Le groupe se réveilla dans la pièce du rituel. Si les douleurs physiques de leur expérience onirique avaient totalement disparu, le stress émotionnel qu'ils avaient vécu était lui encore bien présent. Néanmoins ils se sentaient soulagés d'avoir passé cette épreuve qui aurait pu avoir des conséquences bien plus graves qu'ils ne s'y attendaient. Plus tard, la viisas qui rouvrit la porte de la salle du rituel confirma qu'une mort était tout à fait possible dans le monde des esprits... En tout cas, ils étaient à présent prêts à cette fameuse chasse à la baleine, et ils n'allaient pas plus attendre. Grâce à ses sorts de voyance, Drilun put sans grand mal repérer à distance des baleines isolées de la taille qui intéressait le groupe : pas les petites, mais plutôt celles de bonne taille, sans viser les plus grosses non plus. Attaquer une grosse baleine à cinq paraissait déjà quelque chose de complètement fou pour Dwimfa, alors il était inutile de chercher à s'attaquer à quelque chose de trop gros. Une baleine de bonne taille, s'ils arrivaient à la tuer et à la ramener à l'iceberg, serait suffisante pour éviter la famine au clan d'Aime le Poisson, et cela seul comptait. Tuer un gibier trop gros pour les besoins des Lossoth était contraire à leurs valeurs et à l'harmonie dans laquelle ils vivaient.

Le groupe se prépara donc, tout en écoutant les conseils de l'Homme des Bois devenu Losson et encore plus du très bon chasseur de baleine qu'était Pitää Kalasta ("Aime le Poisson"). Le problème était que les baleines, et en particulier les grosses, pouvaient facilement fuir les prédateurs à la surface, à moins d'être rapidement et gravement blessées. Une attaque sur une grosse baleine nécessitait donc de nombreux chasseurs discrets, tant pour l'entourer et l'approcher sans la mettre en fuite, que pour la blesser rapidement. Une baleine faiblement blessée pouvait en effet se défendre et faire facilement tomber à l'eau même les meilleurs chasseurs, sans parler de plonger et de se trouver hors de portée des Lossoth. Mais comment s'y prendre, à seulement cinq ?

C'est bientôt la principale question que se posèrent les cinq aventuriers partis pour leur folle expédition. Le ciel était à peine éclairé par un soleil très bas sur l'horizon - à cette période de l'année et autant au nord, le soleil ne faisait qu'une très courte apparition - quand ils avaient fini par repérer leur cible. Il leur avait fallu ramer deux bonnes heures dans la nuit puis l'aube qui était déjà un crépuscule, avant de se rapprocher de la baleine à la taille convenable qu'ils cherchaient. Isilmë était dans une barque avec Drilun, Taurgil en partageait une autre avec Dwimfa, tandis que Vif en occupait une dernière à elle seule, remorquée par les autres. Mais ils s'aperçurent vite que dès qu'ils se rapprochaient trop, la baleine s'éloignait un peu sans grand effort. Elle percevait la présence de leurs barques et se débrouillait pour ne pas les laisser approcher trop. Comment faire pour la coincer avec trois barques, dont seulement deux étaient maniées par des rameurs un minimum chevronnés, à savoir Dwimfa et Isilmë ?

La magie fut appelée en renfort : l'archer-magicien dunéen utilisa un de ses sorts d'illusion pour faire passer Vif et Taurgil pour des petits baleineaux aux sens du grand cétacé. La première était assez endurante et naturellement isolée pour pouvoir supporter un bain dans l'eau glacée un bon moment, et le Dúnadan possédait sur lui une dague enchantée qui le protégeait magiquement du froid. Tous deux approchèrent donc chacun un flanc différent de la baleine, tandis que l'Homme des Bois devenu Homme des Neiges approchait par l'arrière, côté queue du cétacé et un peu de côté ; la barque des deux archers, elle, était plutôt du côté de la tête. Lorsque la lionne et le grand rôdeur furent à peu près au contact de la baleine, Dwimfa et Isilmë approchèrent du grand corps avec mille précautions, en essayant de ramer le plus délicatement possible, sans faire de vagues ou autres vibrations qui pourraient prévenir la baleine de leur approche. Ils parvinrent ainsi à la moitié d'une portée d'arc.

Taurgil planta alors sa dague et son épée dans le flanc droit de la grande bête, tandis que Vif utilisait ses pattes puissantes et griffues pour blesser et surtout s'accrocher au flanc gauche de la baleine. Ladite baleine ne mit pas longtemps avant de réagir, se soulevant hors de l'eau sur le côté droit, le moins douloureux. Autrement dit, le rôdeur dúnadan plongea brusquement sous l'eau, se cramponnant fermement à ses deux armes plantées dans la peau épaisse de la baleine, tandis que la lionne enchantée était propulsée en l'air au sommet de la créature, comme pour un fantastique rodéo. Elle s'accrochait de ses quatre pattes aux griffes acérées, et la baleine ne put la déloger de là. D'autant que ce ne fut pas tout : une flèche de Drilun lui creva un œil, celui qu'elle avait sorti de l'eau en roulant sur le côté. Ce ne fut pas suffisant pour la tuer, mais cela s'ajouta à la grave blessure que la lionne lui avait faite, et la priva peut-être d'assez de lucidité pour l'empêcher assez longtemps de fuir.

Ce qui ne veut pas dire qu'elle resta immobile à rien faire : sa queue battit les flots dans ses efforts pour se cambrer et faire se décrocher la féline Femme des Bois accrochée à son flanc - sans succès. Dwimfa subit donc l'assaut d'une belle vague qu'il arriva heureusement à escalader sans mal avec sa barque, et il pagaya avec énergie pour se rapprocher ensuite de la baleine qui s'éloignait. Pour la guerrière et archère elfe, et grande maîtresse des embarcations au sein du groupe, ce fut le contraire : elle vit brutalement arriver la très grande créature dont le volume n'avait rien à envier avec celui du plus gros des dragons ! Elle fit donc faire demi-tour à toute allure à sa barque - sans parler de celle de la lionne qui y était attachée - et tenta de s'éloigner du mieux qu'elle pouvait de la trajectoire du cétacé blessé. Mais elle n'en eut pas le temps... ou du moins pas complètement.

En effet, Vif avait petit à petit réussi à se rapprocher de l'œil crevé de la baleine, non sans lui causer de nouvelles blessures. Tandis que le rôdeur sous-marin continuait à retenir sa respiration, accroché au flanc droit de la bête grâce à ses dague et épée, tandis que Dwimfa se rapprochait enfin du corps du cétacé et prenait son harpon enchanté, prêt à sauter sur la baleine blessée, tandis que Drilun et Isilmë voyaient s'approcher dangereusement le grand cétacé, Vif enfonça sa patte puissante à travers l'œil crevé de leur gibier, et plus profondément que la flèche de Drilun ne l'avait pu. Dans un sursaut d'agonie, la baleine se dressa en l'air, laissant juste assez de temps à l'Homme des Bois pour lui sauter dessus et planter son harpon dans son corps. Un bref moment, Taurgil se retrouva hors de l'eau, et en fin de compte il choisit de lâcher ses armes quand il eut compris que la baleine allait lui retomber dessus de tout son poids. Et en plus, elle retombait sur les barques menées par l'elfe... ou du moins sur celle que Vif avait occupée pour venir. Dans un sursaut de vigueur Isilmë fit bondir en avant son embarcation, assez pour éviter de voir la baleine blessée lui retomber dessus. La barque qu'elle remorquait, celle de Vif, n'eut pas cette chance et fut complètement brisée, et l'elfe arriva à stabiliser sa barque et à éviter de chavirer, et dans le même temps donner la main à Drilun qui avait en partie volé dans les airs. Ce dernier retomba les jambes dans l'eau, un bras sur un côté de la barque et l'autre tenu fermement par la main de sa chère amie. Taurgil nageait non loin de là, Vif et Dwimfa étaient accrochés au corps de la baleine qui ne bougeait plus, morte...

5 - Suite à donner
L'archer-magicien remonta dans la barque avant que l'eau glaciale ne pénétrât trop dans ses vêtements. L'Homme des Bois regagna la sienne, et le grand Dúnadan récupéra ses armes sur le corps de la baleine - et en particulier la dague qui le protégeait magiquement du froid - pendant qu'il le pouvait encore, en claquant des dents, avant de regagner à son tour la barque maniée par Dwimfa. La lionne enchantée restait calmement juchée sur le corps du grand cétacé, long de plus d'une quinzaine de pas de long : elle n'avait plus de barque mais trouvait ce nouveau vaisseau bien plus stable et pratique pour elle ! Par contre, à deux barques, ramener le corps gigantesque, bien plus gros qu'aucun dragon que le groupe avait jamais vu, risquait de ne pas être de tout repos... En fait il fallut quérir l'aide des Chasseurs des Mers du clan d'Aime le Poisson, qui ne furent que trop heureux de venir prêter main-forte. La baleine tuée faisait partie d'une des plus grandes espèces de cétacé de la région. De toutes celles que les Lossoth chassaient elle possédait la plus grande bouche, l'absence de nageoire dorsale, et une couche de lard d'environ un pied et demi d'épaisseur sous la peau, la plus épaisse de toutes les espèces ! Elle pourrait probablement nourrir le clan à elle seule pendant plusieurs mois... Et dire qu'il n'avait suffi que de cinq personnes pour l'abattre !

En plus de remercier les aventuriers, les gens du clan Merilintu ("oiseau de mer") remercièrent les esprits pour ce cadeau, et la baleine, ou plutôt son esprit, pour son sacrifice qui allait permettre au clan d'adoption de Dwimfa de survivre cet hiver. Ils considéraient la baleine véritablement comme un individu, d'autant que certains la connaissaient apparemment : les Lossoth racontèrent aux aventuriers que ces baleines étaient de couleur sombre mais elles avaient toutes une tache blanche sur le menton dont la forme variait selon les individus, et qui permettait de les reconnaître. De plus, ces baleines vivaient bien plus longtemps qu'aucun homme, certaines étaient l'objet de récits qui se transmettaient de génération en génération, les viisaat affirmant que les plus vieilles étaient âgées d'au moins deux siècles... Et elles avaient la réputation d'être très intelligentes et de beaucoup chanter.

Malgré les nombreux morts récents, la soirée fut assez festive sur l'Étoile du Nord, l'iceberg hébergeant les aventuriers et leurs hôtes. Mais Vif et ses amis ne firent pas trop attention à cela, tellement ils étaient occupés à planifier leur prochain voyage. Conformément à ce qu'il avait dit, Dwimfa accompagnerait le groupe maintenant que son peuple était à l'abri de la famine. Dès le lendemain, les aventuriers repartiraient. Mais vers où, et comment ? Une majorité se dégagea vite pour retourner voir les elfes des Brumes Éternelles, mais la manière d'y aller fit davantage débat. Par la terre, à l'ouest ou à l'est de la baie ? Par la mer, si c'était encore possible ? Par ailleurs, les viisaat du clan apportèrent des informations qui donnèrent à réfléchir à Taurgil et ses amis : le cavalier noir aux allures de spectre, dont ils avaient combattu l'avatar dans le monde des esprits, aurait été vu en train de débarquer d'un navire loin au sud-est, avant de remonter vers le nord à la tête d'une troupe de guerriers. Cela surprit le groupe, qui ne pensait pas qu'il était capable d'aller sur l'eau...

De toute manière, leur ennemi était encore très loin d'eux, ils avaient tout le temps de rejoindre les elfes, qui devaient leur fournir de nouveaux matériels enchantés. Sans parler de peut-être équiper mieux leur nouveau compagnon. L'iceberg qui les hébergeait était très proche de la côte est de la baie, et plusieurs pensaient qu'il serait préférable de passer par là. Néanmoins, entendre parler de leur noir poursuivant les fit réfléchir et la voie des eaux fut plus sérieusement envisagée. Mais était-ce possible ? Les glaces allaient bientôt finir de recouvrir les eaux de la baie... Cela étant, le voyage ne serait pas long et au milieu de la baie, les eaux chaudes du lac de Brumes Éternelles se déversaient dans la baie et maintiendraient un chenal libre de glace encore une semaine ou deux. C'est donc en fin de compte la voie qui fut choisie.

Après une nuit de repos, les nouveaux compagnons de Dwimfa découvrirent que le temps avait changé pendant la nuit : il neigeait dru et le vent du Nord soufflait bien fort, le genre de temps à ne pas mettre un Homme des Neiges - ou n'importe quelle homme voire nain ou elfe, sans parler du hobbit - dehors. D'un autre côté, Drilun rappela qu'il pouvait maîtriser le temps magiquement et le calmer suffisamment autour d'eux pour leur permettre de prendre les barques et d'avancer. Sa magie serait certainement perceptible à des lieues à la ronde, mais de toute manière ils étaient tellement bardés de magie, tous qu'ils étaient, que cela ne changerait pas grand-chose. Et en plus, le mauvais temps rendrait leur voyage plus tranquille, les dragons ne risquaient pas de les voir approcher. En fin de compte, les huit hommes, nain, elfe et hobbit prirent congé de leurs hôtes après de nombreux remerciements mutuels, et ils partirent dans le matin nocturne. De toute manière, avec le temps qu'il faisait, ils ne verraient pas du tout le soleil se lever un bref moment au-dessus de l'horizon. Grâce à la zone de calme relatif établie par l'archer-magicien dunéen, Isilmë pouvait repérer la côte est ou suivre le long des glaces qui l'obstruaient, et ainsi s'assurer qu'ils allaient bien dans la bonne direction, vers le nord.

6 - Fuite sur glace
Entre le vent du Nord et le courant marin qui allait dans le même sens, la progression, toute rectiligne qu'elle fût, était loin d'être reposante. Si pour Isilmë et Dwimfa cela représentait un effort mesuré, il était bien plus grand pour Taurgil, Mordin ou Geralt. Les tentatives de Drilun d'aider son amie à pagayer entraînèrent plus d'inconvénients que d'avancées, et la belle elfe finit par dire à son cher ami qu'elle préférait qu'il se reposât tranquillement pendant qu'elle faisait avancer leur barque... et celle de Vif et Rob, qui était attachée à la leur, aucun des deux n'ayant goût à l'art de la rame. La magie des soins de la guerrière et archère elfe servit parfois à soulager les corps de leur fatigue, et permettre de progresser un peu plus loin. Mais cela ne dura qu'un temps, et n'eut pas beaucoup d'effet sur le moral du maître-assassin, qui chutait presque aussi vite que son endurance.

Au bout d'un moment, il fallut bien se résoudre à prendre du repos. Mais comment ? Les eaux libres de glace, avec leur courant, les ramèneraient inexorablement vers le sud s'ils cessaient de ramer. Et il n'était pas possible d'aller à terre : les glaces qu'ils longeaient étaient peut-être assez solides pour supporter le poids d'une lourde personne près de la côte, mais pas en bordure des eaux glacées sur lesquelles ils avançaient. En fin de compte, ils choisirent de briser la glace en direction du rivage, afin de permettre aux embarcations de s'ancrer dans la glace pour les empêcher de dériver. Pour cela, le rôdeur dúnadan utilisa son épée magique associée à sa magie de roi potentiel, afin de fragiliser la glace et la briser plus facilement. La progression était lente mais il put ainsi bloquer leurs barques le temps de se reposer. Régulièrement, l'archer-magicien du groupe devait relancer ses sortilèges pour tenir les chutes de neige à distance et empêcher qu'elles ne les recouvrent. Tous dormaient emmitouflés dans leurs vêtements les plus chauds, la lionne bénéficiant de deux capes pour la protéger. Le hobbit, au milieu des pattes du félin enchanté, était certainement celui qui ressentait le moins le froid.

Le lendemain, après avoir brisé la glace dans l'autre sens, puisqu'elle s'était en bonne partie reformée, le groupe put repartir sous un ciel identique au jour précédent, et combattu de la même manière par les sorts de Drilun. La progression fut peu ou prou similaire : lente, fatigante, mais régulière. A la fin du deuxième jour, la glace fut à nouveau brisée pour stopper la dérive des barques et permettre à tous de dormir sur place. Du peu qu'ils pouvaient en juger, les aventuriers avaient fait les deux tiers du chemin. C'était moins que ce qu'ils avaient envisagé au départ, mais le vent, même réduit par les sortilèges de l'archer-magicien, n'avait pas aidé. Il avait peut-être même forci le deuxième jour. Par contre, au réveil, le temps avait bien changé : la nuit était étoilée, des voiles lumineux étaient parfois visibles loin au nord, ainsi qu'une rougeur sur l'horizon loin à l'est et au nord, qui devait signaler l'emplacement du Puits de Morgoth. Bref, le temps s'était considérablement éclairci.

Ce qui ne faisait pas du tout l'affaire du groupe : alors qu'ils abordaient la zone surveillée de près par les dragons autour des sources chaudes de Brumes Éternelles, ils étaient visibles comme le nez au milieu du visage pour qui savait regarder, et particulièrement pour ceux qui étaient perceptifs à la magie qu'ils dégageaient... Après débat, ils choisirent de gagner la terre, où il était plus facile de se cacher ou de combattre un éventuel Grand Ver. Alors que sur l'eau, ils se feraient geler ou griller sans pouvoir répliquer beaucoup plus que quelques flèches peu efficaces. Ou verraient leurs barques réduites en miettes par quelques coups de queue bien placés, ce qui entraînerait la mort de la moitié du groupe assez rapidement. Il fallait donc aller vers l'est et briser une glace de plus en plus épaisse, ce qui prendrait du temps. Temps qui risquait de leur manquer si un ennemi volant regardait de trop près dans leur direction... Au bout d'un moment, Isilmë essaya d'utiliser l'arme enchantée du grand sorcier de Dol Guldur qu'ils avaient occis quelques jours auparavant. Elle emprunta l'arme à Drilun, monta sur la glace - sans la faire casser grâce à sa magie elfique - et donna un coup de masse enchantée. Cela brisa toute la glace dans un rayon de trois pas ! Et fit prendre un bain forcé (et glacial) à l'elfe, qui n'en demandait pas tant...

A tout le moins, Taurgil se servit de cette nouvelle arme pour les faire progresser bien plus facilement et rapidement. Mais alors que la côte était peut-être à une dizaine de portées de flèche, la lionne signala par ses grognements félins qu'une silhouette ailée rouge et or de belle taille arrivait du nord dans leur direction ! Un dragon les avait repérés, et il accourait... Il serait là trop vite pour leur permettre d'arriver à la côte en barque, il fallait continuer à pied, en espérant que la glace les supporterait tous. Avec l'aide des skis ce serait sans doute possible, mais il en manquait une paire... L'elfe rappela qu'à l'aide de sa magie elfique elle pouvait avancer sur de la glace mince sans la briser. Par contre, Rob ne risquait-il pas d'être un peu lent et de représenter un délicieux apéritif pour le dragon qui approchait ? Et la glace était trop mince pour supporter le poids de la féline Femme des Bois tant qu'elle n'avait pas pris un peu d'élan... qui serait difficile à trouver depuis sa barque !

Mais le dragon approchait vite, et ils n'avaient pas le choix, il fallait essayer. Pendant que les humains et nain chaussaient leurs skis avec précaution sur la glace fragile, et reprenaient leurs affaires, Rob se juchait sur son amie féline qui prenait soigneusement son élan depuis sa barque bloquée contre les glaces. Elle bondit légèrement sur la croûte de glace face à elle, croûte qui commença à se briser sous ses pattes tandis qu'elle prenait progressivement de la vitesse, suffisamment pour ne plus être inquiétée au bout d'un moment. Le vent glacial gela les gouttes de sueur qui avaient perlé sur le front du hobbit, tandis que derrière son amie et lui les autres progressaient à moindre vitesse. Peu de temps après, Vif et lui arrivaient à la côte et se dirigeaient vers une petite hauteur et surtout un bosquet d'arbres où la féline Femme des Bois le déposa et où ils pourraient se cacher. Rôdeuse féline et voleur hobbit virent leurs amis approcher puis atteindre la côte, à l'exception de Drilun : ce dernier, plus lent que les autres, était accompagné par Isilmë qui tentait de l'aider, mais ils n'atteindraient pas la côte avant l'arrivée du dragon.

7 - Feu, flammes et flèches
La couleur de ce nouveau dragon ne présageait rien de bon, mais le rôdeur dúnadan avait déjà essuyé un souffle de dragon enflammé par le passé, et il avait survécu, en étant moins bien équipé. Il s'avança donc en direction du monstre volant qui arrivait rapidement vers eux en l'invectivant autant qu'il le pouvait, de manière à focaliser l'attention sur lui et éviter que ses deux amis encore sur la glace ne soient les cibles principales de la bête. D'une part car il n'était pas sûr du tout qu'ils pussent supporter du feu de dragon comme lui, d'autre part car même si c'était le cas, il leur faudrait ensuite supporter les eaux glaciales de la baie, dans lesquelles ils se retrouveraient si la glace fondait sous leurs pieds, ce qu'elle ferait immanquablement si le dragon crachait son feu dessus. Non loin de lui, Mordin avait sorti sa hache et se concentrait dessus pour qu'elle lui indiquât où se trouvait le point faible du Grand Ver, mais ce qu'il ressentait n'était pas très précis : quelque part au centre de la bête...

