Terre du Milieu - Système J

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Résumé, compte rendu, impression des joueurs des séances précédente.
Récit et nouvelle en tout genre.
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Niemal
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Grand Nord - 5e partie : poursuivis

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1 - Avancée et objectif
Les dizaines de cadavres de rennes représentaient des tonnes de nourriture, sans parler de l'utilisation du reste du corps (cuir, os, tendons...). Cela faisait bien plus qu'il n'en fallait pour les Lossoth, qui se mirent rapidement à l'œuvre pour récupérer et utiliser le plus possible de choses avant qu'elles ne commencent à se décomposer. Aussi Taurgil en fit-il autant : en l'espace d'une heure, il avait découpé autour d'une tonne de bons gigots qui trouveraient vite leur utilisation : ou bien dans leurs estomacs, ou bien comme monnaie d'échange dans les trocs à faire avec les Hommes des Neiges. Restait à trouver un moyen de transporter tout cela, ce qui ne posa guère problème : la lionne magique pourrait facilement tirer une espèce de traineau confectionné avec le pavois du grand Dúnadan, sans parler d'en mettre une partie sur divers rennes voire les épaules de certains.

Le groupe reprit donc sa route en début d'après-midi, toujours en direction du nord-est. L'idée restait de contourner la baie de Forochel par l'est pour aller vers le nord et rechercher, dans un premier temps, le rôdeur d'Arthedain Inhael Eketta. La direction à prendre une fois plus au nord avait été résolue peu auparavant par des lancers de cailloux enchantés par les bons soins de la magie divinatoire de Drilun. En effet, selon ses divinations, le spécialiste du Grand Nord était en train de cheminer plutôt vers le nord-est, dans une zone de lacs et de taïga appelée Järvimaa, soit "Terre des Lacs" en labba. Il semblait que leur objectif se dirigeait plus ou moins en direction d'un village de nordiques appelés Berninga, proches des Béornides du nord du Rhovanion. Et par ailleurs il existait non loin de leur village, appelé Ligr Wodaize Berne ("Tanière des Ours en Colère" en langue nordique), une nouvelle colonie naine que certains aventuriers tenaient à visiter.

A pied, à quatre pattes ou à dos de renne, les aventuriers voyagèrent donc dans la morne plaine abondamment fréquentée par les troupeaux de rennes et les chasseurs lossoth qui préparaient leurs provisions pour l'hiver. Il semblait tout de même aux plus perceptifs du groupe que les bêtes évitaient plus leur groupe que ce à quoi ils auraient pu s'attendre. Peut-être la faute à leurs poursuivants qui, d'une manière ou d'une autre, leur collaient magiquement au-dessus de leurs têtes un gros panneau fluorescent avec marqué "danger mortel" en lettres clignotantes... Quoi qu'il en fût, cela limita les contacts du groupe avec d'autres êtres vivants, et l'après-midi se passa sans incident notable.

Vers le soir, alors que le soleil se couchait, les aventuriers les plus perceptifs distinguèrent à l'horizon quelques alignements d'arbres rabougris comme ceux d'une ripisylve, la végétation arborée qui accompagne le bord des rivières. Plus important, cette ripisylve servait d'abri à au moins un village d'Hommes des Neiges. Malgré la distance estimée à deux-trois heures de cheminement, le groupe décida de pousser jusque-là et d'y passer la nuit, en plus des contacts et éventuelles informations que cela pourrait leur apporter. Ils reprirent donc la route et se dirigèrent vers le village Lossoth, guidée par la lionne enchantée et ses fabuleux sens félins.

La nuit était donc bien avancée lorsqu'ils parvinrent aux abords du village. En dehors de quelques chants émanant d'une tente plus grande que les autres, la tente communale où les Lossoth aimaient socialiser, le village était tranquille. Ce qui ne risquait pas de durer si Vif s'approchait trop sous sa forme magique, aussi préféra-t-elle s'éloigner un peu plus loin et trouver un endroit à l'écart pour passer la nuit. Pendant ce temps-là, les autres aventuriers s'approchèrent des tentes de peau et de bois, provoquant la réaction des chiens du village et la sortie de quelques têtes hors de la tente commune.

2 - Menace et départ rapide
Certains aventuriers, comme Geralt et Taurgil, avaient choisi de rester un peu en arrière pour ne pas inquiéter les habitants du cru avec leur apparence un peu trop guerrière. Le premier contact se fit essentiellement avec Isilmë, dans la mesure où elle maîtrisait mieux le labba que ses compagnons. Par la suite les échanges se poursuivirent dans la tente communale. D'un côté l'elfe s'employait à obtenir divers renseignements comme par exemple la situation du groupe par rapport à leur objectif ; de l'autre le hobbit proposa de cuisiner un peu de la viande apportée par ses compagnons et lui et de la partager avec les Lossoth présents. Bientôt les bonnes odeurs firent frémir les papilles gustatives des Hommes des Neiges qui pourtant avaient déjà mangé, et le hobbit - et sa cuisine - eurent beaucoup de succès.

Les aventuriers apprirent entre autres choses que la côte de la baie de Forochel n'était plus très éloignée. En fait le village présent était situé sur les bords d'une petite rivière qui se jetait dans la baie, rivière qui par sa présence favorisait la biodiversité et notamment la présence d'arbres, ressource précieuse s'il en est dans la toundra dans laquelle ils se trouvaient. Sans parler de l'eau abondante, les premières neiges étant encore rares et les pluies peu fréquentes. De plus, la rivière Lhúchir (Rivière des Dragons en sindarin, par ses origines dans des zones des Montagnes Grises infestées de dragons), cours d'eau majeur du Grand Nord et repère facile pour les étrangers, n'était plus distante que de deux ou trois jours à allure de marche normale. Entre les rennes utilisés par certains et les chants magiques d'Isilmë pour aider ses amis et elle à marcher plus vite et sans fatigue, les aventuriers pouvaient escompter atteindre la rivière en moins de deux jours.

D'autres informations intéressantes furent données. En effet, il semblait que la rivière Lhúchir, appelée simplement Eau Argentée (Hopeavesi) localement, représentait également une frontière pour les armées d'Angmar qui s'aventuraient parfois sur la Toundra des Troupeaux. Pour cette raison, les nombreux villages d'Hommes des Neiges qui la bordaient étaient invariablement disposés au nord de la rivière en dehors de la mauvaise saison. Pendant cette dernière, la rivière gelait et n'était aucunement un obstacle, mais de toute manière les armées d'Angmar n'étaient pas assez équipées pour s'aventurer jusque-là en cette saison. Il se trouvait également que les aventuriers avaient à leurs trousses une telle armée et qu'ils ne l'imaginaient pas renoncer si vite à leur faire un mauvais sort...

Histoire de rappeler cette vérité aux quelques aventuriers présents, un puissant rugissement se fit entendre à une certaine distance du village, rugissement auquel firent écho de nombreux aboiements, sans parler des rennes gagnés par une certaine inquiétude. A l'extérieur, en plus de Geralt et Taurgil qui se rapprochèrent du village avec les rennes et l'équipement du groupe, la lionne bondissait dans leur direction tout en essayant d'éviter les chiens des Lossoth pour ne pas avoir à trop en blesser ou en tuer. Non sans mal, le groupe entier fut bientôt réuni et les Hommes des Neiges furent rassurés sur la présence de la lionne magique, et les chiens furent rappelés avec plus ou moins d'efficacité.

Vif entreprit alors d'expliquer à ses amis, grâce au bijou magique de l'un d'eux, qu'elle avait perçu une créature ailée qui volait au-dessus du village, créature qui lui faisait furieusement penser à un démon du froid de leur connaissance. Autrement dit, et malgré les protestations de Geralt, il n'était pas question de se reposer sur place, tant pour eux que pour la sécurité des Lossoth. De la viande fur remise aux habitants du village, au grand dam de Mordin, ainsi que des conseils avisés de fuite vers l'ouest loin du trajet des aventuriers... et de l'armée qui les poursuivait. Et surtout des trois êtres venus de Dol Guldur qui accompagnaient l'armée. Et ainsi le groupe se retrouva-t-il bientôt à marcher ou chevaucher dans la nuit, vers le nord-est, tandis qu'une sinistre présence les accompagnait loin au-dessus d'eux.

3 - Blizzard surnaturel
Le groupe n'en était pas à sa première nuit blanche, sans même parler des protestations ou du défaitisme de leur maître-assassin atteint de flemmardise aigüe. Par ailleurs, la progression était d'autant plus facile qu'une partie de la troupe était montée sur des rennes et que les chants magiques d'Isilmë permettaient aux autres de progresser plus vite et sans sentir de fatigue. Du moins pas la fatigue due à la marche : en cas d'encombrement, la fatigue était bien réelle et les tours d'elfe ne permettaient pas de l'ignorer. Restait que les aventuriers possédaient tous, par la force de l'habitude et de leurs nombreuses aventures, une endurance hors du commun.

Taurgil et compagnie avançaient donc à bonne allure dans le plat pays qu'était la Toundra des Troupeaux. Le désespérant manque de relief ne leur permettait pas de pouvoir compter sur un quelconque abri face à la menace ailée qui les suivait, et les troupeaux semblaient sentir de loin les ennuis qui leur collaient aux basques. Les interactions avec les habitants du Grand Nord étaient donc très limités, et de toute manière non souhaitables au vu des risques que cela leur faisait courir. Il n'y eut donc pas grand-chose de notable à espérer ou à constater au cours du reste de la nuit.

Peu avant l'aube attendue, cependant, le ciel se couvrit au-dessus de la tête des aventuriers. Andalónil, leur poursuivant ailé, n'était plus visible dans le ciel vu le plafond de nuages qui s'abaissait de plus en plus, mais la féline Femme des Bois pouvait néanmoins percevoir ses coups d'ailes au-dessus d'eux. Rob, de son côté, ressentait également des effluves magiques provenant de la créature et qui étaient sans nul doute à l'origine du changement de temps qui se préparait : la température chutait, le vent se levait et des précipitations glacées ne tardèrent pas à s'abattre sur la tête des rennes et des aventuriers. Drilun utilisa bientôt ses pouvoirs magiques pour repousser le mauvais temps, mais après un début d'amélioration le temps empira et ses efforts pour contrer la magie du démon du froid furent vains.

Il fallut donc se résigner à faire un camp de fortune à l'aide des affaires emportées. Une bâche fut disposée sur les bateaux regroupés en étoile, un peu à la manière d'une tente basse, rudimentaire mais efficace. Au centre de l'abri reposait la lionne enchantée, contre laquelle se blottissaient les aventuriers friands de chaleur, et en particulier le hobbit. Vu leur équipement de qualité, le froid les gênait moins que la pensée de leur ennemi qui pouvait s'attaquer à eux à tout moment, et donc aux mauvaises surprises qui pouvaient survenir pendant leur sommeil. Vers l'extérieur de leur abri, les cinq rennes étaient blottis sur le sol, endormis par un sort de la guerrière et soigneuse elfe, afin de ne plus ressentir la peur engendrée par la présence de leur ennemi et de sa magie.

Même si les sens particulièrement aiguisés de la lionne rassuraient le groupe, un tour de garde fut tout de même décidé. Geralt prit le premier tour, de sa propre initiative, le temps de permettre à Isilmë de se reposer complètement et rapidement comme le font les elfes. Afin de récupérer encore plus efficacement, elle utilisa sa magie pour plonger plus profondément dans le monde des rêves, tandis que le maître-assassin veillait. Mais ses compagnons n'eurent guère le temps de dormir bien longtemps qu'iil lui sembla percevoir une nouveauté à travers le bruit du blizzard hors saison qui secouait leur petit abri : quelque chose - ou quelqu'un - semblait en train de leur tomber dessus.

4 - Attaque et bilan
Son cri eut à peine le temps de réveiller ses compagnons que deux rennes mouraient d'un puissant et glacial coup de fouet porté par un bras puissant et démoniaque. Tandis que les aventuriers se débattaient avec la bâche et autres affaires qui entravaient leurs mouvements, un autre coup ôta la vie à deux autres rennes. Geralt, qui le premier arriva à sortir la tête au-dessus du mélange de débris en tout genre (morceaux de bateau compris), affaires et cadavres, vit leur ennemi ailé, le démon du froid Andalónil, qui s'apprêtait à porter un coup fatal au dernier renne encore vivant et toujours endormi par la magie de l'elfe.

La lionne enchantée sortit son puissant corps des restes de leur abri tandis que ses compagnons peinaient encore à se dégager, suivie de peu par Taurgil ou Drilun, dont le bâton put éclairer la fin de la scène, tandis que Rob se demandait encore où était le haut et où était le bas et que l'elfe dormait toujours. Vif put voir en direct la mort du dernier renne, tandis que leur maître-assassin se mettait debout et se précipitait sur leur adversaire, l'arme levée bien haut. Malheureusement, il avait oublié les éléments glacés que le démon du froid avait fait tomber sur eux. Éléments qui avaient constitué une belle couche de glace autour de leur camp de fortune, glace sur laquelle glissa leur ami aux nombreuses cicatrices...

Grâce à son excellent sens de l'équilibre, Geralt parvint à ne pas tomber, mais il aurait difficilement put porter le moindre coup sur une surface aussi instable. La féline Femme des Bois vit le démon sourire avant de porter un splendide coup de poing dans le visage de l'Eriadorien aux cheveux blancs, coup de poing qui lui cassa le nez, lui gela une partie du visage et qui le laissa par terre, sur le cul. Coup de poing qui aurait sans doute pu être mortel, mais manifestement ce n'était pas ce que cherchait leur ennemi.

Avantagée sur la glace par ses quatre grosses pattes et ses sens de gros chat, Vif bondit vers une aile du démon de manière à pouvoir l'endommager assez et ainsi le clouer au sol, histoire de pouvoir lui régler son compte tous ensemble. Mais il avait anticipé la chose et, malgré sa rapidité, elle ne put que lui faire une blessure très mineure qui ne l'empêcha nullement de s'envoler avec un rire moqueur. Lorsque les derniers aventuriers émergèrent, le combat était bien terminé, les rennes n'étaient que de la chair morte fumante, leurs bateaux étaient en morceaux, et le visage de Geralt était encore plus moche que d'habitude.

Après quelques soins et récupérations en tout genre, le bilan qui fut fait n'était pas très positif : si les blessures restaient limitées - Geralt trouvait d'ailleurs sa collection de cicatrices très utile pour inspirer la peur - le groupe était à présent bien ralenti faute de moyen de transport adapté au Grand Nord. Sans même parler de la perte financière que cela représentait pour Mordin, qui ne mâchait pas ses mots dans sa barbe. Et le temps ne s'améliorait pas, virant franchement à la neige et empêchant tout cheminement faute de points de repère. Il ne restait plus qu'à attendre le bon vouloir du démon du froid pour pouvoir repartir. A tout le moins il était réconfortant de savoir qu'il ne souhaitait pas les tuer, ou du moins pas tout de suite...

5 - Tremblements et interrogations
Un nouvel abri fut donc mis en place pour permettre de se reposer. Le temps passa, permettant à chacun de se reposer malgré le souci d'une nouvelle attaque de leur ennemi démoniaque. Les aventuriers semblaient complètement coupés du reste du monde par le vent et la neige qui occupaient l'espace autour d'eux et leurs sens de la vue et de l'ouïe, sans parler de la température. Néanmoins, après un temps indéfinissable, alors que la journée devait être bien avancée, c'est un autre sens qui prévint Vif que quelque chose se passait : à travers les vibrisses de ses pattes félines, la Femme des Bois percevait des vibrations dans le sol : quelque chose s'approchait d'eux, qui finit par se stabiliser à distance moyenne de leur campement...

Les divinations magiques de Drilun furent de nouveau mises à contribution. Elles lui indiquèrent qu'une troupe de cavaliers, soit peut-être une cinquantaine d'individus, était disposée à une petite distance d'eux. Distance facilement couverte par des chevaux au galop, et sans doute assez faible pour permettre à des gens perceptifs de les repérer de loin. D'autres divinations magiques permirent de compléter le tableau : si les cavaliers étaient a priori de peu d'intérêt pour les sept compagnons, en revanche ils semblaient menés par un de leurs ennemis de Dol Guldur, ennemi qu'ils ne connaissaient pas encore mais dont ils avaient toutes les bonnes raisons de se méfier. Ennemi qu'ils ne souhaitaient aucunement affronter sur un terrain qu'il avait préparé, avec des pions à sa disposition.

D'autant qu'il n'était pas seul : la présence d'Andalónil était toujours perceptible, et d'autres éléments étaient en marche. Car les cavaliers n'étaient pas seuls, ils ne représentaient qu'une petite partie de l'armée d'Angmar venue leur chercher des noises. Ils s'étaient disposés de manière à leur barrer la route vers le nord et permettre aux fantassins de les rejoindre, menés eux aussi par un des ennemis au service du Nécromancien. Entre les cavaliers et leur chef, les guerriers à pied et leur autre chef, et la menace ailée qui planait au-dessus d'eux, les perspectives d'avenir paraissaient bien sombres pour Vif et ses amis.

Aussi décida-t-elle de faire jouer ses propres contacts. Même si elle ne le percevait pas, elle savait que Tevildo, dont les pouvoirs félins coulaient dans ses veines, restait en permanence en contact avec elle et qu'il pouvait percevoir ce qu'elle vivait ou pensait. Elle se concentra alors pour l'appeler et lui demander des renseignements afin de les aider à se sortir du guêpier dans lequel ils se trouvaient. L'esprit des temps anciens daigna lui répondre après un peu d'insistance de la lionne magique, tel un chat qui se laisse tirer l'oreille pour bien montrer qu'il ne fait que ce qu'il souhaite et qu'il est maître de ses décisions. Et bien entendu, s'il répondit effectivement à certaines de ses questions, ce fut avec une certaine avarice.

Pourtant, les renseignements donnés furent précieux. Le Prince des Chats confirma et précisa même les informations apportées par les divinations de l'archer-magicien du groupe. Le chef des cavaliers était vraiment quelqu'un de puissant, et sans doute impossible à tuer durablement. Peut-être le plus puissant des trois, celui dont il fallait le plus se méfier. Pour autant, il avait certaines faiblesses, comme par exemple la répugnance voire la peur d'éléments naturels comme de l'eau courante, ou encore la lumière du soleil qui l'affaiblissait grandement. L'autre chef de l'armée, et troisième personne à venir à leurs trousses depuis Dol Guldur, était lui d'une autre trempe. Même si c'était probablement un puissant sorcier, il n'était pas du même niveau que le chef des cavaliers, qui pouvait sans doute demander à ses troupes - et obtenir sans mal - n'importe quelle action de son choix, suicide collectif compris.

Mais peut-être plus important encore, Tevildo confirma ce que les aventuriers avaient pu deviner : Andalónil n'avait pas les mêmes objectifs que ceux de ses compagnons. Ces deux derniers ne souhaitaient que l'obéissance aux ordres du Nécromancien, alors que le démon ailé en avait bien d'autres. Non seulement il souhaitait obtenir tout le crédit pour la capture ou la mort de Taurgil et compagnie, ce qui pouvait l'amener à gêner indirectement les efforts des deux autres ; mais également il était susceptible de servir les intérêts d'un autre esprit puissant avant même ceux du Nécromancien. Eloeklo, esprit de la tempête et du froid et ancien gardien des forteresses de Morgoth, paraissait garder un certain lien avec leur ennemi démoniaque. Ce qui paraissait naturel pour deux esprits anciens liés au froid et à la destruction.

6 - Choix et prise de risque
Petit à petit, le temps changea : le blizzard s'arrêta et la neige disparut du ciel. Mais pas du sol : une épaisse couche de neige fraîche recouvrait les environs, et n'allait pas aider les aventuriers à quitter les lieux facilement. Certes, ils disposaient de raquettes pour avancer plus vite dans la neige, mais ils n'avaient pas tous les mêmes facilités avec ce mode de déplacement. En tout cas, même si le ciel ne se dégagea pas complètement, il fut plus facile de voir en quoi consistait leur environnement. Curieusement mais sans réelle surprise, la couverture de neige ne semblait pas très étendue autour d'eux, comme si le blizzard avait été très localisé, et centré sur leur campement. Et les cavaliers ennemis, visibles à la longue-vue, ne semblaient pas avoir été affectés du tout par le mauvais temps : les sabots des chevaux étaient bien au sec...

C'était le début de la nuit, et, même de loin, il devait être facile à un bon observateur de pouvoir suivre leurs déplacements. Autrement dit, leurs options étaient somme toute assez limitées : s'ils restaient sur place ils allaient être pris assez vite entre les cavaliers déjà présents et les fantassins qui arriveraient tôt ou tard, et plutôt tôt que tard. S'ils s'éloignaient des cavaliers ils allaient immanquablement tomber sur ces mêmes fantassins. Et s'ils cherchaient à s'enfuir dans une autre direction, les cavaliers pourraient rapidement les rattraper. Et c'était également sans compter avec leur ennemi ailé qui pouvait leur tomber dessus à tout moment et depuis à peu près n'importe où...

La rivière Lhúchir, qui représentait une barrière non négligeable pour l'armée ennemie, était certainement assez proche, mais encore trop loin pour espérer l'atteindre, d'autant que les cavaliers s'étaient placés entre le groupe et elle. Et rechercher le combat avec l'un ou l'autre groupe était trop risqué : cavaliers et fantassins avaient avec eux un puissant lieutenant du Nécromancien de Dol Guldur, sans parler d'Andalónil pour leur prêter main-forte. Bref, où qu'ils aillassent, les aventuriers allaient être vite rejoints par leurs ennemis supérieurs tant en nombre qu'en force brute. Se séparer n'était pas vraiment une option souhaitable, et parlementer l'était encore moins.

Néanmoins, une autre option se dessina bientôt : la mer. En effet, le groupe n'était pas si loin que cela des côtes de la baie de Forochel, visible à la longue-vue. Bien entendu, c'était encore trop loin et les cavaliers pourraient leur tomber dessus bien avant d'avoir parcouru ne serait-ce que la moitié du chemin : il leur serait facile de se mettre en route dès qu'ils les verraient partir dans cette direction. Et par ailleurs, les aventuriers n'avaient plus de bateau. Mais Drilun pouvait magiquement manipuler le temps pour les couvrir tous, avec un brouillard par exemple. Et quelque chose disait à l'oreille de certains qu'Andalónil, s'il avait le pouvoir de contrer l'archer-magicien, n'en ferait rien. Enfin, de nombreux Lossoth étaient présents sur les côtes, et d'ailleurs bien occupés à plier bagages pour s'éloigner au plus vite de l'armée présente.

Il n'y avait donc pas de temps à perdre, puisqu'une fois les Hommes des Neiges partis ou trop éloignés, il serait impossible de leur emprunter une embarcation avant l'arrivée des cavaliers et surtout de leur maître. Le Dunéen magicien rassembla son énergie magique afin d'invoquer un brouillard qui les masquerait tous sur au moins la moitié de la distance entre leur campement et les côtes proches. Il faudrait une bonne heure pour qu'il se mette complètement en place, mais les aventuriers furent bien vite couverts. Ils purent donc lever le camp sans trahir leurs intentions, même si l'ennemi devait être conscient qu'ils allaient tenter quelque chose. Ils prirent leurs raquettes, ou le dos de la lionne pour les plus petits ou maladroits, et commencèrent à se diriger dans la direction souhaitée grâce aux sorts de Drilun.

7 - Course et embarquement
Guidés par la magie de l'archer-magicien, les sept compagnons se dirigèrent vers le bord de mer, jusqu'en limite de la zone de brouillard épais qui les masquait aux yeux de leurs ennemis. Ils purent alors vérifier que ces derniers n'avaient pas repéré leur déplacement furtif : leur subterfuge avait jusque-là bien fonctionné, mais le plus dur restait à venir. En effet, ils allaient devoir franchir une zone à découvert entre la zone de brouillard et quelques arbres qui devaient profiter de la présence d'un cours d'eau proche qui se jetait dans la baie. Et quelque chose disait aux aventuriers que, magiquement ou autrement, ils seraient vite repérés.

Le groupe décida alors de privilégier la vitesse à la discrétion. Vif prit sur son dos, en plus du hobbit, Isilmë et Drilun, laissant aux trois autres le soin de faire le trajet à pied et à bonne allure, malgré les protestations de Geralt dont le moral chutait sans cesse. Grand flemmard devant Eru, il avait peu apprécié de passer du statut de cavalier à coureur de fond et ses réserves nerveuses fondaient comme la neige sous le feu d'un puissant dragon. Puis la Femme des Bois fila vers la côte qu'elle percevait sans mal, sans parler de petites silhouettes qui s'éloignaient vers l'ouest et le sud, loin des cavaliers d'Angmar. Il s'agissait des Lossoth qui avaient pris leurs cliques et leurs claques lorsque les cavaliers s'étaient montrés. Malgré l'heure nocturne, ils avaient donc embarqué leurs affaires, y compris tentes et embarcations légères, vers des horizons plus tranquilles et surtout sans ennemis proches.

La lionne, malgré la charge portée, avait bien progressé et la côte n'était plus très loin lorsque des mouvements furent perçus à l'est et au nord : les cavaliers avaient fini par les repérer et peut-être comprendre ce qu'ils avaient en tête, et ils s'étaient mis au galop afin de les intercepter. De l'autre côté, les Lossoth virent arriver cette étrange monture portant de non moins étranges cavaliers, pour le plus grand émoi de leurs rennes ou de leurs chiens à qui l'odeur de la lionne ne revenait absolument pas. Les amis de la féline Femme des Bois furent bien vite laissés à eux-mêmes sur le plancher des vaches, ou plutôt des rennes vu l'absence manifeste de vaches dans la région, tandis que leur amie revenait en arrière, autant pour distancer les chiens que pour aller chercher ses amis en danger.

Isilmë utilisa toutes ses compétences mais aussi ses talents et son charisme d'elfe pour pouvoir approcher les Lossoth et leur faire comprendre qu'ils n'avaient rien à craindre d'eux, dans l'immédiat du moins. Charmés par la magie de la belle guerrière, certains des Hommes des Neiges acceptèrent de donner leur embarcation à une si bonne amie, car ainsi la voyaient-ils, avant de prendre leurs jambes à leur cou pour fuir les cavaliers qui seraient bientôt là. Trois barques de bois, de cuir et d'écorce de bouleau furent donc mises à l'eau et les premiers aventuriers et leurs affaires furent installés. Isilmë était la seule qui savait réellement se servir d'une embarcation, elle prendrait donc la tête du convoi.

Vif arriva bientôt avec Mordin et Geralt, tandis que Taurgil restait seul avec les cavaliers qui se rapprochaient. Les premiers d'entre eux n'étaient plus très loin, menés par une silhouette humaine entièrement vêtue de noir sur une monture de la même couleur, et dont il émanait une aura de peur manifeste. Ce cavalier noir poussa un cri qui n'avait pas grand-chose d'humain et le Dúnadan sentit son cœur se glacer d'effroi. Il avait laissé la larme de Yavanna à un de ses compagnons pour lui permettre de progresser plus vite sur le terrain enneigé, il ne pouvait donc profiter de sa protection contre la sorcellerie. Aidé par sa propre magie purificatrice, il arriva néanmoins à surmonter sa panique - de justesse - et il arriva enfin parmi le reste du groupe qui n'attendait plus que lui.

Il monta dans la dernière barque avec le hobbit, en essayant de ne pas faire chavirer le frêle esquif et de les plonger tous deux dans l'eau glacée de la baie, avant l'arrivée des cavaliers. En tête, l'elfe se mit à ramer à bonne allure, quelque peu aidée par Geralt, tandis que le nain et le Dunéen tenaient l'embarcation du milieu. Toutes étaient reliées les unes aux autres par une corde, et la lionne se jeta à l'eau en essayant tant bien que mal de pousser la dernière embarcation avec son puissant corps félin. Derrière eux, le cavalier noir poussa un cri de rage et s'arrêta à bonne distance du rivage, tandis que d'autres cavaliers arrivaient au bord de l'eau et s'empressaient de prendre leur arc.

8 - Échange de tirs et manœuvres nautiques
Tandis que l'elfe ramait avec vigueur, aidée par Vif à la nage, quelques échanges de flèche eurent lieu sans grande conséquence pour les aventuriers : les premiers archers ennemis tombèrent sous les flèches de Rob et Geralt, et les flèches qui suivirent ne blessèrent personne. Taurgil, le plus exposé, s'abritait derrière son pavois, bientôt rejoint par le hobbit. Le Dunéen préféra rester observateur plutôt que de gaspiller ses flèches pour des ennemis sans importance. La lionne était difficile à toucher dans l'eau, sans parler de son corps magique résistant aux flèches normales. Et par ailleurs il faisait nuit... Au bout d'un moment, tandis qu'ils se faisaient de plus en plus nombreux, les archers ennemis arrêtèrent de tirer et les regardèrent s'éloigner.

Mais la féline Femme des Bois ne pouvait pas rester indéfiniment dans l'eau glaciale, malgré son épaisse fourrure et sa formidable constitution. Par chance, les aventuriers n'étaient pas seuls : des Lossoth avaient choisi de prendre leur barque pour fuir les cavaliers d'Angmar et ils se trouvaient à faible distance d'Isilmë et de ses amis. L'elfe mit donc le cap sur certains d'entre eux et elle en persuada deux d'entre eux de se regrouper sur la même embarcation, ce qu'ils firent, afin de leur remettre celle qui restait vide. Par la suite, à l'aide de la corde magique tenue par les bras costauds du Dúnadan et de la stabilité conférée par les trois autres barques, la lionne put monter dans la barque vide juste assez grande pour elle, sans la faire chavirer ou faire chavirer l'un des esquifs de ses amis.

Restait que les cavaliers ennemis les suivaient à distance, et donc que le trajet maritime risquait de durer un peu. Par ailleurs, un vent se levait venant de l'est qui les poussait vers le large, alors que leur objectif était le nord et l'embouchure de la rivière Lhúchir, vers lesquels Isilmë dirigeait leur convoi maritime. Mais il faudrait encore de nombreuses heures pour y arriver et la guerrière elfe risquait de manquer de forces, surtout s'il fallait rester près des côtes et lutter contre le vent. Aussi fut-il décidé de laisser le vent les éloigner de leurs ennemis, tout en continuant leur trajet vers le nord.

Le trajet se poursuivit et les aventuriers perdirent de vue une partie des côtes et les repères permettant de connaître leur position. La rameuse, au bout d'un moment, remisa sa rame pour se reposer un peu, accompagnée par une partie de ses compagnons. Si bien que lorsque le soleil se leva, la longue-vue leur apprit, comme cela fut confirmé ensuite par les sorts de divination de Drilun, qu'ils avaient dérivé bien plus à l'ouest qu'ils ne l'avaient prévu. En fait, ils se trouvaient plus près de Rast Losnaeth (Cap de la Neige Mordante, en sindarin), des collines rocailleuses formant une extension des terres du nord de la baie de Forochel, que des côtes est de la baie qu'ils venaient de quitter. Ils s'étaient donc bien éloignés de leur objectif premier, à savoir les Terres des Lacs et Inhael Eketta.

Ce qui n'était pas forcément pour leur déplaire, car ils étaient à présent hors de portée de l'armée d'Angmar et de leurs poursuivants, Andalónil excepté. En dehors de quelques baleines, de baleiniers et de quelques icebergs lointains, les eaux étaient calmes et ne présentaient pas de danger visible. Du coup l'objectif des sept compagnons changea et se porta plutôt vers Dwimfa, survivant de la précédente bande d'aventuriers et surtout du crash du bateau volant qu'ils recherchaient, ou plutôt que Tevildo leur avait dit de rechercher. Il semblait que cet Homme des Bois devenu aventurier, que Vif connaissait depuis l'enfance, était hébergé par des Lossoth habitant un iceberg. Iceberg qui ne devait plus se trouver si loin que cela...

Du coup, Drilun occupa son temps et ses compétences magiques à consulter la carte recopiée en Arthedain et à extrapoler l'emplacement de l'ami d'enfance de la Femme des Bois à l'aide de ses divinations. Petit à petit, il arriva à cerner la zone de la baie de Forochel où le fameux Dwimfa devait se trouver, tout en sachant bien que l'iceberg sur lequel il se trouvait, ou du moins c'est ce que supposaient les sept aventuriers, pouvait dériver et changer de position. Néanmoins, vu leur situation actuelle, se diriger vers leur nouvel objectif paraissait plus à leur portée que de revenir vers l'est et la région des lacs où devait se trouver le fameux rôdeur d'Arthedain expert de la région du Grand Nord...
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Grand Nord - 6e partie : aventures maritimes

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1 - Rast Losnaeth
Si leur objectif premier était maintenant clair, à savoir un ancien aventurier, ami d'enfance de Vif, ayant survécu à une probable confrontation avec Eloeklo, restait à savoir comment arriver jusqu'à lui. Son emplacement était à peu près connu, même s'il était susceptible de changer. Le passage par le nord et par la terre fut brièvement envisagé, mais jugé peu pratique et trop long. Par ailleurs, le cap vers lequel ils voguaient semblait abriter, d'après la carte recopiée par Drilun, deux sites lossoth. Tous deux étaient situés au sud, sur la partie occidentale du cap. Deux solutions s'offraient au groupe pour aller jusqu'à ces lieux jugés intéressants : débarquer sur la rive orientale du cap et finir le trajet à pied, ou contourner le cap par le sud par la voie maritime.

L'examen des terres du cap à la longue-vue montra une terre rocailleuse et désolée, sans grande trace de vie, difficile à parcourir. Sans parler d'une côte dangereuse à aborder avec une probable abondance de récifs. Le trajet par la voie terrestre semblait donc dangereux, difficile et lent. Même si le vent qui poussait les bateaux vers l'ouest de la baie avait faibli, le trajet par la mer semblait plus rapide et sûr. Quelques sorts de divination donnèrent des précisions sur le courant dominant au-delà du cap, et il semblait aller dans le bon sens. Le ciel restait clément et le resterait sans doute encore un peu d'après les compétences et la magie de Taurgil, et donc le choix fut arrêté : Isilmë allait encore ramer un moment.

La vue d'un baleinier un peu éloigné, visible à la longue-vue seulement, donna l'espoir bref d'une traversée plus facile. Mais cet espoir vola vite en éclats lorsqu'il parut que le bateau mettait voile vers l'ouest, et il allait plus vite que les barques. Quant à attirer l'attention de ses marins depuis une telle distance, ce fut une idée vite remisée au rayon des inutilités. L'elfe rama donc encore et encore, aidée par certains de ses compagnons qui, par la force des choses, commençaient à savoir manier un peu ce nouvel outil de bois permettant de diriger leurs frêles esquifs. Les aventuriers commencèrent donc à contourner Rast Losnaeth par le sud à une distance respectable des côtes, tant pour éviter les récifs que pour aller plus vite et ne pas suivre un trait de côte très accidenté et donc bien long.

Au fur et à mesure que le groupe découvrait les eaux plus occidentales de la baie, de nouveaux détails furent perceptibles, en particulier avec l'aide de la longue-vue : il y avait davantage de montagnes de glace - les icebergs - flottant sur les eaux, pour commencer. Les côtes occidentales du cap semblaient un peu plus hospitalières et paraissaient héberger davantage de vie, et notamment des phoques. Phoques qui semblaient attirer des petites baleines blanches et noires, majoritairement présentes, même si quelques individus plus rares, plus loin des côtes, pouvaient être repérés grâce au panache de vapeur qui émanait d'eux.

La vie humaine était également présente, bien qu'avec un certain bémol : l'un des sites notés sur la carte du Dunéen était en fait une ruine ancienne composée des restes très dégradés de vieux bâtiments de pierre. Par contre, l'autre site semblait bien plus récent et comportait de nombreuses embarcations. Un camp et une certaine présence humaine étaient également présents près des ruines, mais cela semblait bien plus modeste. Le soir commençait à tomber et la nuit serait bientôt là, et les aventuriers décidèrent de laisser les ruines pour une prochaine visite et de filer vers le site plus peuplé. De toute manière ils n'avaient pas le temps d'atteindre l'un ou l'autre avant la nuit.

Ils progressaient vers le nord, le long des côtes occidentales du cap, dans une espèce de large échancrure au milieu des terres, ce qui protégeait les bateaux des courants. Les ruines qu'ils avaient passées étaient sur la pointe occidentale de cette échancrure, et le site vers lequel ils se dirigeaient était situé au fond. La nuit venue, la proximité des côtes augmenta et le nombre de récifs avec. La guerrière elfe possédait une bonne maîtrise de son embarcation grâce à ses compétences maritimes, néanmoins elle apprécia la lumière émise par le bâton magique de Drilun qui facilita le repérage du chemin à prendre. Ses amis aussi, car ils furent bien obligés de participer - Vif comprise, à l'aide de ses pattes - pour suivre avec exactitude le trajet du bateau de devant entre les rochers et récifs. Petit à petit, le groupe s'approcha du camp lossoth, d'où émanèrent bientôt quelques dizaines de personnes. Malheureusement, elles étaient armées de harpons et leurs cris et gestes semblaient indiquer que les aventuriers n'étaient pas vraiment les bienvenus...

2 - Échanges et camp nocturne
A distance, Isilmë tenta de calmer le jeu et d'expliquer que ses amis et elle n'avaient aucune intention belliqueuse, ils cherchaient juste un endroit où passer la nuit. Petit à petit, l'agressivité de ses interlocuteurs diminua et elle put comprendre ce qui avait causé leur émotion. Le camp qu'ils souhaitaient aborder n'était pas un camp ordinaire. C'était en fait un endroit sacré où les membres d'un culte de chasseurs de baleines venaient se purifier, se préparer avant une chasse. Les gens qui n'étaient pas membres de ce culte n'étaient pas les bienvenus et ils perturbaient les préparatifs ; ce qui, aux yeux des Lossoth présents, pouvait signifier une mauvaise chasse, avec des conséquences comme une famine possible en hiver, voire des morts au cours de la chasse.

Car chasser la baleine n'était pas un métier de tout repos. Les risques étaient grands, les chasseurs pouvaient revenir bredouilles voire ne pas revenir du tout : un plongeon dans l'eau glacée était vite fatal en raison de l'hypothermie. La plupart des Lossoth ne savaient d'ailleurs pas nager : les occasions de pratiquer étaient très faibles et souvent accidentelles, et elles ne pouvaient durer longtemps sans mort certaine. Bref, un chasseur à l'eau était un homme (ou une femme) mort s'il n'était pas très vite secouru par ses pairs. Peu d'entre eux vivaient au-delà de quarante ans. D'où une bonne préparation nécessaire, que les aventuriers perturbaient avec leur présence.

Néanmoins, les chasseurs de baleine lossoth n'étaient pas vraiment belliqueux. Lorsqu'ils eurent compris que leurs interlocuteurs souhaitaient juste des informations voire un peu d'aide, ils se firent plus conciliants. D'autant que c'était une bonne manière de faire partir vite ces étrangers qui n'avaient pas leur place ici. Les Lossoth ici présents faisaient partie des Merimetsästäjät ou "Chasseurs des Mers". Conformément à ce que Taurgil et ses amis avaient entendu dire, ils vivaient bien dans des montagnes de glace qui voguaient sur les eaux de la baie et ne mettaient que très rarement pied à terre. Les chasseurs de baleine étaient donc très importants, et c'était la fin de la saison de chasse.

La guerrière elfe fut très intéressée par ce qu'elle apprenait. En effet, l'ancien aventurier qu'ils recherchaient était censé vivre dans un iceberg avec ces gens-là, d'après des visions passées. Les chasseurs avaient-ils entendu parler de lui ? Ces derniers ne connaissaient personne qui portât le nom de Dwimfa, l'ami d'enfance de Vif. En revanche, oui, ils avaient entendu parler d'un étranger recueilli dans un de leurs icebergs qui servaient d'habitation. Il était amnésique et semblait s'être bien intégré au clan, et portait le nom de ulkomainen onnekas ou "étranger porte-bonheur". Il avait été recueilli suite à des rêves et autres échanges très positifs avec le monde des esprits, mais il était dit que s'il devait partir, ceux qui l'avaient côtoyé subiraient les attaques de puissants mauvais esprits ou quelque chose de similaire, d'après ce qu'en comprenait Isilmë. En bref, son absence serait synonyme de mort et destruction.

La belle elfe arriva également à obtenir un peu d'aide de la part des Lossoth. Une chasseresse prit une embarcation et vint les guider jusqu'à un endroit proche mais légèrement éloigné du camp, isolé, où le groupe pourrait passer la nuit sans problème. Cela demanda encore quelques manœuvres en barque et certains comme Mordin, qui n'avait pas le pied très marin, se mouillèrent un peu dans l'eau glacée au moment de quitter leur embarcation pour une grande pierre plate en hauteur. Puis leur guide, après quelques derniers échanges courtois, les laissa afin de rentrer au camp. Afin de l'aider à revenir dans la nuit profonde, Drilun enchanta sa barque pour qu'elle émette de la lumière et que leur guide puisse ainsi retrouver son chemin au milieu des récifs, à son grand plaisir.

3 - Ruines et découvertes
La nuit se passa sans incident et un nouveau jour se leva bientôt. Tandis qu'au loin les chasseurs de baleine se mettaient en chasse sur leurs frêles embarcations, les aventuriers décidèrent de la suite à donner. Beaucoup d'entre eux souhaitaient explorer les ruines visibles au loin, au-dessus d'un éperon rocheux présent à une certaine distance au nord et à l'ouest, de l'autre côté d'un certain nombre de miles d'eau glacée. En effet, d'après ce que leur avaient dit les Lossoth rencontrés la veille, il s'agissait des ruines d'une civilisation autrefois disparue qui fabriquait de nombreuses perles de céramique, dont certaines étaient magiques. Il était aussi possible d'y arriver par la terre, mais la nature très rocailleuse et escarpée du cap, sans beaucoup de terre ou de végétation, n'inspirait pas grand monde. Sauf Vif, très à l'aise dans les rochers, et Mordin, qui goûtait peu aux joies de la navigation.

Ces deux derniers prirent donc la voie terrestre pendant que les autres reprenaient leurs embarcations. Cela se transforma bientôt en une sorte de course pour savoir qui arriverait en premier, et le nain, balloté de partout sur le dos de la lionne enchantée qui bondissait de rocher en rocher, regretta vite amèrement d'avoir quitté la surface de l'eau. Les quatre embarcations arrivèrent près des ruines en même temps que le félin et son étrange - et quelque peu malmené - cavalier, mais il fallut encore un peu de temps avant d'arriver à trouver le bon chemin entre les récifs et de pouvoir monter jusqu'aux ruines, non loin d'un camp lossoth qu'ils avaient contourné.

Les ruines avaient manifestement été fouillées de nombreuses fois. Vif se concentra donc sur les parties plus isolées ou qui, à ses sens, avaient subi une fouille moins minutieuse. De son côté, l'archer-magicien dunéen utilisa ses sorts de divination pour les aider. Grâce à quelques perles magiques qu'ils avaient déjà obtenues - non sans mal - dans un trésor une douzaine de jours auparavant, dans des marais, il put se concentrer sur la présence de perles similaires. Il en sentit un certain nombre, dans un lieu relativement facile d'accès. La fouille fut rapide et apporta un butin de perles de céramique comportant des runes et inscriptions diverses à la surface d'un grand nombre d'entre elles.

La lionne fit néanmoins entendre sa voix, et après avoir usé de magie pour traduire ce qu'elle souhaitait dire, ses amis comprirent qu'elle les prévenait d'un probable danger. Ils avaient entendu parler de perles maudites qui apportaient la mort et la non-vie, et celles qui venaient d'être trouvées l'avaient été avec bien trop de facilité, à un endroit où elles auraient déjà dû l'avoir été. Grâce à ses compétences en runes magiques, Drilun confirma bientôt que les perles qui avaient été trouvées étaient bien maudites et pas si vieilles que cela. Il lui sembla même reconnaître une origine magique du côté d'Angmar... Bientôt, à l'aide de son bâton enchanté, elles volèrent en éclat et la magie fut détruite.

En revanche, du côté où Mordin et Vif avaient commencé à fouiller, le magicien du groupe sentit un autre butin possible grâce à ses compétences divinatoires. Mais cela serait sans doute difficile à fouiller, les perles détectées étaient plutôt en profondeur, sur le site d'une ancienne bâtisse qui s'était effondrée il y a bien longtemps et qu'il serait difficile à dégager, sauf en y consacrant beaucoup de temps. Les membres du groupe déblayèrent et creusèrent donc, jusqu'à dégager un boyau minuscule permettant d'aller plus en profondeur. Malheureusement, il était impossible de dégager davantage, les parois étant de lourds blocs de pierre effondrés, et il était trop petit pour s'y faufiler, sauf peut-être pour un enfant petit et agile... ou un hobbit.

Rob arriva donc à se faufiler là où personne d'autre n'aurait pu aller, après une reconnaissance faite à l'aide de la corde magique portée par Taurgil, qui avait confirmé qu'il y avait bien quelque chose en profondeur. Aidé par la magie, le petit voleur arriva à explorer les ruines effondrées et il remonta plus d'une vingtaine de perles manifestement enfouies là depuis longtemps. Certaines comportaient des runes et de la magie était faiblement perceptible. D'après les perceptions et compétences du Dunéen, l'une d'elles était même particulièrement puissante et pouvait stimuler tous les sens et perceptions de son porteur. Il y eut débat pour savoir qui prendrait quoi, et c'est finalement l'elfe qui hérita de cette babiole, pendant que les autres étaient données à l'archer-magicien du groupe pour l'amélioration de certaines de ses compétences en artisanat, ou remises au nain comme monnaie d'échange possible, pour celles ne comportant aucune magie.

4 - Croisière
Le lendemain, le groupe quitta les ruines et reprit les barques et les eaux glacées de la baie de Forochel ("Couverture de glace nordique" en langue commune). Une fois la zone des récifs passée, la petite caravane d'esquifs fut menée, essentiellement par Isilmë aidée de quelques-uns de ses amis, vers le nord. Leur objectif restait de trouver une de ces fameuses montagnes de glace habitées flottant sur les eaux de la baie, si possible avant qu'elles ne soient prises par les glaces, et de demander à leurs habitants où vivait l'étranger porte-bonheur, nouveau nom de l'ami d'enfance de Vif. Les eaux de la baie comportaient un courant qui les menait dans la bonne direction, les armées d'Angmar étaient loin et ne pouvaient rien leur faire, et Andalónil ne souhaitait pas les tuer pour le moment. Bref, que de bonnes raisons de se réjouir.

Au passage, les aventuriers remarquèrent souvent la présence de petites baleines noires et blanches, en groupes de quelques individus. Elles restaient près des côtes et semblaient s'intéresser aux phoques qui y avaient leurs quartiers. Ces baleines avaient peut-être deux fois la taille de leurs barques, et en fait elles chassaient les phoques. Parfois, après s'être approchées furtivement, elles allaient jusqu'à se jeter hors de l'eau sur leur proie, avant de revenir dans l'eau en se trémoussant. Parfois aussi certaines proies étaient rabattues vers d'autres membres du groupe. Mais ces prédateurs étaient aussi la proie de certains groupes de Lossoth qui les chassaient collectivement depuis leurs embarcations...

Isilmë et ses compagnons croisèrent plusieurs groupes de chasseurs à une certaine distance. Au début ils tentèrent de contacter les Hommes des Neiges mais ils comprirent rapidement qu'ils dérangeaient plus qu'autre chose, et ils restèrent ensuite concentrés sur leur route. De toute manière, ils eurent bientôt d'autres soucis car le temps se voila et la neige fit son apparition, masquant les environs en plus de rendre leur position plus qu'inconfortable. Heureusement la magie de Drilun lui permit d'évacuer les nuages et le mauvais temps autour d'eux. Cela ne permettait pas de voir très loin mais cela rendait tout de même le trajet plus facile et évitait de se retrouver sur une zone de récifs, entre autres choses.

Cette navigation était loin d'être parfaite et, après quelques heures de progression, les aventuriers virent les côtes à faible distance. Ils se rendirent compte qu'ils avaient dérivé trop à l'est et il fallut de nouveaux sorts pour leur permettre de reprendre une bonne direction, plutôt au nord et à l'ouest. Arriva une nouvelle nuit, froide et humide, mais tous étaient bien équipés, endurants, sans parler des compétences magiques de certains d'entre eux pour soigner rhumes et autres petits (et gros) problèmes de santé. Au matin, le ciel était plus dégagé et la belle elfe et ses compagnons purent naviguer avec plus de facilité et surtout en se repérant plus facilement.

Ils eurent ainsi une occasion, au cours de leur trajet maritime, de repérer de nombreuses embarcations assez loin des côtes. Manifestement, des chasseurs de baleine lossoth avaient repéré une proie, une assez grosse baleine dont ils pouvaient difficilement deviner la taille exacte mais qui pouvait atteindre peut-être deux fois celle des baleines carnivores de la veille. Ils s'en approchaient de plus en plus depuis plusieurs directions, et les sept compagnons s'apprêtaient à laisser les chasseurs faire leur ouvrage sans plus leur prêter attention. Mais l'attention de Vif fut attirée, de même que celle des aventuriers les plus perceptifs, par quelque chose d'étrange : leurs embarcations bougèrent soudain comme s'ils venaient de passer au sommet d'une grosse vague, vague causée par le déplacement, sous leurs esquifs, de quelque chose de très gros qui allait dans la direction des chasseurs et de leur proie...

5 - Chasse interrompue
Alors que les chasseurs lossoth se rapprochaient de leur cible, ils furent soudain interrompus par l'arrivée explosive d'une énorme baleine. Jamais les aventuriers n'avaient vu un animal d'une telle taille, ni entendu parler d'une chose pareille. Il émergea de l'eau avec une telle vitesse qu'il vola littéralement hors de l'eau avant de retomber sous le nez des plus proches Lossoth. Il en résulta une énorme vague qui éparpilla les embarcations et fit se renverser certaines d'entre elles. La vague se propagea ensuite en direction des aventuriers qui eurent juste le temps de manœuvrer pour ne pas la prendre de flanc et tomber à la baille. Même ainsi, certains eurent une grosse frayeur et apprécièrent peu de prendre une douche lorsque le sommet de la vague menaça de les engloutir. Il paraissait étonnant qu'un animal, même aussi grand, puisse avoir un tel impact sur la mer autour de lui...

A la suite de cela, tout se passa très vite : plusieurs chasseurs lossoth étaient tombés à l'eau, et si certains allaient bientôt être récupérés par leurs collègues, ce ne serait certainement pas le cas de tous. Isilmë et ses amis se précipitèrent alors sur leurs rames et pagayèrent du mieux qu'ils purent vers la scène de chasse interrompue tout en observant la situation et les efforts des autochtones pour ne pas mourir. Certains d'entre eux n'arrivaient pas à se maintenir à flot, et l'un en particulier, peut-être assommé par sa chute dans l'eau glacée, ne bougeait pas et s'enfonçait sous l'eau, immobile, hors de portée de ses amis, qui regardaient sans pouvoir faire quoi que ce fût. Car se jeter à l'eau ne ferait qu'ajouter un mort de plus à une liste déjà longue.

Mais pas pour les sept nouveaux arrivants, qui avaient connu bien pire avec par exemple leur incursion dans les profondeurs de Dol Guldur. La première, Vif plongea à l'eau et nagea vigoureusement vers le chasseur inconscient et voué à une mort rapide, tandis qu'Isilmë faisait de son mieux, tout en ramant, pour expliquer aux Lossoth inquiets que l'animal n'était pas une menace mais un secours qu'elle contrôlait par magie. Elle attrapa le corps immobile de l'homme immergé, tandis que Geralt, à son tour, goûtait aux joies d'un bain glacé pour aller secourir un Lossoth en train de se noyer. Et s'il n'avait pas la fourrure enchantée de la lionne pour le protéger, il portait néanmoins une babiole magique qui augmentait sa résistance au froid. Ce n'était pas pour autant une expérience agréable, et son moral en subit les conséquences...

Tous les naufragés furent bientôt tirés hors de l'eau, mais ce n'était que le début du sauvetage : tous, à des degrés divers, souffraient d'hypothermie et l'un d'eux ne respirait plus depuis un moment. L'hypothermie menaçait également Geralt, qui, après son sauvetage, dut remonter avec difficulté dans une barque tout en tremblant de la tête aux pieds. Tandis que la belle elfe s'occupait de faire un massage cardiaque - dans une petite barque ! - avec l'aide de sa magie pour redonner de la vie au corps inconscient, et avec succès, le balafré aux cheveux blancs retirait ses vêtements trempés et glacés et offrait son corps nu aux éléments. Après s'être rapidement séché du mieux qu'il pouvait, il se sentit étrangement bien, son corps stimulé par le contact de l'eau glacé ayant bien réagi pour lui fournir toute l'énergie dont il avait besoin. Les Lossoth ne savaient pas s'ils devaient être plus impressionnés par ses nombreuses cicatrices que par son apparente facilité à se jouer du froid glacial qui l'environnait...

Au bout du compte, grâce aux efforts des aventuriers, tous les naufragés purent être traités avec un certain succès, aucun mort n'était à déplorer dans l'immédiat. Isilmë restait prudente quant à l'état de certains et notamment du chasseur inconscient, et elle pressa les chasseurs de baleine de les emmener à un endroit où les blessés pourraient se réchauffer et reprendre des forces. Impressionnés par le sauvetage opéré par les nouveaux arrivants, sans parler de leur apparence et de la présence du félin magique, les Lossoth ne firent guère de difficulté pour prendre leurs rames et les emmener tous en direction d'un iceberg peu éloigné qui, vu de plus près, semblait comporter un ponton taillé dans la glace avec d'autres barques tirées hors de l'eau. Ils distinguèrent enfin une ouverture d'où des silhouettes émergèrent, y compris des enfants, afin de les voir arriver de leur chasse interrompue.

6 - Palais de glace
Le ponton de glace et l'entrée au sein de l'iceberg étaient faits de manière à simuler quelque chose de parfaitement naturel et ne pas attirer l'attention. En fait, hormis pour des personnes habituées ou extrêmement perceptives, il était très difficile de noter l'aspect artificiel de cette gigantesque habitation glacée. L'approche des embarcations entraîna assez vite la sortie de divers Lossoth depuis l'entrée dans la montagne de glace. Bientôt les barques accostèrent et les "Chasseurs des Mers" entrèrent au plus vite, emportant avec eux leurs chasseurs à demi-morts de froid. Il ne resta bientôt plus que quelques Lossoth qui regardaient les aventuriers sans rien dire, avec une certaine appréhension. Aventuriers qui finirent par descendre des barques et emprunter avec une certaine lenteur le chemin prit par les Hommes des Neiges, pour qui avancer sur la glace était très naturel. Cela ne l'était pas autant pour Isilmë et ses amis, mais la plupart d'entre eux avaient tout de même des talents d'acrobate qui suffirent largement à la tâche.

Le groupe pénétra donc avec précaution dans la montagne de glace, observé de loin par quelques habitants du lieu qui regardaient les nouveaux venus avec un mélange d'effroi et de curiosité. L'entrée donnait sur un escalier taillé dans la glace qui s'enfonçait doucement dans les entrailles de la montagne glacée. Guidés par le son, les aventuriers débouchèrent bientôt dans une grande caverne où s'affairaient de nombreuses familles : certains tentaient de réchauffer les chasseurs ayant chuté à l'eau tandis que d'autres mettaient au courant les habitants de la caverne de ce qui s'était passé, et du rôle joué par la lionne et ses amis. Il semblait bien qu'une partie des habitants de l'iceberg, en particulier les plus jeunes, voyaient des étrangers au Grand Nord pour la première fois de leur vie. Quant à Vif, il s'agissait d'une expérience nouvelle pour l'intégralité des habitants du lieu.

Comme d'habitude, le premier contact fut délicat. Isilmë joua une nouvelle fois le rôle d'interprète et expliqua à une probable soigneuse que Taurgil et elle pouvaient aider les blessés. Après un moment, le Dúnadan put faire une infusion d'athelas et utiliser ses mains de roi (potentiel) pour améliorer encore un peu l'état de santé des blessés. Plus tard, Isilmë, suite au suivi de ces mêmes blessés, les déclarerait tous sortis d'affaire, y compris le chasseur qui avait commencé à se noyer et qui avait été le plus touché par l'hypothermie. Grâce à l'intervention du rôdeur et héritier de la famille royale du Rhudaur, il conserverait la vie et tous ses membres, malgré quelques probables engelures. S'il avait fallu l'amputer d'un membre cela aurait signifié une mort certaine à très court terme : la société des Hommes des Neiges ne pouvait se permettre de supporter une bouche à nourrir inutile, et l'homme lui-même se serait sans doute suicidé dès que possible pour ne pas mettre ses proches en danger.

Quoi qu'il en fût, passés les premiers moments, les visages se détendirent quand les Lossoth eurent compris que les étrangers ne représentaient aucune menace et même qu'ils avaient sauvé certains des leurs. Le "village" organisa alors l'équivalent d'une fête, tant pour honorer les étrangers bienveillants que pour se soulager de la pression née de l'accident de chasse et la mort évitée de peu pour certains des chasseurs. Les aventuriers participèrent à leur manière, en racontant des histoires - essentiellement la belle elfe - ou en jouant au clown (Geralt) voire animal de cirque (Vif). Ou encore en participant à la cuisine (Rob), en chantant (Isilmë) ou jouant de la musique (Drilun)... Le hobbit eut beaucoup de succès avec les enfants présents, de même que Vif, même si les parents étaient eux beaucoup moins rassurés !

Ce fut aussi l'occasion de regarder de plus près la montagne de glace qui servait d'habitation à plusieurs centaines de personnes divisées en deux ou trois "villages". La salle commune du "village" où ils étaient était fascinante pour leurs yeux étonnés : des rigoles couraient le long des murs ou piliers de glace qui émaillaient la pièce, et emportaient l'eau qui émanait de la lente fonte des murs. Les plafonds s'ornaient de quelques stalactites d'où tombaient goutte après goutte dans des trous creusés dans la glace. Mais surtout, les murs étaient sculptés d'innombrables scènes de la vie quotidienne des "Chasseurs des Mers", sculptures qui s'effaçaient peu à peu avec la fonte de la glace, pour renaître prochainement dans de nouvelles sculptures lorsque les habitants du lieu seraient coincés ici par le mauvais temps.

Lorsque la nuit tomba, l'intérieur des cavernes de glace, auparavant éclairées par la diffusion du soleil à travers la glace bleutée de l'iceberg, s'illuminèrent avec les lampes à huile (de phoque ou de baleine) allumées par les Hommes des Neiges. La lumière réfractée par la glace sculptée transformait l'intérieur du lieu en cathédrale de lumière. Une fois auparavant, les aventuriers avaient vu de loin un tel iceberg éclairé de l'intérieur, la lumière se diffusant à travers la glace et l'eau de la baie dans laquelle baignait l'iceberg. Spectacle merveilleux et tout aussi prenant depuis l'intérieur, où se rajoutaient également de nombreux sons. En plus de ceux des chanteurs lossoth (ou leurs invités), les bruits de la mer se faisaient entendre ; Vif pouvait distinguer à travers eux - ce qu'elle avait déjà perçu auparavant depuis la surface de l'eau - une mélodie étrange faisant penser au chant de gigantesques créatures maritimes, le chant des baleines...

7 - Menaces du Grand Nord
Petit à petit, grâce aux efforts des uns et des autres, de nombreux échanges eurent lieu entre les habitants du lieu et leurs invités. Au-delà du partage de cuisine, d'histoires et de musique et chants, entre autres choses, Isilmë et ses amis étaient en quête d'informations. Des informations sur Dwimfa, tout d'abord, cet homme qui devait les aider à combattre sans doute divers ennemis présents dans le Grand Nord. Mais aussi des informations sur le Grand Nord lui-même, ses habitants, ses menaces, et tout ce qui pouvait les aider à comprendre comment vivre ou survivre ici, en particulier en hiver. Car les aventuriers se doutaient qu'ils étaient partis pour rester là un bon moment, et qu'ils n'avaient vu pour l'instant que le plus facile...

Malgré toutes leurs compétences, les héros qui s'étaient infiltrés dans Dol Guldur savaient qu'ils pouvaient avoir besoin de l'aide des Lossoth. Mieux les connaître était nécessaire pour mieux les comprendre et pouvoir les aider. Leur seule présence représentait déjà un risque pour ces gens. Mais surtout, la vie périlleuse des Hommes des Neiges les empêcherait d'aider si en faisant cela ils retiraient peu de choses face aux risques encourus. Les Lossoth devaient lutter contre la famine, l'environnement mortel (froid...), mais aussi la magie noire et une pléthore d'ennemis en tout genre. Concrètement, comme ils l'avaient fait avec les Seigneurs des Chevaux, les aventuriers se doutaient bien qu'ils auraient à combattre des ennemis communs. Autant apprendre à mieux les connaître.

Ces "Chasseurs des Mers" ne craignaient pas les habituelles menaces issues d'Angmar ou équivalent : les armées humaines ou autres ne venaient pas jusque-là, sur les eaux glacées de la baie de Forochel, ou sur ses glaces hivernales. Et s'il existait des orcs qui vivaient dans le Grand Nord, au sein de montagnes plus au nord, ils ne descendaient pas jusqu'ici. Les Hordes des Traîneaux, de la même manière, n'avaient pas l'habitude de se risquer si loin à l'ouest, sur la mer glacée. Par contre, s'il n'était pas réellement un ennemi, Isilmë apprit que l'être qui prenait la forme d'une baleine géante portait un nom dans la langue des Lossoth, et c'était Aamumeren Isä, qu'on pouvait traduire par "Père de la Mer du Matin". Un être qu'ils vénéraient et qui les aidait parfois, mais dont les colères pouvaient aussi causer la perte de nombreuses vies.

L'elfe apprit aussi un peu davantage sur d'autres créatures qui hantaient les côtes et montagnes plus au nord. Il semblait qu'il y avait des trolls des neiges, voire des géants également, actifs durant les grands froids et les longues nuits de l'hiver. Les ours des neiges pouvaient parfois se hasarder près des icebergs habités et constituer une menace. Leur plus terrifiant prédateur restait tout de même certains dragons qui s'aventuraient jusque chez eux en hiver : la glace pouvait être assez épaisse pour supporter le poids de certains, tandis que d'autres pouvaient nager dans les eaux glacées et briser la glace sous les pas de chasseurs ou de voyageurs. Les montagnes de glace qui servaient d'habitation étaient toutes conçues pour ne pas avoir l'air habitées de loin, mais aussi pour avoir des tunnels trop étroits pour un éventuel dragon qui voudrait leur chercher noise...

Néanmoins, la menace la plus présente dans leurs esprits, pour le moment, restait l'épidémie de morts-vivants qui les affligeait depuis quelques années. Elle était probablement issue, d'après les "sages" (viisaat) et nommeurs d'esprit (henkinimittäjät), de perles de céramique maudites comme certaines que les aventuriers avaient déjà trouvées. Il paraissait ainsi que certains icebergs entièrement funéraires étaient devenus des citadelles de morts-vivants qui pouvaient errer sur les glaces à la recherche de proies vivantes, en hiver. Et les Lossoth étaient complètement désarmés face à ces créatures : comment tuer quelque chose qui l'était déjà, et qui ne craignait ni la faim ni le froid ? Certes, certains des habitants des icebergs connaissaient de la magie ou possédaient des armes runiques qui pouvaient combattre de telles créatures, mais c'était loin d'être suffisant. D'autant que l'épidémie prenait une proportion inédite.

8 - Informations et nouveau voyage
Petit à petit, la fête prit fin et les habitants partirent se coucher. Au-delà de la salle commune du village, plusieurs tunnels menaient à des quartiers composés de petites pièces familiales où les gens pouvaient avoir une vie plus intime. Ainsi, un couloir pouvait être percé de nombreuses ouvertures des deux côtés, chacune donnant sur une petite pièce, derrière un coude et une tenture, abritant un couple et ses enfants. L'essentiel des pièces était occupé par un ou deux lits faits de cuirs et tissus divers sur une armature d'os. L'iceberg comportait également des baies pour hisser et découper les carcasses de baleine, ainsi que des latrines, même si ce n'était guère plus que des trous dans la glace. Et même si certaines pièces étaient assez grandes pour la présence de nombreuses personnes, les passages étaient invariablement étroits pour limiter l'accès à des hôtes non invités comme des dragons.

Rob fut vite adopté par une famille dont les enfants l'avaient plus ou moins pris comme compagnon, ou au moins invité à partager leur lit pour une nuit. Au cours de la soirée, certaines jeunes femmes avaient parfois eu des regards éloquents à l'adresse de Drilun essentiellement, mais n'avaient pas osé franchir le pas de l'inviter à partager leur nuit et un moment de tendresse, comme cela était courant avec des visiteurs. Peut-être à cause de ses cicatrices, peut-être à cause d'autres regards de la belle elfe qui manifestement ne partageait pas les mêmes habitudes... Vif était un lit à elle seule, dans lequel certains enfants voulaient passer la nuit, non sans inquiétude pour les parents. Et un logement vacant fut mis à la disposition des aventuriers pour se reposer et se tenir au chaud les uns contre des autres.

La nuit se passa sans incident d'aucune sorte et le matin fut bientôt là. Les Lossoth furent très vite debout et actifs : les chasseurs de baleine et de phoque furent bientôt partis, de même que d'autres chasseurs-cueilleurs. C'était la fin de la belle saison mais il était encore possible de ramasser quelques baies et autres plantes comestibles, ou de chasser le lièvre voire d'autres proies terrestres. Sans parler de ramener quelques herbes médicinales ou simplement utiles, trouver du bois, fumer de la viande... Et à l'intérieur de l'iceberg, le travail ne manquait pas non plus : préparer ou réparer cuirs et tissus, conserver la nourriture excédentaire, fabriquer ou réparer armes d'os ou autres outils, s'occuper de l'iceberg pour qu'il reste habitable le plus longtemps possible et limiter sa fonte... Autant de choses qui seraient vitales pour l'hiver à venir et la survie des habitants de l'iceberg. Sans parler de s'occuper des jeunes enfants voire des éventuels malades ou blessés.

Les aventuriers prirent bientôt congé des Lossoth qui les avaient accueillis. Nul doute qu'ils feraient de leur passage parmi eux de nombreuses histoires et chansons, et que le récit de leur irruption dans leur vie serait bientôt moult fois partagé avec les autres Hommes des Neiges avec qui ils seraient en contact. De leur côté, sans réfléchir aux bons et mauvais côtés de cette future célébrité, Isilmë et ses compagnons remirent leurs barques à l'eau et reprirent leur route sur la baie de Forochel. Cette fois-ci ils avaient pour les guider non seulement les sorts de divination de l'archer-magicien dunéen, mais également les nombreuses explications données par leurs hôtes suite aux demandes qu'ils leur avaient faites. La guerrière elfe ne comprenait pas tout à leurs récits de courants et d'emplacement probable, mais suffisamment pour savoir mieux où chercher un iceberg susceptible d'abriter Dwimfa et les Chasseurs des Mers qui l'avaient accueilli...

Une nouvelle journée se passa donc à pagayer, avec l'aide du courant, avec de rares contacts avec les autochtones et la recherche de nouvelles maisons de glace. Progressivement, les héros changeaient de décor, tandis qu'ils entraient dans des estuaires plus abrités des courants et où les icebergs étaient peut-être plus nombreux. Il faisait aussi plus froid, et les bords des côtes étaient plus souvent en partie pris par les glaces. L'automne ne durerait pas, même si ça n'en était que le début, l'hiver serait vite là. Au nord, des montagnes étaient visibles à l'aide de la longue-vue quand le temps était assez clair. Enfin, les sens exercés des membres du groupe distinguèrent un iceberg habité qui, selon les informations données, pouvait être susceptible d'être celui abritant l'ancien ami d'enfance de Vif. Ils s'en approchèrent et abordèrent ses habitants, qui leur répondirent. Non, ce n'était pas la demeure du village qui abritait l'ancien aventurier amnésique. Mais il fallait bien trouver un abri pour la nuit...
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Niemal
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Grand Nord - 7e partie : épidémie de morts-vivants

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1 - Histoires à faire peur
Une nouvelle fois, les Lossoth présents accueillirent les aventuriers avec une certaine réserve. Les esprits qui parlaient à leurs viisaat ("sages") et leurs henkinimittäjät ("nommeurs d'esprit") leur collaient véritablement une réputation peu enviable (mais juste !) comme aimants à problèmes et mauvais esprits. Et vu la vitesse à laquelle Taurgil et compagnie se déplaçaient, ils ne pouvaient que constater la réalité de ces esprits ou du moins de la magie qu'utilisaient les Hommes des Neiges pour guider leurs vies et obtenir des informations sur leur avenir proche... et l'impact que pouvait avoir la venue du groupe. Mais en fin de compte, la simplicité et la bonté de ce peuple frustre mais soudé les empêchaient de refuser toute demande d'aide. Une nouvelle fois, malgré des signes peu encourageants, les aventuriers purent pénétrer dans la montagne de glace habitée.

A nouveau, malgré les peurs liées entre autres à leur apparence, en particulier celles de Vif ou Geralt, les sept amis utilisèrent leurs dons pour la cuisine, le théâtre, la musique et le chant pour passer de très bons moments en compagnie de leurs hôtes. Hôtes qui les adoptèrent bientôt et profitèrent de cette irruption fantastique et agréable dans leurs vies dangereuses et parfois monotones. En plus de cela, certains se surpassèrent, comme Taurgil en cuisine ou encore Isilmë au chant. Sans parler du charme de la chaude fourrure féline auprès des enfants lossoth, bien moins effrayés que leurs parents... Tant et si bien que l'ambiance fut vraiment festive et que les langues se délièrent facilement. Et puis l'elfe comme le Dúnadan comprenaient de mieux en mieux le labba, la langue de leurs hôtes, et ainsi les échanges étaient-ils plus faciles.

Au départ les aventuriers ne comptaient pas interagir particulièrement avec leurs hôtes, juste assez pour les aider à trouver Dwimfa, l'ami d'enfance de Vif. Néanmoins, ils entendirent parler d'une histoire inquiétante et récente qui s'était passée peu de jours auparavant dans un autre iceberg habité, non loin de celui dans lequel ils se trouvaient. Il s'agissait d'une histoire de quête ayant misérablement échoué et porteuse de sinistres présages : il semblait qu'un important iceberg funéraire avait été occupé par de puissants morts-vivants bien connus dans la région. Cet iceberg avait la particularité d'héberger un puissant artefact qui empêchait les morts de se relever et de tourmenter les vivants. Mais divers(es) sages et nommeurs d'esprit avaient senti que cet artefact était menacé, et ils avaient donc envoyé une équipe pour le ramener en sécurité. Un seul homme était revenu de l'expédition, traumatisé, ayant de terribles visions, incapable de tenir des propos cohérents et d'expliquer à quiconque ce qu'il avait vu ou vécu...

Taurgil, très intéressé, demanda plus de détails. En réponse il lui fut conté deux histoires, qui furent vite traduites par Isilmë qui se sentait particulièrement en forme ce soir-là et qui montra une maîtrise du labba vraiment exceptionnelle. Toute l'équipe apprit donc bientôt l'histoire d'Elämänantaja et de la Meripihka ("résine de mer"), mais aussi celle de Sinipilvi et du visiteur masqué. Toutes les deux se rapportaient à l'épidémie de morts-vivants qui touchait les Lossoth depuis plus d'une vingtaine d'années. Cette épidémie avait probablement pour cause des perles maudites, copies de perles magiques autrefois fabriquées par une civilisation ancienne et à présent disparue. Ces perles maudites, dont l'origine angmarienne semblait acquise, offrait une puissante magie au bénéfice de leurs possesseurs, mais elle finissait par les mener à leur perte et les empêchait de trouver le repos.

La première histoire avait comme figure centrale une viisas ("sage") très douée nommée Elämänantaja ("Donneuse de Vie"). Lorsqu'elle avait compris, comme d'autres avec elle, le danger posé par ces perles maudites, elle avait cherché conseil auprès du monde des esprits et elle était partie en quête d'une magie qui pourrait les aider. Elle était revenue avec un objet en forme de grosse larme, translucide, qui décupla sa magie des soins et de la protection. Avec cet objet, elle put tracer des runes magiques puissantes dans le plus grand des icebergs funéraires des Chasseurs des Mers, et ainsi s'assurer qu'aucun mort inhumé là ne pouvait se relever. A sa mort deux ans plus tard, l'artefact en question fut installé comme prévu dans une pièce spéciale de l'iceberg, qui ne fut jamais dérangé par aucun mort-vivant. Tout cela s'était passé environ quinze ans dans le passé.

Mais une autre histoire plus sinistre suivit la première. Elämänantaja avait une assistante du nom de Sinipilvi ("Nuage Bleu"). Un hiver, alors qu'elles habitaient toutes deux une maison de glace (igloo) suite à des déplacements pour soigner d'autres Lossoth, l'igloo eut un étrange visiteur. Seule Sinipilvi était présente, sa patronne s'étant absentée pour aller donner des soins. Avec effroi, elle vit entrer un grand visiteur couvert de manteaux noirs et dont elle ne pouvait voir le visage. Après avoir réclamé Elämänantaja et constaté son absence avec déplaisir, le visiteur demanda à Sinipilvi une herbe pour soigner les engelures, à quoi elle répondit qu'elle n'en avait pas. Mais l'homme, selon la légende, avait reniflé et il s'était saisi de la bourse qui contenait les herbes qu'il avait réclamées, comme s'il l'avait identifiée à l'odeur. En échange, il offrit à Sinipilvi une bourse contenant trois perles magiques pour paiement des herbes qu'il avait prises. Plus tard, Elämänantaja avait regretté de ne pouvoir rencontrer l'inconnu, mais elle avait laissé les perles à son assistante, perles qui renforcèrent beaucoup sa magie des soins, si bien qu'elle rivalisait avec celle de la Donneuse de Vie. De manière étrange, la bourse contenant les herbes prises par l'inconnu fut retrouvée non loin au printemps suivant. Malheureusement, au bout de quelques années, Sinipilvi ne trouva plus aucune motivation à ce qu'elle faisait. Motivée par le désespoir, elle se suicida avec ses deux filles et son fils, mais leurs corps ne purent connaître aucun repos. Depuis, ce ne sont que des créatures maléfiques dont le principal objectif semble être de répandre la mort, ou plutôt la non-vie.

2 - Première quête
Taurgil était d'autant plus intéressé que la fameuse "résine de mer" (Meripihka) de la première histoire correspondait en tout point à leur larme de Yavanna. Tant au niveau de la description physique que des effets de la magie, cela collait parfaitement à ce qu'ils connaissaient déjà. La viisas dont il était question dans l'histoire avait donc utilisé une larme de Yavanna pour créer des runes ou rituels capables de bloquer la non-vie qui touchait certains morts affectés par la magie des perles maudites probablement fabriquées par Angmar. Néanmoins, le roi-sorcier d'Angmar avait par la suite envoyé quelqu'un - voire s'était déplacé lui-même ? - afin de corrompre la célèbre viisas. Faute de mieux il avait piégé son assistante. La description du visiteur masqué faisait d'ailleurs penser à certains à la sinistre créature qu'ils avaient entrevue à leurs trousses, quelques jours auparavant. Créature qui semblait très puissante, plus encore qu'Andalónil et l'autre personne qui les poursuivaient depuis Dol Guldur.

Mais l'histoire racontée était également intéressante pour une autre raison : les aventuriers tenaient là une occasion unique pour aider les Lossoth, et se faire aider d'eux. De toute manière les morts-vivants étaient leurs ennemis à tous, et l'équipe avait les moyens - magie, larme, bâton - de combattre ces créatures. Par ailleurs, le Dúnadan pensait de plus en plus à un lien possible entre la recrudescence récente de l'épidémie de morts-vivants chez les Lossoth, et le mauvais sort de leurs prédécesseurs, à savoir les aventuriers dont Dwimfa était l'unique survivant. Du moins sans compter sur une soigneuse devenue le jouet de Tevildo et une magicienne elfe possédée par le démon du froid Eloeklo. Quoi qu'il en fût, le moment de la chute du bateau volant qui hébergeait les aventuriers et le moment de l'explosion de morts-vivants correspondait à peu près. Qui sait s'il n'y avait pas de puissants artefacts possédés par les ex-aventuriers et qui étaient tombés entre de mauvaises mains ? Tout semblait lié...

Et même sans cela, aider les Lossoth à purifier leur iceberg funéraire ne pouvait leur faire de mal. Les Chasseurs des Mers semblaient hésiter à les amener à Dwimfa de peur de déchaîner une malédiction sur eux. Reprendre leur quête et l'amener à une heureuse conclusion aiderait à lever les derniers doutes à leur sujet. En effet, les Lossoth, s'ils percevaient bien que les aventuriers attiraient la poisse, avaient aussi compris qu'ils pouvaient avoir un effet bénéfique. Restait à leur prouver que le jeu en valait la chandelle, par exemple en récupérant leur larme de Yavanna ou mieux encore, en nettoyant le coin des puissants morts-vivants qui les affligeaient. Car il semblait bien que Sinipilvi et sa famille figuraient parmi les plus puissants des morts-vivants contrôlés par Angmar et consorts.

Par la suite, tant auprès de leurs présents hôtes que de ceux qu'ils seraient amenés à rencontrer, les aventuriers écoutèrent avec attention tout ce qui se disait sur Sinipilvi et sa famille de morts-vivants. Ils apprirent ainsi que le fils de la viisas morte-vivante s'appelait Lumipallo ("Boule de Neige"), dont la description faisait plutôt penser à un guerrier. La fille cadette portait le nom de Pieni Kukka ("Petite Fleur") et elle était aussi une viisas, suivant sa mère avec dévotion. La fille aînée, elle, était connue sous le nom de Sadenainen ("Femme de Pluie"). Ce n'était pas une viisas mais une henkinimittäjä, et on la disait puissante et capable de maîtriser les éléments comme le vent, l'eau, la glace ou le feu. Ce qui en faisait un adversaire redoutable, en particulier au sein d'un iceberg.

Après débat, le groupe décida de remettre à plus tard la recherche de Dwimfa pour se concentrer sur la résolution de cette histoire d'iceberg enchanté et de morts-vivants. Apparemment Sinipilvi et sa famille avaient été vus, ou perçus en rêve, dans l'iceberg qui hébergeait la larme de Yavanna qui empêchait les morts-vivants de se lever. Il y avait urgence, et il fallait essayer d'en savoir plus avant de se jeter aveuglément dans la bataille. Leur premier objectif serait donc de rencontrer le survivant de l'expédition dans l'iceberg, de le soigner à l'aide de leur larme et de magie des soins, et d'en apprendre le plus possible sur ce qu'il avait vu. Après discussion avec leurs hôtes, ceux-ci acceptèrent de laisser quelqu'un les guider vers l'autre iceberg habité où le survivant avait été ramené. Cela prendrait quelques heures en barque et pourrait se faire dès le lendemain.

3 - Mauvais temps et brise-glace
Tandis que la plupart de ses amis allaient se coucher, Drilun décida d'interroger les étoiles pour en apprendre plus sur ce qui les attendait. Le ciel était couvert néanmoins, mais il usa de sa magie pour éclaircir les cieux et lui permettre de pratiquer sa divination magique. Ou du moins était-ce là son objectif. Mais les choses ne se passèrent pas si simplement : après un moment où tout se passait comme prévu, le ciel qui commençait à se dégager changea brusquement pour le pire : une masse de gros nuages obscurcit bien vite le ciel, le vent se leva et la température chuta brusquement. De la grêle força bientôt le Dunéen à rentrer dans l'iceberg sans avoir fait sa divination magique...

A ses sens magiques comme à ceux de ses amis perceptifs, comme Rob, l'origine de ce mauvais temps était toute trouvée : Andalónil était là pour les tourmenter et se jouer du magicien du groupe. Magicien qui ne comprenait pas vraiment l'objectif du démon : avait-il quelque chose en cours qu'il souhaitait terminer avant de voir les aventuriers débarquer ? Ce sentiment se renforça après la nuit, quand les membres du groupe constatèrent que la tempête, dehors, n'avait pas faibli et qu'elle empêchait de prendre la mer. Lossoth comme aventuriers étaient bloqués dans l'iceberg, et, s'ils firent contre mauvaise fortune bon cœur et profitèrent les uns des autres, ils discutèrent beaucoup de la tournure que prenaient les événements.

Leurs hôtes, s'ils expérimentaient régulièrement des tempêtes en automne, s'alarmaient tout de même de son caractère précoce et de l'intensité du froid. Drilun avait utilisé ses sens magiques pour percevoir une activité quelconque dans les environs mais il n'avait rien senti d'autre que le vent et la grêle. Geralt, de son côté, avait pris la précaution de se tenir non loin de l'entrée de l'iceberg de manière à percevoir plus facilement l'arrivée inopportune d'un éventuel visiteur. Mais rien ne se passa et la journée et la nuit suivante se déroulèrent sans incident. Tout au plus les habitants de l'iceberg sentirent-ils que leur habitation bougeait de moins en moins, comme lorsqu'elle commence à être prise par les glaces, et ainsi stabilisée.

Le lendemain, le ciel était limpide et le froid glacial. Tout autour de l'iceberg, une couche de glace large d'une portée de flèche faisait comme un anneau blanc. Cette glace posait problème selon les Lossoth, car elle était certainement trop fragile pour supporter le poids d'une personne sur la majeure partie de la surface. Il fallait donc attendre de la voir fondre un peu pour pouvoir reprendre la mer, ce qui n'était pas trop du goût des aventuriers. Ces derniers, la lionne en tête, décidèrent de tester leurs capacités à briser la glace sans tomber dans l'eau glacée. Tant Vif que Taurgil étaient assez agiles et perceptifs pour sentir la glace craquer et sauter en lieu sûr et rester au sec. Tous n'avaient pas leurs capacités (ou leur poids), et après quelques expériences moins concluantes, ils laissèrent la féline Femme des Bois s'occuper de la tâche, tandis qu'ils dégageaient leurs propres barques.

Cela prit tout de même plusieurs heures à la lionne pour dégager complètement l'espèce de port où s'amarraient les barques des Chasseurs des Mers sur leur iceberg. Au bout du compte les aventuriers et leur guide prirent la mer à la mi-journée seulement, vers le nord. Par ailleurs, aux dires des Lossoth et aux observations faites avec l'aide de la longue-vue, il semblait que la tempête avait poussé la montagne de glace vers le sud. Le trajet serait donc un peu plus long que prévu. Et effectivement, s'il ne fut émaillé d'aucun incident notable, le voyage prit tout de même toute l'après-midi. Enfin, alors que le soleil se couchait à l'ouest, leur guide annonça qu'ils arrivaient à destination : il reconnaissait l'iceberg qui abritait le village d'où venait le survivant de l'expédition malheureuse dans le mausolée glacé, village où il était à présent soigné.

4 - Sommeil et soins
Avec toujours une certaine gêne ou appréhension, les aventuriers rencontrèrent la viisas du village qui accepta de les emmener auprès du survivant de la funeste expédition. Cette dernière avait eu lieu moins de deux semaines auparavant, et le rescapé, dont le nom était Nuorilintu ("Jeune Oiseau"), avait été retrouvé sur les rives proches du mausolée de glace, tremblant de tout son corps en regardant fixement le large. Depuis il avait été ramené auprès des siens mais il était incapable de parler de manière cohérente et de répondre aux questions. Il paraissait voir des choses terrifiantes qu'aucun autre ne percevait, et parfois il se mettait à crier des phrases sans signification, ou alors des choses comme "Cousin, non, ne fais pas ça !". Et malgré ses compétences et sa magie, la viisas avait été incapable de le soigner.

Il était présentement en train de dormir, et le magicien Dunéen proposa d'aller visiter ses rêves par magie. Pour le moment il avait l'air calme, en paix, et Drilun put s'allonger près de lui sans susciter aucune réaction. A l'aide de son sort il sombra bientôt dans les brumes du sommeil, ou plutôt celui de Nuorilintu. Ce dernier revivait une scène de chasse - c'était un scout et chasseur de baleine renommé qui s'était porté volontaire pour mener l'expédition dans l'iceberg funéraire - qui culmina avec la mort de la baleine et son remorquage dans l'iceberg qui leur servait d'habitation. Drilun le vit découper le flanc de la bête, pour trouver sous la peau du cétacé... un trou noir, dans lequel il s'engouffra.

Le décor changea brusquement : le "Jeune Oiseau" se trouvait à présent dans une grande pièce vide, mais dont le plancher était en fait le couvercle de nombreuses tombes de glace à travers laquelle on pouvait distinguer des corps. Soudain une femme blonde à la peau bleutée apparut dans la pièce en riant après lui, et progressivement les morts se levèrent par dizaines, sortant de leur trou et avançant vers lui. Il fuit mais les morts étaient toujours plus nombreux et sa course se termina dans un cul-de-sac, face à une multitude de morts-vivants armés. Et alors que le premier d'entre eux levait son harpon avec l'intention manifeste de le faire passer de vie à trépas, le Dunéen perçut le grand désarroi de son hôte en rêve, hôte qui criait et suppliait le mort, qu'il appelait son cousin, de l'épargner... sans succès.

Drilun se réveilla avec un bleu à la mâchoire, bleu causé par Nuorilintu qui était sorti de son sommeil en se débattant, comme à l'issue d'un cauchemar. Malgré son réveil, il semblait toujours en partie en proie aux affres d'une confrontation avec des morts-vivants. C'est le moment que choisit Taurgil pour prendre discrètement la larme de Yavanna et la mettre en contact avec le corps du chasseur. Ce dernier cessa de se débattre, même s'il tremblait encore beaucoup. Pour la première fois il sembla reconnaître des visages autour de lui et demanda où il était, avant de fondre en larmes, comme en état de choc. Puis il se jeta dans les bras de l'elfe qui avait utilisé sa magie pour paraître plus rassurante et l'aider à se sentir mieux, avant de sangloter. Isilmë utilisa à nouveau de magie pour le plonger dans un sommeil profond et réparateur, dans lequel il sombra sans attendre.

Enchantée de cette guérison, la viisas partit bientôt annoncer la nouvelle au reste du village et organiser un petit événement festif pour célébrer la chose et remercier les étrangers. Il fut convenu que l'homme serait questionné à son réveil le lendemain seulement, après avoir repris des forces. Le reste de la soirée fut consacré à se socialiser et à faire bonne impression auprès des Lossoth, avec toujours les mêmes astuces et le même succès. C'était aussi l'occasion pour les membres du groupe d'améliorer leur connaissance du labba, la langue du Grand Nord, et de s'imprégner de la culture de leurs hôtes. Comme par le passé, une pièce fut mise à leur disposition pour passer la nuit lorsque tous partirent se coucher.

5 - Visite et questionnement
Le lendemain, le "Jeune Oiseau" dormait toujours alors que les habitants de l'iceberg étaient actifs : chasseurs de baleine et pêcheurs partirent en barque, de même que des cueilleurs ou chasseurs de lièvres blancs, d'élans ou autres. A l'intérieur du village de glace, les Lossoth anticipaient l'hiver en fabriquant, réparant, préparant outils, vêtements et armes, sans parler de conserver la nourriture en trop et de s'occuper des enfants et de l'iceberg, entre autres choses. De leur côté, les aventuriers décidèrent d'attendre le réveil naturel de Nuorilintu pour pouvoir l'interroger sur ce qui s'était passé dans l'iceberg funéraire, même s'ils en avaient à présent une assez bonne idée. Néanmoins, ils ne s'attendaient pas à recevoir une visite dans la matinée.

Ils furent en effet présentés à Pitää Kalasta ("Aime le Poisson"), un Chasseur des Mers d'un certain âge, petit et trapu et manifestement bien musclé. Ses cheveux blonds tombaient jusqu'à ses épaules, ses yeux étaient d'un bleu très pur, et son visage inspirait la franchise et la confiance en soi. Taurgil et ses amis virent tout de suite que les autres Lossoth le traitaient avec une grande déférence, c'était manifestement une personne importante. Ce qui fut confirmé en partie par l'homme, qui parlait assez bien le ouistrain. D'après ses dires, les gens de son clan voire d'autres clans le recommandaient souvent pour commercer ou parler aux étrangers, en raison de son expérience. En cela il était le tietäyä ("celui qui sait") de son clan, sorte de personne de référence vers qui on se tourne pour trouver conseil en cas de difficulté. C'était sans doute ce qui se rapprochait le plus d'un chef chez les Lossoth, même si chacun était libre de faire ce qu'il voulait et si personne ne commandait à personne. Plus tard les aventuriers apprendraient qu'il était aussi un membre respecté du Culte de la Baleine, qui regroupait les chasseurs de cétacés, mais également qu'il était reconnu pour son jääsilmä ou "Œil de Glace", c'est-à-dire sa capacité à juger de l'habitabilité d'un iceberg.

C'était donc une éminence des Chasseurs des Mers qui venait les voir pour en savoir plus à leur sujet. L'homme était très franc et posait des questions directes sur leurs motivations à venir ici et à les aider, comme la viisas de l'iceberg lui avait manifestement fait part : que venaient faire des étrangers dans le Grand Nord et pourquoi aider les Lossoth contre les morts-vivants, entre autres choses ? Taurgil répondit avec franchise que les morts-vivants étaient leurs ennemis communs et qu'ils étaient venus combattre d'autres ennemis encore, pour lesquels l'aide des Lossoth serait précieuse. Bref, il mit en avant la coopération, l'entraide et le combat contre les mauvais (et puissants) esprits, sans omettre Tevildo, qui avait une certaine influence sur eux.

Au passage, l'homme accepta aussi de répondre à des questions et son importance crut encore pour Taurgil et ses compagnons. En effet, il habitait un autre iceberg proche de celui dans lequel ils se trouvaient, un "village de glace" plus grand, et manifestement important. Et il devint vite évident qu'il connaissait Dwimfa, l'ami d'enfance de Vif, qu'ils cherchaient. Il était probable que ce dernier vivait dans le même iceberg, et que "Aime le Poisson" n'était pas encore décidé sur l'attitude à avoir face au groupe d'étrangers. Selon les songes des nommeurs d'esprit ou des sages concernant Dwimfa et les aventuriers, ces derniers pouvaient amener le pire comme le meilleur. Manifestement, il avait voulu se rendre compte par lui-même.

La franchise du Dúnadan sembla parler à l'homme dont les yeux perçants paraissaient voir jusqu'au cœur des gens. Il revenait néanmoins toujours sur une question à laquelle il ne trouvait pas de réponse claire, car elle était un peu éludée par le grand rôdeur : la nature exacte de Vif. En fin de compte, Taurgil et ses amis, se sentant acculés par leur interlocuteur, choisirent de lui dire l'exacte vérité plutôt de de lui mentir, ne fût-ce que par omission. L'homme ne parut pas particulièrement surpris d'apprendre que la lionne était en fait une femme ayant le pouvoir de se transformer, prenant la chose comme ce qu'elle était : un constat. Il demanda si elle pouvait le faire à présent, par curiosité ou pour échanger plus facilement avec elle ; néanmoins il accepta - car c'était la vérité - de ne pas la voir faire cela dans l'immédiat car cela demandait beaucoup d'énergie à Vif.

6 - Informations et préparatifs
Le réveil de Nuorilintu, après un très long sommeil réparateur, permit de changer un peu les rôles. Après avoir été questionnés, les aventuriers devinrent les interrogateurs et ils se retrouvèrent auprès du chasseur rescapé afin d'en savoir plus sur ce qui s'était passé au cours de la récente et funeste expédition. La viisas du village et Pitää Kalasta étaient présents également, ce qui sembla rassurer un peu l'homme encore passablement secoué. Il accepta sans mal de répondre aux questions et de faire le récit relativement détaillé de ce qu'il avait vécu. En revanche, il était assez clair que sa contribution n'irait pas plus loin : en aucun cas ne retournerait-il là-bas...

Par ailleurs, son récit n'apportait pas tant d'informations nouvelles après la vision de Drilun. Le groupe de "Jeune Oiseau" était arrivé sans encombre au mausolée de glace, et après avoir sorti les barques hors de l'eau, les Lossoth étaient entrés, armes sorties et tous les sens aux aguets. Ils comptaient récupérer la Meripihka ("Résine de Mer") qui empêchait les morts de se relever, et qui devait se trouver dans la dernière pièce du mausolée. Malheureusement ils ne purent jamais y arriver, et manifestement la magie déployée dans l'iceberg avec l'aide de l'artefact ne fonctionnait plus : les membres de l'expédition furent bientôt assaillis par des corps morts animés et armés, ainsi que par une peur panique.

Le chasseur reconnut ainsi son cousin mort deux ans auparavant, et dont il était très proche. Cela brisa sa volonté et il ne put plus rester sur place. Il réussit à s'enfuir sans trop se rappeler comment, esquivant ses agresseurs, jusqu'à l'extérieur de l'iceberg. Là, il sauta avec tant d'énergie dans sa barque qu'elle glissa sur la glace jusqu'à l'eau. Il pagaya avec force jusqu'à entendre un rire et quelqu'un l'appeler, ce qui le fit se retourner. Il vit à l'entrée de l'iceberg une femme dont la description correspondait à Sinipilvi, qui lui parla comme pour transmettre un message à tous les Lossoth. En substance, elle annonçait qu'un nouveau monde allait voir le jour et que les enfants du chasseur, ou de tous les siens, seraient bientôt à elle. La mémoire du chasseur était encore confuse et il ne parvenait pas à se rappeler d'autres détails intéressants.

Tout cela fortifia la résolution des aventuriers qui comptaient plus que jamais aller là-bas. Pitää Kalasta les questionna sur leur capacité à combattre les morts-vivants. Il semblait vraiment avoir le don de savoir quand on lui mentait, et a contrario, il avait entière confiance en Taurgil et ses amis désormais, sachant qu'ils disaient la vérité. Il accepta donc d'aider le groupe à atteindre le mausolée de glace le lendemain, et il s'éclipsa pour bénéficier des conseils et visions de ses viisas et henkinimittäjä, et pour une purification avant d'entreprendre l'expédition. Le Dúnadan trouva l'idée bonne et demanda s'il était possible pour ses amis et lui de bénéficier également d'une purification pour s'assurer l'aide des bons esprits. Il lui fut répondu par l'affirmative, et que cela pouvait se faire le jour même, ce qui fut décidé : les sept amis allaient participer à un rituel des Lossoth.

Par ailleurs, la purification allait se faire dans les deux sens. En effet, avant que "Aime le Poisson" ne s'éclipse, Taurgil expliqua que ses amis et lui avaient le pouvoir de détecter et détruire les perles maudites qui affectaient son peuple. Il proposa donc d'étudier toutes celles portées par les Lossoth qu'ils seraient amenés à rencontrer, en commençant ici même. Pitää Kalasta ne sentant que vérité dans ces paroles, il convainquit les personnes de l'iceberg qui possédaient des perles de les soumettre à la magie des aventuriers. Ici comme dans la plupart des demeures qu'ils seraient amenés à visiter, quelques perles maudites seraient trouvées et détruites, à la confusion mais aussi à la satisfaction de leurs hôtes. Ce qui renforça l'estime des Lossoth pour ces étrangers qui leur apportaient une protection contre la corruption d'Angmar.

Le soir même, les sept amis participèrent donc à un rituel de purification sous la conduite de la viisas de l'iceberg qui allait encore les héberger une nuit. C'était une expérience nouvelle pour eux, et ils s'y prêtèrent du mieux possible, malgré l'inconfort d'être nus dans une caverne de glace et sous le regard de nombreuses personnes. Néanmoins cela permit de briser encore un peu plus la glace entre les Lossoth et eux, qui les traitèrent par la suite de moins en moins comme des étrangers environnés de mauvais esprits. Tant et si bien que le Dúnadan se vit proposer de passer la nuit en compagnie d'une jeune femme du village, comme cela était fréquemment la coutume chez les Lossoth. Ce qu'il accepta de faire, plus pour se rapprocher davantage encore de ses hôtes que pour son propre plaisir.

7 - Jusqu'à la Mer de Silence
Le lendemain matin, le groupe se prépara tranquillement à voyager et nettoyer un iceberg de ses nombreux morts-vivants. Leurs hôtes avaient fourni une description précise des cavernes qui servaient de mausolée, si bien qu'un plan assez détaillé avait pu être dressé. L'entrée des cavernes de glace était bordée par deux petites tours de glace qu'il était possible d'escalader, au sommet desquelles certains rituels pouvaient être accomplis. A l'intérieur, un long couloir aboutissait tout d'abord à six chambres rituelles pour les enfants, les femmes, les hommes, les viisaat et henkinimittäjät, les guerriers, et les membres du culte de la baleine. Par la suite, quatre chambres funéraires recueillaient les dépouilles : celle du clan de la baleine, celle du clan du poisson, celle du clan de l'oiseau de mer, et enfin celle du monde des esprits, réservée à d'important(e)s viisaat et henkinimittäjät. Enfin, le couloir finissait par déboucher sur un grand hall au sein duquel une chambre était sculptée en forme de baleine, qui hébergeait la "résine de mer" sur un piédestal.