Alors qu'il se rapprochait, la féline Femme des Bois repéra comme un rougeoiement au fond de la gorge du dragon qui commençait à s'ouvrir, confirmant ses craintes. Et effectivement, un cône de feu brûlant en sortit bientôt qui vaporisa la neige au sol et enveloppa Taurgil qui se protégeait du mieux qu'il le pouvait à l'aide de son équipement. Le nain découvrit qu'il était encore trop près et il se réfugia à plat ventre dans la neige pour lui conférer une protection supplémentaire, même si elle disparut bien vite en vapeur d'eau brûlante. Le grand rôdeur se redressa après le passage du dragon, des flammèches courant dans ses cheveux et sa cape de cuir en feu. Il se roula dans la neige la plus proche pour éteindre le feu dans ses vêtements sans plus de dégâts que quelques petites cloques. Derrière lui, Mordin s'en était encore mieux sorti. Ailleurs, Geralt et Dwimfa avaient rejoint le bosquet tandis que Vif et Rob montaient aux arbres pour avoir un point de vue plus élevé.

La trajectoire du dragon le ferait passer non loin de l'elfe et du Dunéen, et il incurva sa trajectoire pour arriver sur eux. Ils s'étaient arrêtés et lui faisaient face, et au dernier moment plongèrent chacun d'un côté, Isilmë sur la gauche et Drilun sur la droite du dragon. Après un bref moment d'hésitation, le monstre ailé choisit de prendre pour cible celui des deux bipèdes dont il émanait le plus de magie, à savoir l'archer-magicien, pour lui porter un coup de sa queue. Drilun s'était en effet entouré d'une protection magique, ce qui lui permit de survivre à la rencontre avec la queue du dragon : elle l'envoya valdinguer plus loin avec des bouts de glace brisée, lui cassa probablement quelques côtes et lui fit découvrir les joies de la glisse sans finir dans un arbre, comme certains l'avaient déjà expérimenté. Il remercia en pensée les runes magiques de son armure qui avaient grandement amorti le choc en plus de son aura magique de protection, tandis que son amie et soigneuse se précipitait dans sa direction pour lui prodiguer des soins et vérifier qu'il était encore en vie. Le grand lézard volant rouge et or commença alors un demi-tour vers la gauche tout en reprenant de l'altitude afin de revenir sur le lieu du combat pour le deuxième round.

Mais les manœuvres ailées du dragon avaient fait osciller son corps d'un côté puis de l'autre, ce qui avait permis à la lionne enchantée de repérer une zone plus sombre dans son armure d'écailles rouges et or, entre les ailes. Dans son parler félin bientôt traduit par un autre aventurier, elle annonça que le point faible du dragon était sur le dos, entre les ailes, ce qui bien sûr ne faisait pas trop l'affaire des guerriers ou archers restés en bas. Tandis que le dragon reprenait de la hauteur en virant sur la gauche, le rôdeur dúnadan se prépara à l'affronter à nouveau en poussant de grands cris et en l'abreuvant d'injures qu'il ne manquerait pas d'entendre. Et il le fit en plusieurs langues pour s'assurer que le dragon les comprendrait bien. De leur côté, Geralt et Vif s'approchèrent de leur grand ami sans toutefois rester trop près de la trajectoire présupposée du monstre volant, de manière à pouvoir peut-être lui porter un coup s'il descendait assez bas. Dwimfa et Rob encochaient une flèche depuis le bosquet où ils étaient, même si seul le hobbit était assez haut pour pouvoir espérer voir le dos de la bête. Quant à Isilmë, voyant de loin que son amour était encore bien vivant et ne risquait pas de mourir dans l'immédiat, elle préparait également son arc et une flèche spécialement enchantée par Drilun pour tuer les Grands Vers.

Le dragon fila à nouveau vers Taurgil et il ouvrit grand sa gueule pour la deuxième fois. La lionne enchantée et le maître-assassin esquivèrent le cône brûlant, peut-être d'un peu trop près au goût de Geralt, et sans plus de conséquences pour Taurgil que pour la première fois - de toute manière sa cape était fichue. Par contre, Rob put apercevoir le point faible au moment du passage du dragon, et il arriva à y enfoncer sa flèche, ce qui occasionna une grande douleur au monstre, mais insuffisante pour le faire chuter et encore moins le tuer. Depuis le sol, Dwimfa arriva à toucher également le dragon, mais pour un effet plus limité. Par contre, quand la bête se tourna pour effectuer un virage dans sa direction, Isilmë put elle aussi voir la zone dépourvue d'écailles entre les ailes, et sa flèche tueuse de dragon s'y enfonça profondément. Le dragon rouge et or hurla une dernière fois puis il s'abattit au sol, ou plutôt sur la banquise qu'il brisa. Mort, il commença alors à s'enfoncer dans la mer dans des sifflements de vapeur d'eau...

8 - Renforts et ours mal léché
Le groupe fut bientôt réuni, les blessures traitées du mieux possible, et la question se posa de la suite à donner à ce nouvel épisode de la vie des aventuriers, dont le palmarès risquait de faire des jaloux ou envieux, tôt ou tard... Le problème le plus immédiat restait que le groupe était bien trop près de la zone surveillée par les dragons pour que leur action d'éclat restât longtemps ignorée. En bref, il fallait partir, et vite ! En fait, Vif annonça bientôt que le ciel au nord, bien dégagé, comportait à présent une petite tâche qui n'y était pas auparavant. De là à envisager l'arrivée d'un nouvel adversaire ailé, il n'y avait qu'un pas qui fut vite franchi. Sauf que le meilleur adversaire étant celui qu'on ne combat pas, surtout de cette taille-là, il fallait vite trouver une alternative à une confrontation bien trop dangereuse pour le groupe, surtout après un premier duel et quelques blessures.

La magie divinatoire de Drilun fut bientôt appelée en renfort, afin de déterminer si une caverne ou autre abri proche se trouvait quelque part dans les environs. Ce qui était bien le cas : non loin de là, une butte en partie arborée semblait abriter une grotte largement assez grande pour tous. Pourraient-ils y arriver à temps avant l'arrivée du deuxième dragon de la journée ? La féline Femme des Bois fit part d'une nouvelle observation propre à donner de nouvelles ailes aux pieds fatigués de certains de ses amis : en plus de confirmer qu'il s'agissait bien d'un dragon qui venait vers eux, elle venait d'identifier deux autres taches dans le ciel un peu plus loin. Un dragon, ça va, trois dragons, bonjour les dégâts ! Et le groupe ne tenait pas vraiment à vérifier si les Grands Vers préféreraient se battre entre eux en premier ou déjeuner sur le dos des aventuriers d'abord...

En plus du hobbit, la lionne enchantée prit Drilun sur son dos et les autres leurs skis, et ils commencèrent à avancer le plus vite possible en direction du lieu que le magicien dunéen leur avait indiqué. La confirmation de la nature des trois poursuivants ailés fut prise avec un certain fatalisme ; pour un peu les aventuriers auraient presque pu se réjouir de ne pas entendre les grognements félins annoncer l'arrivée d'une escouade de dragons encore plus importante ! Chacun fit ce qu'il avait à faire et la progression fut rapide vers le salut possible de la grotte perçue magiquement. Si le premier dragon se rapprochait vite, il semblait bien que cette fois-ci le groupe arriverait en premier. La butte fut atteinte, en partie masquée par une forêt clairsemée de pins et d'épicéas, et une petite falaise fut approchée, qui semblait le lieu idéal pour trouver l'entrée d'une grotte où les héberger.

Sauf qu'une odeur alerta la féline Femme des Bois qu'ils n'étaient pas seuls, et que la grotte en question possédait peut-être déjà un occupant. Occupant qui ne tarda pas à se montrer de manière agressive : un ours blanc était présent non loin devant eux, qui les avait perçus, et qui devait à lui seul être plus lourd que eux tous réunis. Et il ne semblait aucunement intimidé par la lionne ou les autres aventuriers. Pour autant, même s'il aurait été facile de l'abattre, le rôdeur dúnadan préféra une autre approche, plus consensuelle : utilisant la magie de la nature apprise chez les elfes, il tenta de parler à l'ours polaire pour lui demander de partager sa demeure. La magie qu'il utilisait était juste assez forte pour communiquer, pas pour influencer d'aucune sorte le grand prédateur, qui commença par réagir agressivement envers Taurgil, qui avait heureusement pris la précaution d'utiliser une autre magie pour se protéger de coups éventuels. Il insista alors sur la présence proche de dragons, dont plusieurs aventuriers commençaient à entendre les battements d'ailes...

L'ours finit par les entendre lui aussi et il fila à toute allure en direction de l'entrée de sa tanière qui était certainement le refuge recherché par le groupe. Hormis pour le hobbit, il fallut se baisser un peu pour pouvoir passer sous une épaisse dalle de pierre qui marquait l'entrée de la grotte qui était heureusement plus haute de plafond un peu plus loin et largement assez grande pour tous. Tandis que les gros battements d'ailes se rapprochaient très vite, les aventuriers s'éloignèrent de l'entrée et se blottirent dans un coin de la caverne, plutôt loin de l'ours qui en faisait autant. Bientôt des coups puissants firent trembler la caverne et des pierres tombèrent du plafond, sans causer aucun dégât heureusement. De nouveaux coups plus puissants, des rugissements et des flammes furent encore perçus au niveau de l'entrée, jusqu'à ce qu'un coup plus fort que les autres eût raison de la solidité du rocher de l'entrée : cette dernière s'effondra, ainsi qu'une partie de la paroi au-dessus d'elle.

Après encore divers coups sourds et rugissements divers encore perceptibles depuis l'intérieur, le calme se fit comme si le ou les dragons s'étaient éloignés. Aucune lumière ne venait troubler l'intérieur de la grotte, hormis celles que les aventuriers pouvaient faire, comme à l'aide du bâton magique de Drilun. La caverne semblait à présent hermétiquement close, son entrée complètement bouchée sous un monceau de rochers. Du peu qu'ils en avaient rapidement perçu, aucune autre ouverture ne permettait de sortir de la grotte, qui, malgré sa taille très correcte pour leur petit groupe, avait une quantité d'air limitée. Air d'ailleurs empreint d'odeurs fauves ou de charogne, sans parler du grognement qui leur rappela qu'ils étaient neuf à partager ce petit espace. Ils étaient encore en vie, mais pour combien de temps ?
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Niemal
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Grand Nord - 16e partie : à travers pierre et air

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1 - Perspectives limitées
A l'aide de la lumière du bâton magique de Drilun, divers aventuriers s'activèrent pour trouver solution à leurs problèmes immédiats. Taurgil s'approcha avec précaution de l'ours dont ils partageaient la caverne, tandis que Vif examinait les possibilités de sortir de ladite caverne, et que l'archer-magicien réchauffait l'atmosphère autour d'eux à l'aide de ses sorts. Si la magie du Dúnadan lui permettait de converser aimablement avec le plantigrade, il n'avait aucun moyen de le calmer véritablement hormis avec quelques bonnes paroles qui ne semblaient guère l'affecter. L'ours polaire se sentait piégé, avec des inconnus dont il appréciait peu la présence hormis comme éventuels casse-croûtes. Si l'héritier des anciens rois du Rhudaur avait appris les belles paroles et les raisonnements logiques et argumentés qu'on a entre personnes de bonne compagnie, selon les hauts standards de la noblesse de l'Arthedain où il avait en grande partie grandi, cela ne l'aidait guère à gérer le stress et les émotions animales d'un des plus grands prédateurs du Grand Nord.

Percevant le danger et interrompant un moment son inspection des lieux, la lionne enchantée tenta de parler de prédateur à prédateur sur un mode conciliant et apaisant. En ne s'approchant pas trop tout de même car l'ours la considérait manifestement comme une menace, elle se roula sur le sol et émit des petits sons rassurants pour essayer de faire comprendre que les choses n'allaient pas trop mal et qu'il fallait juste patienter un peu sans n'énerver. Sans beaucoup plus de succès que son ami rôdeur. En fin de compte, Isilmë prit le relais et utilisa sa magie elfique pour charmer la bête et passer pour une bonne amie. Ensuite, avec beaucoup d'empathie, elle apaisa la bête avec des caresses ou des sons apaisants, focalisant l'attention de l'ours sur elle. Elle continua ainsi à s'occuper de lui afin qu'il ne soit plus une menace pour ses amis, avec succès.

Vif fit le tour de la caverne, examinant en détails l'entrée effondrée, les moindres recoins, les parois rocheuses de part et d'autres, à la recherche d'une possible issue. Son bilan était tout sauf positif : l'entrée était bien effondrée et elle se doutait que creuser à cet endroit risquait surtout de faire s'effondrer davantage une partie de la paroi rocheuse. Paroi rocheuse qui dans son ensemble avait été quelque peu fissurée et affaiblie par les coups de boutoir qu'ils avaient ressentis, probablement des coups de queue du plus gros des dragons arrivés sur eux. En bref, la roche qui les entourait ne demanderait pas grand-chose de plus pour s'effondrer complètement et les emmurer tous définitivement. Pas question pour Taurgil d'utiliser sa magie pour affaiblir la roche et tenter de passer à travers à grands coups de masse magique récupérée sur le corps du grand sorcier de Dol Guldur : l'impact des coups pourrait offrir une belle vengeance audit sorcier, même si elle était posthume.

La roche n'était pas présente partout cependant : à certains endroits elle s'était détériorée et avait laissé place à un mélange de terre et d'éboulis probablement plus meuble, si ce n'est qu'il était complètement gelé et aussi dur que du rocher. Il était aussi difficile de déterminer si les secteurs plus friables se prolongeaient très loin. Et sinon, aucune autre issue n'était disponible, de quelque taille que ce fût. Impossible de sortir de la caverne, que l'on fût ours polaire ou hobbit, et impossible non plus à l'air de se renouveler : tout autour des aventuriers, ce n'étaient que parois rocheuses de plusieurs pas d'épaisseur dans toutes les directions, y compris verticalement. Malgré le volume de la caverne, l'air finirait immanquablement par s'appauvrir et entraîner leur asphyxie à tous. Et si Drilun pouvait magiquement purifier l'air d'éventuelles fumées et autres substances nocives, il ne pouvait faire venir l'oxygène par enchantement pour pouvoir continuer à respirer comme si de rien n'était.

Des bruits et vibrations à l'extérieur attirèrent l'attention de la féline Femme des Bois. Ses sens extrêmement fins lui indiquèrent une possible dispute entre dragons à l'extérieur, mais rien d'assez méchant pour imaginer un combat. Elle supposa plutôt que l'un des dragons, sans doute le plus gros arrivé en premier, avait fait fuir les autres. Mais elle avait la certitude qu'il était encore sur place, et la désagréable impression qu'il percevait leurs efforts pour sortir de là et se maintenir en vie. Il savait qu'ils étaient encore vivants et elle aurait pu parier qu'il était déterminé à changer cet état de fait. Du peu qu'elle en avait vu, il s'agissait du plus gros dragon qu'ils avaient jamais rencontré, ses écailles étaient bleu-noir et son souffle était glacé. Il avait probablement vu le sort qu'ils avaient réservé au dragon de feu juste avant, sur le bord de mer, et il était sans doute assez malin pour ne pas faire l'erreur de les sous-estimer...

2 - Taupes magiques et marchand de sable
Il n'était pas possible de sortir de la grotte en éclatant la roche, cela risquait de faire s'effondre les parois de la caverne. En revanche, peut-être était-il possible de creuser dans le petit réseau de terre glacée et d'éboulis pour faire un tunnel vers l'extérieur ? Les sorts de Drilun lui permirent de déterminer que cela était effectivement dans l'ordre du possible. Bien qu'un peu tarabiscoté, il pouvait visualiser un chemin possible vers l'extérieur et assez large pour eux tous, ours compris, à travers autre chose que la roche dure et compacte qui les entourait mais qui menaçait aussi de s'effondrer. Restait à pouvoir creuser dans un mélange de terre et d'éboulis presque aussi dur, sans faire trop de vibrations dangereuses. De toute manière ils n'avaient ni pic ni pioche.

Dwimfa rappela qu'il disposait d'une épée magique qui pouvait trancher dans de la pierre pratiquement comme dans du beurre (très dur), sans s'émousser. Il testa son épée, et confirma qu'elle pouvait servir à découper des morceaux de terre et éboulis gelés petit à petit, sans choc véritable. Le processus serait juste très long, d'autant que selon le magicien dunéen, le passage possible qu'il avait visualisé entre les couches de pierre dure mesurait plus d'une dizaine de pas de long... et il n'était pas très large, avec au plus un bon pas de haut. Mais faute de meilleure solution c'est ce qui fut retenu. L'Homme des Bois empoigna son épée maudite et il grignota petit à petit la paroi de la caverne que Drilun indiquait. Pendant ce temps, les autres aventuriers déblayaient les débris de cette excavation un peu spéciale. Hormis l'elfe qui s'occupait de l'ours, Drilun qui sondait magiquement la roche et aidait l'Homme des Bois, et Geralt qui soignait sa flemme...

Néanmoins, après une heure de ce programme et une avancée de deux pas peut-être, les premiers commencèrent à percevoir la raréfaction de l'air et un début de gêne. Ils consommaient trop d'oxygène, à cette allure ils ne pourraient jamais s'en sortir à temps ! Taurgil ne souhaitait toujours pas tuer l'ours polaire qui consommait à lui seul autant d'air que leur groupe entier, mais rien n'empêchait de l'endormir afin de ralentir son rythme physique et sa consommation d'oxygène... Sur une idée de Geralt, Isilmë encouragea l'animal à avaler quelques-unes de leurs provisions abondamment arrosées de marchand de sable préparé, ce puissant somnifère qui pourrait endormir même l'ours. Et bientôt il ronfla paisiblement. D'autres prirent également du somnifère, car il ne servait à rien d'être trop nombreux : deux personnes étaient suffisantes pour aider Dwimfa, qui de toute manière ne voulait laisser son épée à personne. Lui-même bénéficiait de l'aide magique d'une perle de céramique magique trouvée auparavant dans la région qui permettait d'accroître l'endurance de son porteur.

Après une heure et demie à continuer à creuser, Homme des Bois, nain et hobbit - sans parler du Dunéen qui les guidait - sentirent que l'air continuait à se raréfier, bien que plus lentement. Mais Rob entendit bientôt l'ours qui se réveillait : son sommeil n'avait pas duré très longtemps, tant son corps puissant avait bien résisté à la drogue. Il se dépêcha de faire sortir la belle elfe de la transe de repos dans laquelle elle s'était réfugiée pour se reposer et consommer moins d'air. A l'aide de quelques claques bien senties elle fut enfin éveillée et elle se dépêcha de retourner auprès de l'ours pour le calmer et l'empêcher de faire des siennes. Plus tard, elle utilisa aussi sa magie pour soulager la fatigue de ses amis dont les membres devenaient douloureux, même si elle ne pouvait le faire ad vitam æternam. Le boyau avançait toujours, même si l'air continuait à se raréfier et la gêne à croître.

En fin de compte, les uns se réveillèrent après les autres, et seule la lionne continuait à dormir alors que le boyau semblait en passe d'arriver bientôt à l'extérieur. Dwimfa arrivait à continuait sa dure tâche de terrassier, mais en revanche ses aides durent être remplacés, et en particulier Rob. Même Geralt fut mis à contribution sur la fin, à son grand dam, ce dont les oreilles de ses amis s'en rendirent vite compte - mais ils en avaient tellement l'habitude (Dwimfa excepté) qu'ils ne le remarquaient même plus. Vif sortit enfin de sa torpeur alors que l'air commençait à devenir vraiment irrespirable, mais Dwimfa avait l'impression que la texture de la paroi en face de lui changeait, et que sa solidité n'était plus la même. Il approchait de l'extérieur, il en était convaincu. Bientôt ils seraient tous dehors... où quelque chose de très gros et puissant les attendait certainement.

3 - Souffle glacé et tours de manège
Selon les perceptions de la lionne enchantée, et en particulier son ouïe, digne de celle d'un dragon, le gros lézard qui les avait emmurés les attendait toujours dehors. Il avait certainement suivi leur progression et il devait surveiller leur prochaine sortie avec attention. Jusqu'à présent il s'était montré assez agressif et pas vraiment disposé à écouter les belles paroles ou offres des aventuriers, à la grande surprise de certains qui pensaient qu'on pouvait toujours passer contrat avec un dragon si l'on avait quelque chose susceptible de l'intéresser. Les récentes rencontres avec la gent draconique, assez brutales dans leur ensemble, faisaient dire à certains aventuriers qu'il y avait de la magie dans l'air qui poussait les dragons à adopter un comportement aussi agressif et prévisible.