"Aime le Poisson" arriva bientôt accompagné d'une jeune femme qui était aussi sa fille. Les aventuriers prirent leurs barques et la mer, puis ils suivirent les deux Lossoth qui connaissaient le chemin jusqu'à l'iceberg funéraire. Le voyage devait durer trois jours, si tout se passait bien. L'iceberg qui était leur objectif reposait en effet dans une autre baie que celle où ils se trouvaient, et plus exactement dans un bras de mer presque fermé dont les icebergs ne sortaient pratiquement jamais. Par ailleurs, il y régnait un très grand silence, si bien que l'endroit portait le nom de Mer du Silence. Les aventuriers furent prévenus qu'il n'était pas permis de briser le silence des lieux, sauf une fois l'iceberg atteint et pour des rites ou autres travaux funéraires.

Les deux premiers jours se passèrent sans problème. A chaque fois, Pitää Kalasta les amenait dans un iceberg habité en fin de journée. Il était toujours bien accueilli et le groupe mesura son importance, même si l'homme n'en tirait aucune fierté ou avantage quelconque. En tout cas cela permettait de briser la glace plus facilement, les aventuriers bénéficiant de la confiance que le chasseur leur montrait, notamment pour trouver et détruire les perles maudites que certains utilisaient. Au cours du matin du troisième jour, par contre, le temps se gâta et les plans durent être changés. La question se posa d'utiliser les pouvoirs magiques de Drilun pour faire fuir les nuages et continuer sans plus attendre, mais certains objectèrent que cela risquait d'attirer l'attention d'Andalónil, qui pourrait contrer leurs efforts par pure malice. Par ailleurs, d'après Taurgil, ce mauvais temps serait bref et il serait possible de reprendre la route dès le lendemain matin. De plus, cela permettrait d'arriver en milieu de journée, défavorable pour les morts-vivants, plutôt qu'en début de nuit.

"Aime le Poisson" dévia alors leur route pour chercher un hébergement dans un autre iceberg habité où ils passèrent le reste de la journée et la nuit. Au matin ils purent repartir comme prévu, et ils se rapprochèrent peu à peu de la côte occidentale de la baie où ils naviguaient. Les terres semblaient inhospitalières et dénuées de vie, essentiellement couvertes par des montagnes qui finissaient par plonger dans la mer. Il faisait plus froid également, et les côtes commençaient déjà à être prises par les glaces. Le bras de mer presque fermé qu'ils recherchaient fut bientôt atteint, et son ouverture était déjà entièrement glacée. Mais la glace était mince, il n'était pas possible de marcher dessus, et il fallut la briser pour pouvoir faire avancer les barques et retrouver un peu d'eau liquide sur laquelle naviguer.

Le silence était presque assourdissant, l'endroit portait bien son nom de Mer du Silence. Par endroit, des petits glaciers descendus des montagnes terminaient leur course dans l'océan et devaient se casser en petites montagnes de glace flottante qui donnaient des icebergs, dont certains assez gros et stables pour servir de mausolée. La petite caravane de barques se dirigea bientôt vers l'un d'eux, qu'elle atteignit vers le midi. Il était d'autant plus facile à repérer que quelques barques abandonnées gisaient non loin de l'entrée dans les cavernes du mausolée. L'iceberg n'était pas encore pris par les glaces, en revanche il avait sur une partie de son pourtour une petite couronne de glace qui se soulevait et plongeait avec le léger tangage de l'iceberg, ce qui rendait tout accostage difficile ailleurs que sur la rampe de glace inclinée près de l'entrée des cavernes.

8 - Brouillard et premiers combats
Le groupe débarqua sans mal auprès des autres barques laissées lors de la funeste expédition de "Jeune Oiseau". Elles étaient vides, sauf pour les rames, et ne semblaient pas avoir été touchées. Comme pour les icebergs habités, l'entrée des cavernes était assez étroite, et les plus grands devaient se baisser ; sans doute pour empêcher certains intrus comme des dragons de s'y installer ou jouer quelque mauvais tour. Puis le couloir s'élargissait vite et permettait à plusieurs personnes de marcher de front. En revanche, contrairement aux icebergs habités qu'ils avaient connus, les aventuriers trouvèrent que la glace sur laquelle ils marchaient étaient lisse et glissante, peut-être comme si elle avait en partie fondu récemment. Certains remarquèrent aussi que Pitää Kalasta marchait avec une très grande assurance, sans jamais glisser, et que son harpon semblait ancien et couvert de runes...

La fille du chasseur resterait près des barques, à l'extérieur. Il fut un moment question de laisser Mordin avec elle, non pour la protéger mais plutôt pour le protéger lui : il n'avait pas le pied très agile, contrairement à l'ensemble de ses compagnons, et certains de ses amis ne le voyaient pas trop combattre dans ses conditions. En fin de compte il prit une des dernières "noix de l'écureuil" restantes de manière à stimuler son adresse, et il suivit le groupe. Taurgil et Geralt marchaient en premier, Vif en dernier, et Drilun avait activé son bâton de lumière, non pour éclairer leurs pas - le soleil sur la glace translucide était suffisant pour chasser les ombres - mais pour gêner d'éventuels morts-vivants que sa lumière dérangeait. Les murs du couloir comportaient de nombreuses sculptures, même si certaines semblaient avoir fondu récemment.

Après un moment, le maître-assassin aperçut deux choses après un coude dans le couloir : une ouverture sur un côté devait livrer passage à une chambre rituelle, puis une deuxième de l'autre côté ; mais près d'une dizaine de corps ensanglantés obstruaient le passage précisément à cette intersection, probables victimes de la funeste expédition deux semaines auparavant. Les sens exacerbés de la lionne enchantée ne percevaient rien à proximité, même si de très légers sons plus avant dans le couloir indiquaient une présence animée dans des salles plus lointaines. Le groupe s'approcha avec précaution, quand de la brume manifestement magique commença à envahir le couloir et masqua les cadavres au sol. En parallèle, l'archer-magicien dunéen entendit une voix sinistre derrière lui lui annoncer sa fin prochaine. Il se retourna brièvement, mais personne d'autre que lui ne paraissait avoir entendu la voix...

Après s'être ressaisi, il lança un sort pour dissiper le brouillard épais qui menaçait de les engloutir tous. Juste à temps pour voir que les cadavres s'étaient animés et qu'ils avançaient vers les aventuriers, leurs armes prêtes à en découdre. Bientôt ce fut la mêlée, avec les principaux guerriers du groupe à l'avant - Vif s'étant déplacée pour l'occasion - et leurs compagnons en renfort. Ce fut donc l'occasion d'expérimenter le combat contre ces zombies et de tester l'efficacité de leurs armes et magies. Car si les créatures mortes-vivantes étaient effroyablement fortes et résistantes, elles n'étaient pas assez rapides ou adroites pour inquiéter réellement les aventuriers, qui ne reçurent jamais plus que quelques bleus ou égratignures vite oubliés.

Mais combattre ces morts-vivants n'avait rien d'évident. L'épée magique de Geralt ou les griffes de la lionne arrivaient à briser ou trancher membres voire têtes, mais cela n'empêchait nullement le reste du corps de continuer à combattre, bien qu'avec davantage de difficulté. Quant aux flèches, elles semblaient n'avoir quasiment aucun effet. En revanche, le bâton de lumière de Drilun était particulièrement destructeur et faisait comme exploser les chairs mortes à chaque coup, et le contact de la larme de Yavanna porté par Taurgil dissipait la magie qui permettait aux corps d'avoir un semblant de vie et de pouvoir attaquer. Au bout du compte, les morts-vivants furent mis hors d'état de nuire assez vite, malgré une petite voix menaçante qui titilla plusieurs fois Geralt ou Drilun sans qu'ils puissent trouver d'où elle provenait, mais sans les affecter plus pour autant. Pitää Kalasta s'était tenu prêt à intervenir mais il n'en avait pas eu l'occasion, ce qui lui avait permis d'observer l'efficacité de ses compagnons. Et ce qu'il avait vu semblait lui convenir.

9 - Séparation et piège
Le combat résolu, les huit membres de l'équipe explorèrent les chambres rituelles avec précaution. Elles étaient vides d'occupant, leurs parois très finement sculptées dépeignant des scènes de la vie quotidienne le plus souvent. Pourtant, là encore, certaines sculptures semblaient avoir souffert d'une exposition à la chaleur. "Aime le Poisson" se rappela que ces endroits correspondaient à des zones où des runes de protection avaient été gravées par la vieille viisas qui s'était servi de la "résine de mer". La fille de Sinipilvi qui maîtrisait la magie du feu avait sans doute fait fondre ces protections à distance, ce qui avait permis aux morts-vivants d'entrer et de permettre aux corps maudits de prendre un semblant de vie. Et l'iceberg funéraire contenait des milliers de morts...

Le groupe poussa plus avant dans le couloir, jusqu'à une ouverture sur la gauche. Elle menait à la salle funéraire du clan de la baleine, sorte d'immense labyrinthe à trois dimensions dont les murs étaient percés de trous dans lesquels les corps avaient été disposés tête la première, si bien que seuls les pieds étaient clairement visibles dans le trou. Les corps étaient habillés et ils tenaient à la main ou portaient sur eux un objet de valeur pour eux - souvent un outil ou une arme, fait le plus souvent en ivoire ou os de baleine. La croyance voulait qu'ainsi les morts fussent rassurés par cet objet familier, qui les aidait dans leur ultime voyage dans l'au-delà. Déranger ou voler de tels objets, quelle que fussent leur utilité et leur valeur, était considéré comme un grand crime par les Lossoth.

La féline Femme des Bois percevait une présence dans la pièce, comme si quelqu'un était là qui marchait lentement, sans respirer, sans avoir de cœur battant dans la poitrine. Cela fut confirmé par un sort du Dunéen qui percevait bien un bipède marchant lentement au centre de la pièce. Plutôt que de laisser un mort-vivant sur leurs arrières, l'équipe décida de laisser partir en reconnaissance Vif et Taurgil afin d'évaluer la menace et d'y mettre fin au besoin. A sa demande, Pitää Kalasta les accompagna. Le reste de l'équipe resterait sur place, prête à venir en aide mais surtout à empêcher une attaque arrivant du couloir. Pour cela, Mordin et Geralt se postèrent dans le couloir à l'intersection avec le passage vers la chambre funéraire, tandis que Rob, Isilmë et Drilun attendaient dans ce même passage, attentifs.

Après un moment, alors que les trois compagnons avaient disparu sans bruit dans la chambre funéraire, le petit hobbit sentit de la magie à proximité, et en particulier... sous les pieds de ses deux compagnons plus loin. Le balafré aux cheveux blancs se rendit compte, à peu près en même temps, que quelque chose se passait sous ses pieds. Il se rendit compte qu'il marchait au-dessus d'un gros trou qui occupait l'essentiel du passage, et que la glace sur laquelle il se tenait était en train de fondre. Puis tout se passa très vite : la glace fragilisée se brisa sous le poids combiné des deux aventuriers, tandis que le petit voleur prévenait ses amis. Le maître-assassin eut juste le temps de se retenir sur le bord du trou et d'arrêter sa chute, tandis que l'elfe plongeait pour attraper - avec succès - la main du nain qui n'avait rien vu venir.

Alors que Geralt, en bon acrobate qu'il était, ressortait du trou avec facilité, Isilmë découvrait qu'elle ne pouvait guère que freiner la chute du nain... qu'elle suivit dans le trou faute de le lâcher à temps. Tous deux plongèrent dans une eau glaciale quelques pas plus bas, tandis que des morts armés arrivaient dans le couloir pour s'occuper des vivants. L'assassin de Tharbad se dressa alors face à eux, dos au trou, tandis que Rob prenait son arc et que l'archer-magicien se saisissait de la corde magique du serpent qu'il avait avec lui. Plus bas, elfe et nain découvraient avec effroi que l'eau glacée dans laquelle ils trempaient commençait à se solidifier alors qu'ils venaient à peine de sortir la tête hors de l'eau !

10 - Sauvetages
Plus loin dans la pièce mortuaire, Vif et ses compagnons entendirent les bruits de combat. Mais, confiants dans les capacités de leurs amis, ils décidèrent de les laisser gérer le problème sans eux, et ils continuèrent à avancer. Ils ne virent donc pas Geralt trancher la jambe d'un mort, mort qui s'écroula et dont l'élan le propulsa dans le trou où étaient tombés le nain et l'elfe. Ils ne virent pas non plus le hobbit envoyer ses flèches sans grand effet, avant de lâcher son arc pour lancer des morceaux de glace à la tête des morts. Ils ne virent pas plus Drilun animer la corde magique et arriver par un grand effort à arracher le nain de la gangue de glace dans laquelle il se débattait...

Bientôt Isilmë fut aux prises avec un mort-vivant qui lui était tombé dessus et qui était bien plus fort qu'elle. Prise dans la glace, elle ne pouvait bouger beaucoup et elle était donc une proie facile, sans arme. Un de ses amis avait laissé tomber une épée à son attention, mais elle était trop loin d'elle et elle ne put la prendre pour s'en servir contre son agresseur qui menaçait de lui arracher la tête ou de l'étrangler. Au bout d'un moment la corde magique s'enroula autour d'elle mais son bien-aimé ne put l'arracher de la glace comme il l'avait fait avec Mordin. Il chercha alors à empoigner le mort avec la corde mais sans plus de succès : le mort-vivant était trop costaud et il se retenait à l'elfe...

De son côté, Geralt tranchait membre après membre mais les corps encore animés menaçaient de le faire tomber, même si son armure était assez robuste pour le protéger de leurs morsures. Il poursuivit son combat tandis que le nain, qui avait repris ses esprits (et son arme) de l'autre côté du trou, essayait de venir l'aider. Malheureusement, seule une petite corniche sur le bord du piège permettait de rejoindre son compagnon, et il n'avait pas le pied très sûr malgré la consommation de la noix de l'écureuil. Il y parvint néanmoins, au prix d'un effort certain, et put ainsi aider son ami à découper les morts en petits morceaux inoffensifs.

Dans le trou, l'elfe guerrière se rappela enfin que la magie des soins était néfaste aux morts-vivants. Grâce à un tel sort elle put enfin blesser et faire lâcher prise à son agresseur mort-vivant, qui put être géré par ses compagnons plus haut, et en particulier Drilun. Par la suite il faudrait encore casser la glace autour d'Isilmë pour permettre à cette dernière de se libérer enfin de la gangue de glace qui l'emprisonnait. Alors que le combat était terminé, elle put sortir du trou dans laquelle elle était tombée en tâchant de venir en aide au nain, geste qui au final n'avait été d'aucune utilité. Sauf peut-être vexer un peu Mordin d'avoir été aidé par une elfe !

En haut, tout était terminé, les derniers agresseurs avaient été transformés en petits morceaux, ce qui, à défaut d'être très rapide, était tout aussi efficace que la magie de la larme ou du bâton de lumière. L'elfe n'en était pas sortie indemne mais ses blessures restaient légères, et les autres n'avaient pas à se plaindre de grand-chose. Par contre, il était possible d'entendre des voix dans la chambre funéraire du clan de la baleine. Manifestement, leurs compagnons avaient rencontré le mort-vivant perçu auparavant et cela n'avait pas dégénéré en combat. Il semblait même qu'ils s'affairaient à quelque chose, se déplaçant ou déplaçant des corps. Ils s'armèrent donc de patience pour les voir revenir et leur donner le récit de ce qu'ils avaient fait.

11 - Malédiction et allié
Après un moment à déambuler dans les couloirs labyrinthiques de la chambre funéraire, face à des centaines de paires de pieds qui émergeaient des murs, Vif, Taurgil et Pitää Kalasta arrivèrent enfin vers le centre, face au mort-vivant qu'ils entendaient déambuler. De son vivant ce devait être un homme imposant et très costaud - ils apprendraient plus tard que le nom de l'homme était Puolikarhu ("Demi-Ours") - mais la mort ne l'avait pas rendu plus beau : sous l'effet d'une longue exposition au froid, sa peau était noircie et craquelée. Mais ce ne fut pas ce qui frappa les trois compagnons de prime abord : lorsqu'ils virent "Demi-Ours", ils sentirent une vague de désespoir tenter de les balayer. Taurgil était protégé par la larme de Yavanna avec laquelle il était en contact, et Vif avait une très forte volonté, ainsi qu'une babiole magique du Dunéen pour l'aider. Mais devant l'intensité de ce désespoir, le Dúnadan crut bon d'aider "Aime le Poisson" avec un sort de soin afin de protéger son esprit, ce qui ne sembla pas inutile, l'homme marquant le coup devant tant de sentiments négatifs.

Après quoi Puolikarhu prit la parole et raconta sa triste histoire, quand, vingt-cinq ans auparavant, il avait aidé à choisir et à creuser un iceberg pour sa famille et son village. Il était doué pour cela, en particulier à l'aide de perles magiques qu'il portait. Mais quelque chose tourna mal alors qu'il était sur la rive, et il vit l'iceberg se retourner et se briser, engloutissant sa famille et son village. C'est lui qui, plus tard, retrouva les corps de ses proches et il comprit à leur grimace qu'ils étaient morts en sachant que c'était de sa faute. Il mourut peu de temps après mais il ne put trouver le repos. Néanmoins, lorsque l'iceberg funéraire dans lequel il reposait fut protégé magiquement, il resta en "sommeil", jusqu'à ce que Sinipilvi et les siens viennent le libérer et le faire souffrir avec la mémoire de ce qu'il avait fait.

Tout cela avait été traduit par "Aime le Poisson", ce qui permit à la lionne enchantée de tout comprendre, le rôdeur ayant à présent une maîtrise suffisante pour comprendre l'essentiel par lui-même. Relayée par la magie de son ami qui pouvait la comprendre et traduire auprès du Lossadan, elle proposa d'essayer de se faire un allié de l'homme mort. Manifestement, même s'il était mort-vivant et s'il irradiait le désespoir, il n'était pas foncièrement mauvais et ne souhaitait qu'une seule chose, c'était trouver la paix. Il restait juste à le convaincre qu'ils étaient ses alliés et non une menace, et qu'ils pouvaient lui permettre de reposer enfin et ne plus être un mort-vivant tourmenté.

Il fallut beaucoup parler et expliquer. Souvent Vif avait des idées qu'elle grognait pour qu'elles soient traduites par Taurgil à l'attention de Pitää Kalasta, qui ensuite les exprimait en labba à "Demi-Ours". Petit à petit, l'homme se laissa convaincre qu'il pouvait guérir de sa malédiction : d'une part en aidant les aventuriers à rendre la paix aux morts-vivants présents dans l'iceberg, d'autre part en se laissant purifier par la larme de Yavanna. Il lui fut expliqué que le drame qu'il avait vécu n'était pas de sa faute mais qu'il avait été causé par la magie pernicieuse et maudite de perles magiques fabriquées par Angmar. Ce qui était fait ne pouvait plus être défait, mais en aidant à détruire les perles maudites restantes et soigner les morts qui ne trouvaient pas le repos comme lui, il connaitrait le pardon.

Puolikarhu les testa tout de même en éveillant un mort, afin que les étrangers puissent prouver qu'ils étaient capables des choses qu'ils avançaient. Il fut satisfait de les voir à l'œuvre et il accepta de leur indiquer quels morts pouvaient devenir actifs et de voir détruire les perles maudites que certains portaient sur eux. Ainsi, après avoir sorti divers corps, leur avoir fait toucher la larme de Yavanna et réduire les perles maudites en morceaux, les trois compagnons nettoyèrent la chambre funéraire de toute la sorcellerie qui permettait à certains morts de se relever. Les runes de protection autrefois sculptées avaient fondu et n'empêcheraient plus d'autres morts-vivants de venir, mais au moins les morts ici présents ne se relèveraient plus jamais. Seul restait "Demi-Ours", qui accepta de remettre son destin dans les mains de Taurgil.
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Niemal
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Grand Nord - 8e partie : le jeu se complique

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1 - La chambre du monde des esprits
Le Dúnadan, après avoir posé quelques questions à Demi-Ours, lui permit de trouver enfin le repos à l'aide de la larme de Yavanna. L'homme n'avait jamais quitté la salle de son clan et ainsi il ne pouvait savoir ce qui attendait les aventuriers dans le reste de l'iceberg funéraire. Taurgil, Vif et Aime le Poisson quittèrent donc la pièce en sachant qu'ils avaient fait le maximum : les morts-vivants n'étaient plus et les perles maudites avaient toutes été détruites. Le tout pratiquement sans combattre et sans endommager les tombes des Lossoth. Restait à retrouver le reste de l'équipe afin de poursuivre plus avant avec les autres salles funéraires. Le groupe fut bientôt réuni, les uns et les autres s'informèrent de ce qu'ils avaient vécu, avant de discuter de la suite à donner.

A l'évidence, il fallait continuer plus avant pour détruire les autres perles maudites et les morts-vivants rencontrés. Mais la prudence était de mise, car le danger venait parfois de là où on ne l'attendait pas. Ainsi, Geralt fut quelque peu stressé d'entendre de légers bruits, comme ceux que feraient une personne très discrète... à l'entrée de l'iceberg, donc derrière eux. Chose qui fut confirmée par la lionne magique : elle percevait l'approche très discrète d'une unique personne, sans pouvoir dire s'il s'agissait d'un ami ou ennemi. Cela ne ressemblait pas à ce que ferait un mort-vivant, mais hormis la fille de Pitää Kalasta, qui était censée rester à l'extérieur, personne ne voyait de qui il pouvait bien s'agir. Certains étaient partisans de retourner en arrière pour s'assurer qu'il n'y avait pas un nouveau danger, mais leur guide lossadan leur dit qu'il avait confiance en sa fille : s'il y avait eu un danger, elle les aurait prévenus, il n'en avait aucun doute. Le groupe finit par se fier à son avis et poursuivit plus avant dans les profondeurs de l'iceberg.

Avant d'arriver aux chambres funéraires du clan du poisson puis du clan de l'oiseau de mer, une autre ouverture apparut dans le couloir, sur le mur opposé à celui où s'ouvraient les chambres des clans. Aime le Poisson précisa qu'il s'agissait de la chambre du monde des esprits, réservée aux nommeurs d'esprit (henkinimittäjät) et sages (viisaat) qui s'étaient distingués d'une manière ou d'une autre. La pièce était comme vierge, sans sculpture ou décoration aucune, sauf les runes anciennement gravées pour la protection magique de l'iceberg contre les morts-vivants... si elles n'avaient pas été endommagées. Par ailleurs, les murs avaient été comme "frottés" de manière à leur donner une surface non lisse mais plutôt rugueuse, semblable à de la neige. La pièce était également plus proche des bords de l'iceberg que les autres. Cela n'enlevait rien à la solidité des murs, mais cela permettait à davantage de lumière de pénétrer jusque-là, sans parler des sons de la mer et d'autres vibrations.

La salle était très grande et entièrement vide, juste occupée sur son pourtour par de nombreux sarcophages de glace. Très peu d'entre eux étaient occupés par des corps, peut-être une trentaine au plus, sur un total de sans doute plus d'une centaine de cercueils glacés. Tous les corps reposaient dans des bières situées loin de l'entrée dans la caverne. Mordin pouvait percevoir magiquement, grâce à un objet magique en sa possession, que certains d'entre eux portaient des perles enchantées susceptibles d'être maudites par la sorcellerie d'Angmar. Leur mission était ici très simple : trouver et détruire les perles maudites, et éventuellement, si besoin était, purifier les morts-vivants à l'aide de la larme de Yavanna... ou les détruire si cela posait problème.

Mais avant d'entrer, Rob les prévint d'une chose, à savoir que de la magie avait été utilisée récemment dans la pièce... ainsi que dans le couloir qui servait d'ouverture vers la chambre funéraire. Et à examiner physiquement et magiquement ce couloir, il semblait bien qu'il avait été fragilisé par l'utilisation de magie du feu. Autrement dit, en cas de chocs violents, il était susceptible de s'effondrer et de piéger les gens à l'intérieur. Néanmoins, il faudrait plus que quelques coups d'épée ou de pioche pour arriver à cela. La magie par contre... Il y eut donc débat pour savoir s'il fallait pénétrer dans la chambre ou poursuivre plus avant - au risque de voir apparaître des ennemis dans le dos - et s'il fallait tous entrer ou juste une partie du groupe, au risque de voir ce dernier divisé et attaqué sur deux fronts.

2 - Toc toc toc
En fin de compte, il fut décidé de laisser entrer Taurgil et Mordin. Le premier pouvait facilement lutter contre les morts-vivants à l'aide de la larme de Yavanna, tandis que le second pouvait identifier les perles magiques. Le reste du groupe se tiendrait près de l'entrée, prêt à intervenir dans la pièce pour aider nain et Dúnadan, ou prêt à repousser l'arrivée de nouveaux zombies, ou prêt à tenter de renforcer - par exemple par la magie de Drilun - la solidité du couloir d'accès. Et ainsi fut-il fait : les deux amis entrèrent avec précaution, faisant le tour de la pièce et des cercueils de glace vides avant d'arriver enfin à ceux qui contenaient des corps. Dans le couloir, la lionne enchantée percevait toujours des signes de vie plus avant mais plus aucun son derrière eux.

Si Mordin était capable de sentir la présence de perles magiques, en revanche il ne pouvait dire lesquelles étaient corrompues par la magie d'Angmar. Il ne lui restait d'autre choix, alors, que de les détruire toutes... ou les emporter - sans les toucher - de manière à les faire expertiser par son ami dunéen. Drilun saurait faire le tri entre les bonnes et les mauvaises, et le nain envisageait avec plaisir de disposer des bonnes. Mais avant d'avoir eu le temps de mettre ce plan à exécution, divers événements vinrent perturber ses rêveries et réflexions. Sans surprise, le réveil de certains morts en faisait partie. Mais la magie que certains utilisèrent ensuite, peu d'aventuriers l'avaient envisagée...

Au début, lorsque moins d'une demi-douzaine de corps s'agitèrent et sortirent de leurs cercueils de glace, Taurgil utilisa la larme et dit à son ami barbu de le laisser gérer les morts-vivants. Lorsque ces morts furent suivis par plus d'une dizaine d'autres, le descendant des rois du Rhudaur était toujours aussi sûr de lui mais ses amis l'étaient moins. Quand un des morts-vivants leva son bâton qui émit un éclair aveuglant, étourdissant le grand rôdeur du nord, sa certitude commença à vaciller comme son corps. La féline Femme des Bois repéra également une grande ombre extérieure et probablement aquatique comme celle que pourrait faire une grosse baleine. Elle fut suivie par un choc puissant qui ébranla l'ensemble de l'iceberg, envoyant à terre des morceaux de glace tombés du plafond ou du couloir, ainsi que quelques aventuriers. Aussi les plans durent-ils être quelque peu révisés.

Vif commença par entrer dans la danse, sautant sur les morts-vivants qui sinon allaient submerger son ami dúnadan. Ses griffes n'étaient pas très efficaces contre eux mais suffisamment pour les tenir occupés loin de Taurgil et Mordin, qui avaient les mains plus libres pour continuer leurs affaires de purification des corps comme des perles. Et elle-même ne risquait pas grand-chose, hormis quelques morsures qui seraient vite oubliées. Dans le couloir, le reste de l'équipe vit venir d'autres morts-vivants que Geralt et Isilmë s'efforcèrent de juguler pour le mieux, avec succès. En revanche, au second choc de la baleine contre l'iceberg, le couloir vit tomber des morceaux de glace encore plus gros, et malgré les efforts de Drilun il sembla plus fragile que jamais.

Tandis que Vif s'attaquait à la femme morte-vivante qui utilisait manifestement de magie dans la pièce, celle-là même qui avait ébloui Taurgil avec un sort, la baleine revint pour une troisième fois. Et cette fois-ci, le choc contre l'iceberg et les vibrations qui s'ensuivirent furent suffisants pour faire s'écrouler le passage entre le couloir principal de l'iceberg et la chambre funéraire du monde des esprits. Drilun faillit être enseveli sous la glace mais il arriva à sauter en arrière assez vite pour ne pas finir écrasé. Peu de temps après les combats prirent fin, et la baleine ne revint plus, peut-être parce que la féline Femme des Bois avait taillé en pièces le mort-vivant qui la commandait.

En revanche, il n'était pas possible de se faufiler dans les débris du couloir d'entrée pour rejoindre le reste de l'équipe. Heureusement la chambre était très grande et ils ne risquaient pas de manquer d'air dans l'immédiat. Faute de meilleurs outils, il fallut que la lionne jouât des griffes pendant un long moment afin d'ouvrir un passage suffisant pour le nain et le Dúnadan, qui n'étaient pas vraiment des contorsionnistes, ainsi qu'elle-même. Bien entendu, Mordin en profita pour occuper ce temps à son bénéfice : il rassembla les dagues runiques portées par la quasi-totalité des cadavres et les mit dans son sac à dos. Egalement, il prit bien soin d'emporter toutes les perles magiques trouvées sur les corps, perles qui purent être expertisées plus tard par l'archer-magicien. Celles qui n'étaient pas maudites furent conservées, de même que les dagues, ce dont il se garda bien d'informer leur guide lossadan...

3 - Le clan du poisson
La chambre funéraire du clan du poisson était très similaire à celle du clan de la baleine : une grande salle labyrinthique comportant de nombreux piliers, dont les parois - tant de la caverne que des piliers - étaient creusées de nombreuses niches, plusieurs centaines. Ces niches étaient assez profondes pour héberger le corps d'un défunt, dont on pouvait voir les pieds. Diverses marches et étroites terrasses en escalier permettaient d'accéder à davantage de tombes en hauteur, ce qui ajoutait une troisième dimension à cette chambre funéraire. Au-dessus des niches les plus élevées, les murs comportaient de nombreuses sculptures associées à la mer et à leurs habitants à branchies.

Là encore, certaines portions de mur avaient été endommagées par un probable feu magique, sans doute pour faire fondre des runes destinées à protéger les morts de la sorcellerie qui pouvait animer certains d'entre eux. Et là encore, Mordin sentait distinctement la présence de perles de céramique magiques, dont certaines devaient être corrompues par la magie d'Angmar. Et sans doute là encore, des morts-vivants devaient se tenir prêts à se jeter sur eux de tout côté lorsqu'ils viendraient purifier leurs corps animés par la magie noire et faire leur moisson de perles magiques, que ce fût pour les détruire ou pour les emporter.

Cette fois-ci, ils entrèrent directement à trois : Taurgil une nouvelle fois, avec la larme de Yavanna ; Mordin et sa capacité magique à détecter les perles enchantées ; et Drilun dont les talents magiques lui permettaient de détecter les pouvoirs de chaque perle et si elles étaient corrompues ou non. Il devait y avoir une vingtaine de perles à trouver çà et là, réparties dans l'ensemble de la chambre funéraire, sur des corps placés à portée de main ou parfois en hauteur, ce qui nécessitait de monter des marches de glace avant de pouvoir sortir des corps éventuellement prêts à bouger pour vous mordre, étrangler, embrocher à l'aide de harpons ou dagues (entre autres armes), bref à vous faire passer de vie à trépas.

Et bien entendu, tout cela ne manqua pas d'arriver, même si cela prit un peu de temps. Pendant un long moment, le travail des fouilleurs de tombe se déroula sans anicroche, si l'on excepte une ou deux glissades sur les marches de glace et quelques bleus aux fesses de l'archer-magicien. Les corps furent sortis de leur alvéole de glace, les perles furent prises, auscultées, et soit détruites à l'aide du bâton de lumière manié par le Dunéen, soit conservées pour une utilisation future par le groupe, même si le marchand nain s'arrachait souvent les poils de la barbe devant l'inutilité - pour lui - du pouvoir de ces perles : amélioration de la fertilité, des compétences de couture, sculpture, pêche et autres, facilité à raconter des histoires ou à se faire des amis...

Bien entendu, vers la fin, alors que le trio était au plus profond de la salle, les morts se réveillèrent enfin pour leur tomber dessus à bras raccourcis. Mordin, auparavant, avait entendu l'un d'eux lui chuchoter magiquement à l'oreille quelques déplaisantes prévisions, mais cela avait été le cas pour d'autres de ses amis avant lui et comme eux, il n'eut aucun mal à repousser la terreur que ces menaces fantomatiques étaient censées provoquer dans le cœur des gens. Bref, aucune magie n'affecta les aventuriers et les morts-vivants furent combattus avec énergie et efficacité, voire un certain ennui devant ce spectacle routinier. Ce qui n'empêchait pas le groupe de rester tous les sens aux aguets, redoutant de mauvaises surprises qui finiraient bien par arriver tôt ou tard. Mais cela ne serait pas pour cette fois-ci, et le groupe put passer sans mal à la dernière chambre funéraire de l'iceberg.

4 - Le clan de l'oiseau de mer
Un peu plus loin, une ouverture dans un mur permettait d'accéder aux tombes du clan de l'oiseau de mer. Contrairement aux chambres des deux autres clans déjà visitées, les morts n'étaient pas emmurés dans des alvéoles creusées à même les parois des murs et piliers. Ce qui frappait d'emblée, en arrivant dans cette chambre, c'était son plafond. En fait, les parois de la chambre étaient toutes fortement inclinées vers l'intérieur, le plafond assez bas, et seuls trois piliers aidaient à supporter la voute de glace. Mais surtout, les parois et le plafond ne comportaient aucune alvéole mortuaires mais étaient entièrement sculptés en un magnifique tableau : le visiteur ne pouvait que s'imaginer entouré d'une myriade d'oiseaux volant dans les cieux, ou nageant à la surface des eaux, ou plongeant à la recherche de quelque poisson naviguant dans les eaux superficielles.

Hormis quelques zones fondues, probables témoignages d'anciennes runes magiques endommagées, les parois et piliers ne formaient qu'une gigantesque sculpture, sans aucune alvéole ou cadavre glacé visible. Pour les repérer, il fallait baisser les yeux : comme Pitää Kalasta l'avait bien décrit, les alvéoles étaient verticales et creusées à même le sol, un peu à la manière dont les abeilles faisaient les rayonnages de leurs ruches, juxtaposition de nombreuses et étroites cellules hexagonales. Les morts, dont la rigidité cadavérique était conservée par le froid glacial, étaient ensuite descendus dans les cellules verticales les pieds en premier, cellules ensuite recouvertes d'un opercule de glace à travers lequel on pouvait distinguer le crâne du défunt. Les visiteurs marchaient donc littéralement sur les tombes...

Les opercules devaient être faciles à ouvrir depuis l'intérieur, surtout quand on a la force d'un mort-vivant, alors qu'il fallait un outil - dague ou autre lame fine - pour les ouvrir depuis l'extérieur. Et l'idée de devoir marcher sur un sol de glace surtout composé de trous ne donnait pas vraiment envie aux aventuriers. Taurgil et Mordin entrèrent néanmoins avec précaution, à distance l'un de l'autre, et commencèrent à explorer la chambre au-delà de l'entrée, où les alvéoles étaient toutes vides et sans cadavre, donc sans corps à purifier ou perle à découvrir et identifier. Mais bientôt, un bruit de glace contre la glace se fit entendre, puis un autre : l'un après l'autre, sans pouvoir identifier aucun mouvement d'un quelconque cadavre, les opercules s'ouvraient et glissaient sur un côté, sur la tranche des parois séparant les cellules verticales. Ce qui compliquait encore plus la marche des bipèdes : non seulement l'espace était plus rempli de trous qu'autre chose, mais en plus il était encombré de plaques de glace qui ne demandaient qu'à glisser sur le sol...

Mordin n'était déjà pas bien à l'aise sur le sol glissant, aussi se dépêcha-t-il de revenir vers ses compagnons. De son côté, Drilun tentait de refermer magiquement les cellules funéraires, mais elles s'ouvraient plus vite qu'il n'arrivait à replacer les opercules. Bientôt la très grande majorité des cellules furent ouvertes, transformant la marche sur le sol en numéro d'équilibriste. L'ambiance de terreur était augmentée par les bruits de déplacement des opercules, même si parfois il semblait qu'ils n'étaient pas associés à un déplacement réel. De plus, le froid dans la pièce devenait de plus en plus mordant, à tel point que tous, même Vif, non seulement le sentaient mais également commençaient à en être affectés. La chambre semblait vivante et prête à avaler un infortuné visiteur, et c'est plus ou moins ce qui se passa. En l'occurrence il s'agit de Taurgil, qui progressait avec précaution vers ses amis mais ne put arriver jusqu'à eux.

En effet, des mains sortirent brusquement de leurs cellules et agrippèrent ses chevilles, le forçant à tomber sur le sol. Bientôt d'autres mains - et les corps à qui elles appartenaient - le saisirent et cherchèrent à l'ensevelir sous le nombre et à l'écarteler, le mordre, le découper et autres joyeusetés, sans parler du froid qui risquait de l'engourdir s'il restait là un peu longtemps. Et malgré l'utilisation de la larme de Yavanna, il risquait d'être vite débordé. Ses amis se portèrent bientôt à son secours, mais le sol glissant et plus troué qu'un gruyère ne les aidait pas à se dépêcher, sans compter que d'autres mains et d'autres corps se levaient pour leur faire connaître un sort funeste comme celui qui attendait leur ami. Seule la lionne enchantée, munie de ses quatre pattes et dotée d'un sens de l'équilibre tout félin, arrivait à se déplacer et utiliser ses armes naturelles sans mal, ce dont elle ne se priva pas.

Heureusement, Rob restait en observateur et son talent pour détecter la magie fut d'un grand secours. Il parvint en effet à indiquer à son amie féline d'où provenaient les enchantements dans la pièce et en particulier la source de froid magique que Drilun était incapable de contrer avec ses sorts, malgré ses efforts, même si cela fut tout de même utile pour tiédir un peu l'atmosphère un petit moment. Vif se porta dans le secteur de la pièce que lui indiquait son ami, et elle arriva à repérer une forme féminine occupée à tisser ses sortilèges sans sortir de sa petite cellule. D'une grosse patte griffue elle fit sortir la morte-vivante de son alvéole, et elle s'acharna si bien sur elle qu'il ne fallut pas longtemps pour la transformer en charpie inanimée. Le froid ne se fit pas plus intense, les morts-vivants ne se levèrent pas davantage et ceux qui l'étaient furent combattus et purifiés ou réduits en morceaux. Le calme revint enfin dans la chambre funéraire, avec juste quelques bleus ou morsures sans gravité à déplorer chez les aventuriers.

5 - Le Grand Hall
Avant même d'arriver à la dernière pièce de l'iceberg funéraire, le groupe se savait observé. Deux fois auparavant les héros avaient été la cible de sortilèges alors qu'ils s'apprêtaient à entrer dans une chambre funéraire. La première fois c'est un brouillard magique qui avait commencé à se former autour d'eux, que l'archer-magicien s'empressa de dissiper à l'aide de l'un de ses sorts. Une autre fois, alors qu'ils surveillaient les environs avant de se décider à entrer dans une chambre, de la magie avait été détectée sous les pas du rôdeur, sur toute la largeur du couloir. Le Dúnadan s'en était sorti par une acrobatie en arrière, mais il restait à passer l'endroit affecté par la magie d'un des morts-vivants qui les attendaient.

En fait la glace avait été en quelque sorte sculptée pour former comme un piège : une couche de glace fine abritait un trou d'un pied de profondeur dans lequel des pointes de glace étaient disposées vers le haut, prêtes à embrocher les pieds ou autres parties du corps du premier à casser la glace au-dessus d'elles. Taurgil disposa son pavois par-dessus et demanda à Rob de s'installer, puis il le fit glisser de l'autre côté avec une bonne poussée, sans incident aucun. Isilmë, quant à elle, choisit d'utiliser la capacité qu'ont les elfes à avoir le pied très léger pour avancer sur le piège de glace sans la briser. Lorsque le grand rôdeur s'installa sur son pavois, par contre, celui-ci ne mit pas longtemps à briser la glace et à s'arrêter au milieu du piège. Les aventuriers en furent quittes pour briser les pointes de glace et pouvoir passer sans mal, même si l'endroit nécessitait de progresser lentement et avec circonspection. Pas question de courir sur ce trou empli de morceaux de glace parfois tranchants.

Le groupe, toujours accompagné de leur guide lossadan Aime le Poisson, arriva enfin à l'entrée du Grand Hall de l'iceberg funéraire. Avant d'en arriver là, ils avaient soigneusement écouté derrière comme devant eux. Ils n'avaient rien perçu derrière, et comme d'habitude des petits bruits face à eux leur indiquaient que certains morts-vivants s'apprêtaient à les accueillir. Pour autant, lorsqu'ils arrivèrent à l'entrée de l'immense salle au cœur de l'iceberg, ils furent tout de même surpris par ce qu'ils virent. Non seulement par la beauté du lieu, qui dépassait de loin ce que les descriptions de leur guide leur avaient évoqué, mais également par la manière dont ils étaient attendus.

Tout d'abord, sans doute suite à une mauvaise interprétation des paroles de Pitää Kalasta, ils découvrirent qu'il n'y avait pas de chambre intérieure en forme de baleine. En fait, le centre du sol de la très vaste pièce était sculpté de manière à donner l'impression d'une baleine en train d'émerger des flots. La queue de l'animal de glace était proche de l'entrée tandis que la tête était à l'opposé. Le geyser de vapeur qui sortait de l'évent de l'animal était représenté par l'unique pilier permettant de soutenir la voûte de glace au-dessus de leur tête. Devant la tête de la baleine, à une dizaine de pas au plus et en partie masqué par le pilier, un igloo dont l'entrée n'était pas apparente abritait la "résine de mer" des Lossoth sur un piédestal, aux dires de leur guide. Les murs et plafonds étaient sculptés et la glace était par endroit colorée, de manière à donner l'impression d'un paysage d'été plein d'animaux et de vie. Tout le long de la paroi de la caverne de glace, des blocs de glace sculptée permettaient à de nombreux spectateurs de s'assoir et profiter d'un éventuel rituel de purification et d'adieu aux morts récemment amenés par les Merimetsästäjät, les "Chasseurs de la Mer", dont Aime le Poisson était l'un des chefs.

Mais justement, ces bancs de glace étaient déjà occupés, pour moitié, par des morts-vivants assis paisiblement ; hormis le fait qu'ils tenaient tous un harpon ou autre arme à la main, et que leurs yeux sans vie semblaient suivre les aventuriers sans les regarder directement. En fait les cadavres glacés n'occupaient que la moitié de la salle à peu près, et celle la plus proche de l'entrée. La partie proche de l'igloo où demeurait la probable larme de Yavanna qui protégeait l'iceberg des morts-vivants était vide de morts ensorcelés, comme s'ils ne voulaient ou pouvaient s'approcher de l'igloo. Alors que les aventuriers contemplaient ce curieux spectacle, une voix féminine et enjouée, sortie de nulle bouche visible mais manifestement du fond de la salle, les accueillit avec un certain humour en leur demandant ce qui leur avait pris tant de temps, et en les invitant à se rapprocher... Elle s'adressait à eux en un ouistrain parfaitement maîtrisé, et la voix semblait tout à la fois chaude et juvénile, comme celle d'une adolescente qui passe un bon moment.

6 - Gillowen
Quelques échanges eurent lieu à distance entre les aventuriers et la voix invisible, Taurgil et ses amis n'ayant manifestement pas confiance dans la nouvelle venue. Aussi finit-elle par apparaître soudain, comme surgie de nulle part, assise au sommet de l'igloo. Même si le pilier issu de la "baleine" dans le sol la masquait un peu, l'équipe ne manquait pas de gens perceptifs qui l'aurait vue se déplacer. Autrement dit, elle était auparavant invisible et elle avait fini par mettre fin à son sort. Pourtant Rob et d'autres ne percevaient aucune magie venant d'elle, comme s'il n'y avait pas de magie, ou comme si elle était bien masquée... A tout le moins, cette personne, qu'aucun membre du groupe n'avait jamais vu, semblait devoir être cataloguée dans la catégorie des lanceurs de sort expérimentés. Ou peut-être était-ce juste quelqu'un de très bien équipé, mais cela changeait-il grand-chose ?

En tout cas, même à la moitié d'une portée de flèche, une chose était évidente, voire deux. La première était que la nouvelle venue était splendide, le genre de beauté qu'on ne peut oublier après l'avoir vue. Ses cheveux blonds encadraient un visage jeune et parfait et ses yeux bleus étaient comme deux bijoux enchâssés dans un splendide écrin, et visibles - pour les plus perceptifs - même à cette distance. C'était également une elfe, manifestement, et sans doute très jeune, à tout le moins pour Isilmë qui avait l'impression de faire plus vieille qu'elle, même si elle-même ne se considérait guère plus agée qu'une adolescente pour ceux de sa race. Ce qui ne l'empêcha nullement de se méfier d'elle : la guerrière elfe n'aimait ni le contexte de leur rencontre ni les manières de la nouvelle venue.

Mais également, l'elfe qui leur parlait portait autour du cou une chaîne à laquelle était suspendue une énorme gemme, manifestement très lourde. Jamais personne n'avait jamais vu une gemme aussi grosse ; si elle était globalement assez sombre, la lumière faisait jouer sur ses multiples facettes de nombreux reflets de toutes les couleurs, avec une certaine dominante de tons rouges. Mais également, la gemme était en contact avec un autre bijou translucide attaché à sa surface par une espèce de lanière qui l'enveloppait assez complètement. En fait, le bijou ne fut réellement visible qu'au moment où l'elfe qui les interpelait la prit d'une main par la lanière en disant qu'elle n'en avait plus besoin. Elle l'approcha de son autre main, et au moment où les aventuriers purent reconnaître une larme de Yavanna, un feu intense jaillit de la main de l'elfe et la larme fut bientôt entièrement consumée, complètement détruite.

Au même moment, Rob et ses amis se sentirent comme agressés par ce que leurs sens leur criaient. Pour le hobbit et les autres membres du groupe sensibles à la magie, de la gemme que portait la belle elfe émanait une puissance comme ils n'en avaient jamais senti auparavant, sauf peut-être lorsqu'ils avaient été à proximité de l'éclat de la lampe des Valar trouvée dans une montagne magique gardée par un dragon. Et même ceux qui ne percevaient pas la magie d'ordinaire sentaient bien que quelque chose émanait de cette pierre, quelque chose de puissant qui les mettait mal à l'aise. Si mal à l'aise que Isilmë, à qui leur interlocutrice ne revenait vraiment pas, profita que cette dernière continuait à parler pour encocher une flèche et la tirer dans sa direction.

La flèche aurait dû atteindre son but, mais les aventuriers virent que son vol fut dévié et elle rata l'elfe qui n'eut même pas à bouger. En fait la flèche disparut complètement. Pour autant, malgré un regard marqué en direction de la guerrière du groupe, la nouvelle venue de se fâcha pas d'avoir été prise pour cible. Au contraire, sa voix se fit encore plus mielleuse et elle invita tous les aventuriers et leur guide à la rejoindre au pied de l'igloo, afin de mieux pouvoir échanger, en bons amis qu'ils étaient tous. Le nain s'en offusqua, disant à leur interlocutrice qu'ils ne connaissaient même pas son nom alors qu'elle-même semblait connaître beaucoup de choses à leur sujet.

Elle lui proposa de donner son nom lorsqu'ils seraient proches d'elle, ce qui fit naître un sourire sur le visage du marchand nain. Pour qui les prenait-elle ? Mais son sourire se figea bientôt quand il s'aperçut que ses amis s'avançaient avec confiance vers leur interlocutrice, avec peut-être juste un petit retard pour Drilun. Du peu qu'il en vit, tous portaient sur leur visage l'air de gens qui retrouvent une bonne vieille amie oubliée depuis longtemps. Cette sale magicienne avait envoûté ses amis avec un de ses tours d'elfe ! Plutôt que de rester seul au milieu des morts-vivants qui ne semblaient pas perdre une miette du spectacle, même s'ils ne bougeaient pas, il suivit ses compagnons jusqu'à l'autre bout de la salle. Ils se disposèrent en arc de cercle face à leur interlocutrice, près de l'entrée de l'igloo qui était disposée à l'opposé de l'entrée dans le Grand Hall. Enfin, quand ils furent tous là, l'elfe au sommet de l'igloo leur annonça qu'elle s'appelait Gillowen.

7 - Une elfe un peu spéciale
Ce nom elfe ne suscita guère de réaction. Était-ce un nom inventé pour l'occasion ? En y repensant bien, peut-être qu'Elrond, Niemal ou Gandalf avaient autrefois cité cette personne dans une conversation. Personne n'était vraiment sûr, mais certains dans le groupe avaient peut-être entendu parler d'une telle elfe. N'aurait-elle pas fait partie de l'ancien groupe d'aventuriers qui accompagnait Dwimfa, dont ils étaient à la recherche ? Et si c'était le cas, que faisait-elle ici, alors que selon diverses visions ou autres informations le groupe n'avait pas survécu, à de rares exceptions près ? Par ailleurs, comment se faisait-il que les morts-vivants alentour de réagissent pas et les laissent parler comme si de rien n'était ? Même si les aventuriers voyaient leur interlocutrice comme une vieille amie, leur raison leur soufflait que bien des choses méritaient des éclaircissements.

La discussion avec Gillowen porta d'ailleurs sur ces morts-vivants. Manifestement, elle les contrôlait - ce dont elle se défendit - ou au moins avait-elle une certaine emprise sur eux. Pourquoi alors les avait-elle laissés les attaquer depuis leur entrée dans le berg funéraire ? Elle se défendit en disant qu'elle avait fait en sorte de limiter leurs attaques. Taurgil et ses amis auraient-ils préférés se faire attaquer au pire moment par une armée de plus de cent spectres et zombies à la fois ? Elle avoua tout de même avoir eu grand intérêt à observer les capacités du groupe, ce qui interpela quelque peu les aventuriers. Pouvait-elle, enfin, les aider à éliminer leur menace ? Mais elle répondit qu'ils pouvaient être des outils tant utiles que dispensables à l'avenir, et qu'elle ne tenait pas à les sacrifier inutilement. Ces propos choquèrent certains aventuriers, mais le sujet finirait par revenir sur le tapis plus d'une fois, Taurgil y veillerait.

Tandis que les conversations se poursuivaient et que le groupe découvrait petit à petit l'elfe qui leur faisait face, Drilun essaya de tendre ses perceptions magiques vers l'énorme gemme que Gillowen portait contre sa poitrine. Pour bien faire il aurait dû l'approcher voire la toucher, mais même à cette distance il la sentait irradier d'une telle magie qu'il devait bien pouvoir arriver à discerner ses pouvoirs. Il fut exaucé au-delà de ses espérances, ce qu'il regretta assez vite : non seulement les pouvoirs magiques conférés par l'objet ne semblaient pas avoir de limite perceptible à ses sens, mais en même temps ses pouvoirs de corruption ne paraissaient pas avoir non plus de limite ! Autrement dit, le porteur de la pierre avait la puissance d'un être au-delà de ce monde, peut-être même celle d'un des créateurs de la Terre du Milieu elle-même... à condition de savoir la maîtriser. Mais également, il ne semblait pas possible de résister à la tentation de la posséder et d'en faire un usage que la pierre elle-même déciderait. Elle avait sa volonté propre et son porteur, sauf peut-être pour les pareils à ceux qui avaient fabriqué cet objet, ne serait qu'un pion pour la gemme. Le Dunéen sentit le désir immense de posséder l'objet et il dut le combattre avec énergie pour ne pas tenter quelque folle tentative...

Tandis que l'archer-magicien était tout étourdi par ce qu'il venait de sentir et qu'il pensa qu'il devait prévenir ses amis au plus vite de ne jamais toucher à cet objet, les conversations se poursuivaient. Même si pour une majorité des aventuriers Gillowen restait pour eux comme une amie chère, leur raison s'alarmait de ce qu'ils entendaient : étaient-ce vraiment une belle elfe et amie qu'ils avaient en face d'eux, ou quelque autre individu qui avait pris ses traits et ses pouvoirs ? Et elle avait une telle assurance, comme si elle n'avait nulle peur de voir les aventuriers lui sauter dessus. En fait, ces mêmes aventuriers avaient le sentiment que si jamais ils essayaient, elle pourrait les balayer facilement avec ses pouvoirs, ou ceux que la pierre qu'elle portait lui conférait.

Petit à petit, en continuant à discuter, la vérité finit par voir le jour : c'était bien Gillowen qu'ils avaient en face d'eux, une magicienne elfe qui avait été l'amie de Dwimfa et d'autres aventuriers qu'Elrond et Gandalf avaient connus. Mais ailleurs et en d'autres temps, elle avait été possédée par un démon, une créature que semble-t-il elle avait elle-même appelée. D'ailleurs, une remarque de l'elfe - ou de l'entité qui la contrôlait - laissait à penser qu'il y avait eu quelqu'un d'autre avant Gillowen, un autre corps qui avait été possédé. En tout cas Gillowen et ses amis étaient venus dans le Grand Nord, où ils avaient connu une funeste fin... à l'exception d'au moins deux d'entre eux : Dwimfa, d'une part, un Homme des Bois très chanceux et aux multiples talents, et la magicienne elfe qu'ils avaient en face d'eux. Et d'après ce qu'ils en savaient et en particulier les visions que Drilun avaient partagées, ils pouvaient mettre un nom sur la créature responsable de tout ceci : Eloeklo, Démon du Vent du Nord et ancien lieutenant de Morgoth au Premier Âge...

8 - Discussions avec Eloeklo
Les choses devenant plus claires, la discussion se poursuivit de manière plus franche et directe. En quoi Taurgil et ses amis intéressaient-ils le démon Eloeklo, que leur voulait-il et qu'attendait-il d'eux ? Gillowen, ou plutôt le corps de l'elfe possédé par le démon, répondit de manière franche - en apparence - qu'il souhaitait leur proposer une aide mutuelle et bénéfique. Certes, il contrôlait parfaitement le corps de Gillowen dont l'âme était enfermée ailleurs. Mais son corps à lui, ou plutôt son essence, était prisonnier en un autre lieu et il cherchait depuis des milliers d'années à se libérer. Or il se trouvait que depuis peu il avait certains éléments qui pouvaient lui permettre de se libérer. Il avait seulement besoin d'une aide qui était double : d'une part, une personne maîtrisant bien les arts magiques, comme Drilun, afin de pouvoir accomplir un rituel de libération ; d'autre part, lutter contre d'autres créatures comme lui qui souhaitaient elles aussi se libérer de leurs chaînes.

Car la liste ne se limitait pas à Tevildo, dont le nom fut vite avancé. Certes, le Prince des Chats partageait les mêmes objectifs que Eloeklo : utiliser les aventuriers pour lui permettre de retrouver un corps tangible, une fana comme disaient les elfes. Le Démon du Vent du Nord savait-il qu'en ce moment même, Tevildo devait écouter leur conversation à travers les yeux de Vif ? L'intéressé(e) répondit que le Prince des Chats n'ignorait sans doute rien de ses intentions et que cela ne changeait rien à sa proposition. Et qu'est-ce que Eloeklo pouvait proposer de mieux que Tevildo ? Car après tout, les deux entités voulaient toutes les deux la même chose : être libérées pour pouvoir ensuite conquérir le monde. Ce à quoi le démon répondit que Tevildo avait une influence profonde sur le cœur et l'âme des aventuriers, alors que lui, Eloeklo, leur proposait de devenir ses lieutenants à part entière. Ils garderaient toujours leur libre arbitre, alors qu'avec le Prince des Chats ils resteraient toujours ses marionnettes et ne seraient jamais complètement eux-mêmes.

Un aventurier évoqua le cas où Tevildo serait battu. Que deviendrait leur amie Vif, alors ? Perdrait-elle ses pouvoirs, mourrait-elle ? Car jamais elle n'accepterait de suivre quelqu'un qui la mènerait de toute manière à sa perte ou à la perte de ses pouvoirs félins. L'elfe en haut de l'igloo leur répondit qu'il était possible qu'elle conserve une partie de ses pouvoirs, comme des sens accrus ou la capacité à parler aux félins. Peut-être même, suite à une suggestion de Taurgil, lui paraissait-il possible de garder Tevildo enfermé pour l'éternité, ce qui permettrait à la Femme des Bois de conserver toutes ses capacités félines. En revanche, elle resterait toujours la marionnette de son maître et donc Eloeklo ne pensait pas qu'elle pourrait survivre longtemps. De toute manière, lui-même doutait que la libération de Tevildo et la création d'une fana à son goût puisse se faire sans le sacrifice de Vif...

Et tout cela c'était sans compter sur un troisième larron : Durlach, la créature qui habitait le lac de lave dans les tréfonds du Puits de Morgoth. Sa fana à lui était parfaitement réelle et tangible, sorte de gigantesque serpent de feu ; mais il ne pouvait se libérer du lieu où il avait été enfermé. Cet "idiot", selon les termes mêmes d'Eloeklo, était incapable de concevoir autre chose que pures violence et destruction. Aussi ne savait-il qu'attaquer et détruire tous ceux qui passaient à sa portée, il serait impossible à raisonner d'aucune manière. Or c'est chez lui que le rituel devait avoir lieu, et il aurait tout intérêt à profiter de l'énergie magique qui pouvait lui permettre de se libérer et de déchaîner sa fureur sur le monde... Il faudrait donc le combattre avant de pouvoir faire quoi que ce fût. Trois entités avides de se libérer, mais une seule pourrait l'être. Et aucune ne manquerait au rendez-vous, d'une manière ou d'une autre.

Et c'était sans même parler d'un quatrième larron dont les serviteurs poursuivaient les aventuriers, même si pour Eloeklo ils n'étaient que quantité négligeable. Ce qui surprit d'ailleurs certains des aventuriers : Andalónil n'était-il pas un serviteur du Démon du Vent du Nord ? Ce dernier confirma la chose, mais sa confiance envers son ancien serviteur était loin d'être complète : par le passé il en avait servi un autre, et il n'était pas complètement certain de ses véritables intentions. Les aventuriers eurent beau dire qu'il était tombé en disgrâce auprès du Nécromancien et donc qu'il avait plus d'avenir avec son ancien maître, ce dernier ne paraissait pas totalement convaincu. En tout cas, les trois serviteurs du Nécromancien n'étaient pas pour lui un réel problème : deux d'entre eux étaient immortels et l'un d'eux ne pouvait être éliminé définitivement, mais manifestement ils n'étaient rien comparés au problème posé par Durlach ou Tevildo.

Et la conversation se poursuivit ainsi longtemps, Eloeklo n'hésitant pas à donner de nombreux renseignements aux aventuriers. Tout en leur faisant sentir qu'il leur faisait une fleur en leur présentant pareille proposition, et qu'il ne ferait qu'une bouchée d'eux s'ils devaient se mettre en travers de son chemin. Suite à certaines questions il parut qu'il connaissait très bien le magicien Radagast et qu'il ne le portait pas dans son cœur, même si pour lui ses pouvoirs étaient limités, alors que de Gandalf il n'avait pas grand-chose à dire, juste à exprimer un peu de mépris. Et tout en discutant, il semblait garder un œil sur chaque aventurier, et en particulier la lionne enchantée, qui grognait et piétinait comme si elle n'attendait qu'un ordre pour bondir sur l'elfe, ce dont elle seule était capable ; ou Geralt, qui semblait s'ennuyer et qui avait fini par s'allonger sur un banc de glace un peu plus loin, comme pour dormir, avant de revenir et se retourner, songeur, comme perdu dans ses pensées. Car un élément nouveau venait de s'inviter dans la ronde...

9 - Retournement de situation
Cet élément, la lionne enchantée et ses sens fantastiques avaient été les premiers à le remarquer : quelqu'un de très discret marchait à pas feutrés dans leur direction, et il arrivait à présent à l'entrée du Grand Hall. Tous ne pouvaient pas s'en rendre compte car ils étaient disposés de sorte que le pilier proche leur masquait l'entrée. Par ailleurs, lorsqu'il parut enfin, il se fondait avec le décor : sa peau et ses vêtements semblaient faits de glace et il était très difficile de le percevoir. Mais pas pour les morts-vivants, qui fixèrent immédiatement leur attention sur lui. Et même si leur mouvement avait été minime, presque imperceptible, il n'avait pas échappé à certains membres du groupe comme Geralt, même s'il ne pouvait voir l'entrée de là où il était. Aussi s'était-il allongé un peu plus loin pour mieux voir de quoi il retournait et suivre le manège des morts-vivants près de l'entrée...

Certains aventuriers découvrirent aussi que la magie fonctionnait bizarrement où ils étaient : Mordin s'aperçut qu'il ne comprenait pas ce que la lionne enchantée marmonnait, alors que son tour d'oreille magique, fabriqué par Drilun, était bien activé. Les autres non plus ne purent rien faire avec le leur, et seul Taurgil put user de sa magie pour comprendre que Vif leur annonçait l'arrivée de quelqu'un de discret. A un moment, Rob constata aussi l'étrange manège des spectres et zombies et il demanda à voix haute ce qu'il se passait, ce qui fit se retourner Gillowen. Mais le nouvel arrivant s'était déplacé pour mettre le pilier entre lui et elle, et l'elfe se retourna bien vite avant qu'un aventurier n'ait de mauvaise intention à son égard - ce qui était bien le cas - et surtout avant qu'il ne mette sa mauvaise idée à exécution.

Sur son banc, Geralt, l'air de rien - il savait très bien jouer la comédie - finit par repérer l'intrus aux habits et à la peau de glace. Ce devait être une illusion car il avait déjà vu Drilun faire des choses pareilles, modifier magiquement son apparence. En tout cas, l'homme - car ce devait être un homme, et armé d'un arc long au passage, avec des flèches aux pointes comme argentées - se figea lorsqu'il se rendit compte qu'il avait été repéré. Mais le maître-assassin ne réagit pas, d'autant qu'il sentait le regard de Gillowen posé régulièrement sur lui. Le nouvel arrivant reprit sa marche vers le pilier, légèrement sur un côté de manière à pouvoir voir Gillowen qui faisait pour lui une cible facile, surprise et de dos - pour l'instant du moins. Dans le même temps, le balafré aux cheveux blancs se rapprochait de la base de l'igloo, puis se retournait pour que l'elfe à son sommet ne puisse voir les mots silencieux qu'il envoyait au nouveau venu, l'enjoignant à ne pas tuer l'elfe. Mais il ne sut ce que l'inconnu avait compris, lui dont la corde de l'arc était déjà tendue, même si la pointe de la flèche n'était pas (encore) dirigée vers le dos de l'elfe...

Revenu près de ses amis, Geralt tenta de faire passer discrètement le message qu'il allait se passer quelque chose, tandis que Taurgil remarquait que son amie féline sursautait. Il l'entendit alors dire dans sa langue féline qu'elle reconnaissait cette odeur... Aussi le Dúnadan comprit-il ce qu'il se passait et pensa-t-il avoir deviné qui venait d'entrer. Il surveilla Vif, qui semblait sur le point de bondir, tout en tenant fermement la larme de Yavanna à la main. D'autres aventuriers continuaient à discuter avec Gillowen/Eloeklo, mais certains devinaient que les choses étaient sur le point de se précipiter. Rob voyait que le regard des morts-vivants était à présent tourné vers eux, tout le monde semblait attendre quelque chose... qui finit par arriver.

Alors qu'Eloeklo évoquait le fait d'avoir auparavant possédé un autre corps, tous entendirent distinctement le chant de la corde d'un arc que l'on relâche. La flèche aurait dû transpercer la tête de Gillowen, mais elle fut comme ralentie par une magie protectrice. Elle parvint bien à son but, et tout d'un coup l'elfe bascula en avant, morte ou inconsciente, roulant sur le toit de l'igloo en direction des aventuriers groupés autour de l'ouverture. Tandis que lui-même plongeait en avant, Taurgil vit les pattes de la lionne se détendre brusquement et son corps bondir vers Gillowen, une patte avant prête à lui arracher la tête. Dans le même temps Geralt, un peu à l'écart, courait en sortant son épée dans l'idée de l'utiliser pour prendre la chaîne à laquelle la pierre magique de Gillowen était suspendue, tandis qu'Isilmë se mettait sur son chemin, genoux pliés et mains réunies, en lui disant silencieusement de l'utiliser pour qu'elle l'aide à plonger vers sa cible.

Avec un effort de volonté le Dúnadan arriva tout juste à attraper la queue de la lionne et à y coller la larme de Yavanna. Drilun tentait de lancer un sort pour faire fuir les morts-vivants que Rob voyait se lever et venir vers eux, ce qu'il ne se priva pas de crier. Les griffes de Vif redevinrent ongles alors qu'elle frappait le visage de l'elfe, toujours magiquement protégé, ce qui lui fit à peine une blessure légère. Isilmë souleva Geralt prenant appui sur ses deux mains, afin de plonger en avant, la pointe de l'épée dirigée vers la chaîne portée par Gillowen. L'épée fichée dans la glace de l'igloo, la chaîne resta bloquée par la lame, et la tête de l'elfe également, suspendue à la chaîne, juste devant Mordin qui venait de sortir sa hache. Il en donna alors un coup sur la chaîne, qui se brisa. Le corps de Gillowen tomba d'un côté, la pierre sombre et multicolore de l'autre, aux pieds du nain, tandis que Drilun, dont le sort n'avait pas fonctionné, hurlait de ne pas toucher à la grosse gemme. Plus loin, l'homme à l'apparence de glace courait vers eux, les morts-vivants non loin derrière.

10 - Problèmes de morts-vivants et de magie
Vu la centaine de morts-vivants qui venaient sur eux, la situation serait vite tendue pour les aventuriers. D'autant que Drilun et Taurgil constatèrent que la magie ne fonctionnait pas, ou du moins elle semblait très amoindrie, comme si la gemme récupérée au cou de Gillowen amoindrissait les magies hormis les plus négatives. Cela étant, Rob infirma cette hypothèse quand il constata que deux femmes mortes-vivantes lançaient des sorts dont la magie se dissipait aussitôt. En fait le hobbit, en suivant les énergies magiques grâce à ses perceptions particulières, pouvait voir l'énergie des sorts être comme absorbée au centre de l'igloo. Où reposait un piédestal sur lequel trônait une larme de Yavanna, piédestal contre lequel le corps de l'elfe inconsciente était posé, la main coincée sur la larme. Gillowen était en effet encore vivante, soignée en urgence par l'elfe guerrière pour qu'elle ne perde pas tout son sang, tandis que Taurgil qui avait commencé à l'aider laissait son amie gérer le soin pour aller repousser les hordes de morts-vivants.

Vif aussi se retrouva bientôt dans l'igloo. Son corps nu n'était plus protégé du froid par une épaisse fourrure magique et il fallut rapidement lui donner quelques vêtements. Avec l'aide de la magie de l'elfe elle tenta de se retransformer en lionne mais quelque chose bloquait le chat en elle et elle ne pouvait se transformer, même avec de l'aide. Elle ne put donc aider ses amis qui peinaient à l'extérieur. Si Geralt se rappela vite qu'attaquer avec le plat de la lame pouvait être plus efficace qu'avec le tranchant - les zombies ne saignaient pas et leurs membres étaient peu affectés par des muscles endommagés - ses adversaires étaient trop nombreux pour tenir longtemps. D'ailleurs Taurgil ne faisait que parer, sans chercher à blesser des créatures contre lesquelles il ne disposait pas des bonnes armes. Seul le bâton de lumière de Drilun était vraiment efficace, mais il ne pouvait combattre la horde à lui tout seul.

Heureusement, les morts-vivants semblaient gênés par la proximité de l'igloo, dont l'intérieur était couvert de runes de protection contre leur engeance. Si bien qu'ils n'osaient s'en approcher à plus d'une longueur de harpon - ce qui était bien suffisant pour attaquer les aventuriers qui se mirent dos à l'igloo. Après des efforts globalement inutiles, les zombies, comme dirigés par la volonté d'une morte-vivante en particulier, mirent des cordes ou ficelles dans un trou fait dans leur harpon, afin de pouvoir les lancer et les récupérer ensuite, comme pour la chasse à la baleine ou autre gros gibier marin. Aussi les aventuriers se réfugièrent-ils à l'intérieur de l'igloo, non sans avoir récupéré la gemme portée par Gillowen auparavant. Mordin avait senti le pouvoir de la pierre mais il y avait résisté, se contentant de vider son sac à dos des dagues runiques qu'il y avait entreposées pour y mettre la pierre magique à l'aide de sa hache, sans la toucher.

Le groupe se retrouvait réuni avec leur guide, mais piégé à l'intérieur de cet igloo, sans moyen d'affronter les morts-vivants à l'extérieur et donc condamnés à mourir de faim ou de froid. Ils eurent l'occasion de faire la connaissance du nouveau venu, que Pitää Kalasta semblait connaître : c'était Dwimfa, l'Homme des Bois qu'ils recherchaient, et Taurgil et ses amis comprirent que Aime le Poisson se doutait bien que c'était lui qui les avait suivis de loin, même si sans doute il ne lui avait pas demandé de le faire. Manifestement, leur guide était habitué à ce genre de comportement. Par contre, leur nouvel ami avait bien perdu la mémoire et il ne se souvenait pas de sa vie passée, même si certaines paroles de Gillowen l'avaient fait réagir. Ainsi, il avait libéré sa flèche sans bien réfléchir quand elle avait parlé d'un autre corps que le démon avait occupé avant elle, sentant comme un éclair de haine en lui.

A force de tester et de chercher, les aventuriers découvrirent d'où venait l'absorption de magie qui les environnait. Chaque fois qu'un sort était lancé, son énergie magique était absorbée par une bague de mithril avec un gros diamant que Gillowen portait au doigt. Comme ce doigt était sur la main qu'Isilmë maintenait sur la larme de Yavanna au centre de l'igloo, la confusion était facile. Le bijou fut retiré du doigt, de même que d'autres babilles magiques en possession de l'elfe, comme deux ceintures et un anneau d'or. La bague au diamant, selon Drilun, permettait de contrôler la magie, tant amplifier celle du porteur que d'absorber celle des autres. C'était un anneau très ancien dont il ne parvenait pas bien à cerner tous les pouvoirs, d'autant que l'un des pouvoirs de l'objet était justement de masquer la magie. Une ceinture protégeait contre les éléments et les coups, tandis que l'autre ceinture et l'autre anneau permettaient de se rendre invisible.

Forts de ces nouveaux éléments, Taurgil et ses compagnons se concertèrent. Ils testèrent et confirmèrent leur hypothèse, à savoir que l'anneau avec diamant n'opérait que s'il était au doigt de l'un d'eux. Sans que personne ne le porte, il était possible de lancer des sorts normalement. Drilun put faire une protection magique autour de lui, et Vif, avec l'aide d'un sort de soin, commença à se retransformer en gros félin magique. Avant cela, le pansement à la tête de Gillowen fut complété pour éviter que sa blessure, très sérieuse, ne s'aggrave. A l'extérieur, les morts-vivants avaient compris que la magie fonctionnait à nouveau et ils avaient essayé de faire fondre les runes de protection, mais manifestement elles avaient été faites pour leur résister et elles tenaient bon... pour l'instant. De toute manière, le groupe semblait maintenant prêt et disposé à ressortir pour montrer aux morts-vivants ce dont ils étaient capables.
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Niemal
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Grand Nord - 9e partie : nettoyage

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1 - Sortie et glissades
Les derniers sorts de protection furent bientôt lancés, la féline Femme des Bois était transformée, les bras et les cœurs étaient un peu fatigués, mais pourtant le signal fut donné. Rob accepta de mettre l'anneau elfique de Gillowen au doigt pour les protéger de la magie des morts-vivants. Isilmë resterait à l'intérieur pour continuer à soigner la tête de l'elfe blessée et la maintenir en contact avec la larme de Yavanna disposée au centre de l'igloo, sertie dans une espèce d'écrin de glace sur un piédestal du même matériau. Drilun, Geralt, Taurgil et Vif s'apprêtèrent à sortir casser du mort-vivant, armés de leurs bâton, épée, larme purificatrice et griffes acérées. Les autres resteraient dans l'igloo, indécis quant à leur contribution ou attendant de voir la suite avant de prendre une décision. Le rôdeur dúnadan remarqua qu'hormis une dague, Dwimfa ne semblait pas porter d'arme de combat rapproché. Et elle n'était même pas sortie de son fourreau.

Les perceptions du hobbit lui permirent de détecter deux sources de magie à l'extérieur, qui devaient correspondre aux deux sorcières mortes-vivantes encore actives, d'après les récits qui leur avaient été faits et les combats précédents. L'une d'elles était peut-être à une quinzaine de pas de l'igloo, non loin du pilier au centre de la chambre ; l'autre était plus proche, de l'autre côté par rapport à la première. Toutes deux étaient entourées par de nombreux morts-vivants, corps bleus animés par une magie ténébreuse et armés de harpons, haches ou dagues, pour l'essentiel. Il devait y en avoir autour d'une centaine, disposés tout autour de l'igloo, à environ trois pas du bord de celui-ci. Les runes magiques qui en ornaient l'intérieur devaient les repousser et les empêcher d'approcher. Cela laissait un espace pour sortir et circuler avant d'attaquer, mais les zombies n'attendaient qu'une occasion pour essayer de les transpercer avec leurs armes comme des phoques à la chasse, et ils savaient s'en servir et ils étaient costauds.

Drilun, protégé par sa magie, fut le premier à sortir. Les harpons qui lui furent jetés dessus sans conséquence l'affectèrent moins que la glace humide à ses pieds. Sans doute sous l'effet d'un sort, la surface du sol avait très légèrement fondu et était particulièrement glissante. Avec un gros effort de volonté, le Dunéen réussit à conserver son équilibre et à s'approcher des zombies vers la droite de la sortie de l'igloo, mais il fut bien incapable de porter un coup avec son bâton magique de lumière. Geralt, plus adroit que son ami, glissa non loin de lui pour prendre position et se préparer à combattre. Taurgil, de son côté, avait aussi le pied sûr et il ne fut pas trop gêné par le sol glissant. Il préféra aller vers la gauche pour toucher les zombies à l'aide de la larme et les purifier de la magie maléfique qui les animait. Lui non plus ne craignait pas trop leurs harpons et autres armes, protégé qu'il était par sa magie et son armure de qualité.

La lionne enchantée, comme à son habitude, choisit un chemin différent. Grâce à ses quatre pattes, ses griffes et son sens de l'équilibre, le sol glissant ne l'affecta pas. A peine fut-elle sortie de l'igloo qu'elle fit demi-tour et bondit de manière à grimper au sommet de ce dernier. Depuis cet avantageux poste d'observation, elle put repérer l'emplacement de la sorcière en train d'incanter. Derrière la féline Femme des Bois, d'un côté le Dúnadan progressait lentement mais sûrement dans la direction de cette même sorcière, tandis que de l'autre côté l'Eriadorien au visage balafré et le Dunéen n'avançaient guère. Il faut dire que si le premier avait commencé à casser têtes et bras zombies du plat de sa lame, le second n'avait pas été long à perdre son équilibre et à se retrouver sur son séant ou à quatre pattes, dans une position difficile pour le combat.

Vif prit son élan sur l'igloo puis elle fit un bond puissant au-dessus d'un grand nombre de zombies. Au passage, certains tentèrent de l'embrocher avec leurs armes, mais sans plus de succès que de vagues égratignures ou estafilades dans son cuir magique. Elle réduisit en pulpe glacée le corps d'un zombie sur lequel elle atterrit, à relativement faible distance de la sorcière qu'elle visait. Dans l'igloo, le hobbit tâchait de renseigner ses amis - en criant - sur la position des sorcières mortes-vivantes, l'elfe continuait à soigner, l'Homme des Bois récemment arrivé et son ami lossadan étaient en attente de Eru savait quoi, tandis que le nain se demandait ce qu'il fichait là et comment faire pour aider ses amis. Il faut dire aussi qu'il avait une gemme maléfique dans son sac à dos, gemme qu'il aurait voulu mettre en contact avec la larme de Yavanna sur le piédestal. Malheureusement, tel que l'écrin de glace était fait, il n'était pas possible de mettre la gemme au contact de la larme et en même temps faire toucher la larme à la main de l'elfe inconsciente et blessée.

2 - Difficultés magiques
Mais un nouvel élément allait rendre la situation des aventuriers un peu plus périlleuse. La sorcière vers laquelle se dirigeait la lionne magique venait d'achever une incantation destinée à remplir les cœurs des vivants de peur et de panique. La seule proximité des morts-vivants était déjà une épreuve en soi, mais cette magie d'épouvante rendait la maîtrise de soi bien plus difficile. Heureusement, l'anneau porté par le hobbit devait les protéger tous... ou du moins le pensaient-ils. En tout cas ils furent nombreux à se sentir affectés par cette épouvante et il fallut à certains puiser dans leurs réserves déjà affaiblies pour ne pas prendre leurs jambes à leur cou voire pire encore. Et nombreux furent les genoux ou les dents à s'entrechoquer.

Un cri de Rob montra une autre conséquence de cette magie : l'anneau enchanté qu'il portait venait de se contracter magiquement et de lui sectionner le doigt ! Les aventuriers avaient déjà remarqué qu'il pouvait changer de forme pour s'ajuster au doigt d'un nouveau porteur, mais cette agression était pour le moins inattendue. Heureusement le petit voleur avait mis le doigt à l'auriculaire de la main gauche, qui ne lui manquerait guère. Mais surtout, le pouvoir de l'anneau n'opérait plus à présent, ce qui voulait dire que les sorcières mortes-vivantes étaient libres de continuer à utiliser leurs sortilèges pour les affaiblir ou pire.

Dans l'igloo, Rob ramassait son doigt pour le montrer à Isilmë : la magie pourrait-elle faire en sorte de le recoller ? L'elfe pensait que ce serait possible peut-être, malgré une section tout sauf nette. Peut-être que les mains de roi de Taurgil, et sa magie, en seraient capable, associées à un peu de chirurgie qu'elle pourrait faire à l'aide de sa propre magie des soins. En attendant, elle dit à son petit ami de mettre le doigt dans un tissu et de laisser le tout sur de la glace - ce n'était pas ce qui manquait ici - pour qu'il ne se détériore pas. Elle lui fit aussi rapidement un pansement après avoir laissé Mordin s'occuper de la main de Gillowen.

Drilun, de son côté, faisait aussi les frais de la magie de ses adversaires. Si sa magie à lui déviait les coups des harpons et d'autres armes, une autre commençait à faire fondre la glace sous lui. Il avait déjà du mal à tenir debout, mais là cela devenait complètement impossible, d'autant que certains zombies, faute d'arriver à le blesser, essayaient de lui monter dessus pour le malmener et le blesser par leur seule force. L'archer-magicien se retrouva donc bientôt à plat ventre dans une cuvette de plus en plus profonde et qui en même temps se remplissait d'eau, maintenu ainsi par le poids de deux zombies au-dessus de lui. Il avait bien essayé de sortir de son trou, sans succès aucun. Et Geralt, qui dans un premier temps avait essayé de le tirer de là, avait dû vite s'écarter pour ne pas glisser à son tour.

La féline Femme des Bois, de son côté, faisait voler les corps des zombies de manière à arriver au plus vite sur son objectif. Mais un mort-vivant lossoth s'interposa qui devait correspondre, d'après la description qui en avait été faite, au fils de la sorcière, du temps où elle était vivante. Et il maniait avec adresse un harpon couvert de runes manifestement magiques, ce dont elle eut à souffrir assez vite. Après un moment elle réussit à le bousculer pour poursuivre sa route jusqu'à sa mère, mais cette dernière avait eu le temps de préparer un nouveau sort. La lionne enchantée fut percutée alors par une puissante onde de choc magique qui la fit reculer de plusieurs pas, étourdie et blessée plus sérieusement qu'elle ne l'avait été depuis longtemps. Ses ressources diminuaient et elle n'était pas sûre de pouvoir régler ce combat seule. Elle poussa des rugissements, et même si ses compagnons ne pouvaient tous les comprendre, son ton était assez clair pour saisir qu'elle appelait à l'aide.

3 - Décisions et secours
Dans l'igloo, depuis l'entrée, Rob pouvait voir les difficultés du maître-assassin et de l'archer-magicien. Le nain poussa alors l'elfe à aller secourir ses amis, sans oublier au passage de prendre l'anneau magique pour le passer au doigt et les protéger de la magie. Sinon, comme ils l'avaient déjà vécu, Drilun risquait fort de voir l'eau qui allait bientôt passer au-dessus de sa tête se congeler par magie. Déjà qu'un bain avec des zombies sur le dos et des parois glissantes, il n'arrivait pas à s'en sortir seul, si une fois la tête sous l'eau il était pris dans la glace sa survie serait plus que compromise : on ne brisait pas de la glace en un clignement de cils, surtout avec des épées ou hache qui ne sont pas faites pour ça !

L'elfe sortit donc de l'igloo après avoir mis l'anneau au doigt. Ses capacités elfiques lui permirent de glisser sans mal jusqu'à l'homme qu'elle aimait, tout en évitant les coups des zombies. Derrière elle, le hobbit suivait avec autant de succès, car même s'il n'était pas un elfe son pied était tout aussi sûr. Drilun, lui, sentait davantage de poids sur le dos tandis que de nouveaux zombies se jetaient sur lui. Son ultime effort pour essayer de sortir de sa baignoire de glace ne réussit qu'à le faire à nouveau glisser, plongeant par là même la tête sous le niveau de l'eau, qui heureusement venait de s'arrêter de monter. Il eut tout de même le réflexe de prendre un peu d'air avant de devoir retenir sa respiration.

Toujours dans l'igloo, Aime le Poisson avait succombé à la peur et il était à présent accroché au piédestal qui hébergeait la larme de Yavanna, tremblant de tous ses membres et parfaitement inutile à quoi que ce fût. Dwimfa, par contre, n'était plus là : glissant avec adresse, il attaquait à présent les zombies avec une épée large surgie de nulle part, dont la lame était aussi noire que la nuit. Mais son tranchant était tel qu'il arrivait à couper en deux les zombies qu'il touchait, manifestement sans mal, et ces derniers ne bougeaient plus une fois touchés par cette lame manifestement enchantée. Et ainsi il se dirigea, tout en esquivant les rares coups des zombies autour de lui - il faut dire que le nombre de ces derniers avait passablement diminué grâce aux efforts de Taurgil - vers le Dúnadan, la féline Femme des Bois dont il avait perçu la détresse, la sorcière morte-vivante et son fils maudit.

Resté plus ou moins seul, Mordin lâcha la main de Gillowen et la larme de Yavanna pour prendre la gemme maléfique dans son sac. Le contact avec l'objet lui fit tourner la tête, tant son pouvoir de corruption était puissant : grâce à l'objet, il sentait qu'il était invincible et qu'il pouvait balayer tous leurs ennemis sans mal. Avec difficulté malgré son incroyable volonté, il mit l'objet en contact avec la larme du piédestal de glace et la magie corruptrice de l'artefact s'arrêta brusquement. Bon, ainsi, les entités maléfiques ne seraient plus attirées par le pouvoir de cet objet que même lui, qui n'y connaissait rien en magie, pouvait sentir à distance. Il sortit sa hache et en assena un grand coup - pas du tranchant néanmoins - à l'arrière du crâne de l'elfe qu'il gardait. Ainsi, se dit-il, elle ne risquait pas de se réveiller et de leur faire un petit dans leur dos. Puis il sortit de l'igloo pour prêter main-forte à ses compagnons.

Plus loin, Vif, Dwimfa et Taurgil finissaient de se rejoindre, entourés de toutes parts par des lossoth zombies, face au fils mort-vivant de la sorcière. La lionne enchantée l'avait bousculé mais il avait eu le temps de se redresser lorsqu'elle avait été repoussée magiquement par sa mère. Dwimfa et lui firent une passe d'armes sans blessure aucune, mais ce fut suffisant pour voir que le harpon du lossadan devait bien être magique, comme l'attestaient les runes qui couvraient sa hampe en os. En effet, la lame que maniait l'Homme des Bois ne l'avait pas coupé en deux. De son côté, Vif profita de l'occasion pour bondir sur le côté, bousculer les zombies présents et arriver devant la sorcière... qui fit jaillir de sa main un éclat de glace qui s'enfonça dans ses chairs, la blessant une nouvelle fois et la laissant étourdie et incapable d'attaquer. De l'autre côté, le Dúnadan continuait à purifier les zombies les plus proches à l'aide de la larme de Yavanna, de manière à leur donner tout l'espace dont ils avaient besoin autour d'eux.

4 - Fin du combat
Les choses ne se présentaient pas très bien pour Drilun, qui se débattait avec énergie pour éviter de finir noyé. Il est vrai qu'avec à présent quatre zombies sur le dos qui le maintenaient au fond d'une petite cuvette de glace glissante et à moitié remplie d'eau, ce n'était pas gagné. Et se débattre consommait son oxygène encore plus vite. Il réussit tout de même à sortir brièvement la tête hors de l'eau avant de la replonger, peut-être grâce à un peu de poids en moins sur le râble. Il faut dire que Geralt faisait son possible pour découper les membres des zombies qui l'agrippaient, afin de le libérer, tout en esquivant lui-même les attaques d'autres zombies. Heureusement, entre sa rapidité et ses armures de très grande qualité, il était bien protégé.

Et puis d'un coup, en plus de ressentir de moins en moins de poids, l'archer-magicien se sentit soulevé hors de l'eau, ce qui lui permit à nouveau de reprendre sa respiration. Isilmë était là qui le tirait avec un bras, tandis que son autre bras tenait celui de Mordin qui s'accrochait à sa hache qu'il avait plantée dans le sol de glace au bord de la cuvette. L'elfe était arrivée sans mal, son pied elfique se jouant facilement de la glace glissante, et elle avait même pu descendre en partie dans la cuvette où le Dunéen risquait de se noyer. Mais elle n'avait pas assez de prise pour le sortir de là avec les zombies - ou ce qu'il en restait - qui l'alourdissaient. Puis le nain était arrivé, plus ou moins à quatre pattes car il n'avait pas le même sens d'équilibre que ses amis, pour lui prêter secours. Elfe et nain main dans la main pour sauver un compagnon...

Mais si ses compagnons étaient dans la zone proche de l'igloo que les morts-vivants ne pénétraient pas, ils restaient à portée de leurs harpons. Ils faisaient des cibles faciles, ne pouvant esquiver les coups et ne comptant que sur leurs armures pour les protéger. L'elfe prit plusieurs blessures légères, sans flancher, mais un harpon pénétra dans ses chairs plus profondément et, sous la douleur, elle lâcha son aimé. Heureusement, Drilun s'agrippa à elle tandis que Mordin les tirait tous les deux, malgré les coups de harpon qu'il avait reçus. Enfin, ils étaient sortis de la cuvette, même s'ils continuaient à être la cible de nombreuses attaques, malgré les efforts de Geralt pour les défendre, et ceux de Rob. Faute de mieux, le hobbit tirait flèche sur flèche, non pour tuer les zombies, ce qui était assez inefficace, mais au moins pour transpercer leurs mains et rendre leurs coups de harpon moins précis et difficiles.

Et tout d'un coup, la sorcellerie qui donnait vie aux zombies s'arrêta net, et ils tombèrent tous les uns sur les autres. Ce n'étaient plus que des tas de chairs mortes et glacées - parfois en plusieurs morceaux - qui n'auraient jamais dû sortir de leur tombe. Plus loin, Dwimfa avait pu régler son compte au fils de la sorcière morte-vivante avec l'aide du Dúnadan. Ce dernier remarqua qu'à la suite du dernier coup d'épée porté par ce nouveau compagnon d'armes, l'Homme des Bois l'avait regardé de manière étrange, en serrant fort son épée noire et en ayant l'air d'avoir du mal à se contrôler et à se retenir de faire... il ne savait quoi. De son côté, Vif avait épuisé ses dernières ressources morales, mais, animée par l'énergie du désespoir, elle avait foncé en direction de son adversaire, renversant les zombies présents sans aucune considération pour sa défense. Folle de douleur et de désespoir, elle était tombée sur son ennemie et avait transformé son corps en charpie, rompant le lien qui permettait au spectre qui l'animait de le contrôler.

Manifestement, l'immense majorité des morts-vivants présents dépendaient de la volonté de la sorcière pour nourrir la sorcellerie qui leur permettait de bouger. Majorité ? Oui, car il restait un corps de lossadan glacé à tenir encore debout : le corps qui avait été la fille de la sorcière abattue par la lionne et ses amis, et qui était elle-même une sorcière expérimentée, sentit le vent tourner et préféra fuir. Les aventuriers cherchèrent à éliminer cet ultime mort-vivant mais il était difficile d'avancer sur un sol glissant jonché de corps. Sauf pour la féline Femme des Bois qui avait repris espoir mais sentait toujours une froide fureur lui dévorer les entrailles. Elle fut bientôt sur le spectre maudit et ses griffes magiques la renvoyèrent dans les limbes - pour un temps au moins.

5 - Soins, corruptions et purifications
Le travail n'était pas encore terminé, car les spectres étaient susceptibles de revenir - avec ou sans corps - et d'animer à nouveau les nombreux cadavres présents. Mais en même temps, plusieurs membres de l'équipe avaient subi des blessures sérieuses, comme Vif ou Isilmë, et nécessitaient des soins sans trop tarder pour ne pas voir leur état empirer. De plus, l'épuisement moral ou physique de certains était manifeste, sans parler de nombreuses petites blessures qui mettraient du temps à guérir et qui nécessitaient du repos pour cela. Et c'était sans parler de la nouvelle blessure à la tête de Gillowen, qui devait être traitée de toute urgence pour ne pas la voir rapidement passer de vie à trépas. Et même ainsi, l'elfe que connaissait Drilun n'était pas très optimiste sur les chances de survie de l'elfe enchanteresse, sans magie du moins. Et Rob aurait bien voulu récupérer l'usage de son doigt...

Malgré le mauvais état de l'elfe possédée par Eloeklo, il ne fallait pas prendre de risque. En conséquence, d'une manière ou d'une autre, il fallait à nouveau la mettre en contact avec une larme de Yavanna, sachant que l'autre - celle des aventuriers ou celle de l'iceberg funéraire (la "résine de mer") - allait servir pour les soins. Ce qui voulait dire retirer la gemme maléfique que Gillowen portait autrefois, pour un temps au moins, du piédestal sur lequel elle reposait. Mordin ne fit ni une ni deux et il prit le bijou avec la main pour le remettre dans son sac. A son contact, il sentit à nouveau le pouvoir corrupteur de l'objet et la puissance fantastique qu'elle lui apportait. Et même s'il rejeta plus facilement que la première fois les désirs de possession et d'utilisation qu'elle faisait naître en lui, il sentit que la force de cette corruption s'était encore accrue depuis la fois précédente.

Et il ne fut pas le seul à le sentir. Au moment où le nain détacha la gemme de la larme de Yavanna, devant les yeux de tout le groupe, chacun sentit le désir de posséder ce puissant artefact. Y compris Vif, dont l'épuisement physique et mental, et les nombreuses blessures, ne lui permirent pas de résister. Elle succomba aux rêves de puissance que lui envoyait la gemme, et elle s'approcha du nain. Son corps félin puissant, bien que blessé, fit voler son ami et elle lui arracha le sac à dos. Puis elle se précipita vers la sortie de l'igloo où ils s'étaient rassemblés pour emporter son trésor avec elle, redoutant de voir les autres venir lui voler. Heureusement, Taurgil put réagir assez vite, d'autant qu'il était près de l'étroite entrée. Si la lionne enchantée réussit à lui passer entre les jambes, il put sans mal la mettre en contact avec la larme qu'il portait... ce qui lui fit reprendre forme humaine, pour le coût d'un épuisement supplémentaire dont elle se serait bien passée. Complètement abattue, blessée, désespérée, elle resta là tandis que ses amis lui donnaient des vêtements et l'aidaient à les enfiler pour qu'elle ne meure pas de froid.

Par la suite quelques soins furent enfin faits, certains en urgence, dont des soins magiques pour permettre aux corps de récupérer vite et mieux ou pour trouver un sommeil profond et récupérateur. Mais également, le doigt du hobbit dut être traité : à l'aide de sa magie des soins et de ses autres compétences, la guerrière et soigneuse elfe put recoudre le doigt à la main gauche. Ensuite, une casserole d'eau fut mise à chauffer pour que le Dúnadan puisse jeter de l'athelas dans l'eau frémissante. L'odeur de l'herbe apaisa un peu les cœurs fatigués et les mains de roi de Taurgil entrèrent en action sur la main de son petit ami. A la suite de quoi Isilmë lui dit qu'il pouvait espérer récupérer l'usage du doigt d'ici à une semaine, sous réserve de ne pas passer ce temps de manière trop fatigante. L'elfe avait été très active magiquement malgré ses nombreuses blessures et son épuisement, et elle avait senti que l'anneau magique qu'elle portait l'avait bien aidée. En revanche, elle n'avait rien voulu en dire à ceux qui évoquaient le sujet, et encore moins le retirer de son doigt à elle.

Bien entendu, les morts-vivants ne furent pas oubliés. Grâce aux compétences et matériels des uns ou des autres, les perles enchantées furent recherchées et analysées, et celles qui portaient des traces de corruption furent détruites par la magie du bâton de lumière manié par l'archer-magicien. A la suite de quoi Aime le Poisson commença à passer auprès des morts pour les allonger côte à côte, par famille quand il pouvait la déterminer, avec l'idée de leur rendre une sépulture décente comme c'était le cas autrefois. Ce qui ne serait pas facile vu le nombre de corps à identifier, sans parler de morceaux divers et variés pour certains d'entre eux. La tâche allait se montrer rude... Il aurait de l'aide à partir du lendemain, mais bien d'autres choses durent auparavant se mettre en place.

6 - Un Lossadan d'adoption nommé Dwimfa
Il y eut tout de même un soin qui ne fut pas à l'ordre du jour : Taurgil pensait que la magie qu'il maîtrisait au travers de sa lignée royale pouvait servir pour rendre la mémoire à Dwimfa, l'Homme des Bois et ancien ami de Vif. Auparavant ils lui avaient fait toucher une larme de Yavanna, mais sans aucun effet visible. Or ils avaient probablement besoin de sa mémoire voire de ses compétences, comme son intervention l'avait montré. Mais l'homme accueilli par les Lossoth déclina la proposition du grand rôdeur : il n'avait pas envie que l'héritier des rois du Rhudaur fasse jouer sa magie sur lui. Ou bien il ne faisait pas complètement confiance aux aventuriers, ou bien il ne tenait pas vraiment à retrouver la mémoire, ou bien les deux.

Les plus perceptifs avaient peut-être remarqué que Dwimfa et Aime le Poisson avaient passé un certain temps à parler ensemble après le combat. Et l'Homme des Bois s'était par la suite éclipsé pour aller prévenir la fille de son ami que tout était terminé et que son père allait bien. Mais par la suite, quand Drilun était sorti pour aller interroger magiquement les étoiles, il n'avait trouvé personne : la fille d'Aime le Poisson était partie... avec toutes leurs barques. Était-ce par manque de confiance ou autre chose ? En tout cas toute l'équipe était coincée sur l'iceberg avec le Lossadan d'adoption qu'était l'ancien ami de Vif et le grand chasseur du clan qui l'avait accueilli.

Au passage, le Dunéen constata aussi que le temps, qui était plutôt beau auparavant, se dégradait vite et qu'il ne serait pas possible d'interroger les étoiles. Se doutant de quelque maléfice, il demanda son avis au hobbit qui confirma qu'il y avait de la magie dans l'air. Manifestement, Andalónil était là et il n'avait pas envie de les voir partir. De toute manière, sans barque ils ne pouvaient aller loin et il leur faudrait du temps pour se guérir et reposer, sans parler de faire un peu de ménage et de prendre des décisions concernant Gillowen. Mais avant d'aller se coucher comme la majorité de ses compagnons, Drilun souhaita faire une petite expérience magique et partager le rêve de l'Homme des Bois. Il s'allongea non loin de lui, qui dormait aux côtés de Vif, avec qui il avait beaucoup parlé. Le magicien du groupe lança ensuite son sortilège, puis il laissa le sommeil l'envelopper et sa magie le guider jusqu'aux songes de cet ancien aventurier.

Le rêve qu'il partagea lui montra un homme plein d'énergie et d'enthousiasme dans son quotidien chez les Lossoth. Peut-être ses actions étaient-elles exagérées par la dimension onirique du récit, mais la vie de tous les jours en rêve mettait bien en valeur le personnage : très doué pour chasser, le pied sûr, capable des acrobaties ou actions d'éclat les plus spectaculaires, se riant des risques inconsidérés qu'il prenait et déjouant toujours le mauvais sort... Il avait l'air - dans son rêve à tout le moins - de prendre beaucoup de plaisir à cette vie dans le Grand Nord, d'apporter beaucoup aux Lossoth qui l'avaient adopté, et qui en échange l'aimaient beaucoup et lui montraient une reconnaissance certaine. Un homme heureux.

Mais après une bonne journée parmi les siens, le tableau changeait avec l'arrivée inopportune des aventuriers, tous plus ou moins menaçants - en particulier le nain et le Dunéen, mais beaucoup moins la Femme des Bois et le hobbit - et dont les futures actions semblaient incertaines. La soirée pleine de chants et de contes dans la salle commune du clan s'était vite transformée en un face-à-face un peu tendu, un silence pesant régnant chez les Lossoth surpris par Taurgil et ses compagnons. Dans le rêve, les aventuriers jouaient le rôle peu enviable de trouble-fête venus d'un autre monde, sans réelle empathie pour les Hommes des Neiges. Bien sûr, tous n'étaient pas vus de la même manière, et l'appréhension de Dwimfa était variable et facilement perceptible.

Que le hobbit fût du côté des personnages les plus sympathiques ne pouvait surprendre : dans les légendes des Lossoth il n'y avait que des histoires positives les concernant, et de plus, dans l'ensemble du groupe, c'était celui qui avait l'air le plus inoffensif. Pour la Femme des Bois, rien d'étonnant non plus : non seulement elle parlait une langue connue de lui seul, mais elle avait passé plusieurs heures à lui raconter des histoires de leur enfance à Buhr Widu, de son passé. Elle lui montrait de l'amitié, du plaisir de le retrouver, et manifestement il y avait là un lien qu'il ne pouvait ignorer. Quant à Mordin et lui, qu'est-ce qui les mettait à l'autre extrémité de l'échelle, parmi les plus menaçants et moins dignes de confiance ? Qu'y avait-il ou qu'avaient-ils fait qui déplaisait ou avait déplu à ce Lossadan d'adoption, qui manifestement avait embrassé avec plaisir sa nouvelle vie et la culture des gens qui l'avaient accueilli ?

7 - Nettoyage et réparation
Une partie de la réponse vint de la Femme des Bois, ou plutôt des discussions avec cette dernière. En effet, elle continua à passer beaucoup de temps avec celui qui fut pour elle un ami d'enfance, à parler, échanger... et comprendre pourquoi il ne souhaitait pas tenter de retrouver la mémoire. Il y avait bien là un problème de confiance, qui tenait en deux idées : d'une part, Aime le Poisson avait rapporté à Dwimfa, ou plutôt ulkomainen onnekas ("étranger porte-bonheur") comme il l'appelait, des comportements des aventuriers qui ne lui avaient pas plu et qui n'avaient certainement pas plu aux habitants du monde des esprits. D'autre part, l'Homme des Bois était heureux parmi les Lossoth, et il avait peur de perdre cela, de ressembler aux compagnons de Vif dans ce qu'ils avaient de moins positif : n'étaient-ils pas poursuivis ou menacés par divers ennemis puissants ? Obnubilés par diverses possessions matérielles ? Tellement concentrés sur leurs problèmes qu'ils ne savaient plus ce que c'était d'être heureux ?

Retrouver sa mémoire et redevenir un aventurier n'avait donc pas que des bons côtés pour celui qui paraît-il était autrefois (voire encore) un vrai trompe-la-mort, du peu qu'en savaient Vif et ses amis. Il aimait les Lossoth, son clan, sa nouvelle famille, et non seulement il avait peur de les perdre mais il avait également peur de leur faire du mal en les quittant - doublement : en privant ceux qui l'aimaient de sa présence auprès d'eux, et de ce qu'il apportait au clan. Sans parler du fait que les esprits auraient dit à ceux du clan qui savaient les entendre que son départ serait synonyme de grand malheur pour ceux avec qui il partageait désormais sa vie. Mais plus que tout, il était à présent plus Lossadan qu'Homme des Bois, et le comportement des aventuriers, d'après lui, montrait un manque singulier de respect pour les traditions des Hommes des Neiges.

La Femme des Bois partagea ces réflexions avec ses compagnons, leur demandant de faire plus attention à la culture et aux croyances des Hommes des Neiges. Ainsi, certains comme Taurgil allèrent très vite prêter main-forte à Aime le Poisson pour remettre en état l'iceberg funéraire et ses habitants. D'autres comprirent aussi que le manège de Mordin et Drilun, qui avaient récupéré nombre d'objets précieux appartenant aux Lossoth décédés, pour la "bonne cause" bien sûr, n'était pas passé inaperçu aux yeux du tietäyä ("celui qui sait") du clan de l'Oiseau de Mer, et homme très écouté de tous les Chasseurs des Mers, ces Hommes des Neiges qui vivaient dans des montagnes de glace flottante. Et de toute manière ce que faisaient les aventuriers ne pouvait échapper à la vigilance des esprits, et Eru savait s'ils étaient nombreux ici...

Cela amena ainsi le Dunéen à avoir une conversation avec cette éminence des Hommes des Neiges qui les avait accompagnés. Il fit comprendre à l'archer-magicien que ce n'était pas tout d'éliminer des spectres et autres morts-vivants : piller les morts était un crime qui pouvait déranger le monde des esprits et l'harmonie dans laquelle vivaient les Lossoth. Privés de cette harmonie et en butte aux problèmes des esprits en colère, ses congénères pourraient souffrir beaucoup voire disparaître par le fait du climat dangereux ou des nombreux autres dangers animés qui les menaçaient dans le Grand Nord. Prendre des perles enchantées corrompues pour les détruire aidait à rétablir l'harmonie, mais prendre celles qui ne l'étaient pas pour des raisons personnelles, égoïstes, ne valait pas mieux que le travail de mort et de destruction des morts-vivants ou de leurs maîtres.

Les deux aventuriers remirent donc à Aime le Poisson les objets qu'ils avaient pu récupérer sur les morts - animés ou non - non sans un peu de mal pour Drilun, qui aurait apprécié l'aide magique qu'ils pouvaient apporter à lui et à ses amis. Il eut tout de même l'idée de recopier les runes magiques que les perles portaient, de manière à pouvoir un jour fabriquer des objets magiques qui comporteraient les mêmes pouvoirs. Quand c'était possible ils aidèrent le Lossadan à rapporter les objets auprès de leurs propriétaires, mais dans certains cas il faudrait faire des recherches auprès des familles concernées pour rendre son dû à chacun. Taurgil posa aussi la question de donner ou prêter un objet ayant appartenu à l'une des sorcières mortes-vivantes, un bâton ayant des pouvoirs magiques d'éblouissement. Ce à quoi Aime le Poisson répondit qu'il n'avait pas la réponse à cette question. En revanche, si l'objet n'était pas corrompu par son précédent porteur et si les esprits leur transmettaient des visions positives, c'était peut-être possible.

Manifestement, ce changement d'attitude dut plaire aux esprits. En effet, les aventuriers étaient passés d'un comportement du style "je prends car c'est utile pour nous donc pour tous" à "je demande aux Lossoth et à leurs esprits s'il est possible d'utiliser un de leurs objets qui pourrait être utile pour tous, et je respecterai leur décision". Cela se vit notamment dans les échanges avec la fille d'Aime le Poisson. Elle apparut en effet le lendemain en cours de journée, après que le mauvais temps fut parti. Elle revint juste avec une barque et des vivres pour tous, annonçant que le monde des esprits notait des progrès mais qu'il restait troublé. Puis elle repartit. Et le lendemain matin, elle apporta l'ensemble de leurs barques et l'annonce de présages favorables provenant du monde des esprits. Manifestement, d'une manière ou d'une autre, les efforts fournis par les aventuriers avaient porté leurs fruits.

8 - Tranche de vie d'aventurier
Du coup, le comportement plus positif à leur égard de la part des deux membres du clan de l'Oiseau de Mer - Aime le Poisson et Dwimfa - incita Vif à revenir à la charge auprès de ce dernier : ne voulait-il toujours pas faire confiance à Taurgil et essayer de retrouver la mémoire ? En aucun cas cela ne le priverait de son libre arbitre, mais au moins serait-il plus complet et agirait-il en connaissance de cause, alors que parfois il avait eu des impulsions qu'il n'avait pas comprises. L'Homme des Bois et ancien aventurier se laissa convaincre par son ancienne amie et il accepta de retrouver la mémoire grâce aux mains de roi du Dúnadan, si cela était possible. Ce dernier fit une nouvelle infusion d'athelas, puis il utilisa sa magie sur l'Homme des Bois devenu Lossadan. Ce dernier fut parcouru de frissons et de tremblements, dénotant qu'il se passait quelque chose, ce qu'il confirma bien vite. Oui, il avait retrouvé la mémoire. Il ne savait pas si cela était une bonne chose, mais en tout cas si cela pouvait servir le groupe d'aventuriers, il était prêt à répondre à certaines de leurs questions.

Ce dont ils ne se privèrent pas. Les principales questions tournèrent surtout autour de Gillowen, du démon Eloeklo, du terrible artefact représenté par l'énorme gemme portée par la magicienne blessée, et de l'ancien groupe d'aventuriers. Le récit de Dwimfa commença très longtemps en arrière, quand il était adolescent dans la ville des Hommes des Bois et qu'il avait pour amie une apprentie magicienne venue de la forêt magique que certains appelaient parfois Lorien. Gillowen, car c'était bien d'elle qu'il s'agissait, semblait avoir des facilités pour les arts magiques, ce qui ne manquait pas d'intéresser l'Homme des Bois qui aurait bien voulu partager ce savoir. Ce qui d'ailleurs fut effectivement le cas, comme certains comme Geralt avaient déjà pu avoir l'occasion d'observer.

Mais l'elfe qui était son amie, si elle disposait déjà très jeune de grands pouvoirs, ne les maîtrisait pas complètement. C'est ainsi qu'un jour un sort tourna mal et Dwimfa s'en trouva très affecté. Régulièrement, il avait des "absences" pendant lesquelles son comportement changeait du tout au tout : il devenait cruel, destructeur, maléfique. Pour ces raisons Gillowen et lui partirent de chez eux pour aller sur les routes et trouver quelque part réponse à leurs besoins - de puissance, de maîtrise, d'aventures. Ils trouvèrent en chemin d'autres compagnons, de nombreux ennemis, de nouveaux problèmes avec le mal de Dwimfa, qui était en fait sa possession par un puissant démon. Heureusement il apprit à combattre l'influence démoniaque lorsqu'elle l'incitait à faire le mal, afin de minimiser ses effets. Et un jour, il fut soigné de sa possession par un pouvoir de l'elfe magicienne... qui devint la nouvelle proie du démon qui serait plus tard connu sous son nom : Eloeklo.

L'Homme des Bois donna encore de nombreux détails qu'il serait trop long de rapporter ici. Toujours est-il que l'âme de Gillowen fut un jour arrachée à son corps pour être déposée dans une gemme remise à une monstrueuse araignée géante habitant les montagnes du Mordor, en un lieu nommé la Passe de l'Araignée (Cirith Ungol). Dwimfa et ses compagnons ne purent affronter l'araignée démoniaque et ils partirent pour le Grand Nord pour tenter de détruire une gemme monstrueuse découverte dans la plus grande forteresse des orcs de la Terre du Milieu, Gundabad. Cette gemme maléfique portait en elle une parcelle de pouvoir de Morgoth, le Noir Ennemi du Monde, qui fut rejeté hors de la Terre du Milieu à la fin du Premier Âge. Mais les pouvoirs maléfiques de cette gemme étaient tels qu'elle n'apportait que mal et corruption tout autour d'elle, attirant toutes les entités maléfiques des environs - consciemment ou inconsciemment - et tentant de corrompre les autres. Le porteur de la gemme devenait de fait une espère de demi-dieu, qui n'avait très vite d'autre choix que de grandir en puissance pour tuer ses pareils ou en faire ses esclaves... s'il ne voulait pas être tué par eux. Et la gemme ne pouvait être détruite que là où elle avait été créée, dans ce qui restait de l'ancienne forteresse de Morgoth (du nom d'Angband), dans le Grand Nord. Dans un lieu étrange appelé le Puits de Morgoth, un gigantesque creuset abritant un son sein un lac de roche en fusion.

Le groupe d'aventuriers dont faisait partie Dwimfa disposait d'un bateau volant, tel le Vingilot à présent guidé par Eärendil dans les cieux et portant à sa proue le silmaril de Beren et de Lúthien. C'était Dwimfa qui le pilotait, après la défection de Tina lorsque Tevildo prit possession d'elle. Ils partirent jusqu'au Grand Nord où ils furent déviés, peut-être par des vents magiques, peut-être par les pouvoirs de Gillowen, car elle était avec eux. En effet, ils n'avaient pu se résoudre à la tuer, or son corps dépérissait s'il n'était pas régulièrement animé... et seul Eloeklo était là pour le faire. Et ce dernier, d'une manière ou d'une autre, avait su les diriger là où ses pouvoirs étaient encore puissants, au-dessus de certaines montagnes du Grand Nord où les Valar l'avaient emprisonné. Sentant ce qui allait se passer et redoutant la libération de Gillowen ou plutôt du démon à travers elle, Dwimfa avait sauté hors du vaisseau et il avait survécu en tombant dans une pente enneigée à flanc de montagne. Il faisait toujours montre d'une chance étonnante, et il avait un pouvoir magique acquis au cours de ses aventures qui le protégeait du froid. Il avait donc pu survivre à sa chute et son errance, même s'il avait perdu la mémoire, jusqu'au moment d'être accueilli par les Lossoth chez qui il avait pu commencer une nouvelle vie.

L'Homme des Bois donna encore bien d'autres détails concernant son ancienne vie d'aventuriers. Entre autres choses, il dit que son équipe avait déjà eu à sa disposition plusieurs larmes de Yavanna, dont l'une d'elles servait à annuler les pouvoirs magiques (attirance et corruption en particulier) de la gemme, qui s'appelait en fait l'Ulûkai de Morgoth. Mais plusieurs furent perdues, et même détruites, même s'il semblait qu'une fois détruite, une larme se reformait toujours quelque part mais en un lieu inconnu. Il décrivit parfois ses anciens compagnons ou évoqua très rapidement le formidable matériel qu'ils avaient eu en leur possession. Même si souvent, les artefacts possédés venaient avec un prix. Ainsi, l'épée enchantée qu'il portait - et qui pouvait se changer en dague à volonté - était peut-être une des plus grandes lames existantes en Terre du Milieu, mais elle avait sa volonté propre qui souhaitait avant tout la mort des êtres vivants (ou non), amis ou ennemis.

9 - Objectifs à trouver, décisions à prendre
Les informations apportées par Dwimfa éclairaient d'un jour nouveau la quête des aventuriers dans le Grand Nord. Drilun rappela aussi la vision magique qu'il avait eue lors de la deuxième nuit qu'ils avaient passée sur l'iceberg. En effet, le ciel était clair, la magie ténébreuse et le mauvais temps levé par Andalónil avaient disparu en cours de matinée, et les étoiles étaient visibles. Ce qui avait permis à l'archer-magicien d'avoir une vision prémonitoire où le ciel était d'abord chargé de nuages noirs qui se faisaient et se défaisaient autour d'étoiles diverses. Mais trois d'entre elles étaient particulièrement grosses et visibles : une bleue, une blanche et une rouge. Elles semblaient même lutter d'influence dans le ciel, et souvent elles étaient entourées de nombreuses étoiles filantes. Jusqu'au moment où elles avaient toutes paru sombrer du ciel sur l'horizon. Un endroit de l'horizon qui semblait même rougeâtre et qui ne disait rien au magicien.

Au final, Taurgil et ses compagnons ajoutaient à leurs propres casseroles - poursuivis par de puissants ennemis, servir Tevildo pour ses propres objectifs - quelques-unes de l'ancien groupe d'aventuriers. Ils héritaient en effet d'un artefact magique d'une redoutable puissance et d'une capacité à leur nuire encore plus grande, mais aussi de la vie ou de la mort d'une elfe qui servait de vaisseau à un puissant démon des environs. Démon dont les objectifs étaient les mêmes que ceux de Tevildo et d'une autre puissante entité emprisonnée dans le Puits de Morgoth cité auparavant, d'après des visions faites en Arthedain, entité qui répondait au doux nom de Durlach. Bref, leur objectif à tous les trois était de se libérer de leur prison physique ou magique et/ou de retrouver une fana, un corps physique à eux, qui leur permettrait d'utiliser l'ensemble de leurs pouvoirs retrouvés.

Concernant Gillowen, Isilmë rappela que l'on ne pouvait la laisser indéfiniment dans son état, privée d'âme - elle finirait tôt ou tard par mourir. Il fallait donc régulièrement qu'Eloeklo prenne possession d'elle afin de maintenir son corps en vie, sans parler de le soigner et le nourrir. Cela laissait principalement trois possibilités aux aventuriers : la première et la plus simple était de tuer l'elfe qui fut autrefois la magicienne du nom de Gillowen. Resterait à gérer la gemme qu'elle portait, gemme qu'on ne pouvait juste jeter quelque part, tant un artefact comme celui-là finirait toujours par trouver quelqu'un pour mettre la main dessus, et si possible quelqu'un de peu recommandable. Il était aussi envisageable de soigner puis libérer Gillowen, ce qui avait l'avantage d'en faire un allié potentiel bien que ce terme fût discutable. Et restait encore à déterminer s'il était possible de la laisser partir sans l'Ulûkai de Morgoth ou si lui laisser la gemme était une option possible.

Les avis étaient très partagés au sein du groupe. La gestion de l'Ulûkai de Morgoth paraissant être une vraie plaie, certains comme Taurgil envisageaient de pouvoir le laisser à Gillowen si cette dernière restait vivante. Dwimfa objecta contre cette idée, énumérant une petite liste des pouvoirs avérés de la gemme : maîtrise des sorts maléfiques ou des armes, contrôle des morts-vivants, facilités à faire de la magie... mais surtout, capacité à imposer sa volonté à une autre personne ou groupe de personnes. Et, selon l'Homme des Bois, ce pouvoir était tel que selon lui, aucun aventurier n'était en mesure de résister au pouvoir de la gemme. Autrement dit, le possesseur de la gemme était en mesure de faire de chacun d'entre eux une parfaite marionnette. Certains pensèrent tout de même que Vif, par la présence de Tevildo en elle, était certainement un candidat sérieux à la résistance au pouvoir de la gemme.

D'ailleurs, l'intéressé lui-même fit connaître son avis. En effet, Tevildo, par l'intermédiaire de Vif, n'hésita pas à réagir. Tous savaient qu'il devait suivre depuis un moment leurs péripéties et notamment les discussions concernant une alliance possible avec Eloeklo et contre lui. Mais le Prince des Chats semblait s'en amuser et trouver qu'une alliance avec Eloeklo pouvait avoir de grands bénéfices et en particulier de focaliser l'attention de Durlach sur lui. Autrement dit, pour Tevildo, il serait sans doute facile de manipuler Eloeklo de manière à lui faire affronter l'habitant du Puits de Morgoth pour pouvoir ensuite liquider le survivant affaibli et prendre possession des lieux. En revanche, Tevildo semblait, comme Dwimfa, trouver abusif et trop dangereux de laisser la gemme à Gillowen. Non seulement elle apportait trop de puissance, mais en plus elle était nécessaire pour libérer les deux concurrents du Prince des Chats, alors que lui-même n'en n'avait peut-être pas forcément besoin, se dirent certains aventuriers.

Et il restait aussi à déterminer quoi faire et où aller lorsqu'il serait temps de quitter l'iceberg funéraire. Tevildo et Eloeklo partageaient l'idée de faire combattre des dragons à l'équipe d'aventuriers, histoire de les aguerrir un peu et de peut-être récupérer du matériel intéressant. Taurgil et ses compagnons, par contre, caressaient plus l'idée d'aller récupérer les possessions magiques des anciens compagnons de Dwimfa. D'ailleurs, l'un d'eux était en leur possession : pendant qu'elle se reposait, Isilmë avait été soulagée de son anneau magique - auparavant au doigt de Gillowen - par les mains agiles du hobbit. A son réveil elle avait voulu récupérer "son" bien, mais Drilun avait réussi à lui faire entendre raison et la babiole était demeurée dans une bourse fermée et non au doigt de l'un d'eux, elfe ou non. Il fut aussi question d'aller chercher d'autres larmes de Yavanna pour les aider dans leurs aventures. Et bien d'autres idées furent évoquées, mais sans pour autant trouver un consensus et prendre une décision approuvée de tous. Et pourtant il faudrait bien vite le faire, ne serait-ce que parce que la gemme de Morgoth allait très vite faire pleuvoir sur eux les ennuis les plus grands comme les plus terribles ennemis que comptait le Grand Nord, et Eru savait s'ils étaient nombreux et puissants !
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Niemal
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Grand Nord - 10e partie : diplomatie et magie

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1 - Affaire d'interprétation
La première décision à prendre ne dépendait pas des aventuriers, mais elle était au sommet de leur liste : la participation de Dwimfa à leur quête. L'ancien aventurier avait montré qu'il avait les capacités pour être un membre utile au groupe, ou le matériel, ou tout cela à la fois. Et en plus de cela il connaissait en partie le Grand Nord et ses habitants voire il était connu d'eux, et en termes plutôt positifs. Vif et ses amis étaient donc unanimes - la féline Femme des Bois la première, vu leurs liens d'enfance - pour l'intégrer à leur groupe. Ce qui n'était pas du goût de l'intéressé, qui connaissait depuis deux ans une vie heureuse et qui aurait préféré ne pas la changer ; ou de Pitää Kalasta, qui craignait pour son peuple si ulkomainen onnekas ("étranger porte-bonheur"), comme était appelé Dwimfa ici, venait à les quitter. En effet, les esprits avaient bien fait savoir que l'étranger porterait chance aux Lossoth et que de grands malheurs surviendraient s'il les quittait.

Dans tous les cas, car c'était la manière de faire des Hommes des Neiges, l'intéressé ferait son propre choix : Aime le Poisson ne donnait d'ordre à personne, et aucun Lossadan n'aurait osé dire à Dwimfa ce qu'il fallait faire, tous ses amis et connaissances de sa nouvelle vie respecteraient sa décision et il le savait. Restait qu'entre son ancienne vie d'aventurier faite de beaucoup de souffrances et de risques (et de pertes), et sa nouvelle vie, déjà bien aventureuse mais plus stable et à l'avenir plus prometteur, son choix était vite fait. Et savoir qu'accompagner les aventuriers pouvait mettre en danger ceux qu'il aimait ne simplifiait pas les choses. Ou plutôt cela simplifiait sa prise de décision qui était de laisser Vif et ses amis se débrouiller sans lui. Sauf qu'il était conscient que les enjeux le dépassaient et menaçaient son peuple, sans parler des liens d'amitié, peut-être, qu'il ressentait pour la féline Femme des Bois et ancienne amie d'enfance.

Les membres du groupe appuyèrent fortement sur l'importance de leur quête, l'impact positif qu'elle aurait pour les Lossoth (ou l'impact négatif s'ils échouaient), et donc la nécessité pour Dwimfa de les accompagner et ainsi - indirectement - de servir les siens. Mordin et Drilun en particulier insistèrent sur cet aspect des choses, disant peu ou prou que sans leur aide les Hommes des Neiges étaient perdus et qu'aider les aventuriers dans leur quête était la meilleure chose à faire pour permettre aux habitants du Grand Nord de vivre heureux et libres. Ce à quoi Pitää Kalasta opposa une vision différente et reprocha au nain et au Dunéen de se croire tout-puissants et de négliger les capacités de son peuple à se défendre lui-même. Ainsi, son peuple n'avait pas attendu l'arrivée du groupe pour trouver comment combattre les dragons et limiter leur impact sur son peuple. Cela faisait bien d'innombrables années que ces monstres étaient présents et même de plus en plus actifs, et pourtant les Lossoth étaient toujours en vie. Et ils avaient développés des techniques et des armes adaptées au combat contre les dragons, que presque tous les sages et nommeurs d'esprit possédaient et maîtrisaient.

Ainsi, Aime le Poisson proposa au groupe une autre manière de les aider. Les aventuriers parlaient de la nécessité de détruire la gemme maléfique appelée l'Ulûkai de Morgoth ? Pourtant elle avait existé pendant des milliers d'années auparavant, et son pouvoir de corruption était bloqué par un contact avec une larme de Yavanna appelée ici "résine de mer". Taurgil et ses amis ne pouvaient-ils pas laisser la gemme au contact de la résine de mer de l'iceberg funéraire et aider les siens à réparer et protéger ce dernier ? Bien sûr, les aventuriers répondirent qu'ils ne souhaitaient pas passer leur vie dans le Grand Nord, mais le Lossadan avait pu leur montrer ce qu'il souhaitait leur faire entendre : les aventuriers avaient l'habitude de trouver des solutions avec leur manière de voir les choses, mais les Lossoth avaient une autre manière de réfléchir et leurs solutions à eux, et qui pouvait dire laquelle était la meilleure ? Taurgil et ses amis connaissaient la magie, le combat et les entités maléfiques, ils savaient les combattre et d'autres choses ? Mais connaissaient-ils vraiment les Hommes des Neiges et leurs capacités, le monde des esprits, le Grand Nord et ses pièges ?

Vif insista plutôt sur le fait que les aider ne voulait pas dire, pour Dwimfa, quitter son nouveau peuple. L'Homme des Bois ne ferait qu'aider le groupe à résoudre leur quête avant de retourner vivre parmi son nouveau peuple, il n'était pas question de les quitter définitivement. D'une certaine manière, vu qu'ils seraient toujours dans le Grand Nord, il serait toujours parmi les siens. A minima, n'était-il pas possible de demander leur avis aux esprits avec qui vivaient les Lossoth pour savoir ce qu'ils en pensaient ? Si cette manière de voir les choses plaisait déjà plus à Aime le Poisson car elle était plus proche de la façon de faire des siens, c'est en fin de compte Taurgil qui fit avancer le plus les choses. En effet, il montra aux Hommes des Neiges présents - en incluant Dwimfa parmi eux - que la présence de l'Homme des Bois parmi les Lossoth et l'aide qu'il apporterait aux aventuriers étaient entièrement compatibles. La prédiction comme quoi le départ de Dwimfa serait synonyme de grands malheurs était déjà vérifiée : si l'ancien aventurier n'avait pas été là, sans lui, les morts-vivants de l'iceberg funéraire n'auraient pas pu être vaincus...

Le Dúnadan reprit donc la prophétie et la tourna à l'avantage des aventuriers : il était écrit, dit le grand rôdeur, que Dwimfa allait servir le groupe d'aventuriers (ou d'autres...) pour combattre et vaincre les ennemis et autres menaces pesant sur les Lossoth et leur pays. Quand il était arrivé dans le Grand Nord, il fallait qu'il reste pour pouvoir accomplir sa destinée dont profiteraient tous les Hommes des Neiges. Sa chance, son matériel, ses capacités, pouvaient faire la différence et faire basculer l'équilibre des forces du bon côté. Il s'était trouvé déjà au bon endroit au bon moment et ce n'était pas un hasard. La prophétie avait eu raison et il fallait qu'il continue. Taurgil acheva sa plaidoirie en disant qu'il était normal de respecter la manière de faire du peuple d'Aime le Poisson, et qu'il était entièrement d'accord avec ce dernier. Il demandait simplement à ce que les esprits soient interrogés sur l'interprétation de la prophétie que lui-même venait de faire. En fonction de ce qu'ils diraient, l'héritier des rois du Rhudaur respecterait parfaitement le choix de l'Homme des Bois de les suivre ou non, et il s'attendait à ce que ses amis fassent de même. Pitää Kalasta fut enchanté d'entendre de telles paroles, mais Dwimfa faisait une mine lugubre. Manifestement, il pensait que le Dúnadan avait raison, et qu'il allait devoir le suivre tôt ou tard, ce qu'il n'appréciait pas énormément...

2 - Larmes et divinations
Tout le monde étant mis d'accord, il restait à décider quoi faire. Trois sujets revenaient régulièrement sur le tapis, à savoir : discuter avec Eloeklo d'un accord, ce qui nécessitait de pouvoir guérir le corps de Gillowen et d'arrêter de le tenir en contact avec la larme de Yavanna qui bloquait sa possession par le démon du vent du nord ; aller récupérer les artefacts laissés par les anciens amis de Dwimfa et Gillowen sur la montagne où ils avaient été assaillis par le démon, artefacts sommairement décrits par l'Homme des Bois (une fantastique épée aux nombreux pouvoirs contre les morts-vivants, un ancien et très complet recueil de runes magiques, une amulette aux nombreux pouvoirs comme par exemple contre les créatures marines, une masse d'armes qui permet de se transformer en pierre, etc.) ; et aller voir d'anciens elfes entourés de dragons...

Il y avait aussi à s'occuper d'une gemme maudite qui n'apportait rien de bon à ceux qui s'en servaient. L'Ulûkai de Morgoth, car c'était son nom, attirait le mal plus sûrement qu'une bougie attirait les insectes. Or la gemme avait servi, et il y avait fort à parier que cela avait attiré l'attention de forces ténébreuses. Il fallait donc l'éloigner de là et l'activer un bref moment afin de brouiller un peu les pistes et attirer d'éventuelles créatures aussi malfaisantes que puissantes, à distance. Il n'était donc pas question de la laisser là, en contact avec la "résine de mer" de l'iceberg funéraire. Et en fin de compte plus personne ne comptait la laisser à Gillowen lorsqu'elle serait à nouveau en état de parler... et de s'en servir.

Au bout du compte, c'est la recherche des larmes de Yavanna qui motiva le plus de monde. L'archer-magicien dunéen ne pouvait-il utiliser ses sorts de divination pour savoir si certaines étaient disponibles non loin d'ici ? Cela ne mangerait pas de pain et pourrait apporter à l'équipe des moyens puissants pour se débrouiller dans l'environnement dangereux du Grand Nord ou se protéger contre les magies ténébreuses utilisées par tant de créatures anciennes... Après discussion, Drilun accepta de jouer le jeu et d'interroger ses cailloux magiques. En se concentrant sur la carte du Grand Nord qu'il avait recopiée en Arthedain, il interrogea sa magie afin de repérer de tels artefacts. Et il semblait bien que certains étaient présents non loin en effet...

Par contre, il y avait un certain flou dans les réponses données par les cailloux : jamais les réponses n'étaient un "oui" franc, pas plus qu'un "non", à ses questions. Ce qui l'amena à penser que la plus proche larme de Yavanna qu'ils recherchaient se trouvait sur un iceberg relativement proche, en mouvement, ce qu'un autre sort de divination sembla confirmer. Mais afin de pouvoir mettre la main dessus, il fallait pouvoir bouger et reprendre la mer, en espérant que de nouvelles divinations permettraient de se rapprocher plus et de mettre la main sur l'objet convoité. Dans la mesure où Aime le Poisson, sa fille et Dwimfa allaient peu ou prou dans la même direction, au moins au début, il fut décidé de quitter l'iceberg funéraire ensemble.

La fille de Pitää Kalasta avait ramené les quatre barques utilisées par les aventuriers, plus celle de son père et elle. Mais il n'y avait aucune trace de l'embarcation utilisée par Dwimfa, qui resta très évasif sur la manière dont il était arrivé sur l'iceberg. De toute manière, en se serrant un peu dans leur barque il pourrait repartir avec les deux Lossoth, ce qui laissait quatre barques pour Gillowen et les sept aventuriers. Et comme Vif était sous forme humaine cela ne poserait aucun problème. Une nouvelle fois Isilmë rama et tira leur petite caravane de barques, aidée par certains de ses amis qui se débrouillaient mieux à force d'essayer. Et Rob utilisa la longue-vue obtenue à Tharbad pour essayer de repérer un éventuel iceberg qui répondait aux indications données par les cailloux de leur magicien dunéen, mais sans succès.

Le groupe sortit de la "Mer de Silence", ce petit bras de mer en partie fermé qui abritait de nombreux icebergs funéraires, sans trouver ce qu'il cherchait. Après un moment, Dwimfa et ses deux compagnons s'en allèrent en direction de leurs pénates glacés après avoir convenu d'un futur rendez-vous pour connaître ce que les esprits avaient pu dire au sujet de la participation de l'Homme des Bois à leur quête. Nombreux étaient les icebergs que Rob pouvait repérer grâce à la longue-vue, et Drilun avait besoin de faire de nouvelles divinations, ce qui n'était pas l'idéal dans leurs frêles esquifs. Comme par ailleurs il valait mieux dresser un abri pour la nuit et s'occuper du corps mal en point de Gillowen, le cap fut mis sur une petite montagne de glace flottante susceptible de pouvoir les héberger...

3 - Repos et soins
La guerrière elfe trouva un bon point pour accoster et après un peu d'acrobatie - hobbit en tête avec une corde - tous purent débarquer et prendre pied sur l'île flottante. Les barques furent ensuite hissées hors de l'eau et recouvertes de neige de manière à les rendre invisibles à un éventuel observateur aérien. En effet, plusieurs membres du groupe craignaient une action nocturne de la part d'Andalónil, d'autant que son maître, Eloeklo, ne devait pas apprécier beaucoup de ne pouvoir se servir du corps de la magicienne elfe. Et de toute manière, à défaut de vouloir les tuer dans l'immédiat, le démon semblait tout à fait disposé à leur pourrir un peu la vie histoire de s'amuser un brin...

La guerrière et soigneuse elfe fit un bilan de l'état de sa consœur : elle était de plus en plus faible et ne risquait pas de guérir sans un peu d'aide. Mais également, il lui fallait une âme pour ce faire, ce qui voulait dire laisser le démon du vent du nord reprendre possession d'elle, puisque l'âme de Gillowen avait été arrachée à son corps. A l'occasion, suite à une question, Dwimfa, avant de quitter le groupe, avait d'ailleurs dit que son équipe était allée dans les montagnes du Mordor pour récupérer le bijou dans lequel l'âme avait été emprisonnée. Ils avaient dû batailler dur contre une gigantesque araignée-démon que la lumière pouvait effrayer voire blesser (mais moins qu'une bonne épée magique tenue par un bras habile et costaud). Ils avaient réussi à la faire fuir mais n'avaient pu trouver le bijou avec l'âme de leur amie...

La glace ne manquant pas et les aventuriers commençant à connaître les techniques de survie dans le Grand Nord, ils profitèrent de toute la neige ou glace disponible pour fabriquer une maison de glace des Lossoth, un igloo assez grand pour tous. Ils y seraient serrés mais se tiendraient chaud, et le corps de Gillowen pourrait être soigné et surveillé plus facilement. De même, Drilun pourrait utiliser sa magie sans difficulté. Par contre, Taurgil avait besoin de faire chauffer de l'eau pour une infusion d'athelas, de manière à pouvoir soigner le corps blessé de l'elfe possédée. En effet, même avec la magie des soins d'Isilmë, elle était trop faible pour se réveiller, ou du moins pas avant un moment. Or le temps pressait et la magie particulière des mains de roi (potentiel) de Taurgil pouvait faire la différence...

Après réflexion et recherche, l'archer-magicien dunéen trouva qu'il pouvait utiliser le bâton magique de lumière comme support pour un de ses sorts de flamme, et ainsi faire chauffer de l'eau... sans aucun dégât pour le bâton. L'odeur apaisante d'athelas profita à tous et le grand Dúnadan traita les blessures de l'elfe possédée. Après quoi Isilmë estima qu'il fallait laisser au moins une journée pour que la magie fasse effet, et peut-être alors Gillowen pourrait-elle se réveiller. La larme de Yavanna fut retirée et cachée, si bien que l'elfe comateuse resta sous surveillance pour éviter quelque mauvais tour d'Eloeklo. Il ne restait plus qu'à attendre, se reposer, discuter de la suite à donner à leurs aventures ou même interroger les cieux.

Et c'est bien ce que fit Drilun à la nuit tombée : le ciel était assez clair pour observer les étoiles et il alla les interroger magiquement au sujet des larmes de Yavanna qu'il recherchait à l'aide de sa magie divinatoire. La vision qu'il en tira le découragea de continuer cette entreprise de recherche des larmes par divination magique. D'une manière ou d'une autre, il était persuadé que quelque chose ou quelqu'un - et Eloeklo faisait partie des personnes qu'il jugeait capable de mettre son grain de sel - empêchait sa magie divinatoire de fonctionner correctement et de trouver si des larmes magiques étaient à proximité, et où. Et dans la nuit, la guerrière elfe sembla repérer une silhouette ailée passer au-dessus d'eux dans le ciel. Manifestement, ils étaient suivis et surveillés... Mais au moins, les barques étaient toujours là au matin.

4 - Discussion et accord
Après la nuit, la journée se passa tranquillement à se reposer, se soigner et préparer les jours à venir. Selon Isilmë, il fallait surveiller Gillowen en soirée en particulier, quand elle serait susceptible d'avoir bénéficié de la magie de Taurgil et serait donc capable de se réveiller et de leur parler... ou de lancer sa magie sur eux. Bon, vu son état ce ne serait sûrement pas une bonne idée pour elle, mais en tout cas elle risquait - ou plutôt le démon Eloeklo qui l'habitait - de peu apprécier le fait de se retrouver privée de ses objets magiques et en particulier l'Ulûkai de Morgoth et l'anneau magique qu'elle portait autrefois. Et la prévision s'avéra parfaitement exacte.

Son état s'améliora donc un peu : l'une des deux blessures graves à la tête traitées magiquement par le Dúnadan descendant de roi avait bien meilleur aspect et devait moins faire souffrir l'elfe possédée. Elle restait tout de même très faible mais elle était en suffisamment bon état - à peine, ce qui était sans doute mieux pour le groupe - pour avoir une conversation avec les aventuriers. Un échange eut donc lieu au sein de l'igloo où ils se serraient tous, un peu tendu au départ et pas vraiment cordial. Un échange où fusaient des menaces à peine voilées et où les choses ne progressaient guère, sauf peut-être la colère du démon qui possédait le corps de l'elfe...

Il faut dire que les propos de Mordin et Drilun, en particulier, ne ménageaient pas vraiment le démon. Parfois il était traité comme un imbécile et les lueurs dans ses yeux pouvaient laisser craindre le pire, ce que le nain omettait un peu trop de voir parfois. Certains aventuriers oubliaient un peu vite qu'ils ne s'adressaient pas à quelque voleur de bas étage attrapé par chance ou par ruse, mais bien à un esprit plus vieux que le monde lui-même, et assez susceptible avec ça. Quelqu'un qu'ils pouvaient pousser à sacrifier un corps d'emprunt mais sans gagner autre chose qu'un terrible ennemi. Quelqu'un qui finit par leur demander s'ils avaient quelque chose à lui proposer pour l'empêcher de demander prochainement à Andalónil de les tuer tous...

Taurgil lui parla plutôt d'égal à égal. Comme ses amis l'avaient dit, mais peut-être pas avec le bon ton, il n'était pas question pour eux de rendre ses objets magiques à Gillowen qui pouvait ainsi trop facilement les manipuler magiquement. Mais pour autant, le Dúnadan et ses amis étaient intéressés par la proposition de l'esprit des temps anciens. C'est d'ailleurs ce qui expliquait que le corps de Gillowen était encore vivant et en état de parler : un accord était possible mais l'Ulûkai et l'anneau magique seraient gardés en possession du groupe comme garantie de respect de l'accord. Ce à quoi Eloeklo, à travers l'elfe, répondit que Durlach se ferait un plaisir de les anéantir et de mettre la main sur ces artefacts lorsque les aventuriers se trouveraient à sa portée. En effet, seul Gillowen/Eloeklo, avec l'aide de ces objets et en particulier de la gemme maudite, pouvait espérer remporter un combat contre le démon de puissance - le balrog en langue elfe - qui vivait au fond du Puits de Morgoth. Mais le grand rôdeur expliqua que la gemme pourrait être rendue à l'elfe possédée au moment de pénétrer les ruines précitées.

Au bout du compte, l'esprit qui possédait le corps de l'elfe se calma. Taurgil était resté direct et n'avait pas exprimé de moquerie ou de mépris, ce qui semblait avoir permis de maintenir l'échange et l'intérêt du démon. Et le compromis qui avait été proposé, s'il n'était pas parfait, paraissait réaliste. Bien entendu, l'accord entre Eloeklo et les aventuriers comportait plusieurs étapes, et chacune serait l'occasion de vérifier que l'entente tenait toujours... ou non. Dans un premier temps, le corps de Gillowen serait davantage soigné - à l'aide de magie ou de baume orc dont Geralt avait encore une certaine réserve - pour pouvoir redevenir autonome. Taurgil et ses amis iraient de leur côté et s'entraîneraient, jusqu'à revenir auprès d'Eloeklo pour s'équiper avec les artefacts qu'il avait promis et préparer le combat contre Durlach... Ce qui incluait la remise de l'Ulûkai à Gillowen.

En fin de compte le démon du vent du nord accepta le marché et les nouveaux soins de Taurgil et Isilmë. Une nouvelle nuit et une nouvelle journée se passèrent sans problème, et le corps de Gillowen se fit de plus en plus robuste. Mieux soigné, habité par une âme - même démoniaque - et nourri régulièrement, il se remit sur pied avec l'aide de la magie de l'équipe. Au bout d'un moment, Eloeklo, à travers le corps de l'elfe, dit qu'il n'avait plus besoin de la présence des aventuriers, que le corps qu'il possédait était suffisamment guéri. A eux de poursuivre leur périple, pendant qu'il attendait leur retour sans leur causer de tort... ou en tout cas pas au point de mettre leur vie en danger. Quant à la manière de le contacter, il dit qu'il s'agissait d'une chose extrêmement simple : il suffisait de prononcer plusieurs fois son nom dans le vent, qui se chargerait de lui apporter l'appel à ses oreilles...

5 - Nouvel objectif
Le moment du départ arriva donc lorsqu'il fut établi que Gillowen se débrouillerait très bien toute seule dorénavant. Le groupe se prépara à reprendre la mer pour aller trouver un endroit mystérieux toujours enveloppé de brumes, et semblait-il gardé par des dragons qui nourrissaient un goût certain pour le massacre des elfes qui demeuraient dans le lieu... ou de toute autre personne qui souhaitait les rejoindre ou les quitter. En tout cas, Drilun avait fait comprendre que la recherche des larmes de Yavanna n'était plus à l'ordre du jour. Il avait demandé à Eloeklo si le démon était la cause de ses problèmes de divinations magiques, mais l'être lui répondit que ce n'était pas le cas, et que bien des choses ou des entités pouvaient affecter une pareille magie. Ce qui n'avançait guère le Dunéen, dont la confiance envers le démon restait limitée. Et comme la récupération des artefacts laissés chez ce dernier n'était pas à l'ordre du jour, leur prochaine destination s'imposait d'elle-même.

Le groupe repartit donc vers le nord-est sous un ciel plutôt nouveau pour eux : il était uniformément gris-blanc et il était impossible de distinguer le ciel de la terre ferme couverte de neige. Ce fut tout de même suffisant pour se repérer et aller en direction des terres qui allaient les amener vers leur objectif. Une nouvelle journée fut donc occupée à ramer à bonne allure, avec l'aide des chants elfiques de leur guerrière et soigneuse elfe qui leur faisaient oublier leur fatigue. Ils purent ainsi progresser à très bonne allure et arrivèrent à proximité des côtes en fin de journée. D'après les dires d'Aime le Poisson, ils devaient s'attendre à mettre autour d'une semaine pour aller de l'iceberg funéraire où ils avaient combattu les morts-vivants jusqu'à la vallée d'Uichith ou "Brumes Eternelles" en langue commune.

En chemin, ils avaient régulièrement croisé des chasseurs de baleine ou de phoque mais sans développer beaucoup d'interactions avec eux. Près des côtes, ils virent que ces dernières étaient régulièrement occupées par des petits groupes de Lossoth. D'après les échanges qu'ils avaient déjà eus avec entre autres les "Chasseurs des Mers" comme Aime le Poisson, certains d'entre eux purent donner un nom aux Lossoth qu'ils voyaient sur la terre ferme, ou plutôt sur la neige qui recouvrait les côtes : il s'agissait de Jäämiehet dans leur langue, ce qui signifiait "Hommes des Glaces". Ils vivaient plus au nord et à l'ouest que les Lumimiehet ("Hommes des Neiges"), dans des conditions plus rudes et difficiles. Et s'ils ne vivaient pas dans des icebergs comme les Merimetsästäjät ("Chasseurs des Mers"), ils partageaient beaucoup de choses avec eux néanmoins, et en particulier la chasse aux phoques et aux baleines. En effet, ils vivaient surtout de la mer car les terres étaient moins riches en gibier et beaucoup plus dangereuses en raison de la présence de loups blancs, et d'orcs, trolls, géants et dragons venant des montagnes proches...

Le groupe se dirigea en direction de l'un des petits peuplements de ces Hommes des Glaces. Il faut dire aussi que les côtes étaient de plus en plus souvent prises par les glaces, une glace trop fine pour supporter le poids d'un homme. Les endroits où accoster sans danger se faisaient rares et les petits ports maintenus par les Jäämiehet étaient les meilleurs accès possibles à la terre ferme. Et si certains aventuriers auraient bien voulu continuer leur périple par la voie maritime, d'autres avaient soupé de l'étendue bleue et préféraient continuer leur voyage à pied, le long des côtes. Il y avait eu débat à ce sujet, certains se souvenant de côtes escarpées, rocailleuses et inhospitalières. Mais celles qu'ils voyaient là semblaient plus accueillantes et giboyeuses, avec davantage de forêts, et plus habitées et hospitalières également. Au final, la décision fut prise de finir le trajet par la terre.

Les barques accostèrent donc à un petit port près des igloos d'Hommes des Glaces. Les chasseurs et pêcheurs surtout n'étaient pas encore rentrés, même si la nuit n'allait pas mettre longtemps à tomber. Aussi n'y avait-il qu'une bonne vingtaine de personnes à les voir arriver, dont beaucoup d'enfants curieux et quelques adultes plutôt âgés et bien occupés avec les plus petits, et quelque peu distants et prudents ; ils maintenaient une certaine distance avec les aventuriers en attendant de voir comment ils allaient se comporter. Mais, habitués à leur manière d'être, Taurgil et ses amis prirent contact pacifiquement avec les Jäämiehet présents et demandèrent à partager la soirée avec les gens du cru. Ils ne comptaient pas passer la nuit avec eux car cela était jugé trop dangereux pour leur bien, mais juste socialiser un peu. Et pour respecter les coutumes d'échange et de partage, Isilmë et Vif s'éloignèrent du village jusqu'à ne plus être visibles afin de permettre à la féline Femme des Bois de reprendre sa forme de lionne enchantée. Après quoi elle alla chasser et rapporta bientôt un phoque qui pourrait servir de troc pour le nain - ce dernier souhaitait faire faire un sac de cuir spécial pour maintenir Ulûkai et larme en contact - ou pour offrir...

6 - Raquettes et rencontres
La soirée se passa sans incident et Mordin put obtenir assez de cuir pour leurs besoins. D'autant que Taurgil avait récupéré et préparé autant qu'il le pouvait le cuir du phoque abattu par la Femme des Bois. L'échange était donc très favorable aux Lossoth présents. Puis le groupe s'éloigna un peu afin de dormir à l'écart dans un bosquet où ils firent des tas de neige tassée pour y creuser un trou et s'y faufiler. Isilmë était à présent suffisamment à l'aise avec cette technique pour arriver à faire un abri assez grand pour Drilun et elle... La nuit n'apporta aucune mauvaise surprise, ce pour quoi un tour de garde avait été mis en place, et au matin le groupe retourna brièvement au camp des Hommes des Glaces : ils laissèrent leurs barques à ses habitants le temps qu'ils seraient absents et leur demandèrent, si l'occasion se présentait de voir des Chasseurs des Mers, de leur dire qu'ils seraient probablement en retard pour leur rendez-vous avec Aime le Poisson, vu leur changement de programme.

Puis ils partirent vers le nord, à pied. En fait ils durent mettre les raquettes vu l'épaisseur de neige sur le sol, épaisseur qui augmenta vite les jours qui suivirent en raison du mauvais temps. A tel point qu'hormis au début du voyage, où ils pouvaient suivre les côtes à distance à la vue ou à l'ouïe, il fallut les talents magiques de leur archer-magicien pour déterminer la bonne direction à suivre. De la même manière, les échanges avec les Lossoth des environs furent assez rares et ils se firent totalement inexistants lorsque le temps passa d'une petite chute de neige à un petit blizzard de saison. D'après les sens ésotériques du hobbit le temps était parfaitement normal, cependant, et non le fait d'une créature mal disposée à leur égard. Et ils profitèrent de leur isolement pour activer l'Ulûkai de Morgoth en enlevant un bref moment la larme de Yavanna qui était à son contact, et attirer vers eux d'éventuelles créatures maléfiques sur les traces de la gemme maudite plutôt que vers l'iceberg funéraire qu'ils avaient quitté peu auparavant.

Néanmoins tout se passa bien. Ils étaient bien équipés, et le temps n'était pas si mauvais que cela, d'autant qu'ils pouvaient se repérer magiquement. Il était difficile de dire si le secteur était plus sauvage qu'au début de leur voyage à pied mais c'est néanmoins l'impression que cela donnait. Les traces de présence humaine se faisaient de moins en moins nombreuses, et ce encore plus avec l'intensification du mauvais temps, et les bois de plus en plus denses et présents, même si l'on était loin des forêts de l'Eriador comme celles de la Comté. Le gibier était lui bien présent et Vif n'avait aucun mal à ramener à manger. Les divinations du Dunéen permettaient de détecter la présence de divers quadrupèdes plus ou moins lourds, tels que rennes ou élans, même si l'épaisseur de neige rendait les vibrations du sol de plus en plus dures à percevoir même par magie.

Et il n'y avait pas que des ruminants parmi les quadrupèdes, comme Drilun en fit la douloureuse expérience. Le soir du deuxième jour, il choisit en effet de prendre le premier tour de garde près du cercle de leurs tas de neige creusés qui leur servaient d'abri, avec celui du hobbit en leur centre. Il n'entendit ni ne vit venir un groupe d'une dizaine de loups blancs s'approcher silencieusement d'eux, et en particulier de lui. Il fut bientôt renversé par deux d'entre eux et blessé malgré son armure, tandis que ses amis étaient attaqués peu après, la lionne magique concentrant la moitié des attaques et Rob aucune. Tandis que le Dunéen se protégeait magiquement mais n'arrivait pas à récupérer son bâton magique, les autres membres du groupe faisaient exploser leur abri pour arriver à combattre plus vite et tuer leurs adversaires. L'aura elfique dont s'entoura Isilmë fit reculer son adversaire si bien qu'elle put aider son amie féline, tandis que le voleur hobbit abattait les deux bêtes sur l'archer-magicien. De leur côté, les autres aventuriers se débarrassèrent assez vite des loups qui les attaquaient, malgré quelques petites blessures parfois.

Un seul loup avait pu s'enfuir, et les cadavres restants firent le délice de la lionne enchantée, mais aussi du Dúnadan. Il se rappelait en effet de la qualité des fourrures de ces loups du Grand Nord et il entreprit de récupérer toutes celles qu'il pouvait, soit une demi-douzaine. A l'aide de soins magiques les blessures furent vite guéries et n'eurent pas plus de conséquences qu'une petite blessure à l'amour-propre de Drilun. De nouveaux abris de neige furent creusés, la nuit pu être reprise, et au petit matin tous repartirent vers le nord, les elfes et les dragons. En chemin les sorts de Drilun lui permirent de percevoir la présence d'autres êtres vivants, mais ils ne furent pas inquiétés.

7 - Géant de glace
Ou plutôt ils ne furent pas inquiétés tout de suite. Le mauvais temps y était sans doute pour quelque chose, qui ne favorisait pas la chasse des prédateurs à deux ou quatre pattes. Mais une nouvelle nuit arriva qui permit aux aventuriers de rencontrer un nouvel habitant du Grand Nord, jusque-là jamais rencontré. En fait Taurgil en avait déjà rencontré un auparavant, avec d'autres amis avec qui il avait partagé des aventures dans le Rhudaur entre autres. Quoi qu'il en fût, alors que la guerrière elfe du groupe veillait sur le sommeil de ses compagnons, ses sens elfiques lui indiquèrent qu'une sourde et puissante vibration venait dans leur direction. Le genre de vibration que ferait un être de plusieurs tonnes marchant sur deux pattes dans une neige pas si épaisse pour lui, autrement dit un géant. D'après le Dúnadan qui en avait déjà rencontré un, ils n'étaient pas foncièrement mauvais. En revanche, selon les légendes des Lossoth, ces créatures étaient la plupart du temps assez affamées - les proies pouvaient les entendre de loin et aller voir ailleurs - ou bien occupées à faire vivre leur petite famille. Raison pour laquelle les enfants des géants étaient vite mis dehors en grandissant, vu le poids et le travail qu'ils représentaient pour leurs parents.

Par précaution, les aventuriers bientôt tous réveillés décidèrent de s'éloigner un peu du chemin de la créature qui arrivait un peu trop droit (et vite) sur eux. Malheureusement, alors qu'elle arrivait non loin de là où ils avaient commencé la nuit, ils l'entendirent renifler et changer de direction : son odorat bien développé lui indiquait la présence de nourriture et il semblait bien que son ventre lui ordonnait de vite le remplir avec ladite nourriture. Et la rapidité avec laquelle les pas puissants du géant se rapprochaient ne laissait guère de doute aux aventuriers sur leurs chances de le semer à la course : il fallait vite se préparer au combat. Drilun réduisit magiquement l'odeur de Vif qui s'éloigna un peu sur le côté, tandis que les archers préparaient leurs arcs et flèches et que les autres guerriers fourbissaient leurs armes. Après avoir préparé un sort de protection, Taurgil se disposa devant ses amis, dans la direction d'où venait la créature.

Le géant arriva qui devait bien mesurer six bons pas de haut. Il était vêtu de quelques peaux et d'un gourdin de la taille d'un petit arbre avec une souche à une extrémité. Manifestement il avait faim et il s'arrêta devant le Dúnadan, et sans écouter ce qu'il tentait de lui dire, il le prit par un membre et l'approcha de sa gueule grande ouverte... Les archers entrèrent en action et arrivèrent à blesser légèrement le monstre qui réagit en jetant le grand rôdeur à bonne distance, sans mal aucun grâce à l'épaisseur de neige et aux capacités et protections du Dúnadan. Tandis que la lionne enchantée arrivait dans le dos de la créature, le maître-assassin approchait avec ses raquettes dans la neige épaisse, quand il vit le gourdin du géant arriver à grande vitesse dans sa direction. Il choisit alors d'adopter la même tactique qu'avec les trolls, à savoir esquiver l'attaque en sautant entre les jambes. Le gourdin creusa une belle tranchée à l'endroit qu'il occupait peu auparavant, et l'Eriadorien aux cheveux blancs se remit debout dans le dos du monstre, assez vite pour voir Vif lui sauter dessus et grimper jusqu'à ses épaules.

Taurgil était trop loin pour revenir vite, et Mordin et les archers n'arrivaient pas à faire de blessure sérieuse. Par contre, tandis que le géant était occupé à essayer de faire descendre le gros chat qui avait pris place près de sa tête, Geralt porta un coup puissant de son épée magique dans la jambe de la créature. La blessure fut telle que le géant hurla de douleur et s'abattit vers l'arrière, son membre blessé ne permettant plus de soutenir son poids. Le balafré aux cheveux blancs s'écarta vite du point de chute du monstre, tandis que la lionne, avant de sauter du dos du géant, trouvait tout de même le temps de lui porter un profond coup de griffes dans la nuque, assez puissant pour lui sectionner les vertèbres cervicales. Le corps de leur adversaire tomba alors au sol et ne bougea plus : il était mort.

Au final les loups blancs avaient été plus dangereux pour les aventuriers. Et par ailleurs le géant n'apporta aucun bénéfice au groupe, qui ne retira rien de sa carcasse. Ce fut tout de même une expérience intéressante, qui montra qu'il n'y avait pas trop de différence avec un gros troll, d'autant qu'on pouvait l'entendre arriver d'encore plus loin. La nuit fut donc reprise sans aucun autre incident, d'autant que la présence du géant avait dû faire fuir gibier mais aussi prédateurs à des lieues à la ronde. Par la suite, en journée, ce qui pouvait être une bande de jeunes géants fut repérée et évitée, et ils ne s'approchèrent pas trop près et ne furent jamais une menace. Et l'équipe progressa dans une forêt toujours plus dense et un climat qui se faisait aussi plus chaud.

8 - Forêt magique et traces de dragon
Tout en progressant vers le nord, Rob prenait conscience de la présence lointaine d'une puissante magie. Elle n'était pas exactement face à eux mais légèrement sur leur droite, comme si elle était en partie dans la mer qu'ils longeaient par la gauche. En fait cela n'était dû qu'à un coude dans le trait de côte, et après qu'ils eurent atteint l'endroit qui les ferait tourner sur leur droite, le hobbit sentit la vaste et puissante magie face à eux. C'était en fait plus qu'une magie très puissante émanant d'un point précis. C'était plutôt comme si une vaste zone de quelques dizaines de portées de flèche de rayon était tellement saturée de magie puissante qu'il pouvait la sentir à peut-être une journée de marche de là. Et en même temps, ce n'était pas quelque chose d'uniforme : la magie était complexe et elle variait selon les endroits.

Dans le même temps, il devenait évident que le milieu changeait grandement. Les arbres étaient de plus en plus grands et ne ressemblaient plus du tout à ce qu'ils avaient l'habitude de voir dans le Grand Nord, où la norme était des petits arbres chétifs, tordus et clairsemés, presque systématiquement des résineux. Certains de ces arbres étaient même inconnus des rôdeurs de l'équipe, et l'ambiance était différente de tout ce qu'ils avaient tous connus plus au sud. Par ailleurs, le tapis de neige au sol était de moins en moins épais et après un moment il fallut enlever les raquettes. Il faisait plus chaud et des gouttes tombaient en permanence de la canopée, comme si la neige qui se déposait sur les branches loin au-dessus d'eux ne pouvait tenir et finissait par fondre. En fait, le temps changea tellement que les aventuriers passèrent assez rapidement d'un petit blizzard à un épais brouillard. Entretemps, ils avaient eu un peu le temps de voir les côtes sur leur droite, entre les arbres. Mais très vite ils furent masqués par le brouillard et la végétation.

Car la chaleur était favorable aux plantes et les arbres, même si certains étaient très hauts, ne ressemblaient en rien à ceux de la Forêt Sombre : ils devaient laisser passer assez de lumière diffuse, malgré la brume permanente, pour permettre à la végétation de pousser au sol. Ce qui profitait au gibier, bien sûr, qui devait apprécier de se réfugier ici en hiver, même s'il devait peut-être y faire un peu chaud... Pour l'instant ce n'était que le début de l'automne, et la zone ne grouillait tout de même pas de rennes et élans. Mais les traces étaient certainement assez communes pour imaginer l'endroit comme un refuge pour bien d'entre eux. Refuge dont certains prédateurs devaient profiter, et certains de grande taille : au bout d'un moment, le groupe arriva à une clairière entre les arbres, comme une petite vallée au milieu de la haute canopée. A l'intérieur, des chicots noircis, des grands coups de griffes immenses et des terres labourées par endroit faisaient penser à une furieuse bataille.

Un sort de Drilun lui apporta quelques précisions : sa divination lui montra un dragon ailé en train de cracher du feu sur un ennemi invisible, sans parler de donner coups de queue ou de griffes tout autour de lui jusqu'à créer la clairière devant laquelle ils se tenaient. Puis la créature s'envolait d'un bond et disparaissait dans la brume, laissant la zone dévastée derrière elle. Dans le même temps, Rob pouvait sentir - et il n'était pas le seul - une magie puissante et très proche. La clairière marquait la limite d'une zone de magie intense et y entrer ou avancer plus avant déclencherait sûrement quelque chose de puissant, même s'il ne pouvait deviner quoi. Il semblait que la magie peut-être développée par les elfes qu'ils recherchaient était assez forte pour affecter et repousser un dragon...

En se concentrant davantage, le hobbit pouvait sentir quelque chose de nouveau également dans cette magie. Elle ne semblait pas disposée au hasard mais représentait comme un labyrinthe dans lequel il serait peut-être possible d'évoluer sans déclencher d'effets divers et peut-être funestes. En tout cas cela laissait un peu d'espoir pour franchir cette barrière magique et permettre à des gens comme eux d'accéder à la vallée interdite. Les Hommes des Glaces leur avaient dit que l'endroit était redouté et que nombreux étaient ceux d'entre eux à n'être jamais revenus du lieu, probablement mangés par les dragons ou tués par la magie du lieu. Mais il existait aussi certains récits qui parlaient de personnes désespérées assez folles pour aller là-bas et en revenir avec des remèdes miraculeux...

Guidés par Rob, le groupe progressa, avec précaution, en bordure de la clairière ou vallée entre les grands arbres. Bientôt le hobbit s'arrêta devant une espèce de grotte au milieu des arbres, à un endroit où les troncs et les branches formaient comme une barrière infranchissable avec une gigantesque ouverture au milieu, assez grande pour laisser passer un dragon. Mais l'endroit puait la magie et Rob préféra passer son chemin et poursuivre un peu plus loin. Malheureusement, la forêt en bordure de clairière paraissait impénétrable tant physiquement que magiquement. D'une certaine manière le labyrinthe qu'il avait senti dans la magie du lieu n'était pas très loin de là mais il ne pouvait en trouver l'ouverture. Jusqu'au moment d'arriver à une mare d'eau claire, sans être limpide, d'où une puissante magie semblait émaner.

9 - Étang magique
La lionne magique examina l'étang et distingua ce qui ressemblait à des marches qui s'enfonçaient dans l'eau, même si l'image avait un côté irréel et difficile à percevoir. Persuadée que l'eau n'était qu'une illusion, elle entra dans l'étang sous les yeux de ses amis, dans ce qui ressemblait à de l'eau véritable dans laquelle son corps félin provoquait des rides et autres mouvements. Pourtant, elle finit par plonger la tête entièrement sous la surface, et, non sans un moment de concentration voire d'appréhension, elle ouvrit la gueule et aspira profondément. Puis le groupe entendit ses grognements félins comme s'ils provenaient de derrière un rideau d'eau, mais pourtant elle ne semblait aucunement manquer d'air ou étouffer ! Et après avoir activé leur tour d'oreille magique, les amis qui en disposaient purent comprendre qu'elle leur disait qu'il n'y avait pas d'eau, que ce n'était qu'une illusion et qu'elle pouvait respirer normalement, même s'il était difficile de s'en convaincre...

Isilmë fut la suivante à tenter l'expérience, rassurée par l'état de son amie qui montrait une santé parfaite et ne produisait aucune bulle visible malgré son apparente immersion. Pourtant tous ses sens lui criaient que l'eau était bien véritable et qu'elle allait se noyer... Mais avec un effort de volonté elle arriva elle aussi à se persuader que ce n'était qu'une illusion, et elle put découvrir l'escalier qui menait au fond de l'étang enchanté dont les parois parfaitement verticales abritaient une ouverture manifestement artificielle et dépourvue de lumière. Le tunnel devant lequel elle se trouvait avait une surface parfaitement lisse et régulière, sans aucune trace ou marque d'aucune sorte. Elle s'entoura d'une aura elfique magique pour y voir mieux et partit explorer ce couloir parfaitement propre et sec.

Pour sa part, Rob s'aida en se tenant à la queue de la lionne pour explorer les fonds aquatiques, mais lui aussi put sans grand mal se persuader que c'était de l'air. Peut-être aussi que sa nature de hobbit, êtres par nature terre-à-terre, l'aida à lutter contre cette magie. De son côté, Taurgil fit un plongeon directement dans l'étang, craignant peut-être de tomber brutalement au fond. Mais d'une part il n'arriva pas à croire que l'eau était en fait de l'air, et d'autre part il flotta comme dans un étang tout à fait normal, malgré les propos de la lionne enchantée qui trouvait assez étonnant - et lui également - de voir son corps comme voler magiquement un peu au-dessus d'elle, dans ce qui n'était pour elle que de l'air, bien qu'un peu enchanté... En tout cas, même sorti de l'étang, le grand Dúnadan se sentait toujours trempé, et froid avec ça, car l'eau était loin d'être tiède !

Geralt, pour sa part, arriva à descendre également les marches de l'étang du premier coup sans avoir à suffoquer ou nager dans une vraie-fausse eau froide. Mordin, de son côté, eut un peu de mal à entrer dans l'eau, cet élément qui pour lui était éventuellement agréable au fond de sa gorge en quantité très limitée. Il n'arriva pas à se persuader du côté limité voire inexistant de cette eau qui ne lui voulait que du mal - pas du premier coup - ce qui le fit cracher et jurer fort. Mais lorsqu'il finit par se forcer à penser à de l'air comme celui que ses amis déjà descendus devaient respirer, il se retrouva à tomber dans l'étang, mais au ralenti, comme si effectivement l'air était aussi dense que de l'eau qui le ralentissait magiquement. Même s'il n'osa pas le dire, ses amis en tout cas pensèrent que les elfes qui avaient fait cela étaient vraiment très forts.

Si même le nain arrivait à jouer au poisson dans cette eau magique, ses amis restants pouvaient bien en faire autant. Le rôdeur du Rhudaur finit donc par rejoindre les autres, sans oublier Drilun qui malgré une petite appréhension ne tarda pas à se faire une raison et à arriver à son tour au fond de l'eau. Ils suivirent alors le chemin que l'elfe avait emprunté, éclairés par la lumière émise par le bâton magique de l'archer-magicien. Le couloir correspondait parfaitement, selon les sens magiques de Rob, aux zones libres de magie dans le labyrinthe de pouvoir ésotérique qui entourait la vallée dans laquelle ils souhaitaient se rendre. Au bout d'un moment ils finirent par rejoindre Isilmë à l'extrémité du tunnel, qui s'ouvrait sur le flanc d'une falaise dont on ne percevait ni le sommet ni le fond...

10 - Sources de chaleur et d'humidité
La brume était en effet trop dense pour pouvoir distinguer le sol plus bas, mais le peu qu'il était possible de voir indiquait qu'une chute serait très certainement fatale. Et au-dessus de l'ouverture, le paysage était le même : un rocher vertical sans véritable prise, impossible à escalader hormis pour les meilleurs grimpeurs, et certainement pas sur une telle distance visible. Autrement dit, le groupe semblait coincé s'il ne pouvait trouver des cordes assez longues ou une manière de voler. De grands arbres majestueux traversaient la brume mais ils étaient trop loin de l'ouverture pour aider en quoi que ce fût : troncs et branches solides étaient inatteignables depuis leur bout de tunnel. Et malgré leur âge et leur expérience, les elfes, même ceux du Premier Âge, n'était pas connu pour avoir des ailes dans le dos ou arriver à voler d'une autre manière... hormis à l'aide de bateaux magiques qui n'avaient certainement pas leur place ici.

Bien entendu, s'attendant à quoi chercher, la féline Femme des Bois découvrit facilement le pot aux roses. Sur la droite de leur ouverture, une illusion magique masquait en fait une échelle de pierre permettant de descendre. Le groupe put ainsi arriver sans mal au bas de la falaise, sur un sol humide et propre. Tellement propre que la lionne s'en étonna : en fait, elle remarqua que leurs traces disparaissaient en un rien de temps, si bien qu'il était impossible de suivre la progression d'un éventuel éclaireur. Or le hobbit était formel : à ses sens magiques, il existait un labyrinthe qu'ils pouvaient parcourir sans déclencher quoi que ce fût, mais s'en écarter pouvait avoir des conséquences insoupçonnées... Cette épreuve fut facilement franchie en suivant Rob et ses sens exceptionnels. Pour éviter de trop dévier de ses pas, les autres membres du groupe percevant la magie active pourraient aider les compagnons qui n'en étaient pas capables à rester sur le droit chemin.

Petit à petit, tandis qu'ils avançaient en zigzag, des bruits se faisaient entendre comme ceux que feraient de gros soufflets... ou de très grosses créatures. Puis l'équipe arriva à une zone assez chaude et très humide, sans aucune végétation, et dont le sol était percé de nombreux trous et petites cuvettes de toutes les tailles. Parfois les cuvettes abritaient une eau bouillonnante en leur fond, parfois elles étaient vides. Mais en prenant un peu le temps de les observer, les aventuriers découvrirent que de ces cuvettes jaillissait à intervalle régulier une colonne de vapeur brûlante, suffisamment pour pouvoir ébouillanter une personne très bien protégée, y compris une lionne au pelage enchanté. Et selon le petit voleur qui leur servait de guide, le labyrinthe magique qu'ils suivaient les menait à travers cette zone, qui semblait entièrement dépourvue de toute magie. Elle n'en était pas moins dangereuse pour autant.

Le passage entre les geysers devait être possible d'une part en repérant le rythme de certaines éruptions de vapeur, d'autre part en observant la manière dont les cuvettes se vidaient avant une éruption, et les signes avant-coureurs de cette dernière. Mais dans certains cas, il fallait bouger vite et un à la fois seulement. Cela voulait dire que les aventuriers moins perceptifs qui suivraient leurs compagnons qui l'étaient plus avaient plus de risques de s'ébouillanter. Et par ailleurs, une fois qu'un chemin serait pris, il n'était sans doute pas question de revenir en arrière ou de ralentir. Après, le groupe dans son ensemble était bien équipé, tant en termes d'armures qu'en termes de soigneurs. Il fallait donc bien se lancer, en se disant que de toute manière d'autres qu'eux-mêmes l'avaient fait et donc que cela ne devait pas être impossible. Et ils avaient parmi eux des gens vraiment très perceptifs pour les guider.

Et donc certains se lancèrent, tels Taurgil, Vif ou Isilmë, qui n'eurent aucun mal à trouver un chemin à peu près sûr entre les jets de vapeur brûlante. Même Rob et Mordin parvinrent à évoluer dans ce petit enfer brûlant sans y laisser de plumes et de manière à peu près autonome. Quant à Geralt et Drilun, ils suivirent leurs compagnons ou se firent aider au mieux. Malgré quelques sueurs froides - ou plutôt chaudes voire brûlantes - ils s'en sortirent sans mal, peut-être juste un peu rouges et en sueur. Néanmoins, ils apprécièrent le confort de leurs armures qui les protégèrent plus d'une fois de la chaleur un peu trop insistante de jets ne vapeur qu'ils n'avaient pas su complètement éviter. En fin de compte, la zone des geysers fut franchie et la brume diminua un peu. Ils évoluaient à présent sur un sol couvert de verdure et plantes diverses de toute taille, parcouru par de nombreux sentiers entretenus par la main de l'homme - ou de l'elfe - et dont ils suivaient le plus important...

11 - Accueil et repos
Le groupe arriva bientôt en vue de quelques bâtiments en bordure d'un lac dont il émanait de la brume, comme si les eaux étaient chaudes. Ce qui devait être le cas au vu des couleurs métalliques sur le rivage où des odeurs particulières qui flottaient dans l'air, semblables à celles de la zone des geysers. Les eaux du lac étaient certainement réchauffées par des sources chaudes. L'un des bâtiments était ouvert et abritait une grande table autour de laquelle discutaient quelques elfes, et vers lesquels Isilmë se dirigea. Elle fut accueillie par des mots agréables, sans surprise aucune, comme si manifestement elle était attendue, ainsi que le reste du groupe. Les aventuriers furent invités à s'approcher pour quelques présentations et furent traités avec déférence, comme des gens importants et dignes d'estime.

Taurgil et ses amis, en plus de se rafraîchir un peu, posèrent de nombreuses questions sur les elfes, leur mission, les habitants du Grand Nord et bien d'autres sujets qui leur tenaient à cœur. Leurs interlocuteurs immortels répondirent du mieux qu'ils purent, tout en indiquant qu'une réunion était prévue plus tard avec le maître de leur communauté, la Loge du Réveil. Leur chef était un elfe noldo du nom de Nestador. C'était un sage et un voyant qui saurait leur apporter les meilleures réponses possibles, mais ils firent tout de même un récit sommaire de l'histoire de leur groupe. Après quoi les aventuriers purent occuper un bâtiment destiné aux rares visiteurs et s'y rafraîchir plus complètement en attendant la convocation et la réunion avec le chef des elfes.

L'origine du groupe d'elfes remontait à la Guerre de la Colère contre Morgoth et ses sbires. Parmi les elfes qui refusèrent - malgré le pardon des Valar - de revenir en Aman, l'un d'eux, Thilgon, était à la recherche de son frère autrefois fait prisonnier par les armées du Noir Ennemi du Monde. Après cinq siècles de vaines recherches dans les anciennes terres contrôlées par Morgoth dans le nord, il finit par être perdu par ses compagnons. Puis il fut de retour parmi eux avec une lueur nouvelle dans les yeux, des graines mystérieuses dans les mains alors que le pays entier n'était que ruines désolées et sans vie. Il embarqua leur groupe dans une nouvelle quête pour la purification du Grand Nord de la souillure de Morgoth, et les amena un jour à une espèce de vallée pleine de vapeurs nauséabondes au fond duquel un lac de lave était tout ce qui restait d'anciennes forges d'Angband, où de nombreux artefacts terribles avaient vu le jour. L'endroit porta bientôt le nom de Puits de Morgoth. Là, Thilgon fit planter les graines qui devinrent très vite des arbres élégants. Il trouva également trace de son frère et la certitude qu'il était mort, mais il trouva également ce qui l'avait sans doute tué : un démon de puissance - un balrog - émergea du lac et les elfes ne purent que fuir et survivre grâce au sacrifice de leur chef...

Avec la mort de Thilgon l'origine des graines fut perdue. Une graine n'avait pas été plantée et fut donnée à sa fille Óleth, qui rêva de retrouver l'endroit d'où elle provenait. Elle vécut en Eregion avec de nombreuses personnes qui connurent son père, jusqu'à la guerre avec Sauron et la destruction de leur cité, Ost-in-Edhil, en l'an 1697 du Second Âge. La plupart des rescapés trouvèrent refuge à Imladris avec Elrond semi-elfe, mais certains ne purent y accéder. Óleth était de ceux-là, mais grâce à ses dons de voyance elle put aider le chef de leur groupe, Lindor, à fuir les armées de Sauron jusque dans le Grand Nord. Mais Lindor était frère de Celebrimbor et en tant que tel particulièrement haï par le Seigneur Ténébreux, et la chasse se poursuivit deux ans durant. Nombreux furent ceux qui périrent, et en fuyant les survivants furent assaillis par le démon du Vent du Nord et ancien gardien des Montagnes de Fer, Eloeklo. Là encore, leur chef se sacrifia pour leur permettre de survivre : le combat de Lindor contre le démon prit des heures et Eloeklo finit par remporter leur duel, et il est dit que le corps glacé du frère de Celebrimbor demeure toujours au sommet des montagnes hantées par le démon.

Mais enfin les elfes trouvèrent-ils, grâce aux visions d'Óleth, la source des graines que son père avait rapporté des siècles auparavant : dans une vallée cachée et toujours couverte de brume, la vie reprenait grâce à des arbres nouveaux porteurs de la magie de Yavanna. Grâce à Óleth mais aussi à son ami Nestador, réputé le plus grand soigneur de leur peuple, et dont Elrond fut le disciple, les elfes purent s'installer et panser leurs plaies. Leur mission devenait plus claire à présent : faire fleurir le Grand Nord grâce aux graines trouvées dans la vallée. Mais les visions d'Óleth lui apprirent qu'elle ne resterait pas longtemps avec eux. En effet, leurs poursuivants n'avaient toujours pas abandonné la poursuite, mais, pris par l'arrivée des fiers guerriers de Númenor, Sauron rappelait toutes ses troupes. Avant d'abandonner la chasse, le chef de leurs poursuivants, un elfe aux cheveux d'argent que Sauron avait séduit en Eregion, réveilla les dragons aux alentours. Surpris par ces derniers alors qu'ils se croyaient enfin en sécurité, les elfes perdirent une partie des leurs et en particulier leur chef Óleth.

Mais avant, elle avait eu le temps de désigner Nestador comme son successeur. Et pendant des siècles et des siècles, leur groupe de survivants avait tâché de répandre les graines des arbres de Yavanna et de refaire fleurir le pays autrefois stérile et contrôlé par Morgoth et ses serviteurs. Ils avaient aussi participé à la Guerre de la Dernière Alliance, et à la suite de cette dernière leurs efforts avaient été couronnés de succès. Mais depuis quelques siècles et l'arrivée d'Angmar, il semblait que le mal gagnait à nouveau. Quand un messager envoyé par les Valar sous la forme d'un grand vieillard aux vêtements bruns était venu les voir, deux ans auparavant, et leur avait fait découvrir une larme de Yavanna. La quête des elfes de la Loge du Réveil était à présent de retrouver toutes les larmes de la Reine de la Terre afin d'accomplir un grand rituel de purification qui permettrait d'effacer toute trace de la souillure de Morgoth. Et le voyageur prédit que la dernière larme serait trouvée lorsqu'un mal ancien se déclarerait ouvertement à la face du monde.
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Niemal
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Grand Nord - 11e partie : savoirs et matériel

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1 - La Loge du Réveil
Les aventuriers purent se reposer environ une journée entière avant d'être convoqués pour la réunion avec Nestador, réunion à laquelle participèrent à peu près tous les elfes présents dans la vallée. Laquelle vallée portait le nom de Brumes Éternelles (Uichith en sindarin) : elle devait son nom et son existence à la grande quantité de sources chaudes riches en minéraux divers qui trouvaient leur chemin jusqu'à un lac au centre de la vallée, le Lac des Brumes (Hithaelin). Ce même lac comportait une île unique, du nom de Tol Ely ("Ile des Visions") : c'est là que les mystiques de la Loge du Réveil (Cuiviémar) se réunissaient, dans un bâtiment conçu pour favoriser les visions mystiques aidées par des bains de vapeur facilités par les sources chaudes présentes.

En dehors du lac et de son île, la vallée présentait des facettes très diverses. Certaines zones étaient parcourues par de nombreux geysers, et si aucune vie n'était présente les elfes noldor utilisaient l'une de ces zones pour recueillir des minéraux divers dont ils se servaient pour leurs forges. Car beaucoup venaient d'Ost-in-Edhil, l'ancienne capitale d'Eregion créée par Galadriel au Second Âge, et que Sauron, qui se faisait alors appeler Annatar ("Seigneur des Dons") avait fini par renverser avec ses armées. C'est à Ost-in-Edhil (la "Forteresse des Elfes") que la confrérie des forgerons elfiques vit le jour, et que furent créées de merveilleuses babioles magiques comme les anneaux elfiques de pouvoir. Bref, les Noldor présents ici, dont certains avaient connu les terres immortelles de Valinor et ses habitants, les Valar entre autres, comportaient un certain nombre de ces forgerons elfiques. Par certains côtés les aventuriers retrouvaient une ambiance proche de ce qu'ils avaient connu à Fondcombe, maison créée aussi à la suite de la chute d'Eregion. Mais les elfes présents ici étaient bien plus isolés que ceux qui avaient suivi Elrond demi-elfe, même si leur origine était plus ou moins la même.

Ce qui ne voulait pas dire qu'ils étaient tous interchangeables : Taurgil et ses amis découvrirent assez vite, en discutant avec eux ou en les observant, que ces exilés se divisaient plus ou moins en deux groupes. L'un d'eux formait les Irmohildi, les serviteurs du Vala Irmo, encore appelé Lórien ("Rêve"). Ils étaient dirigés par un olostar ("seigneur des songes") et se dédiaient aux visions permettant de trouver les larmes de Yavanna et les endroits où planter les graines de l'arbre de leur patronne, le cembereth ("Reine de la Terre"). Ces Irmohildi comprenaient également les serviteurs d'Estë, épouse d'Irmo et Valië de la guérison ; c'étaient des guérisseurs, comme Nestador lui-même.

L'autre groupe était composé des Yavannildi, serviteurs de la Valië Yavanna, dirigés par une massánië ("donneuse de pain"), en l'occurrence Lothwen, épouse de Nestador. Ce groupe s'occupait de récolter et préparer les graines de cembereth avant leur plantation, ainsi que de faire pousser le blé spécial qui servait à faire du lembas, entre autres choses. Plus généralement, les Yavannildi s'occupaient de pourvoir les voyageurs de la Loge (voire d'autres) en vivres et autre équipement. Ils comprenaient aussi les serviteurs d'Aulë, Vala de la Terre et grand forgeron, parmi lesquels les anciens forgerons elfiques d'Ost-in-Edhil.

Le territoire de la vallée des Brumes Éternelles, en plus des zones des geysers et du lac, comportait divers endroits assez fertiles. L'un d'eux était occupé par une colline où le soleil perçait un peu plus et qui servait pour diverses cultures. D'autres comprenaient des forêts plus ou moins clairsemées où les arbres poussaient et en particulier celui de Yavanna, le cembereth. De nombreux rennes et élans venaient s'y réfugier et se nourrir là pendant la mauvaise saison, ce dont les elfes profitaient. Ce qui ne les empêchait pas, en particulier à la belle saison, d'aller chasser ou récolter des herbes diverses en dehors de la vallée.

Là où le cembereth poussait en petits bosquets, Vif et Rob sentirent quelque chose de particulier, comme un silence ou une paix magique à proximité de ces arbres mystiques. En fait, ils se rendirent compte que, dans une moindre mesure, ces arbres - et même le bois dont ils étaient faits - avaient des propriétés similaires à celles des larmes de Yavanna. D'ailleurs ils étaient utilisés dans le même but par les elfes, à savoir la purification du Grand Nord de la souillure de Morgoth. Plus généralement, ces arbres semblaient avoir une action protectrice contre la magie noire et les influences magiques. La féline Femme des Bois ne semblait pas assez affectée par leur proximité pour être forcée de reprendre forme humaine, mais elle avait néanmoins le sentiment de sentir moins son "patron" à l'intérieur de sa tête...

2 - Réunion et présentation
Après une journée de repos, donc, les elfes présents aux côtés du groupe prévinrent ce dernier que les aventuriers allaient rencontrer leurs chefs. Ils longèrent tous le Lac des Brumes par la gauche, jusqu'à arriver, côté nord-ouest du lac, à un embarcadère avec de nombreuses barques. Un peu plus loin dans les terres, des constructions en grande partie enterrées servaient d'habitat à de nombreux elfes, et rappelèrent à Rob, ainsi que d'autres, les smials (ou "trous de hobbit") de la Comté. De nombreux elfes étaient présents qui invitèrent leurs invités à prendre place dans l'une ou l'autre barque, et Taurgil et ses amis se firent amener sur l'Ile des Visions. Ils visitèrent brièvement le grand bâtiment qui en occupait le centre, avant de prendre place dans une grande pièce servant tout à la fois d'auditorium et de sauna. Présentement, les bains de vapeur étaient fermés, mais la température restait assez bonne. La pièce, carrée, comportait des bancs en terrasses sur trois côtés et des escaliers aux angles, et elle pouvait probablement accueillir autour de deux cents personnes.

Les elfes s'éparpillèrent sur les bancs à différentes hauteurs, le plus souvent en petits groupes, et Vif et ses amis furent laissés à eux-mêmes. Ils se placèrent plus ou moins au centre de l'auditorium, à des hauteurs diverses selon chacun. Lorsque tout le monde fut installé, Lothwen et Nestador arrivèrent et restèrent debout face aux gradins et à ses occupants. Rob pouvait nettement percevoir la lumière intérieure qui émanait d'eux et qui caractérisait les anciens elfes ayant vécu en Aman et qui avaient baigné dans la lumière des arbres de Valinor... Ils saluèrent alors elfes et aventuriers, expliquant brièvement la présence de ces derniers par des buts communs et des synergies possibles. Puis ils invitèrent chaque membre de l'équipe à se présenter individuellement aux membres de la Loge du Réveil. Les deux elfes avaient parlé en sindarin, et à une question qui leur fut posée ils indiquèrent que tous ici pouvaient comprendre la langue commune, le ouistrain, mais que certains elfes étaient bien plus à l'aise avec le sindarin et l'utiliseraient probablement. Il faudrait donc aux amis de Vif, qui maîtrisaient tous cette langue, lui traduire certains échanges à elle qui ne la comprenait pas vraiment. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit pour elle de parler, plus tard, Lothwen utilisa un sort afin de comprendre le parler félin de la Femme des Bois et de pouvoir le traduire aux membres de la Loge et aux aventuriers.

Taurgil et ses amis s'exécutèrent avec plus ou moins de facilité. Rob se présenta comme cuisinier du groupe, ce qui entraîna un certain nombre de questions par la suite : les elfes voyaient assez mal l'utilité d'un serviteur comme lui et surtout comment il pouvait survivre à des aventures un peu sérieuses. Mais ce fut peut-être Mordin qui cristallisa le plus de questions et de tensions. Il faut dire que l'un des elfes présents dans le groupe était un ancien forgeron elfique qui n'avait toujours pas digéré de fuir les armées de Sauron et de se retrouver face à la porte de Khazad-Dûm (la "Demeure des Nains") fermée. Bref, les tensions entre elfes et nains étaient parfois encore bien palpables, et beaucoup s'étonnaient de voir un groupe aussi bigarré avec des membres d'autant de cultures différentes, et qui semblaient vivre en bonne entente. Isilmë expliqua, entre autres arguments, les bienfaits de l'humour pour arriver à dépasser les différences entre eux.

Taurgil, plus à l'aise à l'oral que beaucoup de ses compagnons, détailla également leurs aventures passées à la demande de Nestador. Tandis que l'intérêt et le respect des elfes pour les aventuriers n'arrêtaient pas de grandir, même si parfois ils se teintaient d'une certaine dose d'incrédulité, la mission du groupe dans le Grand Nord se précisa. Le Dúnadan, s'il ne donna pas tous les détails faute de temps, n'omit aucune information importante afin de faire comprendre à leurs hôtes l'importance de leur mission et la nécessité de les aider. Car au final il s'agissait bien de cela : le groupe était venu pour trouver toute l'aide possible pour leur mission, sous toutes les formes possibles, tangibles ou non. Car se retrouver au centre de l'attention de trois puissants Maiar - Tevildo, Eloeklo et Durlach - était une chose que les habitants de la vallée pouvaient appréhender : certains des leurs étaient morts sous les attaques de deux de ces créatures, aussi n'avaient-ils pas besoin de beaucoup d'imagination pour comprendre les périls qui menaçaient le groupe...

Et le dernier Maia du trio - Tevildo - eut droit à sa part de gloire afin de mettre les elfes au courant de ses capacités et de son influence concrète. En fait, de savoir qu'il était peut-être présent de manière distante à travers Vif ou ses amis en inquiéta plus d'un, même si Nestador se voulut rassurant. La vallée des Brumes Éternelles était imprégnée de la magie de Yavanna qui avait un certain pouvoir sur le Prince des Chats. Peut-être était-il aux écoutes, mais ses capacités à prendre le contrôle d'un voire plusieurs aventuriers devait être limitée. D'autant que, comme le précisa Taurgil, c'était peut-être là sa faiblesse : à force de se lier à divers enfants d'Ilúvatar comme les aventuriers, sans oublier d'autres qu'eux comme Tina ou encore Míriel, fille de Narmegil et Neniel, le pouvoir de Tevildo se diluait et il était plus vulnérable. La manière de se débarrasser de lui restait complètement ouverte, néanmoins.

3 - Aides multiples et variées
La question fut donc bientôt posée en termes concrets : de quelles manières les elfes des Brumes Éternelles pouvaient-ils aider cette bande de sept humains, elfe, nain et hobbit ? Dans un premier temps, répondant à certaines questions très concrètes, les elfes de la Loge s'appliquèrent à préciser quelles aides ils n'allaient pas fournir. Aller chercher les artefacts gardés par Eloeklo sur la montagne où s'étaient écrasés de précédents aventuriers ? Il ne fallait pas y compter. Prêter au groupe d'aventuriers la larme de Yavanna remise par Radagast à Nestador et à ses pairs ? Hors de question. Les laisser gérer la gemme maléfique qu'ils transportaient et dont ils se seraient bien passés, l'Ulûkai de Morgoth ? Même pas en rêve. Bref, Nestador et Lothwen furent assez clairs sur certaines choses : chaque groupe avait ses missions, et il n'était pas question pour quiconque de se reposer entièrement sur l'autre, même si les objectifs étaient communs. Si, dans le cadre de leurs compétences et sans mettre de côté leurs propres objectifs, les Noldor présents pouvaient aider les aventuriers, très bien. Si ces derniers souhaitaient bénéficier de visions et aller récolter des larmes de Yavanna pour en faire profiter la Loge, pourquoi pas, si Irmo le voulait ainsi. Mais Nestador n'allait pas demander à Taurgil et ses amis de faire son travail, et inversement.

Par contre, en raison de la magie de Yavanna bien puissante dans la vallée, il était envisageable de déposer la gemme maudite de Morgoth dans les environs, dans un bosquet d'arbres de la Reine de la Terre par exemple. Dans la mesure où ce n'était pas définitif... Ce qui était déjà une marque de grande confiance et une sacrée épine en moins dans le pied des aventuriers. Mais par contre, la larme de Yavanna qui neutralisait l'Ulûkai devait rester en contact avec la gemme pour annuler ses pouvoirs... Mais ici, elle serait bien protégée, y compris des divinations magiques. Par contre, Nestador demanda au Dúnadan de gérer entièrement l'enfouissement de la gemme : le moins les elfes présents étaient impliqués, le mieux ce serait. Ils partaient parfois pour leurs missions dans le Grand Nord et il n'était pas impossible de penser que l'un ou l'autre pourrait faire de mauvaises rencontres et se voir soutirer des parcelles de son savoir...

Les elfes de la Loge avaient une longue expérience du Grand Nord, mais ils n'étaient ni les premiers ici, ni les seuls à pouvoir aider et renseigner les aventuriers. Et Nestador ou Lothwen détaillèrent les sources d'aide possibles qui leur venaient en tête. Il y avait les Lossoth, bien sûr. Et les elfes de la Loge précisèrent par exemple, à la surprise de certains des aventuriers, que les Hommes des Neiges, aussi "primitifs" furent-ils, avaient développé des armes particulièrement efficaces pour combattre les dragons, et réservées à leurs sages... voire à d'autres personnes que les esprits pourraient indiquer. Contrairement à la majorité des possessions des Lossoth, qui pouvaient être partagées par les familles ou clans entiers, ces armes étaient créées ou transmises de manière individuelle, au cours d'un rituel compliqué qui établissait un lien spécial entre l'arme et son possesseur. Sans ce lien, l'arme ne pouvait pleinement servir - a priori.

Et tant qu'à parler de dragons, il fut question de ces derniers, et d'un en particulier, sans doute le plus dangereux de tous... mais également celui susceptible d'être le plus utile : Canadras ("Quatre Cornes"), qui vivait à la pointe de montagnes du même nom, dans un ancien palais de glace abandonné peu auparavant par les elfes des neiges (Lossedhil). Ce dragon n'était pas d'une grande gêne pour les peuples libres, même si les nains - et en particulier Galgrinic, chef de leur colonie de Vasaran Ahjo ("Forge du Marteau" en labba) - n'étaient peut-être pas du même avis. En effet, ce dragon ailé était peut-être le plus grand érudit du Grand Nord. En plus de connaître tous les dragons et autres personnages importants de la région, il prenait grand soin, chaque fois qu'il en avait l'occasion, d'hypnotiser une victime qui croisait son chemin pour aller espionner les peuples libres et lui rapporter son savoir, avant de la manger. Les connaissances étaient pour lui plus précieuses que les trésors physiques, ce qui ne l'empêchait pas à l'occasion de dévaliser quelque voisin. D'où la présence du marteau de Galgrin dans son antre, artefact enchanté du père de Galgrinic, ce qui expliquait la grande haine que lui vouait son fils. Néanmoins, malgré ses pouvoirs redoutables, ce dragon n'était pas un guerrier et il n'était aucunement une menace pour Eloeklo ou Durlach. Et contre d'autres savoirs de qualité, peut-être serait-il disposé à partager certains des siens...

Les Lossedhil, ou "elfes des neiges", furent également abordés. Ils avaient fui la Forêt Sombre lorsqu'un prince sinda, Oropher (père de Thranduil), avait choisi pour royaume les terres sauvages au sud des Montagnes Grises et à l'est des Monts Brumeux, au grand dam de ces elfes sylvestres qui ne voulaient pas d'un roi sinda. Après avoir erré dans le Grand Nord, ils avaient fini par fonder la cité de Helloth ("Fleur de Glace"), loin au nord, là où ne pousse aucune plante ni ne vit aucun animal. Mais le lieu abritait un fragment d'une ancienne lampe de lumière des Valar, lampe brisée par Morgoth bien avant que les arbres de lumière n'éclairent le monde. A l'aide de leur magie, ces lossedhil avaient façonné une cité de glace autour de cet éclat lumineux dont les lumières pouvaient parfois être vues dans le ciel jusque très loin au sud. Eux aussi connaissaient bien le Grand Nord, qu'ils parcouraient régulièrement en petits groupes. La cité était dirigée par Losp'indel, épouse de K'elecktor, tué par des dragons en 1545 du Troisième Âge. Malgré leur éloignement, ces elfes connaissaient bien le Grand Nord et ses habitants.

De nombreuses autres informations furent partagées, par exemple concernant les plus puissants habitants de la région. Durlach et Eloeklo en étaient les plus dangereux avec Jäänainen, la Dame du Froid ou Sirène de Glace, et les elfes donnèrent aux aventuriers l'expérience qu'ils avaient eue de leurs rencontres avec les deux premiers, entre autres choses. Le Démon du Vent du Nord, par exemple, semblait aveugle d'une certaine manière, et il utilisait d'autres sens tels que l'ouïe ou l'odorat pour repérer ses victimes. Ils évoquèrent aussi divers personnages, comme Inhael Eketta, ce vieux rôdeur d'Arthedain qui passait son temps dans le Grand Nord. Mais ils ne le connaissaient pas beaucoup, il n'était jamais arrivé chez eux. Certains d'entre eux l'avaient peut-être croisé et ils en avaient entendu du bien. Ils parlèrent aussi de Striuk'ir, un lossedhel ("elfe des neiges") solitaire et particulièrement habitué et résistant au froid, au point d'en oublier que les autres n'étaient pas comme lui. C'était un grand rôdeur et pourchasseur des anciennes créatures malfaisantes de Morgoth dans la région.

4 - Le Puits de Morgoth
Mais s'il y avait un site qui intéressait particulièrement le groupe, c'était Eithel Morgoth ("Puits de Morgoth"), prison du balrog Durlach et reste des anciennes forges d'Angband. Les aventuriers savaient qu'ils y mettraient tôt ou tard les pieds (et le reste) vu l'intérêt que Tevildo et Eloeklo y portaient. Le site avait vu la naissance de nombreux artefacts maléfiques, et il semblait que certains, comme le Kuilëondo ou l'Ulûkai, ne pouvaient être détruits que là. Et c'était bien ce que les deux Maiar escomptaient, l'un pour se libérer de sa prison et l'autre pour lui fournir assez d'énergie magique pour retrouver un corps et sa liberté. Les Noldor de Brumes Éternelles étaient passés là, ils avaient survécu à une mauvaise saison dans le Grand Nord grâce à la chaleur du lac de lave au cœur du site, mais ils y avaient perdu leur chef, Thilgon, tué par le prisonnier des lieux. Car Durlach, s'il était la plupart du temps inactif, semblait percevoir toute présence dans le Puits. Pire encore, il absorbait la magie employée sur place, la rendant plus difficile à utiliser, et s'en servait pour regagner des forces et sortir du puits de lave. Il déchaînait alors ses pouvoirs de destruction avant de devoir revenir dans le lac de lave pour regagner ses forces. Il ne pouvait rester actif plus d'une heure ou deux peut-être, mais c'était amplement suffisant pour tuer quiconque se trouvait sur son chemin.

Nestador décrivit le Puits, profond d'environ un mile (~ 1,6 km), large d'une quarantaine (~ 65 km) d'est en ouest et long d'une cinquantaine (~ 80 km) du nord au sud. De nombreuses fumées toxiques s'échappaient du lac en son centre et étaient poussées par les vents dominants vers le sud, aussi fallait-il descendre dans la caldera par le nord. Par temps clair, de jour, la colonne de fumée qui s'échappait de là pouvait être visible à près d'une centaine de miles, et de nuit, le rougeoiement de la lave pouvait parfois être perçu à la moitié de cette distance. La neige qui était soufflée au-dessus d'Eithel Morgoth fondait pour l'essentiel et tombait sous forme de pluie, voire s'évaporait près du centre, lorsque la chaleur devenait grande. Le lieu avait la structure d'un grand cratère dont l'intérieur comprenait des zones concentriques aux pentes variées, comme des terrasses aux propriétés différentes.