Dans tous les cas, ça ne faisait pas tellement les affaires du groupe. Par ailleurs, pour les aventuriers coincés dans le boyau où ils devaient avancer à quatre pattes, hobbit excepté, les manœuvres acrobatiques étaient un peu limitées. Dwimfa se prépara donc à faire tomber la dernière portion du tunnel qui les séparait de l'extérieur, puis à se faufiler rapidement entre les membres de Taurgil de manière à lui laisser la primeur de la rencontre avec le Grand Ver ailé. Ce qui fut fait : quelques coups d'épée firent tomber l'extrémité du tunnel, de l'air frais et glacial s'engouffra dans le tunnel, l'Homme des Bois se contorsionna pour passer derrière le grand rôdeur, qui put avancer. Il sortit enfin à l'extérieur, protégé par ses armures, vêtements chauds et magie de potentiel roi dúnadan... et disparut bientôt dans un nuage de particules glacées émises par la bouche du dragon qui passait devant la falaise en volant.

Plus loin dans la caverne, les aventuriers reculèrent devant la vague de froid glacial qu'ils avaient sentie, mais qui ne fit aucun dégât grâce au bon équipement de chacun contre le froid. En revanche, Taurgil était à présent allongé dans la neige, dehors, immobile et comme mort. Tandis que le bruit des ailes du dragon s'éloignait vers la droite, le reste du groupe sortit à son tour. Tous s'éparpillèrent à droite ou à gauche sous un ciel nocturne, sans s'éloigner trop de la falaise dont ils venaient d'émerger, et qui appartenait à une espèce de piton rocheux de moins d'une trentaine de pas de haut et de trois fois autant de large. La plupart des aventuriers prirent position derrière un arbre, un bois de pins ou épicéas rabougris entourant la butte rocheuse, sauf Dwimfa ou Vif qui choisirent, après un moment, de grimper à la falaise pour arriver à un meilleur point d'observation voire de combat.

Au début, les aventuriers ne savaient pas si le dragon allait revenir après avoir fait demi-tour ou s'il allait faire le tour de la butte rocheuse où ils se tenaient. En fait il apparut bien vite que le dragon n'arrêtait jamais de voler en cercle, toujours dans le même sens, si bien qu'il leur présentait toujours son côté droit. Il lui fallait une bonne demi-minute avant de boucler le tour du piton en volant à une douzaine de pas de haut et au moins autant de distance avec la falaise. A cela s'ajoutait le fait de ne voir aucune faille dans son armure visible malgré la hache de Mordin qui semblait en sentir une. Tout ceci fit dire à certains aventuriers que si point faible il y avait, il devait se situer sur le côté gauche du monstre.

De son côté, Isilmë arrivait au grand Dúnadan et put voir qu'il respirait encore - il était vivant. En revanche, il était glacé et sa peau présentait les traces de nombreuses engelures. Vite, elle le tira sur le sol jusqu'à l'entrée du boyau creusé où elle pénétra avec lui. Après avoir mis une petite distance entre l'entrée et elle et surtout ce qu'il y avait à l'extérieur, elle commença à le déshabiller et à utiliser sa magie pour augmenter sa résistance et ses capacités de guérison. Une fois le grand rôdeur nu, elle traita les engelures généralisées avec du baume orc, à la grande douleur de son ami qui avait repris conscience depuis peu. Pendant ce temps, à l'extérieur, elle entendait ses amis bouger, crier parfois - en particulier le nain qui s'adressait au dragon avec son habituelle manière provocatrice - et le dragon frapper de sa queue ou souffler. Puis elle fit de nombreux bandages à son ami, en même temps qu'elle entendait le craquement de troncs d'arbre cassés par la queue du dragon, ou qu'elle voyait apparaître l'un de ses amis qui s'abritait dans le boyau étroit, et en particulier Drilun. Elle put enfin aider l'héritier des rois du Rhudaur à remettre ses affaires, armures comprises, avant de le suivre à l'extérieur où il s'était passé bien des choses.

4 - Positions, changements, tests... et échecs
Rapidement, les aventuriers éparpillés à l'extérieur arrivèrent à quelques conclusions évidentes comme par exemple :
- le dragon n'était pas du tout intéressé par une quelconque discussion
- il prenait grand soin de ne jamais révéler son côté gauche, où devait se situer son point faible
- à chacun de ses passages, il attaquait l'un d'entre eux voire plusieurs
- une fois sur deux il frappait avec sa queue, une fois sur deux avec son souffle glacé
- il ne prenait aucun risque avec les aventuriers
- il était plus puissant que les dragons rencontrés jusqu'alors

Certains des archers avaient tenté de tirer une flèche sur le monstre, sans rien lui faire de plus qu'une égratignure vite oubliée. Sans connaître le point faible du Grand Ver, même avec les flèches magiques spécialement conçues par Drilun pour tuer des dragons, abattre un tel adversaire semblait illusoire à distance. L'archer-magicien dunéen attendait donc de découvrir une faille dans l'armure du dragon pour y planter une de ses fameuses flèches. A défaut, il pouvait envisager de lancer un éclair avec l'aide de son bâton magique, mais il se doutait que l'impact serait assez limité. Ce ne serait pas suffisant pour le tuer et sans doute même le faire chuter, mais cela pourrait servir en cas d'action coordonnée peut-être. En attendant, il préféra se mettre à l'abri à l'entrée du boyau que ses amis et lui avaient creusés pour sortir de la caverne emmurée.

Dwimfa, de son côté, avait choisi la voie des airs : il était monté sur la falaise jusqu'à un endroit d'où il pouvait mieux observer les allées et venues de la bête, voire lui tirer dessus à l'aide de son arc. C'était une position assez élevée, au-dessus du niveau à laquelle le dragon descendait pour les attaquer. En fait leur adversaire prenait toujours un peu de hauteur lorsqu'il s'éloignait d'eux, puis il descendait en prenant de la vitesse lorsqu'il se rapprochait, juste avant de les attaquer. L'Homme des Bois était un peu vulnérable sur son perchoir à un peu moins d'une vingtaine de pas de haut, mais c'était un grimpeur et acrobate hors pair, sans compter sa chance insolente, et il savait qu'il pouvait compter sur tout cela pour lui sauver la mise en cas d'attaque du monstre. En vérité ce dernier ne lui prêta jamais vraiment attention, ou alors il le cacha bien.

Mordin et Geralt concentraient l'essentiel des attaques sur eux. Le premier provoquait le dragon à chaque passage, jouant au chat et à la souris, tandis que le second essayait avec prudence de repérer le point faible du lézard géant en s'éloignant un peu de la falaise pour voir le côté gauche de la bête, au risque de la voir réagir. Ce qui ne manqua pas, et cela les força plus d'une fois à esquiver des coups de queue - avec en général un certain succès - ou à tester l'efficacité de leur équipement à les protéger du froid, tout en tirant parti au maximum de l'environnement pour aider à les protéger, comme des arbres. Arbres que le dragon abattait les uns après les autres, tant pour faciliter ses manœuvres aériennes que pour limiter la protection qu'ils offraient aux aventuriers. Mais au bout du compte, les deux aventuriers n'eurent rien de pire à déplorer que des sueurs (très) froides et de rares contusions. Mordin était plus près de la falaise que Geralt, qui chercha, au bout du compte, une bonne position pour porter une attaque si le dragon descendait assez.

Vif, de son côté, avait choisi elle aussi la voie des airs. Elle avait grimpé à la paroi de la falaise de manière à pouvoir observer le dos du monstre mais n'avait repéré aucun point faible malgré ses sens prodigieusement affûtés. Elle espérait aussi pouvoir lui sauter dessus si l'occasion se présentait, mais aussi être en mesure de descendre rapidement - en sautant - de son perchoir si le besoin s'en faisait sentir. Elle remarqua que le dragon n'approchait jamais assez de la falaise pour attaquer avec sa queue, mais que son souffle avait assez de portée pour cela. A l'occasion elle descendit de son perchoir lorsqu'elle sentit que leur adversaire pouvait être tenté de lui souffler dessus à son prochain passage. Avant de remonter pour lui tendre une espèce d'embuscade.

Rob, pour sa part, comptait sur son apparence inoffensive pour se glisser vers l'extérieur, discrètement, et pouvoir observer le flanc gauche du Grand Ver où devait probablement se trouver son point faible. Malheureusement il avait sous-estimé tant les perceptions du monstre que sa prudence, prudence que l'observation du cadavre du dragon de feu tué peu auparavant avait dû exacerber. Le hobbit, habitué à faire cavalier seul sans écouter ses compagnons parler d'action coordonnée, eut donc le grand déplaisir de voir le dragon lui foncer dessus alors qu'il s'était éloigné, bien loin de l'aide possible de ses amis. Malgré tous ses efforts pour se protéger, le souffle du dragon le gela presque sur place et il se dit qu'il ne devait d'être encore vivant qu'à la chance. Par la suite il s'enterra sous la neige à l'approche du dragon, émergeant ensuite pour essayer de repérer son point faible, mais trop tard. Le groupe n'était parvenu à rien, et certains avaient écopé de blessures plus ou moins sérieuses en attendant. La situation ne paraissait pas bien brillante...

5 - Rodéo aérien
Néanmoins, la féline Femme des Bois avait un plan, nourri par l'attitude assez prévisible de leur adversaire ailé. Jusqu'à présent, l'équipe n'avait rien fait au dragon, à part peut-être lui taper un peu sur les nerfs, et en particulier Mordin. Non seulement il vociférait des insanités à l'adresse du monstre à chacun de ses passages, mais il manipulait aussi sa hache magique dont le manche était fait en os de dragon. Par le passé, les aventuriers avaient pu remarquer que la gent draconique arrivait très bien à reconnaître l'origine de l'arme, et cela ne plaisait guère. Pire encore, même si le nain avait été plusieurs fois l'objet d'attaques du dragon, son excellent équipement l'avait toujours bien protégé et il s'en était sorti sans égratignure ou engelure d'aucune sorte, contrairement à d'autres.

Mais Vif était persuadée que cela allait changer. Son ami à la si grande gueule, malgré sa petite taille, se tenait derrière le tronc d'un arbre assez proche de la falaise. Petit à petit, le dragon avait fait tomber les arbres avoisinants, si bien qu'il pouvait à présent facilement arriver à l'arbre de Mordin sans être aucunement gêné dans son vol. Si ses souffles n'avaient pas eu d'effet, un bon coup de queue devrait remettre les pendules à l'heure, pouvait-elle l'imaginer penser... Elle paria donc sur une attaque de la bête visant son ami nain après un ultime souffle glacé où elle avait pris soin de se réfugier dans le boyau souterrain d'où ils étaient tous sortis. Tout en parlant de son plan aux autres membres de l'équipe pour coordonner leur action, plan traduit de son parler félin grâce aux babioles magiques réalisées par Drilun et que certains portaient toujours.

Après le dernier passage du dragon, Vif grimpa à nouveau à la falaise avec aisance et rapidité, retrouvant le perchoir depuis lequel elle surplombait le passage du dragon, non loin de Mordin qui allait continuer son rôle d'appât. Geralt, de son côté, approchait de la future trajectoire du monstre, anticipant une attaque de la queue pour essayer d'y porter un coup d'épée. Drilun, quant à lui, prépara un éclair magique qu'il comptait lancer sur le monstre dans l'espoir d'au moins l'étourdir ou lui faire quelque dégât. Dwimfa, plus en hauteur, jouait son rôle de vigie, tandis que Rob anticipait le passage du dragon en s'enfouissant dans la neige, sous un buisson au pied d'un arbre. Tout était prêt pour l'arrivée de la créature écailleuse volante, qui ne tarda pas, et qui, comme prévu, se dirigea de manière assez nette en direction du nain et de l'arbre derrière lequel il se tenait. Sa queue puissante se balança, prête à frôler le sol pour tenter de réduire Mordin en purée...

Depuis son perchoir, la lionne enchantée bondit dans les airs en direction de l'aile droite du dragon. Dans le même temps, tandis que le marchand nain à la langue si bien pendue tentait un bond de côté pour éviter la queue du monstre (en se maudissant de n'avoir pas appris à esquiver aussi bien que ses compagnons), le maître-assassin bondissait vers la queue qui venait casser le tronc derrière lequel Mordin se tenait un peu auparavant. Il enfonça son épée magique assez profondément dans l'appendice du Grand Ver, blessure certainement pas mortelle mais qui eut son effet : le dragon était enfin blessé. Vif atterrit sur l'aile du dragon et elle s'y accrocha férocement. L'éclair magique de l'archer-magicien toucha la créature qui marqua le coup, même si l'impact n'avait pas dû être très douloureux pour le monstre. Néanmoins, attaqué et blessé de trois côtés à la fois, il ne réagit pas immédiatement.

Enfin il tenta de se débarrasser de la charge qui pesait sur son aile droite. Mais d'une part il semblait encore un peu étourdi par l'attaque multiple, d'autre part il devait en même temps faire de gros efforts pour redresser son vol et ne pas tomber à terre, efforts rendus d'autant plus difficiles par le déséquilibre provoqué par le poids conséquent de la lionne magique sur son aile. Sans parler des dégâts sur ladite aile : fermement accrochée, Vif jouait de ses pattes arrière, en bon félin qu'elle était, pour faire de la charpie du cuir du dragon. Malgré la solidité du cuir et des écailles du dragon, ses griffes puissantes et enchantées taillèrent l'aile en morceaux. Après un moment, alors que dragon et lionne enchantée s'étaient éloignés de quelques portées de flèche des autres aventuriers, ces derniers virent le vol du monstre ailé faillir. Sortant de sous la neige, Rob ne put - encore une fois - repérer le point faible du dragon, mais il le vit commencer à chuter, comme tous ses amis.

Le Grand Ver n'avait plus l'aile droite assez vaillante pour arriver à supporter son poids dans les airs. Malgré le peu de hauteur qu'il avait pris, sa trajectoire s'infléchissait. A présent il tournoyait et ne faisait que freiner sa chute vers le sol. Quand il fut juste au-dessus des arbres, Vif lâcha l'aile et bondit vers un arbre qui freina sa chute. Elle arriva dans la neige épaisse, sur ses pattes puissantes qui amortirent le choc, qu'elle encaissa sans mal. Puis elle courut vers ses amis en faisant des zigzags pour éviter une éventuelle attaque du dragon. A une certaine distance elle se retourna, ne percevant rien derrière elle, et vit le monstre qui tentait de panser ses plaies. La chute l'avait secoué mais il ne semblait pas avoir trop souffert du choc. Il ne pouvait plus voler, son aile était trop endommagée pour cela, mais il restait tout de même un formidable adversaire. Elle rejoignit ses amis, y compris Taurgil et Isilmë qui venaient d'émerger, pour décider de la suite à donner à leur dernière confrontation.

6 - Histoires d'orcs
L'équipe était loin d'être en grande forme avec plusieurs blessés sérieux, et le dragon était loin d'être mort. Par ailleurs il n'était pas interdit de penser que d'autres pouvaient être tentés de venir se joindre au combat s'il durait un peu. En fin de compte, entre baume orc et soins magiques des mains du grand Dúnadan, les blessures furent traitées et le groupe choisit de laisser le dragon de côté et de suivre sa voie, qui devait l'amener aux Brumes Éternelles, où les elfes auraient sans doute terminé de réaliser de nouveaux équipements magiques pour eux. Un petit détour fut fait pour rester à distance du Grand Ver blessé, et le groupe reprit le chemin du nord, à ski pour la plupart. Le refuge des elfes était distant de peut-être une petite journée de voyage, et Vif et Rob étaient censés se rappeler de l'accès à travers les défenses magiques de la zone par là où ils devaient arriver.

Après quelques heures de progression dans la nuit claire, et ce d'autant plus que la neige reflétait une partie de la lumière crépusculaire, la lionne enchantée fit une découverte peu enthousiasmante : elle repéra une série de traces qui avaient très certainement été faites par des orcs des montagnes proches. D'autres traces confirmèrent la chose : des orcs étaient bien présents, et en particulier des groupes de chasseurs à la poursuite de gibiers les plus divers. Certains d'entre eux furent même repérés à distance, qui eurent le bon réflexe, après avoir estimé la force du groupe, de préférer aller chercher du renfort ou en tout cas ne pas foncer vers une mort certaine. Les aventuriers les laissèrent partir, sans se bercer trop d'illusion pour la suite.

Suite qui ne manqua pas : plus tard et à plus d'une occasion, des escouades plus grosses et belliqueuses eurent la mauvaise idée de chercher des noises au groupe. Lequel groupe avança sans trop se préoccuper des orcs, à l'exception de la féline Femme des Bois qui alla au-devant des gêneurs. Ses amis ne tenaient pas trop à perturber un tour d'elfe d'Isilmë qui chantonnait un air magique leur permettant d'avancer plus vite et sans fatigue. Les orcs découvrirent bien vite que leurs armes et leurs compétences étaient assez inefficaces contre la lionne enchantée, dont les griffes et l'adresse pouvait les réduire en charpie sans qu'ils ne puissent rien y faire. Les plus chanceux ou les plus lents à attaquer s'enfuirent vite pour aller raconter au reste du clan ce qui s'était passé.

Au bout de quelques heures, alors que la présence des orcs était clairement visible au vu des traces nombreuses dans la neige, c'est toute une petite armée de peut-être deux cents orcs qui arriva au contact des aventuriers. Une fois de plus, Vif se porta au-devant d'eux et commença à faire un carnage, jusqu'au moment où le vide se fit autour d'elle, tandis que le chef des orcs apparaissait, armé d'une arme manifestement enchantée et volée à des Lossoth. Ce qui ne fit pas grande différence pour la lionne enchantée, qui prit juste quelques précautions pour ne pas se faire toucher et rapidement réduire la tête du chef en lambeaux. Après quoi le reste de l'armée s'éparpilla aux quatre coins de l'horizon et le cadavre du chef put être tranquillement fouillé. En plus du harpon magique qu'il maniait, il avait utilisé de la magie noire à l'aide d'une perle maudite, perle qui fut bientôt brisée en mille morceaux grâce à la magie du bâton de Drilun. Puis le groupe reprit sa route après cette courte pause.

En fin de compte les aventuriers arrivèrent à proximité des Brumes Éternelles et surtout des protections magiques que les elfes y avaient placées pour se protéger des ennemis divers et variés. Il ne fut pas si simple que cela de retrouver le droit chemin pour arriver jusqu'au lac d'eaux tièdes et soufrées, mais entre les connaissances acquises lors de leur précédent passage et les perceptions magiques du hobbit voire de la féline Femme des Bois, le labyrinthe magique put être résolu. Les huit aventuriers trouvèrent ou retrouvèrent les elfes qu'ils avaient laissés là une douzaine de jours auparavant, et qui avaient effectivement terminé de réaliser bon nombre d'équipements commandés. Tout n'était pas encore achevé, et par ailleurs Dwimfa, nouveau venu, n'avait pas été prévu dans la liste des équipements. Il fut d'ailleurs présenté aux elfes qui s'intéressèrent bien à lui et à son passé. Après quoi l'équipement enchanté fut distribué et les aventuriers réfléchirent à leur destination suivante.
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Niemal
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Grand Nord - 17e partie : vous ne passerez pas !

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1 - Destination à trouver
Les aventuriers, enchantés par leur nouveau matériel, ne purent s'empêcher d'en demander davantage. En effet, après réflexion, le groupe choisit de rester deux ou trois jours de plus que prévu. Les blessés allaient très rapidement être sur pied, donc ce n'était pas pour cette raison. Mais en revanche, entre un équipement plus complet pour Dwimfa, le remplacement de certaines affaires mises à mal par le souffle des dragons - en particulier le souffle enflammé - et la volonté d'être les mieux préparés possible, donner davantage de temps aux elfes pour leur fournir encore plus de matériel enchanté ou de qualité ne paraissait pas si superflu que cela. Pourtant les habitants des Brumes Éternelles avaient d'autres choses à faire, y compris certains objets plus longs à réaliser. Ils avaient tout de même conscience de l'importance de la quête de Vif et ses amis et ils trouvèrent du temps pour les satisfaire.

Entretemps, le choix de la future destination du groupe ne fut pas une mince affaire. Taurgil et compagnie hésitaient en effet entre deux objectifs. L'un d'eux était d'aller récupérer les objets magiques des anciens amis de Dwimfa. Ce dernier avait en effet sauté du bateau volant qui les emmenait tous et qu'une tempête, sans doute déclenchée par Eloeklo, emportait vers les parois des montagnes où le démon était emprisonné, les Ered Muil ("Montagnes de la Désolation") ou les Aeglir Arvethed ("Pics sans Fin"). En dehors de Gillowen, la magicienne possédée par ledit démon, personne n'avait survécu. Or tous possédaient des objets magiques très puissants dont les nouveaux amis de l'Homme des Bois auraient bien besoin pour combattre l'occupant du Puits de Morgoth, par exemple. Ces objets restaient sans doute inutilisés, ou du moins ceux dont la magicienne possédée n'avait pas vraiment l'usage. Restait à trouver l'emplacement du crash du bateau volant, les corps, leurs possessions... pour autant qu'il était possible qu'Eloeklo les laissât faire.