Le Puits commençait sur l'extérieur par une falaise presque verticale d'une portée de flèche (~ 100 m) de hauteur environ. La paroi était truffée de rochers pointus et tranchants couverts de glace plus ou moins glissante, et elle était quasiment impossible à escalader sans corde. Il existait certaines voies un peu moins difficiles à grimper, mais très difficiles à percevoir en raison du brouillard qui imprégnait les zones extérieures. En bas de la falaise commençait une zone que Nestador appelait le "cercle gris" car il était composé de rochers et éboulis divers sur lesquels poussait un lichen gris. Cette zone faisait entre deux et trois miles de large et était en pente assez modérée ne nécessitant pas de compétence particulière. La température était le plus souvent très légèrement supérieure à celle du gel de l'eau, et l'endroit était noyé sous les brumes. Puis venaient plusieurs zones ou "cercles verts", appelés ainsi en raison de la végétation plus ou moins abondante qui y régnait.

Ces "cercles verts" étaient tous en pente douce et couvraient une zone concentrique large d'environ une quinzaine de miles (~ 24 km). A l'extérieur, la température était fraîche et ne permettait pas à une grande variété de végétaux de pousser, d'autant que l'endroit était à peu près dépourvu d'insectes pollinisateurs. Plus près du centre, la chaleur était supportable à condition de pouvoir bien se désaltérer. Les végétaux se faisaient progressivement plus nombreux : les touffes d'herbe devenaient prairie, la sauge envahissait toute la zone, accompagnée par des buissons voire des pins rabougris et des sapins. Les elfes de la Loge avaient plantés là un certain nombre d'arbres de Yavanna. Ils n'atteignaient pas la hauteur qu'ils avaient dans la vallée d'Uichith où elfes et aventuriers se trouvaient, mais néanmoins ils arrivaient à vivre ou survivre. Durlach semblait incommodé par leur présence et il évitait la zone des arbres. Plus près du centre, là où il faisait trop chaud pour les arbres, en revanche, il était susceptible de s'aventurer pendant ses phases de réveil. Aussi les Noldor avaient-ils établi des protections magiques sur une zone concentrique au sein de ces "cercles verts", non pour se protéger du démon mais pour empêcher les éventuels visiteurs d'aller plus loin et de trouver une mort presque certaine, sans parler de nourrir le balrog avec de la magie. La tombe de leur ancien chef Thilgon était également présente à cet endroit, au nord.

Les "cercles verts" laissaient alors la place aux "cercles de la mort", en commençant par une zone à la pente plus raide, d'environ 45°. Là, la végétation disparaissait bien vite sous la chaleur, difficile à supporter très longtemps sans protection et sans eau, qui n'arrivait plus jusqu'ici. Par ailleurs, le sol était parsemé là d'anciennes projections de lave durcie. Ces projections, bien que peu fréquentes, provenaient des éruptions du lac de lave, elles-mêmes liées à des explosions de colère de Durlach. La zone était également parsemée d'ouvertures vers les anciens souterrains d'Angband, certains bloqués par de la lave durcie mais pas tous, et parcourus encore par d'anciennes créatures de Morgoth tels que des trolls ou de mauvais esprits, spectres et autres abominations. Puis la pente se transformait en paroi verticale, formant un puits où la chaleur était impossible à supporter sans magie et où respirer n'était normalement plus possible, magie exceptée là encore. D'autres ouvertures parsemaient la paroi mais étaient très souvent obturées. La falaise aboutissait à une zone en pente douce couverte de brumes rougeâtres et toxiques, d'où émergeaient les ruines d'anciens grands portails en partie inaccessibles, probablement les entrées des anciennes forges d'Angband. Enfin, au centre, le lac de lave et son mortel prisonnier attendent d'éventuels intrus pour les consumer et les engloutir. Lac de lave dont le niveau semblait régulièrement monter et menacer d'engloutir, à terme, les protections magiques qui maintenaient le prisonnier à sa place, d'après les visions de Nestador...

5 - Au bazar du forgeron elfique
Malgré ce tableau peu reluisant, Taurgil et ses amis comptaient bien faire une première approche du site pour mieux appréhender les tâches qu'ils auraient à accomplir à l'avenir. Aussi demandèrent-ils également à Nestador, Lothwen et les leurs toute l'aide matérielle ou magique qu'ils étaient susceptibles de leur fournir. En effet, face à de telles difficultés, le matériel sur lequel ils pouvaient compter pouvait faire toute la différence entre la vie et la mort. Et comme les Noldor présents ici comportaient d'anciens forgerons elfiques d'Eregion, les aventuriers, même sans s'attendre à recevoir en cadeau des artefacts du Premier Âge, espéraient du matériel d'excellente facture que seuls des elfes ou nains au sommet de leur art pouvaient faire, et saturés des magies les plus pratiques et puissantes... ou pas.

Car un matériel normal mais d'excellente qualité était parfois tout ce dont Vif et ses amis avaient besoin : des cordes solides et légères pour permettre de descendre dans le Puits de Morgoth par exemple, ou du lembas, le pain de route des elfes, qui encombrait extrêmement peu et était particulièrement nutritif en plus d'avoir excellent goût. Sans parler de tous les vêtements et autres équipements de base pour pouvoir survivre sans mal dans le Grand Nord, s'y déplacer et se reposer, et en bref ne pas avoir besoin de se soucier de choses basiques propres à détourner une énergie dont les aventuriers avaient grand besoin pour autre chose, comme de survivre à des rencontres avec des esprits puissants et agressifs, par exemple.

Bien entendu, une confrontation avec de telles entités étant toujours à l'ordre du jour, malgré le côté suicidaire de la chose, l'équipement magique prenait ici tout son sens. Comment en effet espérer se battre avec des démons dont la seule proximité pouvait vous glacer les os - de manière très littérale - ou vous transformer en tas de cendres ? Les Noldor pouvaient en effet fabriquer des vêtements ou autres babioles magiques pour permettre à Taurgil et ses amis de survivre à des environnements mortels pour les êtres vivants même les plus endurcis, sous oublier d'aider à résister à des agressions de toutes sortes. Pouvoir soigner et guérir les blessures les plus graves ne fut pas oublié : Nestador était réputé être le meilleur guérisseur présent en Terre du Milieu, et il était capable de concocter des potions aux vertus médicinales miraculeuses. Pour ne rien dire des préparations et stimulants pour permettre à des aventuriers de donner encore plus que le meilleur d'eux-mêmes.

Pourtant, une autre catégorie d'aide intéressait peut-être encore plus Vif et ses amis que des cordes magiques, des armures enchantées ou des anneaux de puissance. Le groupe n'oubliait pas qu'à une exception près, tous ses membres étaient particulièrement vulnérables à l'influence de Tevildo, sans parler des pouvoirs magiques ou hypnotiques de dragons et de quantité de créatures vivant dans la région. Tous les moyens de renforcer la volonté des aventuriers était donc bons à prendre, car ils n'auraient pas forcément, ou en tout cas pas forcément tous, une larme de Yavanna pour protéger leurs pensées et leurs décisions. A défaut de larme, la magie protectrice de la Reine de la Terre était présente en quantité moindre dans le bois du cembereth, son arbre purificateur. Des objets taillés dans ce bois, sans même y ajouter quelque magie que ce fût, seraient donc déjà une aide précieuse. Et si cela ne suffisait pas pour empêcher la possession de la féline Femme des Bois par son lointain parent, quelques objets spécifiquement destinés à combattre Vif ou d'autres félins furent envisagés...

Si Drilun et ses amis auraient bien passé commande d'une liste d'objets plus longue que le plus long bras du plus grand des géants, ils n'ignoraient tout de même pas que tant la bonne volonté de leurs hôtes que le temps dont ils disposaient étaient limités. Malgré leur expérience et leur ancienneté, les elfes de la Loge ne pouvaient pas créer d'objets magiques ou d'équipement de qualité sur un claquement de doigts, et ils n'avaient pas non plus un stock d'artefacts pour les occasions - ô combien courantes - où des aventuriers venaient les solliciter pour qu'ils les aident à sauver le monde. Ne parlons même pas de l'activité auxquels se livraient leurs ennemis - venus de Dol Guldur ou d'ailleurs - et leurs partenaires de circonstance (Tevildo, Eloeklo...) : tout délai pouvait se transformer en quelques méchantes petites surprises de la part de leurs adversaires présents ou à venir, dont l'un d'eux les espionnait en permanence...

6 - Repos et préparatifs
Les sept amis firent donc une liste des équipements dont ils souhaitaient disposer et que les Noldor étaient susceptibles de leur fournir. Certains étaient prioritaires par rapport à d'autres, mais surtout, même si la qualité la meilleure possible était recherchée, les aventuriers n'avaient pas défini le niveau de finition exact - matériel ou magique - de chaque objet. Tout simplement, ils souhaitaient que leurs hôtes fassent de leur mieux dans le temps dont ils disposeraient. Quitte à ce que peut-être certains objets moins importants ne soient pas terminés voire commencés dans l'immédiat, mais susceptibles d'être fournis lors d'une future visite peut-être, lorsque des besoins plus spécifiques se feraient sentir...

Et question temps, justement, de combien de jours disposaient les elfes ? Taurgil et ses amis ne souhaitaient pas s'attarder trop, moins d'une dizaine de jours a priori. Ils comptaient dans un premier temps aller visiter le site d'Eithel Morgoth qui était proche de la vallée des Brumes Éternelles, avant de revenir. Puis ils quitteraient à nouveau les elfes pour revenir honorer une promesse aux Lossoth, et voir si leur équipe allait s'étoffer avec la venue d'un huitième membre, Dwimfa. La suite de leurs aventures restait ouverte et méritait plus de temps de réflexion, même s'il était très fortement envisagé d'aller voir du côté de chez Eloeklo - restait à savoir quand, et comment.

Après encore bien des discussions, qui ne risquaient pas de s'en arrêter là, elfes et aventuriers quittèrent l'île. Certains des Noldor prirent les mensurations de leurs invités afin de pouvoir fabriquer vêtements ou armures. Malheureusement, ils ne disposaient plus de cuir de dragon pour équiper le groupe, ce dont Geralt fut fort marri, lui qui espérait se couvrir intégralement d'une telle carapace protectrice contre les coups, le feu et le froid. Libre à lui d'aller abattre un de ces vers pour fournir la matière première. En revanche, les os et cornes de dragon ne manquaient pas. Plus tard, les aventuriers visitèrent un cimetière de dragons pour l'émerveillement de Drilun, dont on aurait presque pu croire qu'il allait marcher sur sa langue. En effet, une terrible bataille avait eu lieu là peu après la fondation de la Loge, bataille où Óleth, leur chef d'alors, avait péri, ainsi que moins d'une vingtaine d'autres Noldor. Un nombre tout aussi grand de vers avaient succombé là, un peu au nord-est de la vallée, dont il ne restait à présent plus que les squelettes. Les dépouilles de leurs amis tombés reposaient là, dans des petits tertres funéraires, et les elfes d'Uichith avaient placés de telles défenses magiques pour protéger le lieu que les dragons évitaient désormais soigneusement l'endroit.

Sans déranger les elfes de Brumes Éternelles, le groupe choisit un emplacement de la vallée pour enterrer discrètement l'Ulûkai de Morgoth avec la larme de Yavanna collée à lui. En prenant bien soin de marquer l'endroit pour revenir achever leur mission plus tard, et enfin détruire ce maléfique artefact, si possible sans utiliser sa magie au bénéfice de Durlach, Eloeklo ou tout autre esprit du même genre. Les arbres de Yavanna étaient nombreux à cet endroit, ce qui était une garantie supplémentaire pour la tranquillité de cet artefact. Vif attendait d'ailleurs un collier fait du bois de cet arbre, afin de mieux pouvoir résister à l'influence de son "patron", et elle n'était pas la seule qui serait équipée d'une babiole taillée dans ce matériau. Nestador leur avait également promis une ou deux potions pour affermir leur volonté en cas de besoin, contre Tevildo ou d'autres.

A l'aide d'une carte du Grand Nord remise par les elfes, Taurgil étudia leur prochaine étape, tandis que Geralt profitait de leur liberté pour se reposer, comme à son habitude. La lionne magique en faisait autant dans le plus grand cembereth qu'elle avait pu trouver. Rob tâchait d'en apprendre plus sur la flore locale et de nouvelles recettes possibles, tandis que Mordin se demandait encore ce qu'il faisait là, au milieu de tous ces elfes. Isilmë choisissait de passer du temps avec l'archer-magicien dunéen du groupe, qui était soumis à une intense réflexion : avec tout l'os et la corne de dragon à sa disposition, que pouvait-il faire pour aider au mieux ses amis et lui ? Il soupira en pensant à ces forgerons elfiques qu'il avait toujours rêvé d'égaler voire de dépasser, et qu'il côtoyait à présent, comme à Fondcombe. Que n'avait-il plus de temps à leur consacrer, au lieu de toujours courir à droite et à gauche pour sauver ses amis et lui, ou la Terre du Milieu...
Modifié en dernier par Niemal le 04 août 2021, 09:23, modifié 1 fois.
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Grand Nord - 12e partie : loups et dragon

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1 - Changements et matériels
Le groupe choisit de rester une journée entière sur place avant de reprendre la route. Rob et Vif, en particulier, souhaitaient apprendre à entrer et sortir de la vallée de Brumes Eternelles par d'autres voies que celle qu'ils avaient suivie pour arriver. Ils apprirent ainsi qu'il y avait cinq entrées principales dans la vallée, toutes fortement gardées par de puissantes magies. En plus de celle au sud-ouest, qui longeait la côte ouest de la baie de Pitkävesi ("Longue-Eau" en labba), quatre autres étaient présentes :
- une au sud-sud-est qui permettait d'arriver sur la rive est de la baie
- une au nord-est, près du cimetière des dragons, amenant au pied des Ered Úmarth, les "Montagnes Funestes"
- une au nord-ouest, au pied de la chaîne des Ered Rhivamar, les "Montagnes du Bout du Monde"
- une à l'ouest, au milieu de l'épaisse forêt couvrant les terres entre montagnes et baie

Mais au-delà de l'apprentissage des secrets de la vallée, des échanges eurent lieu avec les elfes au sujet de l'équipement qu'ils préparaient pour le groupe. Ces échanges modifièrent les priorités de certains aventuriers, tandis qu'il était décidé de laisser plus de temps aux elfes afin de permettre d'avoir plus de matériel ou de meilleure qualité. Les forgerons de la Loge prévinrent tout de même leurs invités que pour faire des objets aussi puissants en aussi peu de temps - une douzaine de jours tout au plus - la magie utilisée pour fabriquer ces objets serait tout sauf subtile. Autrement dit, la plupart des artefacts créés porteraient une signature magique tellement claire que n'importe quel utilisateur de magie un minimum expérimenté, comme les dragons ou esprits anciens, pourraient suivre le groupe à distance à des lieux à la ronde. Néanmoins, certains objets pouvaient être réalisés le jour même sans utiliser de magie, leurs pouvoirs provenant du bois de cembereth, qui conférait protection et résistance contre influences néfastes et magie noire.

Ainsi, tous les aventuriers porteraient des colliers faits dans ce bois enchanté. Mais certains commandèrent aussi des boucliers en un tel bois ou en os de dragon, ou des sacs ou tissus en fibre de cembereth pour masquer la magie des objets voire personnes enveloppées dedans. Des vêtements légers extrêmement chauds, particulièrement adaptés aux températures glaciales du Grand Nord, furent également taillés dans la journée. Des capes elfiques permettant de disparaître à la vue d'éventuels observateurs, des bottes capables de marcher sur la neige la plus fine sans la briser, des objets divers améliorant les compétences magiques ou autres de leurs porteurs... nécessitaient les douze jours pour être tous prêts. Des onguents et potions diverses, des colliers ou serre-têtes améliorant la résistance aux influences les plus diverses, ne furent pas oubliés. Sans oublier des protections magiques contre les armes ou les éléments, une épée enchantée, ou des flèches magiques contre dragon, félins, ou même Vif dans l'hypothèse où elle deviendrait le jouet du Seigneur des Chats. Et les Noldor pouvaient également fournir corde elfique et pain de route (lembas) en quantité limitée. Mais il faudrait encore du temps pour fournir tout ça.

Nestador et les siens acceptèrent aussi d'entreprendre la création de quelques objets plus longs et difficiles à réaliser, en particulier contre l'influence de Tevildo. Taurgil et ses amis se dirent qu'ils comptaient bien revenir une deuxième fois d'ici un mois, ce qui permettait de faire des objets vraiment exceptionnels. Vif, pour sa part, demanda aux Noldor de la Loge du Réveil de voir s'ils pouvaient lui confectionner une armure adaptée à son corps de félin magique, à partir de cuir et de bois de cembereth. Elle disposait déjà d'un harnais de cuir solide lui permettant de porter quelques petits objets voire de pouvoir avaler des drogues ou potions diverses sans demander l'aide de personne. Mais hormis cela elle pouvait difficilement profiter des compétences d'artisanat magique de leurs hôtes, et l'armure serait la bienvenue face à des ennemis comme dragons et puissants Maiar ou autre entités destructrices.

Au bout du compte, le groupe reçut les présents de colliers de cembereth ou les vêtements extrêmement chauds qui leur permettaient de voyager dans les contrées glacées comme s'ils étaient en plein été. Vif était la moins bien protégée, même si sa fourrure magique lui permettait tout de même de résister au froid encore mieux qu'un elfe. Puis le groupe reprit le même chemin qu'ils avaient déjà emprunté en sens inverse : ils iraient en premier vers le sud-ouest pour aller voir les Lossoth, avec qui une entrevue avait été prévue de longue date. Ils comptaient bien savoir ce que les esprits protecteurs des Hommes des Neiges auraient dit concernant la participation de Dwimfa à leur groupe, espérant donc pouvoir l'accueillir comme le huitième membre du groupe, au même titre que Bronwyn l'avait été un long moment lors de leurs aventures dans le Rhovanion. Ensuite seulement iraient-ils voir du côté du Puits de Morgoth, sans oublier la récupération possible d'artefacts gardés par Eloeklo au sommet des montagnes où il était prisonnier, et où les amis de Dwimfa avaient trouvé la mort.

2 - Blizzard bienvenu
Les sept amis prirent donc congé des elfes trois jours après leur arrivée sur place, au petit matin. C'était bientôt la fin du mois de Narbeleth ("soleil faiblit", en langue elfique), le premier mois de l'automne. Là où ils étaient dans le Grand Nord, le soleil était encore loin d'être levé. Les aventuriers franchirent donc geysers, forêt, falaise et souterrain dans l'obscurité, avant de retrouver une mare d'eau magique dans laquelle ils respiraient sans mal et ne pouvaient plus nager. Ils prirent alors l'escalier pour en sortir, et se retrouvèrent dans une forêt portant des traces de dégradations de dragon, sous une pluie glaciale. Car il semblait que le temps était vraiment mauvais, avec des chutes de neige assez denses qui se transformaient en pluie sous l'effet de la chaleur des geysers et sources d'eau chaude de la vallée de Brumes Eternelles (Uichith).

Le groupe longea alors la côte proche en bordure de la baie qu'ils avaient suivie à l'aller, du nom de Pitkävesi ("Longue-Eau") dans la langue des Lossoth. Ils progressaient sous le couvert des arbres d'une forêt de pins clairsemée, à une portée de flèche d'une zone plus basse et plate sur leur gauche, entièrement recouverte de neige sauf pour une zone un peu lointaine. La baie de Longue-Eau était en effet complètement prise par les glaces sur lesquelles la neige était tombée. Seule une petite zone en son centre était encore libre du gel, dénotant le passage d'eaux plus tièdes provenant du lac d'eau chaude de la vallée. Rapidement, le groupe dut remettre les raquettes - de nouvelles avaient été fournies par les elfes, et de qualité - afin de poursuivre sur la neige de plus en plus épaisse qu'ils trouvaient sous leurs pieds. La tiédeur de la vallée d'Uichith se faisait de plus en plus lointaine, le temps était de plus en plus froid, et la férocité du blizzard qui leur soufflait tout autour de plus en plus forte. Heureusement le vent venait du nord, alors qu'ils progressaient vers le sud-ouest.

Ils avancèrent donc avec lenteur, le hobbit (rejoint en fin de journée par l'archer-magicien) perché sur le dos de la lionne enchantée qui ouvrait la marche. Le moral de Geralt dégringolait plus vite que la neige face à la fureur des éléments qui noyait tout le paysage dans un flou grisâtre dans lequel seule la lionne arrivait à se repérer un peu, grâce à la côte proche. Pourtant les vêtements fournis par les elfes se révélèrent de grande qualité et tout à fait adaptés à la situation, certains qui avaient cumulé les épaisseurs avaient même presque trop chaud. Seule Vif se sentait quelque peu affectée par le froid, elle qui n'avait que sa fourrure, mais sa force et sa résistance étaient telles qu'elle ne ressentait qu'un peu d'inconfort et ne risquait pas de tomber malade ou d'avoir des engelures pour si peu.

Et puis, surtout, ce temps les masquait parfaitement aux sens d'éventuels observateurs. Les elfes avaient prévenu avant leur départ que les dragons semblaient particulièrement actifs autour de la vallée pendant leur séjour. Mais dans un tel blizzard, qui n'avait rien d'exceptionnel pour la saison dans la région, même les sens particulièrement développés de ces créatures ne pouvaient rien. Et les sorts de Drilun lui permettaient de percevoir les déplacements de seulement quelques ongulés (rennes, élans..), divers loups, voire des lièvres progressant dans la neige à la recherche de nourriture. Ils n'allaient donc pas bien vite mais au moins étaient-ils bien tranquilles. Malgré le blizzard, les aventuriers sentirent également qu'il faisait un peu plus clair deux ou trois heures avant midi, puis autant après, et la nuit revint vite, si dense que les mortels avaient grand mal à distinguer leurs pieds. Ils poursuivirent néanmoins leur marche un long moment encore, avant de s'arrêter faire un abri de branchages et de neige tassée par les bons soins des rôdeurs du groupe. Puis Geralt plongea dans les délices d'un sommeil magique pour lui faire regagner son moral, et tous se reposèrent sans que la nuit n'apportât aucune alerte particulière.

Quand ils repartirent après peut-être sept ou huit heures de sommeil, le temps avait changé : il était plus froid, avec moins de vent, et surtout plus clair. Les étoiles étaient visibles, il ne tombait plus rien, et même s'ils progressaient sous le couvert clairsemé des arbres, ils savaient qu'ils étaient bien plus faciles à repérer de loin par des guetteurs ou espions, particulièrement ailés. Mais la journée se passa sans problème, la côte fit un coude vers le sud, ils purent observer le soleil se lever tardivement et rester bas sur l'horizon, avant de plonger à nouveau après cinq ou six heures seulement. Ils refirent un abri pour passer la nuit et Drilun se proposa pour prendre le tour de garde pendant qu'Isilmë se reposait, après quoi elle veillerait toute la nuit, comme à son habitude. Le Dunéen n'était pas un guetteur fantastique, mais il tenait à s'améliorer. De toute manière, lui et ses amis savaient que l'ouïe de la lionne était tellement fine qu'elle percevrait l'arrivée d'un éventuel danger avant lui, même endormie.

3 - Armée de loups et boucherie
Lorsque Drilun perçut les mouvements de Vif après seulement deux heures de sommeil environ, il se dit que des ennuis ne devaient sans doute pas être loin. Tout le monde fut bientôt réveillé et armé. La lionne enchantée grimpa dans un arbre un peu à l'écart de ses compagnons. Rob fit de même et s'installa du mieux qu'il put avec arc et flèches, tandis que ses compagnons se tenaient sous lui, dos à son arbre, en cercle. Ils étaient éclairés par le bâton magique du Dunéen et par l'aura lumineuse dont l'elfe s'était entourée. Il faisait froid mais clair, le ciel était toujours dégagé, et grâce à la réverbération de la neige l'obscurité n'était pas très gênante, plus ou moins l'équivalent d'une aube sombre ou d'un léger crépuscule.

Petit à petit, tout le groupe vit arriver des nombreuses paires d'yeux qui réfléchissaient un peu la lumière dont ils étaient entourés, et le reste des corps suivit. C'était une meute de loups blancs, très gros, de la taille de wargs. Ou peut-être était-ce plus qu'une meute car hormis dans les armées d'Angmar ou du Nécromancien, les aventuriers n'avaient jamais vu autant de loups ensemble : ils étaient environ une soixantaine, et avaient l'air bien féroces et déterminés. Une dizaine d'entre eux coururent à l'arbre dans lequel Vif était perchée, mais pas plus, à son grand dam, tandis que les autres encerclaient entièrement le groupe. Au départ très discrets, les loups finirent par hurler au ciel un bon moment, hors de portée des arcs du groupe. Ils arrêtèrent leurs hurlements après un moment, puis, dans une belle coordination, ils foncèrent sur le cercle d'aventuriers au pied de l'arbre où le hobbit était monté. De son côté, la féline Femme des Bois descendait de son arbre à une distance assez faible pour inciter les loups à sauter et essayer de la mordre. Peu arrivaient à sa hauteur et ils n'arrivaient pas à lui faire mal, mais chaque fois elle lançait sa patte griffue et faisait voler une tête plus loin.

Plus loin, Rob tuait le premier loup d'une flèche tandis que ses amis attendaient de pied ferme avec leurs armes de mêlée. Et ce fut bientôt la curée, pour ne pas dire la boucherie. Le premier moment fut un peu plus difficile car les loups, portés par leur élan, pouvaient percuter les aventuriers même s'ils perdaient la vie une seconde auparavant, déséquilibrant certains parfois. Mais rapidement, aidés par le tir précis de leur petit ami plus haut, ils firent s'amonceler les corps de fourrure blanche tandis que Mordin, dans sa tête, calculait déjà les quantités de peau à récupérer pour pouvoir les échanger auprès des Lossoth. L'épée de Geralt virevoltait à toute allure et faisait voler les têtes, et même s'il était trois fois moins efficace, le bâton magique de Drilun les faisait exploser. Taurgil s'était aidé de sa magie de descendant de roi dúnadan et était presque aussi efficace que le balafré aux cheveux blanc, l'elfe était presque contrariée quand son ami hobbit lui retirait un adversaire de son épée, et le nain, un peu plus lent que les autres, était tout de même aussi efficace que son ami dunéen.

La meute de loups avait déjà perdu la moitié de ses membres quand Rob entendit que la lionne rugissait le même message félin lancinant depuis le haut de son arbre où elle était remontée, malgré la présence de quelques loups au pied de son perchoir. Après une dernière flèche, il se retourna pour regarder dans la direction à laquelle elle faisait face, son nez levé vers le ciel. Et bientôt, pas très haut sur l'horizon, il lui sembla distinguer une forme ailée et assez grande arrivant dans leur direction avec une grande vitesse. Peu après, ce qu'il voyait fut confirmé par le cri d'un aventurier qui avait activé son tour d'oreille magique permettant de comprendre le parler félin : Vif criait sans arrêt "dragon dragon dragon dragon"... et il serait sur eux dans moins d'une vingtaine de battements de cœur ! Il avait probablement été alerté par les hurlements des loups et il venait profiter du festin qu'on lui offrait si gentiment...

Petit à petit, tandis que Rob se dépêchait de se laisser glisser au bas de son arbre, les derniers loups prenaient conscience de la nouvelle menace et se dépêchaient de fuir. Vif avait auparavant sauté à petite distance de son arbre à elle et les loups qui avaient commencé à la poursuivre avaient vite vu le nouveau danger et n'importunaient déjà plus le félin magique. Taurgil s'éloignait non loin de ses amis, gêné par l'épaisseur de la neige, car il n'avait pas pris le temps de remettre ses raquettes. Le hobbit en faisait autant et il était encore plus gêné, tandis que Geralt et Isilmë tentaient de s'enfouir sous les corps des loups abattus. Drilun se concentrait sur un sort, tenant fermement son bâton magique à la main, s'abritant derrière l'arbre d'où Rob était descendu. Mordin, quant à lui, sentait sa hache d'os de dragon le tirer vers la bête, vers un endroit de son dos peut-être, endroit qu'il n'arrivait pas à percevoir clairement. Il s'avança un peu vers le dragon et s'allongea sur le sol, dans la neige. Un peu plus loin, cachée par la végétation et en dehors du trajet du monstre, Vif observait et attendait.

4 - Nouveau venu et coup de foudre
Le dragon volait aussi rapidement qu'un oiseau de proie, juste au-dessus de la cime basse des arbres. Il était long de peut-être une quinzaine de pas, et ses écailles étaient de couleur bleue-grise. Tandis que, un peu à l'écart, Taurgil lançait des blagues douteuses à son encontre dans l'espoir d'attiser sa colère et de le faire venir sur lui pour épargner ses compagnons, d'autres comme la lionne enchantée observaient très soigneusement sa gueule pour l'instant fermée. Si un dragon était déjà en soi un adversaire assez formidable, ceux qui crachaient du feu l'étaient encore plus car ils pouvaient réduire une armée à néant sans recevoir autre chose que de malheureuses flèches. Flèches qui, faute de pouvoir atteindre un éventuel point faible, étaient souvent assez inutiles. Et le peu que Mordin avait partagé avec ses compagnons - sa hache spéciale avait un don magique pour détecter les trous dans les armures des dragons - n'aidait pas beaucoup : il fallait observer le dos de la bête, ce qui, depuis le sol, n'était pas une mince affaire !

Vif, donc, étudiait un éventuel signe de souffle magique, tout en guettant une possible faille dans l'armure du dragon, avec l'idée bien rodée d'attaque du dragon par derrière. Elle avait déjà pu constater qu'un gros félin apeuré - en apparence du moins - n'intéressait pas beaucoup les dragons, mais lui permettait assez facilement de sauter sur le dos de la bête si elle était à terre et occupée par quelqu'un d'autre. Et puis la féline Femme des Bois était la moins protégée contre les attaques puissantes, ne portant aucune armure d'aucune sorte hormis sa fourrure certes enchantée mais peu efficace contre les griffes, dents ou souffles des dragons ! Bref, attaquer de dos après avoir repéré le point faible du monstre était sa tactique favorite et elle ne comptait pas en changer !

Celle du rôdeur dúnadan ne porta pas ses fruits, et le dragon ne dévia pas sa trajectoire d'un pouce : il continua en direction de Mordin en peu en avant, et Drilun (derrière son arbre) auprès de Geralt et Isilmë, tous deux sous des corps de loups blancs. Taurgil changea de langue, se demandant si le dragon comprenait le ouistrain, et opta pour le sindarin, mais un peu tard peut-être. Quoi qu'il en fût, le monstre bleu-gris était presque au-dessus du nain quand les observateurs avertis virent sa gueule commencer à s'entrouvrir. Même si aucun feu, flamme ou fumée n'en sortait encore, c'était là un assez mauvais présage. Et bientôt, de la gueule grande ouverte du dragon surgit un nuage de particules de glace particulièrement froides en forme de cône, qui frappa en premier le nain, puis très peu de temps ensuite ses trois amis regroupés non loin derrière. Et si la glace ne représentait aucun risque pour personne, elle dénotait plutôt un froid si intense qu'il aspirait la vie de tout sur son passage, froid que le sort d'armure magique que le Dunéen avait lancé autour de lui ne bloquait aucunement.

Mais Mordin était particulièrement bien équipé avec les vêtements chauds des elfes. Cela, plus sa robuste constitution, firent qu'il ne se sentit guère incommodé, en tout cas bien moins que la fois où il avait plongé dans l'eau glaciale d'un marais, à leurs débuts dans le Grand Nord. Isilmë et Geralt, eux aussi bien équipés et la tête enfouie dans des fourrures de loup, supportèrent bien le souffle magique. Quant à Drilun, il en aurait sans doute les lèvres craquelées et quelques engelures pas trop méchantes, mais globalement il avait bien supporté l'attaque magique. Il laissa passer le monstre au-dessus de lui et relâcha enfin le sort qu'il avait préparé depuis un moment à l'aide de son bâton magique, et dans lequel il avait mis beaucoup de son énergie : un éclair puissant jaillit du bâton et frappa la créature, qui fit une embardée et s'écrasa au sol à une portée de flèche de distance, poursuivant son chemin sur le sol et renversant quelques arbres au passage. Puis le silence se fit.

Tandis que Vif, parallèlement à la trajectoire du dragon et toujours à distance, s'approchait de la bête avec précaution et discrétion, Isilmë et Taurgil avançaient en direction du monstre abattu. L'archère le faisait d'autant plus vite que sa magie d'elfe lui permettait de marcher facilement sur la neige, contrairement au Dúnadan qui s'enfonçait profondément dans la belle épaisseur de poudreuse. Mais bientôt l'amie de Drilun revint avec précipitation : si le coup de foudre avait surpris et fait chuter le monstre, il s'était vite remis sur ses pieds et n'avait l'air ni particulièrement blessé ni terriblement content de la tournure des événements. Il revenait pour prendre sa revanche, droit vers l'archer-magicien qui avait eu le temps de préparer son arc et d'encocher une flèche particulière, dont la magie lui permettait de trouver les failles dans les armures de dragon.

Les nouvelles moqueries et autres rodomontades du grand rôdeur du Rhudaur n'eurent toujours pas d'effet, même en sindarin. Le dragon avait semblait-il une dent (et quelle dent !) contre Drilun, qui restait sa destination première. Du coup ses amis prirent bien soin de s'écarter de lui : si le premier souffle magique avait été bien supporté, ils ne tenaient pas à recommencer l'expérience de sitôt. Par ailleurs, ses dents et ses griffes restaient des armes formidables, et, comme Vif, ses amis ne tenaient pas spécialement à combattre le monstre de face, mais plutôt de côté ou de dos. Dans tous les cas, arrivé à une douzaine de pas de l'archer-magicien, le dragon ouvrit grand la gueule... mais la referma aussitôt lorsque la flèche du Dunéen s'y engloutit. Malheureusement pour ce dernier, le monstre ne s'abattit pas, même s'il marqua le coup et oublia son souffle magique. Il avait certainement été blessé par le trait enchanté, mais cela ne parut pas l'indisposer plus que quelqu'un qui se coince une arête de poisson au fond de la gorge...

5 - Fuite et tromperie
Tandis que Drilun se préparait à recevoir les attaques du dragon, ses amis commençaient à prendre position autour de lui, tout en étudiant son dos du mieux qu'ils pouvaient pour y détecter un trou dans sa formidable carapace - malheureusement sans succès. La bête, peut-être secouée par ses deux récentes blessures et par l'incroyable culot ou confiance de ses adversaires, semblait hésiter. Elle essaya un moment de river ses yeux dans ceux de l'humain face à lui, comptant peut-être l'hypnotiser, mais sans effet : le Dunéen était bien protégé par de nombreuses babioles magiques, et il ne tenait pas spécialement à se perdre dans le regard enjôleur du dragon. Finalement, ce dernier choisit de bondir en l'air à l'aide de ses puissantes ailes, faisant voler la neige autour de lui, et s'éleva progressivement dans les airs en faisant de larges tours dont le groupe d'aventuriers était le centre, hors de portée de leurs flèches. Puis il obliqua brusquement en direction des montagnes, et disparut bientôt derrière la cime des arbres. Tous observaient le ciel tout autour, ou cherchaient à entendre le bruit éventuel de puissants battements d'aile, mais sans résultat aucun. Le dragon était parti pour quelque ruse ou pour de bon, mais personne ne pouvait dire quand ou comment il reviendrait.

Au bout d'un moment, il fut décidé de poursuivre la route vers le sud, au grand désespoir de Geralt. Néanmoins il se fit une raison, avec juste un "on va tous mourir" pour la forme, auquel ses amis étaient habitués. Puis ils repartirent dans la nuit, après avoir remis les raquettes, non sans au préalable une petite recherche de la lionne magique à la demande de son ami dunéen : elle fouilla la scène de l'atterrissage en catastrophe du dragon, et trouva effectivement ce que l'archer-magicien recherchait : une écaille du monstre. Drilun avait perdu une flèche tueuse de dragon, mais avec cette écaille il se faisait fort d'en fabriquer une nouvelle et spécifiquement destinée à tuer celui-là. Après quoi le groupe fut parti, dans la nuit et le froid. Mais il ne progressa pas longtemps avant que l'alerte fût donnée.

En effet, la forme d'un dragon de dessina bientôt dans le ciel face à eux, une forme qu'ils ne connaissaient que trop bien désormais et qui fonçait dans leur direction. Elle était même clairement visible, comme habitée par une certaine lumière en lui. Vif réagit immédiatement et annonça à ses amis, traduit par ceux qui pouvaient la comprendre, que c'était une ruse : le dragon avait certainement fait une illusion et il allait les attaquer par derrière ! Et effectivement, en se concentrant bien, elle parvint à percevoir à l'aide de son ouïe incroyable qu'une forme fendait l'air derrière eux et s'approchait à grande vitesse, trop bas sur l'horizon pour pouvoir la voir. Le groupe fit au départ comme s'il se focalisait sur la probable illusion face à eux, prenant position pour faire face à une attaque qui venait en fait dans leur dos.

Le vrai dragon arrivait du nord, au-dessus des arbres, après avoir pris beaucoup de vitesse. Manifestement, Drilun était toujours son objectif premier, et il ne dévia pas d'un pouce quand Geralt se rapprocha de la côte à la gauche du groupe, tandis que le reste du groupe, Dúnadan excepté, se plaçait à droite de l'archer-magicien, non loin dans les bois. Le sort de protection magique du Dunéen n'était plus actif, mais en revanche la magie du potentiel roi du Rhudaur était bien active, elle. Le rôdeur dúnadan se plaça entre le dragon et son ami magicien, afin de le protéger comme il pouvait. Lorsque tous purent entendre le bruit du vent que faisait le corps du dragon au ras des arbres, ils se retournèrent. Mais en fait de dragon, Taurgil et Drilun virent avant tout venir sur eux un cône de froid intense qui masquait complètement le corps de leur adversaire, et l'archer-magicien fut bien en peine de lui tirer dessus.

Au dernier moment, le dragon plongea entre les arbres, le corps à quelques pas de hauteur. Son souffle glacial gela l'air autour du Dunéen et du Dúnadan, voire même dans les poumons de l'archer-magicien, qui chancela sous la douleur. Les deux hommes se tenaient autour du tronc d'un arbre, et le dragon pivota sur le côté pour l'éviter... et donner un coup de sa puissante queue sur les deux frêles silhouettes dans la neige, comparées à la sienne. Mais ce faisant, il exposa son dos à la majeure partie du groupe, et Vif, Isilmë et Rob aperçurent clairement, à l'arrière du dos, une petite zone où une voire plusieurs écailles semblaient manquer. De son côté, Geralt voyait le ventre de la bête passer trop haut pour lui, mais en revanche une aile tombait presque au sol ; il fit un saut désespéré, avec ses raquettes, pour porter un coup de sa terrible épée magique dans l'aile du monstre alors qu'il passait à toute allure à quelques pas de lui.

6 - Risques, périls, et conséquences...
La queue du dragon balaya le sol et percuta le Dúnadan qui vola dans les airs, et acheva sa course dans le tronc d'un arbre, qui fut brisé sous le choc. Le corps du grand rôdeur tomba ensuite dans la neige au pied dudit arbre, tandis que sa cime brisée chutait à côté. Pourtant, Taurgil se releva bientôt, un peu secoué bien sûr, mais sans rien de plus que quelques bleus : sa magie et son armure l'avaient bien protégé, et sa robuste constitution avait fait le reste. Mais on ne pouvait en dire autant de Drilun : si le rôdeur dúnadan avait fait écran de son corps et de sa magie pour protéger son ami, l'archer-magicien avait été violemment percuté par Taurgil et la queue de dragon, même si l'impact avait été atténué. Drilun n'avait pas volé aussi loin, et son corps à présent comme disloqué était étendu dans la neige, immobile.

Mais alors que les deux corps n'avaient pas encore touché le sol, l'épée de Geralt s'abattait, cassant net l'extrémité de l'aile du monstre. Il aurait peut-être pu surmonter la douleur et la gêne et remonter au-dessus des arbres pour s'éloigner et gérer sa blessure, mais il n'en eut pas le temps : Rob planta sa flèche dans le petit espace non protégé du dos du dragon, et celle d'Isilmë, issue d'un arc plus puissant, s'enfonça au même endroit encore davantage. Le dragon hurla et son vol s'acheva encore une fois à une portée de flèche de là, glissant sur la neige et renversant les arbres présents sur son passage. Il était encore vivant mais ses blessures étaient tout sauf superficielles. Néanmoins, il ne lui fallut pas trop de temps pour se remettre sur pied et faire face au groupe qui arrivait sur lui.

Si le premier réflexe de Geralt fut de se précipiter vers le Dunéen à terre, il trouva vite en travers de son chemin la lionne enchantée qui lui fit clairement comprendre ce qu'elle attendait de lui : résigné, il l'enfourcha et s'accrocha du mieux qu'il put à son amie qui avançait par grands bonds. Isilmë, de son côté, se précipitait vers le corps brisé de son aimé dunéen : utilisant la quintessence de sa magie des soins, elle stabilisa le corps mourant de l'archer-magicien inconscient qui respirait encore, replaçant les os et fermant plaies et hémorragies. Mais il ne serait pas transportable dans l'immédiat, et la conclusion de la rencontre avec le dragon se ferait sans lui. Mordin, la hache bien levée et prête à servir, courait vers le monstre mais il était bien plus lent que ses amis. Taurgil avait un peu de retard en raison de son vol plané mais arriverait avant lui, et Rob, avec ses petites jambes, n'avait besoin que d'arriver à portée pour son arc et ses flèches. Par contre, le dragon faisait face à présent, le point faible n'était plus accessible.

Vif était de loin la plus rapide, mais lorsqu'elle vit la bête qui lui faisait face, elle laissa le maître-assassin descendre de son dos en roulant dans la neige, tandis qu'elle passait à bonne distance du monstre pour se placer dans son dos. Le dragon ayant réglé son compte au magicien, il espérait bien à présent s'occuper du balafré aux cheveux blancs qui serait bientôt à sa portée, et ne s'occupa donc pas de la lionne enchantée. Ledit balafré se rendit alors compte qu'il était seul face à la bête dont la mâchoire énorme se tendit dans sa direction, mâchoire capable de l'avaler d'un coup et de broyer ses os malgré les armures incroyables dont il était paré. Il se jeta donc sur le côté avec toute son énergie pour ne pas finir comme une souris sous les dents d'un trop gros chat. Les dents claquèrent et raclèrent un côté de son armure, et il acheva son saut par un roulé-boulé dans la neige, se relevant immédiatement à côté du cou du dragon.

Au même moment, la féline Femme des Bois sauta sur le dos du monstre juste à l'endroit où des écailles manquaient. Le maître-assassin, quant à lui, levait l'épée mortelle qu'il avait toujours en main, avant que le dragon ait pu esquisser une fuite ou une nouvelle attaque. Exactement en même temps, la puissante patte griffue de Vif s'enfonça profondément dans le dos de la bête et lui sectionna la colonne vertébrale, tandis que l'épée de Geralt traversait le cou du dragon de part en part. Il n'y eut pas de hurlement, juste un soubresaut du haut du corps, et le monstre s'écroula, immobile et bien mort.

Tandis que l'elfe finissait de sauver la vie de son bien-aimé, Geralt retirait son arme magique du cou ensanglanté du dragon, le sourire aux lèvres mais les genoux jouant des castagnettes. La lionne magique, de son côté, avait un petit rictus de douleur, sa patte puissante quelque peu rongée par le sang très corrosif du monstre ; elle se tourna alors vers Taurgil qui arrivait juste pour quémander quelque soin. Mordin arriva peu après en pestant de n'avoir pu rien faire, tandis que Rob remisait son arc et cherchait sa casserole magique que lui avaient donnée les elfes de Brumes Eternelles, et qui pouvait faire bouillir magiquement de l'eau. Il se dit qu'elle allait certainement servir avec un peu d'athelas, et que les soins magiques des mains du roi potentiel du Rhudaur allaient bientôt être mis à contribution.
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Niemal
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Grand Nord - 13e partie : morts et menaces

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1 - Pas de repos pour les braves...
Des pansements et soins magiques furent bientôt faits en pagaille, qui sur sa patte, son dos, ses côtes... Drilun finit par ouvrir les yeux après l'intervention de son ami dúnadan, dont les mains de roi pouvaient pratiquement tout guérir... avec le temps et des soins. Entre la magie des soins d'Isilmë et celle du grand rôdeur, l'archer-magicien pouvait être estimé tiré d'affaire. Du moins s'il pouvait être maintenu au calme, au chaud et au sec pendant au moins une journée entière, le temps pour ces puissantes magies de faire leur effet. Même ainsi, son état nécessiterait encore du repos et des soins constants, mais le groupe avait assez de ressources pour accélérer la guérison naturelle de leur ami. Quelques jours d'immobilité seraient sans nul doute impossibles à éviter.

Autrement dit, il fallait rapidement établir un abri pour Drilun et ses compagnons. Avec un problème de taille : la présence du dragon - sans parler de leur combat - n'était sans doute pas passée inaperçue, ou en tout cas il allait être difficile de le cacher aux yeux d'éventuels observateurs. D'autant que le temps était relativement clair et allait se maintenir ainsi dans l'immédiat, selon un sort de Taurgil. Il serait donc bien visible, sans parler d'eux-mêmes, et risquait fort d'attirer une attention dont le groupe se serait bien passé. Au minimum il fallait donc s'éloigner un peu de la carcasse, même si certains, comme Geralt, envisageaient de pouvoir récupérer certaines parties du monstre, comme sa peau, pour permettre aux elfes de Brumes Éternelles de pouvoir leur confectionner des armures exceptionnelles.

Mais avant de pouvoir traiter cette question (vite abandonnée par la suite), disposer d'un abri restait la priorité. Et s'éloigner un peu du dragon n'était pas une chose si simple que cela : Drilun souffrait de nombreuses fractures, et il n'était pas franchement déplaçable, sauf avec le plus grand soin, car tout mouvement pourrait rouvrir ses blessures et annuler les effets des soins magiques, et remettre sa vie en péril... Un brancard fut donc confectionné avec l'aide des skis de qualité fournis par les elfes d'Uichith et emportés par les membres de l'équipe. Vu le sol irrégulier, même couvert de neige, de la forêt avoisinante, il paraissait en effet plus sûr de le soulever et de le transporter avec précaution plutôt que lui faire subir une séance de luge seulement en partie contrôlée.

Mais tandis que tout cela fut fait et que le grand blessé fut installé sans mal grâce aux mains expertes de la guerrière et soigneuse elfe, un nouveau sujet d'inquiétude fut annoncé par la féline Femme des Bois. Vif avait en effet mis tout ce temps à disposition pour monter dans un arbre et surveiller l'horizon. Et elle avait fini par voir dans le ciel clair et nocturne une grande forme ailée venir dans leur direction depuis le sud. Une forme ailée qui ne ressemblait pas à un oiseau de proie ou à un dragon mais plutôt à un humanoïde de grande taille possédant de grandes ailes membraneuses comme celles d'une chauve-souris. Autrement dit, dans son parler félin bientôt traduit par ceux capables de la comprendre, elle annonça l'arrivée prochaine de leur très cher démon du froid Andalónil, dont la double casquette de serviteur d'Eloeklo et de membre d'un trio de Dol Guldur lancé à leurs trousses rendait les intentions quelque peu imprévisibles. Mais de toute manière ils n'en attendaient rien de bon.

Ils s'éloignèrent donc du dragon blanc-bleu bien visible près de la côte, vers l'intérieur des terres et la forêt qui pourrait les cacher un peu et les abriter. Lorsqu'un de ses amis demanda à Mordin d'effacer les traces derrière eux, il regarda son interlocuteur avec incrédulité et ne répondit même pas, sans parler de lever le petit doigt pour accomplir cela. Le démon les trouverait bien avec ou sans traces ! Et d'ailleurs, le temps qui était parfaitement clair jusque-là commença à changer : le vent se leva, tourbillonnant, mêlé de plus en plus de neige. Au bout d'un moment le groupe se trouva au centre d'une espère de tourbillon de neige, empêchant les aventuriers de voir plus loin qu'un pas ou deux, malgré la lumière du bâton magique que Drilun utilisait comme lanterne magique par son seul toucher. Andalónil les avait bien retrouvés, à présent il les immobilisait et ce n'en était sûrement pas fini de lui. L'archer-magicien fut posé à terre, contre un arbre autour duquel ses amis montèrent la garde, dos au tronc. Seule Vif, dont l'ouïe était assez fine pour percevoir assez précisément la présence du démon à distance, bougeait autour de l'arbre pour maintenir ce dernier entre elle et Andalónil. Car il tournait autour d'eux à quelques pas de hauteur, et elle avait très peur de son fouet qui pouvait les blesser et les tuer à tout moment.

2 - Coup de fouet ou coût d'un fouet
En fait, la lionne enchantée fut bien la première à subir les assauts de leur adversaire. Mais son ouïe incroyablement fine lui permettait de percevoir l'arrivée du fouet assez tôt pour plonger à distance et éviter le plus gros de l'attaque, qui ne lui fit perdre qu'un peu de fourrure et occasionna une douleur vite oubliée. Andalónil continua ainsi un moment, s'éloignant de la tourmente - selon les perceptions de Vif - pour reprendre de la vitesse et de l'altitude, et revenir ensuite en leur tournant autour, jusqu'à lancer son fouet sur l'un d'eux lorsqu'il était à quelques pas de haut. Il était donc pratiquement impossible à atteindre d'une manière ou l'autre : hors de portée des armes de poing ou des griffes de Vif, et les archers auraient été bien en peine de l'atteindre sans le voir et avec les vents violents qui les entouraient, même si tant Rob qu'Isilmë arrivaient à avoir une petite idée de la présence de leur ennemi.

D'autant qu'il ne se cachait pas vraiment hormis à leur vue, et ponctuait ses passages de petits ricanements destinés à les démoraliser, quand il n'utilisait pas de magie noire pour accentuer encore le sentiment de désespoir qu'il voulait faire grandir dans leur cœur, mais sans grand succès. Le groupe était trop bien protégé contre la sorcellerie, tant grâce à l'équipement de cembereth et des babioles magiques réalisées par Drilun, que par leur très grande volonté ou autres capacités naturelles, comme la résistance innée du hobbit à résister à toute forme de magie ou de désespoir. Restait donc tout de même les attaques à distance du démon à l'aide de son terrible fouet : non seulement celui-ci avait-il le pouvoir, animé par le bras du démon, de couper en deux n'importe lequel d'entre eux, encore avait-il le pouvoir de geler au contact leur corps comme leur âme.

Et pourtant, le démon donnait l'impression de jouer avec eux et non de vouloir réellement les tuer. Il passait de l'un à l'autre, sauf Rob qu'il ne daigna jamais menacer tant manifestement il le considérait comme quantité négligeable indigne de son attention ou de son fouet. S'il s'appliqua à toucher Vif ou Geralt, assez doués pour le percevoir et éviter l'attaque du fouet par un plongeon, il retenait plutôt ses coups pour d'autres comme Isilmë ou Mordin dont l'armure ou la rapidité n'auraient pas forcément permis d'éviter une mort certaine tant le fouet et le bras qui le manipulait étaient puissants. Bref, certains s'en tirèrent avec un peu de frayeur et d'autres avec une blessure légère, sans plus. Les flèches tirées par le hobbit et l'elfe trouvèrent certainement leur cible, car cela la priva un moment de ses ricanements, mais ils se doutaient que cela n'avait pas eu plus d'effet qu'une grosse égratignure.

Néanmoins, pendant tout ce temps, les aventuriers échangeaient et établissaient un plan. Leur objectif : priver le démon de son fameux fouet et le mettre hors d'état de nuire - tant le fouet que son possesseur, si c'était possible. Le démon avait établi ses règles à lui, et les aventuriers les changèrent. Ayant deviné quelle serait la prochaine victime du fouet, ce qui est l'inconvénient de changer à chaque fois de cible et de frapper chaque membre de l'équipe tour à tour, Taurgil s'interposa brusquement. Ou plutôt il interposa son bras gauche, protégé par son armure et sa magie de roi. Même ainsi, le bras cassa et le froid magique le gela presque entièrement. Mais il resta assez d'énergie au Dúnadan pour attraper le fouet et y rester accroché un bref instant. Assez longtemps pour que Geralt, à ses côtés, saute sur le fouet et s'y accroche à son tour. Taurgil retomba, mais la lionne enchantée avait pu bondir et saisir à son tour le fouet dans ses pattes et sa gueule.

Cela faisait bien trop de poids pour Andalónil : malgré toute sa force, sa course s'infléchit rapidement vers le sol. Plutôt que de s'écraser, il lâcha son arme et s'envola plus loin, sans ricaner cette fois, comme le fit remarquer avec joie Vif à travers un rugissement de plaisir et de défi. Tandis que leur ennemi était au loin, rôdeur dúnadan et maître-assassin attaquèrent le fouet magique avec leurs puissantes lames magiques. Bientôt la redoutable lanière de cuir ensorcelé fut découpée en petits morceaux, alors que la créature ailée revenait sur les guerriers qui s'acharnaient sur son arme. Devant eux, sur la trajectoire du monstre, le nain et l'elfe se tenaient côte à côte, pas franchement rassurés quant à leur sort : si Andalónil voulait les tuer, ils ne feraient sans doute pas le poids... La féline Femme des Bois était à leur côté, mais faute d'armure sérieuse face à la magie ou aux coups du serviteur d'Eloeklo, elle ne tenait surtout pas à se mettre trop devant !

C'est le moment où le petit hobbit se rappela qu'il avait sur lui un objet magique pris à Gillowen, un anneau elfique de puissance. Il se rappela que cet objet avait le pouvoir d'annuler la magie proche. Or, selon sa perception magique, Andalónil paraissait prêt à attaquer avec une magie destructrice. Il se faufila derrière ses amis en cherchant fiévreusement la poche abritant la bourse où se trouvait l'anneau enchanté. Ses doigts agiles retirèrent avec rapidité ses gants afin d'enfiler la babiole au petit doigt de sa main gauche, ne se rappelant que trop bien que l'anneau avait une fâcheuse tendance à sectionner le doigt qui le portait. La créature passa et Rob sentit une puissante magie se diriger sur ses amis et lui... avant de se dissiper dans l'aura magique de l'anneau elfique qu'il portait au doigt ! Non sans un petit regret, il arriva à enlever la bague enchantée de son doigt afin de la ranger à nouveau dans sa poche, tandis que plus loin le démon semblait passer sa fureur sur un arbre qui ne lui avait rien fait, et était bien en peine de se défendre... Il avait perdu son arme, certes, mais à quel prix ? Le bras gauche de Taurgil était à peine vivant, et il n'était pas sûr de pouvoir le conserver.

3 - Annonce et au revoir
La confection d'un abri devenait plus que jamais nécessaire. Malgré la présence trop proche de leur ennemi démoniaque, surveillé par les sens exercés de Vif, le groupe se divisa en deux : après avoir choisi un arbre assez gros, Rob et Taurgil firent un petit abri de neige contre le tronc, afin de pouvoir faire un feu et une infusion d'athelas pour soigner le bras souffrant du Dúnadan. Drilun était à leur côté, tandis que Geralt, Isilmë et Mordin commençaient les bases d'un plus grand abri pour eux tous, non loin de la lionne. Le vent avait changé, et il soufflait dans une seule direction, emportant avec lui quantité de neige qui aveuglait les aventuriers et les glaçait, n'eussent été leurs vêtements et autres protections contre le froid.

Au bout d'un moment, sans doute lancé par Andalónil et aidé par le vent, c'est un tronc d'arbre brisé qui fonça sur Vif et les trois aventuriers en train de construire l'abri. Tous arrivèrent à esquiver le projectile qui acheva sa course sur leur abri, détruisant ce qu'ils avaient déjà fait. Après quoi le démon s'adressa à eux à distance, à travers le vent et la neige. Il les félicita pour leur opiniâtreté et vanta leurs qualités, avec un ton plein de morgue, de malice et de désir de revanche et de souffrance, même si ses paroles n'étaient pas dénuées d'un certain plaisir voire même de respect. Plus tard, les aventuriers en parlèrent et se dirent que d'une certaine manière Andalónil devait commencer à les apprécier. Ils étaient plus que des jouets que l'on casse et l'on abandonne, plutôt des jouets auxquels on s'attache, voire de véritables partenaires - et concurrents - qui peut-être un jour seraient des alliés, serviteurs de son maître...

En attendant, si les aventuriers eurent plaisir à rabattre son caquet au démon en vantant leur succès et la perte du fouet, ils durent assez vite ravaler leur plaisir. Car le combat n'était pas destiné à les tuer, ce qu'ils avaient tous deviné, et ne devait faire rien d'autre que de sauver certaines apparences auprès des alliés de Dol Guldur. Après le combat et cette perte, nul doute, comme le dit Andalónil, que Gorovod, grand sorcier de Dol Guldur, ne trouverait rien à redire - même à l'aide de ses sorts de vision - à son "échec" à tuer les aventuriers. De toute manière, il ne semblait pas vraiment compter là-dessus, lui et l'autre personne à la terrifiante présence qui étaient venus depuis le repaire du Nécromancien en Forêt Sombre...

En effet, le démon apprit aux aventuriers que pendant ce temps-là, les Chasseurs des Mers que Taurgil et ses amis avaient rencontrés, ces Lossoth qui vivaient dans des icebergs, ne devaient pas vraiment être à la fête. Peut-être que Gorovod et le démon du froid leur avaient rendu une petite visite, ainsi qu'à leurs amis, pour leur apprendre à ne pas aider des gens aussi peu fréquentables que les aventuriers. Peut-être même que certains restaient vivants, ou en tout cas pas très longtemps si le groupe prenait trop de temps pour arriver et espérer les sauver. En bref, Andalónil ne faisait rien d'autre que transmettre un message de chantage : venez tout de suite ou il n'y aura aucun survivant. Message non dénué de nombreuses menaces sous-jacentes...

Mais le message comprenait un autre niveau : après tout, Eloeklo avait ordonné à Andalónil de ne pas tuer - pas tout de suite au moins - Vif et ses amis. Le démon ailé jouait les serviteurs du Nécromancien de Dol Guldur, tout en leur fournissant quelques informations pour les aider à vaincre ou au moins survivre aux deux personnes qui l'avaient accompagné depuis Dol Guldur : le grand sorcier du repaire, donc, du nom de Gorovod ; et un cavalier noir et terrifiant qu'il ne nomma pas mais qui semblait être le chef des armées de Dol Guldur. Chef qui avait une faiblesse de taille : il ne supportait pas l'eau et ne voudrait aucunement monter sur un bateau ou iceberg, même si marcher sur de l'eau couverte de glace était peut-être envisageable... Avant de quitter les aventuriers, Andalónil termina en disant que bien entendu il ne parlait pas d'une surprise ou deux que Drilun et compagnie risquaient de trouver sur leur chemin. Après tout, cela mettrait plus de piment à leur existence, et le défi qui les attendait serait sans cela trop facile, alors que son maître Eloeklo ne recherchait que les meilleurs, dignes de lui servir comme lieutenants...

4 - Plus rapide que la glace qui casse
Mais dans un premier temps, un peu de repos était vraiment nécessaire. Un nouvel abri fut commencé puis achevé sans mal cette fois-ci, et le groupe y trouva un sommeil plus que désiré. Seule Isilmë ne participa pas au repos collectif, s'étant assez reposée en début de nuit, avant l'arrivée des loups blancs. Elle profita donc de son temps libre pour, en plus de surveiller les abords de l'abri, confectionner un traîneau qui servirait pour leur grand blessé dunéen. En effet il n'était toujours pas transportable sans grand risque pour sa santé pour une journée entière. Taurgil, quant à lui, avait vu son bras suffisamment bien traité par l'elfe pour pouvoir avoir une activité modérée sans mettre sa vie en danger. Faire du feu pour obtenir de l'eau tiède pour baigner le bras n'avait pas été une mince affaire, mais le bâton magique du Dunéen avait bien servi.

Lorsque les derniers furent réveillés, le jour - qui ne durait guère en cette saison - était déjà là. La question se posa alors de la suite à donner aux événements récents. Certains se sentaient un peu responsables du sort des Lossoth, que la seule présence du groupe mettait en péril. Drilun avait besoin de soins, le déplacer mettrait sa vie en péril. D'un autre côté, ne pas le déplacer, garder le groupe immobile - personne n'envisageait sérieusement de diviser le groupe - entraînerait la mort de nombreux autochtones, sans parler de peut-être priver les aventuriers d'une grande aide en la personne de Dwimfa, ou de ses amis. Tous souhaitaient donc avancer, se rapprocher de leurs alliés, sans mettre Drilun en danger. Mais comment ?

Le traîneau confectionné par l'elfe pouvait être tiré par la lionne enchantée pendant que les autres avançaient à ski ou en raquettes. Taurgil estimait tout de même que cela prendrait du temps avant de retrouver le village où ils avaient laissé leurs barques, qui étaient nécessaire pour aller dans l'iceberg où vivaient Dwimfa et Aime-le-Poisson. Et par ailleurs, le sol enneigé était loin d'être plat et lisse et pouvait régulièrement présenter des creux et bosses, des obstacles, et engendrer des chocs et vibrations qui pouvaient annuler les effets des soins magiques sur le Dunéen... et rouvrir ses blessures. Et ce malgré tout le soin que la féline Femme des Bois pouvait mettre à tirer le traîneau, et dont personne ne doutait.

En revanche, une autre solution était peut-être possible : sur la côte, le sol gelé laissait place à une couche de glace plus ou moins épaisse et recouverte d'un peu de neige. Plus loin du rivage, les eaux étaient encore liquides mais le long de la côte il serait peut-être possible de marcher sur la glace sans la rompre, en particulier pour les plus légers... ou les plus rapides. En effet, la glace pouvait rompre sous un poids trop important mais la fracture n'était pas immédiate. Si Vif arrivait avec déjà assez de vitesse, elle pourrait peut-être tirer le traîneau assez vite malgré son poids personnel trop important, d'autant qu'il était réparti sur quatre pattes. De plus, elle commençait à avoir l'œil pour voir les zones de glace trop minces. Et le passage par les glaces de bord de mer avait deux avantages non négligeables : une surface lisse et indemne de heurts et chocs divers pour un occupant en piteux état ; et un chemin bien plus direct que de suivre le relief assez tourmenté de la côte, et qui rallongeait considérablement le temps de voyage sur terre.

C'est donc ce qui fut tenté, et qui permettrait de descendre jusqu'à leur destination en bien moins de temps, sans doute une seule journée au lieu de deux ou trois. Par contre, Vif ne pourrait ralentir beaucoup sans mettre Drilun et elle en péril, et elle risquait d'aller bien plus vite que ses compagnons. Ceux-ci, après discussion, ne passeraient pas par la terre, mais tenteraient aussi les glaces de bord de mer. Grâce à leurs skis de qualité offerts par les elfes leur poids serait réparti sur une assez grande surface. Cela serait certainement suffisant pour les poids plumes du groupe comme le hobbit voire Geralt ou Isilmë, mais cela suffirait-il pour les plus denses et chargés d'entre eux qu'étaient Taurgil et Mordin ? Par ailleurs, aucun n'avait d'expérience de ce type de locomotion, qui restait à apprendre.

Il fut convenu, après moult débats, que la lionne enchantée prendrait de l'avance sur ses amis, tout en restant à portée de vue. Il fallait qu'elle puisse revenir en peu de temps pour les aider au besoin. Eux partiraient derrière elle, en ligne pour éviter de passer deux fois sur une glace déjà éprouvée. Vif s'élança sur la neige de la côte, prenant de la vitesse malgré quelques cahots qui firent serrer les dents à l'archer-magicien chaudement alité dans le traîneau. Puis elle s'élança sur la glace plus mince du bord de mer, qui tint bon... avant de craquer non loin après le passage du traîneau ! Néanmoins, tous purent vérifier qu'avec sa vitesse - celle d'un cheval au trot au moins - les risques étaient minimes et le confort pour Drilun excellent. Ses amis se mirent en route à leur tour, et ils découvrirent les joies de la glisse sur de la neige fraîche... et les frissons lorsque la glace craquait parfois derrière eux, avec des accélérations nécessaires pour arriver à un endroit plus sûr et stable, et des craquements qui ne se rapprochaient pas !

5 - Premier arrêt
Le temps était magnifique, la glace (assez) solide, le blessé confortablement installé et au chaud, dans un traîneau léger mais particulièrement bien réalisé par une elfe inspirée (et douée)... Le trajet était certes fatigant pour Vif, mais elle avait des réserves, elle pouvait continuer ainsi plusieurs heures. Pourtant la réalité lui imposa une première halte bien avant cela. Il y eut tout d'abord une petite colonne de fumée dans le ciel clair, dans la direction qu'elle prenait, le sud. Puis des traces nombreuses dans la neige sur la côte, certaines rouges, des traces de gens en raquettes, à ski, à pied, en train de fuir... ou rattrapés. Bientôt ce furent des corps de Lossoth horriblement mutilés. Et alors que la colonne de fumée devenait plus nette, mais masquée par un éperon rocheux, elle put voir autre chose : plus avant, la glace s'arrêtait et laissait la place à des eaux liquides, avec de nombreuses barques - une vingtaine - présentes, occupées. Et des barques montaient des pleurs et signes de vie, de douleur, de tristesse...

Elle dépassa l'éperon rocheux pour trouver ce à quoi elle s'attendait : un village de Lossoth - à cet endroit ils faisaient partie d'un peuple appelé Jäämiehet ("Hommes des Glaces" en labba, leur langue) - sur la côte, avec un petit port. Ou plutôt ce qu'il en restait : tout ce qui pouvait l'être avait été brûlé ou achevait de se consumer, le reste était brisé ou écrasé, et de nombreux corps mutilés ou en morceaux, voire en partie mangés, étaient éparpillés çà et là. L'endroit était vide et sans vie. C'était environ le milieu de la journée, et une partie des barques s'approchaient des restes du camp.

Le traîneau ne pouvait pas aller plus loin, il faudrait revenir sur terre et attendre les amis, et savoir ce qui s'était passé, même si cela était relativement facile à deviner : l'odorat de la lionne enchantée lui apporta une odeur d'orcs, même si elle était quelque peu différente de celle qu'elle connaissait. Vif monta à terre avec le traîneau, faisant une nouvelle fois serrer les dents de douleur à son compagnon bien installé. Avant même d'entrer dans le campement détruit, elle examina les traces. Le carnage était frais, l'attaque avait eu lieu en pleine nuit. Pris par surprise, une partie des Lossoth avaient cherché à fuir par la terre et avaient été poursuivis et probablement rattrapés. Après s'être détachée, elle poursuivit ses investigations plus avant et autour du camp, pour essayer de trouver des survivants ou indices intéressants.

Plus loin, ses amis commençaient à apercevoir les mêmes signes qu'elle. Ils mirent deux fois plus de temps qu'elle à arriver, et trouvèrent leurs amis entourés de Lossoth survivants - surtout des femmes et des enfants - en général à une certaine distance du traîneau. Le contact n'avait pas été facile, déjà par l'allure menaçante de la lionne enchantée - jamais personne n'avait vu un aussi gros félin ici - mais aussi par le caractère complètement surréaliste de la chose : un traîneau sans guide tiré par un félin inconnu. En plus de cela, Drilun maîtrisait mal le labba, sans parler de son état de grand blessé. Les Lossoth avaient eu du mal à approcher du traîneau, puis ils avaient voulu sortir le Dunéen de là pour aider à le soigner, ce que la lionne avait empêché en éloignant ledit traîneau à chaque fois. Enfin, l'archer-magicien avait eu le plaisir de constater que la vieille femme présente auprès de lui, une viisas, parlait un peu l'ouistrain, ce qui avait grandement facilité les échanges !

Au final, les locaux confirmèrent ce que la féline Femme des Bois avait deviné : une attaque en pleine nuit par de nombreux orcs. Peut-être étaient-ils cent ou deux cents, difficile à dire dans la nuit et l'urgence de la fuite. Mais surtout, il y avait également un personnage vêtu de noir dont émanait une indicible terreur, si grande que certains n'avaient pas hésité à plonger dans l'eau glacée malgré la mort certaine qui s'était ensuivie... Une partie des orcs avaient poursuivi les fuyards un moment, avant de revenir, leur tâche accomplie. Une seule personne leur avait échappé : un enfant avait réussi à grimper dans un arbre et était resté là, caché, toute la nuit. C'est là que Vif l'avait retrouvé, inconscient et près de mourir. Elle avait réussi à monter à l'arbre, à l'en descendre doucement (non sans un craquement ou deux de l'arbre sous son poids), pour le ramener au village où des soins - magiques notamment - purent lui être donnés, suffisants pour le sauver... Leurs méfaits achevés, les orcs étaient repartis vers le sud... où certains pouvaient voir une mince colonne de fumée monter dans le ciel, à l'emplacement du plus proche village.

Et à présent, que faire ? Les Lossoth survivants étaient désemparés, car leurs options - et leur avenir - paraissaient bien noirs. Jamais ils n'avaient eu affaire à une telle attaque d'orcs, si loin de leurs montagnes. Et avec leur campement et leurs provisions pour la mauvaise saison envolés, sans parler de la mort de la plupart des adultes et meilleurs chasseurs et pêcheurs (et des chiens, premiers à tomber, mais dont les aboiements avaient prévenu et sauvé les survivants), l'arrivée de l'hiver signifierait certainement la mort pour eux tous. Et si les autres tribus proches étaient aussi attaquées, ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Juste à l'entrée de la mauvaise saison, la tâche de survivre paraissait impossible. Aussi, dans un geste peut-être un peu futile mais ne trouvant rien de mieux à faire, le groupe donna aux survivants toute la nourriture qu'ils portaient sur eux, à l'exception du lembas fourni par les elfes. Ils conseillèrent aussi aux Hommes des Glaces de trouver refuge vers le nord. Avant de se quitter, la viisas sembla avoir une vision et elle remit son harpon aux aventuriers, en leur disant qu'il était enchanté pour combattre les dragons, et qu'elle pensait qu'il pourrait peut-être leur être utile. Drilun le prit pour lui afin d'en examiner les runes, ce qui serait sans doute sa plus grande utilité. En effet, aucun d'entre eux ne savait utiliser cette arme...

6 - Deuxième et troisième arrêts
Après un moment et quelques conseils aux autochtones, les aventuriers repartirent vers le sud. Les Lossoth, qui connaissaient bien les pièges de la glace mince de l'automne, eurent des frissons en voyant la lionne magique et son traîneau s'élancer sur la glace avec des craquements sinistres. Drilun, toujours un peu secoué au début, serrait les dents au début, avant de se détendre ensuite lorsque la vitesse de croisière était obtenue sur la surface presque parfaitement lisse de la mer gelée. Objectif : le plus proche camp des Hommes des Glaces au sud, d'où montait une sinistre colonne de fumée. En arrière, le reste de l'équipe suivait deux fois plus lentement, à ski. Petit à petit, les aventuriers commençaient à se faire à ce moyen de locomotion nouveau pour eux, mais très pratique dans le Grand Nord.

Le voyage fut encore plus court que le précédent. Une nouvelle fois, les orcs étaient tombés à bras raccourcis sur les Lossoth présents et n'avaient rien laissé de vivant ou d'utilisable. Néanmoins, l'attaque du précédent village avait envoyé quelques signes (feu nocturne...) qui avaient prévenu les Lossoth que quelque chose se passait, et ils avaient été plus nombreux - en proportion - à pouvoir prendre la fuite, même si le campement était bien plus petit que le précédent. Restait que, comme le dit le viisas - un homme cette fois - resté sur place avec quelques autres pour superviser la récupération et les ultimes soins aux membres tombés de leur communauté, leur avenir était compromis, sans grandes réserves et à l'entrée de la mauvaise saison.

A nouveau, des échanges eurent lieu, toute l'aide possible fut apportée et des conseils durent donnés. Taurgil et compagnie suggérèrent aux autochtones de partir vers le nord et de se joindre aux autres Lossoth pour résister plus facilement aux orcs ou aux rigueurs de l'hiver proche. Ils apprirent aussi qu'un autre campement se situait plus au sud, un peu plus éloigné, mais tout laissait craindre le pire : les orcs - au nombre de deux ou trois cents, d'après les gens du campement qui avaient eu plus de temps pour voir venir leurs agresseurs - étaient repartis vers le sud. Et l'heure plus tardive de l'attaque locale (au moment où ils auraient dû tous dormir), ajoutée à la plus grande distance, rendait plus probable une attaque par surprise.

Femme des Bois et Dunéen repartirent, suivis par leurs compagnons à ski un peu plus loin, tandis que le soleil, déjà bien bas même en plein midi en cette période de l'année, descendait de plus en plus. Cela étant, la journée avait été magnifique et propice aux déplacements. Malheureusement, on pouvait sans doute en dire autant pour les orcs. Le trajet fut plus long cette fois, mais au bout du compte la scène de désolation fut la même, voire pire : très peu de Lossoth avaient pu réchapper à l'attaque nocturne. Par ailleurs, les orcs avaient saisi la majeure partie des barques, et un certain nombre d'entre eux étaient même montés dedans pour partir vers l'est, loin du rivage.

L'échange avec les survivants fut plus difficile : il ne restait que trois personnes sur place, les quelques autres autochtones ayant survécu étant déjà partis. Pas de viisas ou autre pour parler la langue commune, mais les échanges se firent avec une femme losson d'âge moyen. Elle apprit notamment aux aventuriers l'histoire des orcs partis sur l'eau, malgré leur inexpérience (qui coûta la vie à certains) et leur peur. Mais leur peur de l'eau (et peut-être du soleil qui allait tôt ou tard les surprendre) était moins grande que la peur de l'individu en noir qui les accompagnait et les commandait. Après quoi le reste des orcs n'était pas allé plus au sud mais il s'était enfoncé à l'ouest, vers les bois et les montagnes où ils avaient probablement trouvé refuge pour le jour.

Et ensuite, que faire ? Le soleil n'allait pas rester longtemps encore dans le ciel, et les orcs allaient sans doute revenir ensuite. Plus au sud, il restait d'autres campements lossoth, dont celui vers lequel se dirigeaient les aventuriers, où ils avaient laissé leurs propres barques. Barques qui leur serviraient pour prendre la mer et rejoindre les Chasseurs des Mers, ces Lossoth vivant dans des icebergs, et notamment ceux parmi lesquels vivaient Aime le Poisson et Dwimfa, ce dernier étant l'objectif de leur expédition présente. Chasseurs des Mers qui avaient dû recevoir la visite d'Andalónil et de Gorovod, sans parler d'un certain nombre d'orcs sur des barques prises aux Hommes des Glaces... Au sud ou à l'est, beaucoup de vies menacées - par leur faute ! - et à aller sauver...

7 - Réflexions et recherche de solution
Les aventuriers débattirent un moment, partagés entre plusieurs objectifs : d'une part, se lancer à l'eau et essayer de trouver au plus vite les Chasseurs des Mers et en particulier Dwimfa, et ce avant les orcs partis dans la nuit. Il faut dire que plus au nord, certaines barques avaient été cachées sur la rive, sous la neige, à l'attention éventuelle de Taurgil et ses compagnons. D'autre part, des campements d'Hommes des Glaces allaient certainement se faire attaquer dans la nuit, dont celui où ils avaient laissé leurs barques. En plus de la mort de nombreux Lossoth, ces attaques allaient fournir des moyens aux orcs pour aller porter leurs méfaits sur l'eau et les icebergs de leurs alliés voire amis...

Les aventuriers ne souhaitaient pas se diviser en deux groupes, il était donc hors de question de voir une partie d'entre eux aller au nord et l'autre au sud. Il faut dire que la présence de l'homme en noir en inquiétait plus d'un, et l'avoir vu à distance quelques semaines auparavant les incitait à le fuir le plus possible. Ils subodoraient qu'il n'aimait ni le soleil ni l'eau, en partie grâce aux dires d'Andalónil. Malheureusement, le temps - beau jusque-là - semblait devoir bientôt changer, comme leur apprirent les autochtones ainsi qu'un sort du rôdeur dúnadan. La nécessité de quitter le plancher des vaches (ou le plancher des rennes) se faisait plus urgente, et aller au secours des habitants des icebergs paraissait de plus en plus utile. Ici les barques n'étaient pas disponibles ; au nord des barques étaient présentes mais demanderaient du temps à récupérer et elles étaient plus loin de leur objectif à l'est ; au sud le chemin était long, les ennemis proches et bientôt à nouveau actifs, et certains - Vif la première - commençaient à tirer la langue...

Taurgil et Vif décidèrent de l'option la plus risquée mais qui n'oubliait personne : le groupe allait foncer vers le sud et essayer de prévenir les deux campements menacés par les orcs. L'objectif était autant de sauver des vies que de priver les orcs, et leur sinistre maître, de barques capables de les emmener sur les eaux, et de là sur les icebergs des Chasseurs des Mers. La féline Femme des Bois allait tirer davantage la langue, il faudrait qu'elle augmente l'allure, et ses compagnons tâcheraient de faire aussi au mieux. Elle irait avec le Dunéen car les autres ne pouvaient pas le tirer derrière eux. Par contre, se posait un autre problème de taille : la compréhension. Vif ne pouvait pas communiquer avec les Lossoth, et dans son état, Drilun était tout sauf fiable. D'une part il manquait de pratique du labba, d'autre part son état n'aidait pas à la compréhension...

Diverses solutions furent envisagées, comme de faire passer un message écrit aux Lossoth. Mais ils n'avaient pas de réel système d'écriture, juste un système de runes, moins précis. Compter sur la présence d'un ou une viisas sachant lire le langage commun d'Eriador était risqué. Emporter sur le dos de la lionne l'un des meilleurs parleurs du groupe, à savoir Taurgil et sa robuste carcasse (aaaargh !!!) ou la relativement grande et musclée Isilmë (ouïe !) ne disait rien à la principale intéressée à quatre pattes. Mais quelqu'un suggéra alors une autre possibilité : la femme losson avec qui ils échangeaient depuis un moment pouvait facilement retenir un message, sans parler de partager son expérience avec ses voisins. Et contrairement aux aventuriers, elle était petite et légère, peut-être trois fois plus légère que le grand Dúnadan avec tout son matériel. Pouvait-elle être persuadée de tenter cette folle expérience de chevaucher un grand félin enchanté lancé à toute allure sur des glaces minces pour le bien de tous ?

Si la bonne volonté de l'intéressée ne faisait pas de doute, ses réticences ne manquaient pas non plus. Drilun avait beau traiter Vif comme son "totem" à lui, et la lionne avait beau montrer qu'elle était intelligente et savait prendre soin de ses amis, c'était autre chose de la monter. Il fallut un peu de patience et beaucoup de persuasion aux aventuriers pour faire admettre à leur interlocutrice qu'il s'agissait de la meilleure des solutions et qu'elle ne risquait rien. Mais enfin elle accepta de tenter l'expérience et le groupe partagea avec elle les détails de leur plan et ce qu'elle devrait dire aux Hommes des Glaces qu'ils allaient rencontrer : il faudrait les persuader de l'imminence d'une attaque et d'une fuite immédiate, entre autres par la voie des mers, alors que le temps allait bientôt se faire menaçant. Pas une mince chose, mais Taurgil et ses amis espéraient bien que le récit de l'attaque et de la destruction du campement alentour saurait les motiver assez...

8 - Course contre le temps
La lionne enchantée disposait déjà de lanières auxquelles s'accrocher pour un éventuel cavalier, tellement cette situation était fréquente lors de leurs aventures. D'autres furent ajoutées pour faciliter encore la chose, et la nouvelle cavalière fut bientôt installée, son cœur battant follement la chamade. Le traîneau de fortune qui abritait l'archer-magicien fut à nouveau attaché à la féline Femme des Bois, et son occupant serra les dents par anticipation. Puis l'attelage s'ébranla et prit de la vitesse, accompagné par un long cri d'effroi de la femme losson, puis les bruits de craquements de la glace sur laquelle ils glissaient à présent. Mais Vif allait trop vite et son pas était trop sûr pour risquer de crever la surface gelée de la mer.

La seule question qui restait était de savoir s'ils arriveraient à temps. A voir la vitesse de la lionne enchantée, la question était plutôt de savoir si elle tiendrait le coup : elle avait beau jouir d'une formidable constitution, les félins n'étaient pas réputés pour leur endurance, même si leur force palliait en grande partie à cela. En tout cas, les autres membres du groupe eurent aussi à payer de leur personne, et ils furent d'autant plus motivés pour accélérer que la glace derrière eux avait une fâcheuse tendance à se briser et les craquements à se rapprocher un peu trop à leur goût. Ils durent donc augmenter l'allure eux aussi, avec toutes les meilleures raisons du monde. Les corps furent donc mis à contribution, et le hobbit n'y fit pas exception, et leur volonté également.

Vif arriva au premier - ou plutôt au quatrième - campement des Hommes des Glaces peut-être plus vite que Taurgil ne l'avait prévu, mais elle n'avait pas ménagé sa peine, et son corps était déjà douloureux. Il faisait encore jour mais le soleil était en train de disparaître à l'horizon, lentement. Dire que l'arrivée de la lionne montée par une femme et tirant un traîneau sans conducteur suscita un certain émoi serait un doux euphémisme. Mais au moins cela stimula-t-il le village des Lossoth, qui comprirent vite que quelque chose d'exceptionnel se passait. Et la présence de la femme survivante du campement plus au nord se révéla bien payante : elle sut trouver les mots justes décrivant l'horreur de l'attaque des orcs, l'urgence de la menace, et la confiance que lui inspiraient les aventuriers, dont certains n'allaient pas tarder à arriver.

Le camp fut donc très vite chamboulé. Heureusement les Lossoth ont l'habitude de changer régulièrement de place au gré des besoins, aussi n'avaient-ils pas besoin d'un long moment pour voir toutes leurs affaires prêtes à un nouveau voyage. Mais Vif ne voyait pas cela : à peine le message avait-il été délivré et bien compris, qu'elle était repartie avec sa cavalière vers le sud. Elle laissait derrière elle son ami Dunéen dans son traîneau, en espérant que ses amis arriveraient vite et que les Hommes des Glaces prendraient soin de lui. De son côté, elle ne pouvait continuer à le traîner derrière elle, et maintenant que la nuit tombait la vitesse et la légèreté était plus que jamais nécessaires.

Quand Rob, Geralt, Isilmë, Mordin et Taurgil arrivèrent sur leurs skis, les Lossoth avaient peu ou prou fini de démonter leur camp et certains avaient déjà commencé à remonter vers le nord par voie de terre. D'autres avaient pris leurs barques et attendaient plus au large tandis que d'autres embarcations étaient prêtes pour les aventuriers. Les sens particulièrement fins du maître-assassin ou les oreilles de l'elfe percevaient déjà l'approche d'une force peu discrète plus loin dans les bois, force que Vif avait déjà perçue depuis un moment. Les orcs n'allaient pas tarder à arriver, mais malheureusement pour eux - ou heureusement pour les Lossoth et les aventuriers - ils allaient trouver place nette ! Le grand blessé dunéen fut soigneusement installé dans une barque - il en avait soupé des voyages de la journée et l'énergie commençait à lui faire défaut - dans laquelle son amie prit place, et les autres trouvèrent à se répartir au mieux. Bientôt la terre s'éloigna, et les orcs n'eurent personne sur qui passer leur colère...

Plus au sud, Vif serrait les dents et forçait son corps douloureux à avancer toujours aussi vite. Sa cavalière était légère mais elle sentait néanmoins son poids, mais elle savait qu'elle arriverait à destination quoi qu'il arrivât. Elle parvint enfin au campement où ils étaient passés à l'aller, et où ils avaient laissé leurs barques. A nouveau, la femme qu'elle portait donna ses terribles nouvelles, encore une fois le campement fut mis en branle, tout fut plié, rangé et empaqueté au plus vite. Certains partirent par la terre vers le sud, les plus rapides, notamment pour prévenir les autres campements les plus proches. Les autres - dont la lionne enchantée - prirent les barques et partirent vers l'est et les icebergs des Chasseurs des Mers, mais aussi vers les orcs et autres ennemis, sans parler du mauvais temps.
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Niemal
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Grand Nord - 14e partie : embuscade ratée

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1 - Abri
Accompagnés par une petite flottille de barques des Hommes des Glaces, Taurgil, Drilun, Geralt, Isilmë, Mordin et Rob allaient donc vers l'Est, sur des flots qui étaient tout sauf tranquilles, dans la nuit, le vent, le froid, ces deux derniers ne faisant qu'empirer. Le genre de temps où normalement les Lossoth se terrent à l'abri dans leurs maisons de neige ou de glace et attendent des jours meilleurs. Le genre de mauvais temps où d'ordinaire se retrouver dehors est synonyme de mort assurée... D'après Rob ce temps n'avait rien de magique, et pour les Hommes des Glaces il était même assez courant à cette période de l'année. Restait qu'une bonne partie du clan était menacé, sans parler des aventuriers, s'ils ne trouvaient pas assez vite un abri. Et Vif devait probablement connaître quelque chose de similaire, plus au sud, avec les membres du village qu'elle était allée prévenir.

Pour les Lossoth présents, le salut ne pouvait être que chez leurs cousins les Chasseurs des Mers, qui habitaient dans des icebergs de grande taille aménagés pour abriter un voire plusieurs clans. Malheureusement, l'eau de la baie n'était pas encore complètement prise - sinon ils ne seraient pas là sur leurs barques - et la position des icebergs habités les plus proches était incertaine. Or c'était la nuit, le temps était mauvais et n'allait pas tarder à se dégrader encore, et d'ici un moment la côte ne serait plus visible, donc il n'y aurait plus aucun point de repère sur lequel s'appuyer pour guider les barques. Quant à repérer les bons icebergs dans cette nuit et par ce temps...

Le groupe apporta sa contribution sous deux formes : du trèfle de lune préparé, qui permettait de voir dans la nuit comme un elfe, fut offert aux meilleurs pisteurs lossoth, ce qui leur permettrait de voir plus loin et d'éviter de prendre une mauvaise direction au départ. Par la suite, Isilmë fut mise à contribution également : non seulement elle manipulait son embarcation aussi bien que les autochtones, malgré le poids mort représenté par Drilun dans sa barque, encore avait-elle la vue la plus perçante de tous les gens présents. Grâce à ses capacités d'elfe, elle percevait les choses bien plus loin que n'importe qui, même si elle n'était pas aussi bonne que Geralt ou Vif pour repérer les moindres détails. Quoi qu'il en fût, elle se retrouva vite parmi les barques de tête, avec les Lossoth qui connaissaient le mieux les eaux et avaient la meilleure vue, à rechercher l'iceberg susceptible de les héberger tout en évitant les autres.

En fin de compte, l'elfe finit par repérer d'abord des corps d'orcs dans l'eau. Puis ce fut une montagne de glace flottante à une certaine distance, à travers la neige et les vagues, montagne comme légèrement auréolée d'une certaine lumière, signe possible de la présence en son sein de lumières allumées par des Chasseurs des Mers. Les Lossoth n'avaient rien vu mais ils lui firent confiance lorsqu'elle arriva à expliquer ce qu'elle avait vu. En effet, même si elle arrivait à émettre de faibles sons, son extinction de voix était encore bien là suite à une malheureuse expérience magique faite au cours de la journée lorsqu'elle avait voulu aider ses amis grâce à une chanson de marche elfique capable de leur faire oublier la fatigue. Il lui fallut aussi attacher le corps de son aimé qui dormait profondément et risquait, avec les vagues, de passer par-dessus bord. Mais en fin de compte, ils purent tous arriver à l'iceberg perçu par la belle elfe et constater qu'elle ne s'était pas trompée. Après un débarquement plus ou moins facile pour certains - Mordin n'aimait décidément pas l'eau, même sous forme de glace - tous furent accueillis et hébergés dans l'iceberg où ils racontèrent leurs mésaventures à leurs hôtes, et où Drilun put poursuivre sa guérison.

Plus au sud, Vif connaissait effectivement un sort similaire, avec une différence de taille : les Lossoth qui la remorquaient - elle était seule dans sa barque - étaient partis plus tard et eux n'avaient pas de trèfle de lune pour voir dans la nuit. Et si sa vue était extrêmement perçante dans l'obscurité, elle ne servait plus à rien lorsque la neige tombait trop drue comme c'était à présent le cas. Les barques n'avaient donc plus aucune visibilité, aucun point de repère, il était donc impossible de repérer un iceberg habité par des Chasseurs des Mers. Faute de mieux, les Hommes des Glaces sonnaient du cor en espérant une réponse qui leur permettrait de se diriger, ce qui n'était pas une mince affaire dans le début de blizzard qu'ils devaient affronter. Les adultes restaient stoïques mais des enfants commençaient à pleurer voire à paniquer.

Heureusement, l'ouïe de la lionne enchantée valait bien celle d'un dragon, et elle finit par entendre d'autres cors, au loin, malgré le mugissement du vent. Des Chasseurs des Mers avaient dû percevoir leurs appels peut-être, ou peut-être les esprits avaient-ils donné des visions aux sages et nommeurs d'esprit du clan... De plus, les habitants des icebergs des environs étaient tous aux aguets depuis qu'une attaque avait été perpétrée sur un de leurs clans quelques jours auparavant. Vif arriva, à travers ses miaulements et gestes des pattes, à se faire comprendre des Hommes des Glaces qui l'accompagnaient, et en particulier de la femme qui avait voyagé sur son dos, et qui avait pu constater à quel point elle était intelligente. Ladite femme persuada donc le clan de suivre la direction indiquée par la lionne, ce qui permit enfin d'arriver à un iceberg habité avant que le temps ne se fasse trop mauvais.

2 - Repos et communication
Le mauvais temps ne dura qu'une journée complète, ce qui força les aventuriers à rester chez leurs hôtes durant un jour et deux nuits. Ou plutôt serait-il plus exact de dire qu'ils dormirent l'équivalent de deux nuits, car de toute manière la nuit durait presque toute la journée, en particulier lorsque le temps était couvert comme actuellement. La féline Femme des Bois restait donc coupée de ses amis, toute communication restant - a priori - impossible en raison du temps. Ce qui ne manquait pas de l'inquiéter, car elle avait eu au cours de ce début de voyage marin un échange mystique avec Tevildo. Le Prince des Chats l'avait poussée à abandonner cette folie d'aller chercher Dwimfa et secourir des Lossoth : c'était un piège, et il ne fallait pas trop compter sur l'aide d'Andalónil pour les aider. Or, une fois sur les eaux, ils seraient tous très vulnérables à la magie du démon du froid ou celle de Gorovod...

Malheureusement pour Vif, elle ne pouvait se faire comprendre des Lossoth autour d'elle à l'aide de ses gestes et miaulements. Heureusement pour elle, il y avait une exception : la viisas du clan était doué de pouvoirs magiques et elle avait compris que son invitée féline était intelligente. Elle arriva à comprendre magiquement son parler félin, tandis que la féline Femme des Bois commençait à se débrouiller assez pour comprendre le labba que parlaient les Lossoth. Elle expliqua donc à la viisas qu'elle souhaitait envoyer un message à ses amis : ils ne devaient pas aller à l'iceberg attaqué par les serviteurs du Nécromancien, mais se retrouver sur un autre iceberg plus proche et s'attendre tous. Son interlocutrice expliqua que le temps empêchait d'envoyer un messager, mais qu'elle essaierait de transmettre le message par l'intermédiaire du monde des esprits...

Sur l'autre iceberg où les amis de Vif se reposaient, il était question des événements récents qui avaient affecté les Chasseurs des Mers. Le plus récent, c'était les orcs arrivés en barque qui avaient sauvagement attaqué leur iceberg. Ils n'étaient pas très doués sur l'eau et il avait été facile de les repousser au prix de rares pertes et de blessés plus nombreux. Blessés que le groupe aida à soigner dès qu'il eut connaissance de la chose. Les orcs étaient repartis vers l'Est, moins nombreux, et des messages avaient été envoyés pour prévenir les autres. Mais avant même cela, peu de jours auparavant, tous avaient appris l'attaque de Pohjoinen Tähti ("Etoile du Nord" en labba), un grand et vieil iceberg qui abritait entre autres le clan Merilintu, dont faisaient partie Dwimfa et Pitää Kalasta ("Aime le Poisson").

Cet iceberg, comme beaucoup d'autres des environs, était situé près des côtes est de la baie et il avait déjà commencé à être pris par les glaces, même si elles restaient encore trop minces pour s'y déplacer déjà à pied. En fait l'Etoile du Nord ne bougeait guère de son emplacement actuel, contrairement à la majorité des icebergs. Egalement, contrairement à la plupart des autres icebergs habités, il ne possédait pas d'iceberg "satellite" plus petit. Et actuellement, tous les pêcheurs des environs l'évitaient. D'abord parce qu'aucun de ceux qui étaient allés là-bas depuis le début de l'attaque n'en était revenu. Ensuite parce que les esprits avaient prévenu que des forces maléfiques très puissantes étaient à l'œuvre et que la résolution du conflit, qui était encore en cours, ne viendrait pas des Lossoth.

Bien entendu, les aventuriers se doutaient que la résolution du conflit passerait par eux, d'autant qu'ils en étaient la source. Restait juste à attendre la fin du mauvais temps pour aller là-bas sauver les Lossoth et retrouver Dwimfa. Plus facile à dire qu'à faire ? C'est ce que pensaient certains, et encore plus quand le viisas et la nommeuse d'esprit du clan qui les hébergeait vinrent leur faire part de rêves envoyés par les esprits pendant leur sommeil. Il semblait que le groupe avait une amie plus au sud, et cette amie voulait leur donner rendez-vous à l'ouest de l'Etoile du Nord, sur un autre iceberg. Et les esprits avaient aussi laissé entendre que Pohjoinen Tähti, l'iceberg attaqué par les serviteurs du Nécromancien, était en fait un piège pour les aventuriers. Cela n'était pas vraiment une nouvelle pour eux, mais en plus de provoquer de nouveaux débats, cela les incitait à être encore plus prudents.

3 - Retrouvailles
Vif passa l'essentiel du temps à dormir le temps qu'elle était coincée chez ses hôtes, plus quelques échanges réguliers avec la viisas du clan. Elle ne mangea pas non plus : d'une part les Lossoth n'avaient pas trop de vivres pour passer la mauvaise saison, d'autant plus en raison de l'exil forcé d'une partie d'entre eux. D'autre part, elle s'était gorgée de viande lors d'une chasse qu'elle avait pu faire la journée précédant l'embarquement, donc elle avait la panse bien tendue et pouvait patienter quelques jours. En espérant que ce serait suffisant : tant qu'elle restait sur les eaux de la baie, les occasions de chasser ou pêcher restaient pour elle limitées voire inexistantes, et mettre à contribution les Lossoth chez qui elle pourrait passer risquait de mettre en péril leurs réserves, vu son appétit !

Lorsque le mauvais temps prit fin, elle arriva à persuader - non sans mal - la viisas qui la comprenait de l'aider à rejoindre un iceberg habité à l'Est, proche de celui qui avait été attaqué. Elle avait en effet besoin de bons rameurs pour la remorquer et l'emmener là-bas. Dire que ses hôtes étaient peu motivés était un doux euphémisme : non seulement sacrifier du temps normalement consacré à pêcher et étoffer les réserves pouvait être dangereux avant la mauvaise saison, mais d'autre part les esprits avaient bien prévenu de ne pas s'approcher de l'iceberg attaqué. Elle dut argumenter qu'elle ne s'approcherait pas trop dudit iceberg, et que d'autre part ses amis et elle étaient justement là pour résoudre le problème dont souffraient l'Etoile du Nord et ses habitants. Les esprits s'étant montrés favorables à sa requête, elle eut satisfaction et put partir dans la nuit, ou plutôt le petit matin nocturne, remorquée par deux barques des Chasseurs des Mers.

Ses amis, sur l'autre iceberg, avaient des problèmes similaires, et eux-mêmes ne savaient pas très bien quelle était la meilleure marche à suivre pour éliminer Gorovod et consorts. Car en effet, sur l'eau, ils étaient particulièrement vulnérables aux tempêtes que le démon du froid pouvait leur opposer. D'autant que la présence du sorcier de Dol Guldur à ses côtés pousserait ce même démon à montrer qu'il était toujours le fidèle serviteur du Nécromancien. Même si certains aventuriers, vu l'opposition qu'ils avaient pu constater entre Gorovod et Andalónil lors de leur expédition à Dol Guldur, prétendaient que leur ennemi ailé ne raterait pas une occasion de se débarrasser définitivement du chef des sorciers s'il pouvait le faire sans témoins compromettants.

Ces interrogations poussèrent Rob, peu après la deuxième nuit de sommeil, à emprunter la longue-vue du groupe et à grimper au sommet de l'iceberg dans l'espoir de voir des éléments pour les aider dans leurs choix. Comme il faisait encore nuit, il utilisa du trèfle de lune pour voir à distance malgré le peu de lumière. Puis il rapporta à ses amis ce qu'il avait vu, ce qui incita Geralt à aller voir à son tour. Il put donc confirmer voire préciser les dires de son petit ami : la mer autour de leur objectif était dénuée de barques des Chasseurs des Mers qui semblaient bien éviter l'iceberg attaqué. Un iceberg où le hobbit avait senti de la magie liée au feu, entre autres choses. Mais également, il avait perçu à l'extérieur une grande forme ailée faisant furieusement penser à un dragon...

Après divers débats, il fut convenu d'une stratégie : en tablant sur la complicité d'Andalónil, le groupe devrait attirer Gorovod et compagnie sur un autre iceberg où les aventuriers seraient déjà présents. L'idée était d'occuper un iceberg habité proche et d'attirer le démon du froid à l'aide de son maître Eloeklo. Andalónil combattrait Taurgil et ses amis, ou du moins ferait-il semblant de leur livrer combat, avant de retourner demander de l'aide à Gorovod pour les "finir". Ce dernier arriverait avec le démon et le dragon pour combattre les aventuriers qui l'attendraient de pied ferme, et il serait facile à Andalónil de ne pas mettre toutes ses capacités dans le combat contre les aventuriers, voire d'aider à mettre le Fhalaugash hors d'état de nuire...

Si certains objectèrent que les Chasseurs des Mers n'apprécieraient peut-être pas de voir un tel combat sur leur iceberg, d'autres répondirent qu'ils pourraient bien le quitter le temps nécessaire à la résolution du conflit. Ou en tout cas se faisaient-ils fort de convaincre les autochtones du bien-fondé de leur stratégie. Le groupe avait aussi pu repérer plus loin au sud la barque de la féline Femme des Bois remorquée par deux autres barques, toutes trois se dirigeant vers l'Est. Ils prirent leurs barques à eux, et, avec l'aide de quelques bons pêcheurs du clan qui les avait hébergés, ils partirent eux aussi dans une direction similaire. Ils dévièrent leur route légèrement de manière à arriver plus rapidement au contact des autres Lossoth et de leur amie féline, et le groupe enfin réuni put poursuivre sa route vers l'iceberg de Dwimfa et Aime le Poisson, et attaqué par leurs ennemis.

4 - Opposition et compromis
Les aventuriers poursuivirent donc leur route vers le plus proche iceberg habité par des Chasseurs des Mers à l'ouest de celui de leurs amis attaqués. Après un jour trop court et une nuit bien vite arrivée, ce nouvel iceberg fut en vue. Il était dans des eaux libres de glace, même s'il possédait une auréole de glace à son pourtour, en partie cassée par les efforts des habitants et la nécessité pour eux d'utiliser leurs barques tant qu'il était encore possible pour aller chasser ou pêcher. L'Etoile du Nord, l'iceberg qui hébergeait Aime le Poisson et les siens, était distant d'environ six ou sept miles plus à l'Est, dans une anse de la baie déjà prise par les glaces. En fait, les aventuriers apprirent à l'occasion qu'en raison des courants marins, la plupart des icebergs avaient tendance à occuper l'est de la baie et à se fixer là plutôt qu'à l'ouest ou au centre.

Malheureusement, Vif et ses amis n'eurent même pas l'occasion de poser le pied sur l'iceberg qu'ils comprirent qu'ils n'étaient pas véritablement les bienvenus. Dès qu'ils furent repérés par des gardes lossoth postés à l'extérieur, le reste du clan fut prévenu et de nombreux guerriers firent leur apparition près de la rampe permettant l'accès à la demeure des Chasseurs des Mers. Ils portaient tous des armes - harpons d'os en grande majorité - et montraient qu'ils avaient l'intention de s'en servir si ceux qui s'invitaient approchaient davantage. Pour ne laisser aucune place au doute, une Losson d'âge mûr, probablement la viisas du clan, leur intima l'ordre de partir au plus vite, leur présence étant synonyme de mort et destruction pour son clan.

Il fallut déjà un peu de diplomatie à Taurgil pour arriver à calmer le jeu et échanger des paroles plutôt que des coups. Heureusement il maîtrisait à présent très bien la langue et les usages locaux, et un dialogue plus constructif put être établi. La viisas expliqua que les esprits avaient clairement annoncé que plus longtemps les étrangers resteraient, plus grandes étaient les menaces pour son clan. Quant à les laisser occuper leur demeure comme cela fut bientôt évoqué, il n'en fut pas question : les visions de mort et malheur qu'elle avait vécues ne laissaient aucune place au doute. Ils devaient donc partir loin de l'iceberg, et au plus vite, et ses habitants n'allaient pas non plus tous partir vers quelque funeste destin pour laisser leur iceberg se transformer en piège ou champ de bataille.

Le grand Dúnadan pouvait comprendre l'inquiétude de son interlocutrice et la probable justesse de ses prémonitions, mais il insista tout de même : si ses amis et lui ne pouvaient tendre un piège à distance aux ennemis qui avaient envahi l'iceberg d'Aime le Poisson et des siens, ces derniers étaient condamnés, et seuls ses amis et lui pouvaient mettre un terme à l'attaque, qui semblait encore en cours aux dires de la sage du clan. N'était-il pas possible de trouver un compromis qui permettrait de sauver les habitants de l'Etoile du Nord sans trop mettre en danger ceux de l'iceberg où ils se trouvaient à présent ? La viisas perçut la sagesse des propos du grand rôdeur, et, après réflexion et consultation des esprits, annonça qu'elle avait peut-être une solution possible à proposer. Non loin de là existait un iceberg trop petit pour la colonisation mais dont une caverne avait été agrandie et servait parfois de refuge à des chasseurs ou pêcheurs qui vadrouillaient à proximité. Les aventuriers pourraient éventuellement l'occuper pour y faire leurs affaires sans trop mettre le clan et son iceberg en grave péril.

L'héritier des rois du Rhudaur remercia son interlocutrice de sa proposition, estimant que le compromis était tout à fait acceptable. Les Chasseurs des Mers qui avaient conduit les aventuriers jusque-là purent entrer dans l'iceberg, tandis qu'une personne fut désignée pour conduire Taurgil et ses amis jusqu'à leur destination. La mer fut donc reprise jusqu'à un iceberg de peut-être une trentaine de pas de large au maximum. Une partie en pente douce finissait dans la mer d'un côté, et par un mur de glace de quelques pas de haut de l'autre, mur au pied duquel une partie plate et émergée permettait d'échouer les barques ou de combattre. Le mur comportait une ouverture un peu étroite en son centre qui donnait sur une caverne au plafond en pente douce, soutenu par deux piliers de glace, et une petite ouverture dans le plafond qui permettait à d'éventuelles fumées de s'échapper.

5 - Appel et discussion musclée
Drilun avait pu guérir en partie lorsque le groupe avait été bloqué dans un iceberg par le mauvais temps, juste avant de reprendre la mer. Il était tout de même encore bien fatigué et il s'installa pour dormir avec l'aide d'une préparation de marchand de sable, ce puissant somnifère qui apportait un sommeil très réparateur. Mais au même moment, Geralt lançait le nom d'Eloeklo trois fois dans le vent, comme il leur avait dit de faire pour l'appeler, lorsque le Démon du Vent du Nord avait échangé avec eux par l'intermédiaire du corps de Gillowen, qu'il contrôlait. Le maître-assassin ne vit qu'ensuite que leur archer-magicien dormait à présent et n'était plus susceptible d'être réveillé. Il espéra que cela n'aurait pas de conséquence funeste, malgré la venue probable et prochaine d'Andalónil, qui n'aimait rien de plus que jouer avec eux...

Entretemps, la longue-vue fut mise à contribution. L'iceberg du nom d'Etoile du Nord, attaqué par Gorovod et ses alliés, était à peut-être six miles de là, et clairement visible pour qui avait une assez bonne vue et était nyctalope. Le dragon était clairement visible à l'extérieur, mais ne semblait pas très gros ou vieux. Il passait l'essentiel de son temps à donner des coups de queue ou de griffe sur les parois de glace ou les ouvertures trop petites pour lui. Rob pouvait sentir régulièrement de la magie destructrice par là-bas, et la silhouette du démon Andalónil était visible dans le ciel au-dessus de l'iceberg. Au bout d'un moment, elle changea de position pour venir dans leur direction, et bien vite le temps autour de l'iceberg où reposait les aventuriers changea : de clair et calme il devint agité et chargé de neige, si bien que plus personne ne pouvait voir très loin.

Les aventuriers et leurs barques étaient installés dans la petite caverne de l'iceberg. Les deux ouvertures qui permettaient de passer semblaient trop petites pour le démon, en particulier celle du toit que seul le hobbit aurait pu emprunter sans un minimum de contorsions. Taurgil s'était placé face à l'entrée, protégé par sa magie de (potentiel) roi dúnadan. Lorsque le démon arriva et se fit annoncer, ce fut à sa manière, brutale : une énergie magique percuta le grand rôdeur et le propulsa au fond de la caverne, manquant de peu de balayer certains de ses amis au passage. Grâce à sa protection magique il n'eut aucune blessure, et il revint vite vers l'entrée pour discuter avec le démon... et recevoir un nouvel impact magique qui le renvoya au fond, toujours sans dommage. Andalónil était néanmoins parfaitement d'accord pour discuter, ce qu'il fit... tout en y mettant les formes pour satisfaire une éventuelle vision magique de son compagnon venu de Dol Guldur avec lui, Gorovod. Et en y trouvant aussi un plaisir certain et manifeste.

Le démon était donc d'accord pour attirer le chef des sorciers de Dol Guldur et suivre le plan de Taurgil, mais il voulait être convaincant. Et puis il n'avait plus son fouet magique et entendait peut-être faire payer les aventuriers pour cela. En tout cas il ne ménagea pas sa peine et, à force de magie destructrice, l'entrée s'agrandissait de plus en plus. La présence de Rob et de son anneau magique qui annulait la magie à proximité évita davantage de dégâts après un moment, notamment un sort de feu - un comble pour un démon du froid - qui aurait pu avoir des conséquences plus funestes. Par contre, Isilmë eut la mauvaise idée d'aller à l'extérieur pour combattre leur adversaire à l'aide de ses flèches, ce qu'elle n'allait pas tarder à payer douloureusement...

Il faut dire qu'elle choisit la voie des airs, à savoir le plafond. Tandis que ses amis étaient diversement occupés à se protéger ou à tenter de combattre le démon, elle demanda à Mordin de lui faire la courte échelle pour lui permettre d'atteindre l'ouverture dans le plafond de la grotte. Le passage était étroit pour elle mais grâce à ses compétences elle pensait pouvoir y arriver sans mal. C'était sans compter sur le démon qui gela magiquement l'ouverture autour d'elle - ainsi qu'une partie de son corps - alors qu'elle avait encore les jambes dans la caverne. Ainsi immobilisée, le démon eut grand plaisir à se poser derrière elle, sur le toit en pente de l'iceberg, et à lui caresser le visage plusieurs fois à l'aide de ses mains glaciales et surtout griffues !

Il ne fallut pas longtemps à ses amis pour sortir et escalader le mur de glace de l'entrée, et ainsi arriver non loin de l'elfe et de son agresseur. Mais Andalónil eut largement le temps de lui faire de nombreuses blessures sanglantes tout en se délectant de la douleur qu'il lui infligeait, et de ses cris. Les blessures n'étaient pas trop profondes néanmoins, bien que très douloureuses, et elles ne laisseraient pas de cicatrices sur son corps d'elfe, même si elles mettraient tout de même quelque temps à guérir. Le visage d'Isilmë n'était pas bien beau à voir... Après quoi le démon esquiva les attaques contre lui et s'envola joyeusement en disant qu'il pensait que ses mains ensanglantées, et les blessures infligées, seraient sans doute suffisantes pour donner un peu le change à Gorovod et peut-être l'attirer ici...

6 - Soins, travestissement et attente
Ses amis firent du mieux qu'ils pouvaient pour casser la glace autour du corps de leur amie ensanglantée et la dégager de son piège. Avant de la soigner magiquement ou avec du baume d'orc, ils se posèrent tout de même la question de profiter de ses blessures pour avoir une apparence de blessés plus convaincante. Au bout du compte, Isilmë fut soignée et Geralt utilisa davantage son matériel de déguisement pour les grimer et donner une impression de nombreuses blessures aux mains d'Andalónil. Et puis le sang qui imprégnait ses vêtements ou ses cheveux restait bien présent. Les débris de glace et autres dégâts provoqués par la magie du démon attestaient assez bien aussi de la violence qui avait eu lieu ici.

Ils forcèrent tout de même encore un peu le trait, se grimant ou prenant, pour certains, des poses de blessés voire de morts ou mourants. Cela, avec le maquillage réalisé par le maître-assassin de Tharbad, serait-il assez convaincant ? A tout moment, pendant que Geralt modifiait l'apparence de ses amis, les aventuriers s'attendaient à voir arriver leurs ennemis, mais rien ne venait. Le mauvais temps empêchait de voir très loin, et Rob ne sentait guère d'activité magique particulière, et les sens exceptionnels de la lionne enchantée ne détectaient pas non plus une quelconque approche d'ennemis en maraude. En fin de compte, tout fut prêt pour accueillir Gorovod et ses compagnons, et le groupe sombra dans une attente teintée d'inquiétude. Leur piège allait-il fonctionner ?

A tout le moins, cette attente permit à Drilun d'émerger de sa torpeur de drogué au marchand de sable. Il se sentait bien mieux, reposé et davantage guéri, et prêt à en découdre magiquement. En fait il était presque impatient de se confronter au chef des sorciers de Dol Guldur. Depuis toujours il avait pris grand soin de perfectionner sa propre magie, qu'il avait développée à un niveau qu'il n'aurait pas cru possible à ses débuts. Cela, plus divers objets magiques dont il était l'heureux possesseur, lui apportait une grande confiance dans ses capacités. Tous ne partageaient peut-être pas son optimisme, car à part Taurgil et Drilun qui étaient capables de se protéger magiquement contre les pires des attaques, leurs amis savaient que dragon, démon ou sorcier étaient susceptibles de les tuer d'un seul coup physique ou magique...

L'attente se prolongea donc un peu - cela faisait plusieurs heures que le démon était parti chercher Gorovod - lorsque le plus petit membre du groupe perçut une activité magique manifeste : le temps autour d'eux se dégradait progressivement, sans doute en raison de l'influence magique du démon. La féline Femme des Bois perçut bientôt un bruit dans la tourmente, comme celui d'un grand corps fendant l'air pour arriver dans leur direction. Bientôt d'autres qu'elle perçurent le bruit, suivi d'un choc puissant contre les parois de leur iceberg. Assez puissant pour faire tomber des murs et du toit de leur caverne des morceaux de glace sur la tête des aventuriers, sans les blesser néanmoins. Le dragon venait d'arriver, et il avait porté le premier coup, avant de repartir dans les airs. Néanmoins, il allait bientôt revenir pour un deuxième, puis un troisième, et encore bien d'autres à venir. De Gorovod il n'était pas question, et Andalónil faisait entendre sa présence non loin dans les airs.

Le combat avait commencé, et il ne se déroulait peut-être pas exactement comme certains l'avaient prévu. Le plafond de la caverne où ils demeuraient n'allait peut-être pas tenir éternellement : coup après coup, il perdait en épaisseur et l'iceberg sur lequel ils se trouvaient n'était pas si grand que ça, et assez plat. Isilmë essaya bien de tirer des flèches sur le dragon par l'ouverture dans le toit, celui-là même où elle avait été piégée par le démon. Mais le passage de la bête était trop rapide et son cuir trop épais, et jamais elle n'eut l'impression de faire la moindre égratignure au monstre ailé. De même, Mordin empoigna sa hache magique afin qu'elle lui indiquât le point faible de leur ennemi draconique, comme elle le faisait toujours. Malheureusement, tout allait trop vite et il ne voyait pas bien le peu que la hache lui indiquait ; tout au plus put-il déterminer, une fois le trou bien agrandi, que cela devait se situer vers la tête du dragon...

7 - Ruines et impuissance
A force de persévérance, le monstre avait atteint son probable objectif : petit à petit, le plafond de la caverne avait cédé, morceau par morceau, ce qui força les aventuriers à esquiver les gros blocs de glace qui tombaient, puis à escalader sans cesse les débris glacés pour ne pas finir ensevelis. Heureusement tous étaient bien protégés par leurs armures et rompus à ce genre d'exercice. Restait que ce n'était plus vraiment une caverne qui les abritait mais plutôt une cuvette, et à force les barques qui avaient survécu à la violence du démon lors de son premier passage ne furent plus bonnes à servir, hormis comme allumettes. Le froid s'engouffra davantage dans ce qui était avant leur abri, et ils se sentaient plus exposés que jamais aux attaques de leurs ennemis.

Le mauvais temps empira, sans doute manipulé par le démon du froid. Mais bientôt un nouveau sursaut magique puissant renforça la détérioration du climat autour d'eux, la température dégringola encore plus vite et les rafales de vent et de neige gagnèrent encore plus et plus vite en intensité. Le magicien du groupe analysa immédiatement la chose comme l'utilisation d'un mot de pouvoir par le chef des sorciers : Gorovod, arrivé non loin d'après le hobbit, avait lancé un sort puissant pour accroître les effets du blizzard déclenché par Andalónil. Il fut tenté de jeter un contre-sort similaire, mais décida de n'en rien faire pour garder son énergie magique pour plus tard, pour la bonne bouche. De toute manière ses amis et lui étaient bien équipés et protégés contre le froid, à l'exception de Vif, mais sa formidable constitution lui permettrait d'endurer le mauvais temps le temps du combat à venir. Sauf que le combat tardait à venir...

Le dragon avait fait une pause dans ses attaques, peut-être en raison de la violence du temps. Taurgil sortit de l'ex-caverne pour défier ses ennemis et concentrer les attaques sur lui, bien protégé par sa magie, son armure et sa constitution de grand guerrier dúnadan. Ce fut le moment que choisit le démon du froid pour revenir et le propulser magiquement hors de l'iceberg, jusque dans l'eau qui l'entourait. Peu après, alors qu'il commençait à remonter sur le sol glacé, un coup de queue du dragon l'expédia en l'air de l'autre côté de l'iceberg, encore une fois dans l'eau. Eau qu'Andalónil commença à geler tout autour de lui, l'emprisonnant dans une gangue de glace incassable. Rob avait bien pris la peine de mettre son anneau magique au doigt, celui qui annulait la magie proche... mais leur ennemi était trop loin pour en être affecté. Le démon poursuivit son travail de fabrication de glace tout autour de l'iceberg, agrandissant notablement l'espace où l'on pouvait se tenir debout au sec, et combattre. Taurgil pouvait encore respirer, même s'il avait toujours les jambes dans l'eau glaciale, ce qui ne l'affectait guère grâce à une protection magique conférée par une dague qu'il portait sur lui. En revanche, il était très vulnérable et serait une proie facile pour quiconque viendrait lui chercher des noises...

Lionne enchantée, hobbit, nain et chef des assassins de Tharbad sortirent aider leur ami. Rob et Vif étaient aux aguets, se préparant à combattre quiconque se montrerait ou à mettre l'anneau anti-magie pour éviter une nouvelle sorcellerie. Pendant ce temps, Geralt utilisait son épée magique et Mordin le harpon enchanté donné deux ou trois jours auparavant, afin de casser autant que possible la glace autour du grand rôdeur. La féline Femme des Bois vint bientôt leur prêter main forte avec ses griffes magiques afin de libérer plus vite leur ami emprisonné. Avec l'aide d'un nouveau sort, Taurgil diminua la solidité de la glace qui l'emprisonnait, déjà fragilisée par ses amis, et il put enfin se libérer. Tous retournèrent alors se réfugier du mauvais temps et d'éventuelles attaques dans les décombres de la caverne.

Après un moment la tempête se calma un peu. Mordin se mit dos à l'entrée de l'ex-caverne, et il défia le dragon en brandissant sa hache en os de dragon magique. C'est le moment où Vif perçut l'approche de nombreuses barques aux alentours, barques chargées de créatures bruyantes et puantes malgré le mauvais temps : les orcs devenus marins malgré eux étaient là, au service de Gorovod, et ils s'apprêtaient à débarquer et attaquer... Du moins les survivants, peut-être au nombre d'une trentaine, après leurs déboires sur l'eau et les attaques ratées sur des icebergs des Chasseurs des Mers. Cela était tout de même nettement suffisant pour mettre davantage les aventuriers en difficulté. Les orcs poussèrent de grands hurlements et convergèrent sur la glace créée par Andalónil vers l'iceberg - ou plutôt son centre - où les aventuriers étaient regroupés. Quant au nain, son souhait d'attirer l'attention du dragon fut exaucé : le monstre piqua vers lui depuis les cieux, et vers le rôdeur dúnadan qui venait se mettre devant son plus petit compagnon pour lui offrir protection.

Geralt avait pris peu auparavant une noix d'écureuil pour augmenter rapidité et réflexes. Il grimpa sur le mur de glace au-dessus de ses amis, prêt à porter une attaque de son épée magique dès que le dragon serait à sa portée, car sa course devait l'amener juste à l'endroit où il était situé. Sauf qu'un ricanement au-dessus et derrière lui lui rappela qu'Andalónil était toujours là et venait probablement de le prendre pour cible. Plus bas, Drilun et Rob s'apprêtaient à recevoir la charge des orcs, le hobbit décelant également une puissante magie protectrice émanant d'une barque encore distante et impossible à percevoir autrement que magiquement, en raison du mauvais temps. Gorovod se protégeait, sans doute en anticipant sa très prochaine participation pour donner le coup de grâce... Isilmë, dans ce qui restait de la caverne devenue cuvette, préparait une flèche à destination du premier ennemi ailé qui passerait. Vif, de son côté, se préparait à l'attaque du dragon et comptait bien sur ses sens et ses griffes pour trouver son point faible et en tirer profit... On ne change pas une stratégie gagnante. Elle aussi avait pris une noix d'écureuil , et elle allait en tirer bientôt parti.

8 - Fin de partie
Maudissant le démon du froid qui ne jouait pas le jeu et les attaquait encore contrairement aux intérêts d'Eloeklo, Geralt abandonna tout espoir d'attaquer le dragon. Il se retourna pour faire face au démon qui arrivait sur lui, prêt à lancer un sort sur lui. Le maître-assassin devinait qu'Andalónil pouvait le projeter magiquement dans l'eau glaciale et mortelle depuis sa position, et il préféra sauter dans la cuvette et ancienne caverne, au fond de laquelle se tenait son amie elfe, l'arc à la main. Le sort du démon du froid écrasa le balafré aux cheveux blanc contre les parois de l'ex-caverne, brisant plusieurs de ses os et le laissant mourant. Mais la flèche d'Isilmë, qui était à présent dans le dos de leur ennemi proche, trouva son chemin et s'enfonça dans le dos bleuté de leur adversaire. Andalónil poussa un cri de douleur, sans doute sérieusement blessé même si l'elfe doutait que cela représenterait une menace sérieuse pour lui. En tout cas il s'éloigna vite du lieu du combat et disparut dans le mauvais temps.

Le dragon arriva sur ses deux proies toutes griffes dehors. Ses pattes arrière heurtèrent le sol de l'iceberg avec violence, envoyant une onde de choc qui secoua toute la montagne de glace. Dans le même temps, ses pattes avant se refermèrent sur les corps de Taurgil et Mordin, malgré les attaques inutiles de ces derniers, et les ailes du monstre, haut levées, se préparèrent à soulever son corps avec ses deux prisonniers. Il allait donc, d'une certaine manière, rebondir sur l'iceberg en profitant de son élan, et repasser au-dessus du mur de glace qui marquait le début de l'ancienne caverne au sommet de l'iceberg. Sans doute voulait-il ensuite prendre de la hauteur et lâcher ses deux proies depuis une belle hauteur, pour les voir s'écraser plus bas sur la glace ou sur l'eau. Ou les déchiqueter tranquillement en l'air ou sur un quelconque perchoir.

Mais il n'en eut pas le temps : Vif avait eu le temps de repérer l'absence d'écailles draconiques au niveau de la gorge du dragon, et elle s'était élancée. Elle sauta en même temps que le dragon rebondissait, et arriva au niveau de sa gorge, où elle enfonça profondément sa patte avant griffue, celle-là même qui avait perdu ses poils, brûlés par le sang corrosif d'un autre dragon. Proprement égorgé, le dragon lâcha Taurgil et Mordin, passa au-dessus de Geralt et Isilmë, glissa sur l'extrémité de l'iceberg et acheva sa course, mort, dans l'eau où il s'enfonça. Rob et Drilun, qui avaient commencé à tirer leurs premières flèches sur les orcs en approche, arrivèrent à garder leur équilibre suite à l'onde de choc engendrée par l'atterrissage du dragon ; mais pas les orcs, dont les jambes volèrent en l'air dans un bel ensemble, pour finir sur le cul, sans plus proférer aucun cri.

Dans le même temps, le hobbit sentit s'évanouir la magie qui dénotait la présence de Gorovod. Le grand sorcier de Dol Guldur avait-il disparu, téléporté ailleurs magiquement ? Il ne sentait absolument plus rien, et les orcs non plus : privés d'une forte volonté pour les guider, et constatant la mort du dragon et la disparition du démon du froid, face à des adversaires qu'ils savaient impossibles à combattre pour leurs manifestement faibles capacités, ils tournèrent le dos aux aventuriers et se précipitèrent vers les barques qui les avaient amenés là. Ils furent cueillis les uns après les autres par les flèches tirées par Rob et Isilmë, mais aussi par des flèches venant de la barque où se tenait auparavant Gorovod. Avec l'aide des autres aventuriers les orcs ne furent bientôt plus qu'un souvenir, les derniers préférant se jeter à l'eau et mourir noyés que de rester plus longtemps en présence de si terribles ennemis.

Tandis que le mauvais temps se calmait et que les températures remontaient, tandis que le corps du maître-assassin mourant était maintenu en vie avant que ne parte son âme pour son ultime voyage vers les cavernes de Mandos, le groupe vit apparaître un grand homme blond et barbu couvert de cuir et passablement trempé, sans que cela ait l'air de l'affecter aucunement. Dwimfa, car c'était lui, expliqua que quand Gorovod et les orcs avaient quitté l'iceberg où il les avait combattus, il avait pu les suivre à distance, discrètement. Il était entré dans l'eau - il était protégé magiquement contre le froid - pour s'approcher encore davantage, et avait trouvé le grand sorcier seul, lorsque les orcs avaient chargé. Malgré les protections magiques de ce dernier, il lui avait fait exploser la tête d'une flèche bien placée qu'il ne vit jamais venir. Et il semblait bien que les esprits étaient d'accord pour qu'il reprenne son ancienne vie d'aventurier. D'autant que son épouse était morte dans l'attaque de Gorovod et Andalónil, et qu'il avait besoin d'un peu d'action avant d'espérer pouvoir retrouver la paix, peut-être...
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Niemal
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Grand Nord - 15e partie : spectre, baleine et dragons

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1 - Passé trouble et blessures présentes
Vif ne percevait plus aucune menace à proximité, mais le groupe ne manquait pas de pain sur la planche. Le corps de Gorovod fut fouillé et dépouillé de ses possessions : ses robes de cuir sombre étaient ainsi très légères mais d'une incroyable solidité. Il portait également une espèce de masse d'armes qui était aussi le symbole de son poste de Fhalaugash, le Grand Sorcier de Dol Guldur, une espèce de sceptre qui accroissait la magie ténébreuse de son possesseur. Sans parler d'une dague particulièrement affûtée et de divers autres objets non magiques. Malheureusement, aux perceptions enchantées du hobbit ou à l'analyse magique de l'archer-magicien, robes et masse étaient enveloppées d'une aura maléfique qui suggérait la corruption plus ou moins rapide de son porteur. Néanmoins Drilun ne put se résoudre à tenter de détruire la masse ou à l'abandonner dans les flots, et il la garda par-devers lui. Plus tard, Dwimfa, qui avait pu récupérer toutes ses flèches, hérita des robes noires du sorcier. Son passé d'aventurier lui avait permis de développer une certaine résistance à toute forme d'influence mentale.

Il fallut assez vite constituer un abri dans les débris de leur caverne écroulée, avec l'aide des barques utilisées par les orcs. Les anciennes barques des aventuriers, réduites en allumettes, servirent à faire un feu pour réchauffer le groupe et permettre une infusion d'athelas, dont Taurgil se servit pour traiter deux blessures : celle de Geralt, au corps brisé par la magie du démon du froid, et celle de la lionne enchantée, dont la patte avait été une nouvelle fois brûlée par le sang corrosif du dragon qu'elle avait abattu. Ce fut aussi l'occasion d'écouter l'Homme des Bois qu'ils étaient venus chercher parler davantage de lui, de ses expériences mais aussi de certains de ses objets. En effet, Dwimfa avait sur lui nombre de babioles enchantées, dont l'une d'elles était une arme redoutable dont ils avaient déjà pu juger de l'efficacité : Morang, ce qui signifie "Fer/Acier Noir" en sindarin, d'après la couleur de sa lame. On lui avait dit qu'elle était peut-être la petite sœur d'Anglachel et Anguirel, célèbres et mortelles épées fabriquées par l'Elfe Noir, Eöl, au cours du Premier Âge...

C'était une épée qui pouvait changer de taille au gré de la volonté de son porteur, et qui possédait une lame tellement tranchante qu'elle ignorait les armures hormis les plus solides ou magiques. En revanche, cette arme était littéralement assoiffée du sang et de la vie des victimes, et elle poussait son porteur à combattre tant qu'il ne restait personne de vivant à proximité. Heureusement, l'Homme des Bois, ayant longtemps été possédé par un démon - ses anciens amis et lui découvrirent sur le tard qu'il s'agissait d'Eloeklo - il avait pu développer une résistance spéciale contre l'influence d'êtres ou d'objets maléfiques tels que Morang. Lorsqu'il était parmi les Lossoth, privé de sa mémoire, Dwimfa n'aimait pas se servir de cette arme, même s'il arrivait à lui résister. A présent qu'il s'en rappelait toute l'origine et les risques associés, elle servirait davantage, même si ce ne serait jamais son arme de prédilection : il restait avant tout un archer et un franc-tireur, habitué aux embuscades et à tuer par surprise, pas à combattre en face à face...

L'Homme des Bois était aussi un Losson à présent, et il pressa le groupe de venir l'aider : Andalónil et Gorovod avaient tué et blessé de nombreuses personnes parmi les siens, et il savait que le groupe possédait en son sein de formidables guérisseurs. Il allait retourner dans l'iceberg du clan, l'Étoile du Nord, après un peu de repos. Il pressa donc les aventuriers de l'accompagner pour aider du mieux qu'ils pourraient. Bien sûr, Geralt n'était pas transportable pour l'instant, le temps que la magie des soins dont il avait bénéficié ne fasse pleinement effet. Mais à présent que les risques avaient été neutralisés, il était possible de scinder l'équipe en deux : une partie, dont Taurgil et Isilmë, pourraient accompagner Dwimfa, tandis que les autres resteraient pour veiller sur le maître-assassin et lui prodiguer des soins jusqu'à ce qu'il soit assez en forme pour reprendre la mer. Ce qui fut fait : Drilun et Vif restèrent avec le balafré aux cheveux blancs, tandis que les autres partirent avec l'Homme des Bois losson après une bonne nuit de repos.

En empruntant les barques laissées par les orcs, elles-mêmes prises à des Hommes des Glaces massacrés trois jours auparavant, ils arrivèrent à l'iceberg d'Aime le Poisson après une heure de voyage rapide et sans souci. Ils découvrirent un grand iceberg déjà pris par les glaces environnantes, et qui avait subi de nombreux dégâts internes, par le feu notamment. De très nombreuses personnes avaient péri, souvent les meilleurs chasseurs ou pêcheurs, et la moitié de ceux qui restaient étaient blessés, pour certains assez gravement. Rapidement, les aventuriers se mirent à la tâche, elfe et Dúnadan utilisant leurs magies pour aider les viisaat du clan à sauver les plus atteints, y compris certains qui étaient jugés impossibles à soigner. Pendant ce temps-là, Dwimfa partait avec les siens chasser la baleine ou d'autres gibiers - de nombreux stocks de provisions avaient été détruits - tandis que Rob faisait preuve de ses talents de cuisinier pour remonter le moral des survivants, sans parler de se servir de sa bonne humeur et son aspect inoffensif pour calmer voire amuser ses hôtes et en particulier les enfants. Et Mordin faisait du mieux qu'il pouvait pour aider à la réparation de l'iceberg ou au nettoyage des dégâts matériels ou humains laissés derrière eux par les ennemis du groupe...

2 - Guérisons
Geralt souffrait de nombreuses fractures, aux côtes essentiellement, qui l'immobilisaient. La magie du Dúnadan héritier des rois du Rhudaur mettrait une journée entière à faire effet, et permettrait de réduire considérablement la gravité de la blessure, à défaut de la guérir totalement. Mais après cela, la magie de l'archère elfe prendrait le relais et devait accélérer la guérison naturelle de l'Eriadorien, et s'assurer que tout se passerait bien, renforçant les capacités du corps à surmonter d'éventuelles rechutes liées à l'état de faiblesse du blessé. Ainsi, en très peu de temps, le maître-assassin pourrait-il être sur pied alors qu'il lui aurait fallu au moins un mois avant de pouvoir se lever. Il était donc forcé de garder le lit, ce qui lui convenait parfaitement, même si le site n'était pas le meilleur pour sa convalescence.

Lui et ses deux amis reçurent la visite d'Isilmë plusieurs fois par la suite : à l'aide de la longue-vue et de ses capacités d'elfe, elle pouvait repérer l'iceberg où ils avaient combattu, depuis celui d'Aime le Poisson. Lorsque la guérison du maître-assassin fut bien avancée, elle put le rapatrier jusqu'à la demeure des Lossoth où il put achever tranquillement son rétablissement. Elle revint également pour Drilun et Vif, afin de les ramener eux aussi à bon port. En attendant, le premier s'occupait en faisant des flèches magiques capables d'abattre plus facilement leurs adversaires en recherchant leurs points faibles. Quant à la seconde, elle recommençait à avoir de l'appétit, n'ayant pas mangé depuis plusieurs jours. Elle brisa donc la glace pour accéder à l'eau, et appâta des poissons avec des morceaux d'orc. Poissons qui à leur tour finirent par attirer un phoque, qui découvrit un peu tard un nouveau prédateur qui aimait bien sa chair...

Sur l'Étoile du Nord, l'iceberg qui hébergeait le clan d'Aime le Poisson et Dwimfa et à présent les aventuriers, les deux soigneurs du groupe avaient passé une journée entière à utiliser leur magie pour sauver des vies et favoriser la guérison du plus grand nombre. Et ce, avec succès : les morts se comptèrent sur les doigts d'une main, alors qu'à leur arrivée une trentaine de Lossoth étaient dans un état plus que préoccupant, malgré les efforts des soigneurs lossoth, efforts limités vu l'ampleur de la tâche. D'autant que, selon la tradition du peuple du Grand Nord, les personnes les plus blessées et les moins susceptibles de guérir étaient les moins prioritaires. En effet, la source de soins et la nourriture étant limitées, pour la bonne survie du clan il ne fallait pas consacrer trop d'efforts aux cas les plus graves, car ils risquaient d'être un fardeau pour l'ensemble du clan. D'eux-mêmes, certains Lossoth blessés n'avaient pas voulu être soignés, s'estimant être potentiellement plus une charge ou une menace pour le groupe qu'autre chose. Il avait donc fallu les convaincre qu'ils pourraient vite retrouver la santé et que les problèmes de nourriture seraient résolus par ailleurs, avant même leur guérison.

Et c'est quelque chose que Dwimfa expliqua bien à ses nouveaux compagnons : le combat contre Gorovod et Andalónil, pour ne rien dire des orcs qui les accompagnaient ou du dragon resté à l'extérieur, avait mis en péril l'ensemble du clan vu la perte de nombreux stocks de vivres. Les clans proches ne pourraient aider, ou de façon très limitée, sans se mettre eux-mêmes en péril. Il fallait donc reconstituer ces stocks au plus vite, avant le début de la mauvaise saison, ce qui paraissait quasiment insurmontable au vu des pertes occasionnées. Aller chasser et pêcher était donc au moins voire plus important que de sauver les blessés. Nombre d'entre eux, s'ils avaient conscience d'être un fardeau pour le clan, préféreraient mettre fin à leurs jours plutôt que de risquer d'être en partie la cause d'une famine pour leurs proches en meilleure santé.

Les aventuriers valides - Geralt n'en faisait bien entendu pas partie - utilisèrent leur second jour parmi leurs hôtes pour reconstituer lesdites réserves de nourriture, faisant de leur mieux pour pêcher ou chasser et ramener le plus possible de viande pour passer la mauvaise saison. Vif en particulier, partie chasser à terre, ramena trois rennes à elle seule. Mais, malgré l'importance de leur chasse, les aventuriers se rendirent compte que cela ne représentait pas grand-chose lorsqu'il s'agissait de nourrir deux cents personnes, dont de nombreux blessés et enfants qui avaient davantage besoin de se nourrir. Peut-être que les stocks pourraient être reconstitués avec l'aide du groupe, mais il faudrait encore sans doute des semaines avant d'y arriver, délai que Taurgil et ses amis n'étaient pas prêts à consacrer...

A moins de rapporter un vraiment gros gibier, tel qu'une baleine de bonne taille. Le problème était que le clan manquait un peu de chasseurs, à présent. La chasse à la baleine était quelque chose de dangereux, en particulier avec les grosses. Les chasseurs valides étaient donc d'autant moins enclins à mettre leur vie en danger, sachant qu'ils étaient nécessaires à la survie du clan. Ils se limitaient donc à la chasse de quelques baleines parmi les plus petites, plus faciles à attaquer avec un nombre réduit de personnes. Et puis les glaces allaient bientôt finir de se former et cette chasse ne serait plus possible d'ici deux semaines au plus. Lorsque des aventuriers émirent l'idée d'aller chasser une baleine assez grosse, eux qui ne l'avaient jamais fait, Dwimfa leur expliqua que ce n'était pas forcément une idée très judicieuse. Néanmoins il accepta d'en parler à son clan et de creuser la chose. En effet, au-delà de la réalisation pratique, il fallait être en harmonie avec l'environnement, les baleines elles-mêmes, et les esprits qui veillaient sur le clan et le Grand Nord. Ce qui ne pouvait pas forcément être fait par n'importe qui ou dans n'importe quelles conditions.

3 - Épreuve initiatique
Les viisaat du clan furent donc consultés, et, par leur intermédiaire, les esprits qui veillaient sur tout ce beau monde. Au final, les aventuriers reçurent un avis favorable pour une chasse à la baleine afin de sauver le clan de la famine. Mais cela ne pouvait pas se faire n'importe comment, et plusieurs conditions furent avancées :
- les participants devaient au préalable se soumettre à un rituel de purification spécial
- aucune arme maléfique, sous-entendu contraire à l'harmonie du Grand Nord, ne devait être employée
- un harpon spécialement enchanté devait servir pour la chasse, tel que celui qui avait été donné au groupe et remis à Dwimfa, qui savait le mieux s'en servir

Au final, toutes les conditions semblaient remplies ou à même d'être remplies : Dwimfa accompagnerait le groupe avec le harpon enchanté, les autres utiliseraient les armes sans malédiction ou corruption d'aucune sorte, et le rituel ne poserait aucune difficulté. Le groupe en avait déjà expérimenté un par le passé, et ce n'était pas pour eux un problème d'en subir un nouveau. Aussi les préparatifs furent-ils rapidement mis en place afin de réaliser ce fameux rituel, et tous les membres du groupe qui prendraient part à la chasse à la baleine furent bientôt réunis : Isilmë, Drilun, Dwimfa, Taurgil et Vif. Geralt ne tenait pas à participer, peut-être plus par flemme que pour laisser son corps finir de guérir. Pour Mordin, l'omniprésence de l'élément marin et sa difficulté à nager l'avaient fait décliner la proposition. Quant à Rob, les risques semblaient trop élevés pour sa petite personne, d'autant que les grosses baleines n'étaient pas très sensibles aux flèches vu l'épaisseur de leur cuir et de la couche de graisse sous-cutanée qui les isolait du froid...

Les cinq aventuriers furent donc bientôt réunis dans une pièce isolée où ils se prêtèrent de bonne grâce à un nouveau rituel comprenant quelques peintures et de nombreux chants. Ils parlaient tous à peu près suffisamment le labba pour pouvoir suivre le rituel et interagir avec la viisas qui conduisait la cérémonie, et tout se passa de manière très satisfaisante. Puis, vers la fin du rituel, une poudre blanche fut déposée dans un petit brasero au centre de la pièce, tandis que la Losson qui avait conduit leur rituel sortait du lieu et en fermait l'unique accès, tout en leur parlant d'une ultime épreuve à accomplir afin de recevoir la bénédiction des esprits du clan et de nombreux autres. Une étrange fumée se diffusa dans la pièce, bientôt inhalée par les cinq aventuriers dont la vision fut bientôt obscurcie. Lorsqu'ils purent à nouveau y voir, la pièce avait disparu : ils se trouvaient sur une banquise sans aucun autre signe à perte de vue, tous les cinq, équipés de leur matériel habituel. Ils y voyaient même si le ciel était gris, sans lune ni soleil, avec par endroit des espèces de vagues de couleur qui ondulaient çà et là. Enfin, des espèces de taches lumineuses étaient présentes dans le ciel, qui bougeaient parfois, comme de drôles d'oiseaux intelligents qui les observaient... Après avoir expérimenté un peu, Vif découvrit qu'elle pouvait apparaître sous sa forme humaine si elle le désirait, ou même rester sous sa forme animale et parler comme si elle était encore humaine.

Aux perceptions de plusieurs d'entre eux, l'endroit n'était pas réel ou du moins pas matériel, et ils soupçonnèrent fortement être en transe et parcourir à présent le monde des esprits à la manière dont les sages et nommeurs d'esprit lossoth pouvaient l'expérimenter. Les taches lumineuses étaient peut-être la manifestation des esprits qui les observaient, attendant de voir comment ils se comporteraient lors de cette fameuse épreuve dont personne ne voyait le commencement. Jusqu'à ce que Vif distinguât, loin à l'horizon, une petite silhouette noire qui marchait dans leur direction. A l'opposé, un petit trait bleuté laissait penser à une surface d'eau lointaine. Tandis qu'elle se rapprochait, d'autres purent repérer la silhouette indistincte qui ne semblait pas être vêtue d'habits noirs mais plutôt d'ombre. Petit à petit, une certaine aura de peur commença à la précéder, et les derniers doutes concernant son identité s'évanouirent : elle représentait certainement le spectre qu'ils avaient déjà rencontré de loin et qui était à leur poursuite avec feu Gorovod et Andalónil. L'épreuve devait donc concerner la manière de l'éliminer ou d'y échapper.

Après un moment ils commencèrent à s'éloigner de l'ombre qui les suivait et se rapprochait. S'ils se séparaient les uns des autres, elle avait tendance à aller vers les plus proches. Mais rapidement un nouvel élément de l'épreuve apparut : le territoire sur lequel les aventuriers progressaient se contractait parfois de manière brutale, et ils se retrouvaient brusquement à l'extrémité de la banquise chaque fois qu'ils cherchaient à fuir le spectre qui se rapprochait. Ainsi, petit à petit, la banquise sur laquelle ils marchaient se réduisait et avec elle la distance au spectre. Certains comme Taurgil jouèrent avec la chose de manière à diminuer encore plus vite leur espace vital, afin de se retrouver très près de leur adversaire, l'entourant de tous les côtés, dos à la mer glacée qui les encerclait tous. Isilmë tira une flèche qui pénétra l'obscurité qui servait de vêtement au spectre, sans manifestement lui faire le moindre mal. Arrivant à portée d'arme, Taurgil enfonça son épée dans la créature, après avoir esquivé celle que le spectre avait sortie de l'ombre, sans aucun effet notable. Dans le monde des esprits, les attaques physiques ne semblaient pas la déranger outre mesure...

Taurgil et Vif en eurent encore la preuve quand ils tentèrent de voler dans les plumes de la créature : ils se heurtèrent à un vrai mur, et c'est tout juste s'ils le firent un peu bouger. En revanche, petit à petit, les aventuriers trouvèrent des moyens de l'affecter : les soins magiques d'Isilmë semblaient la blesser, de même que la lumière du bâton de Drilun, plutôt que ses coups. Les éléments naturels l'affectaient, et Vif tenta une vieille chanson de chez elle, une berceuse célébrant la vie et l'amour, qui fut bientôt reprise par Dwimfa, et qui paraissait également incommoder la créature. La lionne enchantée essayait également de s'interposer entre la créature et ses amis, créature qui de toute manière ne pouvait plus vraiment attaquer : les cinq aventuriers étaient trop proches d'elle, et certains essayaient de la déséquilibrer, de lutter avec elle pour l'immobiliser ou au moins la gêner. Avec un certain succès.

Mais à défaut de coups, l'ombre disposait d'une autre manière d'affecter ses adversaires : de ses mains puis de tout son corps émana un froid glacial qui finit par pénétrer le corps de chacun et grandit petit à petit. Rapidement leurs corps se gelaient et ils avaient très peu de temps pour trouver comment tuer le spectre. L'Homme des Bois et Losson depuis peu sentit aussi une présence bienveillante, en attente, tandis que Vif percevait au loin une indéfinissable musique qu'elle avait parfois entendue sous l'eau : le chant des baleines. Dwimfa comprit alors que la destruction de la créature ne pouvait se faire qu'avec l'aide des esprits du Grand Nord, dont ceux de la mer, et il les appela bientôt. C'est alors qu'une immense baleine émergea tout près de leur morceau de banquise où ils se tenaient tous les cinq autour du spectre, et ouvrit grand la bouche qui était bordée de nombreuses dents, comme pour les avaler. Tandis que le gel gagnait leur corps, les aventuriers tentèrent de faire basculer l'ombre et eux dans la bouche grande ouverte, et comprirent qu'ils ne pouvaient y arriver que s'ils le faisaient tous les cinq en même temps. Le dernier aventurier prit enfin le spectre à bras le corps malgré le froid mortel, et ils basculèrent tous dans la gueule du cachalot...

4 - Chasse mouvementée
Le groupe se réveilla dans la pièce du rituel. Si les douleurs physiques de leur expérience onirique avaient totalement disparu, le stress émotionnel qu'ils avaient vécu était lui encore bien présent. Néanmoins ils se sentaient soulagés d'avoir passé cette épreuve qui aurait pu avoir des conséquences bien plus graves qu'ils ne s'y attendaient. Plus tard, la viisas qui rouvrit la porte de la salle du rituel confirma qu'une mort était tout à fait possible dans le monde des esprits... En tout cas, ils étaient à présent prêts à cette fameuse chasse à la baleine, et ils n'allaient pas plus attendre. Grâce à ses sorts de voyance, Drilun put sans grand mal repérer à distance des baleines isolées de la taille qui intéressait le groupe : pas les petites, mais plutôt celles de bonne taille, sans viser les plus grosses non plus. Attaquer une grosse baleine à cinq paraissait déjà quelque chose de complètement fou pour Dwimfa, alors il était inutile de chercher à s'attaquer à quelque chose de trop gros. Une baleine de bonne taille, s'ils arrivaient à la tuer et à la ramener à l'iceberg, serait suffisante pour éviter la famine au clan d'Aime le Poisson, et cela seul comptait. Tuer un gibier trop gros pour les besoins des Lossoth était contraire à leurs valeurs et à l'harmonie dans laquelle ils vivaient.

Le groupe se prépara donc, tout en écoutant les conseils de l'Homme des Bois devenu Losson et encore plus du très bon chasseur de baleine qu'était Pitää Kalasta ("Aime le Poisson"). Le problème était que les baleines, et en particulier les grosses, pouvaient facilement fuir les prédateurs à la surface, à moins d'être rapidement et gravement blessées. Une attaque sur une grosse baleine nécessitait donc de nombreux chasseurs discrets, tant pour l'entourer et l'approcher sans la mettre en fuite, que pour la blesser rapidement. Une baleine faiblement blessée pouvait en effet se défendre et faire facilement tomber à l'eau même les meilleurs chasseurs, sans parler de plonger et de se trouver hors de portée des Lossoth. Mais comment s'y prendre, à seulement cinq ?

C'est bientôt la principale question que se posèrent les cinq aventuriers partis pour leur folle expédition. Le ciel était à peine éclairé par un soleil très bas sur l'horizon - à cette période de l'année et autant au nord, le soleil ne faisait qu'une très courte apparition - quand ils avaient fini par repérer leur cible. Il leur avait fallu ramer deux bonnes heures dans la nuit puis l'aube qui était déjà un crépuscule, avant de se rapprocher de la baleine à la taille convenable qu'ils cherchaient. Isilmë était dans une barque avec Drilun, Taurgil en partageait une autre avec Dwimfa, tandis que Vif en occupait une dernière à elle seule, remorquée par les autres. Mais ils s'aperçurent vite que dès qu'ils se rapprochaient trop, la baleine s'éloignait un peu sans grand effort. Elle percevait la présence de leurs barques et se débrouillait pour ne pas les laisser approcher trop. Comment faire pour la coincer avec trois barques, dont seulement deux étaient maniées par des rameurs un minimum chevronnés, à savoir Dwimfa et Isilmë ?

La magie fut appelée en renfort : l'archer-magicien dunéen utilisa un de ses sorts d'illusion pour faire passer Vif et Taurgil pour des petits baleineaux aux sens du grand cétacé. La première était assez endurante et naturellement isolée pour pouvoir supporter un bain dans l'eau glacée un bon moment, et le Dúnadan possédait sur lui une dague enchantée qui le protégeait magiquement du froid. Tous deux approchèrent donc chacun un flanc différent de la baleine, tandis que l'Homme des Bois devenu Homme des Neiges approchait par l'arrière, côté queue du cétacé et un peu de côté ; la barque des deux archers, elle, était plutôt du côté de la tête. Lorsque la lionne et le grand rôdeur furent à peu près au contact de la baleine, Dwimfa et Isilmë approchèrent du grand corps avec mille précautions, en essayant de ramer le plus délicatement possible, sans faire de vagues ou autres vibrations qui pourraient prévenir la baleine de leur approche. Ils parvinrent ainsi à la moitié d'une portée d'arc.

Taurgil planta alors sa dague et son épée dans le flanc droit de la grande bête, tandis que Vif utilisait ses pattes puissantes et griffues pour blesser et surtout s'accrocher au flanc gauche de la baleine. Ladite baleine ne mit pas longtemps avant de réagir, se soulevant hors de l'eau sur le côté droit, le moins douloureux. Autrement dit, le rôdeur dúnadan plongea brusquement sous l'eau, se cramponnant fermement à ses deux armes plantées dans la peau épaisse de la baleine, tandis que la lionne enchantée était propulsée en l'air au sommet de la créature, comme pour un fantastique rodéo. Elle s'accrochait de ses quatre pattes aux griffes acérées, et la baleine ne put la déloger de là. D'autant que ce ne fut pas tout : une flèche de Drilun lui creva un œil, celui qu'elle avait sorti de l'eau en roulant sur le côté. Ce ne fut pas suffisant pour la tuer, mais cela s'ajouta à la grave blessure que la lionne lui avait faite, et la priva peut-être d'assez de lucidité pour l'empêcher assez longtemps de fuir.

Ce qui ne veut pas dire qu'elle resta immobile à rien faire : sa queue battit les flots dans ses efforts pour se cambrer et faire se décrocher la féline Femme des Bois accrochée à son flanc - sans succès. Dwimfa subit donc l'assaut d'une belle vague qu'il arriva heureusement à escalader sans mal avec sa barque, et il pagaya avec énergie pour se rapprocher ensuite de la baleine qui s'éloignait. Pour la guerrière et archère elfe, et grande maîtresse des embarcations au sein du groupe, ce fut le contraire : elle vit brutalement arriver la très grande créature dont le volume n'avait rien à envier avec celui du plus gros des dragons ! Elle fit donc faire demi-tour à toute allure à sa barque - sans parler de celle de la lionne qui y était attachée - et tenta de s'éloigner du mieux qu'elle pouvait de la trajectoire du cétacé blessé. Mais elle n'en eut pas le temps... ou du moins pas complètement.

En effet, Vif avait petit à petit réussi à se rapprocher de l'œil crevé de la baleine, non sans lui causer de nouvelles blessures. Tandis que le rôdeur sous-marin continuait à retenir sa respiration, accroché au flanc droit de la bête grâce à ses dague et épée, tandis que Dwimfa se rapprochait enfin du corps du cétacé et prenait son harpon enchanté, prêt à sauter sur la baleine blessée, tandis que Drilun et Isilmë voyaient s'approcher dangereusement le grand cétacé, Vif enfonça sa patte puissante à travers l'œil crevé de leur gibier, et plus profondément que la flèche de Drilun ne l'avait pu. Dans un sursaut d'agonie, la baleine se dressa en l'air, laissant juste assez de temps à l'Homme des Bois pour lui sauter dessus et planter son harpon dans son corps. Un bref moment, Taurgil se retrouva hors de l'eau, et en fin de compte il choisit de lâcher ses armes quand il eut compris que la baleine allait lui retomber dessus de tout son poids. Et en plus, elle retombait sur les barques menées par l'elfe... ou du moins sur celle que Vif avait occupée pour venir. Dans un sursaut de vigueur Isilmë fit bondir en avant son embarcation, assez pour éviter de voir la baleine blessée lui retomber dessus. La barque qu'elle remorquait, celle de Vif, n'eut pas cette chance et fut complètement brisée, et l'elfe arriva à stabiliser sa barque et à éviter de chavirer, et dans le même temps donner la main à Drilun qui avait en partie volé dans les airs. Ce dernier retomba les jambes dans l'eau, un bras sur un côté de la barque et l'autre tenu fermement par la main de sa chère amie. Taurgil nageait non loin de là, Vif et Dwimfa étaient accrochés au corps de la baleine qui ne bougeait plus, morte...

5 - Suite à donner
L'archer-magicien remonta dans la barque avant que l'eau glaciale ne pénétrât trop dans ses vêtements. L'Homme des Bois regagna la sienne, et le grand Dúnadan récupéra ses armes sur le corps de la baleine - et en particulier la dague qui le protégeait magiquement du froid - pendant qu'il le pouvait encore, en claquant des dents, avant de regagner à son tour la barque maniée par Dwimfa. La lionne enchantée restait calmement juchée sur le corps du grand cétacé, long de plus d'une quinzaine de pas de long : elle n'avait plus de barque mais trouvait ce nouveau vaisseau bien plus stable et pratique pour elle ! Par contre, à deux barques, ramener le corps gigantesque, bien plus gros qu'aucun dragon que le groupe avait jamais vu, risquait de ne pas être de tout repos... En fait il fallut quérir l'aide des Chasseurs des Mers du clan d'Aime le Poisson, qui ne furent que trop heureux de venir prêter main-forte. La baleine tuée faisait partie d'une des plus grandes espèces de cétacé de la région. De toutes celles que les Lossoth chassaient elle possédait la plus grande bouche, l'absence de nageoire dorsale, et une couche de lard d'environ un pied et demi d'épaisseur sous la peau, la plus épaisse de toutes les espèces ! Elle pourrait probablement nourrir le clan à elle seule pendant plusieurs mois... Et dire qu'il n'avait suffi que de cinq personnes pour l'abattre !

En plus de remercier les aventuriers, les gens du clan Merilintu ("oiseau de mer") remercièrent les esprits pour ce cadeau, et la baleine, ou plutôt son esprit, pour son sacrifice qui allait permettre au clan d'adoption de Dwimfa de survivre cet hiver. Ils considéraient la baleine véritablement comme un individu, d'autant que certains la connaissaient apparemment : les Lossoth racontèrent aux aventuriers que ces baleines étaient de couleur sombre mais elles avaient toutes une tache blanche sur le menton dont la forme variait selon les individus, et qui permettait de les reconnaître. De plus, ces baleines vivaient bien plus longtemps qu'aucun homme, certaines étaient l'objet de récits qui se transmettaient de génération en génération, les viisaat affirmant que les plus vieilles étaient âgées d'au moins deux siècles... Et elles avaient la réputation d'être très intelligentes et de beaucoup chanter.

Malgré les nombreux morts récents, la soirée fut assez festive sur l'Étoile du Nord, l'iceberg hébergeant les aventuriers et leurs hôtes. Mais Vif et ses amis ne firent pas trop attention à cela, tellement ils étaient occupés à planifier leur prochain voyage. Conformément à ce qu'il avait dit, Dwimfa accompagnerait le groupe maintenant que son peuple était à l'abri de la famine. Dès le lendemain, les aventuriers repartiraient. Mais vers où, et comment ? Une majorité se dégagea vite pour retourner voir les elfes des Brumes Éternelles, mais la manière d'y aller fit davantage débat. Par la terre, à l'ouest ou à l'est de la baie ? Par la mer, si c'était encore possible ? Par ailleurs, les viisaat du clan apportèrent des informations qui donnèrent à réfléchir à Taurgil et ses amis : le cavalier noir aux allures de spectre, dont ils avaient combattu l'avatar dans le monde des esprits, aurait été vu en train de débarquer d'un navire loin au sud-est, avant de remonter vers le nord à la tête d'une troupe de guerriers. Cela surprit le groupe, qui ne pensait pas qu'il était capable d'aller sur l'eau...

De toute manière, leur ennemi était encore très loin d'eux, ils avaient tout le temps de rejoindre les elfes, qui devaient leur fournir de nouveaux matériels enchantés. Sans parler de peut-être équiper mieux leur nouveau compagnon. L'iceberg qui les hébergeait était très proche de la côte est de la baie, et plusieurs pensaient qu'il serait préférable de passer par là. Néanmoins, entendre parler de leur noir poursuivant les fit réfléchir et la voie des eaux fut plus sérieusement envisagée. Mais était-ce possible ? Les glaces allaient bientôt finir de recouvrir les eaux de la baie... Cela étant, le voyage ne serait pas long et au milieu de la baie, les eaux chaudes du lac de Brumes Éternelles se déversaient dans la baie et maintiendraient un chenal libre de glace encore une semaine ou deux. C'est donc en fin de compte la voie qui fut choisie.

Après une nuit de repos, les nouveaux compagnons de Dwimfa découvrirent que le temps avait changé pendant la nuit : il neigeait dru et le vent du Nord soufflait bien fort, le genre de temps à ne pas mettre un Homme des Neiges - ou n'importe quelle homme voire nain ou elfe, sans parler du hobbit - dehors. D'un autre côté, Drilun rappela qu'il pouvait maîtriser le temps magiquement et le calmer suffisamment autour d'eux pour leur permettre de prendre les barques et d'avancer. Sa magie serait certainement perceptible à des lieues à la ronde, mais de toute manière ils étaient tellement bardés de magie, tous qu'ils étaient, que cela ne changerait pas grand-chose. Et en plus, le mauvais temps rendrait leur voyage plus tranquille, les dragons ne risquaient pas de les voir approcher. En fin de compte, les huit hommes, nain, elfe et hobbit prirent congé de leurs hôtes après de nombreux remerciements mutuels, et ils partirent dans le matin nocturne. De toute manière, avec le temps qu'il faisait, ils ne verraient pas du tout le soleil se lever un bref moment au-dessus de l'horizon. Grâce à la zone de calme relatif établie par l'archer-magicien dunéen, Isilmë pouvait repérer la côte est ou suivre le long des glaces qui l'obstruaient, et ainsi s'assurer qu'ils allaient bien dans la bonne direction, vers le nord.

6 - Fuite sur glace
Entre le vent du Nord et le courant marin qui allait dans le même sens, la progression, toute rectiligne qu'elle fût, était loin d'être reposante. Si pour Isilmë et Dwimfa cela représentait un effort mesuré, il était bien plus grand pour Taurgil, Mordin ou Geralt. Les tentatives de Drilun d'aider son amie à pagayer entraînèrent plus d'inconvénients que d'avancées, et la belle elfe finit par dire à son cher ami qu'elle préférait qu'il se reposât tranquillement pendant qu'elle faisait avancer leur barque... et celle de Vif et Rob, qui était attachée à la leur, aucun des deux n'ayant goût à l'art de la rame. La magie des soins de la guerrière et archère elfe servit parfois à soulager les corps de leur fatigue, et permettre de progresser un peu plus loin. Mais cela ne dura qu'un temps, et n'eut pas beaucoup d'effet sur le moral du maître-assassin, qui chutait presque aussi vite que son endurance.

Au bout d'un moment, il fallut bien se résoudre à prendre du repos. Mais comment ? Les eaux libres de glace, avec leur courant, les ramèneraient inexorablement vers le sud s'ils cessaient de ramer. Et il n'était pas possible d'aller à terre : les glaces qu'ils longeaient étaient peut-être assez solides pour supporter le poids d'une lourde personne près de la côte, mais pas en bordure des eaux glacées sur lesquelles ils avançaient. En fin de compte, ils choisirent de briser la glace en direction du rivage, afin de permettre aux embarcations de s'ancrer dans la glace pour les empêcher de dériver. Pour cela, le rôdeur dúnadan utilisa son épée magique associée à sa magie de roi potentiel, afin de fragiliser la glace et la briser plus facilement. La progression était lente mais il put ainsi bloquer leurs barques le temps de se reposer. Régulièrement, l'archer-magicien du groupe devait relancer ses sortilèges pour tenir les chutes de neige à distance et empêcher qu'elles ne les recouvrent. Tous dormaient emmitouflés dans leurs vêtements les plus chauds, la lionne bénéficiant de deux capes pour la protéger. Le hobbit, au milieu des pattes du félin enchanté, était certainement celui qui ressentait le moins le froid.

Le lendemain, après avoir brisé la glace dans l'autre sens, puisqu'elle s'était en bonne partie reformée, le groupe put repartir sous un ciel identique au jour précédent, et combattu de la même manière par les sorts de Drilun. La progression fut peu ou prou similaire : lente, fatigante, mais régulière. A la fin du deuxième jour, la glace fut à nouveau brisée pour stopper la dérive des barques et permettre à tous de dormir sur place. Du peu qu'ils pouvaient en juger, les aventuriers avaient fait les deux tiers du chemin. C'était moins que ce qu'ils avaient envisagé au départ, mais le vent, même réduit par les sortilèges de l'archer-magicien, n'avait pas aidé. Il avait peut-être même forci le deuxième jour. Par contre, au réveil, le temps avait bien changé : la nuit était étoilée, des voiles lumineux étaient parfois visibles loin au nord, ainsi qu'une rougeur sur l'horizon loin à l'est et au nord, qui devait signaler l'emplacement du Puits de Morgoth. Bref, le temps s'était considérablement éclairci.

Ce qui ne faisait pas du tout l'affaire du groupe : alors qu'ils abordaient la zone surveillée de près par les dragons autour des sources chaudes de Brumes Éternelles, ils étaient visibles comme le nez au milieu du visage pour qui savait regarder, et particulièrement pour ceux qui étaient perceptifs à la magie qu'ils dégageaient... Après débat, ils choisirent de gagner la terre, où il était plus facile de se cacher ou de combattre un éventuel Grand Ver. Alors que sur l'eau, ils se feraient geler ou griller sans pouvoir répliquer beaucoup plus que quelques flèches peu efficaces. Ou verraient leurs barques réduites en miettes par quelques coups de queue bien placés, ce qui entraînerait la mort de la moitié du groupe assez rapidement. Il fallait donc aller vers l'est et briser une glace de plus en plus épaisse, ce qui prendrait du temps. Temps qui risquait de leur manquer si un ennemi volant regardait de trop près dans leur direction... Au bout d'un moment, Isilmë essaya d'utiliser l'arme enchantée du grand sorcier de Dol Guldur qu'ils avaient occis quelques jours auparavant. Elle emprunta l'arme à Drilun, monta sur la glace - sans la faire casser grâce à sa magie elfique - et donna un coup de masse enchantée. Cela brisa toute la glace dans un rayon de trois pas ! Et fit prendre un bain forcé (et glacial) à l'elfe, qui n'en demandait pas tant...

A tout le moins, Taurgil se servit de cette nouvelle arme pour les faire progresser bien plus facilement et rapidement. Mais alors que la côte était peut-être à une dizaine de portées de flèche, la lionne signala par ses grognements félins qu'une silhouette ailée rouge et or de belle taille arrivait du nord dans leur direction ! Un dragon les avait repérés, et il accourait... Il serait là trop vite pour leur permettre d'arriver à la côte en barque, il fallait continuer à pied, en espérant que la glace les supporterait tous. Avec l'aide des skis ce serait sans doute possible, mais il en manquait une paire... L'elfe rappela qu'à l'aide de sa magie elfique elle pouvait avancer sur de la glace mince sans la briser. Par contre, Rob ne risquait-il pas d'être un peu lent et de représenter un délicieux apéritif pour le dragon qui approchait ? Et la glace était trop mince pour supporter le poids de la féline Femme des Bois tant qu'elle n'avait pas pris un peu d'élan... qui serait difficile à trouver depuis sa barque !

Mais le dragon approchait vite, et ils n'avaient pas le choix, il fallait essayer. Pendant que les humains et nain chaussaient leurs skis avec précaution sur la glace fragile, et reprenaient leurs affaires, Rob se juchait sur son amie féline qui prenait soigneusement son élan depuis sa barque bloquée contre les glaces. Elle bondit légèrement sur la croûte de glace face à elle, croûte qui commença à se briser sous ses pattes tandis qu'elle prenait progressivement de la vitesse, suffisamment pour ne plus être inquiétée au bout d'un moment. Le vent glacial gela les gouttes de sueur qui avaient perlé sur le front du hobbit, tandis que derrière son amie et lui les autres progressaient à moindre vitesse. Peu de temps après, Vif et lui arrivaient à la côte et se dirigeaient vers une petite hauteur et surtout un bosquet d'arbres où la féline Femme des Bois le déposa et où ils pourraient se cacher. Rôdeuse féline et voleur hobbit virent leurs amis approcher puis atteindre la côte, à l'exception de Drilun : ce dernier, plus lent que les autres, était accompagné par Isilmë qui tentait de l'aider, mais ils n'atteindraient pas la côte avant l'arrivée du dragon.

7 - Feu, flammes et flèches
La couleur de ce nouveau dragon ne présageait rien de bon, mais le rôdeur dúnadan avait déjà essuyé un souffle de dragon enflammé par le passé, et il avait survécu, en étant moins bien équipé. Il s'avança donc en direction du monstre volant qui arrivait rapidement vers eux en l'invectivant autant qu'il le pouvait, de manière à focaliser l'attention sur lui et éviter que ses deux amis encore sur la glace ne soient les cibles principales de la bête. D'une part car il n'était pas sûr du tout qu'ils pussent supporter du feu de dragon comme lui, d'autre part car même si c'était le cas, il leur faudrait ensuite supporter les eaux glaciales de la baie, dans lesquelles ils se retrouveraient si la glace fondait sous leurs pieds, ce qu'elle ferait immanquablement si le dragon crachait son feu dessus. Non loin de lui, Mordin avait sorti sa hache et se concentrait dessus pour qu'elle lui indiquât où se trouvait le point faible du Grand Ver, mais ce qu'il ressentait n'était pas très précis : quelque part au centre de la bête...

Alors qu'il se rapprochait, la féline Femme des Bois repéra comme un rougeoiement au fond de la gorge du dragon qui commençait à s'ouvrir, confirmant ses craintes. Et effectivement, un cône de feu brûlant en sortit bientôt qui vaporisa la neige au sol et enveloppa Taurgil qui se protégeait du mieux qu'il le pouvait à l'aide de son équipement. Le nain découvrit qu'il était encore trop près et il se réfugia à plat ventre dans la neige pour lui conférer une protection supplémentaire, même si elle disparut bien vite en vapeur d'eau brûlante. Le grand rôdeur se redressa après le passage du dragon, des flammèches courant dans ses cheveux et sa cape de cuir en feu. Il se roula dans la neige la plus proche pour éteindre le feu dans ses vêtements sans plus de dégâts que quelques petites cloques. Derrière lui, Mordin s'en était encore mieux sorti. Ailleurs, Geralt et Dwimfa avaient rejoint le bosquet tandis que Vif et Rob montaient aux arbres pour avoir un point de vue plus élevé.

La trajectoire du dragon le ferait passer non loin de l'elfe et du Dunéen, et il incurva sa trajectoire pour arriver sur eux. Ils s'étaient arrêtés et lui faisaient face, et au dernier moment plongèrent chacun d'un côté, Isilmë sur la gauche et Drilun sur la droite du dragon. Après un bref moment d'hésitation, le monstre ailé choisit de prendre pour cible celui des deux bipèdes dont il émanait le plus de magie, à savoir l'archer-magicien, pour lui porter un coup de sa queue. Drilun s'était en effet entouré d'une protection magique, ce qui lui permit de survivre à la rencontre avec la queue du dragon : elle l'envoya valdinguer plus loin avec des bouts de glace brisée, lui cassa probablement quelques côtes et lui fit découvrir les joies de la glisse sans finir dans un arbre, comme certains l'avaient déjà expérimenté. Il remercia en pensée les runes magiques de son armure qui avaient grandement amorti le choc en plus de son aura magique de protection, tandis que son amie et soigneuse se précipitait dans sa direction pour lui prodiguer des soins et vérifier qu'il était encore en vie. Le grand lézard volant rouge et or commença alors un demi-tour vers la gauche tout en reprenant de l'altitude afin de revenir sur le lieu du combat pour le deuxième round.

Mais les manœuvres ailées du dragon avaient fait osciller son corps d'un côté puis de l'autre, ce qui avait permis à la lionne enchantée de repérer une zone plus sombre dans son armure d'écailles rouges et or, entre les ailes. Dans son parler félin bientôt traduit par un autre aventurier, elle annonça que le point faible du dragon était sur le dos, entre les ailes, ce qui bien sûr ne faisait pas trop l'affaire des guerriers ou archers restés en bas. Tandis que le dragon reprenait de la hauteur en virant sur la gauche, le rôdeur dúnadan se prépara à l'affronter à nouveau en poussant de grands cris et en l'abreuvant d'injures qu'il ne manquerait pas d'entendre. Et il le fit en plusieurs langues pour s'assurer que le dragon les comprendrait bien. De leur côté, Geralt et Vif s'approchèrent de leur grand ami sans toutefois rester trop près de la trajectoire présupposée du monstre volant, de manière à pouvoir peut-être lui porter un coup s'il descendait assez bas. Dwimfa et Rob encochaient une flèche depuis le bosquet où ils étaient, même si seul le hobbit était assez haut pour pouvoir espérer voir le dos de la bête. Quant à Isilmë, voyant de loin que son amour était encore bien vivant et ne risquait pas de mourir dans l'immédiat, elle préparait également son arc et une flèche spécialement enchantée par Drilun pour tuer les Grands Vers.

Le dragon fila à nouveau vers Taurgil et il ouvrit grand sa gueule pour la deuxième fois. La lionne enchantée et le maître-assassin esquivèrent le cône brûlant, peut-être d'un peu trop près au goût de Geralt, et sans plus de conséquences pour Taurgil que pour la première fois - de toute manière sa cape était fichue. Par contre, Rob put apercevoir le point faible au moment du passage du dragon, et il arriva à y enfoncer sa flèche, ce qui occasionna une grande douleur au monstre, mais insuffisante pour le faire chuter et encore moins le tuer. Depuis le sol, Dwimfa arriva à toucher également le dragon, mais pour un effet plus limité. Par contre, quand la bête se tourna pour effectuer un virage dans sa direction, Isilmë put elle aussi voir la zone dépourvue d'écailles entre les ailes, et sa flèche tueuse de dragon s'y enfonça profondément. Le dragon rouge et or hurla une dernière fois puis il s'abattit au sol, ou plutôt sur la banquise qu'il brisa. Mort, il commença alors à s'enfoncer dans la mer dans des sifflements de vapeur d'eau...

8 - Renforts et ours mal léché
Le groupe fut bientôt réuni, les blessures traitées du mieux possible, et la question se posa de la suite à donner à ce nouvel épisode de la vie des aventuriers, dont le palmarès risquait de faire des jaloux ou envieux, tôt ou tard... Le problème le plus immédiat restait que le groupe était bien trop près de la zone surveillée par les dragons pour que leur action d'éclat restât longtemps ignorée. En bref, il fallait partir, et vite ! En fait, Vif annonça bientôt que le ciel au nord, bien dégagé, comportait à présent une petite tâche qui n'y était pas auparavant. De là à envisager l'arrivée d'un nouvel adversaire ailé, il n'y avait qu'un pas qui fut vite franchi. Sauf que le meilleur adversaire étant celui qu'on ne combat pas, surtout de cette taille-là, il fallait vite trouver une alternative à une confrontation bien trop dangereuse pour le groupe, surtout après un premier duel et quelques blessures.

La magie divinatoire de Drilun fut bientôt appelée en renfort, afin de déterminer si une caverne ou autre abri proche se trouvait quelque part dans les environs. Ce qui était bien le cas : non loin de là, une butte en partie arborée semblait abriter une grotte largement assez grande pour tous. Pourraient-ils y arriver à temps avant l'arrivée du deuxième dragon de la journée ? La féline Femme des Bois fit part d'une nouvelle observation propre à donner de nouvelles ailes aux pieds fatigués de certains de ses amis : en plus de confirmer qu'il s'agissait bien d'un dragon qui venait vers eux, elle venait d'identifier deux autres taches dans le ciel un peu plus loin. Un dragon, ça va, trois dragons, bonjour les dégâts ! Et le groupe ne tenait pas vraiment à vérifier si les Grands Vers préféreraient se battre entre eux en premier ou déjeuner sur le dos des aventuriers d'abord...

En plus du hobbit, la lionne enchantée prit Drilun sur son dos et les autres leurs skis, et ils commencèrent à avancer le plus vite possible en direction du lieu que le magicien dunéen leur avait indiqué. La confirmation de la nature des trois poursuivants ailés fut prise avec un certain fatalisme ; pour un peu les aventuriers auraient presque pu se réjouir de ne pas entendre les grognements félins annoncer l'arrivée d'une escouade de dragons encore plus importante ! Chacun fit ce qu'il avait à faire et la progression fut rapide vers le salut possible de la grotte perçue magiquement. Si le premier dragon se rapprochait vite, il semblait bien que cette fois-ci le groupe arriverait en premier. La butte fut atteinte, en partie masquée par une forêt clairsemée de pins et d'épicéas, et une petite falaise fut approchée, qui semblait le lieu idéal pour trouver l'entrée d'une grotte où les héberger.

Sauf qu'une odeur alerta la féline Femme des Bois qu'ils n'étaient pas seuls, et que la grotte en question possédait peut-être déjà un occupant. Occupant qui ne tarda pas à se montrer de manière agressive : un ours blanc était présent non loin devant eux, qui les avait perçus, et qui devait à lui seul être plus lourd que eux tous réunis. Et il ne semblait aucunement intimidé par la lionne ou les autres aventuriers. Pour autant, même s'il aurait été facile de l'abattre, le rôdeur dúnadan préféra une autre approche, plus consensuelle : utilisant la magie de la nature apprise chez les elfes, il tenta de parler à l'ours polaire pour lui demander de partager sa demeure. La magie qu'il utilisait était juste assez forte pour communiquer, pas pour influencer d'aucune sorte le grand prédateur, qui commença par réagir agressivement envers Taurgil, qui avait heureusement pris la précaution d'utiliser une autre magie pour se protéger de coups éventuels. Il insista alors sur la présence proche de dragons, dont plusieurs aventuriers commençaient à entendre les battements d'ailes...

L'ours finit par les entendre lui aussi et il fila à toute allure en direction de l'entrée de sa tanière qui était certainement le refuge recherché par le groupe. Hormis pour le hobbit, il fallut se baisser un peu pour pouvoir passer sous une épaisse dalle de pierre qui marquait l'entrée de la grotte qui était heureusement plus haute de plafond un peu plus loin et largement assez grande pour tous. Tandis que les gros battements d'ailes se rapprochaient très vite, les aventuriers s'éloignèrent de l'entrée et se blottirent dans un coin de la caverne, plutôt loin de l'ours qui en faisait autant. Bientôt des coups puissants firent trembler la caverne et des pierres tombèrent du plafond, sans causer aucun dégât heureusement. De nouveaux coups plus puissants, des rugissements et des flammes furent encore perçus au niveau de l'entrée, jusqu'à ce qu'un coup plus fort que les autres eût raison de la solidité du rocher de l'entrée : cette dernière s'effondra, ainsi qu'une partie de la paroi au-dessus d'elle.

Après encore divers coups sourds et rugissements divers encore perceptibles depuis l'intérieur, le calme se fit comme si le ou les dragons s'étaient éloignés. Aucune lumière ne venait troubler l'intérieur de la grotte, hormis celles que les aventuriers pouvaient faire, comme à l'aide du bâton magique de Drilun. La caverne semblait à présent hermétiquement close, son entrée complètement bouchée sous un monceau de rochers. Du peu qu'ils en avaient rapidement perçu, aucune autre ouverture ne permettait de sortir de la grotte, qui, malgré sa taille très correcte pour leur petit groupe, avait une quantité d'air limitée. Air d'ailleurs empreint d'odeurs fauves ou de charogne, sans parler du grognement qui leur rappela qu'ils étaient neuf à partager ce petit espace. Ils étaient encore en vie, mais pour combien de temps ?
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Niemal
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Grand Nord - 16e partie : à travers pierre et air

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1 - Perspectives limitées
A l'aide de la lumière du bâton magique de Drilun, divers aventuriers s'activèrent pour trouver solution à leurs problèmes immédiats. Taurgil s'approcha avec précaution de l'ours dont ils partageaient la caverne, tandis que Vif examinait les possibilités de sortir de ladite caverne, et que l'archer-magicien réchauffait l'atmosphère autour d'eux à l'aide de ses sorts. Si la magie du Dúnadan lui permettait de converser aimablement avec le plantigrade, il n'avait aucun moyen de le calmer véritablement hormis avec quelques bonnes paroles qui ne semblaient guère l'affecter. L'ours polaire se sentait piégé, avec des inconnus dont il appréciait peu la présence hormis comme éventuels casse-croûtes. Si l'héritier des anciens rois du Rhudaur avait appris les belles paroles et les raisonnements logiques et argumentés qu'on a entre personnes de bonne compagnie, selon les hauts standards de la noblesse de l'Arthedain où il avait en grande partie grandi, cela ne l'aidait guère à gérer le stress et les émotions animales d'un des plus grands prédateurs du Grand Nord.

Percevant le danger et interrompant un moment son inspection des lieux, la lionne enchantée tenta de parler de prédateur à prédateur sur un mode conciliant et apaisant. En ne s'approchant pas trop tout de même car l'ours la considérait manifestement comme une menace, elle se roula sur le sol et émit des petits sons rassurants pour essayer de faire comprendre que les choses n'allaient pas trop mal et qu'il fallait juste patienter un peu sans n'énerver. Sans beaucoup plus de succès que son ami rôdeur. En fin de compte, Isilmë prit le relais et utilisa sa magie elfique pour charmer la bête et passer pour une bonne amie. Ensuite, avec beaucoup d'empathie, elle apaisa la bête avec des caresses ou des sons apaisants, focalisant l'attention de l'ours sur elle. Elle continua ainsi à s'occuper de lui afin qu'il ne soit plus une menace pour ses amis, avec succès.

Vif fit le tour de la caverne, examinant en détails l'entrée effondrée, les moindres recoins, les parois rocheuses de part et d'autres, à la recherche d'une possible issue. Son bilan était tout sauf positif : l'entrée était bien effondrée et elle se doutait que creuser à cet endroit risquait surtout de faire s'effondrer davantage une partie de la paroi rocheuse. Paroi rocheuse qui dans son ensemble avait été quelque peu fissurée et affaiblie par les coups de boutoir qu'ils avaient ressentis, probablement des coups de queue du plus gros des dragons arrivés sur eux. En bref, la roche qui les entourait ne demanderait pas grand-chose de plus pour s'effondrer complètement et les emmurer tous définitivement. Pas question pour Taurgil d'utiliser sa magie pour affaiblir la roche et tenter de passer à travers à grands coups de masse magique récupérée sur le corps du grand sorcier de Dol Guldur : l'impact des coups pourrait offrir une belle vengeance audit sorcier, même si elle était posthume.

La roche n'était pas présente partout cependant : à certains endroits elle s'était détériorée et avait laissé place à un mélange de terre et d'éboulis probablement plus meuble, si ce n'est qu'il était complètement gelé et aussi dur que du rocher. Il était aussi difficile de déterminer si les secteurs plus friables se prolongeaient très loin. Et sinon, aucune autre issue n'était disponible, de quelque taille que ce fût. Impossible de sortir de la caverne, que l'on fût ours polaire ou hobbit, et impossible non plus à l'air de se renouveler : tout autour des aventuriers, ce n'étaient que parois rocheuses de plusieurs pas d'épaisseur dans toutes les directions, y compris verticalement. Malgré le volume de la caverne, l'air finirait immanquablement par s'appauvrir et entraîner leur asphyxie à tous. Et si Drilun pouvait magiquement purifier l'air d'éventuelles fumées et autres substances nocives, il ne pouvait faire venir l'oxygène par enchantement pour pouvoir continuer à respirer comme si de rien n'était.

Des bruits et vibrations à l'extérieur attirèrent l'attention de la féline Femme des Bois. Ses sens extrêmement fins lui indiquèrent une possible dispute entre dragons à l'extérieur, mais rien d'assez méchant pour imaginer un combat. Elle supposa plutôt que l'un des dragons, sans doute le plus gros arrivé en premier, avait fait fuir les autres. Mais elle avait la certitude qu'il était encore sur place, et la désagréable impression qu'il percevait leurs efforts pour sortir de là et se maintenir en vie. Il savait qu'ils étaient encore vivants et elle aurait pu parier qu'il était déterminé à changer cet état de fait. Du peu qu'elle en avait vu, il s'agissait du plus gros dragon qu'ils avaient jamais rencontré, ses écailles étaient bleu-noir et son souffle était glacé. Il avait probablement vu le sort qu'ils avaient réservé au dragon de feu juste avant, sur le bord de mer, et il était sans doute assez malin pour ne pas faire l'erreur de les sous-estimer...

2 - Taupes magiques et marchand de sable
Il n'était pas possible de sortir de la grotte en éclatant la roche, cela risquait de faire s'effondre les parois de la caverne. En revanche, peut-être était-il possible de creuser dans le petit réseau de terre glacée et d'éboulis pour faire un tunnel vers l'extérieur ? Les sorts de Drilun lui permirent de déterminer que cela était effectivement dans l'ordre du possible. Bien qu'un peu tarabiscoté, il pouvait visualiser un chemin possible vers l'extérieur et assez large pour eux tous, ours compris, à travers autre chose que la roche dure et compacte qui les entourait mais qui menaçait aussi de s'effondrer. Restait à pouvoir creuser dans un mélange de terre et d'éboulis presque aussi dur, sans faire trop de vibrations dangereuses. De toute manière ils n'avaient ni pic ni pioche.

Dwimfa rappela qu'il disposait d'une épée magique qui pouvait trancher dans de la pierre pratiquement comme dans du beurre (très dur), sans s'émousser. Il testa son épée, et confirma qu'elle pouvait servir à découper des morceaux de terre et éboulis gelés petit à petit, sans choc véritable. Le processus serait juste très long, d'autant que selon le magicien dunéen, le passage possible qu'il avait visualisé entre les couches de pierre dure mesurait plus d'une dizaine de pas de long... et il n'était pas très large, avec au plus un bon pas de haut. Mais faute de meilleure solution c'est ce qui fut retenu. L'Homme des Bois empoigna son épée maudite et il grignota petit à petit la paroi de la caverne que Drilun indiquait. Pendant ce temps, les autres aventuriers déblayaient les débris de cette excavation un peu spéciale. Hormis l'elfe qui s'occupait de l'ours, Drilun qui sondait magiquement la roche et aidait l'Homme des Bois, et Geralt qui soignait sa flemme...

Néanmoins, après une heure de ce programme et une avancée de deux pas peut-être, les premiers commencèrent à percevoir la raréfaction de l'air et un début de gêne. Ils consommaient trop d'oxygène, à cette allure ils ne pourraient jamais s'en sortir à temps ! Taurgil ne souhaitait toujours pas tuer l'ours polaire qui consommait à lui seul autant d'air que leur groupe entier, mais rien n'empêchait de l'endormir afin de ralentir son rythme physique et sa consommation d'oxygène... Sur une idée de Geralt, Isilmë encouragea l'animal à avaler quelques-unes de leurs provisions abondamment arrosées de marchand de sable préparé, ce puissant somnifère qui pourrait endormir même l'ours. Et bientôt il ronfla paisiblement. D'autres prirent également du somnifère, car il ne servait à rien d'être trop nombreux : deux personnes étaient suffisantes pour aider Dwimfa, qui de toute manière ne voulait laisser son épée à personne. Lui-même bénéficiait de l'aide magique d'une perle de céramique magique trouvée auparavant dans la région qui permettait d'accroître l'endurance de son porteur.

Après une heure et demie à continuer à creuser, Homme des Bois, nain et hobbit - sans parler du Dunéen qui les guidait - sentirent que l'air continuait à se raréfier, bien que plus lentement. Mais Rob entendit bientôt l'ours qui se réveillait : son sommeil n'avait pas duré très longtemps, tant son corps puissant avait bien résisté à la drogue. Il se dépêcha de faire sortir la belle elfe de la transe de repos dans laquelle elle s'était réfugiée pour se reposer et consommer moins d'air. A l'aide de quelques claques bien senties elle fut enfin éveillée et elle se dépêcha de retourner auprès de l'ours pour le calmer et l'empêcher de faire des siennes. Plus tard, elle utilisa aussi sa magie pour soulager la fatigue de ses amis dont les membres devenaient douloureux, même si elle ne pouvait le faire ad vitam æternam. Le boyau avançait toujours, même si l'air continuait à se raréfier et la gêne à croître.

En fin de compte, les uns se réveillèrent après les autres, et seule la lionne continuait à dormir alors que le boyau semblait en passe d'arriver bientôt à l'extérieur. Dwimfa arrivait à continuait sa dure tâche de terrassier, mais en revanche ses aides durent être remplacés, et en particulier Rob. Même Geralt fut mis à contribution sur la fin, à son grand dam, ce dont les oreilles de ses amis s'en rendirent vite compte - mais ils en avaient tellement l'habitude (Dwimfa excepté) qu'ils ne le remarquaient même plus. Vif sortit enfin de sa torpeur alors que l'air commençait à devenir vraiment irrespirable, mais Dwimfa avait l'impression que la texture de la paroi en face de lui changeait, et que sa solidité n'était plus la même. Il approchait de l'extérieur, il en était convaincu. Bientôt ils seraient tous dehors... où quelque chose de très gros et puissant les attendait certainement.

3 - Souffle glacé et tours de manège
Selon les perceptions de la lionne enchantée, et en particulier son ouïe, digne de celle d'un dragon, le gros lézard qui les avait emmurés les attendait toujours dehors. Il avait certainement suivi leur progression et il devait surveiller leur prochaine sortie avec attention. Jusqu'à présent il s'était montré assez agressif et pas vraiment disposé à écouter les belles paroles ou offres des aventuriers, à la grande surprise de certains qui pensaient qu'on pouvait toujours passer contrat avec un dragon si l'on avait quelque chose susceptible de l'intéresser. Les récentes rencontres avec la gent draconique, assez brutales dans leur ensemble, faisaient dire à certains aventuriers qu'il y avait de la magie dans l'air qui poussait les dragons à adopter un comportement aussi agressif et prévisible.

Dans tous les cas, ça ne faisait pas tellement les affaires du groupe. Par ailleurs, pour les aventuriers coincés dans le boyau où ils devaient avancer à quatre pattes, hobbit excepté, les manœuvres acrobatiques étaient un peu limitées. Dwimfa se prépara donc à faire tomber la dernière portion du tunnel qui les séparait de l'extérieur, puis à se faufiler rapidement entre les membres de Taurgil de manière à lui laisser la primeur de la rencontre avec le Grand Ver ailé. Ce qui fut fait : quelques coups d'épée firent tomber l'extrémité du tunnel, de l'air frais et glacial s'engouffra dans le tunnel, l'Homme des Bois se contorsionna pour passer derrière le grand rôdeur, qui put avancer. Il sortit enfin à l'extérieur, protégé par ses armures, vêtements chauds et magie de potentiel roi dúnadan... et disparut bientôt dans un nuage de particules glacées émises par la bouche du dragon qui passait devant la falaise en volant.

Plus loin dans la caverne, les aventuriers reculèrent devant la vague de froid glacial qu'ils avaient sentie, mais qui ne fit aucun dégât grâce au bon équipement de chacun contre le froid. En revanche, Taurgil était à présent allongé dans la neige, dehors, immobile et comme mort. Tandis que le bruit des ailes du dragon s'éloignait vers la droite, le reste du groupe sortit à son tour. Tous s'éparpillèrent à droite ou à gauche sous un ciel nocturne, sans s'éloigner trop de la falaise dont ils venaient d'émerger, et qui appartenait à une espèce de piton rocheux de moins d'une trentaine de pas de haut et de trois fois autant de large. La plupart des aventuriers prirent position derrière un arbre, un bois de pins ou épicéas rabougris entourant la butte rocheuse, sauf Dwimfa ou Vif qui choisirent, après un moment, de grimper à la falaise pour arriver à un meilleur point d'observation voire de combat.

Au début, les aventuriers ne savaient pas si le dragon allait revenir après avoir fait demi-tour ou s'il allait faire le tour de la butte rocheuse où ils se tenaient. En fait il apparut bien vite que le dragon n'arrêtait jamais de voler en cercle, toujours dans le même sens, si bien qu'il leur présentait toujours son côté droit. Il lui fallait une bonne demi-minute avant de boucler le tour du piton en volant à une douzaine de pas de haut et au moins autant de distance avec la falaise. A cela s'ajoutait le fait de ne voir aucune faille dans son armure visible malgré la hache de Mordin qui semblait en sentir une. Tout ceci fit dire à certains aventuriers que si point faible il y avait, il devait se situer sur le côté gauche du monstre.

De son côté, Isilmë arrivait au grand Dúnadan et put voir qu'il respirait encore - il était vivant. En revanche, il était glacé et sa peau présentait les traces de nombreuses engelures. Vite, elle le tira sur le sol jusqu'à l'entrée du boyau creusé où elle pénétra avec lui. Après avoir mis une petite distance entre l'entrée et elle et surtout ce qu'il y avait à l'extérieur, elle commença à le déshabiller et à utiliser sa magie pour augmenter sa résistance et ses capacités de guérison. Une fois le grand rôdeur nu, elle traita les engelures généralisées avec du baume orc, à la grande douleur de son ami qui avait repris conscience depuis peu. Pendant ce temps, à l'extérieur, elle entendait ses amis bouger, crier parfois - en particulier le nain qui s'adressait au dragon avec son habituelle manière provocatrice - et le dragon frapper de sa queue ou souffler. Puis elle fit de nombreux bandages à son ami, en même temps qu'elle entendait le craquement de troncs d'arbre cassés par la queue du dragon, ou qu'elle voyait apparaître l'un de ses amis qui s'abritait dans le boyau étroit, et en particulier Drilun. Elle put enfin aider l'héritier des rois du Rhudaur à remettre ses affaires, armures comprises, avant de le suivre à l'extérieur où il s'était passé bien des choses.

4 - Positions, changements, tests... et échecs
Rapidement, les aventuriers éparpillés à l'extérieur arrivèrent à quelques conclusions évidentes comme par exemple :
- le dragon n'était pas du tout intéressé par une quelconque discussion
- il prenait grand soin de ne jamais révéler son côté gauche, où devait se situer son point faible
- à chacun de ses passages, il attaquait l'un d'entre eux voire plusieurs
- une fois sur deux il frappait avec sa queue, une fois sur deux avec son souffle glacé
- il ne prenait aucun risque avec les aventuriers
- il était plus puissant que les dragons rencontrés jusqu'alors

Certains des archers avaient tenté de tirer une flèche sur le monstre, sans rien lui faire de plus qu'une égratignure vite oubliée. Sans connaître le point faible du Grand Ver, même avec les flèches magiques spécialement conçues par Drilun pour tuer des dragons, abattre un tel adversaire semblait illusoire à distance. L'archer-magicien dunéen attendait donc de découvrir une faille dans l'armure du dragon pour y planter une de ses fameuses flèches. A défaut, il pouvait envisager de lancer un éclair avec l'aide de son bâton magique, mais il se doutait que l'impact serait assez limité. Ce ne serait pas suffisant pour le tuer et sans doute même le faire chuter, mais cela pourrait servir en cas d'action coordonnée peut-être. En attendant, il préféra se mettre à l'abri à l'entrée du boyau que ses amis et lui avaient creusés pour sortir de la caverne emmurée.

Dwimfa, de son côté, avait choisi la voie des airs : il était monté sur la falaise jusqu'à un endroit d'où il pouvait mieux observer les allées et venues de la bête, voire lui tirer dessus à l'aide de son arc. C'était une position assez élevée, au-dessus du niveau à laquelle le dragon descendait pour les attaquer. En fait leur adversaire prenait toujours un peu de hauteur lorsqu'il s'éloignait d'eux, puis il descendait en prenant de la vitesse lorsqu'il se rapprochait, juste avant de les attaquer. L'Homme des Bois était un peu vulnérable sur son perchoir à un peu moins d'une vingtaine de pas de haut, mais c'était un grimpeur et acrobate hors pair, sans compter sa chance insolente, et il savait qu'il pouvait compter sur tout cela pour lui sauver la mise en cas d'attaque du monstre. En vérité ce dernier ne lui prêta jamais vraiment attention, ou alors il le cacha bien.

Mordin et Geralt concentraient l'essentiel des attaques sur eux. Le premier provoquait le dragon à chaque passage, jouant au chat et à la souris, tandis que le second essayait avec prudence de repérer le point faible du lézard géant en s'éloignant un peu de la falaise pour voir le côté gauche de la bête, au risque de la voir réagir. Ce qui ne manqua pas, et cela les força plus d'une fois à esquiver des coups de queue - avec en général un certain succès - ou à tester l'efficacité de leur équipement à les protéger du froid, tout en tirant parti au maximum de l'environnement pour aider à les protéger, comme des arbres. Arbres que le dragon abattait les uns après les autres, tant pour faciliter ses manœuvres aériennes que pour limiter la protection qu'ils offraient aux aventuriers. Mais au bout du compte, les deux aventuriers n'eurent rien de pire à déplorer que des sueurs (très) froides et de rares contusions. Mordin était plus près de la falaise que Geralt, qui chercha, au bout du compte, une bonne position pour porter une attaque si le dragon descendait assez.

Vif, de son côté, avait choisi elle aussi la voie des airs. Elle avait grimpé à la paroi de la falaise de manière à pouvoir observer le dos du monstre mais n'avait repéré aucun point faible malgré ses sens prodigieusement affûtés. Elle espérait aussi pouvoir lui sauter dessus si l'occasion se présentait, mais aussi être en mesure de descendre rapidement - en sautant - de son perchoir si le besoin s'en faisait sentir. Elle remarqua que le dragon n'approchait jamais assez de la falaise pour attaquer avec sa queue, mais que son souffle avait assez de portée pour cela. A l'occasion elle descendit de son perchoir lorsqu'elle sentit que leur adversaire pouvait être tenté de lui souffler dessus à son prochain passage. Avant de remonter pour lui tendre une espèce d'embuscade.