A côté de cela, il semblait que la visite de Canadras ("Quatre Cornes", en sindarin) pouvait apporter son lot de précieuses informations. Canadras était le nom donné à une péninsule au nord des Ered Muil. Mais surtout, elle devait son nom à un célèbre dragon qui en avait fait sa demeure et son territoire. Les "Quatre Cornes" faisaient référence à la tête du dragon, aux écailles grises, qui comportait sur le dessus deux cornes recourbées à la manière d'un bélier et deux autres cornes pointues plus bas et sur le côté qui lui servaient à embrocher ses victimes. Mais surtout, c'était un dragon assez ancien, peut-être le plus puissant de tous ceux qui vivaient encore sur les anciennes terres de Morgoth, le Noir Ennemi du monde. Non qu'il fût un dragon immense capable de tout balayer sur son passage : avant toute chose c'était un érudit et un puissant magicien pour qui le savoir - magique entre autres - était plus précieux que les trésors physiques. C'est certainement lui qui connaissait le mieux les futurs adversaires de l'équipe, et les manières de les combattre ou de les tromper.

Les deux destinations envisagées étaient sensiblement aussi éloignées l'une que l'autre. La première envisagée, les artefacts autrefois possédés par les amis de Dwimfa, devait se trouver vers le sud des montagnes susmentionnées, car c'est là que Dwimfa avait atterri et s'était enfui après sa chute. Ce qui laissait une zone de montagnes arides considérable à explorer. Et de plus ces montagnes n'étaient guère habitées que par des orcs et des trolls des neiges : en dehors de se manger les uns les autres, ils passaient leur temps à monter des raids et expéditions pour aller piller les ressources des Lossoth ou autres plus à l'est, au sud ou à l'ouest, ou éventuellement à chasser le phoque et la baleine dans les eaux glacées plus au nord. Quant à savoir si Eloeklo les laisserait récupérer les objets magiques convoités sans intervenir, c'était une question à laquelle les aventuriers ne pouvaient raisonnablement répondre de manière positive.

Au nord, le dragon pourrait apporter des renseignements précieux à défaut de matériel puissant. Mais non seulement c'était un être redoutable capable d'ensorceler bien des héros, d'autre part ses conseils n'étaient jamais gratuits. Que pouvaient bien lui proposer Drilun et ses compagnons en échange de son savoir ? Certains se disaient que malgré son faible attachement pour les possessions matériels, il ne cracherait pas sur un artefact magique ou deux. C'est avec cet objectif en tête qu'ils n'avaient pas détruit la masse magique de feu Gorovod, l'ancien Grand Sorcier (Fhalaugash) de Dol Guldur. Cela, plus les quelques connaissances qu'ils pouvaient avoir, pourrait peut-être intéresser le dragon. Suffisamment pour le contenter et permettre de fructueux échanges, par contre, ils en doutaient. Aussi Dwimfa proposait-il plutôt de passer d'abord récupérer les affaires de ses anciens compagnons, dont un fabuleux grimoire magique permettant de lancer un nombre infini de fois de très nombreux sortilèges...

2 - Nouveaux éléments et choix final
Un autre élément à prendre en compte était le trajet. Au départ, il paraissait plus raisonnable de commencer par le chemin du sud : d'une part le soleil pouvait-il encore faire de timides apparitions au sud, s'ils commençaient par là. Dans le cas contraire, en commençant par Canadras plus au nord, ils n'auraient que la perpétuelle nuit du Grand Nord tant au nord qu'au sud, car l'hiver approchait vite et serait là dans un mois et demi environ. D'autre part, pour aller dans la péninsule de Canadras, il semblait intéressant de traverser la Baie de la Désolation (Hûb Lostas). A cette époque de l'année les glaces s'étaient déjà reformées sur l'eau, mais attendre un peu plus les rendrait plus solides. Néanmoins, ces deux arguments n'avaient de poids que si les aventuriers partaient vite et ne tardaient pas en route. Ce dont certains doutaient, et la suite leur donna raison. En fin de compte cet élément ne pesa donc guère dans la balance.

La nature des objectifs, les informations ou matériels à aller chercher, occupèrent davantage les esprits. Dwimfa fut interrogé sur les possessions magiques de ses anciens amis. Il leur parla alors de ce dont il se souvenait, à commencer par le Suimbalmynas, un livre de runes magiques réutilisables à l'infini écrit par un homme nordique, dans sa langue. A défaut d'intéresser le dragon, d'autres objets très puissants pourraient certainement leur servir : Gwaedhel ("Sœur de Serment"), une fantastique épée protégeant de la peur et autres pouvoirs des morts-vivants ; l'Eargil ("Etoile de Mer"), un joyau aux multiples pouvoirs (défense physique, stimulant magique, boussole magique...) ; un arc de lumière capable de créer des flèches magiques de lumière solide à volonté ; une amulette susceptible d'invoquer et de commander une boule de feu vivante ; un bâton de lumière pouvant attirer et maîtriser la foudre ; un talisman maudit permettant de se transformer en chauve-souris... Sans parler des multiples armes ou armures (mithril compris) ou autres babioles utiles comme une ceinture protégeant de tous les éléments.

Néanmoins, ces artefacts, aussi utiles fussent-ils, n'étaient pas si importants que cela face à des adversaires tels que Durlach ou Eloeklo, anciens lieutenants de Morgoth qu'on pouvait chacun qualifier de balrog ou "démon de puissance"... Plus que des armes, l'équipe aurait davantage besoin de la connaissance la plus fine possible de ces ennemis, afin de savoir les affronter directement ou indirectement. Et s'il était un être qui les connaissait bien, cela devait être Canadras : la connaissance était son fonds de commerce et sa raison de vivre. Toute sa longue vie avait été consacrée à augmenter son savoir sur les personnages plus ou moins puissants du Grand Nord, à travers ses espions ou ses recherches magiques. Car c'était un puissant sorcier, d'après Nestador, maître des Brumes Éternelles.

En fait Drilun et ses amis apprirent que le dragon avait déjà été en contact avec les elfes des Brumes. En effet, au sud de Canadras (la péninsule) et à l'extrémité nord des Ered Muil, les Montagnes de la Désolation, se trouvait une montagne spéciale appelée Orod Certhas, la "Montagne des Runes". Elle était appelée ainsi en raison de ses falaises de granite sur le versant nord, falaises inscrites de nombreuses runes par les soins des elfes de Brumes Éternelles. Cette encyclopédie magique que Nestador et les siens continuaient d'enrichir semblait protégée de toute dégradation des orcs ou dragons, mais à tout le moins elle intéressait vivement Canadras, qui venait toujours voir une nouvelle rune avant qu'elle ne soit recouverte par la neige. Le dragon magicien n'avait jamais essayé d'attaquer les elfes, reconnaissant sans doute leur puissance ou trop content de profiter de leur travail étrange que Nestador n'expliqua qu'imparfaitement, parlant de quête mystique aussi bien personnelle que collective.

En tout cas le dragon gris était connu des siens, ils savaient où il habitait - une ancienne demeure des elfes des neiges, les Lossidil. Le Grand Ver ailé avait aussi la particularité d'héberger de nombreuses runes magiques sur ses écailles, runes inscrites par des artisans ensorcelés - comme certains nains de Vasaran Ahjo - et chargées magiquement par les pouvoirs du dragon lui-même. Beaucoup étaient des runes de protection contre les armes ennemies, mais pas seulement. Les cavernes elles-mêmes irradiaient la magie et devaient comporter aussi leur lot de runes. Par ailleurs, l'entrée des cavernes était à flanc de falaise, une vingtaine de pas au-dessus du niveau de la mer plus bas, à une trentaine de pas du sommet. Le sentier escarpé que les elfes des neiges avaient autrefois creusé dans la falaise avait depuis longtemps été détruit par le nouvel occupant des lieux. Lieux qui n'étaient donc accessibles qu'en volant ou en grimpant...

Au bout du compte, la nature moins agressive du dragon fut un élément qui pencha fort dans la balance. Geralt le résuma très bien en disant que s'ils allaient chez Eloeklo et qu'ils en mouraient, le démon utiliserait leurs possessions pour nuire à la Terre du Milieu et parvenir à ses fins. Au contraire, Canadras les garderait pour lui sans les utiliser, se contenant juste de les étudier dans le meilleur des cas... Par ailleurs, en plus de quelques babioles ou connaissances diverses que le groupe pouvait fournir au dragon, il y avait un service que Canadras pourrait apprécier : l'archer-magicien dunéen pouvait inscrire des runes sur les écailles du dragon ou peut-être parler magie avec lui, le faire profiter de son propre savoir. Peut-être le dragon serait-il assez puissant pour l'envoûter et le pousser à donner tout cela sans rien en échange, mais c'était un autre élément dont les aventuriers pouvaient peut-être se prémunir. En tout cas, le groupe commencerait par aller voir Canadras.

3 - Première sortie
Fort de cette décision et de leur nouveau matériel, et après avoir soigneusement planifié leur trajet dans le Grand Nord jusqu'à la demeure de Canadras, Vif et ses amis se mirent en route. Non sans un premier accrochage au moment de prendre leurs bagages : Dwimfa avait décidé, comme il l'avait fait jusqu'à présent, de porter les robes enchantées - et maudites - de feu Gorovod sur lui. Ce qui ne plut pas du tout au maître-assassin du groupe. S'il était d'accord pour croire Dwimfa sur parole quand ce dernier lui dit qu'il savait résister au pouvoir corrupteur de l'objet, en revanche il rappela que la corruption s'étendait à tous les être proches, qui risquaient de voir grandir en leur cœur un désir incontrôlé pour lesdites robes. Bref, il ne voulait pas que l'Homme des Bois les portât, préférant qu'elles soient remisées dans un sac pour servir uniquement quand un combat se profilerait à l'horizon. Le dernier arrivé dans le groupe fit d'abord la sourde oreille, si bien que Geralt décida de rester chez les elfes. Mais quand Drilun annonça qu'entre le balafré et l'ami de Vif il privilégiait clairement le premier, Dwimfa accepta de mettre les robes de côté et de les sortir seulement le bon moment venu. Et ils purent partir tous ensemble.

Après avoir correctement géré le passage à travers les barrières magiques grâce aux compétences de la lionne enchantée et du hobbit, ils arrivèrent au sud de la vallée, côté est de la baie. Le temps était un peu maussade sans être franchement mauvais : ciel bas et nuageux avec quelques flocons de neige qui tombaient çà et là, mais rien de très méchant. En revanche, les sens exercées de la féline Femme des Bois l'avertirent bien vite de quelques obstacles sur leur chemin : deux dragons se tenaient à terre à quelques portées de flèche de là, dans des bois, un peu éloignés l'un de l'autre mais pas assez pour espérer pouvoir passer entre les deux. Par ailleurs, caché dans les nuages bas, Vif pouvait entendre le passage régulier d'un dragon ailé au-dessus de la bande de terre sur laquelle ils se trouvaient. Ils étaient attendus, et manifestement ils avaient déjà été repérés.

Les elfes de Brumes Éternelles avaient prévenu que le groupe, bardé d'objets magiques fraîchement (et rapidement) réalisés, émettait une telle signature magique que toutes les créatures un peu sensibles aux émanations des sortilèges - dont certains membres de l'équipe - pouvaient les suivre à la trace à des miles de distance. Et par ailleurs, Nestador et les siens avaient expliqué pourquoi les dragons de la région étaient si agressifs et peu enclins à faire autre chose que combattre et tuer, oubliant même parfois de se disputer entre eux : par esprit de vengeance. Depuis des milliers d'années et la fameuse bataille qui avait coûté la vie à de nombreux elfes et dragons, il existait une inimitié particulière entre leurs deux groupes. Les dragons n'auraient de cesse de détruire les elfes de Brumes Éternelles, leurs réalisations et leurs amis. Or le groupe d'aventuriers portait de plus en plus sur eux la signature magique des elfes que les dragons s'étaient juré de combattre jusqu'à la mort...

En raison de cela et de quelques divinations magiques de Drilun qui lui indiquèrent que deux dragons avaient des souffles magiques, certains aventuriers commencèrent à penser qu'une retraite prudente étaient préférable. Mais lorsque le groupe commença à faire prudemment demi-tour en direction des protections magiques peu éloignées - une poignée de portées de flèche tout au plus - les dragons perçurent leur mouvement et se dirigèrent tous dans leur direction, deux à terre et un en l'air, plus rapide que les deux autres. Après un moment d'hésitation, où certains se mirent à accélérer vers la protection magique réalisée par les elfes alors que d'autres auraient voulu tenir et combattre, ce fut la débandade : Vif prit Mordin et Drilun sur son dos et filait vers l'entrée magique de la vallée tandis que les autres poussaient sur leurs bâtons pour faire avancer leurs skis le plus vite possible dans la même direction.

La lionne enchantée déposa ses deux amis qui avaient magnifiquement réussi à tenir sur son dos malgré ses bonds puissants. Plus loin, Dwimfa arrivait en premier, suivi par le hobbit non loin. Après lui, Geralt et Isilmë, bien qu'à une distance similaire, étaient éloignés suffisamment l'un de l'autre, pour ne pas constituer une cible unique trop tentante. Taurgil, lui, fermait la marche - ou plutôt la glisse - un peu plus loin. Lui ne pourrait pas éviter l'attaque du dragon ailé, qui pouvait sans doute choisir une deuxième cible entre l'elfe et l'assassin balafré. Le dragon noir et blanc hésita un bref moment entre les deux, tout en s'apprêtant à engloutir le Dúnadan dans son souffle glacial : il reconnaissait l'elfe à son odeur et était naturellement tenté de la tuer plutôt qu'un autre, mais l'humain à sa portée était bien plus bardé d'objets en os ou cuir de dragon que la guerrière elfe. Mais au bout du compte sa haine des elfes fut la plus forte : il projeta un nuage de glace qui transperça Taurgil jusqu'aux os, malgré ses protections et son ultime refuge derrière un arbre, puis vira un peu pour engloutir Isilmë qui connut un sort similaire. Tous deux sentirent presque leur cœur s'arrêter de battre, mais leur raison et leur corps furent les plus fort et ils restèrent vivants, et debout, et tentèrent de continuer à avancer avant l'arrivée des autres dragons, bien que plus lentement.

Le dragon ailé s'était trop avancé et malgré sa manœuvre aérienne il fut sujet aux protections magiques établies par les elfes de Brumes Éternelles. Bientôt il subissait les assauts fantomatiques d'un adversaire imaginaire mais qui semblait le blesser pour de bon, et il ne s'occupa plus des aventuriers. Vif en profita pour voler au secours de ses amis blessés, tandis que les autres finissaient d'arriver. Elle arriva au niveau de Taurgil tandis qu'un des deux dragons au sol arrivait plus vite que l'autre. En fait c'était un dragon ailé qui était resté au sol, et sa couleur rouge-orangé ne laissait rien présager de bon, car souvent elle était en lien avec un éventuel souffle, qu'elle devinait donc brûlant. Le dernier dragon, plutôt vert-bleu, était trop éloigné et ne serait pas une menace. Le Dúnadan laissa ses skis et monta sur le dos de la lionne, parvenant à s'y accrocher fermement malgré le froid qui lui gelait le corps. Puis Vif bondit vers Isilmë, où la même opération fut renouvelée, juste comme le dragon arrivait et ouvrait la bouche. La féline Femme des Bois eut beau bondir de toute la force de ses puissantes pattes, elle ne put éviter complètement le feu brûlant qui les engloutit en partie tous les trois.

Vif était en partie protégée par ses amis et ne perdit que des poils (et gagna une bonne suée). L'elfe était peut-être un peu mieux protégée magiquement et, couchée sur le dos de la lionne, elle ne souffrit que légèrement de brûlures causées par le souffle enflammé. En revanche, le grand rôdeur passa d'une sensation de froid intense à celle d'une insupportable fournaise. Avec l'aide de l'elfe et par un effort de volonté il se maintint sur le dos de la lionne, jusqu'à arriver en sécurité. Plus loin, les magies elfiques s'activaient et les dragons furent trop occupés à combattre des ennemis imaginaires ou eux-mêmes pour être une réelle menace. Mordin et Drilun étaient occupés à tenter de percevoir leurs points faibles, sans grand succès, mais le hobbit était plus perceptif et put, avec l'aide de la lionne, percevoir une zone plus sombre de l'aisselle avant droite du dragon volant. Il arriva à y envoyer une de ses flèches avant le départ du dragon, mais même s'il pensa l'avoir blessé ce ne fut sûrement pas bien grave. De son côté, l'elfe du groupe, malgré sa blessure, déshabillait leur ami dúnadan pour le soigner avec sa magie et des bandages propres : après avoir été gelé puis brûlé vif, il n'avait pour ainsi dire plus de peau sur le dos.

4 - Guérison et nouvelle attente
Malgré son dos qui la faisait souffrir et qui saignait, Isilmë parvint à stabiliser l'état de son ami dúnadan et à l'empêcher de saigner à mort, tandis qu'elle-même s'affaiblissait. Mais ensuite Rob prit le relais et stabilisa l'état de son immortelle amie. Du baume orc fut également utilisé pour aider à sa guérison, ce qui n'avait pu être envisagé pour Taurgil : ses blessures étaient si étendues que l'utilisation du baume l'aurait complètement transformé visuellement. Il aurait été couvert de cicatrices sur tout le corps, et n'aurait sans doute pas été très beau à voir. Par contre, le hobbit et la féline Femme des Bois s'empressèrent d'aller chercher leurs amis elfes, dont certains étaient d'excellents soigneurs, en espérant des remèdes tout aussi efficaces et entraînant bien moins de séquelles que le remède orc, aussi efficace fût-il.

Les elfes, qui avaient senti le combat à distance, vinrent à leur rencontre et aidèrent les blessés à guérir. Il fallut tout de même une semaine complète de repos forcé à l'héritier des rois du Rhudaur pour guérir complètement. Heureusement, les soins de Nestador étaient si puissants que Taurgil n'en garda que de légères traces qui ne nuisirent aucunement à son charme naturel. Dans le même temps, les elfes prévinrent le groupe que l'expérience risquait de se reproduire, d'autant que le temps à venir ne serait pas du côté des aventuriers : à la fin de la guérison du Dúnadan le ciel serait clair et rien n'empêcherait les dragons de leur tomber dessus comme précédemment. En fait, il fallait attendre onze jours avant de voir arriver un vrai blizzard qui bloquerait sans nul doute une bonne partie des capacités des dragons à les percevoir physiquement, ou les empêcherait de voler.

Tandis que certains elfes travaillaient à fournir de nouveaux matériels au groupe, et notamment ceux détruits par les dragons, Drilun choisit d'étudier divers grimoires en possession des elfes des Brumes Éternelles, et en particulier ceux traitant de la réincarnation des Maiar. En effet, entre Durlach, Eloeklo et Tevildo, ils se retrouvaient face à trois de ces anciens serviteurs des Valar, tous passés au service de Morgoth lors du Premier Âge. Or le dernier n'avait plus de forme lié à lui et devait donc se recréer un corps pour recouvrer tous ses pouvoirs. D'après ce qu'il lut, les Maiar pouvaient facilement changer de corps à deux conditions : la première était de ne pas trop s'attacher à un corps physique particulier, la seconde de changer volontairement d'enveloppe charnelle, et non de la perdre par accident. Si ces deux conditions n'étaient pas remplies, la création d'un nouveau corps était un processus lent et difficile qui nécessitait beaucoup d'énergie. Énergie qui pouvait être trouvée dans les forces vives de l'esprit, ou bien dans une émanation magique particulièrement puissante, comme celle liée à un puissant artefact. Également, cette énergie pouvait être considérablement amoindrie dans le cas de la possession d'un corps existant déjà si le Maia en question avait un lien fort avec ledit corps...

L'archer-magicien du groupe n'en resta pas là et il profita aussi de la chambre spéciale des visions - un sauna - qu'utilisaient les elfes des Brumes Éternelles pour améliorer leurs visions magiques. Même sans voir les étoiles il put ainsi les imaginer et avoir une expérience onirique concernant l'objet de sa curiosité, à savoir Canadras. De sa transe magique il en retira la certitude que le dragon apprécierait énormément de compléter sa collection de runes sur ses écailles, et tout ce qui pourrait le rendre plus puissant magiquement. De fait il étudia aussi l'écriture de runes magiques sur des écailles de dragon. En fait il profita de ce savoir pour réaliser un rouleau résumant les informations les plus intéressantes susceptibles de l'aider à une telle tâche.

Après une semaine le groupe se réunit pour décider de la date de leur prochain départ. Certains trouvaient stupide de sortir par beau temps et risquer une mort inutile alors qu'il était si simple d'attendre quelques jours pour avoir des conditions météorologiques idéales pour passer en catimini. Néanmoins la majorité préféra tenter une deuxième sortie sans attendre plus, mais en étant davantage prudents et sur le qui-vive. Ce qui signifiait par exemple sonder l'espace qui s'offrirait à eux avant même de sortir complètement des zones de protection magique ; ou encore d'utiliser les onguents de protection contre les éléments qu'ils possédaient avant de tenter une sortie en présence d'un ou de plusieurs dragons.

5 - Deuxième et troisième sorties
Les aventuriers prirent donc à nouveau leurs cliques et leurs claques pour se retrouver près de la même sortie du labyrinthe des protections magiques qu'ils avaient empruntée une semaine auparavant - la féline Femme des Bois et le hobbit commençaient à bien connaître le chemin. Une fois de plus, Dwimfa avait ôté les robes maudites de Gorovod pour ne pas offenser Geralt. Alors qu'ils étaient encore sous la protection de la magie des elfes de Brumes Éternelles, Vif sonda les environs avec ses fantastiques perceptions, secondée par Geralt et les autres membres du groupe les plus perceptifs, tandis que Drilun utilisait sa magie pour détecter la présence au sol d'adversaires les plus divers. Notamment ceux de plusieurs tonnes, particulièrement fréquents autour de la vallée protégée... à leur grand dam.

Hélas, comme ils s'y attendaient, ils étaient encore attendus. Trois dragons étaient présents dans les environs, deux à terre et un dans les airs. Ce dernier ressemblait furieusement à celui qu'ils avaient déjà croisé une semaine auparavant, et il n'était pas possible de visualiser les deux autres, cachés dans les bois qui entouraient la vallée. En revanche, des divinations magiques de l'archer-magicien dunéen apportèrent les informations essentielles à leur sujet : une fois de plus, un cracheur était présent à terre. Afin de ne pas réitérer la même expérience négative que la semaine passée, après rapide discussion, les membres du groupe furent d'accord pour rebrousser chemin et tenter un nouveau passage quatre jours plus tard, lorsque les conditions météorologiques leur seraient plus favorables. Et par ailleurs, la signature magique sur leurs objets fraîchement enchantés serait un peu plus faible, ce qui ne pourrait être un mal, à défaut de leur garantir une grande discrétion.

Quatre jours supplémentaires furent donc consacrés au repos (Geralt), à l'étude des sorties et entrées de la vallée des elfes (Vif), ou tout simplement à essayer d'en apprendre plus sur les êtres qu'ils s'apprêtaient à rencontrer, et en particulier Canadras. Ou à se demander où était à présent le cavalier noir venu de Dol Guldur qui les pourchassait depuis des mois, et autres joyeusetés prêtes à leur tomber sur le paletot. Les elfes de Brumes Éternelles les aidèrent du mieux qu'ils purent, avec de nouveaux matériels magiques ou de qualité, dont certains à réaliser pour plus tard. En effet, vu le trajet à parcourir, Taurgil et ses amis ne comptaient pas revenir là avant au moins un mois. Et Eru savait ce qui pouvait se passer d'ici là question événements imprévus et retards en tout genre...

Enfin, le jour de la troisième sortie (ou tentative) arriva enfin. Comme prévu, le temps était détestable, à ne pas mettre le bout du nez dehors, ce qui entraîna immédiatement une chute du moral du balafré aux cheveux blancs : les efforts n'étaient jamais le fort de Geralt, et vu le sale temps qu'ils allaient devoir endurer, il n'était pas à la réjouissance. Les températures étaient très basses, les vents violents, la neige abondante... à tel point que si les dragons n'étaient pas capables de les repérer, certains se demandèrent comment eux-mêmes allaient pouvoir se repérer et partir dans la bonne direction. La lionne enchantée était néanmoins confiante, d'autant que Drilun pouvait magiquement calmer en partie les éléments autour d'eux, une fois qu'ils seraient suffisamment loin des dragons. En tout cas, Vif était contente de pouvoir profiter de la cape isolante que les elfes lui avaient confectionnée, qui lui permettait de mieux résister au froid. Elle ne serait pas de trop !

A l'orée de la vallée ou plutôt de ses protections magiques, les aventuriers suspendirent leurs pas. Vif ne percevait rien en dehors du mauvais temps, aucune présence perceptible. Par contre le Dunéen annonça grâce à sa magie qu'un dragon se tenait au sol dans les bois face à eux. Il ne serait sans doute pas dur à contourner si le groupe était assez discret. Cela étant, bardés de magie comme ils étaient, les huit compagnons ne pouvaient espérer une totale invisibilité. D'un autre côté, un dragon solitaire ne serait peut-être pas un trop gros obstacle pour eux. En espérant qu'il n'appelât pas de renfort s'il percevait leur présence ou si un combat avait lieu... Plein d'espoir ou de craintes, le groupe s'avança vers son destin. Et ce n'était que le tout début d'un long voyage qui allait les faire rencontrer un des personnages les plus puissants du Grand Nord...
Modifié en dernier par Niemal le 19 juillet 2018, 07:09, modifié 2 fois.
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Grand Nord - 18e partie : poursuite en noir et blanc

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1 - Obstacle franchi !
Les sens particulièrement affûtés de la lionne enchantée lui permettaient de percevoir la présence de la mer non loin malgré le temps détestable. A l'occasion elle pouvait parfois entendre ou sentir les vibrations que le dragon faisait quand il se déplaçait un peu, et il n'était pas discret. Lui passer sous le nez, sans qu'il puisse entendre ou sentir les huit aventuriers, semblait tout à fait faisable par un temps pareil. En fait, à part Vif, ses amis étaient complètement perdus et ne percevaient rien au-delà du bout de leur bras, et encore. Ils faisaient confiance à la féline Femme des Bois pour les guider quelque part - en s'attachant les uns aux autres de préférence, pour ne pas se perdre - et ils pensaient que le dragon aurait bien du mal à les repérer physiquement. Là n'était pas le problème.

Car le groupe portait moult objets magiques sur ses membres, certains bien récents, faits dans la hâte, et donc avec une signature magique bien perceptible. Et ça, un dragon n'aurait sans doute pas grande difficulté pour le sentir. Le groupe fit alors le point sur toute sa panoplie magique, active ou non. Des objets furent retirés et placés dans des sacs faits de fibres de cembereth, ces arbres trouvés dans la région des Brumes Éternelles et qui avaient des propriétés anti-magie. Les objets placés dans ces sacs seraient moins faciles à percevoir par les sens magiques du gros Ver. Cela serait-il suffisant pour arriver à lui passer devant sans l'alerter ? Beaucoup en doutaient et se préparaient, dans leur tête, à affronter bientôt le dragon...

Mais Rob se souvint alors qu'il portait sur lui - et contre la volonté d'Isilmë, qui aurait préféré le garder - l'anneau elfique trouvé au doigt de Gillowen, l'ancienne amie de Dwimfa à présent possédée par Eloeklo. Or cet anneau, une fois porté, avait la particularité d'absorber et d'annuler les énergies magiques environnantes... Porter cet anneau était également comme une drogue et il pourrait corrompre son porteur au bout du compte, chose que les compagnons d'Isilmë avaient déjà pu remarquer chez cette dernière. D'un autre côté, le hobbit n'était nullement un elfe, mais les gens de sa race avaient la particularité d'être peu réceptifs - voire carrément très résistants - à la magie et à ses pouvoirs de corruption. Si Rob mettait l'anneau au doigt, peut-être cela ne l'affecterait-il pas trop et ils pourraient passer au nez et à la barbe du dragon sans qu'il sente la magie qu'ils portaient sur eux...

L'idée fut mise en œuvre et Drilun constata vite que la magie était bien plus difficile à réaliser dorénavant, même si ce n'était pas impossible. Et ceux qui étaient perceptifs aux énergies magiques sentaient bien que toute cette magie était à présent presque invisible. Ils laissèrent donc l'anneau au doigt du hobbit, et le soin à Vif de les emmener vers le sud. Ils quittèrent donc les protections magiques que les elfes de Brumes Éternelles avaient placées aux alentours pour se protéger des dragons, et ils avancèrent dans le vent, le froid et la neige. La lionne enchantée portait le petit hobbit sur son dos, tandis que les autres suivaient derrière. Certains avaient leurs skis, tandis que d'autres utilisaient des bottes enchantées qui permettaient de ne pas s'enfoncer dans la neige, et qui marchaient tout de même en présence de l'anneau elfique. Du moins tant qu'il ne venait pas en contact direct avec ces objets, car sinon il pouvait définitivement annuler leur magie.

Progresser ainsi fut très difficile, ils avançaient lentement, très lentement. Au moins ne furent-ils pas assaillis par un grand lézard de plusieurs tonnes capable d'engloutir n'importe lequel d'entre eux en une bouchée... Certains, forts et endurants, ou à l'aise sur leurs skis ou dans les éléments déchaînés, prenaient leur mal en patience sans se faire plus de mouron. D'autres avaient plus de mal, comme Geralt dont le moral chutait de plus en plus devant tant d'efforts, ou Drilun et Isilmë dont la capacité à avancer à ski ou à pied dans un pareil blizzard avait ses limites, et leur endurance encore plus. Après plusieurs heures d'efforts, ils avaient bien avancé mais le dragon était encore à portée, peut-être à cinq miles de distance, et plusieurs membres du groupe étaient épuisés, malgré la lionne enchantée prête à servir de taxi pour d'autres que le seul hobbit. Il fallait se rendre à l'évidence : ils devaient arrêter leur progression et faire un camp de fortune pour permettre de se reposer.

2 - Voyage et rencontres
Ils commençaient à bien connaître les techniques de survie des Lossoth, au moins pour une partie d'entre eux. Ils tassèrent donc la neige autour d'eux - et elle ne manquait pas - pour ensuite creuser un trou pour chacun d'eux dans lequel se blottir. Cet "igloo rapide" leur permit de connaître une période de repos tranquille - aussi long qu'une véritable nuit - sans aucun incident. De toute manière, à cette endroit et à cette époque de l'année, le soleil ne se levait plus et la nuit devait durer deux ou trois mois. Et avec ce qu'il tombait, un éventuel jour serait passé complètement inaperçu. Fatigués, ils ne se firent pas prier pour s'endormir. Geralt pesta après le manque de magie qui l'empêchait de bénéficier d'un sommeil réparateur plus profond. Mais il préféra cela plutôt que de dormir à part, loin de l'anneau elfique que portait toujours le hobbit, et d'être la cible d'un sort d'Isilmë qui pourrait éventuellement attirer le dragon sur lui.

Lorsqu'ils furent tous reposés, ils se remirent en marche avec précaution, Vif percevant parfois encore les vibrations d'un dragon pas si loin que ça. Le blizzard n'avait pas faibli, mais elle percevait toujours la présence des eaux chaudes des Brumes Éternelles s'écoulant dans la baie proche, ce qui lui permettait de se diriger vers le sud. Ils avancèrent donc encore plusieurs longues heures, et les bruits du dragon s'estompèrent enfin. Puis ils firent une nouvelle halte quand ils furent nombreux à être trop épuisés physiquement ou nerveusement pour continuer encore. Pendant la nuit, la féline Femme des Bois perçut les vibrations d'un lourd bipède qui passait non loin de là, sans doute un géant à la recherche de quelque proie, mais il était trop loin d'eux et ils étaient trop bien cachés dans la neige, donc il passa son chemin et elle se rendormit bientôt.

Le lendemain fut similaire à la veille, mais le hobbit retira l'anneau et ils prirent moins de précautions, voire utilisèrent leurs magies pour aider à avancer plus vite. Taurgil en particulier interrogea les éléments naturels pour savoir combien de temps le blizzard risquait de perdurer, mais il semblait qu'ils en avaient encore pour la "journée". Lorsqu'ils s'arrêtèrent plusieurs heures après, ils virent que le temps commençait à changer légèrement, et un angle droit dans la côte leur permit de réaliser à peu près, à l'aide de la carte que les elfes avaient dressée pour eux, où ils se trouvaient. Le lendemain, ils pourraient quitter la côte pour aller plus à l'est, au sud des montagnes proches et en direction d'Eithel Morgoth, le puits volcanique dont ils avaient par le passé aperçu de lointaines et sinistres lueurs rougeâtres.

Après un nouveau repos, encore à peine perturbé par les vibrations causées par un autre géant, le ciel s'était bien dégagé et ils pouvaient voir le ciel étoilé, et les montagnes pas si éloignées. Certains d'entre eux perçurent des déplacements au loin sur ces montagnes, qui se révélèrent être des orcs en train de se battre. Après une période de confinement, ils avaient sans doute pu sortir à la recherche de proies proches... qui se révélèrent être les membres d'autres tribus. Les aventuriers reprirent leur chemin avec plus de facilité, sans trop se préoccuper des orcs. Ils furent plus concernés par la pneumonie que contracta Drilun, mais qui fut bientôt soignée par la magie des mains du Dúnadan associée à une infusion d'athelas... dont le stock viendrait peut-être bientôt à s'épuiser.

La région où ils se trouvaient était assez désertique, ce qui n'empêcha pas d'entendre parfois des loups au loin, ni à Vif d'aller chasser et de ramener la carcasse d'un élan à ses amis, non sans avoir au préalable prélevé un gros gigot pour son estomac affamé. Après en avoir fait profiter ses amis au cours d'un agréable repas, malgré le manque d'herbes et autres condiments, Rob laissa Mordin jouer au boucher et tailler autour d'une vingtaine de kilos de beefsteaks pour leur consommation future. Au cours de leur voyage, ils croisèrent aussi la route d'une trentaine d'orcs qui passaient au même endroit qu'eux ou qui les avaient repérés. Quoi qu'il en fût, le groupe ne dévia pas de sa route mais laissa la lionne enchantée et le maître-assassin se charger des inopportuns. Après cinq minutes et de nombreux cris, il ne restait aucun survivant. Une fouille rapide rapporta un maigre butin - quelques perles d'ivoire sans doute volées à des Lossoth - et assez de morceaux divers de jambes ou de bras pour avoir la preuve certaine que les orcs du Grand Nord étaient des ploucs mal équipés qui pratiquaient le cannibalisme...

3 - Ennuis au sud
Par la suite, le temps se fit de plus en plus clair, et si la nuit était désormais permanente, la lumière des étoiles et de la lune parfois, associée à l'épais tapis neigeux qui reflétait la lumière, permettait de voir à une certaine distance, surtout pour les nyctalopes. A un moment du voyage, juste après le blizzard, les nuages bas avaient rendu le paysage uniformément gris, sans réelle limite entre le ciel et la terre, ce qui avait été assez dérangeant car cela supprimait toute notion de perspective. Mais cela n'avait pas été une gêne pour leur progression dans la neige, d'autant que Vif commençait à percevoir parfois des grondements au loin, ce qui était assez pour elle pour savoir dans quelle direction tourner leurs pas ou leurs skis : le Puits de Morgoth était un point de repère utile, qu'ils devaient contourner par l'ouest et le nord pour éviter les fumées toxiques qui s'en échappaient et étaient poussées par le vent du nord...

A présent, en tout cas, le ciel était bien dégagé et les sinistres rougeoiements d'Eithel Morgoth étaient visibles même d'autres que la lionne enchantée. Mais autre chose était perceptible, au sud cette fois : une tache sombre faite de nombreux petits points venait dans leur direction. Après utilisation de la longue-vue, sa nature fut reconnue : un troupeau de rennes de quelques centaines de têtes. Mais ce qui les poussait dans leur direction intéressait davantage encore les aventuriers, qui finirent par distinguer d'autres points au-delà des rennes. Comme des traîneaux tirés par des ours blancs, entourés de nombreux skieurs. Des guerriers sanguinaires de la horde des traîneaux arrivaient vers eux, et ce n'était peut-être pas un hasard si leurs routes allaient se croiser. Il sembla aussi à Vif, que Geralt aidait à utiliser la longue-vue, que l'un des occupants des charriots était vêtu de noir, contrairement aux guerriers couverts de gris ou de blanc. Le poursuivant de Dol Guldur les avait retrouvés... Comment, nul n'aurait su le dire, mais après tout, le ciel clair permettait sans doute beaucoup de choses quand on avait un informateur ailé qui voyait parfaitement dans l'obscurité...

Le groupe était présentement en train de contourner les Montagnes du Destin Funeste (Ered Úmarth) par le sud, pour pouvoir ensuite continuer vers l'est-nord-est et le Puits de Morgoth. Les nouveaux venus, au sud, risquaient fort de couper leur route. Si la horde de rennes n'était pas vraiment une menace, car elle serait facile à dévier, les combattants des traîneaux, et plus encore le sinistre individu en noir qui les accompagnait voire les dirigeait, leur causait plus de soucis. Les aventuriers étaient partagés, certains estimant qu'ils avançaient à une bonne allure et ne seraient pas inquiétés. D'autres, comme Taurgil, pensaient autrement et préféraient dévier leur route vers le nord et les contreforts des montagnes : le relief plus accidenté empêcherait leurs poursuivants de les suivre, même si cela compliquerait et ralentirait leur progression.

Le Dúnadan, lassé des discussions trop longues, finit par imposer sa manière de voir les choses : il annonça qu'il partait vers le nord et les montagnes, et libre aux autres de le suivre ou non. Bien entendu, le reste du groupe ne voulut pas se séparer de lui. L'allure était bonne à ski ou à pied/bottes/pattes, grâce entre autres à un chant elfique d'Isilmë qui donnait de l'énergie à ceux qui progressait autrement qu'à ski, ce qui permettait de suivre sans mal les skieurs qui pourtant avançaient d'un bon train dans l'épaisse poudreuse. Pourtant, force fut de constater après un moment que les rennes, et surtout les poursuivants à traîneau, allaient plus vite qu'eux. En y regardant de près, il semblait bien en fait que le troupeau de rennes tassait la neige sous son passage, ce qui permettait aux traîneaux qui les suivaient d'aller plus vite... Autrement dit, les aventuriers étaient en train de se faire rattraper : leurs ennemis allaient moitié plus vite qu'eux, et il n'était pas question d'accélérer encore, plusieurs ne pourraient suivre très longtemps une cadence plus rapide.

Vif et Rob furent envoyés en avant en éclaireur, la lionne enchantée progressant par bonds dans la neige molle, tandis que son petit compagnon s'accrochait à elle grâce aux lanières qu'elle portait autour d'elle. Ils devaient repérer un endroit propice aux embuscades ou en tout cas facile à défendre, que les guerriers des traîneaux ne pourraient contourner ou assaillir sans grosses pertes. Ils finirent par trouver une falaise glacée de près de la moitié d'une portée de flèche de haut, vraiment très difficile à escalader. Mais en regardant bien, ils arrivèrent à repérer un chemin plus facile pour surmonter l'obstacle, avec une corniche au milieu pour diviser la progression en deux. Cela serait tout de même difficile mais ils étaient rompus à ce genre de difficulté, et leurs ennemis seraient facilement tenus à distance grâce à leurs très bons archers. Rob commença à grimper tandis que Vif partait guider les autres vers ce site providentiel, en espérant qu'ils y arriveraient à temps.

4 - Grimpeurs trop lents... et trop exposés
Le groupe d'aventuriers arriva bientôt au pied de la falaise. Les rennes avaient fini par dévier leur course vers l'ouest mais les poursuivants, d'abord ralentis par l'épaisse couche de poudreuse, avaient accéléré ensuite. Ils n'étaient donc plus très loin et seraient bientôt sur eux. La falaise faisait peut-être une quarantaine de pas de haut là où les attendait le hobbit, à l'endroit où la lionne et lui avaient trouvé l'endroit le plus facile pour grimper : c'était un premier passage très en biais, avec des prises pas trop dures, qui faisait une cinquantaine de pas de long avant d'arriver à une corniche assez large pour tous, et déjà facile à défendre. Puis le passage relativement facile partait dans l'autre sens, toujours très en biais en montant, pour encore une cinquantaine de pas avant d'arriver à l'endroit où Rob se tenait, juste au-dessus du début du passage tout en bas.

Dwimfa, très à l'aise pour tout ce qui était de grimper, monta rejoindre le hobbit au plus vite, de même que Vif. Puis il se prépara à tirer à l'arc alors que les premiers ennemis arrivaient au pied de la falaise. Plus bas, Drilun et Mordin étaient arrivés à la corniche à une vingtaine de pas de haut, mais les trois autres, ralentis par Taurgil qui n'était pas particulièrement un bon grimpeur, avaient fait à peine plus de la moitié du chemin avant d'arriver à ladite corniche. Les ennemis étaient plus ou moins divisés en trois groupes : un premier était composé de skieurs qui possédaient un arc et qui arrivaient petit à petit à la verticale des grimpeurs, sans doute avec l'idée bien arrêtée de leur planter quelques flèches dans le fondement ou ailleurs ; un autre groupe de guerriers sans arc mais avec harpon ou autre arme de combat rapproché, qui s'approchaient du début du passage plus facile, à la verticale de Rob, Dwimfa et Vif ; et des conducteurs de traîneaux qui détachaient les ours à une bonne centaine de pas de là. La sinistre silhouette vêtue de noir, qui ne semblait aucunement être équipée contre le froid et ne paraissait pas s'en soucier le moins du monde, faisait partie du dernier groupe, et elle attendait tranquillement dans un traîneau, observant tout le tableau.