Rob, pour sa part, comptait sur son apparence inoffensive pour se glisser vers l'extérieur, discrètement, et pouvoir observer le flanc gauche du Grand Ver où devait probablement se trouver son point faible. Malheureusement il avait sous-estimé tant les perceptions du monstre que sa prudence, prudence que l'observation du cadavre du dragon de feu tué peu auparavant avait dû exacerber. Le hobbit, habitué à faire cavalier seul sans écouter ses compagnons parler d'action coordonnée, eut donc le grand déplaisir de voir le dragon lui foncer dessus alors qu'il s'était éloigné, bien loin de l'aide possible de ses amis. Malgré tous ses efforts pour se protéger, le souffle du dragon le gela presque sur place et il se dit qu'il ne devait d'être encore vivant qu'à la chance. Par la suite il s'enterra sous la neige à l'approche du dragon, émergeant ensuite pour essayer de repérer son point faible, mais trop tard. Le groupe n'était parvenu à rien, et certains avaient écopé de blessures plus ou moins sérieuses en attendant. La situation ne paraissait pas bien brillante...

5 - Rodéo aérien
Néanmoins, la féline Femme des Bois avait un plan, nourri par l'attitude assez prévisible de leur adversaire ailé. Jusqu'à présent, l'équipe n'avait rien fait au dragon, à part peut-être lui taper un peu sur les nerfs, et en particulier Mordin. Non seulement il vociférait des insanités à l'adresse du monstre à chacun de ses passages, mais il manipulait aussi sa hache magique dont le manche était fait en os de dragon. Par le passé, les aventuriers avaient pu remarquer que la gent draconique arrivait très bien à reconnaître l'origine de l'arme, et cela ne plaisait guère. Pire encore, même si le nain avait été plusieurs fois l'objet d'attaques du dragon, son excellent équipement l'avait toujours bien protégé et il s'en était sorti sans égratignure ou engelure d'aucune sorte, contrairement à d'autres.

Mais Vif était persuadée que cela allait changer. Son ami à la si grande gueule, malgré sa petite taille, se tenait derrière le tronc d'un arbre assez proche de la falaise. Petit à petit, le dragon avait fait tomber les arbres avoisinants, si bien qu'il pouvait à présent facilement arriver à l'arbre de Mordin sans être aucunement gêné dans son vol. Si ses souffles n'avaient pas eu d'effet, un bon coup de queue devrait remettre les pendules à l'heure, pouvait-elle l'imaginer penser... Elle paria donc sur une attaque de la bête visant son ami nain après un ultime souffle glacé où elle avait pris soin de se réfugier dans le boyau souterrain d'où ils étaient tous sortis. Tout en parlant de son plan aux autres membres de l'équipe pour coordonner leur action, plan traduit de son parler félin grâce aux babioles magiques réalisées par Drilun et que certains portaient toujours.

Après le dernier passage du dragon, Vif grimpa à nouveau à la falaise avec aisance et rapidité, retrouvant le perchoir depuis lequel elle surplombait le passage du dragon, non loin de Mordin qui allait continuer son rôle d'appât. Geralt, de son côté, approchait de la future trajectoire du monstre, anticipant une attaque de la queue pour essayer d'y porter un coup d'épée. Drilun, quant à lui, prépara un éclair magique qu'il comptait lancer sur le monstre dans l'espoir d'au moins l'étourdir ou lui faire quelque dégât. Dwimfa, plus en hauteur, jouait son rôle de vigie, tandis que Rob anticipait le passage du dragon en s'enfouissant dans la neige, sous un buisson au pied d'un arbre. Tout était prêt pour l'arrivée de la créature écailleuse volante, qui ne tarda pas, et qui, comme prévu, se dirigea de manière assez nette en direction du nain et de l'arbre derrière lequel il se tenait. Sa queue puissante se balança, prête à frôler le sol pour tenter de réduire Mordin en purée...

Depuis son perchoir, la lionne enchantée bondit dans les airs en direction de l'aile droite du dragon. Dans le même temps, tandis que le marchand nain à la langue si bien pendue tentait un bond de côté pour éviter la queue du monstre (en se maudissant de n'avoir pas appris à esquiver aussi bien que ses compagnons), le maître-assassin bondissait vers la queue qui venait casser le tronc derrière lequel Mordin se tenait un peu auparavant. Il enfonça son épée magique assez profondément dans l'appendice du Grand Ver, blessure certainement pas mortelle mais qui eut son effet : le dragon était enfin blessé. Vif atterrit sur l'aile du dragon et elle s'y accrocha férocement. L'éclair magique de l'archer-magicien toucha la créature qui marqua le coup, même si l'impact n'avait pas dû être très douloureux pour le monstre. Néanmoins, attaqué et blessé de trois côtés à la fois, il ne réagit pas immédiatement.

Enfin il tenta de se débarrasser de la charge qui pesait sur son aile droite. Mais d'une part il semblait encore un peu étourdi par l'attaque multiple, d'autre part il devait en même temps faire de gros efforts pour redresser son vol et ne pas tomber à terre, efforts rendus d'autant plus difficiles par le déséquilibre provoqué par le poids conséquent de la lionne magique sur son aile. Sans parler des dégâts sur ladite aile : fermement accrochée, Vif jouait de ses pattes arrière, en bon félin qu'elle était, pour faire de la charpie du cuir du dragon. Malgré la solidité du cuir et des écailles du dragon, ses griffes puissantes et enchantées taillèrent l'aile en morceaux. Après un moment, alors que dragon et lionne enchantée s'étaient éloignés de quelques portées de flèche des autres aventuriers, ces derniers virent le vol du monstre ailé faillir. Sortant de sous la neige, Rob ne put - encore une fois - repérer le point faible du dragon, mais il le vit commencer à chuter, comme tous ses amis.

Le Grand Ver n'avait plus l'aile droite assez vaillante pour arriver à supporter son poids dans les airs. Malgré le peu de hauteur qu'il avait pris, sa trajectoire s'infléchissait. A présent il tournoyait et ne faisait que freiner sa chute vers le sol. Quand il fut juste au-dessus des arbres, Vif lâcha l'aile et bondit vers un arbre qui freina sa chute. Elle arriva dans la neige épaisse, sur ses pattes puissantes qui amortirent le choc, qu'elle encaissa sans mal. Puis elle courut vers ses amis en faisant des zigzags pour éviter une éventuelle attaque du dragon. A une certaine distance elle se retourna, ne percevant rien derrière elle, et vit le monstre qui tentait de panser ses plaies. La chute l'avait secoué mais il ne semblait pas avoir trop souffert du choc. Il ne pouvait plus voler, son aile était trop endommagée pour cela, mais il restait tout de même un formidable adversaire. Elle rejoignit ses amis, y compris Taurgil et Isilmë qui venaient d'émerger, pour décider de la suite à donner à leur dernière confrontation.

6 - Histoires d'orcs
L'équipe était loin d'être en grande forme avec plusieurs blessés sérieux, et le dragon était loin d'être mort. Par ailleurs il n'était pas interdit de penser que d'autres pouvaient être tentés de venir se joindre au combat s'il durait un peu. En fin de compte, entre baume orc et soins magiques des mains du grand Dúnadan, les blessures furent traitées et le groupe choisit de laisser le dragon de côté et de suivre sa voie, qui devait l'amener aux Brumes Éternelles, où les elfes auraient sans doute terminé de réaliser de nouveaux équipements magiques pour eux. Un petit détour fut fait pour rester à distance du Grand Ver blessé, et le groupe reprit le chemin du nord, à ski pour la plupart. Le refuge des elfes était distant de peut-être une petite journée de voyage, et Vif et Rob étaient censés se rappeler de l'accès à travers les défenses magiques de la zone par là où ils devaient arriver.

Après quelques heures de progression dans la nuit claire, et ce d'autant plus que la neige reflétait une partie de la lumière crépusculaire, la lionne enchantée fit une découverte peu enthousiasmante : elle repéra une série de traces qui avaient très certainement été faites par des orcs des montagnes proches. D'autres traces confirmèrent la chose : des orcs étaient bien présents, et en particulier des groupes de chasseurs à la poursuite de gibiers les plus divers. Certains d'entre eux furent même repérés à distance, qui eurent le bon réflexe, après avoir estimé la force du groupe, de préférer aller chercher du renfort ou en tout cas ne pas foncer vers une mort certaine. Les aventuriers les laissèrent partir, sans se bercer trop d'illusion pour la suite.

Suite qui ne manqua pas : plus tard et à plus d'une occasion, des escouades plus grosses et belliqueuses eurent la mauvaise idée de chercher des noises au groupe. Lequel groupe avança sans trop se préoccuper des orcs, à l'exception de la féline Femme des Bois qui alla au-devant des gêneurs. Ses amis ne tenaient pas trop à perturber un tour d'elfe d'Isilmë qui chantonnait un air magique leur permettant d'avancer plus vite et sans fatigue. Les orcs découvrirent bien vite que leurs armes et leurs compétences étaient assez inefficaces contre la lionne enchantée, dont les griffes et l'adresse pouvait les réduire en charpie sans qu'ils ne puissent rien y faire. Les plus chanceux ou les plus lents à attaquer s'enfuirent vite pour aller raconter au reste du clan ce qui s'était passé.

Au bout de quelques heures, alors que la présence des orcs était clairement visible au vu des traces nombreuses dans la neige, c'est toute une petite armée de peut-être deux cents orcs qui arriva au contact des aventuriers. Une fois de plus, Vif se porta au-devant d'eux et commença à faire un carnage, jusqu'au moment où le vide se fit autour d'elle, tandis que le chef des orcs apparaissait, armé d'une arme manifestement enchantée et volée à des Lossoth. Ce qui ne fit pas grande différence pour la lionne enchantée, qui prit juste quelques précautions pour ne pas se faire toucher et rapidement réduire la tête du chef en lambeaux. Après quoi le reste de l'armée s'éparpilla aux quatre coins de l'horizon et le cadavre du chef put être tranquillement fouillé. En plus du harpon magique qu'il maniait, il avait utilisé de la magie noire à l'aide d'une perle maudite, perle qui fut bientôt brisée en mille morceaux grâce à la magie du bâton de Drilun. Puis le groupe reprit sa route après cette courte pause.

En fin de compte les aventuriers arrivèrent à proximité des Brumes Éternelles et surtout des protections magiques que les elfes y avaient placées pour se protéger des ennemis divers et variés. Il ne fut pas si simple que cela de retrouver le droit chemin pour arriver jusqu'au lac d'eaux tièdes et soufrées, mais entre les connaissances acquises lors de leur précédent passage et les perceptions magiques du hobbit voire de la féline Femme des Bois, le labyrinthe magique put être résolu. Les huit aventuriers trouvèrent ou retrouvèrent les elfes qu'ils avaient laissés là une douzaine de jours auparavant, et qui avaient effectivement terminé de réaliser bon nombre d'équipements commandés. Tout n'était pas encore achevé, et par ailleurs Dwimfa, nouveau venu, n'avait pas été prévu dans la liste des équipements. Il fut d'ailleurs présenté aux elfes qui s'intéressèrent bien à lui et à son passé. Après quoi l'équipement enchanté fut distribué et les aventuriers réfléchirent à leur destination suivante.
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Niemal
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Grand Nord - 17e partie : vous ne passerez pas !

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1 - Destination à trouver
Les aventuriers, enchantés par leur nouveau matériel, ne purent s'empêcher d'en demander davantage. En effet, après réflexion, le groupe choisit de rester deux ou trois jours de plus que prévu. Les blessés allaient très rapidement être sur pied, donc ce n'était pas pour cette raison. Mais en revanche, entre un équipement plus complet pour Dwimfa, le remplacement de certaines affaires mises à mal par le souffle des dragons - en particulier le souffle enflammé - et la volonté d'être les mieux préparés possible, donner davantage de temps aux elfes pour leur fournir encore plus de matériel enchanté ou de qualité ne paraissait pas si superflu que cela. Pourtant les habitants des Brumes Éternelles avaient d'autres choses à faire, y compris certains objets plus longs à réaliser. Ils avaient tout de même conscience de l'importance de la quête de Vif et ses amis et ils trouvèrent du temps pour les satisfaire.

Entretemps, le choix de la future destination du groupe ne fut pas une mince affaire. Taurgil et compagnie hésitaient en effet entre deux objectifs. L'un d'eux était d'aller récupérer les objets magiques des anciens amis de Dwimfa. Ce dernier avait en effet sauté du bateau volant qui les emmenait tous et qu'une tempête, sans doute déclenchée par Eloeklo, emportait vers les parois des montagnes où le démon était emprisonné, les Ered Muil ("Montagnes de la Désolation") ou les Aeglir Arvethed ("Pics sans Fin"). En dehors de Gillowen, la magicienne possédée par ledit démon, personne n'avait survécu. Or tous possédaient des objets magiques très puissants dont les nouveaux amis de l'Homme des Bois auraient bien besoin pour combattre l'occupant du Puits de Morgoth, par exemple. Ces objets restaient sans doute inutilisés, ou du moins ceux dont la magicienne possédée n'avait pas vraiment l'usage. Restait à trouver l'emplacement du crash du bateau volant, les corps, leurs possessions... pour autant qu'il était possible qu'Eloeklo les laissât faire.

A côté de cela, il semblait que la visite de Canadras ("Quatre Cornes", en sindarin) pouvait apporter son lot de précieuses informations. Canadras était le nom donné à une péninsule au nord des Ered Muil. Mais surtout, elle devait son nom à un célèbre dragon qui en avait fait sa demeure et son territoire. Les "Quatre Cornes" faisaient référence à la tête du dragon, aux écailles grises, qui comportait sur le dessus deux cornes recourbées à la manière d'un bélier et deux autres cornes pointues plus bas et sur le côté qui lui servaient à embrocher ses victimes. Mais surtout, c'était un dragon assez ancien, peut-être le plus puissant de tous ceux qui vivaient encore sur les anciennes terres de Morgoth, le Noir Ennemi du monde. Non qu'il fût un dragon immense capable de tout balayer sur son passage : avant toute chose c'était un érudit et un puissant magicien pour qui le savoir - magique entre autres - était plus précieux que les trésors physiques. C'est certainement lui qui connaissait le mieux les futurs adversaires de l'équipe, et les manières de les combattre ou de les tromper.

Les deux destinations envisagées étaient sensiblement aussi éloignées l'une que l'autre. La première envisagée, les artefacts autrefois possédés par les amis de Dwimfa, devait se trouver vers le sud des montagnes susmentionnées, car c'est là que Dwimfa avait atterri et s'était enfui après sa chute. Ce qui laissait une zone de montagnes arides considérable à explorer. Et de plus ces montagnes n'étaient guère habitées que par des orcs et des trolls des neiges : en dehors de se manger les uns les autres, ils passaient leur temps à monter des raids et expéditions pour aller piller les ressources des Lossoth ou autres plus à l'est, au sud ou à l'ouest, ou éventuellement à chasser le phoque et la baleine dans les eaux glacées plus au nord. Quant à savoir si Eloeklo les laisserait récupérer les objets magiques convoités sans intervenir, c'était une question à laquelle les aventuriers ne pouvaient raisonnablement répondre de manière positive.

Au nord, le dragon pourrait apporter des renseignements précieux à défaut de matériel puissant. Mais non seulement c'était un être redoutable capable d'ensorceler bien des héros, d'autre part ses conseils n'étaient jamais gratuits. Que pouvaient bien lui proposer Drilun et ses compagnons en échange de son savoir ? Certains se disaient que malgré son faible attachement pour les possessions matériels, il ne cracherait pas sur un artefact magique ou deux. C'est avec cet objectif en tête qu'ils n'avaient pas détruit la masse magique de feu Gorovod, l'ancien Grand Sorcier (Fhalaugash) de Dol Guldur. Cela, plus les quelques connaissances qu'ils pouvaient avoir, pourrait peut-être intéresser le dragon. Suffisamment pour le contenter et permettre de fructueux échanges, par contre, ils en doutaient. Aussi Dwimfa proposait-il plutôt de passer d'abord récupérer les affaires de ses anciens compagnons, dont un fabuleux grimoire magique permettant de lancer un nombre infini de fois de très nombreux sortilèges...

2 - Nouveaux éléments et choix final
Un autre élément à prendre en compte était le trajet. Au départ, il paraissait plus raisonnable de commencer par le chemin du sud : d'une part le soleil pouvait-il encore faire de timides apparitions au sud, s'ils commençaient par là. Dans le cas contraire, en commençant par Canadras plus au nord, ils n'auraient que la perpétuelle nuit du Grand Nord tant au nord qu'au sud, car l'hiver approchait vite et serait là dans un mois et demi environ. D'autre part, pour aller dans la péninsule de Canadras, il semblait intéressant de traverser la Baie de la Désolation (Hûb Lostas). A cette époque de l'année les glaces s'étaient déjà reformées sur l'eau, mais attendre un peu plus les rendrait plus solides. Néanmoins, ces deux arguments n'avaient de poids que si les aventuriers partaient vite et ne tardaient pas en route. Ce dont certains doutaient, et la suite leur donna raison. En fin de compte cet élément ne pesa donc guère dans la balance.

La nature des objectifs, les informations ou matériels à aller chercher, occupèrent davantage les esprits. Dwimfa fut interrogé sur les possessions magiques de ses anciens amis. Il leur parla alors de ce dont il se souvenait, à commencer par le Suimbalmynas, un livre de runes magiques réutilisables à l'infini écrit par un homme nordique, dans sa langue. A défaut d'intéresser le dragon, d'autres objets très puissants pourraient certainement leur servir : Gwaedhel ("Sœur de Serment"), une fantastique épée protégeant de la peur et autres pouvoirs des morts-vivants ; l'Eargil ("Etoile de Mer"), un joyau aux multiples pouvoirs (défense physique, stimulant magique, boussole magique...) ; un arc de lumière capable de créer des flèches magiques de lumière solide à volonté ; une amulette susceptible d'invoquer et de commander une boule de feu vivante ; un bâton de lumière pouvant attirer et maîtriser la foudre ; un talisman maudit permettant de se transformer en chauve-souris... Sans parler des multiples armes ou armures (mithril compris) ou autres babioles utiles comme une ceinture protégeant de tous les éléments.

Néanmoins, ces artefacts, aussi utiles fussent-ils, n'étaient pas si importants que cela face à des adversaires tels que Durlach ou Eloeklo, anciens lieutenants de Morgoth qu'on pouvait chacun qualifier de balrog ou "démon de puissance"... Plus que des armes, l'équipe aurait davantage besoin de la connaissance la plus fine possible de ces ennemis, afin de savoir les affronter directement ou indirectement. Et s'il était un être qui les connaissait bien, cela devait être Canadras : la connaissance était son fonds de commerce et sa raison de vivre. Toute sa longue vie avait été consacrée à augmenter son savoir sur les personnages plus ou moins puissants du Grand Nord, à travers ses espions ou ses recherches magiques. Car c'était un puissant sorcier, d'après Nestador, maître des Brumes Éternelles.

En fait Drilun et ses amis apprirent que le dragon avait déjà été en contact avec les elfes des Brumes. En effet, au sud de Canadras (la péninsule) et à l'extrémité nord des Ered Muil, les Montagnes de la Désolation, se trouvait une montagne spéciale appelée Orod Certhas, la "Montagne des Runes". Elle était appelée ainsi en raison de ses falaises de granite sur le versant nord, falaises inscrites de nombreuses runes par les soins des elfes de Brumes Éternelles. Cette encyclopédie magique que Nestador et les siens continuaient d'enrichir semblait protégée de toute dégradation des orcs ou dragons, mais à tout le moins elle intéressait vivement Canadras, qui venait toujours voir une nouvelle rune avant qu'elle ne soit recouverte par la neige. Le dragon magicien n'avait jamais essayé d'attaquer les elfes, reconnaissant sans doute leur puissance ou trop content de profiter de leur travail étrange que Nestador n'expliqua qu'imparfaitement, parlant de quête mystique aussi bien personnelle que collective.

En tout cas le dragon gris était connu des siens, ils savaient où il habitait - une ancienne demeure des elfes des neiges, les Lossidil. Le Grand Ver ailé avait aussi la particularité d'héberger de nombreuses runes magiques sur ses écailles, runes inscrites par des artisans ensorcelés - comme certains nains de Vasaran Ahjo - et chargées magiquement par les pouvoirs du dragon lui-même. Beaucoup étaient des runes de protection contre les armes ennemies, mais pas seulement. Les cavernes elles-mêmes irradiaient la magie et devaient comporter aussi leur lot de runes. Par ailleurs, l'entrée des cavernes était à flanc de falaise, une vingtaine de pas au-dessus du niveau de la mer plus bas, à une trentaine de pas du sommet. Le sentier escarpé que les elfes des neiges avaient autrefois creusé dans la falaise avait depuis longtemps été détruit par le nouvel occupant des lieux. Lieux qui n'étaient donc accessibles qu'en volant ou en grimpant...

Au bout du compte, la nature moins agressive du dragon fut un élément qui pencha fort dans la balance. Geralt le résuma très bien en disant que s'ils allaient chez Eloeklo et qu'ils en mouraient, le démon utiliserait leurs possessions pour nuire à la Terre du Milieu et parvenir à ses fins. Au contraire, Canadras les garderait pour lui sans les utiliser, se contenant juste de les étudier dans le meilleur des cas... Par ailleurs, en plus de quelques babioles ou connaissances diverses que le groupe pouvait fournir au dragon, il y avait un service que Canadras pourrait apprécier : l'archer-magicien dunéen pouvait inscrire des runes sur les écailles du dragon ou peut-être parler magie avec lui, le faire profiter de son propre savoir. Peut-être le dragon serait-il assez puissant pour l'envoûter et le pousser à donner tout cela sans rien en échange, mais c'était un autre élément dont les aventuriers pouvaient peut-être se prémunir. En tout cas, le groupe commencerait par aller voir Canadras.

3 - Première sortie
Fort de cette décision et de leur nouveau matériel, et après avoir soigneusement planifié leur trajet dans le Grand Nord jusqu'à la demeure de Canadras, Vif et ses amis se mirent en route. Non sans un premier accrochage au moment de prendre leurs bagages : Dwimfa avait décidé, comme il l'avait fait jusqu'à présent, de porter les robes enchantées - et maudites - de feu Gorovod sur lui. Ce qui ne plut pas du tout au maître-assassin du groupe. S'il était d'accord pour croire Dwimfa sur parole quand ce dernier lui dit qu'il savait résister au pouvoir corrupteur de l'objet, en revanche il rappela que la corruption s'étendait à tous les être proches, qui risquaient de voir grandir en leur cœur un désir incontrôlé pour lesdites robes. Bref, il ne voulait pas que l'Homme des Bois les portât, préférant qu'elles soient remisées dans un sac pour servir uniquement quand un combat se profilerait à l'horizon. Le dernier arrivé dans le groupe fit d'abord la sourde oreille, si bien que Geralt décida de rester chez les elfes. Mais quand Drilun annonça qu'entre le balafré et l'ami de Vif il privilégiait clairement le premier, Dwimfa accepta de mettre les robes de côté et de les sortir seulement le bon moment venu. Et ils purent partir tous ensemble.

Après avoir correctement géré le passage à travers les barrières magiques grâce aux compétences de la lionne enchantée et du hobbit, ils arrivèrent au sud de la vallée, côté est de la baie. Le temps était un peu maussade sans être franchement mauvais : ciel bas et nuageux avec quelques flocons de neige qui tombaient çà et là, mais rien de très méchant. En revanche, les sens exercées de la féline Femme des Bois l'avertirent bien vite de quelques obstacles sur leur chemin : deux dragons se tenaient à terre à quelques portées de flèche de là, dans des bois, un peu éloignés l'un de l'autre mais pas assez pour espérer pouvoir passer entre les deux. Par ailleurs, caché dans les nuages bas, Vif pouvait entendre le passage régulier d'un dragon ailé au-dessus de la bande de terre sur laquelle ils se trouvaient. Ils étaient attendus, et manifestement ils avaient déjà été repérés.

Les elfes de Brumes Éternelles avaient prévenu que le groupe, bardé d'objets magiques fraîchement (et rapidement) réalisés, émettait une telle signature magique que toutes les créatures un peu sensibles aux émanations des sortilèges - dont certains membres de l'équipe - pouvaient les suivre à la trace à des miles de distance. Et par ailleurs, Nestador et les siens avaient expliqué pourquoi les dragons de la région étaient si agressifs et peu enclins à faire autre chose que combattre et tuer, oubliant même parfois de se disputer entre eux : par esprit de vengeance. Depuis des milliers d'années et la fameuse bataille qui avait coûté la vie à de nombreux elfes et dragons, il existait une inimitié particulière entre leurs deux groupes. Les dragons n'auraient de cesse de détruire les elfes de Brumes Éternelles, leurs réalisations et leurs amis. Or le groupe d'aventuriers portait de plus en plus sur eux la signature magique des elfes que les dragons s'étaient juré de combattre jusqu'à la mort...

En raison de cela et de quelques divinations magiques de Drilun qui lui indiquèrent que deux dragons avaient des souffles magiques, certains aventuriers commencèrent à penser qu'une retraite prudente étaient préférable. Mais lorsque le groupe commença à faire prudemment demi-tour en direction des protections magiques peu éloignées - une poignée de portées de flèche tout au plus - les dragons perçurent leur mouvement et se dirigèrent tous dans leur direction, deux à terre et un en l'air, plus rapide que les deux autres. Après un moment d'hésitation, où certains se mirent à accélérer vers la protection magique réalisée par les elfes alors que d'autres auraient voulu tenir et combattre, ce fut la débandade : Vif prit Mordin et Drilun sur son dos et filait vers l'entrée magique de la vallée tandis que les autres poussaient sur leurs bâtons pour faire avancer leurs skis le plus vite possible dans la même direction.

La lionne enchantée déposa ses deux amis qui avaient magnifiquement réussi à tenir sur son dos malgré ses bonds puissants. Plus loin, Dwimfa arrivait en premier, suivi par le hobbit non loin. Après lui, Geralt et Isilmë, bien qu'à une distance similaire, étaient éloignés suffisamment l'un de l'autre, pour ne pas constituer une cible unique trop tentante. Taurgil, lui, fermait la marche - ou plutôt la glisse - un peu plus loin. Lui ne pourrait pas éviter l'attaque du dragon ailé, qui pouvait sans doute choisir une deuxième cible entre l'elfe et l'assassin balafré. Le dragon noir et blanc hésita un bref moment entre les deux, tout en s'apprêtant à engloutir le Dúnadan dans son souffle glacial : il reconnaissait l'elfe à son odeur et était naturellement tenté de la tuer plutôt qu'un autre, mais l'humain à sa portée était bien plus bardé d'objets en os ou cuir de dragon que la guerrière elfe. Mais au bout du compte sa haine des elfes fut la plus forte : il projeta un nuage de glace qui transperça Taurgil jusqu'aux os, malgré ses protections et son ultime refuge derrière un arbre, puis vira un peu pour engloutir Isilmë qui connut un sort similaire. Tous deux sentirent presque leur cœur s'arrêter de battre, mais leur raison et leur corps furent les plus fort et ils restèrent vivants, et debout, et tentèrent de continuer à avancer avant l'arrivée des autres dragons, bien que plus lentement.

Le dragon ailé s'était trop avancé et malgré sa manœuvre aérienne il fut sujet aux protections magiques établies par les elfes de Brumes Éternelles. Bientôt il subissait les assauts fantomatiques d'un adversaire imaginaire mais qui semblait le blesser pour de bon, et il ne s'occupa plus des aventuriers. Vif en profita pour voler au secours de ses amis blessés, tandis que les autres finissaient d'arriver. Elle arriva au niveau de Taurgil tandis qu'un des deux dragons au sol arrivait plus vite que l'autre. En fait c'était un dragon ailé qui était resté au sol, et sa couleur rouge-orangé ne laissait rien présager de bon, car souvent elle était en lien avec un éventuel souffle, qu'elle devinait donc brûlant. Le dernier dragon, plutôt vert-bleu, était trop éloigné et ne serait pas une menace. Le Dúnadan laissa ses skis et monta sur le dos de la lionne, parvenant à s'y accrocher fermement malgré le froid qui lui gelait le corps. Puis Vif bondit vers Isilmë, où la même opération fut renouvelée, juste comme le dragon arrivait et ouvrait la bouche. La féline Femme des Bois eut beau bondir de toute la force de ses puissantes pattes, elle ne put éviter complètement le feu brûlant qui les engloutit en partie tous les trois.

Vif était en partie protégée par ses amis et ne perdit que des poils (et gagna une bonne suée). L'elfe était peut-être un peu mieux protégée magiquement et, couchée sur le dos de la lionne, elle ne souffrit que légèrement de brûlures causées par le souffle enflammé. En revanche, le grand rôdeur passa d'une sensation de froid intense à celle d'une insupportable fournaise. Avec l'aide de l'elfe et par un effort de volonté il se maintint sur le dos de la lionne, jusqu'à arriver en sécurité. Plus loin, les magies elfiques s'activaient et les dragons furent trop occupés à combattre des ennemis imaginaires ou eux-mêmes pour être une réelle menace. Mordin et Drilun étaient occupés à tenter de percevoir leurs points faibles, sans grand succès, mais le hobbit était plus perceptif et put, avec l'aide de la lionne, percevoir une zone plus sombre de l'aisselle avant droite du dragon volant. Il arriva à y envoyer une de ses flèches avant le départ du dragon, mais même s'il pensa l'avoir blessé ce ne fut sûrement pas bien grave. De son côté, l'elfe du groupe, malgré sa blessure, déshabillait leur ami dúnadan pour le soigner avec sa magie et des bandages propres : après avoir été gelé puis brûlé vif, il n'avait pour ainsi dire plus de peau sur le dos.

4 - Guérison et nouvelle attente
Malgré son dos qui la faisait souffrir et qui saignait, Isilmë parvint à stabiliser l'état de son ami dúnadan et à l'empêcher de saigner à mort, tandis qu'elle-même s'affaiblissait. Mais ensuite Rob prit le relais et stabilisa l'état de son immortelle amie. Du baume orc fut également utilisé pour aider à sa guérison, ce qui n'avait pu être envisagé pour Taurgil : ses blessures étaient si étendues que l'utilisation du baume l'aurait complètement transformé visuellement. Il aurait été couvert de cicatrices sur tout le corps, et n'aurait sans doute pas été très beau à voir. Par contre, le hobbit et la féline Femme des Bois s'empressèrent d'aller chercher leurs amis elfes, dont certains étaient d'excellents soigneurs, en espérant des remèdes tout aussi efficaces et entraînant bien moins de séquelles que le remède orc, aussi efficace fût-il.

Les elfes, qui avaient senti le combat à distance, vinrent à leur rencontre et aidèrent les blessés à guérir. Il fallut tout de même une semaine complète de repos forcé à l'héritier des rois du Rhudaur pour guérir complètement. Heureusement, les soins de Nestador étaient si puissants que Taurgil n'en garda que de légères traces qui ne nuisirent aucunement à son charme naturel. Dans le même temps, les elfes prévinrent le groupe que l'expérience risquait de se reproduire, d'autant que le temps à venir ne serait pas du côté des aventuriers : à la fin de la guérison du Dúnadan le ciel serait clair et rien n'empêcherait les dragons de leur tomber dessus comme précédemment. En fait, il fallait attendre onze jours avant de voir arriver un vrai blizzard qui bloquerait sans nul doute une bonne partie des capacités des dragons à les percevoir physiquement, ou les empêcherait de voler.

Tandis que certains elfes travaillaient à fournir de nouveaux matériels au groupe, et notamment ceux détruits par les dragons, Drilun choisit d'étudier divers grimoires en possession des elfes des Brumes Éternelles, et en particulier ceux traitant de la réincarnation des Maiar. En effet, entre Durlach, Eloeklo et Tevildo, ils se retrouvaient face à trois de ces anciens serviteurs des Valar, tous passés au service de Morgoth lors du Premier Âge. Or le dernier n'avait plus de forme lié à lui et devait donc se recréer un corps pour recouvrer tous ses pouvoirs. D'après ce qu'il lut, les Maiar pouvaient facilement changer de corps à deux conditions : la première était de ne pas trop s'attacher à un corps physique particulier, la seconde de changer volontairement d'enveloppe charnelle, et non de la perdre par accident. Si ces deux conditions n'étaient pas remplies, la création d'un nouveau corps était un processus lent et difficile qui nécessitait beaucoup d'énergie. Énergie qui pouvait être trouvée dans les forces vives de l'esprit, ou bien dans une émanation magique particulièrement puissante, comme celle liée à un puissant artefact. Également, cette énergie pouvait être considérablement amoindrie dans le cas de la possession d'un corps existant déjà si le Maia en question avait un lien fort avec ledit corps...

L'archer-magicien du groupe n'en resta pas là et il profita aussi de la chambre spéciale des visions - un sauna - qu'utilisaient les elfes des Brumes Éternelles pour améliorer leurs visions magiques. Même sans voir les étoiles il put ainsi les imaginer et avoir une expérience onirique concernant l'objet de sa curiosité, à savoir Canadras. De sa transe magique il en retira la certitude que le dragon apprécierait énormément de compléter sa collection de runes sur ses écailles, et tout ce qui pourrait le rendre plus puissant magiquement. De fait il étudia aussi l'écriture de runes magiques sur des écailles de dragon. En fait il profita de ce savoir pour réaliser un rouleau résumant les informations les plus intéressantes susceptibles de l'aider à une telle tâche.

Après une semaine le groupe se réunit pour décider de la date de leur prochain départ. Certains trouvaient stupide de sortir par beau temps et risquer une mort inutile alors qu'il était si simple d'attendre quelques jours pour avoir des conditions météorologiques idéales pour passer en catimini. Néanmoins la majorité préféra tenter une deuxième sortie sans attendre plus, mais en étant davantage prudents et sur le qui-vive. Ce qui signifiait par exemple sonder l'espace qui s'offrirait à eux avant même de sortir complètement des zones de protection magique ; ou encore d'utiliser les onguents de protection contre les éléments qu'ils possédaient avant de tenter une sortie en présence d'un ou de plusieurs dragons.

5 - Deuxième et troisième sorties
Les aventuriers prirent donc à nouveau leurs cliques et leurs claques pour se retrouver près de la même sortie du labyrinthe des protections magiques qu'ils avaient empruntée une semaine auparavant - la féline Femme des Bois et le hobbit commençaient à bien connaître le chemin. Une fois de plus, Dwimfa avait ôté les robes maudites de Gorovod pour ne pas offenser Geralt. Alors qu'ils étaient encore sous la protection de la magie des elfes de Brumes Éternelles, Vif sonda les environs avec ses fantastiques perceptions, secondée par Geralt et les autres membres du groupe les plus perceptifs, tandis que Drilun utilisait sa magie pour détecter la présence au sol d'adversaires les plus divers. Notamment ceux de plusieurs tonnes, particulièrement fréquents autour de la vallée protégée... à leur grand dam.

Hélas, comme ils s'y attendaient, ils étaient encore attendus. Trois dragons étaient présents dans les environs, deux à terre et un dans les airs. Ce dernier ressemblait furieusement à celui qu'ils avaient déjà croisé une semaine auparavant, et il n'était pas possible de visualiser les deux autres, cachés dans les bois qui entouraient la vallée. En revanche, des divinations magiques de l'archer-magicien dunéen apportèrent les informations essentielles à leur sujet : une fois de plus, un cracheur était présent à terre. Afin de ne pas réitérer la même expérience négative que la semaine passée, après rapide discussion, les membres du groupe furent d'accord pour rebrousser chemin et tenter un nouveau passage quatre jours plus tard, lorsque les conditions météorologiques leur seraient plus favorables. Et par ailleurs, la signature magique sur leurs objets fraîchement enchantés serait un peu plus faible, ce qui ne pourrait être un mal, à défaut de leur garantir une grande discrétion.

Quatre jours supplémentaires furent donc consacrés au repos (Geralt), à l'étude des sorties et entrées de la vallée des elfes (Vif), ou tout simplement à essayer d'en apprendre plus sur les êtres qu'ils s'apprêtaient à rencontrer, et en particulier Canadras. Ou à se demander où était à présent le cavalier noir venu de Dol Guldur qui les pourchassait depuis des mois, et autres joyeusetés prêtes à leur tomber sur le paletot. Les elfes de Brumes Éternelles les aidèrent du mieux qu'ils purent, avec de nouveaux matériels magiques ou de qualité, dont certains à réaliser pour plus tard. En effet, vu le trajet à parcourir, Taurgil et ses amis ne comptaient pas revenir là avant au moins un mois. Et Eru savait ce qui pouvait se passer d'ici là question événements imprévus et retards en tout genre...

Enfin, le jour de la troisième sortie (ou tentative) arriva enfin. Comme prévu, le temps était détestable, à ne pas mettre le bout du nez dehors, ce qui entraîna immédiatement une chute du moral du balafré aux cheveux blancs : les efforts n'étaient jamais le fort de Geralt, et vu le sale temps qu'ils allaient devoir endurer, il n'était pas à la réjouissance. Les températures étaient très basses, les vents violents, la neige abondante... à tel point que si les dragons n'étaient pas capables de les repérer, certains se demandèrent comment eux-mêmes allaient pouvoir se repérer et partir dans la bonne direction. La lionne enchantée était néanmoins confiante, d'autant que Drilun pouvait magiquement calmer en partie les éléments autour d'eux, une fois qu'ils seraient suffisamment loin des dragons. En tout cas, Vif était contente de pouvoir profiter de la cape isolante que les elfes lui avaient confectionnée, qui lui permettait de mieux résister au froid. Elle ne serait pas de trop !

A l'orée de la vallée ou plutôt de ses protections magiques, les aventuriers suspendirent leurs pas. Vif ne percevait rien en dehors du mauvais temps, aucune présence perceptible. Par contre le Dunéen annonça grâce à sa magie qu'un dragon se tenait au sol dans les bois face à eux. Il ne serait sans doute pas dur à contourner si le groupe était assez discret. Cela étant, bardés de magie comme ils étaient, les huit compagnons ne pouvaient espérer une totale invisibilité. D'un autre côté, un dragon solitaire ne serait peut-être pas un trop gros obstacle pour eux. En espérant qu'il n'appelât pas de renfort s'il percevait leur présence ou si un combat avait lieu... Plein d'espoir ou de craintes, le groupe s'avança vers son destin. Et ce n'était que le tout début d'un long voyage qui allait les faire rencontrer un des personnages les plus puissants du Grand Nord...
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Grand Nord - 18e partie : poursuite en noir et blanc

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1 - Obstacle franchi !
Les sens particulièrement affûtés de la lionne enchantée lui permettaient de percevoir la présence de la mer non loin malgré le temps détestable. A l'occasion elle pouvait parfois entendre ou sentir les vibrations que le dragon faisait quand il se déplaçait un peu, et il n'était pas discret. Lui passer sous le nez, sans qu'il puisse entendre ou sentir les huit aventuriers, semblait tout à fait faisable par un temps pareil. En fait, à part Vif, ses amis étaient complètement perdus et ne percevaient rien au-delà du bout de leur bras, et encore. Ils faisaient confiance à la féline Femme des Bois pour les guider quelque part - en s'attachant les uns aux autres de préférence, pour ne pas se perdre - et ils pensaient que le dragon aurait bien du mal à les repérer physiquement. Là n'était pas le problème.

Car le groupe portait moult objets magiques sur ses membres, certains bien récents, faits dans la hâte, et donc avec une signature magique bien perceptible. Et ça, un dragon n'aurait sans doute pas grande difficulté pour le sentir. Le groupe fit alors le point sur toute sa panoplie magique, active ou non. Des objets furent retirés et placés dans des sacs faits de fibres de cembereth, ces arbres trouvés dans la région des Brumes Éternelles et qui avaient des propriétés anti-magie. Les objets placés dans ces sacs seraient moins faciles à percevoir par les sens magiques du gros Ver. Cela serait-il suffisant pour arriver à lui passer devant sans l'alerter ? Beaucoup en doutaient et se préparaient, dans leur tête, à affronter bientôt le dragon...

Mais Rob se souvint alors qu'il portait sur lui - et contre la volonté d'Isilmë, qui aurait préféré le garder - l'anneau elfique trouvé au doigt de Gillowen, l'ancienne amie de Dwimfa à présent possédée par Eloeklo. Or cet anneau, une fois porté, avait la particularité d'absorber et d'annuler les énergies magiques environnantes... Porter cet anneau était également comme une drogue et il pourrait corrompre son porteur au bout du compte, chose que les compagnons d'Isilmë avaient déjà pu remarquer chez cette dernière. D'un autre côté, le hobbit n'était nullement un elfe, mais les gens de sa race avaient la particularité d'être peu réceptifs - voire carrément très résistants - à la magie et à ses pouvoirs de corruption. Si Rob mettait l'anneau au doigt, peut-être cela ne l'affecterait-il pas trop et ils pourraient passer au nez et à la barbe du dragon sans qu'il sente la magie qu'ils portaient sur eux...

L'idée fut mise en œuvre et Drilun constata vite que la magie était bien plus difficile à réaliser dorénavant, même si ce n'était pas impossible. Et ceux qui étaient perceptifs aux énergies magiques sentaient bien que toute cette magie était à présent presque invisible. Ils laissèrent donc l'anneau au doigt du hobbit, et le soin à Vif de les emmener vers le sud. Ils quittèrent donc les protections magiques que les elfes de Brumes Éternelles avaient placées aux alentours pour se protéger des dragons, et ils avancèrent dans le vent, le froid et la neige. La lionne enchantée portait le petit hobbit sur son dos, tandis que les autres suivaient derrière. Certains avaient leurs skis, tandis que d'autres utilisaient des bottes enchantées qui permettaient de ne pas s'enfoncer dans la neige, et qui marchaient tout de même en présence de l'anneau elfique. Du moins tant qu'il ne venait pas en contact direct avec ces objets, car sinon il pouvait définitivement annuler leur magie.

Progresser ainsi fut très difficile, ils avançaient lentement, très lentement. Au moins ne furent-ils pas assaillis par un grand lézard de plusieurs tonnes capable d'engloutir n'importe lequel d'entre eux en une bouchée... Certains, forts et endurants, ou à l'aise sur leurs skis ou dans les éléments déchaînés, prenaient leur mal en patience sans se faire plus de mouron. D'autres avaient plus de mal, comme Geralt dont le moral chutait de plus en plus devant tant d'efforts, ou Drilun et Isilmë dont la capacité à avancer à ski ou à pied dans un pareil blizzard avait ses limites, et leur endurance encore plus. Après plusieurs heures d'efforts, ils avaient bien avancé mais le dragon était encore à portée, peut-être à cinq miles de distance, et plusieurs membres du groupe étaient épuisés, malgré la lionne enchantée prête à servir de taxi pour d'autres que le seul hobbit. Il fallait se rendre à l'évidence : ils devaient arrêter leur progression et faire un camp de fortune pour permettre de se reposer.

2 - Voyage et rencontres
Ils commençaient à bien connaître les techniques de survie des Lossoth, au moins pour une partie d'entre eux. Ils tassèrent donc la neige autour d'eux - et elle ne manquait pas - pour ensuite creuser un trou pour chacun d'eux dans lequel se blottir. Cet "igloo rapide" leur permit de connaître une période de repos tranquille - aussi long qu'une véritable nuit - sans aucun incident. De toute manière, à cette endroit et à cette époque de l'année, le soleil ne se levait plus et la nuit devait durer deux ou trois mois. Et avec ce qu'il tombait, un éventuel jour serait passé complètement inaperçu. Fatigués, ils ne se firent pas prier pour s'endormir. Geralt pesta après le manque de magie qui l'empêchait de bénéficier d'un sommeil réparateur plus profond. Mais il préféra cela plutôt que de dormir à part, loin de l'anneau elfique que portait toujours le hobbit, et d'être la cible d'un sort d'Isilmë qui pourrait éventuellement attirer le dragon sur lui.

Lorsqu'ils furent tous reposés, ils se remirent en marche avec précaution, Vif percevant parfois encore les vibrations d'un dragon pas si loin que ça. Le blizzard n'avait pas faibli, mais elle percevait toujours la présence des eaux chaudes des Brumes Éternelles s'écoulant dans la baie proche, ce qui lui permettait de se diriger vers le sud. Ils avancèrent donc encore plusieurs longues heures, et les bruits du dragon s'estompèrent enfin. Puis ils firent une nouvelle halte quand ils furent nombreux à être trop épuisés physiquement ou nerveusement pour continuer encore. Pendant la nuit, la féline Femme des Bois perçut les vibrations d'un lourd bipède qui passait non loin de là, sans doute un géant à la recherche de quelque proie, mais il était trop loin d'eux et ils étaient trop bien cachés dans la neige, donc il passa son chemin et elle se rendormit bientôt.

Le lendemain fut similaire à la veille, mais le hobbit retira l'anneau et ils prirent moins de précautions, voire utilisèrent leurs magies pour aider à avancer plus vite. Taurgil en particulier interrogea les éléments naturels pour savoir combien de temps le blizzard risquait de perdurer, mais il semblait qu'ils en avaient encore pour la "journée". Lorsqu'ils s'arrêtèrent plusieurs heures après, ils virent que le temps commençait à changer légèrement, et un angle droit dans la côte leur permit de réaliser à peu près, à l'aide de la carte que les elfes avaient dressée pour eux, où ils se trouvaient. Le lendemain, ils pourraient quitter la côte pour aller plus à l'est, au sud des montagnes proches et en direction d'Eithel Morgoth, le puits volcanique dont ils avaient par le passé aperçu de lointaines et sinistres lueurs rougeâtres.

Après un nouveau repos, encore à peine perturbé par les vibrations causées par un autre géant, le ciel s'était bien dégagé et ils pouvaient voir le ciel étoilé, et les montagnes pas si éloignées. Certains d'entre eux perçurent des déplacements au loin sur ces montagnes, qui se révélèrent être des orcs en train de se battre. Après une période de confinement, ils avaient sans doute pu sortir à la recherche de proies proches... qui se révélèrent être les membres d'autres tribus. Les aventuriers reprirent leur chemin avec plus de facilité, sans trop se préoccuper des orcs. Ils furent plus concernés par la pneumonie que contracta Drilun, mais qui fut bientôt soignée par la magie des mains du Dúnadan associée à une infusion d'athelas... dont le stock viendrait peut-être bientôt à s'épuiser.

La région où ils se trouvaient était assez désertique, ce qui n'empêcha pas d'entendre parfois des loups au loin, ni à Vif d'aller chasser et de ramener la carcasse d'un élan à ses amis, non sans avoir au préalable prélevé un gros gigot pour son estomac affamé. Après en avoir fait profiter ses amis au cours d'un agréable repas, malgré le manque d'herbes et autres condiments, Rob laissa Mordin jouer au boucher et tailler autour d'une vingtaine de kilos de beefsteaks pour leur consommation future. Au cours de leur voyage, ils croisèrent aussi la route d'une trentaine d'orcs qui passaient au même endroit qu'eux ou qui les avaient repérés. Quoi qu'il en fût, le groupe ne dévia pas de sa route mais laissa la lionne enchantée et le maître-assassin se charger des inopportuns. Après cinq minutes et de nombreux cris, il ne restait aucun survivant. Une fouille rapide rapporta un maigre butin - quelques perles d'ivoire sans doute volées à des Lossoth - et assez de morceaux divers de jambes ou de bras pour avoir la preuve certaine que les orcs du Grand Nord étaient des ploucs mal équipés qui pratiquaient le cannibalisme...

3 - Ennuis au sud
Par la suite, le temps se fit de plus en plus clair, et si la nuit était désormais permanente, la lumière des étoiles et de la lune parfois, associée à l'épais tapis neigeux qui reflétait la lumière, permettait de voir à une certaine distance, surtout pour les nyctalopes. A un moment du voyage, juste après le blizzard, les nuages bas avaient rendu le paysage uniformément gris, sans réelle limite entre le ciel et la terre, ce qui avait été assez dérangeant car cela supprimait toute notion de perspective. Mais cela n'avait pas été une gêne pour leur progression dans la neige, d'autant que Vif commençait à percevoir parfois des grondements au loin, ce qui était assez pour elle pour savoir dans quelle direction tourner leurs pas ou leurs skis : le Puits de Morgoth était un point de repère utile, qu'ils devaient contourner par l'ouest et le nord pour éviter les fumées toxiques qui s'en échappaient et étaient poussées par le vent du nord...

A présent, en tout cas, le ciel était bien dégagé et les sinistres rougeoiements d'Eithel Morgoth étaient visibles même d'autres que la lionne enchantée. Mais autre chose était perceptible, au sud cette fois : une tache sombre faite de nombreux petits points venait dans leur direction. Après utilisation de la longue-vue, sa nature fut reconnue : un troupeau de rennes de quelques centaines de têtes. Mais ce qui les poussait dans leur direction intéressait davantage encore les aventuriers, qui finirent par distinguer d'autres points au-delà des rennes. Comme des traîneaux tirés par des ours blancs, entourés de nombreux skieurs. Des guerriers sanguinaires de la horde des traîneaux arrivaient vers eux, et ce n'était peut-être pas un hasard si leurs routes allaient se croiser. Il sembla aussi à Vif, que Geralt aidait à utiliser la longue-vue, que l'un des occupants des charriots était vêtu de noir, contrairement aux guerriers couverts de gris ou de blanc. Le poursuivant de Dol Guldur les avait retrouvés... Comment, nul n'aurait su le dire, mais après tout, le ciel clair permettait sans doute beaucoup de choses quand on avait un informateur ailé qui voyait parfaitement dans l'obscurité...

Le groupe était présentement en train de contourner les Montagnes du Destin Funeste (Ered Úmarth) par le sud, pour pouvoir ensuite continuer vers l'est-nord-est et le Puits de Morgoth. Les nouveaux venus, au sud, risquaient fort de couper leur route. Si la horde de rennes n'était pas vraiment une menace, car elle serait facile à dévier, les combattants des traîneaux, et plus encore le sinistre individu en noir qui les accompagnait voire les dirigeait, leur causait plus de soucis. Les aventuriers étaient partagés, certains estimant qu'ils avançaient à une bonne allure et ne seraient pas inquiétés. D'autres, comme Taurgil, pensaient autrement et préféraient dévier leur route vers le nord et les contreforts des montagnes : le relief plus accidenté empêcherait leurs poursuivants de les suivre, même si cela compliquerait et ralentirait leur progression.

Le Dúnadan, lassé des discussions trop longues, finit par imposer sa manière de voir les choses : il annonça qu'il partait vers le nord et les montagnes, et libre aux autres de le suivre ou non. Bien entendu, le reste du groupe ne voulut pas se séparer de lui. L'allure était bonne à ski ou à pied/bottes/pattes, grâce entre autres à un chant elfique d'Isilmë qui donnait de l'énergie à ceux qui progressait autrement qu'à ski, ce qui permettait de suivre sans mal les skieurs qui pourtant avançaient d'un bon train dans l'épaisse poudreuse. Pourtant, force fut de constater après un moment que les rennes, et surtout les poursuivants à traîneau, allaient plus vite qu'eux. En y regardant de près, il semblait bien en fait que le troupeau de rennes tassait la neige sous son passage, ce qui permettait aux traîneaux qui les suivaient d'aller plus vite... Autrement dit, les aventuriers étaient en train de se faire rattraper : leurs ennemis allaient moitié plus vite qu'eux, et il n'était pas question d'accélérer encore, plusieurs ne pourraient suivre très longtemps une cadence plus rapide.

Vif et Rob furent envoyés en avant en éclaireur, la lionne enchantée progressant par bonds dans la neige molle, tandis que son petit compagnon s'accrochait à elle grâce aux lanières qu'elle portait autour d'elle. Ils devaient repérer un endroit propice aux embuscades ou en tout cas facile à défendre, que les guerriers des traîneaux ne pourraient contourner ou assaillir sans grosses pertes. Ils finirent par trouver une falaise glacée de près de la moitié d'une portée de flèche de haut, vraiment très difficile à escalader. Mais en regardant bien, ils arrivèrent à repérer un chemin plus facile pour surmonter l'obstacle, avec une corniche au milieu pour diviser la progression en deux. Cela serait tout de même difficile mais ils étaient rompus à ce genre de difficulté, et leurs ennemis seraient facilement tenus à distance grâce à leurs très bons archers. Rob commença à grimper tandis que Vif partait guider les autres vers ce site providentiel, en espérant qu'ils y arriveraient à temps.

4 - Grimpeurs trop lents... et trop exposés
Le groupe d'aventuriers arriva bientôt au pied de la falaise. Les rennes avaient fini par dévier leur course vers l'ouest mais les poursuivants, d'abord ralentis par l'épaisse couche de poudreuse, avaient accéléré ensuite. Ils n'étaient donc plus très loin et seraient bientôt sur eux. La falaise faisait peut-être une quarantaine de pas de haut là où les attendait le hobbit, à l'endroit où la lionne et lui avaient trouvé l'endroit le plus facile pour grimper : c'était un premier passage très en biais, avec des prises pas trop dures, qui faisait une cinquantaine de pas de long avant d'arriver à une corniche assez large pour tous, et déjà facile à défendre. Puis le passage relativement facile partait dans l'autre sens, toujours très en biais en montant, pour encore une cinquantaine de pas avant d'arriver à l'endroit où Rob se tenait, juste au-dessus du début du passage tout en bas.

Dwimfa, très à l'aise pour tout ce qui était de grimper, monta rejoindre le hobbit au plus vite, de même que Vif. Puis il se prépara à tirer à l'arc alors que les premiers ennemis arrivaient au pied de la falaise. Plus bas, Drilun et Mordin étaient arrivés à la corniche à une vingtaine de pas de haut, mais les trois autres, ralentis par Taurgil qui n'était pas particulièrement un bon grimpeur, avaient fait à peine plus de la moitié du chemin avant d'arriver à ladite corniche. Les ennemis étaient plus ou moins divisés en trois groupes : un premier était composé de skieurs qui possédaient un arc et qui arrivaient petit à petit à la verticale des grimpeurs, sans doute avec l'idée bien arrêtée de leur planter quelques flèches dans le fondement ou ailleurs ; un autre groupe de guerriers sans arc mais avec harpon ou autre arme de combat rapproché, qui s'approchaient du début du passage plus facile, à la verticale de Rob, Dwimfa et Vif ; et des conducteurs de traîneaux qui détachaient les ours à une bonne centaine de pas de là. La sinistre silhouette vêtue de noir, qui ne semblait aucunement être équipée contre le froid et ne paraissait pas s'en soucier le moins du monde, faisait partie du dernier groupe, et elle attendait tranquillement dans un traîneau, observant tout le tableau.

Avant même d'arriver près de la falaise, les archers ennemis subirent les premiers tirs du hobbit. Deux flèches arrivèrent dans les visages de deux archers, qui s'abattirent définitivement dans la neige, sans plus bouger. Du coup, les autres qui arrivaient se divisèrent en deux groupes : la moitié des tirs se concentrèrent sur la paire d'archers constituée par Rob et Dwimfa, paire dont les flèches faisaient des ravages, et l'autre moitié sur les grimpeurs. Parfois aussi un archer tentait de faire fermer son clapet au nain, dont les injures et autres éructations en labba, qu'il maîtrisait malheureusement mal, n'avaient pas l'air de plaire aux guerriers.

Mais dans un premier temps en tout cas, les archers qui tentaient de tirer les grimpeurs comme des lapins en furent pour leurs frais : les rares qui n'étaient pas abattus voyaient leur arc voler dans les airs voire se briser en morceaux, grâce à la magie de Drilun. De son côté, Vif examinait les ennemis et communiquait à ses amis, dont certains pouvaient comprendre son parler grâce au tour d'oreille fabriqué par le Dunéen, quels archers avaient des arcs spéciaux, avec des runes possiblement magiques, dignes de concentrer leur attention. Quant aux ennemis qui commençaient à grimper sur la falaise, ils n'étaient pas particulièrement rapides et ne représentaient pas de menace sérieuse pour l'instant. En revanche, le temps d'arriver sur la corniche pour Taurgil, Isilmë et Geralt, bien des flèches pouvaient encore être échangées, malgré leur stock réduit. Déjà le nain s'étouffait presque de fureur quand il vit l'Homme des Bois utiliser des flèches à pointe de mithril sur leurs adversaires.

Les archers ennemis étaient de plus en plus nombreux à viser Rob et Dwimfa, voire Vif lorsqu'elle commença à descendre un peu après. Mais si jamais ils se tournaient vers les grimpeurs, ces derniers seraient des cibles faciles, de dos, sans pouvoir utiliser leur adresse pour bouger et compliquer le tir des archers. Malgré leurs excellentes armures, une flèche pouvait toujours finir par trouver un endroit du corps mal protégé. Néanmoins, ce n'était pas cela que certains craignaient le plus. Vif avait bien perçu, par exemple, que leur poursuivant venu de Dol Guldur se concentrait sur ses deux amis archers qui faisaient une belle hécatombe dans les rangs de leurs poursuivants. Elle redoutait, et elle n'était pas la seule, une magie noire qui ne mit pas longtemps à arriver...

5 - Paroles ténébreuses et magie noire
La ténébreuse silhouette se mit alors à lancer en direction des deux archers des paroles pleines de terreur et de sorcellerie. Malgré la distance, et même si leur poursuivant ne paraissait nullement crier, tous entendirent les paroles glaciales comme si elles avaient été prononcées avec force, mais sans crier, juste à côté d'eux. La langue utilisée était connue de tous hormis Dwimfa, car ils ne l'avaient que trop entendue à Dol Guldur : le noirparler, plus ou moins utilisé par tous les sbires du Nécromancien, et dont les parlers orcs étaient en général des dérivés. Les mots n'étaient rien d'autre que des promesses de torture et souffrance indicible, mais ils étaient chargés de tant d'énergie et de magie noire que le seul fait de les entendre donnait des sueurs froides et des idées noires, et faisait remonter en mémoire les pires moments de douleur du passé de chacun. Même sans comprendre les paroles, l'effet était le même pour l'Homme des Bois.

Heureusement, cette sorcellerie était affaiblie du fait qu'elle se focalisait sur deux personnes à la fois. Aussi tant Rob que Dwimfa, non sans un effort, purent-ils rejeter les sentiments de désespoir qui les assaillirent, et ils se remirent à tirer comme si de rien n'était. Mais plus tard, la même voix attaqua le hobbit, puis un peu après l'Homme des Bois - par deux fois pour ce dernier. Et là, toute la magie noire portée par cette terrifiante voix était concentrée sur un seul d'entre eux. Rob, malgré sa volonté et sa résistance naturelle au désespoir, accusa un peu le coup. Il se mit à trembler, ses gestes furent plus lents et moins précis après cela, même s'il continua à tirer. Mais moins rapidement et avec moins de succès.

Si Dwimfa subit deux assauts magiques, ce ne fut pas parce qu'il résista mieux que son compagnon au premier. Il fut affecté de la même manière, mais il possédait un entraînement spécial né de la présence en lui du démon Eloeklo pendant des années. Du coup, même s'il était la proie de sentiments négatifs, il arrivait à ne pas se laisser affecter par ces derniers et laisser sa raison prendre le pas. Et ainsi pouvait-il continuer à tirer comme si de rien n'était. En fait, il avait déjà vécu une situation similaire des années auparavant, avec ses anciens amis aventuriers pour la plupart décédés : dans le Rhovanion, ils avaient rencontré une créature similaire qui leur avait fait à tous le même effet. Seul le grand guerrier Dúnadan du groupe, protégé par une épée particulière, avait réussi à combattre et abattre la créature, tandis que tous les autres étaient restés prostrés, assaillis par le désespoir. A l'époque, Dwimfa avait réussi à résister à la première attaque grâce à sa compétence particulière, mais la deuxième avait eu complètement raison de sa résistance. Ici, aux côtés de Rob, les attaques lui semblaient encore plus virulentes, mais il avait aussi gagné en expérience. La deuxième fois, il arriva à continuer son œuvre d'archer, mais comme le hobbit : en tremblant, avec moins de rapidité ou de précision.

Et les deux archers ne furent pas les seuls à subir les assauts ensorcelés de leur ténébreux poursuivant : Drilun en fit également les frais. Il avait choisi de laisser de côté son bâton de lumière pour prendre son arc et viser l'ours polaire encore attaché au traîneau de leur mortel ennemi. Puis il s'était rendu compte, malgré la distance, que la silhouette noire semblait se concentrer sur lui, et il avait alors tourné son arc vers elle. Sa flèche avait jailli, et il lui semblait bien qu'elle avait touché le ténébreux sorcier venu de Dol Guldur, mais sans effet apparent. Il s'était ensuite jeté sur le bâton magique dont la lumière pouvait le protéger, mais pas assez vite pour ne pas recevoir de plein fouet les paroles haineuses chargées de magie. Il avait connu alors le même sort que ses amis déjà affectés : un sentiment de désespoir, des tremblements, de la lenteur...

Vif également fut la cible de cette terrible magie noire à laquelle ils avaient déjà été confrontés par le passé, mais pas venant d'un tel maître. En effet, plutôt que de ne servir à rien en haut de la falaise, elle avait choisi de descendre vers ses amis pour les aider à monter plus vite. Son corps félin et ses griffes acérées, sans parler de son entraînement, lui permettaient de grimper aussi bien qu'un écureuil voire une araignée. Accessoirement, sa présence permettait aussi de concentrer une partie des tirs sur elle. Les archers ennemis portant des arcs potentiellement magiques ayant été abattus, elle craignait beaucoup moins leurs tirs, malgré son absence d'armure hormis son épaisse fourrure enchantée. Lors de sa descente, elle fit donc l'objet d'une attaque de magie noire, mais son incroyable volonté et ses ressources intérieures lui permirent d'y résister, alors qu'elle se portait au secours de ses amis.

6 - Changement de tactique
Il faut dire aussi que leur ténébreux poursuivant n'avait pas fait que lancer des sortilèges de magie noire sur les membres de l'équipe d'aventuriers : constatant que les deux archers en haut de la falaise étaient trop bien protégés, mais aussi que ses ensorcellements avaient un peu porté leurs fruits, il avait demandé aux guerriers des traîneaux de changer de cible. Les archers qui visaient auparavant Rob et Dwimfa, soit une douzaine environ, se tournèrent alors vers Geralt, Isilmë et Taurgil. Ces derniers avaient un peu progressé, mais ils étaient encore loin d'atteindre la corniche où les attendaient Drilun et Mordin.

La grêle de flèches qui s'abattit alors sur les malheureux grimpeurs commença à avoir de l'effet. Heureusement, l'obscurité relative et les excellentes armures permirent d'éviter le pire dans ce facile tir aux pigeons. Néanmoins quelques flèches commencèrent à trouver des endroits un peu moins protégés et à faire quelques égratignures... voire plus : ainsi la belle elfe écopa-t-elle d'une blessure légère qui l'immobilisa un moment, tandis qu'elle résistait à la douleur qui voulait lui faire lâcher prise. La position de Geralt était encore plus inconfortable car il était le premier en ligne de mire des archers, vu qu'il était le dernier du trio, et donc c'est lui qui recevait le plus de flèches. La plupart se fichaient dans son armure sans mal ou étaient déviées, mais pas toutes, et les picotements risquaient de se faire plus nombreux et insistants.

Il était donc très tenté de sauter au bas de la falaise pour empoigner son épée et nettoyer un peu les ennemis présents. Mais la hauteur à laquelle il était arrivé le fit réfléchir, d'autant que la neige ne couvrait qu'imparfaitement les rochers alentours. Et s'il se faisait fort de combattre les guerriers et ours polaires dressés qui commençaient à arriver en bas, il était moins sûr de résister à la sorcellerie de leur noir ennemi de Dol Guldur. Il préféra donc, dans un premier temps, esquiver les attaques des archers en bon acrobate, faisant des petites chutes maîtrisées qui l'éloignaient un peu des archers, de ses deux amis aussi, mais le rapprochaient du sol... De plus, il sortit de la zone de prises faciles qu'il avait empruntée jusque-là, et grimper se fit soudain plus périlleux.

Vif offrit une porte de secours à son amie elfe : constatant sa blessure et sa position difficilement tenable, elle avait comblé la distance les séparant en descendant le plus vite et directement possible jusqu'à elle. Puis elle l'avait empoignée dans sa gueule puissante, la protégeant en partie des archers grâce à son corps massif. Isilmë lui renvoya la pareille en saisissant son petit bouclier pour les protéger, elle et son amie féline. Ainsi, elles ne furent plus trop inquiétées par les flèches et arrivèrent bientôt sur la corniche avec le nain et le Dunéen. L'elfe avait perçu que son aimé avait été affecté par la ténébreuse magie de leur poursuivant en noir, et elle se précipita vers lui pour le soigner magiquement, juste alors qu'il s'apprêtait à tirer une nouvelle flèche en tremblant. Son sentiment de désespoir fut balayé par l'amour qu'elle lui envoyait magiquement, et il put ajuster son tir et faire des dégâts dans les ours polaires plus bas. Plus tard, l'elfe utilisa à nouveau sa magie pour protéger Drilun voire d'autres de la sorcellerie utilisée à leur encontre.

Mordin, pour sa part, constatant que les injures ou rodomontades envoyées à ses ennemis avaient somme toute peu d'effet, il avait changé de tactique lui aussi. Avec l'aide de Drilun qui avait interrompu ses tirs, il avait pris leur meilleure et plus longue corde elfique pour l'attacher à un rocher qui pouvait convenir, laissant une longueur de corde d'une douzaine de pas après le rocher. Puis il avait lancé ladite corde à Taurgil, qui s'en empara... et se laissa tomber dans le vide. Le nœud tint bon, et le Dúnadan joua au pendule contre la paroi de la falaise, en s'aidant parfaitement avec ses pieds et jambes pour repousser les rochers et éviter d'être lacéré par ces derniers voire de lâcher prise. Puis il se mit à grimper à la corde pour arriver à la corniche, tandis que Mordin essayait de le hisser.

Le nain ne put mettre son plan à exécution car bientôt, au terme d'une belle acrobatie, Geralt arriva lui aussi à l'extrémité de la corde après un beau plongeon vers le côté et vers le bas. Lestée par deux corps costauds, Mordin ne pouvait hisser la corde à lui tout seul. Après l'arrivée de Taurgil sur la corniche, par contre, les deux amis réunirent leurs forces pour hisser le maître-assassin à côté d'eux. De leur côté, le hobbit et l'Homme des Bois avaient également laissé leurs arcs de côté et ils faisaient tomber sur les poursuivants, occupés à grimper et rattraper leurs proies, une pluie puis un déluge de neige et de pierres, déluge qui eut bientôt raison des grimpeurs. Et pendant ce temps, la lionne enchantée montait verticalement à la paroi, la corde elfique attachée à son corps puissant, corde largement assez longue pour couvrir deux fois toute la hauteur de la falaise. Elle comptait bien s'en servir ensuite pour jouer les ascenseurs avec ses amis : un seul serait exposé à la fois mais tous les autres pourraient le couvrir de leurs arcs ou sorts.

7 - Fin de la poursuite
En fait les choses se passèrent encore plus simplement : constatant peut-être la vacuité de ses efforts, leur ennemi en noir avait choisi de rappeler ses troupes. En effet, les archers au sol avaient subi de lourdes pertes sans réellement incommoder les aventuriers, et plusieurs ours polaires servant à tirer les traîneaux, entre autres choses, avaient été blessés voire tués. Du coup la horde des traîneaux avait pris un peu de distance, hors de portée des flèches de Drilun ou de ses amis. La lionne enchantée put servir d'ascenseur grâce à la longue corde elfique prise chez les elfes de Brumes Éternelles, avec l'aide Rob et Dwimfa : ces derniers mirent la corde sur deux petits boucliers fixés dans la neige, formant une petite rigole là où ils se chevauchaient, pour réduire les forces de frottement sur la corde.

Ainsi Vif put-elle monter ses amis les uns après les autres, et ils ne furent plus inquiétés. Bientôt ils se tenaient tous en haut de la falaise, où les blessés physiques ou magiques furent rapidement soignés. Plus bas et plus loin, leurs poursuivants les regardaient de loin ou écoutaient leur chef donner des ordres, mais apparemment les aventuriers n'étaient plus le centre de leur attention. Taurgil et compagnie finirent par s'éloigner, tandis que les ours polaires trouvaient leur pitance dans le corps des guerriers tombés. La falaise fut longée un moment, sur un terrain assez accidenté, mais elle s'incurva vers le nord et au bout d'un moment leurs ennemis disparurent à leur vue.

Le groupe finit par descendre un peu plus loin, là où le relief était moins marqué et l'obstacle plus facile à gérer : les aventuriers devaient reprendre leur destination première, qui se trouvait à l'est et légèrement au nord. Le Puits de Morgoth était toujours là, incontournable point de repère du Grand Nord. Ce n'était pas leur destination première, ils devaient juste le contourner afin de se rendre chez Canadras, le dragon qui avait donné son nom à la région qu'il occupait. Mais les aventuriers savaient qu'ils auraient tôt ou tard à revenir vers ce puits sulfureux, où les attendait sans doute une des créatures les plus puissantes de la Terre du Milieu, qu'il leur faudrait certainement affronter d'une manière ou d'une autre...

Ils poursuivirent donc leur chemin sans être plus inquiétés par quiconque. Le paysage enneigé et gris, juste parfois éclairé par la lune et les étoiles, ou les étranges vagues de lumières boréales dans le ciel, était désertique, même si les présences de loups au loin, en particulier dans les montagnes, étaient perceptibles parfois. Ils ne rencontrèrent aucun signe de présence des Lossoth non plus. Ils savaient que la région était le domaine des "Hommes des Glaces", cette peuplade des Lossoth vivant le plus au nord, à l'intérieur des terres. Mais ils étaient peu nombreux et devaient suivre les troupeaux de rennes ou d'élan, qui devaient se réfugier plus, en cette saison, dans les vallées des montagnes proches, ou près des côtes où il était possible de pêcher. Peut-être les animaux sentaient-ils la malédiction qui pesait sur les membres du groupe et les évitaient-ils, et les peuples du nord également... En tout cas ils restèrent seuls les jours qui suivirent.

Ils arrivèrent bientôt près de l'énorme gouffre qu'était Eithel Morgoth, le "Puits de Morgoth", en forme de goutte d'eau d'une largeur de peut-être une trentaine de miles d'est en ouest. Des fumées toxiques s'en échappaient, poussées par le vent du nord, donc ils dirigèrent leurs pas ou leurs skis vers le nord pour contourner cet encaissement sinistre dans le paysage. Après une première approche pour apercevoir le lieu, ils firent un camp non loin du bord du gouffre, et discutèrent aussi de le visiter ou non : même si ce n'était pas leur objectif premier, la chaleur du magma présent en son centre permettait à une flore assez riche de se développer en permanence, et en particulier quelques herbes aux propriétés enchantées. Peut-être pourraient-ils faire une petite excursion sans déranger le démon de puissance Durlach, qui devait dormir quelque part dans le lac de lave censé se tenir tout au fond...

8 - Eithel Morgoth
Même si tous n'étaient pas d'accord pour descendre dans l'énorme cratère volcanique, ils ne voyaient néanmoins aucun problème à jeter un œil - voire les deux - depuis le haut de la falaise qui l'entourait. Après leur période de repos, le ciel s'était bien dégagé et offrait une vue bien plus claire et lointaine : la veille, le Puits était couvert de fumées et nuages bas de pluie et de neige, mais à présent la vue serait bien meilleure. En effet, hormis les fumées toxiques et rougeâtres qui provenaient toujours du fond du cratère et qui étaient poussées vers le sud, le reste avait disparu. La vue était donc excellente et le groupe s'installa le plus confortablement possible au bord de l'impressionnante falaise qui marquait le début du cratère : quasiment verticale, haute d'une centaine de pas, couverte de rochers pointus et tranchants à la fois glacés et humides, elle était impossible à escalader par des hommes ordinaires dépourvus de corde. L'air était déjà notablement plus chaud à proximité.

La longue-vue fut sortie et utilisée, et, avec l'aide du maître-assassin, la féline Femme des Bois parcourut l'intégralité de l'intérieur du cratère grâce à sa vue remarquable. Ses yeux perçants réussirent à découvrir de nombreux détails, tel un oiseau de proie plutôt qu'un félin, et elle conta à ses amis ses découvertes au fur et à mesure qu'elle les observait. Elle découvrit un passage moins difficile dans la falaise, mais tout de même redoutable à emprunter sans corde, puis elle détailla les différentes zones concentriques qui occupaient le fond. Il y avait tout d'abord, au pied de la falaise, une zone rocailleuse à la pente moyenne, pas trop difficile à parcourir. L'essentiel de la neige fondait à cet endroit, et l'eau arrondissait les angles des rochers couverts de lichen gris et formait des petits ravinements et ruisseaux qui convergeaient vers le centre. De la brume couvrait en grande partie le fond. Cette zone faisait entre deux et trois miles de large.

Puis venait une large zone de peut-être une quinzaine de miles de large, très verte - sauf au sud, sous le vent des fumées toxiques - et en partie embrumée. Il n'y avait plus aucune neige à cet endroit, mais bien plus de vie : malgré quelques zones arides, des herbes voire buissons divers étaient partout présents. Quelques conifères tordus avaient réussi à prendre pied, mais les arbres les plus nombreux et les plus grands n'étaient autre que ceux que les elfes de Brumes Éternelles y avaient plantés : le cembereth poussait donc partout en bosquets plus ou moins denses, même si les arbres n'avaient pas la même hauteur ou vigueur que ce qu'ils avaient vu auprès des elfes. Malgré la brume, la lionne enchantée parut remarquer quelques rares fleurs dans cette zone en pente douce. Mais au fur et à mesure que sa vue se rapprochait du centre du cratère, les fleurs disparaissaient et les plantes avaient de plus en plus de mal à survivre. Et plus aucune brume ne couvrait le sol, sans doute en raison d'une chaleur bien plus importante.

Vif trouva également un autre signe de la présence passée des elfes : au nord, vers la fin de la zone fertile, donc plus proche du centre, avait été érigé un petit monticule au centre d'un petit lac d'eau claire. Sur ce monticule était dressé comme un tombeau près duquel se dressaient deux piliers carrés en partie couverts de lichen. Mais l'un d'eux était cassé en deux, une partie gisant dans l'eau, tandis que l'autre était dangereusement penché au-dessus de l'eau. Et malgré la distance, elle put distinguer des gravures et runes diverses à la surface des piliers, là où le lichen ne les recouvrait pas. Les elfes avaient écrit quelque chose, peut-être à la gloire de leur capitaine tombé, mais elle ne risquait pas de lire quoi que ce fût à cette distance.

Plus près du centre encore, elle remarqua une chose étrange : de loin en loin étaient disposées des grosses pierres qui formaient comme un gigantesque cercle entourant la zone non fertile. Ces pierres n'étaient pas très visibles mais elle avait pu en remarquer certaines, et leur disposition avait fini par lui sauter aux yeux. Du coup elle avait pu chercher et repérer pratiquement toutes les pierres, chacune espacée de la suivante d'une distance de peut-être un millier de pas. Elle repéra aussi, grâce à sa vue incroyable et peut-être à une inspiration particulière, comme des runes gravées sur ces pierres, similaires à celles que réalisait Drilun. Elle se dit que les elfes avaient sûrement placé là des enchantements pour la protection de quelque chose ou quelqu'un...

Au-delà, la zone fertile s'arrêtait. La pente douce se faisait de plus en plus forte, plus aucune végétation ne poussait, et sur les bords du cratère elle distinguait de plus en plus souvent des zones de lave durcie sans doute projetée du centre par l'activité volcanique. Plus elle se rapprochait du centre, plus ces projections devenaient nombreuses et couvraient la surface du cratère. Néanmoins elle put remarquer, de temps à autre, les restes à moitié recouverts de lave durcie de très anciennes constructions, comme des portails donnant accès à des couloirs souterrains. Peut-être même certaines ouvertures restaient-elles assez grandes pour permettre le passage de quelqu'un d'assez petit ou agile, comme le hobbit. De manière furtive, elle eut même l'impression de voir une ombre emprunter une telle ouverture... Plus près du centre, la pente se faisait verticale et elle ne pouvait distinguer le fond. Mais un rougeoiement incessant se reflétait sur les fumées toxiques et la vapeur d'eau née de l'évaporation des ruisseaux qui parvenaient jusque-là, fumée et vapeur qui montaient dans le ciel pour franchir les bords du cratère vers le sud.
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Niemal
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Grand Nord - 19e partie : au fond du puits...

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1 - Descente
Après avoir écouté la description de la lionne enchantée, le groupe débattit de l'intérêt et des dangers d'aller faire une prudente exploration du Puits de Morgoth, ou du moins de sa périphérie, sans aller pour l'instant jusqu'au puits de lave où Durlach était censé reposer. L'idée était bien de le laisser dormir et de faire un premier tour à la recherche de choses utiles. Taurgil, dont c'était l'idée, souhaitait trouver quelques herbes rares qui ne poussaient que là, mais surtout des renseignements qui pourraient leur être utiles par la suite. En fait, que Tevildo leur ait peu auparavant déconseillé de descendre là l'incitait à aller y voir, au contraire. Et Vif avait vu comme un tombeau sur une île, et des pierres gravées de runes, et des ouvertures vers de possibles galeries vers le centre... qu'ils n'iraient pas explorer dans un premier temps.

Ses amis étaient partagés. Mordin et Geralt, en particulier, ne voyaient pas grand-chose à aller chercher aussi tôt, hormis des ennuis. Mais le reste du groupe y était assez favorable. Et même si ce détour faisait perdre un peu de temps, certains avançaient le fait que cela pourrait aussi être un raccourci. Même si descendre et remonter serait long, il serait possible de traverser le puits plutôt que de le contourner par le nord, ce qui limiterait un peu le détour. Au bout du compte les partisans d'une visite prudente furent les plus nombreux, et le groupe se prépara à descendre. La corde elfique longue d'une centaine de pas fut attachée à une autre de bonne qualité et d'une vingtaine de pas de long. Puis la lionne creusa la neige à l'emplacement où la descente lui paraissait plus facile, de manière à attacher la corde efficacement et permettre à tous une descente plus aisée.

Un rocher fut trouvé qui servit de point d'ancrage, et Isilmë commença à descendre - non sans s'être auparavant aidée par un peu de magie, au grand dam de ses compagnons qui avaient été prévenus de ne pas utiliser de sortilège dans et aux abords du puits. D'ailleurs l'elfe avait trouvé que le lancement de sa magie avait été un peu plus difficile que d'habitude... A la suite de cela, il sembla d'ailleurs à la féline Femme des Bois que les grondements et jets de lave au centre du puits avaient quelque peu augmenté. L'elfe fut houspillée pour ne pas respecter les consignes et risquer de réveiller Durlach, certains menacèrent de ne pas descendre après cela, mais en fin de compte l'incident n'eut pas d'autre conséquence, du moins pour le moment.

Avant même de toucher le sol en bas de la falaise, Drilun s'élança à son tour, avec moins de facilité. Il faut dire aussi que ce n'était pas si simple que de descendre une bête corde : la falaise n'était pas complètement verticale, elle était couverte de rochers tranchants en partie couverts de glace humide et en partie fondue, donc bien glissants. Il fallait donc s'aider avec les jambes pour descendre au fur et à mesure et ne pas se laisser glisser aveuglément le long d'une paroi qui pouvait faire penser à une gigantesque râpe à fromage ou à légumes... Le Dunéen mit donc trois fois plus de temps que son aimée, mais il arriva au sol sain et sauf lui aussi. Il fut ensuite suivi par Dwimfa et Geralt avec plus de facilité.

Mais la tâche paraissait très difficile pour les grands costauds - massifs, diront certains - qu'étaient Taurgil et Mordin, peu adeptes de l'escalade sur des falaises aussi risquées. En fin de compte, la corde fut détachée de son rocher puis attachée au corps de la lionne enchantée, qui accepta de servir d'ascenseur : le nain et le Dúnadan, tour à tour, s'attachèrent à l'autre extrémité et Vif fit descendre la corde petit à petit en s'approchant tranquillement du bord de la falaise. Reste qu'il fallait tout de même essayer d'éloigner la corde de la paroi pour éviter qu'elle ne se coupât. En fait, c'est ce qui commença à se passer pour le Dúnadan : la corde se coinça un peu autour d'un rocher tranchant et aurait pu se couper sans une manœuvre pour la dégager. Mais en fin de compte les deux compères se retrouvèrent au fond du puits sans mal, même si la solidité de la corde avait souffert un peu.

Le hobbit descendit également, mais lui n'avait pas besoin d'un ascenseur, la corde lui suffisait amplement, et il aurait même pu s'en passer. Après quoi ce fut le tour de la lionne, mais elle ne pouvait pas utiliser la corde, elle descendait avec elle, ce qui évitait de la laisser là et de devoir remonter au même endroit. Bien accrochée à la paroi grâce à ses griffes et son corps puissant, elle prit néanmoins le temps car ce n'était nullement une partie de plaisir pour elle, même si elle était moins gênée que les autres par l'obscurité ambiante. Elle fut donc aussi longue que Drilun ou Taurgil, mais elle arriva au sol sans mal avec les deux cordes attachées. Cela leur avait pris du temps mais ils étaient maintenant tous en bas et l'exploration du puits allait enfin pouvoir commencer autrement qu'à distance.

2 - Eau et pierre, flore et faune
Au pied de la falaise, à l'intérieur du puits, l'air était juste assez chaud pour faire fondre la neige. Du coup, de l'eau ruisselait sur les parois de la falaise jusque sur les éboulis qui en tapissaient la base. Le groupe descendit la pente douce en faisant attention à ne pas tomber et se faire mal dans le pierrier qui faisait suite aux éboulis. Les pierres, érodées par l'eau, étaient pour la plupart couvertes de lichen gris, et une brume tenace et glaciale limitait la vue même pour les nyctalopes. Petit à petit, l'air se fit plus chaud, et après un moment la brume finit par se lever et le sol se transforma. En plus des lichens, quelques herbes coriaces apparurent çà et là, puis une espèce de sauge sans fleur apparente, des buissons, et enfin quelques arbres rabougris, bouleaux et pins ou épicéas, puis enfin des bouquets de cembereth, ces arbres plantés par les elfes de Brumes Éternelles lors de leur passage ici. Les arbres n'étaient pas aussi majestueux que dans la vallée cachée, mais ici ils représentaient, et de loin, la flore la plus grande et élancée des environs.

Taurgil se mit bientôt à la recherche des fleurs que Vif avait aperçues avec l'aide de la longue-vue. En effet, il avait entendu les Lossoth parler d'herbes aux vertus magiques qui ne poussaient qu'ici, et notamment une du nom de sinitähti ("étoile bleue"). Les fleurs de cette plante pouvaient être mangées crues ou préparées en infusion, et, si elles entraînaient des vertiges ou déséquilibres similaires à ceux d'une personne soûle, elles procuraient une compréhension phénoménale des trajectoires des missiles ou des sortilèges, aidant grandement au lancement de ces derniers. Il finit par en trouver quelques maigres pieds qu'il empocha bientôt. Vif l'aida également, tandis que le reste du groupe choisit de continuer à progresser en direction du centre, et en particulier d'un petit édifice aperçu au loin sur une petite île au milieu d'un petit lac.

La féline Femme des Bois remarqua que des petits coléoptères noir et jaune - les seuls animaux vivants perçus jusque-là - se nourrissaient des fleurs de sinitähti. Elle se concentra alors sur les petits bruits qu'ils faisaient et qu'elle arrivait à percevoir, afin de trouver d'autres fleurs similaires. Et ainsi son compagnon et elle purent-il trouver encore d'autres fleurs identiques, mais également une autre fleur blanche, moins abondante, dont ils avaient aussi entendu parler. Les Hommes des Neiges l'appelaient la "fleur de rêve" (unikukka en labba) et ils s'en servaient pour quitter leur corps en songe et partager les rêves des amis.

Après quoi ils arrêtèrent leurs recherches et partirent rejoindre leurs compagnons. Néanmoins, ils remarquèrent tout de même que par endroits, les bosquets d'arbres avaient comme subi les assauts d'une tempête ou de quelque chose de très grand, assez costaud pour briser les troncs. Et même, certaines traces pas si vieilles que ça, peut-être de quelques années et pas complètement recouvertes par la végétation, montraient qu'une partie des arbres avaient été partiellement calcinés. Des traces sur le sol faisaient parfois penser aussi à celles d'un gigantesque serpent. Toutes choses qui rendirent Vif songeuse ; peut-être que, contrairement à ce qu'ils pensaient, le démon de feu Durlach n'était pas si prisonnier que cela de son puits de lave, et qu'il fallait être très prudent ici. Il était en effet réputé pour en sortir parfois comme un gigantesque serpent de feu. Et d'ailleurs, l'activité au centre du Puits - tremblements, fumées rougeâtres et jets de lave parfois - semblait avoir encore un peu crû depuis la dernière fois qu'elle y avait prêté attention...

Pendant ce temps, le reste du groupe avait fini par trouver le petit lac solitaire et son île surmontée de ce qui semblait être un bâtiment funéraire. Plus ils s'en étaient rapprochés, plus la température avait grimpé, et à présent ils avaient enlevé leurs vêtements chauds pour ne pas trop transpirer. D'abord de plus en plus riche, la végétation s'était faite progressivement plus sèche et plus rare, et le sol nu réapparut de loin en loin, puis plus souvent, tandis que la température continuait à monter à l'approche du centre du Puits de Morgoth. Lorsqu'ils arrivèrent au petit lac, la falaise laissée derrière eux devait être à une dizaine de miles environ, ils avaient mis trois heures de marche rapide pour arriver là. Malgré la chaleur qui devenait plus étouffante, l'eau du lac était glacée. Elle provenait de la neige qui fondait au-dessus du puits ou le long des falaises, puis coulait vers le centre par de nombreux petits ruisseaux.

3 - Tombeau et piliers
L'île n'était pas bien grande, quelques pas de côté, et presque entièrement prise par un petit bâtiment de pierre. Au sud du bâtiment avaient été érigés deux piliers carrés. L'un, à l'ouest, s'était cassé en son milieu et la partie haute était tombée dans l'eau et s'était brisée davantage, tandis que l'autre pilier, à l'est, était penché dangereusement au-dessus de l'eau. Tous deux étaient en majeure partie recouverts de lichen, et le peu qui ne l'était pas laissait parfois entrevoir des runes gravées dans la pierre et à peine lisibles. Le lac n'était pas grand non plus, une trentaine de pas de rayon, et très peu profond : seul le hobbit ne pouvait traverser en marchant, il se serait retrouvé au milieu avec de l'eau au-dessus de la tête...

Reste que l'eau diablement froide refroidissait les ardeurs de certains. Mais pas d'Isilmë, peu sensible au froid comme tous les elfes. Prenant Rob sur ses épaules, elle traversa le petit lac et arriva à l'île où son compagnon et elle commencèrent à enlever le lichen du pilier intact mais penché. Petit à petit, d'autres aventuriers les rejoignirent pour essayer de découvrir des choses intéressantes. Le pilier cassé ne pourrait être réparé, mais les morceaux tombés dans l'eau pouvaient être rassemblés et la portion supérieure du pilier reconstituée afin de lire les inscriptions. Par ailleurs, le tombeau comportait également des portes de pierre sans aucun verrou apparent, mais une poignée de pierre.

Une fois le lichen enlevé du petit obélisque côté est, les inscriptions elfiques purent être lues. Elles n'annonçaient rien d'autre qui ne fût déjà connu de Taurgil et ses amis : dans le tombeau reposait le capitaine des elfes, Thilgon, tué par Durlach. Il reposait là jusqu'au changement du monde à la fin des temps. Après quoi la guerrière elfe aida ses compagnons qui avaient un peu de mal avec le puzzle en trois dimensions qu'était devenu la moitié de l'obélisque ouest. Rapidement elle arriva à reconstituer le puzzle entier, mais certains mots étaient tellement effacés, sur une face, qu'il était impossible de les lire. Néanmoins, elle arriva à lire ou comprendre que Durlach était toujours en éveil, qu'il ne fallait jamais prononcer un sort, voire même son nom... ce que les aventuriers avaient fait sans doute de nombreuses fois !

Mordin ne put s'empêcher, le premier, de jeter un œil dans le tombeau. A l'intérieur de la petite pièce carrée, une tombe reposait, sans nulle doute celle de Thilgon. Il eut tôt fait de mettre le couvercle de pierre de côté et d'examiner le squelette du capitaine elfe autrefois tué par le balrog prisonnier des lieux. Si les vêtements étaient depuis longtemps partis en poussière, plusieurs objets étonnamment bien conservés, quoique vieillis pour certains, semblaient encore utilisables : divers bijoux comme un serre-tête, une broche ou un anneau, mais également une ceinture, un bouclier ou une épée dans son fourreau. Les yeux du nain brillèrent lorsqu'il reconnut sur les bijoux ou autre équipement des pierres précieuses, de l'argent, de l'or voire du mithril ! De plus, diverses runes probablement magiques parcouraient toute la longueur de l'épée longue qui reposait sur le squelette.

Tandis que le nain évaluait la valeur des bijoux sur les marchés des Monts de Fer ou d'Eriador, Drilun examinait les objets et en particulier les runes de l'épée. Seule cette dernière était magique, les autres objets étaient juste tous d'excellente qualité. Et la magie de l'épée n'avait rien d'exceptionnel qu'ils ne pussent déjà faire : ils ne manquaient pas de lames enchantées dans le groupe, et le sortilège de lumière que la lame pouvait lancer pâlissait devant Krisfuin, le bâton utilisé par le Dunéen. Au bout du compte, l'archer-magicien du groupe dit à Mordin qu'il fallait désormais remettre tous ces objets dans la tombe, comme il les avait trouvés. Le marchand nain râla un peu pour la forme et exigea une reconnaissance de dette de la part de ses amis ou en tout cas de l'archer-magicien pour le priver des deux cents pièces d'or qu'il aurait certainement pu tirer des bijoux.

Non loin du tombeau, Rob avait repéré une barrière magique entourant le centre du Puits de Morgoth, barrière qui émanait de points précis dans le sol, espacés d'environ trois cents pas. Après un moment Drilun et lui examinèrent la chose, et ils trouvèrent des pierres plates et basses gravées de runes magiques que la lionne enchantée avait réussi à percevoir de loin à l'aide de la longue-vue. En examinant les runes de plus près, le Dunéen découvrit que la barrière magique n'était nullement là pour empêcher Durlach de sortir, mais plutôt pour empêcher quiconque d'aller plus loin et de sortir le démon de sa torpeur. Torpeur qui avait déjà été quelque peu malmenée récemment par l'activité du groupe, qui se dit qu'il était sans doute temps de laisser Durlach à son repos mérité (ou non).

4 - Escalade et mauvaise surprise
En fin de compte, tous décidèrent donc qu'il était temps de poursuivre leur route. Ils filèrent vers l'est et la falaise qui s'y trouvait, qu'ils atteignirent un bon moment après. Vif finit, en cherchant bien, par trouver un chemin plus facile à escalader pour arriver au sommet pour ses amis et elle. Dwimfa, Rob et elle pourraient sortir du puits sans l'aide d'une corde en empruntant le chemin qu'elle avait trouvé, même si c'était loin d'être facile et rapide. En revanche, les autres ne le pourraient pas. La corde elfique rallongée d'une autre corde d'une vingtaine de pas fut attachée et enroulée autour du corps de la lionne pour qu'elle puisse la monter puis la faire tomber et permettre aux autres de l'utiliser.

Les trois excellents grimpeurs qu'étaient la féline Femme des Bois, l'Homme des Bois ayant récemment rejoint l'équipe et le hobbit, s'attaquèrent donc à la paroi de rochers tranchants couverts de glace humide. Le ciel nocturne était clair et ne gênait guère la lionne, mais beaucoup plus ses amis. La falaise était haute d'une centaine de pas, comme là où ils étaient descendus, et ils progressaient lentement pour économiser leurs forces et ne prendre aucun risque. La lionne, plus grande, venait en premier, suivie non loin par Dwimfa et Rob encore un peu plus loin. Ils étaient légèrement écartés les uns des autres sur un plan horizontal afin d'éviter des problèmes de chute de rochers ou de glace qui pourraient menacer les grimpeurs plus bas.

Après un bon moment Vif arriva enfin à la couche de neige qui recouvrait le sommet de la falaise, mais alors qu'elle commençait à avancer dans cette couche de neige et glace mêlées, elle se figea soudain : face à elle, l'air décontracté, le démon Andalónil la regardait avec un regard amusé. Plus bas, Dwimfa était encore à une quinzaine de pas et le hobbit à plus d'une vingtaine. La lionne enchantée connaissait l'étendue des pouvoirs du démon du froid, et notamment qu'il était tout à fait capable de l'envoyer valdinguer dans le vide à l'aide d'un sort qu'elle ne pourrait éviter. Et même pour elle, une chute de cent pas sur les rochers avait toutes les chances de la faire passer de vie à trépas...

Heureusement, la grande figure ailée qui lui faisait face ne tenait pas à combattre, ou du moins pas pour le moment. D'un ton mielleux, elle expliqua juste à Vif que son patron de Dol Guldur, ou plutôt celui avec qui il était venu de là-bas, tenait à préparer un piège pour le groupe d'aventuriers et que son rôle à lui, Andalónil, était de les ralentir, à défaut de les tuer. Et comme son autre patron, à savoir Eloeklo, pensait toujours que Vif et ses amis pouvaient lui être utiles, Andalónil n'avait pas assez envie de tuer les aventuriers pour mettre sa menace à exécution. Mais en tout cas il tenait à dire à la lionne enchantée qu'elle devait faire comprendre à ses amis qu'ils ne pouvaient pas monter... pas encore. Sans quoi il prendrait des mesures, certaines désagréables pour les amis de Vif voire pour au moins l'un de ses patrons, mais qui plairaient sûrement à l'autre. Et même s'il ne le dit pas, elle put deviner que cela lui plairait à lui aussi.

Elle fit deux ou trois fois un son mi-miaulement mi-grondement pour exprimer son impuissance à communiquer avec ses amis, ce qui n'eut absolument aucun effet sur son interlocuteur qui lui fit comprendre que c'était à elle de se débrouiller et de faire ses choix. Tandis que le démon prenait les airs à l'aide de ses ailes membraneuses, elle achevait sa montée et commença à dérouler la corde qu'elle portait pour la faire bientôt tomber le long de la falaise, en direction de ses amis. Lesquels amis virent la corde arriver à peu près à leur portée... mais aussi une grande silhouette ailée voler de temps en temps au-dessus d'eux ! Rob comprit également la nature des sons qu'il avait entendus peu auparavant mais auxquels il n'avait pas vraiment prêté attention. Plus bas, Geralt puis tous ses amis perçurent aussi le démon et la menace qu'il représentait.

5 - Mauvais temps et séparation
En bas, les amis de Rob crièrent à ce dernier de mettre l'anneau elfique qu'il portait encore sur lui, mais pas au doigt. Le hobbit commençait à sentir le temps changer magiquement, probable cadeau du démon. L'anneau magique ne le protégerait en rien du mauvais temps, dont l'origine magique était trop éloignée de l'anneau et de sa portée d'une dizaine de pas ; mais en revanche il pouvait éviter au petit voleur de recevoir un mauvais sort qui le ferait facilement décrocher de sa position précaire sur la falaise. Il s'immobilisa donc afin de libérer une main pour pouvoir prendre l'anneau qui reposait dans une poche, exercice délicat quand on est à plus de soixante-dix pas de hauteur, sur une falaise de rochers tranchants et glissants. Il y parvint tout de même, et reprit ensuite son ascension, tandis que le ciel se couvrait rapidement et que les premiers flocons apportés par un vent de plus en plus violent commençaient à tourbillonner autour de lui.

De son côté, Dwimfa avait réussi à se saisir de la corde que la lionne enchantée avait laissé tomber, en espérant s'en servir pour achever plus vite son ascension. Il vit alors Andalónil plonger le long de la falaise à une petite distance, et passer à quelques pas sous le voleur pour se saisir de la corde qui pendouillait. L'Homme des Bois, pressentant la chose, venait de lâcher ladite corde pour éviter un sort funeste que le démon ne manquerait pas de tester sur lui. Il eut même l'idée de couper la corde à l'aide de son épée mais n'en eut aucunement le temps. Plus bas, Andalónil remontait en volant, la corde bien en main, puis il commença à tirer la féline Femme des Bois en direction du bord de la falaise. Malheureusement pour lui, et heureusement pour Vif, elle était bien lourde sous sa forme féline et le démon était un piètre voleur. Elle n'eut donc pas de mal à lui résister et commença même à reculer loin du bord du précipice.