Avant même d'arriver près de la falaise, les archers ennemis subirent les premiers tirs du hobbit. Deux flèches arrivèrent dans les visages de deux archers, qui s'abattirent définitivement dans la neige, sans plus bouger. Du coup, les autres qui arrivaient se divisèrent en deux groupes : la moitié des tirs se concentrèrent sur la paire d'archers constituée par Rob et Dwimfa, paire dont les flèches faisaient des ravages, et l'autre moitié sur les grimpeurs. Parfois aussi un archer tentait de faire fermer son clapet au nain, dont les injures et autres éructations en labba, qu'il maîtrisait malheureusement mal, n'avaient pas l'air de plaire aux guerriers.

Mais dans un premier temps en tout cas, les archers qui tentaient de tirer les grimpeurs comme des lapins en furent pour leurs frais : les rares qui n'étaient pas abattus voyaient leur arc voler dans les airs voire se briser en morceaux, grâce à la magie de Drilun. De son côté, Vif examinait les ennemis et communiquait à ses amis, dont certains pouvaient comprendre son parler grâce au tour d'oreille fabriqué par le Dunéen, quels archers avaient des arcs spéciaux, avec des runes possiblement magiques, dignes de concentrer leur attention. Quant aux ennemis qui commençaient à grimper sur la falaise, ils n'étaient pas particulièrement rapides et ne représentaient pas de menace sérieuse pour l'instant. En revanche, le temps d'arriver sur la corniche pour Taurgil, Isilmë et Geralt, bien des flèches pouvaient encore être échangées, malgré leur stock réduit. Déjà le nain s'étouffait presque de fureur quand il vit l'Homme des Bois utiliser des flèches à pointe de mithril sur leurs adversaires.

Les archers ennemis étaient de plus en plus nombreux à viser Rob et Dwimfa, voire Vif lorsqu'elle commença à descendre un peu après. Mais si jamais ils se tournaient vers les grimpeurs, ces derniers seraient des cibles faciles, de dos, sans pouvoir utiliser leur adresse pour bouger et compliquer le tir des archers. Malgré leurs excellentes armures, une flèche pouvait toujours finir par trouver un endroit du corps mal protégé. Néanmoins, ce n'était pas cela que certains craignaient le plus. Vif avait bien perçu, par exemple, que leur poursuivant venu de Dol Guldur se concentrait sur ses deux amis archers qui faisaient une belle hécatombe dans les rangs de leurs poursuivants. Elle redoutait, et elle n'était pas la seule, une magie noire qui ne mit pas longtemps à arriver...

5 - Paroles ténébreuses et magie noire
La ténébreuse silhouette se mit alors à lancer en direction des deux archers des paroles pleines de terreur et de sorcellerie. Malgré la distance, et même si leur poursuivant ne paraissait nullement crier, tous entendirent les paroles glaciales comme si elles avaient été prononcées avec force, mais sans crier, juste à côté d'eux. La langue utilisée était connue de tous hormis Dwimfa, car ils ne l'avaient que trop entendue à Dol Guldur : le noirparler, plus ou moins utilisé par tous les sbires du Nécromancien, et dont les parlers orcs étaient en général des dérivés. Les mots n'étaient rien d'autre que des promesses de torture et souffrance indicible, mais ils étaient chargés de tant d'énergie et de magie noire que le seul fait de les entendre donnait des sueurs froides et des idées noires, et faisait remonter en mémoire les pires moments de douleur du passé de chacun. Même sans comprendre les paroles, l'effet était le même pour l'Homme des Bois.

Heureusement, cette sorcellerie était affaiblie du fait qu'elle se focalisait sur deux personnes à la fois. Aussi tant Rob que Dwimfa, non sans un effort, purent-ils rejeter les sentiments de désespoir qui les assaillirent, et ils se remirent à tirer comme si de rien n'était. Mais plus tard, la même voix attaqua le hobbit, puis un peu après l'Homme des Bois - par deux fois pour ce dernier. Et là, toute la magie noire portée par cette terrifiante voix était concentrée sur un seul d'entre eux. Rob, malgré sa volonté et sa résistance naturelle au désespoir, accusa un peu le coup. Il se mit à trembler, ses gestes furent plus lents et moins précis après cela, même s'il continua à tirer. Mais moins rapidement et avec moins de succès.

Si Dwimfa subit deux assauts magiques, ce ne fut pas parce qu'il résista mieux que son compagnon au premier. Il fut affecté de la même manière, mais il possédait un entraînement spécial né de la présence en lui du démon Eloeklo pendant des années. Du coup, même s'il était la proie de sentiments négatifs, il arrivait à ne pas se laisser affecter par ces derniers et laisser sa raison prendre le pas. Et ainsi pouvait-il continuer à tirer comme si de rien n'était. En fait, il avait déjà vécu une situation similaire des années auparavant, avec ses anciens amis aventuriers pour la plupart décédés : dans le Rhovanion, ils avaient rencontré une créature similaire qui leur avait fait à tous le même effet. Seul le grand guerrier Dúnadan du groupe, protégé par une épée particulière, avait réussi à combattre et abattre la créature, tandis que tous les autres étaient restés prostrés, assaillis par le désespoir. A l'époque, Dwimfa avait réussi à résister à la première attaque grâce à sa compétence particulière, mais la deuxième avait eu complètement raison de sa résistance. Ici, aux côtés de Rob, les attaques lui semblaient encore plus virulentes, mais il avait aussi gagné en expérience. La deuxième fois, il arriva à continuer son œuvre d'archer, mais comme le hobbit : en tremblant, avec moins de rapidité ou de précision.

Et les deux archers ne furent pas les seuls à subir les assauts ensorcelés de leur ténébreux poursuivant : Drilun en fit également les frais. Il avait choisi de laisser de côté son bâton de lumière pour prendre son arc et viser l'ours polaire encore attaché au traîneau de leur mortel ennemi. Puis il s'était rendu compte, malgré la distance, que la silhouette noire semblait se concentrer sur lui, et il avait alors tourné son arc vers elle. Sa flèche avait jailli, et il lui semblait bien qu'elle avait touché le ténébreux sorcier venu de Dol Guldur, mais sans effet apparent. Il s'était ensuite jeté sur le bâton magique dont la lumière pouvait le protéger, mais pas assez vite pour ne pas recevoir de plein fouet les paroles haineuses chargées de magie. Il avait connu alors le même sort que ses amis déjà affectés : un sentiment de désespoir, des tremblements, de la lenteur...

Vif également fut la cible de cette terrible magie noire à laquelle ils avaient déjà été confrontés par le passé, mais pas venant d'un tel maître. En effet, plutôt que de ne servir à rien en haut de la falaise, elle avait choisi de descendre vers ses amis pour les aider à monter plus vite. Son corps félin et ses griffes acérées, sans parler de son entraînement, lui permettaient de grimper aussi bien qu'un écureuil voire une araignée. Accessoirement, sa présence permettait aussi de concentrer une partie des tirs sur elle. Les archers ennemis portant des arcs potentiellement magiques ayant été abattus, elle craignait beaucoup moins leurs tirs, malgré son absence d'armure hormis son épaisse fourrure enchantée. Lors de sa descente, elle fit donc l'objet d'une attaque de magie noire, mais son incroyable volonté et ses ressources intérieures lui permirent d'y résister, alors qu'elle se portait au secours de ses amis.

6 - Changement de tactique
Il faut dire aussi que leur ténébreux poursuivant n'avait pas fait que lancer des sortilèges de magie noire sur les membres de l'équipe d'aventuriers : constatant que les deux archers en haut de la falaise étaient trop bien protégés, mais aussi que ses ensorcellements avaient un peu porté leurs fruits, il avait demandé aux guerriers des traîneaux de changer de cible. Les archers qui visaient auparavant Rob et Dwimfa, soit une douzaine environ, se tournèrent alors vers Geralt, Isilmë et Taurgil. Ces derniers avaient un peu progressé, mais ils étaient encore loin d'atteindre la corniche où les attendaient Drilun et Mordin.

La grêle de flèches qui s'abattit alors sur les malheureux grimpeurs commença à avoir de l'effet. Heureusement, l'obscurité relative et les excellentes armures permirent d'éviter le pire dans ce facile tir aux pigeons. Néanmoins quelques flèches commencèrent à trouver des endroits un peu moins protégés et à faire quelques égratignures... voire plus : ainsi la belle elfe écopa-t-elle d'une blessure légère qui l'immobilisa un moment, tandis qu'elle résistait à la douleur qui voulait lui faire lâcher prise. La position de Geralt était encore plus inconfortable car il était le premier en ligne de mire des archers, vu qu'il était le dernier du trio, et donc c'est lui qui recevait le plus de flèches. La plupart se fichaient dans son armure sans mal ou étaient déviées, mais pas toutes, et les picotements risquaient de se faire plus nombreux et insistants.

Il était donc très tenté de sauter au bas de la falaise pour empoigner son épée et nettoyer un peu les ennemis présents. Mais la hauteur à laquelle il était arrivé le fit réfléchir, d'autant que la neige ne couvrait qu'imparfaitement les rochers alentours. Et s'il se faisait fort de combattre les guerriers et ours polaires dressés qui commençaient à arriver en bas, il était moins sûr de résister à la sorcellerie de leur noir ennemi de Dol Guldur. Il préféra donc, dans un premier temps, esquiver les attaques des archers en bon acrobate, faisant des petites chutes maîtrisées qui l'éloignaient un peu des archers, de ses deux amis aussi, mais le rapprochaient du sol... De plus, il sortit de la zone de prises faciles qu'il avait empruntée jusque-là, et grimper se fit soudain plus périlleux.

Vif offrit une porte de secours à son amie elfe : constatant sa blessure et sa position difficilement tenable, elle avait comblé la distance les séparant en descendant le plus vite et directement possible jusqu'à elle. Puis elle l'avait empoignée dans sa gueule puissante, la protégeant en partie des archers grâce à son corps massif. Isilmë lui renvoya la pareille en saisissant son petit bouclier pour les protéger, elle et son amie féline. Ainsi, elles ne furent plus trop inquiétées par les flèches et arrivèrent bientôt sur la corniche avec le nain et le Dunéen. L'elfe avait perçu que son aimé avait été affecté par la ténébreuse magie de leur poursuivant en noir, et elle se précipita vers lui pour le soigner magiquement, juste alors qu'il s'apprêtait à tirer une nouvelle flèche en tremblant. Son sentiment de désespoir fut balayé par l'amour qu'elle lui envoyait magiquement, et il put ajuster son tir et faire des dégâts dans les ours polaires plus bas. Plus tard, l'elfe utilisa à nouveau sa magie pour protéger Drilun voire d'autres de la sorcellerie utilisée à leur encontre.

Mordin, pour sa part, constatant que les injures ou rodomontades envoyées à ses ennemis avaient somme toute peu d'effet, il avait changé de tactique lui aussi. Avec l'aide de Drilun qui avait interrompu ses tirs, il avait pris leur meilleure et plus longue corde elfique pour l'attacher à un rocher qui pouvait convenir, laissant une longueur de corde d'une douzaine de pas après le rocher. Puis il avait lancé ladite corde à Taurgil, qui s'en empara... et se laissa tomber dans le vide. Le nœud tint bon, et le Dúnadan joua au pendule contre la paroi de la falaise, en s'aidant parfaitement avec ses pieds et jambes pour repousser les rochers et éviter d'être lacéré par ces derniers voire de lâcher prise. Puis il se mit à grimper à la corde pour arriver à la corniche, tandis que Mordin essayait de le hisser.

Le nain ne put mettre son plan à exécution car bientôt, au terme d'une belle acrobatie, Geralt arriva lui aussi à l'extrémité de la corde après un beau plongeon vers le côté et vers le bas. Lestée par deux corps costauds, Mordin ne pouvait hisser la corde à lui tout seul. Après l'arrivée de Taurgil sur la corniche, par contre, les deux amis réunirent leurs forces pour hisser le maître-assassin à côté d'eux. De leur côté, le hobbit et l'Homme des Bois avaient également laissé leurs arcs de côté et ils faisaient tomber sur les poursuivants, occupés à grimper et rattraper leurs proies, une pluie puis un déluge de neige et de pierres, déluge qui eut bientôt raison des grimpeurs. Et pendant ce temps, la lionne enchantée montait verticalement à la paroi, la corde elfique attachée à son corps puissant, corde largement assez longue pour couvrir deux fois toute la hauteur de la falaise. Elle comptait bien s'en servir ensuite pour jouer les ascenseurs avec ses amis : un seul serait exposé à la fois mais tous les autres pourraient le couvrir de leurs arcs ou sorts.

7 - Fin de la poursuite
En fait les choses se passèrent encore plus simplement : constatant peut-être la vacuité de ses efforts, leur ennemi en noir avait choisi de rappeler ses troupes. En effet, les archers au sol avaient subi de lourdes pertes sans réellement incommoder les aventuriers, et plusieurs ours polaires servant à tirer les traîneaux, entre autres choses, avaient été blessés voire tués. Du coup la horde des traîneaux avait pris un peu de distance, hors de portée des flèches de Drilun ou de ses amis. La lionne enchantée put servir d'ascenseur grâce à la longue corde elfique prise chez les elfes de Brumes Éternelles, avec l'aide Rob et Dwimfa : ces derniers mirent la corde sur deux petits boucliers fixés dans la neige, formant une petite rigole là où ils se chevauchaient, pour réduire les forces de frottement sur la corde.

Ainsi Vif put-elle monter ses amis les uns après les autres, et ils ne furent plus inquiétés. Bientôt ils se tenaient tous en haut de la falaise, où les blessés physiques ou magiques furent rapidement soignés. Plus bas et plus loin, leurs poursuivants les regardaient de loin ou écoutaient leur chef donner des ordres, mais apparemment les aventuriers n'étaient plus le centre de leur attention. Taurgil et compagnie finirent par s'éloigner, tandis que les ours polaires trouvaient leur pitance dans le corps des guerriers tombés. La falaise fut longée un moment, sur un terrain assez accidenté, mais elle s'incurva vers le nord et au bout d'un moment leurs ennemis disparurent à leur vue.

Le groupe finit par descendre un peu plus loin, là où le relief était moins marqué et l'obstacle plus facile à gérer : les aventuriers devaient reprendre leur destination première, qui se trouvait à l'est et légèrement au nord. Le Puits de Morgoth était toujours là, incontournable point de repère du Grand Nord. Ce n'était pas leur destination première, ils devaient juste le contourner afin de se rendre chez Canadras, le dragon qui avait donné son nom à la région qu'il occupait. Mais les aventuriers savaient qu'ils auraient tôt ou tard à revenir vers ce puits sulfureux, où les attendait sans doute une des créatures les plus puissantes de la Terre du Milieu, qu'il leur faudrait certainement affronter d'une manière ou d'une autre...

Ils poursuivirent donc leur chemin sans être plus inquiétés par quiconque. Le paysage enneigé et gris, juste parfois éclairé par la lune et les étoiles, ou les étranges vagues de lumières boréales dans le ciel, était désertique, même si les présences de loups au loin, en particulier dans les montagnes, étaient perceptibles parfois. Ils ne rencontrèrent aucun signe de présence des Lossoth non plus. Ils savaient que la région était le domaine des "Hommes des Glaces", cette peuplade des Lossoth vivant le plus au nord, à l'intérieur des terres. Mais ils étaient peu nombreux et devaient suivre les troupeaux de rennes ou d'élan, qui devaient se réfugier plus, en cette saison, dans les vallées des montagnes proches, ou près des côtes où il était possible de pêcher. Peut-être les animaux sentaient-ils la malédiction qui pesait sur les membres du groupe et les évitaient-ils, et les peuples du nord également... En tout cas ils restèrent seuls les jours qui suivirent.

Ils arrivèrent bientôt près de l'énorme gouffre qu'était Eithel Morgoth, le "Puits de Morgoth", en forme de goutte d'eau d'une largeur de peut-être une trentaine de miles d'est en ouest. Des fumées toxiques s'en échappaient, poussées par le vent du nord, donc ils dirigèrent leurs pas ou leurs skis vers le nord pour contourner cet encaissement sinistre dans le paysage. Après une première approche pour apercevoir le lieu, ils firent un camp non loin du bord du gouffre, et discutèrent aussi de le visiter ou non : même si ce n'était pas leur objectif premier, la chaleur du magma présent en son centre permettait à une flore assez riche de se développer en permanence, et en particulier quelques herbes aux propriétés enchantées. Peut-être pourraient-ils faire une petite excursion sans déranger le démon de puissance Durlach, qui devait dormir quelque part dans le lac de lave censé se tenir tout au fond...

8 - Eithel Morgoth
Même si tous n'étaient pas d'accord pour descendre dans l'énorme cratère volcanique, ils ne voyaient néanmoins aucun problème à jeter un œil - voire les deux - depuis le haut de la falaise qui l'entourait. Après leur période de repos, le ciel s'était bien dégagé et offrait une vue bien plus claire et lointaine : la veille, le Puits était couvert de fumées et nuages bas de pluie et de neige, mais à présent la vue serait bien meilleure. En effet, hormis les fumées toxiques et rougeâtres qui provenaient toujours du fond du cratère et qui étaient poussées vers le sud, le reste avait disparu. La vue était donc excellente et le groupe s'installa le plus confortablement possible au bord de l'impressionnante falaise qui marquait le début du cratère : quasiment verticale, haute d'une centaine de pas, couverte de rochers pointus et tranchants à la fois glacés et humides, elle était impossible à escalader par des hommes ordinaires dépourvus de corde. L'air était déjà notablement plus chaud à proximité.

La longue-vue fut sortie et utilisée, et, avec l'aide du maître-assassin, la féline Femme des Bois parcourut l'intégralité de l'intérieur du cratère grâce à sa vue remarquable. Ses yeux perçants réussirent à découvrir de nombreux détails, tel un oiseau de proie plutôt qu'un félin, et elle conta à ses amis ses découvertes au fur et à mesure qu'elle les observait. Elle découvrit un passage moins difficile dans la falaise, mais tout de même redoutable à emprunter sans corde, puis elle détailla les différentes zones concentriques qui occupaient le fond. Il y avait tout d'abord, au pied de la falaise, une zone rocailleuse à la pente moyenne, pas trop difficile à parcourir. L'essentiel de la neige fondait à cet endroit, et l'eau arrondissait les angles des rochers couverts de lichen gris et formait des petits ravinements et ruisseaux qui convergeaient vers le centre. De la brume couvrait en grande partie le fond. Cette zone faisait entre deux et trois miles de large.

Puis venait une large zone de peut-être une quinzaine de miles de large, très verte - sauf au sud, sous le vent des fumées toxiques - et en partie embrumée. Il n'y avait plus aucune neige à cet endroit, mais bien plus de vie : malgré quelques zones arides, des herbes voire buissons divers étaient partout présents. Quelques conifères tordus avaient réussi à prendre pied, mais les arbres les plus nombreux et les plus grands n'étaient autre que ceux que les elfes de Brumes Éternelles y avaient plantés : le cembereth poussait donc partout en bosquets plus ou moins denses, même si les arbres n'avaient pas la même hauteur ou vigueur que ce qu'ils avaient vu auprès des elfes. Malgré la brume, la lionne enchantée parut remarquer quelques rares fleurs dans cette zone en pente douce. Mais au fur et à mesure que sa vue se rapprochait du centre du cratère, les fleurs disparaissaient et les plantes avaient de plus en plus de mal à survivre. Et plus aucune brume ne couvrait le sol, sans doute en raison d'une chaleur bien plus importante.

Vif trouva également un autre signe de la présence passée des elfes : au nord, vers la fin de la zone fertile, donc plus proche du centre, avait été érigé un petit monticule au centre d'un petit lac d'eau claire. Sur ce monticule était dressé comme un tombeau près duquel se dressaient deux piliers carrés en partie couverts de lichen. Mais l'un d'eux était cassé en deux, une partie gisant dans l'eau, tandis que l'autre était dangereusement penché au-dessus de l'eau. Et malgré la distance, elle put distinguer des gravures et runes diverses à la surface des piliers, là où le lichen ne les recouvrait pas. Les elfes avaient écrit quelque chose, peut-être à la gloire de leur capitaine tombé, mais elle ne risquait pas de lire quoi que ce fût à cette distance.

Plus près du centre encore, elle remarqua une chose étrange : de loin en loin étaient disposées des grosses pierres qui formaient comme un gigantesque cercle entourant la zone non fertile. Ces pierres n'étaient pas très visibles mais elle avait pu en remarquer certaines, et leur disposition avait fini par lui sauter aux yeux. Du coup elle avait pu chercher et repérer pratiquement toutes les pierres, chacune espacée de la suivante d'une distance de peut-être un millier de pas. Elle repéra aussi, grâce à sa vue incroyable et peut-être à une inspiration particulière, comme des runes gravées sur ces pierres, similaires à celles que réalisait Drilun. Elle se dit que les elfes avaient sûrement placé là des enchantements pour la protection de quelque chose ou quelqu'un...

Au-delà, la zone fertile s'arrêtait. La pente douce se faisait de plus en plus forte, plus aucune végétation ne poussait, et sur les bords du cratère elle distinguait de plus en plus souvent des zones de lave durcie sans doute projetée du centre par l'activité volcanique. Plus elle se rapprochait du centre, plus ces projections devenaient nombreuses et couvraient la surface du cratère. Néanmoins elle put remarquer, de temps à autre, les restes à moitié recouverts de lave durcie de très anciennes constructions, comme des portails donnant accès à des couloirs souterrains. Peut-être même certaines ouvertures restaient-elles assez grandes pour permettre le passage de quelqu'un d'assez petit ou agile, comme le hobbit. De manière furtive, elle eut même l'impression de voir une ombre emprunter une telle ouverture... Plus près du centre, la pente se faisait verticale et elle ne pouvait distinguer le fond. Mais un rougeoiement incessant se reflétait sur les fumées toxiques et la vapeur d'eau née de l'évaporation des ruisseaux qui parvenaient jusque-là, fumée et vapeur qui montaient dans le ciel pour franchir les bords du cratère vers le sud.
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Niemal
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Grand Nord - 19e partie : au fond du puits...

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1 - Descente
Après avoir écouté la description de la lionne enchantée, le groupe débattit de l'intérêt et des dangers d'aller faire une prudente exploration du Puits de Morgoth, ou du moins de sa périphérie, sans aller pour l'instant jusqu'au puits de lave où Durlach était censé reposer. L'idée était bien de le laisser dormir et de faire un premier tour à la recherche de choses utiles. Taurgil, dont c'était l'idée, souhaitait trouver quelques herbes rares qui ne poussaient que là, mais surtout des renseignements qui pourraient leur être utiles par la suite. En fait, que Tevildo leur ait peu auparavant déconseillé de descendre là l'incitait à aller y voir, au contraire. Et Vif avait vu comme un tombeau sur une île, et des pierres gravées de runes, et des ouvertures vers de possibles galeries vers le centre... qu'ils n'iraient pas explorer dans un premier temps.

Ses amis étaient partagés. Mordin et Geralt, en particulier, ne voyaient pas grand-chose à aller chercher aussi tôt, hormis des ennuis. Mais le reste du groupe y était assez favorable. Et même si ce détour faisait perdre un peu de temps, certains avançaient le fait que cela pourrait aussi être un raccourci. Même si descendre et remonter serait long, il serait possible de traverser le puits plutôt que de le contourner par le nord, ce qui limiterait un peu le détour. Au bout du compte les partisans d'une visite prudente furent les plus nombreux, et le groupe se prépara à descendre. La corde elfique longue d'une centaine de pas fut attachée à une autre de bonne qualité et d'une vingtaine de pas de long. Puis la lionne creusa la neige à l'emplacement où la descente lui paraissait plus facile, de manière à attacher la corde efficacement et permettre à tous une descente plus aisée.

Un rocher fut trouvé qui servit de point d'ancrage, et Isilmë commença à descendre - non sans s'être auparavant aidée par un peu de magie, au grand dam de ses compagnons qui avaient été prévenus de ne pas utiliser de sortilège dans et aux abords du puits. D'ailleurs l'elfe avait trouvé que le lancement de sa magie avait été un peu plus difficile que d'habitude... A la suite de cela, il sembla d'ailleurs à la féline Femme des Bois que les grondements et jets de lave au centre du puits avaient quelque peu augmenté. L'elfe fut houspillée pour ne pas respecter les consignes et risquer de réveiller Durlach, certains menacèrent de ne pas descendre après cela, mais en fin de compte l'incident n'eut pas d'autre conséquence, du moins pour le moment.

Avant même de toucher le sol en bas de la falaise, Drilun s'élança à son tour, avec moins de facilité. Il faut dire aussi que ce n'était pas si simple que de descendre une bête corde : la falaise n'était pas complètement verticale, elle était couverte de rochers tranchants en partie couverts de glace humide et en partie fondue, donc bien glissants. Il fallait donc s'aider avec les jambes pour descendre au fur et à mesure et ne pas se laisser glisser aveuglément le long d'une paroi qui pouvait faire penser à une gigantesque râpe à fromage ou à légumes... Le Dunéen mit donc trois fois plus de temps que son aimée, mais il arriva au sol sain et sauf lui aussi. Il fut ensuite suivi par Dwimfa et Geralt avec plus de facilité.

Mais la tâche paraissait très difficile pour les grands costauds - massifs, diront certains - qu'étaient Taurgil et Mordin, peu adeptes de l'escalade sur des falaises aussi risquées. En fin de compte, la corde fut détachée de son rocher puis attachée au corps de la lionne enchantée, qui accepta de servir d'ascenseur : le nain et le Dúnadan, tour à tour, s'attachèrent à l'autre extrémité et Vif fit descendre la corde petit à petit en s'approchant tranquillement du bord de la falaise. Reste qu'il fallait tout de même essayer d'éloigner la corde de la paroi pour éviter qu'elle ne se coupât. En fait, c'est ce qui commença à se passer pour le Dúnadan : la corde se coinça un peu autour d'un rocher tranchant et aurait pu se couper sans une manœuvre pour la dégager. Mais en fin de compte les deux compères se retrouvèrent au fond du puits sans mal, même si la solidité de la corde avait souffert un peu.

Le hobbit descendit également, mais lui n'avait pas besoin d'un ascenseur, la corde lui suffisait amplement, et il aurait même pu s'en passer. Après quoi ce fut le tour de la lionne, mais elle ne pouvait pas utiliser la corde, elle descendait avec elle, ce qui évitait de la laisser là et de devoir remonter au même endroit. Bien accrochée à la paroi grâce à ses griffes et son corps puissant, elle prit néanmoins le temps car ce n'était nullement une partie de plaisir pour elle, même si elle était moins gênée que les autres par l'obscurité ambiante. Elle fut donc aussi longue que Drilun ou Taurgil, mais elle arriva au sol sans mal avec les deux cordes attachées. Cela leur avait pris du temps mais ils étaient maintenant tous en bas et l'exploration du puits allait enfin pouvoir commencer autrement qu'à distance.

2 - Eau et pierre, flore et faune
Au pied de la falaise, à l'intérieur du puits, l'air était juste assez chaud pour faire fondre la neige. Du coup, de l'eau ruisselait sur les parois de la falaise jusque sur les éboulis qui en tapissaient la base. Le groupe descendit la pente douce en faisant attention à ne pas tomber et se faire mal dans le pierrier qui faisait suite aux éboulis. Les pierres, érodées par l'eau, étaient pour la plupart couvertes de lichen gris, et une brume tenace et glaciale limitait la vue même pour les nyctalopes. Petit à petit, l'air se fit plus chaud, et après un moment la brume finit par se lever et le sol se transforma. En plus des lichens, quelques herbes coriaces apparurent çà et là, puis une espèce de sauge sans fleur apparente, des buissons, et enfin quelques arbres rabougris, bouleaux et pins ou épicéas, puis enfin des bouquets de cembereth, ces arbres plantés par les elfes de Brumes Éternelles lors de leur passage ici. Les arbres n'étaient pas aussi majestueux que dans la vallée cachée, mais ici ils représentaient, et de loin, la flore la plus grande et élancée des environs.

Taurgil se mit bientôt à la recherche des fleurs que Vif avait aperçues avec l'aide de la longue-vue. En effet, il avait entendu les Lossoth parler d'herbes aux vertus magiques qui ne poussaient qu'ici, et notamment une du nom de sinitähti ("étoile bleue"). Les fleurs de cette plante pouvaient être mangées crues ou préparées en infusion, et, si elles entraînaient des vertiges ou déséquilibres similaires à ceux d'une personne soûle, elles procuraient une compréhension phénoménale des trajectoires des missiles ou des sortilèges, aidant grandement au lancement de ces derniers. Il finit par en trouver quelques maigres pieds qu'il empocha bientôt. Vif l'aida également, tandis que le reste du groupe choisit de continuer à progresser en direction du centre, et en particulier d'un petit édifice aperçu au loin sur une petite île au milieu d'un petit lac.

La féline Femme des Bois remarqua que des petits coléoptères noir et jaune - les seuls animaux vivants perçus jusque-là - se nourrissaient des fleurs de sinitähti. Elle se concentra alors sur les petits bruits qu'ils faisaient et qu'elle arrivait à percevoir, afin de trouver d'autres fleurs similaires. Et ainsi son compagnon et elle purent-il trouver encore d'autres fleurs identiques, mais également une autre fleur blanche, moins abondante, dont ils avaient aussi entendu parler. Les Hommes des Neiges l'appelaient la "fleur de rêve" (unikukka en labba) et ils s'en servaient pour quitter leur corps en songe et partager les rêves des amis.

Après quoi ils arrêtèrent leurs recherches et partirent rejoindre leurs compagnons. Néanmoins, ils remarquèrent tout de même que par endroits, les bosquets d'arbres avaient comme subi les assauts d'une tempête ou de quelque chose de très grand, assez costaud pour briser les troncs. Et même, certaines traces pas si vieilles que ça, peut-être de quelques années et pas complètement recouvertes par la végétation, montraient qu'une partie des arbres avaient été partiellement calcinés. Des traces sur le sol faisaient parfois penser aussi à celles d'un gigantesque serpent. Toutes choses qui rendirent Vif songeuse ; peut-être que, contrairement à ce qu'ils pensaient, le démon de feu Durlach n'était pas si prisonnier que cela de son puits de lave, et qu'il fallait être très prudent ici. Il était en effet réputé pour en sortir parfois comme un gigantesque serpent de feu. Et d'ailleurs, l'activité au centre du Puits - tremblements, fumées rougeâtres et jets de lave parfois - semblait avoir encore un peu crû depuis la dernière fois qu'elle y avait prêté attention...

Pendant ce temps, le reste du groupe avait fini par trouver le petit lac solitaire et son île surmontée de ce qui semblait être un bâtiment funéraire. Plus ils s'en étaient rapprochés, plus la température avait grimpé, et à présent ils avaient enlevé leurs vêtements chauds pour ne pas trop transpirer. D'abord de plus en plus riche, la végétation s'était faite progressivement plus sèche et plus rare, et le sol nu réapparut de loin en loin, puis plus souvent, tandis que la température continuait à monter à l'approche du centre du Puits de Morgoth. Lorsqu'ils arrivèrent au petit lac, la falaise laissée derrière eux devait être à une dizaine de miles environ, ils avaient mis trois heures de marche rapide pour arriver là. Malgré la chaleur qui devenait plus étouffante, l'eau du lac était glacée. Elle provenait de la neige qui fondait au-dessus du puits ou le long des falaises, puis coulait vers le centre par de nombreux petits ruisseaux.

3 - Tombeau et piliers
L'île n'était pas bien grande, quelques pas de côté, et presque entièrement prise par un petit bâtiment de pierre. Au sud du bâtiment avaient été érigés deux piliers carrés. L'un, à l'ouest, s'était cassé en son milieu et la partie haute était tombée dans l'eau et s'était brisée davantage, tandis que l'autre pilier, à l'est, était penché dangereusement au-dessus de l'eau. Tous deux étaient en majeure partie recouverts de lichen, et le peu qui ne l'était pas laissait parfois entrevoir des runes gravées dans la pierre et à peine lisibles. Le lac n'était pas grand non plus, une trentaine de pas de rayon, et très peu profond : seul le hobbit ne pouvait traverser en marchant, il se serait retrouvé au milieu avec de l'eau au-dessus de la tête...

Reste que l'eau diablement froide refroidissait les ardeurs de certains. Mais pas d'Isilmë, peu sensible au froid comme tous les elfes. Prenant Rob sur ses épaules, elle traversa le petit lac et arriva à l'île où son compagnon et elle commencèrent à enlever le lichen du pilier intact mais penché. Petit à petit, d'autres aventuriers les rejoignirent pour essayer de découvrir des choses intéressantes. Le pilier cassé ne pourrait être réparé, mais les morceaux tombés dans l'eau pouvaient être rassemblés et la portion supérieure du pilier reconstituée afin de lire les inscriptions. Par ailleurs, le tombeau comportait également des portes de pierre sans aucun verrou apparent, mais une poignée de pierre.

Une fois le lichen enlevé du petit obélisque côté est, les inscriptions elfiques purent être lues. Elles n'annonçaient rien d'autre qui ne fût déjà connu de Taurgil et ses amis : dans le tombeau reposait le capitaine des elfes, Thilgon, tué par Durlach. Il reposait là jusqu'au changement du monde à la fin des temps. Après quoi la guerrière elfe aida ses compagnons qui avaient un peu de mal avec le puzzle en trois dimensions qu'était devenu la moitié de l'obélisque ouest. Rapidement elle arriva à reconstituer le puzzle entier, mais certains mots étaient tellement effacés, sur une face, qu'il était impossible de les lire. Néanmoins, elle arriva à lire ou comprendre que Durlach était toujours en éveil, qu'il ne fallait jamais prononcer un sort, voire même son nom... ce que les aventuriers avaient fait sans doute de nombreuses fois !

Mordin ne put s'empêcher, le premier, de jeter un œil dans le tombeau. A l'intérieur de la petite pièce carrée, une tombe reposait, sans nulle doute celle de Thilgon. Il eut tôt fait de mettre le couvercle de pierre de côté et d'examiner le squelette du capitaine elfe autrefois tué par le balrog prisonnier des lieux. Si les vêtements étaient depuis longtemps partis en poussière, plusieurs objets étonnamment bien conservés, quoique vieillis pour certains, semblaient encore utilisables : divers bijoux comme un serre-tête, une broche ou un anneau, mais également une ceinture, un bouclier ou une épée dans son fourreau. Les yeux du nain brillèrent lorsqu'il reconnut sur les bijoux ou autre équipement des pierres précieuses, de l'argent, de l'or voire du mithril ! De plus, diverses runes probablement magiques parcouraient toute la longueur de l'épée longue qui reposait sur le squelette.

Tandis que le nain évaluait la valeur des bijoux sur les marchés des Monts de Fer ou d'Eriador, Drilun examinait les objets et en particulier les runes de l'épée. Seule cette dernière était magique, les autres objets étaient juste tous d'excellente qualité. Et la magie de l'épée n'avait rien d'exceptionnel qu'ils ne pussent déjà faire : ils ne manquaient pas de lames enchantées dans le groupe, et le sortilège de lumière que la lame pouvait lancer pâlissait devant Krisfuin, le bâton utilisé par le Dunéen. Au bout du compte, l'archer-magicien du groupe dit à Mordin qu'il fallait désormais remettre tous ces objets dans la tombe, comme il les avait trouvés. Le marchand nain râla un peu pour la forme et exigea une reconnaissance de dette de la part de ses amis ou en tout cas de l'archer-magicien pour le priver des deux cents pièces d'or qu'il aurait certainement pu tirer des bijoux.

Non loin du tombeau, Rob avait repéré une barrière magique entourant le centre du Puits de Morgoth, barrière qui émanait de points précis dans le sol, espacés d'environ trois cents pas. Après un moment Drilun et lui examinèrent la chose, et ils trouvèrent des pierres plates et basses gravées de runes magiques que la lionne enchantée avait réussi à percevoir de loin à l'aide de la longue-vue. En examinant les runes de plus près, le Dunéen découvrit que la barrière magique n'était nullement là pour empêcher Durlach de sortir, mais plutôt pour empêcher quiconque d'aller plus loin et de sortir le démon de sa torpeur. Torpeur qui avait déjà été quelque peu malmenée récemment par l'activité du groupe, qui se dit qu'il était sans doute temps de laisser Durlach à son repos mérité (ou non).

4 - Escalade et mauvaise surprise
En fin de compte, tous décidèrent donc qu'il était temps de poursuivre leur route. Ils filèrent vers l'est et la falaise qui s'y trouvait, qu'ils atteignirent un bon moment après. Vif finit, en cherchant bien, par trouver un chemin plus facile à escalader pour arriver au sommet pour ses amis et elle. Dwimfa, Rob et elle pourraient sortir du puits sans l'aide d'une corde en empruntant le chemin qu'elle avait trouvé, même si c'était loin d'être facile et rapide. En revanche, les autres ne le pourraient pas. La corde elfique rallongée d'une autre corde d'une vingtaine de pas fut attachée et enroulée autour du corps de la lionne pour qu'elle puisse la monter puis la faire tomber et permettre aux autres de l'utiliser.

Les trois excellents grimpeurs qu'étaient la féline Femme des Bois, l'Homme des Bois ayant récemment rejoint l'équipe et le hobbit, s'attaquèrent donc à la paroi de rochers tranchants couverts de glace humide. Le ciel nocturne était clair et ne gênait guère la lionne, mais beaucoup plus ses amis. La falaise était haute d'une centaine de pas, comme là où ils étaient descendus, et ils progressaient lentement pour économiser leurs forces et ne prendre aucun risque. La lionne, plus grande, venait en premier, suivie non loin par Dwimfa et Rob encore un peu plus loin. Ils étaient légèrement écartés les uns des autres sur un plan horizontal afin d'éviter des problèmes de chute de rochers ou de glace qui pourraient menacer les grimpeurs plus bas.

Après un bon moment Vif arriva enfin à la couche de neige qui recouvrait le sommet de la falaise, mais alors qu'elle commençait à avancer dans cette couche de neige et glace mêlées, elle se figea soudain : face à elle, l'air décontracté, le démon Andalónil la regardait avec un regard amusé. Plus bas, Dwimfa était encore à une quinzaine de pas et le hobbit à plus d'une vingtaine. La lionne enchantée connaissait l'étendue des pouvoirs du démon du froid, et notamment qu'il était tout à fait capable de l'envoyer valdinguer dans le vide à l'aide d'un sort qu'elle ne pourrait éviter. Et même pour elle, une chute de cent pas sur les rochers avait toutes les chances de la faire passer de vie à trépas...

Heureusement, la grande figure ailée qui lui faisait face ne tenait pas à combattre, ou du moins pas pour le moment. D'un ton mielleux, elle expliqua juste à Vif que son patron de Dol Guldur, ou plutôt celui avec qui il était venu de là-bas, tenait à préparer un piège pour le groupe d'aventuriers et que son rôle à lui, Andalónil, était de les ralentir, à défaut de les tuer. Et comme son autre patron, à savoir Eloeklo, pensait toujours que Vif et ses amis pouvaient lui être utiles, Andalónil n'avait pas assez envie de tuer les aventuriers pour mettre sa menace à exécution. Mais en tout cas il tenait à dire à la lionne enchantée qu'elle devait faire comprendre à ses amis qu'ils ne pouvaient pas monter... pas encore. Sans quoi il prendrait des mesures, certaines désagréables pour les amis de Vif voire pour au moins l'un de ses patrons, mais qui plairaient sûrement à l'autre. Et même s'il ne le dit pas, elle put deviner que cela lui plairait à lui aussi.

Elle fit deux ou trois fois un son mi-miaulement mi-grondement pour exprimer son impuissance à communiquer avec ses amis, ce qui n'eut absolument aucun effet sur son interlocuteur qui lui fit comprendre que c'était à elle de se débrouiller et de faire ses choix. Tandis que le démon prenait les airs à l'aide de ses ailes membraneuses, elle achevait sa montée et commença à dérouler la corde qu'elle portait pour la faire bientôt tomber le long de la falaise, en direction de ses amis. Lesquels amis virent la corde arriver à peu près à leur portée... mais aussi une grande silhouette ailée voler de temps en temps au-dessus d'eux ! Rob comprit également la nature des sons qu'il avait entendus peu auparavant mais auxquels il n'avait pas vraiment prêté attention. Plus bas, Geralt puis tous ses amis perçurent aussi le démon et la menace qu'il représentait.

5 - Mauvais temps et séparation
En bas, les amis de Rob crièrent à ce dernier de mettre l'anneau elfique qu'il portait encore sur lui, mais pas au doigt. Le hobbit commençait à sentir le temps changer magiquement, probable cadeau du démon. L'anneau magique ne le protégerait en rien du mauvais temps, dont l'origine magique était trop éloignée de l'anneau et de sa portée d'une dizaine de pas ; mais en revanche il pouvait éviter au petit voleur de recevoir un mauvais sort qui le ferait facilement décrocher de sa position précaire sur la falaise. Il s'immobilisa donc afin de libérer une main pour pouvoir prendre l'anneau qui reposait dans une poche, exercice délicat quand on est à plus de soixante-dix pas de hauteur, sur une falaise de rochers tranchants et glissants. Il y parvint tout de même, et reprit ensuite son ascension, tandis que le ciel se couvrait rapidement et que les premiers flocons apportés par un vent de plus en plus violent commençaient à tourbillonner autour de lui.