Brusquement elle ne sentit plus aucune tension, comme si son adversaire avait lâché la corde. En fait, il s'était juste approché d'elle et il découpait la corde elfique à l'aide de ses dents acérées. La lionne enchantée se retrouva bientôt avec un bout de corde elfique long d'un peu plus d'une trentaine de pas, tandis que le démon s'envolait plus loin en emportant le reste de la corde, et que le temps se gâtait de plus en plus. Rob et Dwimfa se hâtèrent de finir de grimper, de plus en plus gênés par le vent et la neige, tandis que, plus bas, leurs amis voyaient leurs compagnons disparaître de leur vue dans le mauvais temps qui s'intensifiait. Et même sans mauvais temps, ils comprirent qu'ils étaient à présent bel et bien coincés : sans corde assez longue, ils étaient bien incapables de grimper en haut de la falaise. Et même en ajoutant au peu de corde restante d'autres bouts que certains possédaient dans leurs affaires, un cinquième de la falaise au moins devait être escaladé à mains nues, ce qui était au-delà de la portée de la plupart de ceux qui restaient en bas, et Mordin et Taurgil en particulier.

De toute manière, le temps ne permettait plus d'envisager aucune escalade. Il fallait donc prendre son mal en patience et attendre la fin du temps ténébreux appelé par le démon. Ce ne fut pas difficile pour ceux restés en haut de la falaise, avec quantité de neige poudreuse à leur disposition. Vif eut vite fait de tasser la neige avec l'aide de ses amis pour y creuser ensuite un trou assez grand pour eux trois, où ils étaient protégés du vent et de la neige et où il faisait relativement chaud, comme les Lossoth leur avaient appris à faire. En bas, par contre, c'était autre chose : faute de neige mais aussi de tente ou de végétation, même avec le meilleur rôdeur du monde, faire un abri à l'aide des pierres, contre une paroi de pierre glaciale et ruisselante, n'était pas l'idéal pour le sommeil.

Au bout d'un long moment, comme le mauvais temps appelé par sorcellerie ne faiblissait pas, Taurgil décida d'aller voir ailleurs et de tester l'étendue de cette sorcellerie. Malheureusement, le manque de visibilité était tel, et le sol rocailleux tellement traître - ils étaient sur un pierrier dont les roches étaient couvertes de lichen humide - qu'ils ne pouvaient avancer sans risque. Drilun possédait bien deux torches dans son équipement, torches que le rôdeur dúnadan parvint à allumer malgré les exécrables conditions. Mais elles ne leur permirent pas d'aller très loin, et de trouver un meilleur endroit. Les torches s'éteignirent au bout d'un moment, et ils durent prendre leur mal en patience. Heureusement, la fin du sortilège arriva bientôt et le ciel s'éclaircit enfin. Vif avait même pu les suivre depuis le haut de la falaise grâce au manque de discrétion de Geralt qui râlait comme à son habitude. Ils pouvaient donc communiquer et envisager de se sortir de ce piège qui s'était refermé sur eux. Chose que le maître-assassin râleur, qui avait bien prédit que cela leur arriverait s'ils déviaient de leur plan initial, ne manqua pas de leur rappeler un nombre certain de fois.

6 - Escalier de pierre
Le constat était simple : sans corde, les aventuriers restés en bas n'avaient aucune chance sérieuse de pouvoir grimper tout en haut, sauf Isilmë, à l'aide de sa magie elfique qu'il valait mieux ne pas utiliser ici. En haut de la falaise, en mettant bout à bout les cordes que possédaient Vif, Dwimfa et Rob, il manquait encore plus d'un tiers de la falaise. Une corde de plus était disponible en bas pour réduire un peu plus la distance, ce qui était mieux, et Taurgil avait encore avec lui la corde d'Ardagor, cette corde magique d'une dizaine de pas de long qui agissait un peu comme un serpent vivant contrôlé par celui qui la tenait à une extrémité. Cela ne permettait pas de couvrir toute la distance, mais c'était déjà mieux, beaucoup mieux, même si certains doutaient que cela suffît.

Qu'à cela ne tienne, il était possible de s'arranger : impossible de trouver une corde manquante, et il ne fallait bien entendu pas compter sur Andalónil pour leur rapporter le bout manquant. En revanche, la roche de la falaise pouvait être taillée grâce à l'épée magique - et maudite - que manipulait l'Homme des Bois. Elle était en effet tellement tranchante qu'elle pouvait tailler dans la pierre sans grand mal, sans risque de la briser ou même d'émousser son fantastique tranchant. Dwimfa s'attacha donc au bout de corde elfique fixé à la lionne magique, puis il se laissa suspendre dans le vide et empoigna son épée noire. Il l'utilisa pour tailler des bonnes prises, aidé par sa maîtrise de l'escalade qui lui permettait de concevoir le parcours idéal pour aventurier en mal de corde. Restait que le travail était long et fatigant, d'autant plus pour lui qui était bien plus un archer qu'un bretteur expérimenté : au bout de deux heures il dut remonter, épuisé. Néanmoins il avait bien progressé, couvrant ainsi près du quart de la distance. Assez pour permettre à la féline Femme des Bois de descendre assez et de "prendre livraison" des amis tout en bas en utilisant toutes leurs cordes mises bout à bout, en s'aidant des très bonnes prises dans la roche.

Après concertation, le groupe décida de continuer sur la lancée et d'essayer de faire un passage taillé dans la roche sur toute la hauteur de la falaise. En effet, ils auraient à revenir ici et un tel escalier de pierre pourrait sans doute leur servir plus d'une fois, avec ou sans corde. L'épée de l'Homme des Bois n'était pas sans risque mais les aventuriers n'étaient pas sans ressource non plus. Aussi Dwimfa lui donna-t-il la bonne dimension puis il la jeta dans le vide, de manière à la faire tomber non loin de ses amis. Comme prévu, elle arriva en bas sans dommage pour elle-même mais bien plus pour les rochers qu'elle brisa ou transperça, et elle put être récupérée sans mal par Isilmë. En fait Mordin fut le premier à la prendre, et il s'essaya à tailler quelques marches tout en bas de la falaise, mais il n'avait pas les mêmes compétences en escalade ou en maîtrise de l'épée que la guerrière elfe. Au moins put-il vérifier qu'il n'était pas affecté par l'épée.

Isilmë ne l'était pas non plus, même si elle ressentait les pulsions de la lame noire qui avait soif de sang et de mort. Taurgil prit sa corde magique et s'en servit pour porter l'elfe qui pouvait ensuite se concentrer sur les prises ou marches à tailler avec l'aide de l'épée. Cela permit ainsi de réaliser un début d'escalier de pierre en un temps record, l'elfe manipulant l'épée bien mieux que Dwimfa. Arrivée à une dizaine de pas de haut, soit la longueur de la corde d'Ardagor, il fallait néanmoins trouver autre chose. La tailleuse de pierre choisit alors de consacrer davantage de temps afin de réaliser un espace assez grand et stable où son ami dúnadan pourrait se tenir et continuer à la porter. Ce qui fut bientôt fait, et Taurgil put prendre place sur cette corniche artificielle. Cela fut bien plus difficile que depuis le sol, mais il put à nouveau porter son amie elfe grâce à sa corde enchantée pour lui permettre de continuer à tailler la roche de la falaise sur une dizaine de pas de haut de plus.

Ensuite, Vif put prendre le relais : elle descendit assez bas pour permettre aux cordes qu'elle portait d'arriver jusqu'à l'elfe, qui put elle-même accrocher la corde qu'elle avait avec elle. Entre les marches de pierre et la longueur des cordes attachées, grimper n'était plus un réel problème. Mais l'objectif de couvrir toute la hauteur de la falaise restait : la lionne enchantée monta son amie à la hauteur où Dwimfa s'était arrêté peu auparavant, et Isilmë continua l'œuvre de l'Homme des Bois. Le travail progressa bien, mais un nouvel élément interrompit l'elfe avant qu'elle ne pût finaliser son travail : depuis le haut de la falaise, Dwimfa vit venir du nord des nuages denses comme un mur de neige, et il prévint qu'un fameux blizzard était en train d'arriver sur eux, et qu'il fallait tous se mettre aux abris. Isilmë fut descendue, et chacun se prépara de son mieux à la tempête de neige qui arrivait.

7 - Blizzard et naturisme
En haut, les trois amis reprirent place dans l'igloo rapide - en fait rien de plus qu'une espèce de terrier creusé dans de la neige tassée - où ils se tinrent chaud les uns les autres, protégés du vent et de la neige. Tout au plus fallait-il régulièrement maintenir ouverte la sortie de leur trou pour laisser l'air circuler et éviter d'étouffer. Mais en bas, c'était une autre histoire : faute de neige ou de végétation, sans grotte où se réfugier et sans grand-chose pour créer un abri, ce n'était pas si facile. Habitués à utiliser la neige comme abri, comme les Lossoth, les aventuriers n'avaient pas de tente ou de bâche ou autre tissu un minimum grand voire étanche avec eux. La falaise n'était pas tout à fait verticale et le vent tourbillonnant les aveuglait de sa neige abondante.

Rapidement, le temps empira encore, avec de très fortes chutes de neige que l'air plus chaud du Puits de Morgoth faisait fondre. Autrement dit, les éléments se transformèrent assez vite en douche glaciale pour ceux qui se trouvaient dans des éboulis, sans abri véritable. Taurgil et ses amis tentèrent bien d'utiliser l'épée de Dwimfa pour creuser la falaise où ils se trouvaient mais sans grand succès : creuser en aveugle, dans de fortes rafales de neige tourbillonnante, sur un sol d'éboulis glissants, n'était pas très efficace. Petit à petit, leurs vêtements prenaient l'eau et perdaient leur pouvoir protecteur, ils grelottaient et ne pouvaient dormir malgré la fatigue qui se faisait de plus en plus sentir, et à part Isilmë, ils risquaient fort d'attraper bronchite et pneumonie d'ici peu. Et utiliser la magie des soins pour les protéger ou les guérir risquait fort de réveiller Durlach qui ne dormait que d'un œil et bien trop près d'eux.

Après un moment, ils s'étaient serrés les uns contre les autres en utilisant au mieux le trou partiel qu'ils avaient fait dans la falaise (dégoulinante) et les pierres alentour pour les protéger le plus possible, mais sans grand succès. L'elfe, n'ayant rien de mieux à faire, se mit à méditer pour évacuer ses tensions. Lorsqu'elle sortit de sa méditation, reposée mais passablement rafraîchie, elle constata que le mauvais temps perdurait et que ses amis soufraient beaucoup. Leurs vêtements n'étant aucunement une protection, ils finirent par se déshabiller et elle leur appliqua à tous un onguent fourni par les elfes de Brumes Éternelles pour résister au froid. Au départ l'idée avait été de se protéger des dragons et des blizzards glacés qui sévissaient dans le Grand Nord, et leur utilisation présente semblait bien choisie pour assurer la survie de ses amis.

Il se passa encore un long moment ainsi, où l'elfe dut renouveler régulièrement les onguents sur les corps nus de ses camarades serrés les uns contre les autres pour se tenir le plus possible au chaud et se protéger de la pluie glaciale qui tombait sans cesse sur eux. Certains comme Geralt et Mordin prirent même du marchand de sable, ce puissant somnifère induisant un profond sommeil réparateur. Les soins constants de l'elfe, l'abri sommaire fait à l'aide de leurs skis et de leurs affaires, la proximité de leurs corps nus, tout cela parvint à éviter qu'une hypothermie trop grave ne terrassât les corps des amis de l'elfe. Certains néanmoins montraient tous les signes de rhumes et autres affections respiratoires plus sérieuses. Cela dura encore et encore, et Geralt devait serrer les dents pour ne pas exprimer sa détresse et le désespoir qui l'envahissait petit à petit.

Mais en fin de compte les chutes de neige se calmèrent. En haut, Dwimfa jugea que ce n'était qu'un répit, le ciel restait couvert et la neige pouvait retomber d'ici peu. Il fallait en profiter le plus vite possible pour sortir de ce trou. Aussi Isilmë reprit-elle son travail de taille de l'escalier de pierre, tandis que Drilun et Geralt prenaient leurs affaires trempées pour aller les faire sécher dans les parties plus chaudes du puits de Morgoth. Néanmoins, lorsqu'ils sortirent de la zone froide et humide proche de la falaise, et dont la visibilité était faible en raison de la brume constante, ils virent que le chantier avait bien avancé : l'elfe avait terminé son travail, et Mordin était déjà en train de grimper, avec l'aide de la lionne enchantée qui le tirait de là à l'aide des cordes attachées les unes aux autres. Au bout du compte, les deux amis repartirent dans l'autre sens en grelotant, sans avoir fait sécher leurs affaires.

Au final, il ne fallut pas longtemps pour que tous fussent en haut du puits, à l'aide de l'escalier de pierre et des cordes tirées par Vif. Le groupe s'éloigna alors du bord du puits, jusqu'à une distance jugée suffisante pour essayer de lancer des sorts. Isilmë vérifia que tout se passait bien, afin de pouvoir soigner ses amis. Auparavant, comme le temps était sur le point de redevenir très mauvais, des abris furent faits dans la neige abondante, et Vif partit chasser afin de bientôt ramener la dépouille d'un renne, moins une partie qu'elle avait prélevée pour sa propre consommation. Rob fit un excellent repas pour remonter le moral des troupes, qui en avaient bien besoin, et un sommeil réparateur agrémenté de magie des soins pour le rendre encore plus récupérateur fut lancé sur certains. Drilun, de son côté, utilisa sa magie pour sécher leurs affaires. Lorsque le mauvais temps les quitta pour de bon, après un long moment, ils étaient convenablement reposés et prêts à repartir.

8 - Rencontre et discussion
Le groupe reprit son voyage en direction de l'est, mais en cours de route les aventuriers tombèrent sur ce qui ressemblait fort à d'anciens villages de Jäämiehet ("Hommes des Glaces"), comme s'appelaient les Lossoth qui vivaient par ici, villages recouverts de neige et sans vie. Certains s'empressèrent de passer rapidement, se doutant bien de ce qu'ils allaient trouver si jamais ils fouillaient un peu. Mais d'autres, comme Geralt ou Dwimfa, ne purent se résoudre à faire l'autruche alors qu'ils savaient très bien qu'ils étaient la cause de ce qu'ils ne mirent pas longtemps à découvrir : des corps démembrés, torturés, en partie mangés parfois, étaient bien présents sous la neige que le précédent blizzard avait déposée là.

La fouille rapide des lieux montra que les faits étaient récents : des guerriers de la horde des traineaux avaient en partie massacré le village, en partie emporté divers prisonniers, dont probablement une bonne proportion de femmes et d'enfants, avant de partir vers l'est. Vif avait raconté à ses amis les propos qu'Andalónil lui avait tenus. En conséquence, il fut facile d'additionner deux plus deux : leurs ennemis de Dol Guldur étaient venus faire leur marché. Autrement dit, le noir cavalier aperçu auparavant avait commencé sa campagne de terreur, destruction et capture des Jäämiehet des alentours afin de s'en servir comme appâts pour forcer les aventuriers à venir dans le piège qu'il était en train de leur tendre. Plus ils mettraient de temps pour le confronter, plus les peuplades locales en souffriraient. Entre la horde des traineaux et le spectre qui les commandaient, Taurgil et ses compagnons se doutaient qu'ils étaient la seule chance des Lossoth présents. Encore fallait-il confronter leur ennemis non selon leurs règles mais en imposant quelque chose de moins risqué pour eux.

Dwimfa ne put laisser ceux qu'il considérait maintenant comme les siens ainsi, et il se fit un devoir de déterrer les corps pour les laisser en pâture aux loups ou autres prédateurs voire charognards et permettre ainsi à leurs corps de réintégrer le cycle de la vie. Cela fut complété par un splendide chant d'Isilmë qui cherchait ainsi à ramener l'harmonie sur les lieux et à apaiser les esprits dérangés par cette violence sanguinaire. Restait qu'ils risquaient de trouver sur leur chemin d'autres vestiges de ce genre, et que plus ils attendraient et consacreraient du temps à disposer des morts, plus il risquait d'y avoir encore d'autres morts. Il ne fallait pas foncer tête baissée dans le piège qui s'annonçait, mais il ne fallait pas non plus perdre trop de temps.

Le voyage fut également ponctué par une visite à moitié prévisible, d'autant qu'elle avait été en partie annoncée à Vif peu auparavant : lorsque le groupe s'arrêta pour se reposer et que Drilun se concentra pour interroger les étoiles à l'aide de sa magie, seul sous le ciel tandis que les autres se reposaient dans leur abris, il fut brusquement interrompu par une attaque qui le prit par surprise et l'envoya voler plus loin, avec une blessure légère à la tête pour lui sonner les cloches. Puis Andalónil, satisfait de son entrée, put entamer un échange moqueur et cruel avec les aventuriers, décrivant ce qui les attendait ou du moins les conséquences les plus négatives possibles de leurs choix. En bref, le piège était prêt à se refermer sur eux et le démon venait s'assurer qu'ils ne pouvaient l'ignorer plus longtemps.

Mais en même temps, Andalónil semblait jouer un double jeu, car il servait deux maîtres, sans que les aventuriers ne parvinssent à savoir quel était son objectif véritable. Servait-il plus Dol Guldur ou Eloeklo ? Le premier souhaitait la mort des aventuriers, ou du moins d'une partie d'entre eux, et l'esclavage - ou l'enrôlement - des autres. Eloeklo comptait se servir des aventuriers pour ses fins propres, ce qui n'était pas forcément mieux à long terme mais avait l'avantage de ne pas proposer de solution définitive et à court terme pour une partie du groupe. Peut-être Andalónil servait-il plus Eloeklo, mais si jamais les aventuriers périssaient il aurait tout de même l'approbation de Dol Guldur comme lot de consolation. En conséquence il était difficile de se fier à lui.

Malgré cela il offrit au groupe de nombreuses informations sur le piège qui leur était tendu : organisation du camp de la horde des traineaux, nombre des guerriers, emplacements, ménagerie (ours, chiens...), prisonniers... et aussi fonctionnement de cette culture guerrière. D'une certaine manière, il faisait tout - au moins en apparence - pour permettre aux aventuriers de s'organiser en connaissance de cause et de pouvoir vaincre le spectre venu de Dol Guldur. Gorovod, sorcier en chef - Fhalaugash - de la montagne de la sorcellerie était mort, restait son chef des armées. Et le démon de détailler les faiblesses dudit spectre : il était particulièrement vulnérable aux éléments naturels comme l'eau courante, le feu, mais aussi la lumière... ainsi qu'au nom d'Elbereth, entre autres choses. Puis, satisfait de l'effet qu'il avait eu auprès du groupe, il prit congé et s'envola au loin, sans doute pour annoncer à son compagnon de Dol Guldur qu'il venait de faire son devoir et que l'arrivée des aventuriers ne tarderait plus.

Il n'empêche, les éléments qu'Andalónil avait donnés apportaient des perspectives nouvelles au groupe. Certes, le spectre de Dol Guldur semblait invulnérable, bien trop fort pour eux tous, surtout servi par peut-être plus de deux cents guerriers de la horde des traineaux, sans parler de leurs féroces animaux. Il pouvait les affaiblir avant même de parvenir jusqu'à lui, pour les achever sans mal avec sa sorcellerie. Mais tout de même, Drilun avait un bâton de lumière qui permettrait de l'affaiblir grandement, et plusieurs membres de l'équipe avaient sans doute l'équipement ou les compétences pour le blesser voire le tuer. En s'y prenant bien, se confronter à lui pouvait déboucher sur une issue heureuse, ce qu'ils n'auraient pas pensé possible peu auparavant. Cela étant, ils se méfiaient d'éventuelles mauvaises surprises, à tel point que pour certains c'était non pas une éventualité mais une certitude. D'un autre côté, Tevildo pouvait aussi faire pencher la balance d'une manière inattendue. Mais avoir besoin de lui était sans doute la dernière chose sur laquelle comptaient Vif et ses amis.
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Grand Nord - 20e partie : neige, lumière et mort

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1 - Repos très actif
Isilmë fit un soin à la tête de Drilun, en s'aidant de sa magie, et tous repartirent bien vite dans leurs abris pour un repos bien mérité. Mais hormis pour Dwimfa et Mordin, qui eurent bien ce à quoi ils s'étaient préparés, les autres membres du groupe connurent un sommeil un peu particulier : ils se retrouvèrent tous dans une grande plaine verdoyante, sans limite visible, au pied d'un grand arbre dans lequel trônait un lynx blanc qui les regardait avec un certain dédain. Le ciel était bleu, il faisait bon, il n'y avait aucune ombre ni aucun soleil dans le ciel. Ils conclurent vite qu'ils étaient en train de partager un rêve avec le seigneur des lieux qui les toisait depuis sa branche : Tevildo avait appelé en rêve tous ceux avec qui il partageait un lien magique, soit tout le groupe hormis le nain et l'Homme des Bois.

Cette convocation imposée ne plaisait guère à Geralt, qui aurait bien voulu retourner au pays des songes, le vrai celui-là. Mais impossible d'échapper au Seigneur des Chats, qui les avait sous son emprise. Seigneur qui était bien silencieux, mais qui finit par répondre à leurs questions après un petit moment. Manifestement, le patron de Vif voyait leur prochaine confrontation avec Khamûl, nom du chef des armées de Dol Guldur, avec quelques soucis. Le groupe découvrit bientôt que d'une manière ou d'une autre, Tevildo avait espionné les préparatifs établis par leur poursuivant de Dol Guldur. Il ne semblait pas là pour les empêcher d'y aller, cela lui paraissait même un bon test. Après tout, Taurgil et ses amis auraient tôt ou tard à faire face à Eloeklo et surtout Durlach. Alors Khamûl et sa clique de deux cents guerriers de la Horde des Traîneaux, sans compter les ours polaires et autres surprises, cela représentait à peine une légère mise en bouche ! Mais avec une petite aide supplémentaire, quelques conseils, cela paraissait convenir encore mieux au Prince des Chats et ancien lieutenant de Morgoth.

Le lynx apporta quelques informations utiles. Ainsi, il décrivit un peu le camp que Khamûl avait préparé à leur intention, ses pièges, sans oublier de préciser la nature d'une des surprises qui attendaient les aventuriers : une petite horde de plus d'une centaine de loups blancs... Aux questions que le groupe posa concernant Andalónil et Eloeklo, le Maia répondit qu'il ne fallait pas compter sur eux comme aide, mais plutôt comme une gêne possible : le premier avait des intérêts tant à tuer Vif et ses amis qu'à les laisser vivre, et le second verrait sans doute cette épreuve comme un bon test pour voir l'efficacité et l'utilité du groupe pour ses projets à lui. En conséquence, ils n'aideraient pas, et Andalónil était même susceptible de leur mettre quelques bâtons dans les roues au passage. Ce qui ne voulait pas dire qu'il agirait uniquement comme un ennemi. Mais il ne prendrait le parti des aventuriers que lorsque la victoire de ces derniers ne ferait plus aucun doute.

Mais peut-être le principal apport du Seigneur des Chats fut-il de rappeler à ses demi-esclaves que le bâton de lumière de Drilun, et les pouvoirs magiques qu'il avait développés grâce à lui, étaient encore plus puissants qu'ils ne le pensaient. En effet, Tevildo fit remarquer que tout le Grand Nord, en cette saison, était plongé dans une obscurité qui allait durer encore de nombreuses semaines, et le paysage était complètement couvert de neige. Les peuples du nord ne portaient alors plus les protections qu'ils mettaient sur leurs yeux pour atténuer le réfléchissement des éventuels rayons du soleil sur la blanche neige, neige qui allait très fortement amplifier la lumière magique que le Dunéen comptait faire. Toutes les personnes présentes seraient susceptibles d'être aveuglées en raison de cette réverbération, et dans un tel rayon que tous les ennemis seraient affectés. Mais les amis également : la lumière magique que l'archer-magicien avait prévu de faire affectait la vision et le moral des personnages maléfiques, et la neige allait l'amplifier. Mais les autres, Lossoth et aventuriers, s'ils ne seraient pas gênés par la source directe de la lumière enchantée, auraient quand même droit à l'éblouissement de cette lumière reflétée sur la neige partout présente...

Malgré les nombreux problèmes que cela posait, et qui réclamaient une solution, l'avenir du groupe parut à tous soudain bien plus brillant. Aveuglés par la lumière intense que comptait faire Drilun, leurs ennemis ne seraient pas en état de leur causer beaucoup de soucis. Les aventuriers pourraient ainsi arriver rapidement à portée de combat de Khamûl pour lui régler son compte, alors qu'il serait affaibli. Ne manquait qu'à résister à sa magie ténébreuse capable de faire passer feu Gorovod pour un enfant de cœur, à ses attaques mortelles capables de ridiculiser un dragon hormis les plus puissants, sans parler de supporter l'aide d'Andalónil qui n'allait pas leur simplifier la tâche. Le tout sans être aveuglés par la trop forte lumière magique créée à cette occasion, lumière que Drilun pensait pousser jusqu'à son paroxysme.

A ce sujet, Taurgil interrogea ses connaissances et le Seigneur des Chats ensuite : il existait dans la région une herbe capable de se protéger d'une lumière trop intense, que les Lossoth utilisaient parfois. Il s'agissait d'une espèce de sauge dont la racine blanche pouvait être écrasée et faite en infusion pour renforcer la résistance des yeux à la lumière. Le lynx blanc, grâce aux connaissances - magiques notamment - de Tina, l'hôte du Maia, ne pouvait-il pas aller leur en chercher quelques-unes ? Certes, trouver des racines sous une couche de neige plus épaisse que la taille du hobbit n'était pas si facile que cela. Mais l'herbe ne poussait pas trop loin, et par ailleurs Tevildo n'aurait pas grand-chose à faire d'autre : appeler des félins pour les aider était compliqué, lent (ils étaient loin) et peu efficace face aux très nombreux loups et ours. Et les aventuriers déclinèrent l'offre du Seigneur des Chats de les stimuler magiquement, de les rendre plus confiants et pleins de ressources... au prix d'un lien encore plus fort avec lui !

2 - Approche et éloignement
Au bout du compte, après quelques ultimes coups de main, Tevildo laissa les aventuriers à leurs affaires. D'une part, il avait promis de leur apporter quelques herbes demandées qu'il pourrait trouver à leur prochaine période de sommeil. D'autre part, il put les renseigner quant à l'emplacement de la plus proche Horde des Traîneaux à proximité. Car Taurgil et ses amis, après de nombreux échanges et réflexions, pensèrent qu'arriver à la tête d'un groupe de ces guerriers apporterait un certain nombre d'avantages : les autres guerriers ennemis auraient d'autres cibles possibles ou peut-être même les laisseraient-ils arriver à leur chef, Khamûl, sans leur chercher de noise. En effet, hormis rares exceptions, les différentes tribus ne se faisaient pas la guerre, les conflits étant en général réglés entre chefs. De là à penser que ceux commandés par le chef des armées de Dol Guldur se conduiraient ainsi, il y avait un fossé que les aventuriers n'osaient pas franchir. Mais au moins pouvaient-ils l'espérer. Seule une petite tribu était à portée du groupe, à moins d'une journée au sud. La suivante était bien trop loin et ils n'auraient peut-être plus personne à sauver après un aller-retour de plusieurs jours.

Le groupe se mit donc en route vers l'est, non loin de la côte où de nouvelles scènes de désolation les attendaient. Mais alors que les traces sanglantes remontaient vers le nord, ils choisirent le sud, à travers un paysage enneigé mais quelque peu escarpé. A pattes, à skis ou en raquettes, les aventuriers progressèrent à allure constante bien qu'un peu lente. Ils rencontrèrent également un groupe de Lossoth qui les fuirent dès qu'ils les repérèrent au loin, mais Dwimfa les héla et leur fit comprendre qu'ils n'étaient pas des ennemis. En fait il s'agissait de quelques chasseurs ayant repéré deux autres membres d'une tribu proche, blessés, qui fuyaient vers le sud. C'étaient deux survivants des attaques de la Horde des Traîneaux contrôlée par Khamûl, et dont le village et ses habitants avaient été complètement massacrés ou emportés. Le groupe tâcha de les aider et les prévint qu'il fallait fuir la zone le plus possible, qu'un très puissant ennemi y faisait des ravages mais que Vif et ses amis allaient s'en occuper... Avec consigne de passer le mot auprès des autres tribus et clans proches.

Le voyage vers le sud se poursuivit. Un troupeau de rennes fut croisé, que les aventuriers firent fuir pour pouvoir ensuite avancer sur la neige tassée par les animaux, ce qui permit d'accélérer un peu l'allure. Plus loin, une tribu des Hommes des Glaces fut rencontrée et l'alerte fut donnée qu'il fallait fuir vers le sud et inciter les autres à en faire autant. Au passage, Mordin troqua quelques trousses de premiers soins contre une dose d'herbe protégeant les yeux de la lumière aveuglante du soleil sur la neige, plus des espèces de lunettes de cuir fendu pour se protéger les yeux, y compris pour Vif. Le groupe poursuivit toujours plus au sud et un peu vers l'ouest, traversant des zones au relief de plus en plus marqué. Après avoir bien grimpé, ils se retrouvèrent enfin au sommet d'une série de collines escarpées qui préfiguraient des montagnes plus au sud et à l'est, dont certaines où les amis de Dwimfa avaient rencontré leur destin...

Depuis leur position élevée ils purent repérer des feux plus en contrebas : la tribu de la Horde des Traîneaux qu'ils recherchaient était bien là, qui semblait s'installer, d'après un peu d'espionnage à l'aide de la longue-vue. Les guerriers n'étaient plus très loin et, comme ils étaient en contrebas, Drilun et compagnie pourraient être sur eux assez rapidement grâce aux skis qui pouvaient les porter assez vite. Ils firent halte pour un repos une fois de plus estimé bien mérité. Au cours de la nuit, la féline Femme des Bois rêva d'un lynx blanc qui enfouissait quelques racines dans la neige, dans un endroit qui ressemblait furieusement à ce qu'elle avait vu non loin du camp. Au réveil, elle alla fouiner dans ce qui ressemblait à la vision dans ses rêves, et elle y trouva bien entendu les racines apportées par son patron...

Les aventuriers se regroupèrent et décidèrent de la manière d'aborder la tribu en contrebas. Ils choisirent la voie la plus directe : entrer de manière provocatrice, en conquérants, sans se dissimuler le moins du monde. C'est Geralt qui fut choisi pour être le challenger de l'actuel chef de la tribu. Afin de pouvoir profiter de la descente à skis et de marquer les esprits en même temps, Drilun fit une lumière magique sur son ami, afin de les éclairer et de permettre de bien trouver où guider leurs skis dans la descente. Le maître-assassin passa aussi un peu de temps à maquiller ses amis et lui afin de ressembler davantage à ceux dont ils voulaient devenir les chefs. A l'exception du hobbit, qui ferait un bon esclave... L'archer-magicien avait complété les déguisements par un peu de magie, faisant ainsi de leur lionne enchantée un loup énorme et assez effrayant. Puis ils s'élancèrent dans la pente.

3 - Prise de pouvoir
Après plusieurs semaines d'utilisation des skis, les aventuriers à deux pattes avaient bien progressé dans la maîtrise de ce mode de déplacement. Ils profitèrent de la descente et de la lumière reflétée sur la neige pour prendre de la vitesse, contourner les rochers et arriver près de la tribu de fanatiques guerriers en un temps record et sans grande fatigue, accompagnés par la féline Femme des Bois qui bondissait comme le grand félin qu'elle était. Après un changement de nature de lumière, bien rouge pour un effet plus conforme à des guerriers sanguinaires, Geralt monta sur la lionne au déguisement magique de loup géant et il mena sa petite troupe en direction du camp. Comme prévu, leur descente lumineuse n'était pas passée inaperçue, et plusieurs guerriers les attendaient, tandis que d'autres se hâtaient de prévenir ceux qui dormaient encore.

Le maître-assassin avait soigné son apparence, exposant sa sinistre armure draconique au grand jour. Les chauds manteaux elfiques enlevés ne permettaient plus de lutter convenablement contre le froid, mais cela était compensé par la dague magique que Taurgil avait prêtée à son ami : son contact protégeait efficacement contre le climat glacial qui les entourait. Cela, plus l'effrayante monture sur laquelle il se tenait, n'incitait pas les guerriers (et guerrières) de la Horde des Traîneaux à se mettre en travers de son chemin. Néanmoins, un individu âgé, manifestement un maître des loups qui accompagnaient la troupe - il en avait deux à ses côtés - osa quand même s'interposer. Geralt ne comprit pas son parler oriental et agressif mais il répliqua en labba de manière encore plus agressive, si bien que l'homme pâlit. Ses loups blancs couchèrent leurs oreilles devant le grondement de la lionne enchantée et magiquement déguisée, et ils s'écartèrent tandis que les autres aventuriers beaux parleurs, et notamment Mordin, faisaient des commentaires insultants dans un labba de moindre qualité.

Le groupe progressa un peu vers le centre du camp, tandis que ses habitants se faisaient plus nombreux autour d'eux. Il devait y avoir une soixantaine de guerriers, y compris des adolescents, ainsi qu'une quinzaine d'ours polaires domestiqués et une vingtaine de loups blancs eux aussi habitués à partager la vie de la tribu. Les animaux semblaient vivre en périphérie du camp, avec les humains capables de les maîtriser. Plus à l'intérieur venaient des abris assez sommaires, comme des tas de neige tassée creusés à la manière des Lossoth. Puis, plus près du centre, des igloos ou autres constructions plus solides et confortables. Encore plus près du centre, dans un espace relativement libre, divers feux étaient disposés qui servaient à rôtir des morceaux de viande de renne, dont les carcasses reposaient non loin, et qui provenaient sans doute de la harde que les aventuriers avaient fait fuir. Dwimfa ne put se retenir de constater le gaspillage dont faisaient preuve les guerriers pour faire autant de feux en extérieur et perdre toute cette chaleur...

Au centre du camp était disposé une espèce de yourte recouverte de neige, bâtiment le plus imposant du camp et probablement demeure du chef. Ledit chef arrivait d'ailleurs vers eux, accompagné de ses meilleurs guerriers (et guerrières), tenant à la main un harpon constitué de nombreux os taillés et recouverts de runes, et probablement pris à des sages ou nommeurs d'esprit lossoth. L'homme semblait très costaud physiquement, et manifestement il n'appréciait guère la nonchalance des aventuriers qui se comportaient comme s'ils étaient déjà en terrain conquis. Mais comme ses guerriers étaient clairement trop impressionnés pour s'attaquer aux étrangers, c'était à lui de faire le ménage...

Aidé par le magicien dunéen qui eut grand plaisir à changer la voix du chef de horde pour celle d'une petite fillette, Geralt n'eut aucun mal à le provoquer et le faire attaquer, pendant que le reste de la tribu observait la scène. Sous les quolibets des autres aventuriers, Geralt désarma sans mal le chef, à la grande stupéfaction de ce dernier. Il ne le tua pas tout de suite mais joua un peu avec lui, avant de lui couper une main tandis qu'il se précipitait pour ramasser son arme. Tandis que l'homme hurlait en tenant son moignon ensanglanté, le maître-assassin se moquait de lui. Parmi les spectateurs, des biens divers changeaient déjà de main suite à des paris peut-être prononcés un peu vite. Le chef perdit ensuite son autre main et il finit par s'évanouir lorsque le balafré aux cheveux blancs l'éventra. Geralt acheva son adversaire en l'étouffant avec ses propres intestins... La tribu avait un nouveau chef.

4 - Déplacement et espionnage
Tout en continuant à jouer son rôle de grand guerrier des ténèbres, le maître-assassin prononça un discours détaillant ses projets, aidé parfois par la lionne enchantée qui lui soufflait des idées quand il manquait d'inspiration : aller ajouter à sa petite (et nouvelle) tribu encore davantage de guerriers de la Horde des Traîneaux. Pour cela, il allait les emmener vers le nord où il comptait bien affronter le chef d'une tribu bien plus grosse, de fusionner les deux pour les faire devenir la tribu la plus forte de tout le Grand Nord. Il donna donc des ordres pour se préparer au départ, tandis qu'une maîtresse de l'ancien chef commençait à lui tourner autour afin de retrouver une place de choix auprès du nouveau chef. Il la laissa faire et profita même de ses vues sur lui pour lui servir de conductrice de traîneau et pour en apprendre plus sur leur culture de guerriers fanatiques.

La tribu ne pouvait prendre le chemin par où étaient passés les aventuriers, car il était trop escarpé. Ils durent donc contourner le Puits de Morgoth par le sud et l'ouest, à une certaine distance afin de ne pas être affectés par les fumées toxiques qui en émanaient. Toute la journée fut donc occupée à voyager, chacun ayant trouvé un traîneau - par l'intimidation d'autres guerriers le plus souvent - et son conducteur (ou conductrice). Ainsi Taurgil se fit-il une place auprès d'un conducteur en lui brisant quelques dents d'un bon coup de poing, tandis qu'Isilmë utilisait ses pouvoirs auprès d'un autre pour devenir son amie. L'allure était soutenue et les guerriers qui n'étaient pas en traîneau suivaient à ski, de même que les animaux qui ne tiraient pas les traîneaux - y compris Vif. Une pause à midi permit à Drilun de renouveler la magie qui couvrait d'illusions certains de ses amis comme la lionne enchantée.

Après un long voyage, la tribu et les aventuriers se retrouvèrent au nord du Puits, et plus très loin de la côte où l'armée de Khamûl devait les attendre. Mais divers guerriers montraient des signes de fatigue, et il fut décidé d'établir un camp et de se confronter à l'autre tribu - et à leur chef venu de Dol Guldur - après une bonne période de repos. Le camp fut donc établi de la même manière qu'avant leur départ, et le maître-assassin prit possession de la yourte spacieuse où il entra avec ses amis, lionne déguisée comprise. Il renvoya la guerrière avec qui il avait fait le trajet, au grand chagrin de cette dernière, et garda juste quelques guerriers pour garder l'entrée de la tente. Le temps était couvert, il neigeait et la vue était très limitée dans cette nuit perpétuelle, et donc les guerriers de la tribu se réfugièrent-ils vite dans leurs abris, à l'exception de ceux qui partageaient le quotidien des animaux et qui pouvaient se serrer contre eux, comme ils le faisaient entre eux.

A l'exception aussi de trois personnes que Vif entendit venir discrètement à l'arrière de la yourte, mais pas assez pour ne pas les percevoir grâce à son ouïe incroyable. Après en avoir informé discrètement ses compagnons, elle quitta la yourte pour se fondre dans le paysage enneigé du camp, en prenant soin de rester discrète tout en surveillant les alentours. Elle fut également suivie de manière similaire par Dwimfa et Taurgil. Au passage, leur sortie fut annoncée par un guerrier non loin de l'entrée qui siffla de manière trop évidente et qui entraîna un éloignement des trois espions à l'arrière. Mais tous retrouvèrent leur place après un moment d'attente sous la neige. Bientôt les trois indiscrets furent repérés : il s'agissait du maître-loup dont ils avaient fait la connaissance à leur arrivée dans la tribu, accompagné par deux jeunes sans doute excités par leur propre audace et celle de leur compagnon plus âgé, qui était manifestement le meneur. Petit à petit, ils se rapprochèrent discrètement d'eux...

Le maître-loup sentit bientôt une lame noire sur sa gorge, lame tenue par la main de l'Homme des Bois. La vue était tellement limitée que ses deux compagnons plus jeunes mirent un moment à se rendre compte de ce qu'il passait, mais les autres silhouettes s'approchant d'eux les aidèrent à comprendre dans quel pétrin ils étaient. Heureusement pour eux, ils n'intéressaient guère les aventuriers, qui les chassèrent des abords de la yourte en les prévenant de se tenir à carreau. Par la suite, Vif allait les retrouver aux côtés d'autres guerriers auprès desquels ils racontaient leur aventure, plongeant le groupe dans la peur et s'assurant bien que le gros loup qu'ils voyaient en elle allait quelque peu s'imposer à leur mémoire voire à leurs rêves, quitte à jouer un peu avec eux sans néanmoins les blesser. Sa petite manœuvre d'intimidation achevée, elle put retrouver ses amis.

Le maître-loup prisonnier, de son côté, fut brutalement questionné, en particulier par le nain qui manquait de patience. Mais Geralt et ses amis ne purent rien tirer de sûr de l'individu, qui déclarait avoir juste voulu en savoir plus sur le nouveau chef pour trouver comment profiter de la nouvelle situation. Il voulait améliorer sa position dans la tribu, se rapprocher du cercle du nouveau pouvoir. Pouvait-il être un espion à la solde de Khamûl ? Beaucoup en doutaient, sans certitude aucune. Que fallait-il alors faire de l'homme à leurs pieds ? Plusieurs étaient partisans de le tuer et d'en faire un exemple pour les autres, mais Geralt ne voulut pas trancher et fit le chef fatigué qui délègue le sale boulot à ses amis. En fin de compte l'homme fut traîné dehors, Mordin lui coupa une oreille et Dwimfa le prévint de filer droit à l'avenir s'il ne voulait pas perdre davantage. En espérant avoir fait un bon exemple et avoir motivé le maître-loup, tous partirent dormir et leur sommeil ne fut aucunement perturbé.

5 - Dommages collatéraux
La tribu reprit sa route une fois le repos achevé, après avoir tout démonté et remis les affaires sur les traîneaux ou dans les sacs portés par les guerriers. Les animaux s'élancèrent, les traîneaux furent tirés, et les skieurs suivirent. Il ne neigeait plus, même si des nuages d'altitude voilaient les étoiles et rendaient le paysage lugubre malgré la neige. La côte fut atteinte là où les aventuriers avaient bifurqué vers le sud, à leur précédent passage autour de deux "jours" auparavant. Dans cette éternelle pénombre, il était difficile de suivre le passage du temps. En revanche, il n'était pas difficile de suivre les traces laissées par la tribu de la Horde des Traîneaux dont Khamûl s'était rendu maître : il n'avait fait que détruire village après village des Hommes des Glaces, massacrant certains de ses habitants et emmenant les autres pour utilisation ultérieure.

En fait il ne s'agissait pas seulement de massacre mais réellement de mise en scène : malgré la neige tombée peu auparavant, les cadavres des suppliciés étaient encore clairement visibles, de même que les tortures qui les avaient mis dans un tel état, tortures que l'on devinait lentes et douloureuses. Le tout était disposé avec une expérience certaine pour impressionner et frapper les esprits et les cœurs. Les aventuriers avaient eu beau en voir au cours de leurs aventures, ils découvraient là un nouveau seuil dans l'horreur, et il leur fallut toute leur volonté, stimulée parfois par diverses babioles magiques, pour ne pas être affectés par de telles visions. Les guerriers et guerrières de la Horde des Traîneaux qui les entouraient étaient impressionnés eux aussi, et d'une certaine manière stimulés de découvrir de telles techniques provenant manifestement d'un maître de la souffrance et des ténèbres...

A cela s'ajoutait la pensée tenace que, d'une certaine manière, le groupe était responsable de ce qui était arrivé aux Lossoth des environs. Après tout, le chef des armées de Dol Guldur n'avait perpétré un tel massacre et réalisé une telle mise en scène que parce qu'il n'avait pas réussi à amener les aventuriers à une confrontation directe. Il avait donc préparé le terrain pour les forcer à venir à un endroit choisi par lui, en espérant en même temps les affaiblir avant même leur rencontre. Ils furent plusieurs à se demander s'ils n'auraient pas pu éviter d'aller au sud pour aller chercher la tribu de guerriers qui les entouraient, perdant un temps précieux qui avait entraîné la mort d'encore davantage d'innocents. Malgré la distance, Vif arrivait déjà à percevoir les cris de gens qu'on torturait, les pleurs de femmes et d'enfants, et autres sons qui les poussaient à se dépêcher s'ils voulaient rester sains d'esprit.

Il n'était de toute manière plus possible de reculer, et leur arrivée n'était plus un mystère pour leur adversaire venu de Dol Guldur, la Colline de la Sorcellerie. Ou en tout cas il ne serait plus un mystère très longtemps, comme une silhouette ailée leur fit comprendre au-dessus d'eux : Andalónil leur fit quelques signes de la main depuis sa position dans le ciel, avant de partir en avant prévenir son chef de leur arrivée. Au-delà de la lionne enchantée, d'autres aventuriers commençaient à percevoir de grands feux à distance, ainsi que les cris et autres signes de souffrance des gens qu'ils venaient sauver... après les avoir mis dans une telle situation par leur seule présence. Même à distance, Rob sentait une magie noire émaner du lieu vers où ils se dirigeaient. Une magie puissante, redoutable, dont la noirceur finirait bientôt par se faire sentir même de ceux qui n'avaient aucune perception magique. Ils avaient mis presque tous leurs espoirs dans la formidable magie de Drilun et de son bâton de lumière, mais cela suffirait-il ? Certains commençaient à en douter...

Mais les aventuriers ne manquaient pas de ressources : tout d'abord, ils mirent les protections de cuir autour de leurs yeux - ils allaient en avoir besoin pour se protéger de la lumière magique que le Dunéen allait faire. Mais aussi, ils ne lésinèrent pas sur les stimulants fantastiques qu'ils avaient à leur disposition : tous prirent des noix de l'écureuil, pour accélérer leurs réflexes et améliorer leur adresse, de même qu'une bonne infusion de bonneherbe pour toute l'équipe : leur moral serait au plus haut, et vu ce qu'ils venaient de voir ils en auraient bien besoin pour résister à l'influence du chef des armées de Dol Guldur et de ses sinistres sortilèges. Taurgil prit certaines babioles magiques de Dwimfa et d'Isilmë pour renforcer sa magie des soins. Enfin, toutes les herbes augmentant la résistance des yeux à l'aveuglement furent utilisées : trois pour la féline Femme des Bois, le rôdeur Dúnadan et le maître-assassin aux cheveux blancs, qui allaient faire face directement à Khamûl ; et la dernière à Rob, dont les perceptions magiques leur assureraient de garder un peu d'avance sur leurs adversaires.

Le camp fut enfin en vue, disposé au bord d'une mer gelée et recouverte de neige, si bien qu'il était impossible de connaître avec précision le trait de côte exact. Certains aventuriers se demandèrent s'il ne serait pas possible de faire fondre la neige et la glace sous les pas du spectre qu'ils allaient affronter, pour le précipiter dans les flots qu'il semblait abhorrer. Mais il paraissait peu probable que Khamûl n'ait pas disposé son camp de manière à éviter une telle faiblesse dans son plan. Le vent était de plus en plus fort, sans neige, mais il allait rendre le travail des archers presque impossible. D'une certaine manière cela servait les intérêts du groupe qui n'aurait pas à subir des volées de flèches de la tribu adverse. Mais leurs propres archers comme Drilun, Rob et Isilmë, ne pourraient sans doute pas faire grand-chose avec leurs arcs.

Le camp adverse était disposé de manière concentrique : en son centre, un fossé dans lequel de nombreux prisonniers hurlaient leur peur, leur chagrin et leur désespoir, tandis qu'autour de la fosse de grands feux illuminaient des scènes de torture sur des femmes et des enfants. Les cris de douleur et râles d'agonie se mêlaient aux hurlements qui montaient dans le ciel, auxquels se mélangeaient aussi les hurlements des loups ou des ours qui servaient à "motiver" les prisonniers voire à achever certains d'entre eux, tout en montrant aux autres leur avenir proche. Autour de ce centre de torture, des murs de neige ou glace de quelques pas de large étaient disposés de manière concentrique, qui devaient abriter divers guerriers. Alors que le groupe d'aventuriers et sa tribu se rapprochaient, les guerriers adverses passaient d'un mur à l'autre pour se rapprocher d'eux. La Féline Femme des Bois aperçut des sentiers bien marqués dans la neige, leurs adversaires ne marchaient pas au hasard : pour l'essentiel, la neige qui séparait les murs était un vaste piège qui n'attendait que le pied d'un ennemi pour se refermer sur lui et le blesser. Les voies pour arriver au centre étaient limitées, et donc faciles à défendre. Si la lumière magique de Drilun ne marchait pas, ils auraient toutes les peines du monde à arriver au contact de Khamûl : ils seraient ralentis par les guerriers adverses, et la magie du spectre aurait tout le temps de les affaiblir avant même de pouvoir lui porter un coup.

6 - Magie, volonté et intimidation
Le maître-assassin, par l'intermédiaire du nain et du Dúnadan, meilleurs que lui en commandement, poussait ses guerriers à avancer le plus vite possible vers l'emplacement probable de leur terrible ennemi, tout en faisant comme si le défi l'amusait voire le stimulait. Tous pouvaient sentir la présence maléfique de Khamûl, même s'ils ne pouvaient l'apercevoir. Son pouvoir rayonnait et sa présence stimulait manifestement les guerriers sous ses ordres, tandis que ceux du groupe voyaient leur volonté vaciller. Les ours et les loups commandés par Geralt refusèrent d'avancer, ses intimidations faisant pâle figure en comparaison : même pour des guerriers habitués au viol, à la torture, la souffrance et la mort, le sentiment d'infériorité et de peur faisait son chemin dans leurs esprits, et les rodomontades de leur nouveau chef étaient complètement oubliées. Les guerriers commencèrent à passer ours et loups apeurés, l'estomac noué. Il ne faudrait pas grand-chose pour les mettre en fuite. Drilun avait saisi son bâton de lumière magique, Krisfuin, trouvé dans les trésors de Dol Guldur. Quel qu'ait été son créateur, quelque grand et puissant elfe du Premier Âge, il serait sans doute flatté d'apprendre - si cela était possible - que son bâton allait servir pour cela même pour lequel il avait été créé : combattre d'indicibles ténèbres nées des plus puissants maléfices de la Terre du Milieu.

Alors que l'archer-magicien dunéen se concentrait sur le sort de lumière qu'il allait faire sur son amie féline, la voix de Khamûl se fit entendre, provenant du centre du camp adverse mais impossible à situer précisément. Le sentiment d'horreur et de désespoir grandit encore au sein des aventuriers et des guerriers qui les entouraient, qui marquèrent le pas. Ou plutôt, ils s'arrêtèrent vite et s'apprêtèrent à fuir, mais une voix proche ne leur en laissa pas le temps : Mordin se mit à leur hurler après, à les traiter de tous les noms et à tâcher de réveiller en eux les fiers et cruels guerriers qu'ils étaient. Lui qui arrivait à faire peur aux trolls parfois avec son agressivité, il donna de la voix comme jamais. Peut-être n'avait-il pas le même charisme maléfique que le spectre venu de Dol Guldur, mais il ne manquait pas de volonté ou d'imagination, ou de bagout. Au bout du compte, les guerriers hésitèrent mais finirent par tenir bon. Aucun ne choisit de fuir, même si la peur leur nouait le ventre. Et les ours ou les loups avaient les oreilles aplaties sur leur crâne et la tête baissée... mais ils restèrent sur place.

Il fallait maintenant passer à la phase suivante de leur plan : manifestement les guerriers de la tribu venus avec eux n'allaient guère aider les aventuriers, et en face d'eux les autres guerriers contrôlés par Khamûl suivraient aveuglément les ordres de ce dernier. Il fallait se dépêcher de confronter le chef des armées de Dol Guldur de la manière la plus directe possible. Drilun acheva la préparation de son sort, qu'il lança enfin sur son amie et héritière de Tevildo. De sa forme féline émana alors une lumière aussi pure que celle du soleil, qui aveuglait et terrorisait les créatures ténébreuses. Alors que le combat avec les ennemis commençait à peine, les animaux et guerriers adverses furent éblouis par la blanche lumière et ils arrêtèrent le combat pour se protéger les yeux voire pour fuir. Peut-être certains resteraient-ils sur leur chemin, mais Vif n'en avait cure et elle comptait bien les balayer. Taurgil et Geralt étaient déjà prêts, montés sur le dos de la lionne, toujours couverte d'une illusion lui donnant l'apparence d'un loup géant et terrifiant.

Elle s'élança avec ses deux amis sur son dos : ses yeux étaient protégés de la lumière aveuglante réfléchie par la neige grâce à l'herbe avalée moins d'une heure auparavant, et par le cuir fendu disposé autour de ses yeux félins. Elle voyait donc parfaitement les chemins enneigés dépourvus de piège que les guerriers adverses avaient pris, et sa voie vers Khamûl lui semblait toute tracée. A l'inverse, les guerriers adverses aveuglés par la lumière titubaient parfois hors de ces chemins et poussaient des hurlements en tombant dans la neige piégée, comme transpercés par des couteaux cachés. La lionne enchantée, partie comme une flèche, dut néanmoins ralentir : elle allait trop vite pour ses amis, et en particulier le grand Dúnadan, qui ne pouvait tenir sur son dos à une telle allure, même avec l'aide du balafré aux cheveux blancs qui l'accompagnait, et qui avait du mal lui-même à tenir en équilibre.

Rob prévint ses amis d'un nouveau danger : la silhouette ailée d'Andalónil, repérée haut dans le ciel depuis un moment, chutait en piqué vers le centre du camp adverse, avant de corriger sa trajectoire pour foncer dans leur direction. En même temps, le hobbit sentait bien que le démon du froid préparait un sort, un de ceux auxquels ils avaient déjà eu affaire. Il l'annonça à ses amis, qui se préparèrent à recevoir une onde de choc magique en travers de leur chemin. Tandis qu'Isilmë prenait sa plus belle voix pour chanter une chanson à la gloire d'Elbereth, Rob tendit la corde de son arc et visa le démon qui s'approchait de ses amis. La flèche qu'il lança, déviée ou ralentie par le vent puissant qui lui faisait face, atteignit leur adversaire mais sans lui faire de mal : le trait rebondit sur sa peau démoniaque. Puis il lança son sort sur Vif et des deux compagnons. La puissance du sort bloqua net leur élan, brisa au passage quelques côtes à la lionne enchantée, et déséquilibra si bien Taurgil et Geralt qu'ils furent désarçonnés et eurent toutes les peines du monde à ne pas lâcher leur amie, finissant leur chute à ses côtés, les fesses dans la neige. Malgré cela, malgré sa blessure, la féline Femme des Bois resta sur ses quatre pattes et s'apprêta à repartir au plus vite.

Au même moment, le reste de l'équipe connaissait un autre revers. L'archer-magicien dunéen, afin d'amplifier sa magie, avait emprunté l'anneau elfique trouvé à la main de Gillowen et porté parfois par le hobbit, parfois par l'elfe. Alors que son amie féline s'élançait, il l'avait alors mis au doigt. Malheureusement pour lui, la magie de Khamûl eut un effet hélas en partie prévisible, mais pas moins douloureux pour lui : brusquement, sous l'effet de la sorcellerie émanant du spectre, l'anneau magique lui sectionna le doigt et tomba au sol, le privant de sa magie. Grâce à la noix de l'écureuil qu'il avait avalée, il put récupérer rapidement. Aidé par la magie des soins de la guerrière elfe, la blessure fut traitée à défaut d'être guérie, et le doigt et son anneau ramassés. Reprenant ses esprits, il put ce concentrer à nouveau sur ce qu'il avait prévu de faire : un sort destiné à amplifier encore la pure lumière qui émanait du corps de Vif.

7 - Magie noire contre magie blanche
Le démon ailé passa au-dessus du reste de l'équipe puis il commença à reprendre de l'altitude, tout en revenant au-dessus du centre du camp. Pendant ce temps, la féline Femme des Bois utilisait de nouvelles ressources pour limiter la casse qu'Andalónil lui avait causée : sans être mortelle, la blessure infligée était sérieuse et risquait de s'aggraver. Mais la "paysanne" au mystérieux passé - elle ne savait toujours pas qui étaient ses parents naturels - avait pris ses précautions en prévision d'un tel événement : cela faisait longtemps qu'elle avait fait confectionner une bourse attachée à son cou qui lui permettait d'avaler certaines herbes médicinales sans l'aide de personne. Ce n'était pas la première fois qu'elle l'utilisait, mais cette fois-ci elle avait prévu quelque chose de costaud : un don-de-vipère, une glande à venin très rare qui, une fois avalée, permettait de guérir n'importe quelle blessure... avec un peu de repos.

Le groupe en avait déjà disposé de plusieurs par le passé, et le hobbit n'avait dû sa survie, à Dol Guldur, que grâce à ce remède miracle. La lionne n'avait guère le temps de se reposer, mais à tout le moins, le remède allait rapidement stabiliser sa blessure et l'empêcher de s'aggraver. Elle l'avala donc sans état d'âme. Quant à la douleur importante causée par la blessure, sa formidable endurance lui permit d'en ignorer une partie. Elle ferait avec le reste, car il ne fallait pas perdre de temps : ses amis reprirent position sur son dos, et elle fut repartie, balayant sans mal les guerriers aveuglés trouvés sur son chemin. Leur objectif restait Khamûl, qui n'allait pas tarder à se manifester et qu'elle comptait bien confronter avec l'aide de ses amis au plus vite.

L'attaque ensorcelée du chef des armées de Dol Guldur ne tarda pas, en effet. Sa voix s'éleva bientôt du centre du camp où il était retranché, porteuse d'une indicible terreur, de promesses des plus grandes souffrances, et d'une sinistre sorcellerie visant à faire perdre tout espoir à la petite rôdeuse venue de la Forêt Sombre et devenue un grand félin enchanté. Peut-être leur ennemi était-il affecté par la lumière magique et le chant d'Isilmë, et pourtant... Jamais elle n'avait fait face à une sorcellerie aussi puissante, et elle y aurait certainement succombé si ses amis n'avaient pas déjà prévu et préparé une parade : Taurgil était en effet concentré sur sa magie des soins dont il enveloppa le corps de son amie rôdeuse, la protégeant en partie des méfaits de la sorcellerie. Cela, plus les stimulants comme la bonneherbe, plus les protections magiques fournies par les elfes ou Drilun, ajoutés à sa formidable volonté, lui permirent de résister au ténébreux désespoir porté par la sorcellerie de leur adversaire. Elle continua donc sans faiblir.

Elle se rapprochait du centre où Khamûl devait se trouver, comme ses perceptions le criaient, de même que les cris de Rob derrière eux qui tentait de les guider à l'aide de ses propres perceptions. Pour éviter de mauvaises surprises, elle choisit de prendre un nouvelle voie, celle des airs : elle ne passa plus entre les murs de neige qui parsemaient sa route, craignant ce qui pouvait s'y cacher derrière, mais au contraire bondit au sommet de l'une de ces épaisses protections, tant pour éviter certaines attaques que pour mieux y voir et repérer leur ennemi. Ses amis s'accrochèrent à son dos tant pour ne pas voler en l'air que pour ne pas la gêner. Ils étaient bons, ils en avaient même l'habitude, et tout se passa bien. Les sens très affûtés de la lionne enchantée lui permirent également de percevoir que, près du centre, les murs de neige tassée ou de glace étaient en partie creusés en direction du centre du camp, permettant d'abriter un ennemi. Certains étaient des guerriers avec des lances ou harpons, qui tentèrent de l'embrocher avec leur arme, mais ils étaient bien trop gênés par la lumière magique qui émanait d'elle. Mais l'un d'eux n'était autre que Khamûl, qui sortit enfin de sa cachette.

Il était armé d'une épée noire et d'une dague sinistre, tout aussi noire et chargée d'une sinistre sorcellerie que la lionne choisir d'éviter. En revanche, même à distance, il était toujours aussi redoutable. Une nouvelle vague de haine ténébreuse émana de lui, mais cette fois-ci elle ne toucha pas la lionne mais Geralt, qui lui n'était pas protégé par la magie du Dúnadan. Malgré ses babioles magiques le protégeant, malgré la bonneherbe et toute sa volonté, il accusa le coup, sonné par un désespoir immense qui lui disait de laisser tout tomber et mourir... Taurgil aussi fit l'objet de la même sorcellerie mais il était mieux protégé et il put résister. Et puis enfin, le nouveau sort que Drilun préparait depuis un moment fut lancé, un mot de pouvoir pour amplifier la magie déjà présente sur le corps de la féline Femme des Bois. De soleil elle devint une nova, et brusquement le camp entier fut comme plongé dans l'intérieur d'une étoile.

8 - Victoire de la lumière et prix à payer
Les aventuriers avaient eu beau s'y préparer, l'intensité de la lumière en surprit plus d'un. Ceux dont les yeux étaient protégés par la plante du Grand Nord (et le reste) subirent le choc sans trop de mal, en particulier la lionne enchantée, dont les yeux félins s'adaptaient très rapidement à la lumière. Geralt et Taurgil purent eux aussi ouvrir les yeux après un moment et continuer le combat. Drilun et Mordin, dont les yeux étaient peut-être moins sensibles que ceux de leurs compagnons, supportèrent l'intensité lumineuse eux aussi sans problème. Cela fut plus difficile pour Rob, mais lui aussi s'en tira sans mal. Dwimfa, par contre, malgré sa préparation et ses protections, fut aveuglé plus durablement : ses yeux pleuraient et il voyait un peu flou, mais il avait connu cela à ses débuts dans le Grand Nord, il savait qu'il s'en remettrait. On ne pouvait en dire autant d'Isilmë, dont la vue se résuma bientôt à un grand vide d'un blanc éclatant virant lentement vers le rouge et le noir : ses yeux n'avaient pas supporté du tout l'éclat de la lumière magique sur la neige alentour, même à la distance d'une portée de flèche...

Quant aux guerriers ennemis, ceux qui s'étaient peu à peu habitués à la lumière éclatante autour de la lionne et qui se dirigeaient vers elle pour la combattre hurlèrent de plus belle devant cette nouvelle agression : la pureté de cette lumière leur donnait envie de se cacher au fond d'un trou profond, tant elle blessait les noirs sentiments en eux. Mais également, réfléchie par la neige tout autour d'eux, sans aucune autre protection que leurs fragiles paupières, elle transperça leurs orbites et les aveugla définitivement. Ou peut-être que certains auraient pu en guérir, mais ils n'auraient pas vraiment le temps d'attendre un tel événement, et ils devaient le sentir. Comme ils l'avaient prévu, les aventuriers étaient plus que jamais seuls contre leur ennemi de Dol Guldur. Et cet ennemi, pour la première fois, les fuyait : la lumière était trop pour lui, trop intense, elle le privait de ses moyens et il ne pouvait plus combattre.

Enfin, il n'était pas tout à fait seul : il lui restait un allié, comme Rob le cria à ses amis : très haut dans le ciel, ce qui l'avait peut-être protégé, Andalónil faisait une nouvelle attaque en piqué vers les trois amis. D'après le hobbit, le démon préparait le même sort qu'auparavant. Avec ses deux compagnons, la féline Femme des Bois était en train de se précipiter vers Khamûl qui fuyait non loin, mais du coup elle s'abrita derrière un mur de neige. Comme prévu, leur ennemi ailé redressa sa trajectoire pour arriver près d'eux et comme prévu, il lança son sort : mais contrairement à l'autre fois, il ne la visait pas en particulier. Son sort balaya un large espace, brisant le mur de glace et repoussant les trois aventuriers mais sans grand mal. Par contre, le spectre était aussi dans le rayon d'action du sort et il se retrouva par terre, complètement déséquilibré. Puis le démon repartit dans le ciel pour ne plus revenir.

Andalónil avait-il fait cela en raison de son aveuglement, ou plutôt, comme le pensait la lionne enchantée, pour leur donner un petit coup de pouce tout en sauvant les apparences auprès de Dol Guldur ? En tout cas Vif le remercia d'un grognement pour son "aide" et elle se précipita sur la forme noire qui gisait encore à terre. Elle lui sauta littéralement dessus, toutes griffes dehors, avec ses amis sur le dos. L'impact brisa l'armure sous le manteau noir qui cachait les formes de Khamûl, quand un cri - non de haine mais plutôt de souffrance cette fois-ci - jaillit de la forme noire pour voler dans les airs en direction du sud. Vif et ses amis eurent beau chercher, ils ne trouvèrent rien à l'intérieur du manteau ou de l'armure brisée de cuir de dragon : le spectre avait complètement disparu, et Rob confirma qu'il ne sentait aucunement sa présence ou ses sortilèges à proximité. Il avait été vaincu.

Les guerriers de la Horde des Traîneaux, aveuglés, s'étaient tus un moment devant le cri. Ils crièrent encore plus fort après en cherchant à fuir et en tombant dans les pièges préparés aux alentours. Plus tard, les aventuriers découvrirent que ces pièges consistaient en fait en de nombreuses aiguilles tranchantes de glace dure, probablement réalisées par le démon du froid, disposées dans le sol et recouvertes de neige. Tandis que le Dúnadan se précipitait pour essayer de sauver le maximum de prisonniers lossoth dont certains, sous la torture, étaient à l'agonie, maître-assassin et lionne enchantée se mirent à exécuter froidement les guerriers ennemis aveuglés. C'était de toute manière leur rendre service car, aveuglés, ils ne pouvaient survivre dans le Grand Nord. Des centaines de cadavres rougirent bientôt la neige des environs, y compris ceux de nombreux loups blancs et ours polaires de la Horde des Traîneaux.

C'était une victoire, sans nulle doute, mais elle était plutôt amère : ce charnier comprenait aussi peut-être une centaine d'Hommes des Glaces - essentiellement des femmes et des enfants - qui avaient péri sous d'indicibles tortures avant leur arrivée, ou qui n'avaient pu être sauvés. Certains, trop handicapés par leurs tortionnaires, n'auraient de toute manière pas pu continuer à vivre au milieu de leurs semblables, ils auraient été une charge inacceptable pour eux et ils se seraient laissé mourir. Même les autres qui n'avaient aucune blessure ou au moins aucune blessure sérieuse, comment allaient-ils faire pour passer la mauvaise saison ? Les cadavres des ours polaires étaient une source bienvenue de nourriture, qui pourrait peut-être compenser la perte de leurs provisions. Mais ils n'avaient pas perdu que cela, mais également toutes leurs possessions sans lesquelles ils auraient du mal à vivre dans le Grand Nord, à moins de trouver l'équivalent dans les affaires laissées par les guerriers qui les avaient attaqués.

Et ils avaient tous perdu la vue, plus ou moins durablement, sans parler de leur volonté brisée par ce qu'ils avaient vécu, par la mort des nombreux proches auxquels ils avaient assisté. Pourraient-ils être guéris tant dans leur corps que dans leur âme, sauraient-ils survivre tant à la rigueur du Grand Nord qu'à cette terrible expérience ? Même les aventuriers rompus aux scènes de carnage et de souffrance comme Geralt se sentaient malades de tant de sang et d'horreur. Et Isilmë recouvrirait-elle la vue elle aussi ? Ses amis avaient confiance dans les mains de guérisseur du grand Dúnadan. Mais sa magie nécessitait l'utilisation d'athelas, dont sa réserve était limitée : restaurer la vue de l'elfe signifiait ne pas le faire pour un Losson aveuglé, ce qui signifiait le condamner à mort.
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Niemal
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Grand Nord - 21e partie : soins, aide et voyage

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1 - Tâche insurmontable ?
Le groupe était donc plus ou moins partagé en deux : d'un côté, il y avait ceux qui faisaient davantage de cadavres, de l'autre ceux qui essayaient d'éviter qu'il y en ait plus. Geralt et Vif mirent beaucoup d'énergie à achever les guerriers des hordes des traîneaux, mais aussi les ours polaires esclaves des hordes, voire loups blancs ou chiens aveugles. Ils furent parfois aidés par d'autres, mais pour la plupart les autres aventuriers essayèrent en premier de sauver le maximum de Lossoth blessés. Et éviter qu'il y en ait d'autres, car le camp était traître, toujours plein de pièges, qu'il fallait désamorcer. De ceux-là, Taurgil venait en premier, secondé par Isilmë qui pouvait tout de même faire des soins avec l'aide de Rob qui pouvait lui servir d'yeux.

La tâche était immense pour les uns comme pour les autres : plus de cinq cents ennemis, humains ou leurs animaux, passèrent de vie à trépas, avec ou sans l'aide des principaux guerriers du groupe. Les corps déjà morts furent mis de côté, les blessés - inconscients ou non - furent achevés, les aveugles furent exécutés. Chaque fois que possible sans faire souffrir, ce qui n'était pas une mince affaire en ce qui concernait par exemple les ours polaires fous de douleur ou de peur, qui tentaient de détruire tout ce qui pouvait leur tomber sous les griffes ou les dents. Quant aux Lossoth, leur nombre dépassait les trois cents, dont un tiers de cadavres mutilés, plus certains qu'il était illusoire de vouloir sauver, et beaucoup qui n'avaient de toute manière plus goût à vivre. Sans parler de ceux qui avaient la volonté mais dont la survie future poserait problème.

Mais le groupe n'en était pas là. Car en plus des exécutions ou des soins, il y avait autre chose qui pouvait rapidement envoyer quelqu'un dans les cavernes de Mandos : le froid. Même si le vent s'était maintenant calmé après la mort de Khamûl ou le départ d'Andalónil, le froid restait mordant comme presque nulle part ailleurs que dans le Grand Nord. Et certains Lossoth n'étaient pas forcément très bien équipés, ou n'avaient pas mangé depuis longtemps. Il fallait donc penser à abriter tous ceux qui pouvaient l'être pour s'assurer qu'ils survivent, et les nourrir. Encore de nouvelles tâches à effectuer, et sans trop tarder car les divers feux qui avaient été allumés - fantastique gaspillage pour les Hommes des Neiges présents - n'allaient pas durer éternellement.

Et tout cela n'était que la partie physique du problème. Mais ici, dans le Grand Nord, et particulièrement pour les Lossoth, les corps ne fonctionnaient bien que si les têtes allaient bien aussi. Les Lossoth, pour survivre, devaient se sentir en harmonie avec le monde autour d'eux, sans source de corruption ou d'infection par des forces maléfiques. Vu ce qui venait de se passer, les cadavres partout présents, les cris de douleur ou autre souffrance des survivants, les restes presque tangibles de la sorcellerie qui avait été effectuée... D'une manière ou d'une autre, les aventuriers devaient faire en sorte de rétablir l'harmonie du lieu, ou déplacer les survivants jusqu'à un ou des autres lieux plus en conformité avec leur philosophie. Vaste programme !

D'autant que les conséquences seraient rapides : si les Lossoth présents se sentaient coupés de l'harmonie du monde dans lequel ils avaient été habitués à vivre, leur désir de vivre s'éteindrait vite, vu le peu de réserves qu'ils avaient après les épreuves qu'ils avaient subies. Bref, Taurgil et ses amis se rendirent assez vite compte qu'ils n'avaient pas encore fini de lutter contre le spectre venu de Dol Guldur et qu'ils avaient affronté : le poison qu'il avait répandu dans les environs devait être stoppé et soigné, sans quoi il y aurait encore davantage de morts, et le désespoir pouvait continuer à se répandre dans les cœurs bien au-delà de là où il était intervenu. Ainsi il serait d'une certaine manière victorieux, même après avoir été physiquement défait...

2 - Soins physiques et mentaux
Les ressources du groupe étant limitées, tant en temps qu'en soins physiques ou magiques, les Lossoth les plus gravement blessés, ceux dont la survie à terme était difficilement envisageable dans le Grand Nord, ne furent pas soignés. C'était le cas de ceux ayant perdu plusieurs membres ou organes, ou dont les blessures étaient trop nombreuses et graves pour espérer les voir guérir même avec de la magie. Ceux-là ne furent pas abandonnés, mais accompagnés dans la mort, avec l'accord et l'aide d'autres survivants de leur communauté : ceux qui étaient conscients furent endormis, et le froid se chargea ensuite de les faire basculer dans les cavernes de Mandos, comme pour ceux qui étaient inconscients et qui ne se réveilleraient jamais plus.

Ce qui laissait autour de deux cents personnes, dont les trois quarts avaient besoin de soins divers, et dont environ la moitié étaient complètement aveugles. A l'exception de la cécité, tous, aux dires de Taurgil, pouvaient retrouver une vie normale si leur corps était convenablement soigné, tâche à laquelle il consacra toute son énergie, prodiguant soins physiques ou magiques autant qu'il le pouvait, sans relâche. Mordin accepta également de sacrifier les trousses de soins et autre équipement similaire qu'il avait apportés pour faire du troc. Plutôt que d'admettre une certaine générosité, il prétendit que de toute manière cela pesait trop lourd pour un gain potentiel minime. Isilmë, pour sa part, se consacra aux aveugles, en commençant par elle-même : avec l'aide de sa magie elle tenta de faire un diagnostic de sa cécité pour pouvoir répondre à cette simple question : pourrait-elle un jour recouvrer la vue ? Son examen intérieur, magique, lui apporta une quasi-certitude : elle était définitivement aveugle, son nerf optique avait été complètement grillé, il était mort et ne pouvait plus guérir. Peut-être une puissante magie pourrait-elle régénérer son corps, mais pour Taurgil, dont les mains de potentiel roi Dúnadan avaient de grands pouvoirs, il ne pensait pas en être capable.

Forte de son expérience, la belle elfe, aidée par le petit hobbit, passa en revue l'intégralité des Lossoth eux aussi atteints de cécité. Ceux dont la vision avait des problèmes mais qui n'étaient pas complètement aveugles, comme Dwimfa, furent soignés magiquement ou à l'aide de rares plantes disponibles. Quant aux autres Hommes des Neiges affectés, l'examen magique de la soigneuse elfe apporta les renseignements suivants : une petite partie n'étaient pas trop atteints et en fait ils recouvrèrent partiellement la vue au cours des heures qui suivirent. Une petite partie étaient définitivement aveugles comme elle. Enfin, la majorité des aveugles examinés risquaient de le rester ou au moins auraient-ils des séquelles plus ou moins graves.

L'information leur fut donnée, mais pas seulement : anticipant le coup au moral que cela risquait de porter à tous ces gens, les aventuriers qui s'occupaient des blessés et aveugles ajoutèrent que des solutions pourraient peut-être être trouvées et qu'il fallait continuer à espérer. Peut-être les esprits du Grand Nord auraient-ils des solutions à apporter ? Parmi les Lossoth présents, les sages ou nommeurs d'esprits, figures shamaniques et fréquents guides des peuplades locales, avaient tous été tués parmi les premiers. Mais divers membres du groupe d'aventuriers se faisaient fort d'aller chercher rapidement de l'aide : peut-être pourraient-ils apporter des soins différents ou faire un rituel pour demander de l'aide aux esprits et qu'ils puissent tous les guider. Aussi, malgré blessures, cécité, chagrin ou désespoir, les personnes affectées acceptèrent de mettre de côté leur choix personnel de continuer à vivre ou non, le temps que les bons esprits qui veillaient sur eux puissent être consultés.

D'autant que les nouvelles n'étaient pas toutes mauvaises : les hordes des traîneaux éliminées laissaient derrière elles quantité de matériel, et en particulier des tentes et autres abris en nombre largement suffisant pour abriter tous les Lossoth. Entre les réserves de nourriture de ces mêmes hordes et les animaux abattus en grand nombre, il y avait de quoi nourrir tout le monde pendant plusieurs mois de la mauvaise saison, sans avoir besoin de chasser ou pêcher. Un grand mal avait été vaincu et l'avenir ne pouvait être que meilleur. Et Isilmë, à défaut de pouvoir faire grand-chose d'autre que des soins, ne ménagea pas son temps à réconforter les gens avec de bonnes paroles, ou bien encore à chanter pour restaurer l'harmonie autour d'elle. Et elle fut bien aidée aussi par Rob dont le côté joyeux et inoffensif plaisait beaucoup aux Lossoth, sans parler de sa cuisine qui émerveillait les papilles de tous. Grâce à eux deux en particulier, le moral des Hommes des Neiges remonta en flèche, même s'il était loin de connaître des hauteurs fantastiques. Mais de toute manière la vie était rude dans le Grand Nord et les Lossoth avaient l'habitude des coups durs.

3 - Cadavres et harmonie
Pour permettre aux blessés de récupérer physiquement et moralement, il fallait leur proposer un cadre adapté à leur guérison. Un champ de bataille jonché de nombreux cadavres amis ou ennemis n'était pas franchement le genre de lieu correspondant à cette nécessité. Même s'il était facile de déplacer un peu ces mêmes blessés pour ne pas rester au cœur du charnier, ce dernier resterait visible à des miles à la ronde et aurait une influence bien au-delà, pour le peuple des Hommes des Neiges très attaché à une certaine notion d'harmonie. Il fallait donc nettoyer le lieu, à commencer par ses nombreux cadavres dont le nombre ne faisait que croître grâce aux efforts de certains. Si le corps des animaux était une source bienvenue de nourriture, que faire des cadavres des Lossoth assassinés, de ceux trop blessés que le froid était en train d'achever, et des centaines d'ennemis dont les corps étaient encore chauds, et encore loin d'être tous morts ?

Les aventuriers connaissaient bien à présent les us et coutumes des Hommes des Neiges, et de toute manière ils ne manquèrent pas de demander leur avis aux survivants et premiers concernés. Si certains aventuriers habitués à la vie du sud pensaient faire brûler les corps, ce qui permettait d'éviter maladies et autres problèmes liés à la lente pourriture des corps, ils se rendirent vite compte que cela n'était pas de mise ici : d'abord car les sources de combustible étaient très limitées, ensuite car cela aurait été un gâchis incroyable. Gâchis de combustible qui pouvait servir à réchauffer, à cuire, et aider à la vie locale, mais aussi gâchis d'un matériau qui pouvait profiter à la vie du Grand Nord. Ici, même les morts étaient utiles, ils participaient à la vie du Grand Nord : brûler leurs corps n'apporterait pas grand-chose à une terre où le sol était gelé et peu de choses pouvaient pousser. En revanche, les corps pouvaient nourrir d'autres animaux qui eux-mêmes entraient dans la chaîne de la vie dont les gens du Grand Nord faisaient partie.

Autrement dit, il fallait disposer les corps de manière à ce qu'ils soient disponibles aux prédateurs et charognards de tout poil - ou autre : loups et ours se régaleraient des corps, ainsi que bien d'autres animaux terrestres, mais les animaux marins également pouvaient profiter d'une pareille aubaine. Il fallait donc pouvoir laisser les cadavres au milieu naturel, marin ou terrestre, en les dispersant le plus possible pour qu'ils profitent au plus grand nombre. D'autant que les laisser concentrés au même endroit ralentirait leur "recyclage", et une partie des cadavres resteraient ensevelis sous la neige et la glace pour ressortir à la fonte des neiges, en été, avec son lot de possibles problèmes sanitaires ou de mauvais souvenirs pour ceux qui tomberaient dessus. Restait à disperser plus de six cents cadavres humains, sachant qu'en plus la mer était couverte d'une couche de glace et de neige déjà bien épaisse...

Les Lossoth des environs faisaient partie d'une culture qu'ils appelaient dans leur langue les Jäämiehet, les "Hommes des Glaces". Ils vivaient plus au nord que les Lossoth plus communs, les Lumimiehet ("Hommes des Neiges"). Ils vivaient le plus souvent sur les côtes et se nourrissaient beaucoup des animaux marins. Pour eux, lorsqu'un corps devait être disposé, ils l'enveloppaient - nu - dans des peaux de phoque, l'emmenaient en bateau au large et le faisaient couler au fond, lesté de pierres, tout en chantant afin d'aider l'esprit du mort à retrouver l'harmonie dans le monde des esprits. Lorsque c'était l'hiver, le corps était souvent recouvert de neige et de glace pour former un tombeau qui le conserverait pendant la mauvaise saison, jusqu'à la fonte des glaces où il pourrait être rendu à la nature de la bonne manière.

Là il y avait trop de corps, attendre n'était pas une option, les survivants ne reviendraient pas s'occuper de tous ces cadavres et ne voudraient pas les voir ressurgir à l'improviste en été. En revanche il était possible de les emmener plus au large, sur la mer couverte de glace, et de casser ou faire fondre cette dernière afin d'y pratiquer diverses ouvertures où il serait possible de rendre les corps à la mer. Cela nécessiterait du temps, mais les Hommes des Glaces survivants et pas trop blessés pouvaient s'occuper de cela, éventuellement aidés par des membres du groupe d'aventuriers. De toute manière ils étaient partis pour rester quelques jours ici, le temps de régler tous les problèmes qui se posaient. Et la nourriture ne manquait pas, et le ciel était à présent très clair. C'était donc un problème dont Taurgil et ses amis n'auraient pas trop à se préoccuper.

Restaient les centaines de guerriers des hordes des traîneaux que Vif et Geralt n'avaient pas encore fini de faire passer tous de vie à trépas. Ceux-là étaient trop nombreux pour être remis à la mer, les laisser aux loups blancs et autres prédateurs et charognards des environs était la meilleure solution. Restait à disperser tous ces cadavres, les emmener assez loin pour qu'ils puissent être repérés par un maximum de bêtes et être assimilés au plus vite par la chaîne alimentaire locale avant qu'ils soient ensevelis. Il n'y avait qu'un seul moyen pour cela : utiliser des traîneaux pour aller disperser toutes ces dépouilles vite et loin. Les traîneaux ne manquaient pas, par contre les chiens ou loups habitués à les tirer étaient morts ou s'étaient enfuis, pour la majeure partie. Il faudrait donc d'abord les retrouver, ce qui permettrait aux aventuriers, aidés par divers Hommes des glaces, de régler ce problème de cadavres dans les jours à venir.

4 - Aide et entraide
Bientôt le plus urgent fut fait, à savoir s'occuper des ennemis ou des survivants. Ces derniers étaient soignés, nourris, réconfortés - autant que faire se pouvait - et abrités sur place, tandis que les menaces actives (vivantes) ou passives (pièges...) avaient été éliminées. Il fallut bien se reposer après cela, car le travail ne manquerait pas et tous, à de rares exceptions près, avaient besoin de récupérer. Après le repos, disposer des cadavres fut la priorité du "jour", sans parler des incontournables tâches quotidiennes comme soins constants et repas à préparer, ou aider les plus démunis (de vue, de mobilité) à vivre ou survivre. Le groupe d'aventuriers n'était pas seul, mais les Hommes des Glaces capables de les aider étaient en nombre réduit - peut-être une cinquantaine - et aucun d'eux n'avait de capacités spéciales comme de la magie.

Les moyens de transport étant essentiels, trouver des animaux capables de tirer les traîneaux fut traité en priorité. Les rennes domestiques avaient tous été tués, et les chiens de traîneau ou loups domestiques avaient été presque tous tués ou s'étaient enfuis, certains à l'aveuglette. Qu'à cela ne tienne, Vif se chargea d'en ramener un grand nombre : elle savait que les canidés en général ne supportaient pas son odeur, et elle-même pouvait se déplacer facilement dans l'environnement du Grand Nord grâce à son puissant corps félin. Elle alla donc retrouver des groupes de chiens assez nombreux pour ne pas être trop effrayés par sa présence, et qui donc voulurent s'attaquer à elle. Elle put ainsi facilement les ramener vers le camp où les Lossoth ou autres aventuriers purent les réunir et les atteler aux traîneaux. Même ceux qui étaient aveugles pouvaient servir, car tous les chiens n'avaient pas besoin de bien voir pour tirer un traîneau : les deux de devant, s'ils y voyaient, pouvaient suffire, d'autant que le conducteur de traîneau était là pour donner la direction.

Aventuriers et survivants valides s'entraidèrent donc pour disposer les corps. Les Hommes des Glaces se concentrèrent en priorité sur les cadavres des leurs tandis que les aventuriers entassèrent les cadavres des guerriers ennemis sur des traîneaux, pour ensuite les emmener au loin. Ce qui leur prendraient du temps, vu le grand nombre de cadavres et le vaste territoire sur lequel ils allaient être dispersés. Et puis ils ne connaissaient pas grand-chose à l'art de la conduite de traîneau, même si certains n'hésitèrent pas à apprendre, aidés par les autochtones. L'équivalent d'une journée y fut consacré et elle ne suffit pas complètement, mais les choses avancèrent tout de même. Chacun trouva à être utile, selon ses capacités et ses goûts. Ainsi Geralt préféra-t-il conduire un traîneau et faire tomber les cadavres qu'il transportait plus loin, plutôt que de transporter les corps durcis par le gel sur les traîneaux à disposition, comme Mordin.

Femme et Homme des Bois ne participèrent pas à cette tâche : après son aide pour le rassemblement des chiens valides, Vif choisit de partir quérir l'aide d'autres autochtones, et en particulier de ceux capables d'interroger le monde des esprits voire de faire des rituels de soins et purification, éventuellement magiques. Elle avait tout de même besoin d'un interprète, aussi prit-elle sur son dos son ami Dwimfa, qui était à présent peut-être plus Losson qu'Homme des Bois. Et qui pouvait parler bien mieux qu'elle et rassurer leurs futurs interlocuteurs, d'autant qu'elle pensait qu'il devait être un peu connu dans les environs. En tout cas il saurait convaincre bien mieux qu'elle sur la nécessité d'aider les survivants de l'hécatombe perpétuée par Khamûl et ses sbires. Les aventuriers avaient déjà prévenus les clans et tribus plus au sud de fuir, et depuis un moment, donc la lionne enchantée préféra-t-elle partir vers le nord.

Il fallut tout de même de nombreuses heures avant de trouver de nouvelles tribus d'Hommes des Glaces : les plus proches du lieu du combat avaient été capturées et anéanties, et les autres plus éloignées avaient fui plus loin. Néanmoins, les deux amis parvinrent-ils enfin à trouver des interlocuteurs. Une fois dépassés les problèmes du premier contact, les Lossoth (et leurs chiens !) n'étant pas habitués à côtoyer un grand félin tel que Vif, Dwimfa put donner des nouvelles et plaider la cause des survivants, et réclamer l'aide des esprits afin d'aider les blessés à guérir et faire leur choix de vie ou de mort. En tant qu'habitant lui-même du Grand Nord, il sut se comporter comme ses interlocuteurs et leur faire sentir les besoins et opportunités présents : si les survivants seraient une charge dans un premier temps, en attendant leur guérison complète, en revanche le matériel et surtout les tonnes de nourriture disponibles compenseraient largement ce désagrément.

Favorablement touchés par cette requête, les shamans rencontrés prirent tout de même le temps d'interroger les esprits au cours de la prochaine période de repos. Il en ressortit des signes positifs, aussi un convoi de traîneaux, qui serait complété plus tard par d'autres traîneaux venus d'autres clans et tribus, se prépara-t-il à faire le voyage vers le sud. C'est ainsi que, au cours du deuxième "jour" après celui du combat contre Khamûl, les survivants virent-ils arriver ces nouveaux venus pour les aider. Sages et nommeurs d'esprit feraient leur possible pour les soigner davantage et les aider à faire le bon choix : se laisser mourir ou continuer à vivre, en établissant une nouvelle tribu composée de divers survivants, ou intégrer une autre tribu disposée à les aider à guérir et s'intégrer au groupe.

5 - Consultation des esprits
Les nouveaux arrivants furent bien accueillis et se mirent très vite au travail. Les soins prodigués par Taurgil et Isilmë, voire d'autres, étaient déjà remarquables et ne purent être beaucoup améliorés. En revanche, les soins constants à donner à tant de blessés, le réconfort donné par des personnes de la même culture, tout cela joua favorablement. Et lorsque le bilan fut fait, les shamans venus avec Vif et Dwimfa commencèrent à préparer un grand rituel afin de purifier le site, déjà bien préparé, mais aussi consulter les esprits de manière à permettre à chacun de faire les bons choix. Et même si tous ne choisirent pas de participer, plusieurs aventuriers voulurent bien tenter l'expérience afin de poser diverses questions qui les taraudaient aux esprits du Grand Nord.

Pour l'occasion, des grandes tentes avaient été dressées, très proches les unes des autres et communiquant facilement entre elles, afin que tous puissent être présents et se sentir entourés. Ainsi tous les Lossoth et aventuriers motivés purent-ils suivre les préparatifs et le déroulement du rituel. Il y eut ainsi de nombreux chants pour appeler les esprits, de nombreux récits pour laisser partir la souffrance, des cris et pleurs et de nouveaux chants... Et puis au bout d'un moment, certaines herbes furent brûlées dans des feux, dont certaines fournies par les aventuriers eux-mêmes, qui les avaient proposées aux Lossoth. Et ainsi, petit à petit, les personnes présentes entrèrent dans le monde des songes et à travers lui celui des esprits. Les aventuriers rêvèrent-ils ou communiquèrent-ils vraiment avec les esprits des lieux ? En tout cas ils vécurent quelque chose, parfois pas toujours facile à interpréter.

En général, les aventuriers se retrouvaient dans un environnement familier ou à tout le moins associé à des éléments positifs, où ils gardaient de bons souvenirs. A cela s'ajoutait la présence d'êtres ou de présences manifestement amies. Isilmë, par exemple, s'était retrouvée dans un cadre qui lui rappelait Fondcombe et la présence d'autres elfes. Elle s'était concentrée surtout sur la manière de combattre Tevildo. Dans son songe, elle vit venir au-dessus d'elle un nuage très noir, mais, bien que cachée au premier abord, émanait en son centre une petite lueur blanche... L'environnement vécu par Mordin, par contre, était plutôt souterrain et rempli de filons de minerais précieux et autres richesses minérales, et habité par de nombreux nains semblables aux plus grands seigneurs de l'histoire des siens, comme par exemple Durin.

Geralt, pour sa part, rêva de lits douillets et tièdes, de quantité d'oreillers, et de siestes infinies sans personne pour venir le déranger. Lui était préoccupé par les dommages collatéraux que le groupe causait aux Lossoth, et il aurait bien voulu savoir comment les soigner ou les éviter. A l'une de ces questions il vit un enfant tomber à l'eau et commencer à se noyer, puis finir par se transformer en poisson pour se trouver bien dans son nouvel élément. Une autre vision qu'il fit comportait tout d'abord l'éloignement des esprits qui volaient autour de lui, mais l'un d'eux finit par revenir pour s'enfoncer dans le sol. A cet endroit jaillit alors un cercle de fleurs.

Aux questions que posa un aventurier sur la manière de lutter contre Tevildo, Durlach et Eloeklo, une étrange vision fut proposée. Elle commença par un cercle ou fossé dans lequel les trois entités étaient enfermées, occupées à se combattre toutes les trois. Puis la vision changea et cette fois-ci les trois entités étaient à l'extérieur du cercle, séparées, et elles ne pouvaient entrer à l'intérieur. Au milieu de cet espace, l'aventurier vit en songe Drilun en train de faire un rituel ou de consulter un grimoire...

A l'issue de la période de repos, les Lossoth survivants semblaient avoir retrouvé une certaine harmonie, une plus grande paix intérieure. En rêve ils avaient pu faire un choix et l'avenir leur semblait à présent plus serein. Même si cet avenir, pour des gens du sud, ne paraissait pas très joyeux : sur les deux cents survivants, une cinquantaine avaient choisi la mort, qui était pour eux la meilleure manière de retrouver l'harmonie et d'aider, bien qu'indirectement, à la survie de leur peuple. Ils ne seraient pas une charge, leur esprit pourrait sans doute davantage aider, et leur corps servirait dans la chaîne de la vie du Grand Nord, comme tout le monde de toute manière... Quant aux autres, y compris certains aveugles, ils bâtiraient une nouvelle tribu ou en intégreraient une nouvelle existant déjà, ils aideraient par leurs compétences et leur savoir et entameraient une nouvelle vie. Même si elle pouvait être courte : les quelques aveugles qui avaient choisi de rester ne le faisaient que le temps de pouvoir transmettre le savoir qu'ils estimaient utile aux autres, dans la mesure où ils savaient que la nourriture était abondante et qu'elle ne manquerait pas. Sans doute se laisseraient-ils mourir d'ici quelques mois, lorsque leur mission serait achevée...

6 - Départ vers Canadras
Au bout du compte, il semblait bien que les aventuriers n'étaient plus vraiment utiles. Les survivants étaient autonomes à présent, aidés par les nouveaux venus qui allaient prendre soin d'eux, sans parler d'autres Hommes des Glaces qui allaient probablement arriver lorsque ce serait possible. Il faut dire qu'un petit blizzard venu du nord soufflait vent et neige sur les environs et n'incitait pas au voyage. Il semblait bien que ce temps était naturel, d'après Rob qui ne distinguait aucune magie dans la neige et le vent. Malgré ces derniers, au grand dam de Geralt, le groupe ne souhaitait pas s'attarder plus que nécessaire, et il n'y avait plus rien qui le retenait. Tous avaient récupéré de leur fatigue physique ou nerveuse ou de leurs blessures, à l'exception d'Isilmë toujours et désespérément aveugle. Tevildo avait bien soufflé par l'intermédiaire de Vif qu'il avait une solution pour lui rendre la vue, mais la belle elfe ne tenait pas à conforter l'emprise que le Maia avait sur elle, ou du moins pas encore. Elle se passerait de vue, avec l'aide de ses amis, et elle verrait quand ça ne serait plus possible. Dwimfa en profita d'ailleurs pour récupérer son arc magique, bien meilleur que celui qu'il portait d'habitude.

Après des adieux brefs, le groupe partit en direction du nord et de l'est. L'objectif était d'aller voir le dragon Canadras, qui habitait une caverne à l'extrémité d'une péninsule rocheuse qui portait son nom. L'hiver serait bientôt là mais la mer qui les séparait de leur objectif était déjà passablement gelée et couverte de neige, donc facilement praticable. Bien sûr, le mauvais temps ne facilitait pas les choses, tant pour se repérer que pour avancer. Mais le groupe avait l'habitude de la magie du magicien dunéen : d'une part il pouvait diminuer l'intensité du mauvais temps, afin de leur permettre d'avancer avec moins de difficulté ; d'autres part ses divinations magiques lui permettaient de s'orienter, et, à l'aide d'une carte donnée par les elfes de Brumes Éternelles, de connaître à peu près leur position.

Ils furent donc tous partis, une fois le blizzard quelque peu atténué par la magie de l'archer-magicien. Une partie de leur équipement était disposé sur un traîneau dans lequel avaient également pris place Rob et Mordin, et que tirait Vif toujours sous sa forme de grand félin enchanté. Les autres venaient à ski, attachés les uns aux autres pour ne pas se perdre. En effet la nuit et le mauvais temps faisaient qu'ils ne voyaient pas même leur main s'ils tendaient le bras, pour ne rien dire de l'elfe. Et Vif n'avait pas d'autre repère pour la guider que la direction du vent, relativement régulière. Ainsi ils avancèrent sur la mer gelée et enneigée, suffisamment solide à présent pour ne pas avoir à craindre de tomber dans l'eau glacée.

Les trois premiers "jours", si l'on peut parler ainsi, furent occupés de manière similaire : la lionne enchantée tirait le traîneau, derrière lequel venaient ses amis. Après un long moment à marcher dans un monde gris-noir, le groupe s'arrêtait lorsque les estomacs venaient à crier famine. Au cours de la pause repas et repos, tous abrités comme ils le pouvaient de la neige et du vent, Drilun renouvelait son sort de maîtrise du temps et pouvait aussi faire une divination pour corriger leur trajectoire, même si c'était plutôt le soir qu'il le faisait. Ils repartaient ensuite pour une nouvelle lutte contre le vent du nord, jusqu'à ce que les plus fatigués commencent à crier grâce, tant leurs membres lourds leur semblaient douloureux. Un abri était fait voire plusieurs, un repas était pris, des sorts jetés pour rendre le sommeil plus profond et réparateur au besoin, ou pour estimer la position. Puis tous dormaient et quand tout le monde était réveillé le voyage pouvait reprendre.

A la fin du troisième cycle de voyage, qui devait s'apparenter à trois jours, le paysage restait plat et uniforme, ce qui surprit un peu certains aventuriers qui s'attendaient à arriver plus vite sur la côte ouest de Canadras. En revanche, il semblait bien que le vent faiblissait et que le temps changeait, ce qui leur permettrait de mieux se repérer si le ciel se dégageait assez. Comme pour exaucer leurs souhaits, ils se réveillèrent un peu plus tard sous un ciel parfaitement clair où les étoiles étaient bien visibles, sans parler de diverses lueurs étranges qui faisaient des vagues colorées et magnifiques dans le ciel. Et à une certaine distance à l'est, les plus perceptifs arrivaient à distinguer un relief qui correspondait aux côtes qu'ils recherchaient. Avec l'aide de la longue-vue ils purent affiner leur position qui n'était pas très éloignée de ce à quoi ils s'attendaient. Et bientôt ils furent prêts à repartir, sans plus être gênés par le mauvais temps.

7 - A la recherche du dragon
Auparavant, Taurgil et ses amis avaient discuté de l'emplacement exact de cette fameuse caverne où habitait le dragon Canadras. Certains la voyaient plutôt à l'extrémité nord de la péninsule, d'autres en différents endroits. Ils ne se rappelaient plus trop les détails de ce que leur avaient dit les elfes de Brumes Éternelles, ou peut-être n'avaient-ils pas donné l'emplacement exact. En tout cas, entre ce dont certains se souvenaient et ce qu'ils avaient pu grappiller dans les échanges avec les Lossoth ou Dwimfa lui-même, ils avaient choisi d'aller voir tout au nord. De toute manière, ils pensaient longer la côte ouest un bon moment et auraient tout le loisir de repérer l'entrée d'une quelconque grotte à flanc de falaise, et d'aller voir plus loin s'ils n'y trouvaient rien. Ils se mirent donc en route de manière à se rapprocher assez vite de la côte pour pouvoir ensuite la longer vers le nord en restant bien attentifs.