De son côté, Dwimfa avait réussi à se saisir de la corde que la lionne enchantée avait laissé tomber, en espérant s'en servir pour achever plus vite son ascension. Il vit alors Andalónil plonger le long de la falaise à une petite distance, et passer à quelques pas sous le voleur pour se saisir de la corde qui pendouillait. L'Homme des Bois, pressentant la chose, venait de lâcher ladite corde pour éviter un sort funeste que le démon ne manquerait pas de tester sur lui. Il eut même l'idée de couper la corde à l'aide de son épée mais n'en eut aucunement le temps. Plus bas, Andalónil remontait en volant, la corde bien en main, puis il commença à tirer la féline Femme des Bois en direction du bord de la falaise. Malheureusement pour lui, et heureusement pour Vif, elle était bien lourde sous sa forme féline et le démon était un piètre voleur. Elle n'eut donc pas de mal à lui résister et commença même à reculer loin du bord du précipice.

Brusquement elle ne sentit plus aucune tension, comme si son adversaire avait lâché la corde. En fait, il s'était juste approché d'elle et il découpait la corde elfique à l'aide de ses dents acérées. La lionne enchantée se retrouva bientôt avec un bout de corde elfique long d'un peu plus d'une trentaine de pas, tandis que le démon s'envolait plus loin en emportant le reste de la corde, et que le temps se gâtait de plus en plus. Rob et Dwimfa se hâtèrent de finir de grimper, de plus en plus gênés par le vent et la neige, tandis que, plus bas, leurs amis voyaient leurs compagnons disparaître de leur vue dans le mauvais temps qui s'intensifiait. Et même sans mauvais temps, ils comprirent qu'ils étaient à présent bel et bien coincés : sans corde assez longue, ils étaient bien incapables de grimper en haut de la falaise. Et même en ajoutant au peu de corde restante d'autres bouts que certains possédaient dans leurs affaires, un cinquième de la falaise au moins devait être escaladé à mains nues, ce qui était au-delà de la portée de la plupart de ceux qui restaient en bas, et Mordin et Taurgil en particulier.

De toute manière, le temps ne permettait plus d'envisager aucune escalade. Il fallait donc prendre son mal en patience et attendre la fin du temps ténébreux appelé par le démon. Ce ne fut pas difficile pour ceux restés en haut de la falaise, avec quantité de neige poudreuse à leur disposition. Vif eut vite fait de tasser la neige avec l'aide de ses amis pour y creuser ensuite un trou assez grand pour eux trois, où ils étaient protégés du vent et de la neige et où il faisait relativement chaud, comme les Lossoth leur avaient appris à faire. En bas, par contre, c'était autre chose : faute de neige mais aussi de tente ou de végétation, même avec le meilleur rôdeur du monde, faire un abri à l'aide des pierres, contre une paroi de pierre glaciale et ruisselante, n'était pas l'idéal pour le sommeil.

Au bout d'un long moment, comme le mauvais temps appelé par sorcellerie ne faiblissait pas, Taurgil décida d'aller voir ailleurs et de tester l'étendue de cette sorcellerie. Malheureusement, le manque de visibilité était tel, et le sol rocailleux tellement traître - ils étaient sur un pierrier dont les roches étaient couvertes de lichen humide - qu'ils ne pouvaient avancer sans risque. Drilun possédait bien deux torches dans son équipement, torches que le rôdeur dúnadan parvint à allumer malgré les exécrables conditions. Mais elles ne leur permirent pas d'aller très loin, et de trouver un meilleur endroit. Les torches s'éteignirent au bout d'un moment, et ils durent prendre leur mal en patience. Heureusement, la fin du sortilège arriva bientôt et le ciel s'éclaircit enfin. Vif avait même pu les suivre depuis le haut de la falaise grâce au manque de discrétion de Geralt qui râlait comme à son habitude. Ils pouvaient donc communiquer et envisager de se sortir de ce piège qui s'était refermé sur eux. Chose que le maître-assassin râleur, qui avait bien prédit que cela leur arriverait s'ils déviaient de leur plan initial, ne manqua pas de leur rappeler un nombre certain de fois.

6 - Escalier de pierre
Le constat était simple : sans corde, les aventuriers restés en bas n'avaient aucune chance sérieuse de pouvoir grimper tout en haut, sauf Isilmë, à l'aide de sa magie elfique qu'il valait mieux ne pas utiliser ici. En haut de la falaise, en mettant bout à bout les cordes que possédaient Vif, Dwimfa et Rob, il manquait encore plus d'un tiers de la falaise. Une corde de plus était disponible en bas pour réduire un peu plus la distance, ce qui était mieux, et Taurgil avait encore avec lui la corde d'Ardagor, cette corde magique d'une dizaine de pas de long qui agissait un peu comme un serpent vivant contrôlé par celui qui la tenait à une extrémité. Cela ne permettait pas de couvrir toute la distance, mais c'était déjà mieux, beaucoup mieux, même si certains doutaient que cela suffît.

Qu'à cela ne tienne, il était possible de s'arranger : impossible de trouver une corde manquante, et il ne fallait bien entendu pas compter sur Andalónil pour leur rapporter le bout manquant. En revanche, la roche de la falaise pouvait être taillée grâce à l'épée magique - et maudite - que manipulait l'Homme des Bois. Elle était en effet tellement tranchante qu'elle pouvait tailler dans la pierre sans grand mal, sans risque de la briser ou même d'émousser son fantastique tranchant. Dwimfa s'attacha donc au bout de corde elfique fixé à la lionne magique, puis il se laissa suspendre dans le vide et empoigna son épée noire. Il l'utilisa pour tailler des bonnes prises, aidé par sa maîtrise de l'escalade qui lui permettait de concevoir le parcours idéal pour aventurier en mal de corde. Restait que le travail était long et fatigant, d'autant plus pour lui qui était bien plus un archer qu'un bretteur expérimenté : au bout de deux heures il dut remonter, épuisé. Néanmoins il avait bien progressé, couvrant ainsi près du quart de la distance. Assez pour permettre à la féline Femme des Bois de descendre assez et de "prendre livraison" des amis tout en bas en utilisant toutes leurs cordes mises bout à bout, en s'aidant des très bonnes prises dans la roche.

Après concertation, le groupe décida de continuer sur la lancée et d'essayer de faire un passage taillé dans la roche sur toute la hauteur de la falaise. En effet, ils auraient à revenir ici et un tel escalier de pierre pourrait sans doute leur servir plus d'une fois, avec ou sans corde. L'épée de l'Homme des Bois n'était pas sans risque mais les aventuriers n'étaient pas sans ressource non plus. Aussi Dwimfa lui donna-t-il la bonne dimension puis il la jeta dans le vide, de manière à la faire tomber non loin de ses amis. Comme prévu, elle arriva en bas sans dommage pour elle-même mais bien plus pour les rochers qu'elle brisa ou transperça, et elle put être récupérée sans mal par Isilmë. En fait Mordin fut le premier à la prendre, et il s'essaya à tailler quelques marches tout en bas de la falaise, mais il n'avait pas les mêmes compétences en escalade ou en maîtrise de l'épée que la guerrière elfe. Au moins put-il vérifier qu'il n'était pas affecté par l'épée.

Isilmë ne l'était pas non plus, même si elle ressentait les pulsions de la lame noire qui avait soif de sang et de mort. Taurgil prit sa corde magique et s'en servit pour porter l'elfe qui pouvait ensuite se concentrer sur les prises ou marches à tailler avec l'aide de l'épée. Cela permit ainsi de réaliser un début d'escalier de pierre en un temps record, l'elfe manipulant l'épée bien mieux que Dwimfa. Arrivée à une dizaine de pas de haut, soit la longueur de la corde d'Ardagor, il fallait néanmoins trouver autre chose. La tailleuse de pierre choisit alors de consacrer davantage de temps afin de réaliser un espace assez grand et stable où son ami dúnadan pourrait se tenir et continuer à la porter. Ce qui fut bientôt fait, et Taurgil put prendre place sur cette corniche artificielle. Cela fut bien plus difficile que depuis le sol, mais il put à nouveau porter son amie elfe grâce à sa corde enchantée pour lui permettre de continuer à tailler la roche de la falaise sur une dizaine de pas de haut de plus.

Ensuite, Vif put prendre le relais : elle descendit assez bas pour permettre aux cordes qu'elle portait d'arriver jusqu'à l'elfe, qui put elle-même accrocher la corde qu'elle avait avec elle. Entre les marches de pierre et la longueur des cordes attachées, grimper n'était plus un réel problème. Mais l'objectif de couvrir toute la hauteur de la falaise restait : la lionne enchantée monta son amie à la hauteur où Dwimfa s'était arrêté peu auparavant, et Isilmë continua l'œuvre de l'Homme des Bois. Le travail progressa bien, mais un nouvel élément interrompit l'elfe avant qu'elle ne pût finaliser son travail : depuis le haut de la falaise, Dwimfa vit venir du nord des nuages denses comme un mur de neige, et il prévint qu'un fameux blizzard était en train d'arriver sur eux, et qu'il fallait tous se mettre aux abris. Isilmë fut descendue, et chacun se prépara de son mieux à la tempête de neige qui arrivait.

7 - Blizzard et naturisme
En haut, les trois amis reprirent place dans l'igloo rapide - en fait rien de plus qu'une espèce de terrier creusé dans de la neige tassée - où ils se tinrent chaud les uns les autres, protégés du vent et de la neige. Tout au plus fallait-il régulièrement maintenir ouverte la sortie de leur trou pour laisser l'air circuler et éviter d'étouffer. Mais en bas, c'était une autre histoire : faute de neige ou de végétation, sans grotte où se réfugier et sans grand-chose pour créer un abri, ce n'était pas si facile. Habitués à utiliser la neige comme abri, comme les Lossoth, les aventuriers n'avaient pas de tente ou de bâche ou autre tissu un minimum grand voire étanche avec eux. La falaise n'était pas tout à fait verticale et le vent tourbillonnant les aveuglait de sa neige abondante.

Rapidement, le temps empira encore, avec de très fortes chutes de neige que l'air plus chaud du Puits de Morgoth faisait fondre. Autrement dit, les éléments se transformèrent assez vite en douche glaciale pour ceux qui se trouvaient dans des éboulis, sans abri véritable. Taurgil et ses amis tentèrent bien d'utiliser l'épée de Dwimfa pour creuser la falaise où ils se trouvaient mais sans grand succès : creuser en aveugle, dans de fortes rafales de neige tourbillonnante, sur un sol d'éboulis glissants, n'était pas très efficace. Petit à petit, leurs vêtements prenaient l'eau et perdaient leur pouvoir protecteur, ils grelottaient et ne pouvaient dormir malgré la fatigue qui se faisait de plus en plus sentir, et à part Isilmë, ils risquaient fort d'attraper bronchite et pneumonie d'ici peu. Et utiliser la magie des soins pour les protéger ou les guérir risquait fort de réveiller Durlach qui ne dormait que d'un œil et bien trop près d'eux.

Après un moment, ils s'étaient serrés les uns contre les autres en utilisant au mieux le trou partiel qu'ils avaient fait dans la falaise (dégoulinante) et les pierres alentour pour les protéger le plus possible, mais sans grand succès. L'elfe, n'ayant rien de mieux à faire, se mit à méditer pour évacuer ses tensions. Lorsqu'elle sortit de sa méditation, reposée mais passablement rafraîchie, elle constata que le mauvais temps perdurait et que ses amis soufraient beaucoup. Leurs vêtements n'étant aucunement une protection, ils finirent par se déshabiller et elle leur appliqua à tous un onguent fourni par les elfes de Brumes Éternelles pour résister au froid. Au départ l'idée avait été de se protéger des dragons et des blizzards glacés qui sévissaient dans le Grand Nord, et leur utilisation présente semblait bien choisie pour assurer la survie de ses amis.

Il se passa encore un long moment ainsi, où l'elfe dut renouveler régulièrement les onguents sur les corps nus de ses camarades serrés les uns contre les autres pour se tenir le plus possible au chaud et se protéger de la pluie glaciale qui tombait sans cesse sur eux. Certains comme Geralt et Mordin prirent même du marchand de sable, ce puissant somnifère induisant un profond sommeil réparateur. Les soins constants de l'elfe, l'abri sommaire fait à l'aide de leurs skis et de leurs affaires, la proximité de leurs corps nus, tout cela parvint à éviter qu'une hypothermie trop grave ne terrassât les corps des amis de l'elfe. Certains néanmoins montraient tous les signes de rhumes et autres affections respiratoires plus sérieuses. Cela dura encore et encore, et Geralt devait serrer les dents pour ne pas exprimer sa détresse et le désespoir qui l'envahissait petit à petit.

Mais en fin de compte les chutes de neige se calmèrent. En haut, Dwimfa jugea que ce n'était qu'un répit, le ciel restait couvert et la neige pouvait retomber d'ici peu. Il fallait en profiter le plus vite possible pour sortir de ce trou. Aussi Isilmë reprit-elle son travail de taille de l'escalier de pierre, tandis que Drilun et Geralt prenaient leurs affaires trempées pour aller les faire sécher dans les parties plus chaudes du puits de Morgoth. Néanmoins, lorsqu'ils sortirent de la zone froide et humide proche de la falaise, et dont la visibilité était faible en raison de la brume constante, ils virent que le chantier avait bien avancé : l'elfe avait terminé son travail, et Mordin était déjà en train de grimper, avec l'aide de la lionne enchantée qui le tirait de là à l'aide des cordes attachées les unes aux autres. Au bout du compte, les deux amis repartirent dans l'autre sens en grelotant, sans avoir fait sécher leurs affaires.

Au final, il ne fallut pas longtemps pour que tous fussent en haut du puits, à l'aide de l'escalier de pierre et des cordes tirées par Vif. Le groupe s'éloigna alors du bord du puits, jusqu'à une distance jugée suffisante pour essayer de lancer des sorts. Isilmë vérifia que tout se passait bien, afin de pouvoir soigner ses amis. Auparavant, comme le temps était sur le point de redevenir très mauvais, des abris furent faits dans la neige abondante, et Vif partit chasser afin de bientôt ramener la dépouille d'un renne, moins une partie qu'elle avait prélevée pour sa propre consommation. Rob fit un excellent repas pour remonter le moral des troupes, qui en avaient bien besoin, et un sommeil réparateur agrémenté de magie des soins pour le rendre encore plus récupérateur fut lancé sur certains. Drilun, de son côté, utilisa sa magie pour sécher leurs affaires. Lorsque le mauvais temps les quitta pour de bon, après un long moment, ils étaient convenablement reposés et prêts à repartir.

8 - Rencontre et discussion
Le groupe reprit son voyage en direction de l'est, mais en cours de route les aventuriers tombèrent sur ce qui ressemblait fort à d'anciens villages de Jäämiehet ("Hommes des Glaces"), comme s'appelaient les Lossoth qui vivaient par ici, villages recouverts de neige et sans vie. Certains s'empressèrent de passer rapidement, se doutant bien de ce qu'ils allaient trouver si jamais ils fouillaient un peu. Mais d'autres, comme Geralt ou Dwimfa, ne purent se résoudre à faire l'autruche alors qu'ils savaient très bien qu'ils étaient la cause de ce qu'ils ne mirent pas longtemps à découvrir : des corps démembrés, torturés, en partie mangés parfois, étaient bien présents sous la neige que le précédent blizzard avait déposée là.

La fouille rapide des lieux montra que les faits étaient récents : des guerriers de la horde des traineaux avaient en partie massacré le village, en partie emporté divers prisonniers, dont probablement une bonne proportion de femmes et d'enfants, avant de partir vers l'est. Vif avait raconté à ses amis les propos qu'Andalónil lui avait tenus. En conséquence, il fut facile d'additionner deux plus deux : leurs ennemis de Dol Guldur étaient venus faire leur marché. Autrement dit, le noir cavalier aperçu auparavant avait commencé sa campagne de terreur, destruction et capture des Jäämiehet des alentours afin de s'en servir comme appâts pour forcer les aventuriers à venir dans le piège qu'il était en train de leur tendre. Plus ils mettraient de temps pour le confronter, plus les peuplades locales en souffriraient. Entre la horde des traineaux et le spectre qui les commandaient, Taurgil et ses compagnons se doutaient qu'ils étaient la seule chance des Lossoth présents. Encore fallait-il confronter leur ennemis non selon leurs règles mais en imposant quelque chose de moins risqué pour eux.

Dwimfa ne put laisser ceux qu'il considérait maintenant comme les siens ainsi, et il se fit un devoir de déterrer les corps pour les laisser en pâture aux loups ou autres prédateurs voire charognards et permettre ainsi à leurs corps de réintégrer le cycle de la vie. Cela fut complété par un splendide chant d'Isilmë qui cherchait ainsi à ramener l'harmonie sur les lieux et à apaiser les esprits dérangés par cette violence sanguinaire. Restait qu'ils risquaient de trouver sur leur chemin d'autres vestiges de ce genre, et que plus ils attendraient et consacreraient du temps à disposer des morts, plus il risquait d'y avoir encore d'autres morts. Il ne fallait pas foncer tête baissée dans le piège qui s'annonçait, mais il ne fallait pas non plus perdre trop de temps.

Le voyage fut également ponctué par une visite à moitié prévisible, d'autant qu'elle avait été en partie annoncée à Vif peu auparavant : lorsque le groupe s'arrêta pour se reposer et que Drilun se concentra pour interroger les étoiles à l'aide de sa magie, seul sous le ciel tandis que les autres se reposaient dans leur abris, il fut brusquement interrompu par une attaque qui le prit par surprise et l'envoya voler plus loin, avec une blessure légère à la tête pour lui sonner les cloches. Puis Andalónil, satisfait de son entrée, put entamer un échange moqueur et cruel avec les aventuriers, décrivant ce qui les attendait ou du moins les conséquences les plus négatives possibles de leurs choix. En bref, le piège était prêt à se refermer sur eux et le démon venait s'assurer qu'ils ne pouvaient l'ignorer plus longtemps.

Mais en même temps, Andalónil semblait jouer un double jeu, car il servait deux maîtres, sans que les aventuriers ne parvinssent à savoir quel était son objectif véritable. Servait-il plus Dol Guldur ou Eloeklo ? Le premier souhaitait la mort des aventuriers, ou du moins d'une partie d'entre eux, et l'esclavage - ou l'enrôlement - des autres. Eloeklo comptait se servir des aventuriers pour ses fins propres, ce qui n'était pas forcément mieux à long terme mais avait l'avantage de ne pas proposer de solution définitive et à court terme pour une partie du groupe. Peut-être Andalónil servait-il plus Eloeklo, mais si jamais les aventuriers périssaient il aurait tout de même l'approbation de Dol Guldur comme lot de consolation. En conséquence il était difficile de se fier à lui.

Malgré cela il offrit au groupe de nombreuses informations sur le piège qui leur était tendu : organisation du camp de la horde des traineaux, nombre des guerriers, emplacements, ménagerie (ours, chiens...), prisonniers... et aussi fonctionnement de cette culture guerrière. D'une certaine manière, il faisait tout - au moins en apparence - pour permettre aux aventuriers de s'organiser en connaissance de cause et de pouvoir vaincre le spectre venu de Dol Guldur. Gorovod, sorcier en chef - Fhalaugash - de la montagne de la sorcellerie était mort, restait son chef des armées. Et le démon de détailler les faiblesses dudit spectre : il était particulièrement vulnérable aux éléments naturels comme l'eau courante, le feu, mais aussi la lumière... ainsi qu'au nom d'Elbereth, entre autres choses. Puis, satisfait de l'effet qu'il avait eu auprès du groupe, il prit congé et s'envola au loin, sans doute pour annoncer à son compagnon de Dol Guldur qu'il venait de faire son devoir et que l'arrivée des aventuriers ne tarderait plus.

Il n'empêche, les éléments qu'Andalónil avait donnés apportaient des perspectives nouvelles au groupe. Certes, le spectre de Dol Guldur semblait invulnérable, bien trop fort pour eux tous, surtout servi par peut-être plus de deux cents guerriers de la horde des traineaux, sans parler de leurs féroces animaux. Il pouvait les affaiblir avant même de parvenir jusqu'à lui, pour les achever sans mal avec sa sorcellerie. Mais tout de même, Drilun avait un bâton de lumière qui permettrait de l'affaiblir grandement, et plusieurs membres de l'équipe avaient sans doute l'équipement ou les compétences pour le blesser voire le tuer. En s'y prenant bien, se confronter à lui pouvait déboucher sur une issue heureuse, ce qu'ils n'auraient pas pensé possible peu auparavant. Cela étant, ils se méfiaient d'éventuelles mauvaises surprises, à tel point que pour certains c'était non pas une éventualité mais une certitude. D'un autre côté, Tevildo pouvait aussi faire pencher la balance d'une manière inattendue. Mais avoir besoin de lui était sans doute la dernière chose sur laquelle comptaient Vif et ses amis.
Modifié en dernier par Niemal le 21 mai 2021, 22:12, modifié 1 fois.
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