Faute de mauvais temps pour les ralentir, l'allure était bien meilleure que les trois jours précédents. Ils furent bientôt à faible distance de la côte, assez près pour pourvoir facilement repérer une entrée souterraine assez grande pour un dragon, mais pas trop non plus pour ne pas suivre un trait de côte tout sauf rectiligne, ce qui les ralentirait. Ils pouvaient à présent facilement se repérer grâce à la carte des elfes et leurs propres observations. Observations qui amenèrent Vif à repérer une lumière étrange plus au nord, au-delà de la péninsule qu'ils étaient en train de contourner. C'était une lumière différente des vagues colorées qui ondulaient dans le ciel : elle était très bas sur l'horizon, plein nord, et ne bougeait pas du tout.

Certains se rappelèrent les histoires concernant une cité des elfes des neiges (Lossidil) dont émanait en permanence une lumière située au sommet d'un pic. C'était sûrement cela : au nord de la péninsule il n'y avait aucune terre, mais en revanche la mer y était gelée en permanence, du moins à une faible distance de la côte qu'ils longeaient. La cité elfique était plus au nord, et par temps clair la lumière qui en émanait devait être visible depuis les terres les plus au nord. Mais elle rappelait quelque chose à la lionne enchantée, qui en parla au maître-assassin. Lui aussi avait fini par repérer la lumière, mais ce n'était pour lui qu'une lumière bizarre de plus dans le Grand Nord. Elle insista un peu néanmoins, si bien qu'il l'examina de plus près, avec l'aide de la longue-vue. Et il finit par se souvenir d'une lumière similaire, longtemps auparavant, quand ils avaient combattu un dragon et des armées d'Angmar dans le nord des Monts Brumeux. Ils y avaient trouvé un fragment d'une des lampes de lumière créées il y avait très longtemps par les Valar, avant les arbres de lumière, avant le soleil et la lune. Vif pensait bien qu'il s'agissait d'un autre fragment de la lampe du nord appelée Illuin...

En gardant à l'esprit ce nouvel élément - encore une nouvelle chose intéressante à aller voir dans le Grand Nord - ils se recentrèrent sur leur premier objectif, à savoir le dragon Canadras. Il serait bien temps d'aller voir la cité des Lossidil après avoir vu le dragon. Ils longèrent donc la côte encore et encore, jusqu'à commencer à contourner l'extrémité nord de la péninsule. A cet endroit-là, les terres émergées formaient une falaise assez haute au-dessus de la mer gelée et enneigée sur laquelle ils avançaient. Lorsque la lionne enchantée repéra enfin leur objectif : à flanc de falaise, un peu en-dessous du milieu, une large ouverture semblait assez grande pour laisser passer un dragon de bonne taille. Sous cette ouverture il était également possible de distinguer les restes d'un passage qui permettait autrefois aux elfes d'accéder à l'ouverture en marchant, et que le dragon avait détruit quand il s'était installé là.

Après avoir examiné de près l'ouverture, et n'avoir trouvé aucune trace du dragon à l'extérieur, tous se demandèrent comment aborder Canadras. Geralt annonça que de toute manière il devait être au courant de leur arrivée depuis un moment, et il n'hésita pas à le héler avec force, en espérant le voir sortir de sa tanière. Mais cela ne fut suivi d'aucune réaction, ni bruit ni mouvement venant de l'intérieur de la caverne. Comment savoir s'il était là ? Pendant leur voyage, Drilun avait essayé de faire des visions magiques pour en savoir plus sur le dragon, mais sans grand succès, ce qui l'avait amené à se demander s'il n'existait pas des protections magiques sur la caverne ou sur le dragon lui-même... En tout cas Canadras ne semblait pas daigner les rencontrer, s'il était bien chez lui. Fallait-il aller à sa rencontre, et comment ? Il était possible de grimper jusqu'à l'ouverture, mais à ce moment les aventuriers seraient encore davantage vulnérables et à sa merci. D'un autre côté, ils le seraient sans doute encore plus lorsqu'ils seraient chez lui, où il devait les attendre. Comment allaient-ils gérer cette rencontre ?
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Niemal
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Grand Nord - 22e partie : échanges avec un dragon

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1 - Prudente approche
Si le dragon ne venait pas à eux, il faudrait sûrement aller à lui. Peut-être n'était-il pas chez lui, peut-être les attendait-il tranquillement, peut-être dormait-il... Vu le boucan qu'avait fait Geralt, cette hypothèse fut bien vite écartée. Vif n'entendait rien, mais malgré son incroyable ouïe, elle ne percevait pas tout, surtout d'aussi loin, et il n'était pas interdit de penser que le dragon essayait d'être discret ou qu'il avait des protections magiques. En parlant de protections magiques, d'ailleurs, Drilun chercha confirmation de la chose en utilisant un sort de divination pour mieux appréhender la caverne dont l'ouverture béait face à eux. De manière un peu étrange, son sort lui retourna une information mi-figue mi-raisin, comme s'il n'y avait aucune caverne... en même temps qu'il y avait quelque chose. Une espèce de caverne dont le volume était nul, autrement dit. Bref, ladite caverne semblait bien protégée contre certaines magies comme les divinations.

Il fallait donc, d'une manière ou d'une autre, se jeter dans la gueule du dragon. Gueule qui semblait être armée contre d'éventuels intrus, d'après des observations faites par les plus perceptifs de l'équipe : sur les bords de l'entrée de la caverne éclairée par un sort de Drilun, certains arrivaient à distinguer des inscriptions ressemblant fortement aux runes magiques que leur magicien dunéen savait réaliser. Il fallait donc grimper jusqu'à la caverne tout en se préparant à être soumis à des sortilèges divers et variés. Avec un inconvénient supplémentaire : Isilmë, tant qu'elle était aveugle, aurait les plus grandes peines du monde à grimper seule là-haut. Par le haut ou par le bas, l'escalade sur la paroi rocheuse en partie couverte de glace semblait très difficile aux yeux des experts...

Après discussion, il parut qu'il était préférable de descendre que de monter : pour les habitués cela ne changeait rien à la difficulté, et pour les autres ce serait moins fatigant de se laisser descendre le long d'une corde plutôt que de grimper en s'aidant de cette même corde. Vif partit alors en éclaireur afin de trouver un site qui leur permettrait de monter au sommet de la falaise sans trop de difficulté, en tout cas plus facilement que pour accéder à la demeure de Canadras. Elle revint assez vite vers ses amis, expliquant qu'elle avait trouvé un tel passage : un endroit où la falaise était échancrée, fendue, avec de nombreux débris recouverts en partie de neige et de glace. Difficile mais à la portée de tout le monde.

Le traîneau avec une bonne part de leur équipement fut mis contre la falaise à une petite distance de l'entrée de la caverne. Isilmë attendrait là, gardée par Geralt qui avait la flemme de monter pour ensuite redescendre. Les six amis partirent ensuite jusqu'au site repéré par la lionne enchantée, où un nouveau sort de l'archer-magicien éclaira les environs pour faciliter leur tâche. Puis ils grimpèrent les uns après les autres, avec plus ou moins de facilité. Taurgil, peu adroit quant à l'art de l'escalade, fut aidé par son amie féline afin de ne pas faire durer trop longtemps son ascension et lui épargner ses forces. Une fois là-haut, où le vent soufflait bien plus fort qu'au pied de la falaise, ils rebroussèrent chemin avec peine, dans la neige épaisse, ce qui leur prit un bon moment car ils n'avaient pas pris skis ou raquettes, un peu encombrants pour faire de l'escalade...

Ils arrivèrent enfin à la verticale de l'entrée de la caverne, trente pas plus bas. Ils avaient une corde d'à peu près la bonne longueur, attachée à un grappin. Après avoir creusé et trouvé l'endroit idéal pour accrocher la corde, grâce aux bons soins de Vif, tous se préparèrent à la descente. Malheureusement la corde était un peu courte et son extrémité se terminait à trois pas au-dessus du sol de l'entrée. Heureusement le bord inférieur de l'entrée formait une corniche, si bien qu'il était possible de se suspendre à l'extrémité de la corde et de se laisser tomber sur le sol de l'entrée sans faire d'acrobatie. L'archer-magicien dunéen refit une nouvelle fois le sortilège permettant d'éclairer toute la zone, et Mordin empoigna la corde afin de descendre en premier.

2 - Sommeil, glisse et épouvante
Mordin n'était pas aussi bon grimpeur que Dwimfa, Rob ou Vif, mais descendre une corde d'une trentaine de pas à flanc de falaise n'était pas trop dur pour lui. Il arriva au bout de la corde, s'y suspendit et se laissa tomber sur la corniche... et manqua glisser et tomber de la falaise : la glace était bien lisse et en pente très légère, et il ne fallait pas grand-chose pour glisser et faire un beau plongeon. Du coup, il prévint ses amis et entreprit, à l'aide de sa hache, de faire des encoches dans la glace là où il avait atterri. Ainsi ses compagnons auraient-ils moins de mal à garder leur équilibre à leur atterrissage.

Drilun fut le second à passer. Lui non plus n'était pas un grand grimpeur mais bien assez correct tout de même. Il arriva donc à bon port, n'eut pas de mal à garder son équilibre, et commença à étudier les nombreuses runes qui parsemaient les parois de l'entrée de la caverne. Il entendit Dwimfa arriver après lui, rapide et agile, tandis qu'il reconnaissait des runes de sorcellerie avec des pouvoirs d'influence. Il se retourna lorsqu'il entendit une exclamation du nain derrière lui : l'Homme des Bois n'avait eu aucun problème à garder son équilibre... mais manifestement il avait eu plus de mal à résister à la magie présente : il gisait par terre, comme endormi. Là-haut, Rob avait senti une activation magique à chaque arrivée de l'un de ses amis. Manifestement, l'effet était un profond endormissement qu'il ne fut pas possible d'interrompre...

Dwimfa fut donc mis de côté de manière à laisser place à Taurgil, qui prit son temps et arriva sur la corniche. Mais il parvint à résister aux enchantements à l'aide d'un sort à lui, contrairement à Vif qui arrivait par ses propres moyens, sans utiliser la corde. À peine eut-elle touché le sol glacé qu'elle se roula en boule et s'endormit aussitôt. N'ayant pas réussi à réveiller Dwimfa, mais connaissant la grande force de la lionne enchantée et son enchantement protecteur, Mordin se dit qu'il allait essayer la manière forte. Il lui donna un grand coup de poing, sans ménager sa force pourtant conséquente... et ne la fit pas broncher le moins du monde, comme si elle n'avait rien senti ! Un moment interloqué, il se mit à lui hurler après, pour enfin la voir ouvrir les yeux et sortir de sa torpeur : le nain lui avait fait plus mal en criant qu'en la tapant, ce qui lui avait permis de sortir du sommeil magique.

Ce fut enfin le tour de Rob, qui était descendu avec la corde, après l'avoir décrochée. Lui non plus n'arriva pas à résister au sort d'endormissement, malgré sa résistance naturelle à la magie, comme tous les hobbits. Il restait donc deux endormis, que les cris du nain ne parvinrent pas à réveiller. Après avoir fait craquer ses poings, il en assena un coup au petit voleur, qui se réveilla immédiatement... la mâchoire très douloureuse et la bouche en sang ! Le nain avait eu la main un peu lourde, malgré ses précautions pour ne pas blesser. Il s'approcha alors de l'Homme des Bois, lui balança un coup de poing qu'il espérait plus mesuré. Lequel Homme des Bois se réveilla le regard un peu noir, en crachant du sang lui aussi. Oui, Mordin avait été efficace, mais devant le regard de ses amis il s'empressa de proposer de passer à la suite du programme, à savoir un large couloir sinueux qui s'offrait à eux, couvert de nouvelles runes de sorcellerie qui ne demandaient qu'à s'activer au passage des aventuriers...

Tant Rob que Drilun avaient pu déterminer que la magie présente dans ces runes était très puissante : la résistance naturelle des nains à la magie et l'incroyable volonté de Mordin l'avaient protégé, mais ses amis étaient bien plus vulnérables que lui, malgré l'équipement magique dont ils étaient équipés. Heureusement, le bâton de lumière de Drilun renforçait la volonté de son porteur contre la magie ténébreuse. Il était sans doute possible de tenir le bâton à plusieurs, mais ce n'était pas le cas pour Vif, qui était donc sceptique quant à sa capacité à résister à la magie du dragon. En revanche, Taurgil pouvait l'aider avec un sort de soin qui servait aussi à protéger des magies agressives. Et ainsi fut-il fait : le groupe avança dans le vaste couloir, le nain en premier, seul ; derrière lui, quatre aventuriers tenaient en même temps le bâton, tenu à l'horizontale et légèrement penché du plus petit au plus grand : Rob, Drilun, Dwimfa et Taurgil. De son autre main, ce dernier touchait la lionne enchantée afin de la protéger avec sa magie.

Tour à tour, les aventuriers furent pris d'une peur panique qui menaçait de leur faire perdre tout contrôle et de s'enfuir. Mais avec l'aide du bâton de lumière ou la magie du Dúnadan, ils arrivèrent tous à résister à cette sorcellerie et continuèrent de l'avant. Le sol, couvert de glace, était particulièrement glissant, et le bâton servit aussi à aider les moins bons équilibristes à ne pas tomber, d'autant que les bons acrobates comme Dwimfa, très stables, pouvaient aider leurs compagnons. Le groupe progressa donc de quelques dizaines de pas. Les murs étaient couverts d'anciennes sculptures de glace manifestement magnifiques autrefois, avant d'avoir été brisées, défigurées ou quelque peu abîmées par le passage d'un corps massif et puissant qui n'avait semblait-il pas grand goût pour l'art des elfes qui avaient longtemps occupé ces cavernes par le passé.

3 - Installation
Le grand tunnel emprunté par le groupe déboucha enfin sur une très grande caverne là encore couverte de glace elle-même couverte de runes magiques. La lumière du bâton de Drilun était atténuée par des enchantements qui réduisaient la force de ses sorts, comme l'archer-magicien avait découvert dès l'entrée voire avant. Mais elle était suffisante pour appréhender la taille de la caverne ainsi que diverses ouvertures qui permettaient d'en sortir. Un examen rapide mais plus poussé montra que les petites étaient toutes condamnées, seules les deux plus grandes - assez pour le passage du dragon - restaient accessibles à tous. De l'une d'elles, un peu en hauteur, provenait un bruit de respiration de gros chats aux oreilles de la lionne enchantée. Un très gros chat, bien plus gros qu'elle-même, et qui à présent venait tranquillement dans leur direction...

Auparavant, les aventuriers s'étaient un bon moment concertés pour savoir comment aborder le dragon. Lui offrir un cadeau semblait une bonne introduction, encore restait à décider du cadeau en question : si tous étaient à peu près d'accord pour lui remettre un objet magique, fallait-il lui donner quelque chose de mineur au risque de paraître avare, ou était-il possible d'entrée de jeu de lui remettre un objet puissant, et lequel ? Après débat, le casque porté par Khamûl fut désigné : c'était un objet puissant avec un lien fort avec Dol Guldur ou celui qui l'avait conçu, et donc très dangereux pour un membre du groupe. Même Dwimfa, qui avait dans son passé eu maille à partir avec les gens de Dol Guldur, ne souhaitait pas forcément se risquer à certains contacts. Il se souvenait d'une époque où il avait été contrôlé par une puissante entité et où il s'était retourné contre ses amis tout en appelant les sbires du Nécromancien à lui. S'était ensuivi un redoutable combat qui avait laissé des traces dans le groupe... Bref, Mordin prit le casque et se prépara à l'offrir à l'hôte des lieux.

La tête de Canadras apparut bientôt, puis le reste de son corps, dont de nombreuses écailles portaient des runes magiques diverses, en particulier des runes de protection magique. Le dragon contempla le groupe depuis une petite hauteur, comme un balcon surplombant le reste de la caverne. Et comme tout était couvert de glace lisse et bien glissante, accéder au dragon pour lui porter un éventuel coup posait problème. De toute manière Canadras ne semblait pas pour le moment porté à la violence physique, même si ses premières paroles ne laissaient pas d'inquiéter. Elles suggéraient en effet qu'il ne savait pas encore s'il allait les laisser en vie ou non : manifestement les aventuriers étaient susceptibles de libérer de terribles forces dans le Grand Nord, mauvaises pour tous y compris pour le dragon. Il attendait donc de Taurgil et compagnie des arguments pour l'aider à décider de les épargner en fin de compte... ou non. Et il les invita à s'installer dans sa caverne en attendant d'avoir pris sa décision. Il indiqua aussi au nain qu'il acceptait son cadeau et le pria de lui laisser dans un coin pour qu'il s'en occupe ultérieurement. Mordin s'exécuta bientôt, un peu interloqué et frustré d'être ainsi commandé. Sa hache ne lui avait pas permis de repérer de point faible clair dans l'armure du dragon, pas plus que les perceptions de la lionne enchantée. Tout au plus devina-t-il que cela devait être au niveau de la tête.

Après concertation rapide, Vif et ses amis décidèrent d'accepter la proposition du dragon. Dehors, la Femme des Bois avait pu repérer très haut dans les airs la silhouette d'Andalónil qui les espionnait et qui ne manquerait pas de s'attaquer à eux pour leur pourrir un peu la vie. Il était probable qu'il ne s'approchait pas plus pour l'instant en raison de la seule présence du dragon, sans doute bien plus costaud que lui-même. De là à garantir qu'ils ne risquaient rien s'ils laissaient quelque chose ou quelqu'un dehors, il y avait un fossé que personne ne souhaitait franchir. Il fallait donc faire monter Geralt et Isilmë de même que l'ensemble du matériel. Avec la corde et les bras qu'ils avaient, rien de bien difficile.

En pratique cela fut un peu plus compliqué, mais entre la flemme de l'un et la cécité de l'autre, il était entendu que les aventuriers déjà présents sur la corniche de l'entrée dans la caverne feraient l'essentiel du boulot, et notamment Vif. Le matériel fut donc monté par la corde, puis l'aveugle fut attachée par son compagnon à terre, au pied de la falaise, et tractée ensuite jusqu'à l'entrée où elle arriva à résister au sommeil magique qui tenta de l'affecter. Le traîneau, qui n'était pas si lourd que cela, fut également hissé dans la caverne du dragon. En fin de compte, le maître-assassin monta à son tour avec le minimum d'efforts possible. Comme beaucoup s'y attendaient, le balafré aux cheveux blancs sombra dans un profond sommeil plus rapidement qu'aucun de ses amis avant lui, avec même un plaisir manifeste. Ses amis ne cherchèrent même pas à le réveiller : d'une part car ce ne serait peut-être pas si facile vu sa facilité à rester au pays des songes en temps normal ; d'autre part il pouvait ainsi facilement traverser sans mal le couloir couvert de runes de peur magique.

Il fut donc traîné sur la glace lisse jusqu'à la caverne principale où tout le groupe s'installa confortablement. Plus tard il serait réveillé et connaîtrait les affres d'une peur panique déclenchée par les runes magiques, mais pour l'instant ses amis étaient contents de l'entendre ronfler. Ils le réveilleraient quand ils auraient besoin de ses talents de beau parleur. Les huit amis virent - sauf l'elfe qui fut mise au courant, ou Geralt qui dormait - que le dragon avait mis de côté le casque de Khamûl offert comme cadeau, qui n'était plus à la place où Mordin l'avait laissé. Et le groupe se prépara à marchander avec l'un des êtres les plus puissants du Grand Nord, à l'exception des trois Maiar - Tevildo, Durlach et Eloeklo - qui étaient justement l'objet de la visite des aventuriers : Canadras les connaissait sans doute mieux que quiconque, et il faudrait lui tirer toutes les informations qu'il connaissait pour aider le groupe à les combattre.

4 - Secrets et aventures
Le jeu de chat et de souris verbal put enfin commencer. Tous les aventuriers ne participèrent pas, certains se contentant d'écouter et d'observer. Les beaux parleurs du groupe eurent bien sûr leur mot à dire, mais en fait ce qui comptait le plus, c'était les histoires que chacun avait à raconter et dont certains se souvenaient mieux que d'autres. Dwimfa joua là un rôle important car il dévoila une partie importante de l'histoire de son propre groupe d'aventuriers, dont il ne restait plus d'autres survivants que Gillowen, Tina et lui-même. Personne donc ne pouvait parler à sa place et Taurgil et ses compagnons apprirent beaucoup de choses sur l'Homme des Bois, de nombreux secrets furent révélés. Et eux qui croyaient avoir eu une histoire assez mouvementée découvrirent que leur récent ami n'avait absolument rien à leur envier. En fait, au récit qu'il fit de sa vie passée, ils s'inquiétèrent même un peu de savoir un pareil énergumène parmi eux, responsable - même si c'était de manière indirecte - de beaucoup de morts (dont un roi !) et de sanglants conflits. Au bout du compte, il était loin de faire tâche au milieu d'eux...

Toutes ces histoires, Canadras en raffolait. Le dragon savait manifestement beaucoup de choses, à tel point que certains petits détails insignifiants avaient pour lui un sens complètement différent et prenaient parfois une importance capitale. Même si au premier abord il semblait assez avare de ce qu'il savait, interrompant souvent ses récits en attente d'une histoire des aventuriers, il fut au bout du compte très prolixe. Les différents aventuriers ne lésinèrent pas sur les moyens, et ils passèrent en revue l'ensemble de leurs aventures. Vif ne participa pas directement car le dragon, s'il parlait de nombreuses langues, ne maîtrisait pas du tout le parler félin. Mais entre Drilun et Geralt, les récits de l'équipe d'origine purent être bien détaillés. Rob n'intervint guère : d'une part il n'était pas un parleur et se trouvait très bien à rester dans l'ombre des autres, d'autre part il n'avait pas toujours suivi ses amis, préférant parfois se reposer à Fondcombe et laisser ses compagnons à leurs pérégrinations.

En plus de Dwimfa, Taurgil aussi avait eu un passé d'aventurier au sein d'une autre équipe, avant d'avoir été ensorcelé par des sorciers comme Ardagor puis libéré par l'équipe actuelle. Il put lui aussi détailler certaines de ses aventures et quelques personnes qu'il avait rencontrées... Isilmë resta en retrait elle aussi. Elle était arrivée sur le tard dans l'équipe, et si elle ne détestait pas parler, ses amis avaient parfois peur des maladresses qu'elle ne manquait pas de faire, dévoilant trop de choses ou au mauvais moment. C'était quelqu'un de simple et direct et la partie qui se jouait avec le dragon n'était pas du tout à son niveau. Au risque de paraître sexiste, Drilun aimait beaucoup son amie mais particulièrement quand elle était silencieuse... Mordin avait lui aussi une place à part dans le groupe : c'était le seul - Dwimfa excepté - possédant des informations qu'il n'avait pas partagées avec le groupe, afin de garantir que Tevildo, qui lisait facilement en eux, n'en sache rien.

Drilun eut tout de même un poids spécial : en plus de l'échange d'informations, il fut au centre d'un échange de services. En effet, Canadras était non seulement un dragon mais aussi un formidable magicien, ayant accumulé un savoir de plusieurs milliers d'années dans les arts ésotériques. A part les Istari qu'étaient Gandalf, Radagast et Saroumane, le Dunéen n'avait jamais rencontré un être maîtrisant autant la magie, tant blanche que noire : d'après les nombreuses runes qui parsemaient son corps ou sa caverne, il était évident que Canadras était un maître en magie runique et en sorcellerie. Du coup, certaines informations ne pouvaient être transmises qu'à l'archer-magicien qui était le seul à pouvoir les utiliser et en tirer profit. Plus tard, le dragon lui apprendrait des sortilèges qui pouvaient faire la différence dans leur lutte contre les Maiar. En échange, Drilun aurait à travailler longtemps pour le dragon, s'engageant à inscrire de nouvelles runes sur son corps ou sa demeure. Il découvrit aussi que le dragon disposait d'une pièce spéciale spécifiquement dédiée à l'écriture de runes, où les enchantements étaient facilités. Un peu comme la montagne magique qu'ils avaient fait s'effondrer dans les Monts Brumeux, où l'aïeul de Sîralassë avait vécu un moment.

Les échanges durèrent longtemps, et malgré leurs précautions, et malgré son apparente prolixité, les aventuriers eurent l'impression que le dragon sortait plutôt gagnant de leurs échanges. Manifestement, comme Tina/Tevildo par le passé, il avait grâce à leurs histoires réussi à percer un redoutable secret grâce à eux, à savoir l'identité du Nécromancien de Dol Guldur. Secret qu'il se garda bien de partager, mais dont il se vanta un peu, à sa manière. Néanmoins, les aventuriers furent plus que satisfaits des échanges car ils apprirent beaucoup sur leurs adversaires et ils entrevirent diverses pistes pour les combattre sans forcément perdre la vie. En fait, à parler avec le vieux dragon gris, ils se demandèrent s'il n'était pas lui aussi au cœur du réseau d'informateurs que les Istari avaient tissé pour les aider à combattre les pareils au Nécromancien ou au roi-sorcier d'Angmar, sans parler des Maiar que les aventuriers devaient combattre. Canadras n'était certainement pas l'agent de Gandalf ou de Radagast, mais Vif et ses amis avaient tout de même l'impression qu'il pouvait y avoir un lien entre tous ces gens-là...

5 - Eloeklo
C'est Dwimfa qui ouvrit le bal, décrivant par le menu ses rapports très personnels avec Eloeklo et la manière dont ce dernier pouvait s'échapper de sa prison magique au-dessus des montagnes du Grand Nord. En fait, Le Maia ne pouvait pas fuir sa prison physiquement, mais son esprit, d'une certaine manière, avait pu le faire grâce à une faille magique. Et cette faille magique, c'est Gillowen qui l'avait créée. A une époque Dwimfa, Homme des Bois de la Forêt Sombre, connaissait une jeune elfe de la forêt de la Lorien, Gillowen. Elle était très attirée par les arts magiques, très douée déjà, mais un peu trop enthousiaste. Lors d'une de ses expérimentations où son ami était présent, elle ouvrit une espèce de portail magique à travers lequel l'esprit d'Eloeklo s'engouffra. A l'époque Dwimfa ne savait rien de cet être, il le percevait juste comme un démon qui avait pris place en lui et qui prenait parfois possession de son corps et lui faisait faire des actes répréhensibles. C'est ainsi qu'en 1634, Dwimfa avait fortement contribué à occuper les armées du Gondor à Pelargir, ce qui avait aidé les Corsaires d'Umbar à attaquer la ville par surprise, à la ravager et tuer le roi Minardil... Par la suite Dwimfa avait développé une résistance particulière à ce démon en lui, qui en fait ne pouvait manipuler que ses sentiments. En contrôlant ses propres sentiments - désir, haine, peur... - il pouvait résister au démon... de même qu'à certaines attaques de sorcellerie ou autre magie noire fondées sur la peur ou le désespoir.

C'est à nouveau Gillowen qui avait permis à Dwimfa de se débarrasser de cet encombrant invité, qui avait causé bien des soucis à l'Homme des Bois et ses amis au cours de leurs aventures. En effet, à l'aide d'un grimoire magique très puissant, la belle elfe avait réussi à ouvrir un autre portail similaire, en même temps qu'elle avait pu - grâce à un pouvoir inné en elle - chasser le démon de l'esprit de Dwimfa. Lequel démon avait alors pris possession de l'elfe grâce au portail qu'elle avait ouvert une nouvelle fois. Gillowen avait succombé à l'influence du démon et avait dû être maîtrisée par ses compagnons. Mais par la suite des sorciers mirent la main sur elle et arrivèrent à arracher son esprit ou son âme pour la placer dans une gemme qu'ils confièrent ensuite à une puissante araignée géante des montagnes du Mordor. Sans aucun esprit pour lutter contre ses suggestions, le démon, qui commençait à être connu par son nom, maîtrisait totalement le corps et le savoir de la magicienne. Lorsque le groupe d'aventuriers approcha de la demeure d'Eloeklo, dans le Grand Nord, il utilisa ses pouvoirs pour la libérer physiquement. Le bateau volant qu'utilisaient Dwimfa et ses compagnons s'écrasa, tous moururent sauf Dwimfa, à la chance légendaire (et magique), et Gillowen, grâce à ses pouvoirs. Mais ce n'était plus qu'un jouet entre les mains d'Eloeklo. Tina avait déjà quitté le groupe depuis un moment, contrôlée par Tevildo.

L'Homme des Bois détailla de nombreuses aventures vécues par ses anciens compagnons et lui-même, qui ne concernaient aucunement Eloeklo. En une occasion Dwimfa avait été également contrôlé mais pas par le démon du Vent du Nord : à l'aide d'un artefact magique il s'était ouvert à une créature peut-être similaire, très puissante, qui avait pris brièvement possession de son esprit, et l'avait amené à trahir ses compagnons et appeler une escouade de guerriers et sorciers venus de Dol Guldur. Gillowen avait réussi à le guérir de cette influence avant la rencontre avec ces nouveaux ennemis, et un terrible conflit s'en était ensuivi. De là à penser qu'il avait eu un contact direct avec le Nécromancien de Dol Guldur, il n'y avait qu'un pas qui intéressa prodigieusement Canadras. Ce ne fut pas la seule fois où le nom du Nécromancien revint, et le dragon y fut particulièrement attentif.

En échange, les aventuriers apprirent diverses choses sur le démon, et des pistes pour tenter de le tuer. De manière générale, comme Durlach ou Tevildo, il était relativement simple de tuer de telles créatures, en théorie du moins : ces esprits des temps anciens s'étaient trop habitués à avoir un corps physique et à exercer leur pouvoir sur le monde physique, et si leur corps était détruit ils n'auraient plus assez de pouvoir pour en reconstituer un autre par eux-mêmes. Eloeklo serait donc banni de la Terre du Milieu si son enveloppe charnelle venait à être tuée. Ce qui était plus facile à dire qu'à faire, d'autant que cette enveloppe était en grande partie immatérielle. La magie pouvait la détruire, mais autrement il fallait utiliser de la magie pour lui permettre de développer un nouveau corps, plus physique, afin de pouvoir le détruire par des moyens physiques plus traditionnels. Ce qui était loin d'être une sinécure : c'était un "démon de puissance" (Balrog), avec à sa disposition de nombreux pouvoirs et un corps extrêmement puissant et résistant.

Il avait tout de même de nombreuses faiblesses, ou peut-être pas si nombreuses mais importantes. Ainsi, il était très sensible au feu, ce qui faisait de Durlach un ennemi de taille capable de le détruire sans doute assez facilement. Egalement, malgré sa cécité, il était aussi très vulnérable à la lumière, ou plutôt à la lumière née des Valar et de la magie d'Aman. Lumière dont disposait en partie Drilun à travers son bâton. Lumière qui était également présente dans le Grand Nord dans un fragment de la lampe d'Illuin, autrefois fabriquée par les Valar pour illuminer le monde. Des objets fabriqués ou améliorés à l'aide de cette lumière, de cette magie, avaient donc davantage de pouvoir sur lui. En revanche, la présence d'une telle magie le rendait furieux et risquait de l'amener à attaquer sans réfléchir... Enfin, Canadras connaissait un rituel magique capable d'attirer physiquement le démon hors de chez lui pendant une petite durée. Assez pour l'amener en contact avec divers adversaires comme Durlach, ou pour permettre de fouiller rapidement les montagnes où le bateau volant des amis de Dwimfa s'était écrasé, avec les nombreux artefacts magiques utilisés par ses compagnons à présent décédés.

6 - Durlach
Le serpent de feu géant qui habitait le cœur du Puits de Morgoth fut rarement l'objet des discussions entre dragon et aventuriers. En fait les problèmes et questions étaient simples et directs : il était une pure force destructrice qu'il fallait éliminer d'une manière ou d'une autre, même si elle pouvait servir contre les autres Maiar. Néanmoins, un combat contre Durlach semblait incontournable, alors que c'était probablement l'être le plus fort de tout le Grand Nord voire de l'ensemble de la Terre du Milieu, sur un plan physique tout du moins. Or arriver à son contact était un soi une formidable épreuve, c'était comme de plonger dans de la lave en fusion, autrement dit la mort assurée. Seuls des objets magiques étaient susceptibles de l'affecter, et il n'était pas dit que beaucoup d'objets même magiques pourraient supporter la chaleur de son corps...

Une question essentielle de Drilun et ses amis fut donc de savoir comment se protéger de la formidable chaleur dans laquelle baignait le Maia, ou s'il était possible de lui nuire à distance. Canadras n'avait pas de recette miracle à donner, mais néanmoins ses réponses apportèrent quelques pistes aux aventuriers. En gros, pour se protéger, il fallait user de magie, si possible bien puissante... Et là encore, l'éclat de la lampe d'Illuin pouvait permettre de faire des objets exceptionnels pour protéger d'éventuels combattants. Mais il pouvait aussi être affecté par cette même lumière, et plus encore par la glace ou le froid intense, voire par l'eau. Eloeklo, bien qu'éventuellement moins puissant et en grande partie désincarné, pouvait peut-être représenter un outil précieux contre le démon du feu... En tout cas leur antagonisme était un élément important à ne pas négliger. Et là encore, comme pour Eloeklo, le dragon connaissait une magie capable d'appeler le Maia hors de chez lui et de l'y maintenir un moment.

En échange de ces informations, voire d'autres, les aventuriers détaillèrent nombre de leurs histoires faisant intervenir Angmar ou le Nécromancien. Plus les histoires s'enchaînaient, plus les liens entre les deux étaient évidents. Ainsi la saga liée à Caran Carach, qui avait amené l'équipe à se créer, en était-elle une belle illustration : la terrible bête était partie de Dol Guldur, avait semé la destruction sur son passage, ce qui avait valu à Vif de le suivre à travers différents pays. En Eriador, le soutien d'Angmar au loup-garou fut constant. Lorsqu'ils luttèrent aux côtés des seigneurs des chevaux en Rhovanion, le soutien de Dol Guldur et de ses sbires à une armée destinée à soutenir Angmar ne laissait aucun doute sur les liens étroits entre les deux.

Canadras fut aussi très intéressé par d'autres détails liés à l'un ou à l'autre, et dans lesquels le dragon sembla trouver un schéma riche d'enseignements pour lui. Il fut question de Moriel, sorcière formée en Angmar et qui fut un moment une aventurière aux côtés de Taurgil et d'autres compagnons. Mais également d'un elfe aux cheveux d'argent habitant Dol Guldur, et dont il semblait être l'un des principaux artisans forgerons. Y avait-il un rapport avec Ost-in-Edhil, la forteresse des elfes au Second Âge, lieu de création des anneaux de puissance et à présent juste des ruines, ruines où diverses équipes d'aventuriers avaient trouvé objets et informations les plus divers ? N'était-ce pas un anneau de puissance que Taurgil et Moriel avaient trouvé ? N'était-ce pas à Ost-in-Edhil que le métal magique permettant de faire des bateaux volants avait été découvert ?

Le fonctionnement de Dol Guldur fut décrit aussi par les aventuriers à travers leurs périls au sein de la Forêt Sombre. La prophétie liée à la fille d'Atagavia, concernant la chute du Nécromancien par un de ses descendants, évoqua-t-elle quelque chose au puissant magicien qu'était Canadras, sans doute lui aussi rompu aux sortilèges de divination ? Il était aussi intéressant de voir la cible principale des manigances d'Angmar ou de Dol Guldur : au bout du compte, c'était le royaume d'Arthedain qui était visé, que ce fût à travers les actions de Caran Carach, les empoisonnements des grandes familles nobles grâce à du vin réalisé sous l'autorité d'Ardagor grâce à la sœur (ensorcelée) de Sîralassë, les expériences magiques pour créer des fantastiques créatures ténébreuses au service d'Angmar... Même l'éveil de Fercha semblait tout sauf le fruit du hasard, sans parler de l'enlèvement du grand-père de Narmegil, les actions d'Angmar à Tharbad ou dans le Cardolan... Tout participait d'une même volonté, que le dragon semblait bien cerner grâce aux récits des aventuriers.

7 - Tevildo
Mais le gros des discussions concerna un vieil ami dont l'influence remontait à bien avant le temps du présent groupe d'aventuriers. Tevildo entremêlait l'histoire de plusieurs groupes d'aventuriers avec celle des rois de Gondor et d'Arthedain, et autre beau monde. Et il semblait avoir un lien particulier avec le Nécromancien, suggérant qu'ils se connaissaient de longue date. Même s'il était délicat de faire des hypothèses, s'agissant d'êtres très anciens et retords, prompts à semer de fausses pistes, ou du moins pouvait-on le supposer concernant l'hôte de Dol Guldur. En tout cas le groupe avait cru deviner que Caran Carach connaissait l'identité de son maître dont il était le geôlier en chef. En effet, à deux occasions, le groupe avait assez occupé le loup-garou de Dol Guldur pour que Tevildo, par l'intermédiaire de Tina dont il contrôlait le corps, avait pu sonder l'esprit du monstre... assez pour en extraire cette précieuse information, si l'on devait en croire la véhémente réaction du Prince des Chats.

A tout le moins, ce dernier s'activait depuis longtemps, discrètement, et le récit de Dwimfa dévoila quelques beaux secrets. Apparemment nombreux étaient ceux qui connaissaient l'histoire de la reine Berúthiel, mariée au douzième roi du Gondor, Tarannon Falastur. Elle n'eut jamais d'enfants, elle était détestée du peuple avec ses neufs chats noirs et son chat blanc qui espionnaient toutes et tous, et elle passait pour une sorcière. Tant et si bien que son mari finit par l'attacher à un bateau qui dériva vers le sud. Sauf qu'en fait il semblait bien qu'elle avait eu un fils caché du roi, fils qui grandit au sein de la lignée des princes du Mornan, dont Arang, l'un des amis de Dwimfa, était l'un des héritiers. Un de ses ancêtres avait d'ailleurs été le jouet de Tevildo, au moment de la Lutte Fratricide en Gondor au 15e siècle du Troisième Âge. Mais ce "jouet" avait préféré se laisser mourir que de monter sur le trône du Gondor et servir de pantin au Prince des Chats.

A cela se mêlait un culte de prêtresses maléfiques voué à la gent féline, culte qui semblait avoir un lien avec la reine Berúthiel et qui avait peut-être gardé un moment la prison de Tevildo, le Kuilëondo. En tout cas ce culte était manifestement à l'origine d'expérimentations ayant entraîné la naissance de trois individus avec des capacités magiques spéciales et un lien très fort avec le Prince des Chats. L'un était Tina, transformée en lynx blanc par le pouvoir du Kuilëondo et contrôlée par l'occupant du ténébreux bijou ; un autre était Vif, capable de se transformer en félin enchanté même sans l'aide directe ou indirecte de Tevildo ; enfin, le dernier semblait être un magicien rouquin vivant dans le sud, inconscient de son origine... Ces trois-là avaient un lien très fort avec le Prince des Chats, en particulier Vif. Ils étaient donc des hôtes privilégiés pour l'esprit ou l'âme - l'essence divine - de Tevildo. Ce qui n'empêchait pas qu'il avait des liens avec de nombreuses autres personnes : Míriel, fille de Narmegil et Isis, anciens aventuriers ; mais aussi tout le présent groupe, à l'exception de Mordin et Dwimfa. Mais ce lien était trop ténu pour que leur corps puisse facilement servir d'hôte à l'essence du Maia...

Comme Durlach et Eloeklo, Tevildo quitterait pour toujours la Terre du Milieu s'il ne trouvait pas un corps pour abriter son essence à présent enfermée dans le Kuilëondo. Avec suffisamment de magie - née par exemple de la destruction de l'Ulûkai - il pourrait créer un corps à lui, mais il lui était encore plus facile d'utiliser celui de quelqu'un avec qui il avait un lien fort, comme Vif, en particulier si la personne en question invitait librement le Maia à venir en elle. Tuer Tevildo semblait donc simple en apparence : détruire le bijou maudit dans lequel il était enfermé, ou capturer l'essence d'un autre Maia afin de chasser Tevildo du bijou, inviter son essence dans le corps de Vif, et tuer cette dernière... Le corps de Tina, s'il était proche, pourrait peut-être être la cible du Maia mais sa volonté était forte, peut-être pourrait-elle résister... ou peut-être devrait-elle être tuée elle aussi. Et quant au dernier, du nom de Manil, il semblait trop loin pour permettre de servir à Tevildo si jamais ce dernier était en manque de corps... ou du moins pouvait-on l'espérer. Tout dépendait vraiment de l'état de santé du Prince des Chats, de sa puissance au moment des faits. Sachant qu'à chaque changement de corps, il s'affaiblissait. Ainsi, si Vif l'accueillait en lui, il ne pourrait plus changer de corps, sauf à l'aide d'une puissante magie, comme un rituel nourri par une magie exceptionnelle, ou la mort d'un être supérieur, ou l'utilisation du Kuilëondo. A noter que le lien avec Vif était si particulier que son corps s'en trouverait investi d'une puissance inhumaine si jamais elle invitait le Prince des Chats en elle.

Canadras ne savait guère plus de choses, mais il laissa entendre qu'il y avait une personne qui en savait plus que lui : Tina. En effet, il sentait que sa présence était encore bien active et elle connaissait Tevildo comme nul autre, ayant passé des années à observer le Maia depuis l'intérieur de son propre crâne. Il était peut-être possible de parler à Tina en essayant de la contacter en rêve, après lui avoir fait passer l'info pour qu'elle cherche elle-même à contacter les aventuriers de la même manière. Mais elle ne pourrait le faire que si, en même temps, Vif et ses amis occupaient suffisamment le Prince des Chats pour qu'il ne regardât pas trop ce que l'esprit de Tina était en train de faire... Par contre, contrairement à Durlach et Eloeklo, le dragon ne connaissait aucun rituel capable d'appeler et d'influencer Tevildo. Enfin, Drilun se douta que tant qu'ils restaient chez le dragon, Tevildo aurait du mal à les espionner. Mais en revanche, une fois sortis de la caverne couverte de runes enchantées, il n'aurait pas de mal à lire dans l'esprit de Vif ou des autres les informations transmises par le dragon. C'est aussi pourquoi certaines de ces précieuses informations ne furent transmises qu'à Mordin et Dwimfa, en qui le Prince des Chats ne pouvait aucunement lire les pensées.
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Niemal
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Grand Nord - 23e partie : vol et conséquences

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1 - Rituel de froid et de destruction
Mais après le moment des échanges de paroles vint le moment des échanges de services. Après un repos bien mérité, Drilun s'attela à la tâche consistant à renforcer les pouvoirs magiques du dragon. En l'occurrence, il s'agissait d'inscrire des runes dans sa caverne ou sur son corps reptilien géant. Il avait déjà des outils adaptés, et toutes les compétences pour ce faire, même si la sculpture sur glace ou la gravure sur écailles de dragon ne faisaient pas vraiment partie de ses compétences les plus développées. En revanche, Canadras avait fait graver sur les parois de sa "chambre de travail" des runes puissantes permettant de stimuler les compétences d'artisanat les plus diverses, ainsi que les compétences de magie runique des occupants de la caverne. L'archer-magicien dunéen passa donc de longs moments - pour un total de cinq jours en fait, ou plutôt leur équivalent - à graver des runes magiques pour le compte du dragon, avec juste le minimum de repos nécessaire.

Lequel dragon ne se contentait pas d'ordonner à Drilun ce qu'il devait faire : il travaillait de concert avec lui afin de charger magiquement lesdites runes pour leur donner une puissance bien supérieure à celle que lui-même pouvait apporter. Pour l'essentiel, il réalisa des runes apportant de puissantes protections magiques à Canadras, à tel point qu'il doutait que le groupe fût en mesure de blesser sérieusement le dragon en cas de face à face armé. Et par ailleurs, toujours avec l'aide de Canadras, il inscrivit des runes de sorcellerie permettant de manipuler complètement l'esprit ou les émotions d'une personne. Avec l'aide de cette magie, il pouvait en un clin d'œil faire oublier son passé à quelqu'un, ou en faire son fidèle esclave pour un long moment. Et avec une telle puissance qu'il doutait lui-même de pouvoir résister longtemps à de tels sortilèges. La suite lui montra d'ailleurs qu'il avait raison...

Pendant ce temps, ses amis se reposaient - Geralt en tête, mais Vif lui faisait une bonne concurrence - ou bien s'occupaient de manière diverse. Isilmë passait son temps à chanter, raillée régulièrement par Mordin qui s'offusquait de ce bruit d'elfe, et qui prenait plaisir à essayer de chanter fort et faux. De temps en temps la lionne enchantée allait tout de même chasser avec Taurgil ou Dwimfa, ce qui était d'autant plus nécessaire que leur séjour risquait de durer un moment. Si les créatures terrestres n'étaient guère nombreuses dans les environs, voire fichtrement absentes en cette partie très aride du Grand Nord (sans parler de la présence du dragon), les eaux étaient, elles, assez riches, à condition de pouvoir trouver une ouverture dans la glace qui les recouvrait, voire d'en créer une, par exemple avec l'aide de l'épée de l'Homme des Bois. Il fit un temps magnifique durant plusieurs "jours", ce qui permit de ramener des phoques voire deux fois des morses, pourtant rares en cette saison à cet endroit. Leurs peaux purent ensuite être découpées et traitées par toute l'équipe (moins les deux gros dormeurs) pour pouvoir être utilisées plus tard. Le dragon ne se priva pas de dévorer les carcasses qui traînaient lorsqu'il n'était plus avec Drilun.

En échange de son travail, ce dernier apprit comment appeler magiquement Eloeklo et le maintenir un moment en un endroit donné. Il s'agissait d'une forme de rituel magique que Canadras avait conçu, pervertissant à sa manière la magie utilisée par de puissants elfes de Valinor pour emprisonner le Maia au-dessus des montagnes qui étaient sa prison. Drilun ne connaissait pas vraiment la technique des rituels magiques, mais ces derniers avaient un fonctionnement tout de même assez proche de la magie runique qu'il utilisait. En bref, l'archer-magicien intégrait sans mal la partie runique des rituels, l'améliorant même à sa manière, ce qui compensait son manque de compréhension des préparatifs et de la procédure complète du rituel. En tout cas pensait-il arriver à un résultat similaire avec sa façon de faire, comme le passé l'avait déjà démontré : il avait en effet réalisé le rituel appelant Fercha, dans la Comté, d'après les explications données par un vieux Dunéen qui lui avait détaillé le rituel magique qui permettait de réaliser une telle prouesse.

Mais en revanche, certains ingrédients, conditions ou actions étaient nécessaires, et ceux-ci n'étaient pas les plus faciles à rassembler. Pour commencer, il fallait un froid le plus vif possible, avec un vent du nord net et marqué. Ce qui était assez commun en hiver et en particulier dans les environs, mais pouvait se révéler plus difficile à trouver en d'autres lieux ou saisons. Par ailleurs, un ou des objets magiques devaient être détruits - plus ils étaient puissants meilleur c'était - avec une certaine intervention du froid dans le processus de destruction ou au minimum d'affaiblissement. Enfin, au moins une puissante créature liée au froid devait être sacrifiée sur place, telle qu'un troll des neiges (grand minimum), un géant des glaces ou un dragon de froid. Bien entendu il pouvait y en avoir plusieurs, mais tout devait se faire au même endroit et en même temps, et plus le site d'appel et d'emprisonnement d'Eloeklo était grand, plus la difficulté du rituel l'était aussi. Plus le rituel était réussi, avec notamment des conditions très favorables ou des ingrédients très précieux ou puissants, moins le Maia pourrait résister, et plus longtemps il serait emprisonné. Un rituel peu efficace pouvait l'attirer et le laisser libre de donner cours à sa colère, car une telle créature détestait par-dessus tout être contrainte à obéir à autrui...

2 - Rituel de chaleur et de massacre
Suite à ces révélations sur la nature des ingrédients nécessaires au rituel concernant le Démon du Vent du Nord, certains aventuriers plaidèrent pour quitter Canadras et s'occuper tout de suite d'Eloeklo. Selon eux, quitte à s'en faire un ennemi pour de bon, il était possible d'utiliser le rituel pour permettre d'aller piller ses ressources ou plus précisément de récupérer les artefacts sur les corps des anciens amis de Dwimfa. Mais tous n'étaient pas d'accord avec cela, et pensaient qu'il pouvait être intéressant d'en savoir davantage concernant le rituel permettant de contrôler Durlach. Peut-être trouveraient-ils des ingrédients communs faciles à rassembler pour les deux. Et puis même s'il était possible d'utiliser le même rituel plus d'une fois, ce ne serait pas forcément aussi facile à chaque nouvel essai, le Maia étant susceptible de trouver des failles dans le sort ou de le pervertir d'une manière ou d'une autre pour se libérer ou suivre ses propres intérêts... Enfin, vu leur antagonisme, il était intéressant d'utiliser les rituels sur les deux Maiar, pour les faire se rassembler, combattre l'un l'autre et s'affaiblir, plutôt que pour aller récupérer des objets magiques perdus et pour lesquels une autre solution existait peut-être.

En fin de compte Drilun accepta de passer l'équivalent de cinq jours de plus de dur labeur magique, à faire de nouvelles runes pour Canadras, afin d'obtenir de précieuses informations sur Durlach et la manière de le contrôler magiquement. Entre-temps la météo avait changé et le temps, de très clair et étoilé qu'il était (sans oublier les belles vagues lumineuses qui éclairaient le ciel) avait laissé place à un vrai blizzard venant du nord, couvrant tout sous une neige épaisse en partie balayée par les éléments. Ce blizzard fut à l'origine d'une grosse congère au pied de la falaise où habitait le dragon, congère qui fut à la fois une gêne et une bénédiction par la suite pour les aventuriers. Mais ils ne le savaient pas encore, et en attendant ils étaient coincés dans la caverne. Cela ne changeait rien pour Geralt et Vif qui passaient encore plus de temps à dormir, tandis que les autres chantaient encore plus ou travaillaient davantage les peaux d'ours, de phoque ou de morse qu'ils avaient. Sauf Rob qui errait, désœuvré, pendant qu'une petite idée commençait à germer dans sa tête...

Et Drilun travaillait et parlait avec Canadras. Parfois il essayait de faire du troc avec le dragon, se demandant s'il ne pouvait pas lui prêter ou lui remettre un objet magique de sa collection en échange de l'un de ceux que le groupe avait amassés. L'archer-magicien était particulièrement intéressé par un marteau nain, le marteau de Galgrin, pris au chef d'une colonie de nains (sur son corps) de nombreuses années auparavant, à l'est, et pour lequel ils vouaient une haine farouche au grand reptile ailé. Mais le dragon n'était aucunement intéressé, et il se vanta même des pouvoirs magiques dudit marteau. En fin de compte ce n'était aucunement une arme de guerre mais de forge, dont les pouvoirs conféraient une incroyable aisance dans les techniques de la forge et de la magie runique. Par ailleurs, ce marteau immunisait aux éléments naturels comme le feu et le froid, permettant même au porteur de se baigner dans la lave sans en être affecté... Toutes choses qui intéressèrent encore plus le magicien dunéen !

Quoi qu'il en fût, en dehors de rapporter ces précieuses informations au reste du groupe, Drilun continua à graver des runes magiques pour le compte du dragon, renforçant son pouvoir ou lui permettant juste de remplacer des runes usées ou utilisées par le passé. Et petit à petit, en échange, il apprit plus de choses sur la manière de faire sortir Durlach de son trou et de pouvoir, au moins un temps assez bref, le maintenir en dehors de chez lui tout en l'empêchant d'aller où il voulait et de laisser éclater sa fureur destructrice sur le Grand Nord. De la même façon qu'avec Eloeklo, Canadras n'avait fait que reprendre les puissants sorts confectionnés par les elfes de Valinor - en particulier Ingwë, roi des Vanyar - lors de la guerre contre le Noir Ennemi du Monde, afin d'emprisonner le Maia dans le Puits de Morgoth. Comme pour l'autre rituel appris peu auparavant, Drilun pensait bien utiliser sa magie runique en lieu et place du rituel magique, en complétant par diverses conditions et ingrédients nécessaires au sortilège d'appel et de contrôle.

Et la liste de ces conditions et ingrédients ne manqua pas de le laisser rêveur. Trouver un site avec une abondance de roches ignées, volcaniques ou plutoniques (basalte, granite, obsidienne...), cela devait pouvoir se faire. Détruire objets magiques ou pierres précieuses à l'aide du feu, en dehors de donner une crise cardiaque à Mordin, restait également faisable. En revanche, tuer un nombre de personnes intelligentes équivalentes, en volume, à celui du Maia, était une autre paire de manches. L'archer-magicien calcula qu'il faudrait quelques milliers d'orcs, ou quelques centaines de trolls, peut-être une centaine de géants de glace (en existait-il au moins autant ?), voire une dizaine de dragons du Second Âge, ceux relativement jeunes... Et il fallait les tuer à l'aide du feu, en les faisant brûler d'une manière ou d'une autre. Dans un pays où le bois était rare, brûler en même temps et au même endroit tant de monde ne paraissait pas réaliste... sauf là où Durlach était déjà emprisonné !

3 - Petits pas, petit trésor mais gros intérêt
En attendant, tandis que l'archer-magicien dunéen terminait son dernier "jour" de travail avec le dragon, Rob finit par passer à l'action. Quand on est voleur non seulement de profession mais avant tout par passion, se promener les bras croisés dans l'antre d'un dragon était une tentation un peu forte. Par le passé le petit hobbit avait déjà succombé plusieurs fois à son vice, lui valant parfois des problèmes avec ses compagnons comme par exemple Isis, à présent en Arthedain avec Narmegil et leur fille Míriel. Bien sûr, Canadras était très puissant et ne ferait qu'une bouchée - littéralement - du hobbit s'il se faisait prendre, et sa caverne était truffée de sortilèges en tout genre. Mais la raison n'était pas le fort de Rob qui se laissa tenter par la promesse de moments bien plus excitants que d'entendre Mordin essayer de couvrir les chants d'Isilmë avec sa voix puissante mais pas très mélodieuse.

Alors donc que ses amis travaillaient le cuir, chantaient ou dormaient, il s'éloigna discrètement d'eux pour se diriger vers l'ouverture qui menait à la chambre du dragon, libre pour le moment vu qu'il était occupé avec leur ami dunéen. Dans son sommeil, Vif perçut un déplacement discret qui lui fit tourner l'oreille et ouvrir un œil : son petit ami était en maraude, et elle comprit vite ce qui allait se passer, et les possibles problèmes que cela risquait d'entraîner. Mais elle n'en eut cure et referma sa paupière pour profiter des derniers moments de repos encore possibles. Elle gageait que d'ici peu il y aurait de l'action et qu'elle n'aurait pas l'occasion de dormir autant avant un moment... Et donc Rob s'éloigna-t-il sans encombre : il parvint à escalader la glace glissante amenant à l'ouverture du couloir menant à la chambre au trésor, et y pénétra...

Très vite il sentit la magie des lieux l'affecter : une sensation de grande fatigue le fit bâiller et il aurait voulu s'endormir sur place, mais il résista à l'envie et continua un peu plus. Ses tripes se nouèrent également, manquant de le faire fuir en hurlant ou de souiller ses vêtements, mais là encore il résista par un effort de volonté et poursuivit plus avant. Aidé par un casque magique qui améliorait sa vision, il arrivait à peine à distinguer ce qui l'entourait, mais enfin il arriva à une vaste chambre dans laquelle le dragon devait dormir. Dans un coin étaient amassés divers trésors comme un peu d'argent ou d'or, des perles ou autres objets d'ivoire, quelques armes sans grand intérêt pour lui, des gemmes et bijoux de grande valeur qui attirèrent davantage son attention. Le tas n'était guère conséquent et très éloigné des montagnes de trésor dont parlaient les légendes de dragon qu'il connaissait ; mais il était néanmoins largement assez gros pour rendre une famille de hobbits riche et à l'abri du besoin pour plusieurs générations...

Craignant d'entendre le dragon revenir à tout moment il fit une fouille rapide des lieux, tentant de trouver des choses de valeur et peu visibles. Il finit par remarquer un marteau étrange fait d'un bloc unique de métal et couvert de runes diverses dont émanait à ses sens une légère magie active. Était-ce le fameux marteau de Galgrin ? Il n'osa pas le prendre, se disant que leur hôte écailleux ne manquerait pas de repérer son absence, mais mit plutôt la main sur un petit anneau d'or couvert de discrètes runes qu'il espérait magiques, et qu'il mit bien vite dans une poche. Voilà qui était plus intéressant... Puis il remarqua comme un petit espace creusé dans le mur, dans lequel avait été disposé un objet oblong plus grand que sa main. S'approchant un peu pour l'examiner malgré le manque de lumière, il vit que l'objet était fait d'une sorte d'ambre, en forme de grosse goutte d'eau, ressemblant très fort à une nouvelle larme de Yavanna arrivée ici par Eru savait quel hasard.

Connaissant les pouvoirs de protection et de guérison d'un tel artefact, il mit la main avec mille précautions sur l'objet, puis le sortit délicatement de sa cache sans détecter le déclenchement d'aucun sortilège. Satisfait de son vol, il se dirigea vers la sortie, non sans une hésitation devant le marteau enchanté auquel ses compagnons semblaient prêter un grand intérêt, vu qu'il permettrait peut-être d'affronter le feu ou le froid d'un dragon ou d'un Maia... Revenant sur ses pas il retrouva bientôt la grande caverne où ses amis vaquaient toujours à leurs occupations, et en particulier les travailleurs du cuir - Taurgil et Dwimfa - accompagnés dans leurs efforts par les chants mélodieux de l'elfe à côté d'eux, ou la voix rauque et puissante du nain qui tentait de faire plus de bruit que son amie. Il se joignit à eux et, sans proférer aucun son, montra discrètement à Taurgil ce qu'il avait dans la main, lui faisant comprendre par des gestes où il l'avait trouvé. Les yeux fermés, la lionne enchantée perçut le bruit de déglutition du Dúnadan et son rythme cardiaque s'accélérer. Contre toute attente, le hobbit avait réussi son expédition, le temps du repos touchait à sa fin...

4 - Préparatifs et départ anticipé
Dwimfa avait remarqué le geste discret du petit voleur, et en tant que voleur lui-même, il lui fit un grand sourire. Et puis de toute manière les peaux étaient maintenant toutes prêtes, ou autant qu'elles pouvaient l'être. Restait à préparer la suite, sans faire de bruit pour ne pas alerter le dragon toujours occupé avec leur ami dunéen. Mordin fut bientôt mis dans le secret, sans que cela changeât le volume sonore dont il était à l'origine, au contraire même. La lionne enchantée était déjà réveillée, attentive, et elle pouvait parler dans son langage félin que seuls ses amis ayant activé le tour d'oreille magique fait par Drilun pouvaient comprendre. Geralt fut bientôt réveillé, et lorsqu'il eut compris par gestes ce qui se tramait, il se montra particulièrement bougon envers le semi-homme : pour avoir été réveillé d'une part, et pour avoir mis autant le groupe dans la m... avec son expédition solitaire. Le dragon ne leur pardonnerait jamais cette intrusion et ce vol, il allait les réduire en pâté (pour dragon), ils allaient tous mourir...

Isilmë continuait à chanter, inconsciente de ce qui se passait, même si elle avait bien perçu que l'ambiance avait changé. Mais Mordin continuait à la houspiller et à la pousser à chanter davantage, et donc elle faisait comme on lui demandait, sans trop se poser de questions, même si elle était intriguée, ne percevant pas les échanges entre ses amis en raison de sa cécité. Les autres s'activèrent sans vraiment changer leurs habitudes ou chercher à cacher quoi que ce fût, comme si c'était une journée ordinaire à patienter dans l'antre d'un dragon... Mais en fait, par gestes ou via le parler félin de Vif, ils avaient convenu d'une chose : rester dans les cavernes de Canadras était trop dangereux, il fallait fuir au plus vite. Drilun était très utile au dragon et il était possible d'espérer qu'il l'épargnerait, mais pour le moment ils ne pouvaient rien pour lui, ils allaient le laisser supporter seul la fureur du dragon... Fureur augmentée par une nouvelle excursion de Rob dans la chambre de Canadras : protégé de la magie du dragon par la larme de Yavanna, il revint pour mettre la main sur le marteau des nains, sans oublier d'empocher au passage une dague runique ayant sans doute appartenu à quelque Losson, une perle manifestement magique, ainsi que les gemmes et joyaux les plus précieux.

Et pendant ce temps, tout en parlant normalement, les amis de Rob s'activaient de manière à rassembler leurs affaires, y compris celles de l'archer-magicien, comme son fameux bâton magique de lumière qu'il n'avait pas pris avec lui. Les peaux préparées furent mises sur le traîneau, leurs affaires empaquetées, tout en faisant comme si rien de spécial ne se passait entre aventuriers qui s'ennuyaient. Afin de ne pas faire de bruit, le traîneau, une fois prêt, fut porté - plutôt que glissé sur le sol glacé - par Vif ainsi que Taurgil et Dwimfa, dans le large tunnel qui menait à la sortie. Le blizzard avait quelque peu décru, mais la neige était encore dense et les amis ne voyaient pas leur main quand ils tendaient le bras, dans l'obscurité. Rob et Geralt accompagnèrent les porteurs, tandis que le nain et l'elfe restaient dans la grande caverne à occuper l'espace sonore et donner l'impression au dragon, qui devait les entendre, que rien n'avait changé...

Canadras, pendant ce temps, percevait bien le bruit des aventuriers, même s'il 'était occupé à discuter de runes et de rituel magique avec Drilun. Ce dernier trouva d'ailleurs que son interlocuteur semblait parfois distrait, pour une raison qu'il ignorait complètement. Et au moment où Mordin dit à Isilmë - toujours ignorante de ce qu'il se passait vraiment - qu'il voulait qu'elle l'accompagne jusqu'à l'entrée de la caverne, à l'extérieur, où il voulait aller soulager sa vessie, et qu'elle le fit (non sans se poser des questions), le bruit dans la caverne diminua. Le dragon prêta de plus en plus d'attention à ce qu'il se passait chez lui et de moins en moins à l'archer-magicien. Ses sens lui disaient que ses invités étaient maintenant tous dans l'entrée, comme s'ils étaient en train de filer pour une destination inconnue sans même le remercier de son hospitalité... ou comme des voleurs qu'ils étaient sûrement.

A l'entrée, Vif avait fait descendre le traîneau avec diverses affaires ainsi que le balafré aux cheveux blancs, qui s'empressa, une fois à terre - ou plutôt sur la neige épaisse qui couvrait tout dehors - de libérer la corde et de préparer le traîneau pour un départ précipité. Taurgil, mauvais grimpeur, suivit bientôt par la même voie, au bout de la corde descendue par son amie. Mordin, pendant ce temps, lançait des blagues vaseuses à Isilmë qui se demandait vraiment ce qu'il se passait, tandis que Rob s'inquiétait de la suite. Dwimfa, qui avait récupéré le bâton de Drilun, remarqua l'inquiétude qui se lit vite sur le museau de son amie féline et il n'eut pas besoin de traduction pour comprendre qu'elle disait que le dragon arrivait et qu'il fallait sauter, ce qu'il fit aussitôt. La lionne enchantée prit une jambe de l'elfe et plongea dans le vide, avec Mordin accroché à son dos - il avait à peine eut le temps de s'agripper à elle avant qu'elle ne s'élançât. Et le petit hobbit sauta lui aussi du haut de l'entrée des cavernes, à une vingtaine de pas du plancher des vaches... même si jamais aucune vache n'avait contemplé l'endroit.

5 - Ensorcellements plus ou moins réussis
De son côté, Drilun vit Canadras mettre brusquement fin à leur discussion et filer vers la caverne principale. Interloqué, il chercha à avancer au plus vite, ce qui n'était pas si simple sur la glace particulièrement glissante qui couvrait tout. Lorsqu'il arriva dans la grande salle où ses amis et lui s'étaient installés, une lumière magique lui montra que le groupe avait pris la poudre d'escampette tandis qu'il était occupé avec le dragon, qui devait être du côté de l'entrée. Il tenta alors de glisser en direction de ladite entrée afin d'arriver le plus vite possible à l'extérieur, où ses amis risquaient d'avoir besoin de lui... et lui d'eux également. Mais son voyage sur le ventre fut bien vite interrompu avant d'arriver dehors.

Car entre-temps, Canadras s'était précipité vers l'entrée de ses cavernes, sans avoir de problème de glissade grâce à ses puissantes griffes. Il arriva pour percevoir plus bas, grâce à son ouïe fantastique, les sept aventuriers qui manifestement n'avaient plus rien à faire de son hospitalité draconique. A l'exception de Taurgil et Geralt, déjà en bas, tous avaient atterri sans mal au bas de la falaise, grâce en bonne partie - surtout pour l'elfe arrivée à plat dos en criant - à la congère qui s'était formée au pied du mur de roche et de glace. Rob eut même un peu de mal à sortir du trou qu'il avait formé en tombant, mais il put le faire avec l'aide de ses amis. Tandis que tous se préparaient à partir, en se coordonnant à l'aveuglette, grâce à la voix, Vif entendit le dragon plus haut, qui semblait marmonner quelque chose, alors que le semi-homme détectait de la magie provenant de l'entrée des cavernes : le dragon tentait de les ensorceler ! Ou plus exactement il lançait un sortilège sur la lionne enchantée, qui arriva à résister à son influence. Peu après, en l'absence de plus de réaction du dragon, elle s'attela au chariot où avaient déjà pris place Isilmë et Rob, tandis que les autres avaient chaussé skis ou bientôt raquettes, plus pratiques dans tant de neige fraîche.

En fait le dragon, constatant l'inefficacité de son sort, avait choisi de rentrer dans sa caverne. Les aventuriers n'iraient pas loin, il avait tout le temps de s'occuper d'eux. En attendant, il avait mieux à faire, et il ouvrit la gueule quand Drilun arriva vers lui en glissant sur le ventre. L'archer-magicien, sentant sa dernière heure venue, lança un sort de protection magique autour de lui. Mais Canadras se contenta juste de l'attraper dans sa gueule, sans chercher à broyer son corps dans ses puissantes mâchoires. Il transporta Drilun dans la caverne principale, puis jeta son corps plus loin, où il atterrit souplement, heureux de son expérience. Il avait profité de son transport pour vérifier une hypothèse qui s'était révélée exacte : le fond de la gorge du dragon comportait une peau rose qui lui sembla particulièrement fine et délicate, c'était là son point faible ! Mais Canadras activa une à une diverses runes magiques de la caverne : la première tenta de rendre l'archer-magicien dunéen complètement amnésique, mais il repoussa le sortilège par un effort de volonté. La seconde, à laquelle il ne put résister, lui procura un amour immodéré pour le dragon. Et la dernière, à laquelle il ne résista pas plus, lui donna un nouvel objectif dans sa vie : il se devait de servir Canadras, son maître, fût-ce au péril de sa vie.

Un peu plus tard, à l'extérieur, Vif perçut une nouvelle arrivée du dragon dans leur direction. Il volait et tournait autour d'eux, malgré le blizzard qui perdurait un peu, comme d'autres le perçurent à leur tour. Le traîneau fut rapidement arrêté et chacun se prépara. Hormis Isilmë et Rob, qui restaient dans le traîneau, tous tournaient le dos à ce dernier en s'attendant au pire. Dwimfa avait à la main le bâton magique de lumière, qui renforçait la volonté face aux magies noires, et Taurgil avait reçu du hobbit la larme de Yavanna, qui permettait encore mieux de résister à la sorcellerie. Et Isilmë se tenait prête à lancer des sorts de soin qui protégeaient aussi contre de telles magies. Alertés par Rob qui prévenait ses amis des sorts que lançait le dragon, et sa cible, ils arrivèrent à résister aux enchantements de Canadras notamment sur le maître-assassin de Tharbad ou la guerrière et soigneuse elfe. Malgré leurs craintes, l'attaque physique ou le souffle du dragon ne s'abattirent pas sur eux. Après quelques mots durs envers eux, Canadras se contenta de leur tourner le dos et de rentrer à sa caverne, où Drilun l'attendait sagement...

A présent, les amis de l'archer-magicien se trouvaient fort marris. Le dragon était malin, et il devait se douter qu'ils n'allaient pas abandonner leur ami dunéen dans ses pattes. Il devait donc les attendre dans ses cavernes, où ses protections magiques et runes multiples le rendaient presque invulnérable. D'une manière ou d'une autre il fallait bien le faire sortir de là, et affronter le dragon autant que possible à l'extérieur. Taurgil fut alors équipé des meilleurs équipements dont ils bénéficiaient, comme par exemple de la larme de Yavanna récupérée chez Canadras ou du fameux marteau de Galgrin qui protégeait si bien contre les éléments, comme le hobbit avait déjà eu l'occasion de tester quand il avait mis la main dessus. A l'aide de sa magie de roi, très puissante, protégé de ses sorts ou de son souffle, le Dúnadan avait des chances de résister au dragon et de l'occuper un moment...

En parallèle, Geralt se mit à appeler Eloeklo dans le vent froid venant du nord. Plus que jamais, ils avaient besoin d'aide, et leur allié de circonstance pouvait y trouver son intérêt : sans Drilun, Eloeklo ne pouvait faire réaliser les rituels dont il avait besoin pour renforcer son corps et se libérer de sa prison. Le maître-assassin espérait donc bien pouvoir bénéficier d'un petit coup de main voire d'un gros ! Par ailleurs, Vif avait constaté une chose nouvelle : Rob, après être tombé dans la neige, avait été assez difficile à percevoir même lorsqu'il parlait à ses amis, et elle lui demanda quelle étrange magie il avait utilisé. Le petit voleur avoua alors avoir passé au doigt l'anneau volé dans le trésor du dragon, et qu'il avait gardé pour lui. Testant plus avant les effets de cette magie, la féline Femme des Bois s'aperçut que le hobbit n'était pas seulement plus difficile à entendre, mais également à voir ou à sentir. Son anneau masquait efficacement la présence du petit voleur, ce qui pouvait se révéler très utile par la suite... Mais en attendant, Drilun restait leur priorité.

6 - Mission commando
Le groupe commença à débattre sur les moyens d'arriver à leurs fins, ce qui n'était pas une mince affaire, quand Vif les prévint qu'une forme ailée, plus petite que celle d'un dragon, était en train de descendre vers eux. Les premiers jours de leur séjour chez Canadras, elle avait régulièrement vu Andalónil dans les airs, donc personne ne fut surpris de l'arrivée du démon. Il resta au-dessus d'eux, invisible mais bien assez audible, à se moquer d'eux tout en demandant ce qu'ils souhaitaient de la part d'Eloeklo, qui serait peut-être bientôt heureux de se débarrasser d'eux. Il insinua, comme régulièrement il faisait lorsqu'il rencontrait les aventuriers, que ces derniers étant plus une source de problèmes que de solutions, il se ferait un plaisir d'enlever l'épine du pied qu'ils représentaient pour son maître...

Néanmoins, il écouta les arguments de Geralt sur l'intérêt à récupérer Drilun des pattes de Canadras, et déclara qu'il allait participer et que les amis de l'archer-magicien avaient intérêt à faire la preuve de leur valeur. Manifestement, il ne participerait à aucun combat contre le dragon, mais progressivement par la suite, le temps se calma et, s'il resta couvert, les aventuriers bénéficièrent d'une certaine accalmie autour des cavernes du dragon. Même s'il faisait encore bien noir et que le ciel restait couvert, cela permettrait d'y voir quelque chose, sauf pour l'elfe bien sûr. Le démon fut bientôt parti, même si le groupe se doutait qu'il ne serait jamais loin, prêt à profiter d'une quelconque occasion pour tirer un bénéfice personnel, comme de se venger de torts passés sur certains d'entre eux et en particulier le maître-assassin.

En attendant, les sept amis parvinrent à se mettre d'accord sur un plan : le groupe serait divisé en deux afin de pouvoir attaquer le dragon sur deux fronts. Un groupe constitué de Taurgil - le tank - accompagné de Dwimfa - le perforeur - ainsi que de Rob - le cambrioleur - et de Vif - le taxi multi-tâche - aurait pour objectif de passer par le haut de la falaise et de pénétrer dans les cavernes en ouvrant une nouvelle entrée s'il le fallait. L'autre groupe, dont Mordin le concasseur, irait en bas de la falaise, sous l'entrée des cavernes. Le nain aurait avec lui la masse de Gorovod, dont il espérait bien qu'elle lui permettrait de briser la roche sous la demeure de Canadras afin d'endommager ladite demeure ou d'y percer une nouvelle entrée. Peut-être certains trouvaient-ils ce plan un peu léger mais faute d'autre chose à proposer...

Après avoir rapproché le traîneau et les affaires de l'entrée de la caverne, le groupe se sépara. Comme prévu, les deux rôdeurs et le voleur-magicien partirent plus au sud, jusqu'à l'endroit de la falaise - déjà emprunté auparavant - en partie échancré et éboulé, où il était plus facile de faire l'escalade jusqu'au sommet de la falaise. Les autres restés plus bas examinèrent la paroi qu'ils allaient attaquer. Présentement, le pied de la falaise était couvert d'une énorme congère qui masquait la glace et la roche dont était constituée la muraille qui se dressait devant eux. Mordin ne risquait pas d'être très efficace à donner des coups de masse magique dans de la neige épaisse. Il fallait donc creuser et déblayer la neige avant d'arriver à quelque chose de dur dans lequel il pourrait réellement taper, ce qui ne risquait pas d'arriver tout de suite : plus il creusait dans la neige, plus la congère se tassait et recouvrait à nouveau tout de neige fraîche. Ce travail de sape qu'il voulait entreprendre risquait donc de lui demander plus de temps que prévu, et il s'obstina. Les nains sont connus pour être têtus, et Mordin était sans doute le plus têtu de tous les nains que le groupe avait jamais rencontrés.

Tout se passa très bien au départ, même si certains se doutaient que le dragon n'allait pas rester là sans réagir, même s'il les attendait peut-être tout simplement à l'intérieur, prêt à faire usage de ses sorts pour leur pourrir la vie ou les ensorceler chacun leur tour. Alors que les quatre amis partis au loin commençaient à escalader la falaise, les trois restés au pied des cavernes, dont le nain qui bataillait contre la poudreuse, eurent la surprise de voir leur ami Drilun dans l'entrée au-dessus d'eux. En effet, répondant aux ordres de son maître, il avait reçu pour mission de combattre ses ex-amis venus faire du mal à Canadras. Après avoir renforcé la protection magique autour du dragon avant la séparation de ses amis en deux groupes, il avait proposé un nouveau sort afin de passer à l'attaque, et reçu la bénédiction du grand reptile ailé. Il avait donc chargé de magie quelques morceaux de glace, prêts à exploser au moindre choc, et les jeta tranquillement du haut de l'entrée sur le nain plus bas...

7 - Chute et bris de glace
Les projectiles magiques du Dunéen explosèrent autour de Mordin, mais fort heureusement il était trop bien protégé par son ou plutôt ses armures pour en subir aucun dégât. Au contraire même, les explosions l'aidèrent puisqu'elles volatilisèrent une partie de la neige autour du nain. Par ailleurs, Geralt, qui avait vu la scène d'un peu plus loin, encocha une flèche sur l'arc de l'archer-magicien qu'il avait pris avec lui. Malgré ses armures physiques ou magiques, il arriva à transpercer la jambe de son ami. Lequel ami, déjà bien affecté par sa lutte magique contre Canadras, vacilla sous la douleur avant de tomber sur son séant. La pente douce en bordure de la corniche couverte de glace fit glisser son corps vers l'avant, et Drilun tomba vers ses ex-amis...

Heureusement pour lui, la neige qui restait amortit sa chute près de Mordin, qui se dirigea vers le Dunéen blessé. Mais derrière, Canadras, qui était resté un peu en arrière de l'archer-magicien, s'avança au bord de la corniche glacée et sauta. Et contrairement à ce à quoi s'attendaient les aventuriers, il n'ouvrit pas ses ailes, mais chuta d'une vingtaine de pas au bas de la falaise. Le choc ne lui fit rien, il était bien trop costaud pour cela. Il évita - volontairement ou non - les corps de Mordin et de Drilun, et sa trajectoire se finit sur la neige au pied de la falaise, et la glace qu'il y avait en-dessous... et qui se brisa. En effet, la mer baignait le bord de la falaise, et si elle était gelée, la glace ne put supporter le poids du dragon tombé d'aussi haut.

A cet endroit l'eau n'était pas profonde, et pour Canadras ce n'était rien de plus qu'un bain pour ses pattes puissantes, et le froid ne risquait pas de l'affecter. Mordin et Drilun, par contre, furent projetés en l'air par la force du choc et le basculement de blocs de glace, et ils retombèrent ensuite dans l'eau glacée, qui s'insinua dans leurs armures et vêtements... Plus loin, Isilmë et Geralt virent et sentirent la glace se fendre autour d'eux et bouger, menaçant de les envoyer eux aussi goûter aux joies d'un bain de minuit dans de l'eau glacée. Malgré sa cécité, l'elfe tenta tant bien que mal de garder son équilibre voire de parvenir à une zone de glace plus stable, mais elle finit par glisser et faire trempette à son tour. Geralt, par contre, sauta tel un cabri de bloc de glace en bloc de glace jusqu'à arriver à une zone non fracturée et au sec, si l'on oubliait la neige qui recouvrait tout. Il restait juste seul face au dragon, qui se détournait complètement de ses trois amis immergés...

Drilun était trop sonné par la douleur de la flèche, la chute depuis la corniche et ensuite dans l'eau glacée pour faire quoi que ce fût, et il commença à se noyer. Mais un bras arriva à le saisir et lui maintenir la tête hors de l'eau. Même s'il n'était pas un bon nageur, Mordin avait réussi à utiliser ses maigres compétences associées à beaucoup d'effort pour réussir à surnager et à sauver son ami avec lui. Mais il ne pouvait faire plus, et avec le froid qui s'insinuait vite dans son corps il ne faudrait pas longtemps avant qu'il ne sombrât. En attendant, il ne pouvait rien faire d'autre que de prier. Isilmë, pour sa part, arriva aussi tout juste à maintenir sa tête hors de l'eau. Le froid l'affectait moins, en revanche elle était plus proche du maître-assassin vers lequel la tête du dragon était tournée, gueule bien ouverte. Le souffle glacial du monstre lui gela légèrement le visage, mais aussi la glace autour d'elle : elle ne risquait plus de se noyer mais elle était prisonnière !

Quant à Geralt, faute d'endroit où se protéger du souffle du dragon, et sachant très bien qu'il ne pourrait l'esquiver vu sa taille qu'il devinait conséquent, il creusa frénétiquement la neige sous lui pour s'y enfoncer le plus possible et se protéger comme il pouvait. Le froid magique qui s'étendit sur et autour de lui trouva tout de même son dos, qui gela malgré ses armures et vêtements chauds, et son cœur s'arrêta de battre... avant de repartir avec difficulté. Jamais le maître-assassin n'avait vu la mort d'aussi près. Mais ce n'était qu'un court répit : d'une part le dragon pouvait souffler à nouveau, ou venir le croquer, et en plus le dos du balafré était bien gelé, et il sentait que s'il bougeait, sa peau allait se déchirer et il allait vite saigner à mort. De toute manière, comme il l'avait dit bien des fois, ils allaient tous mourir...

Au loin, Vif avait perçu ce qui se passait et elle avait pris Taurgil sur son dos avant d'accourir aussi vite que possible. Ce qui n'était pas une mince affaire vu l'épaisseur de neige fraîche qui couvrait tout le paysage. Malgré tous ses efforts, elle ne pouvait arriver à temps pour sauver ses amis. Elle n'avait aucun moyen d'empêcher Geralt de se faire geler ou dévorer, ou autre chose encore, et elle doutait même de pouvoir arriver à temps pour sauver les autres d'une éventuelle noyade ou du froid. Il était inutile de compter sur Andalónil pour s'attaquer au dragon, qu'elle devinait bien plus fort que le démon, tant physiquement que magiquement. Non, si aide il devait y avoir, elle devrait venir de quelqu'un d'autre...

8 - Tête de chat
Dans sa demi-conscience ou demi-inconscience, Drilun sentit une présence relativement familière s'insinuer dans sa tête et repousser sans mal les sorts de Canadras pour un petit entretien magique : Tevildo avait certainement suivi ce qui se passait et il devait trouver que le moment était bien choisi pour intervenir. Tandis qu'en dehors de sa tête le monde se figeait, le Dunéen se voyait proposer une aide bienvenue pour le sauver des griffes du dragon, de même que ses amis. Bien entendu, cette aide n'était jamais gratuite, l'archer-magicien le savait et le Prince des Chats ne s'en cachait pas. Et donc Drilun hésita-t-il, partagé entre le fait de garder son indépendance vis-à-vis du Maia, même si elle était déjà plus qu'écornée, et le réalisme de la situation intenable dans laquelle il se trouvait. Tevildo donna le coup de grâce à la volonté du magicien en parlant d'Isilmë et du sort qu'elle connaîtrait bientôt...

L'archer-magicien accepta donc de laisser son interlocuteur l'envahir afin de servir de vecteur à sa magie. Mais pas seulement : Tevildo demanda aussi à Drilun de puiser dans ses dernières ressources en lui afin de renforcer encore le sort qui allait être lancé. Canadras était un être redoutable, à la volonté vieille et puissante, il ne serait pas si facile à influencer. Le Dunéen mit alors toute son énergie intérieure restante dans la sorcellerie féline qui montait en lui. Le résultat dépassa ses espérances : il appela le dragon d'une voix rauque, et alors que la bête se tournait vers lui, une tête de chat indescriptible, un concentré de folie et d'horreur, prit forme au-dessus de lui. Par le passé le Prince des Chats avait déjà utilisé une telle magie, comme à Tharbad où de nombreuses personnes étaient mortes devant cette vision et beaucoup d'autres avaient été atteintes de folie. Mais jamais cette vision n'avait été aussi puissante, et Tevildo s'en lécha les babines et en ronronna de plaisir, ou du moins il l'aurait fait s'il avait eu un corps physique.

Malgré son incroyable volonté, Canadras fut pris au dépourvu et il n'arriva pas à résister à l'horreur d'une magie plus ancienne que lui. Il hurla de terreur et s'éleva immédiatement dans les airs, fuyant vers le nord de toute la force de ses ailes, loin de la vision. Mais il n'avait pas été le seul témoin de la scène. Geralt avait la tête dans la neige et il comprit très bien ce qu'il se passait, se rappelant sans mal les événements de Tharbad voire d'ailleurs, et il se garda bien de laisser sa curiosité prendre le dessus sur sa sécurité. Il avait déjà été confronté à la tête de chat de Tevildo à Tharbad, et son cœur s'en était arrêté de battre : il avait fallu les soins de leur soigneur, Sîralassë, pour le faire redémarrer. Quant à Isilmë, elle était bien protégée par sa cécité. Sa connaissance des sortilèges du Prince des Chats était plus limitée, mais elle comprit tout de même le retournement de situation. Restait Mordin, qui fut aux premières loges pour voir la vision se former juste au-dessus de lui...

Malgré sa volonté fantastique et la proverbiale résistance des nains à la magie, il fut affecté par la sorcellerie de la tête de chat. Son sang se glaça, les pensées se mélangèrent dans sa tête, et il eut bien du mal à comprendre ce qu'il faisait là et ce qu'il devait faire. Comme Isis et Narmegil à Tharbad, il devint un gentil doux-dingue qui laissa libre court à ses penchants refoulés (ou pas). Il se moqua de l'eau glacée qu'il comptait bien réchauffer avec ses propres fluides corporels, vit la vie en rose et le départ du dragon avec un grand rire, et trouva toute cette aventure follement drôle et digne d'être fêtée. Restait tout de même en lui un désir de survie et une amitié pour Drilun à ses côtés. Lequel Drilun n'avait plus aucune volonté de survivre et se laissait couler sans bouger, trouvant les efforts du nain pour lui maintenir la tête hors de l'eau risibles et voués à l'échec. Au moins n'était-il plus sous l'influence du dragon, et pourrait-il mourir en ayant pleinement conscience de ce qui lui arrivait.

Les quatre amis n'étaient pas perdus, mais le fil qui les maintenait en vie restait ténu. Geralt avait encore sur lui un fameux don-de-vipère remis autrefois par Radagast. Il s'empressa de le prendre dans ses affaires et de l'avaler, en bougeant le moins possible pour ne pas se blesser davantage. Très rapidement, il le savait, la magie de cette petite glande allait stabiliser son état et il pourrait aider ses amis en faisant bien attention. Mais il devait attendre un peu, en espérant qu'ils tiendraient tous ou que d'autres secours arriveraient bientôt. Et il entendit effectivement quelque chose ou quelqu'un arriver. Mais c'était une paire d'ailes qu'il savait membraneuses et qui portaient un démon qui aimait particulièrement le faire souffrir, et qui se posa à côté de lui. Andalónil avait pu observer de loin ce qui s'était passé, assez loin pour ne pas être affecté par la magie de Tevildo. A présent que ses quatre anciens ennemis étaient à sa portée, vulnérables, il tenait à profiter un maximum de la situation. Le moral de Geralt chuta un peu plus, et il aurait hurlé sa rage devant ce nouveau revers de sa fortune si cela ne lui avait pas fait aussi mal ou si ça n'avait pas été aussi fatigant...

9 - De Charybde en Scylla
Dire qu'Andalónil jubilait de la présente situation aurait été un très doux euphémisme. Geralt entendit le démon se moquer de lui et il envisagea toutes les choses possibles. Au début il voulut prendre son épée et porter un coup à leur ennemi ailé, mais en fin de compte il y renonça : non pas car cela aurait déchiré son dos qui se serait mis à saigner fortement, ce qui arriverait immanquablement, il en était persuadé ; mais surtout car il savait qu'il n'avait aucune chance, dans sa position et son état, de faire sérieusement mal à Andalónil. Il le laissa donc profiter de sa situation en rongeant son frein, espérant que la magie du don-de-vipère finirait vite son œuvre et qu'il pourrait agir, ou que quelque chose arriverait pour l'aider. Mais avant cela le démon lui donna une grande claque amicale dans le dos, de l'amitié dont on se passerait bien : la douleur fusa, insupportable, et le dos gelé du maître-assassin se craquela et son sang et sa vie se mirent à couler abondamment hors de son corps...

Mais le démon ne l'acheva pas, il se contentait de le faire souffrir et il était probable qu'il était tenu par son maître, Eloeklo, de les garder tous en vie. Ce qui ne l'empêchait pas de leur faire frôler la limite entre la vie et la mort et de causer autant de souffrances et de désespoir qu'il en était capable, car c'était dans sa nature. Même si la haine qu'il éprouvait pour Geralt rendait l'idée de désobéir à son maître presque acceptable voire désirable... En fin de compte, il prit le corps du blessé par une jambe et le jeta en l'air à une certaine distance, dans la neige. Peut-être hésita-t-il à l'envoyer dans les eaux glacées aux alentours, mais il dut penser que le froid atténuerait trop la douleur éprouvée par le chef des assassins de Tharbad. Geralt atterrit douloureusement dans la neige tandis que le démon s'éloignait en direction d'Isilmë, tout en gardant un œil vers l'aventurier humilié et blessé.

Et bien lui en prit. Geralt avait toujours l'arc de Drilun à la main, et il prit une flèche qu'il encocha et tira vers le démon du froid. Ce dernier, malgré son esquive, ne put éviter le trait enchanté qui lui fit une estafilade et continua sa course plus loin. S'attendant à un sort de son ennemi, le balafré aux cheveux blancs se laissa ensuite tomber dans la neige. De toute manière son énergie le fuyait et il risquait de bientôt perdre conscience. Mais Andalónil se contenta de l'abreuver d'injures avant d'arriver à Isilmë. Il brisa sans mal la glace autour d'elle et souleva son corps en l'air, avant de l'envoyer au loin avec adresse, dans le corps du maître-assassin, pour de nouvelles douleurs supplémentaires. A charge pour l'elfe de le soigner à présent, comme le démon lui fit comprendre. Sa manière d'aider était vraiment très personnelle !

Il s'envola ensuite pendant qu'Isilmë faisait son possible pour soigner son ami que le don-de-vipère aidait tout de même à maintenir en vie. Andalónil ne partit pas tout de suite, il prit juste un peu de hauteur et passa plusieurs fois au-dessus de Mordin et Drilun qui continuaient à patauger dans l'eau glaciale où le dragon les avait mis. Affecté par le froid, le nain sentait son énergie le quitter et il ne pourrait bientôt plus tenir sa tête et celle de son ami hors de l'eau. En fin de compte, le corps trop engourdi, sa tête plongea et il retint sa respiration pour résister à la mort encore un peu... avant de se sentir arraché hors de l'eau. Le démon avait plongé sur les deux compagnons et les avait sortis de l'eau pour les laisser tomber un peu plus loin, dans la neige. Ils n'étaient pas encore tirés d'affaire, juste sauvés de la noyade, mais le froid pouvait encore les tuer. Néanmoins l'être ailé choisit de les quitter et de les laisser à leur sort, estimant qu'il en avait fait assez. D'autant que Vif et Taurgil étaient sur le point d'arriver.

10 - Soins et nouveau départ
Le rôdeur dúnadan et la féline Femme des Bois arrivèrent enfin, et avec Isilmë les soins redoublèrent d'intensité. Magie des soins, magie royale, baume orc, plantes diverses et variées... Les blessés virent leurs blessures stabilisées voire en partie guéries, les corps furent séchés et réchauffés, la folie du nain fut traitée, et le moral remonta un peu sous l'effet de l'odeur d'athelas, des soins reçus et de l'amélioration de l'état de santé et des perspectives à court terme. Drilun avait retrouvé le contrôle de son esprit, même s'il avait vendu une partie de son âme à Tevildo, qu'il sentait deux fois plus présent qu'auparavant dans un coin éloigné de son esprit. Mais au moins étaient-ils tous vivants, Isilmë comprise, et s'il se sentait bien dépressif il ne ressentait aucune pulsion suicidaire comme peu auparavant. Il avait encore goût à vivre, malgré les futurs combats qui s'annonçaient contre anciens comme nouveaux ennemis.

Et Canadras comptait désormais parmi ces derniers. En bon dragon qu'il était, les aventuriers ne se faisaient aucune illusion : il ne leur pardonnerait jamais de l'avoir volé, et chercherait par tous les moyens à leur faire connaître un sort peu enviable. Dans le meilleur des cas il les croquerait bien vite, dans le pire ils resteraient ses serviteurs et souffre-douleur, pour mourir éventuellement à très petit feu... Il avait été surpris par l'attaque magique de Tevildo, et son intensité exceptionnelle grâce au coup de pouce de l'archer-magicien, mais c'était plus de la chance qu'autre chose. Il n'était pas envisageable de compter sur un exploit similaire à l'avenir, et dans un combat rapproché, même hors de sa caverne, personne ne pariait sur une victoire du groupe : à défaut de pouvoir les affecter magiquement, le dragon était trop bien protégé contre leurs coups, ils ne pourraient jamais lui faire autre chose que des blessures mineures. Même si l'archer-magicien avait pu repérer le point faible du dragon au fond de sa gorge, et s'il avait heureusement gardé la mémoire de sa découverte, malgré le sort de Canadras...

Malgré tout cela, personne ne reprocha à Rob son initiative. D'abord car c'était fait - et joliment en plus ! - et que cela ne servait à rien d'avoir des regrets ; ensuite car le résultat avait été supérieur à leurs attentes : le marteau de Galgrin, à défaut d'être une arme redoutable, avait une utilité fantastique pour les aventuriers, comme Drilun le confirma après l'avoir étudié magiquement. Il protégeait très efficacement des éléments même magiques comme ceux des dragons et pareils à Durlach et Eloeklo, c'était exactement ce dont les aventuriers avaient besoin ! Par ailleurs, il était d'une grande aide pour la confection de magie runique sur des objets métalliques, permettant également de leur conférer automatiquement une protection contre les éléments, voire sur leur porteur... Et l'anneau trouvé par le hobbit était lui aussi un incroyable atout : équipé de cet objet puissant, Rob, à qui il fut laissé, serait bien plus difficile à percevoir physiquement et magiquement, et donc bien plus susceptible de voler des choses à la barbe de leur propriétaire. Comme les artefacts possédés par Eloeklo, par exemple... Et pour couronner le tout, l'archer-magicien découvrit que l'anneau protégeait également contre les éléments et les coups, même si c'était de manière plus limitée. Ce qui rendait le petit voleur moins fragile et encore plus autonome et utile. Enfin, indirectement, cette aventure déclenchée par Rob avait permis à Drilun de repérer le point faible du dragon, ce qui pouvait s'avérer fort utile par la suite. Et mettre la main sur une nouvelle larme de Yavanna était vraiment inespéré, autant qu'inattendu. Au bout du compte, même si cela leur avait coûté, le petit voleur était bien le héros du jour.

Tandis que des soins étaient faits, l'équipe fut bien vite rassemblée, avec le retour de Dwimfa et de Rob grâce à l'aide de la lionne enchantée. Remettre Geralt sur pied - et encore ne serait-il tiré d'affaire qu'après une journée de repos - prit du temps, bien assez pour débattre de leur prochaine destination. Ils ne pouvaient rester sur place, le dragon reviendrait tôt ou tard, il fallait fuir loin de lui. Une fois partis, la magie de l'anneau elfique pris à Gillowen et porté par Isilmë les masquerait aux pouvoirs divinatoires du dragon, il ne pourrait les rechercher que physiquement, ce qu'il ne manquerait pas de faire. La zone où ils se trouvaient, près de son repaire, connaissait un calme relatif, mais non loin le blizzard sévissait encore, même si son intensité avait fortement diminué. Une fois qu'ils seraient de retour dans le mauvais temps, le dragon ne pourrait plus faire grand-chose pour les retrouver, à moins de leur tomber dessus par hasard. Il fallait donc partir là où il n'irait pas fourrer son froid museau draconique, ou en tous cas assez loin pour que les chances de les repérer soient nulles.

Les discussions tournèrent autour de deux destinations principales : les nains de Vasaran Ahjo ("Forge du Marteau", en labba), demeure loin à l'est et un peu au sud ; et les elfes des neiges (Lossidil) dans leur cité de Helloth ("Fleur de Glace", en sindarin), au nord du nord, dans un endroit perpétuellement glacé, où rien ne poussait et où aucun animal n'allait... mais où un éclat de la lampe d'Illuin, dont la magie provenait des Valar, demeurait. Les montagnes où résidait Eloeklo ne furent pas oubliées, avec les artefacts des amis décédés de Dwimfa, mais elles ne furent pas jugées prioritaires. Les nains pourraient peut-être les aider à fabriquer des objets magiques utiles, mais certains se dirent qu'ils n'allaient peut-être (sûrement !) pas laisser le marteau de Galgrin, qui était le leur, aux aventuriers, même si ces derniers en avaient bien besoin. Notamment pour faire fabriquer des objets magiques par Drilun, et encore plus s'il avait accès à la magie de l'éclat d'Illuin, comme il avait déjà pu l'expérimenter dans les Monts Brumeux avec un autre éclat.

Au final les elfes des neiges et Helloth paraissaient la meilleure destination. Avec néanmoins deux problèmes à la clé : d'une part, Canadras était justement parti par là, vers le nord ; d'autre part, l'emplacement exact de la cité de glace était inconnu, juste lointain, dans un pays sans source de nourriture aucune. Les aventuriers y arriveraient-ils en quelques jours, une semaine, deux semaines ? En tout cas ils semblaient prêts à le tenter. Quant au dragon, Isilmë se montra véhémente et obnubilée par une idée fixe : il leur fallait partir rapidement vers l'est ou l'ouest afin de créer une fausse piste pour le dragon. Puis, quand ils seraient dans le blizzard, détourner leur trajet vers le nord afin qu'il ne puisse leur tomber dessus. Si globalement ses amis furent d'accord avec l'elfe aveugle, ils débattirent longtemps de l'orientation de la fausse piste ou du temps à la suivre avant de tourner plein nord. En fin de compte, poussés par le temps et l'arrivée prochaine et probable du dragon, ils prirent leurs affaires et se mirent en route, Vif tirant le traîneau avec Geralt et Rob tandis que les autres suivaient en raquettes ou skis, plus lentement.
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Niemal
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Grand Nord - 24e partie : chat et souris

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1 - A l'aveuglette
Suite aux nombreuses discussions, et pressés par la perspective de l'arrivée prochaine du dragon, les aventuriers filèrent vers l'ouest. Ou du moins essayèrent-ils d'aller dans cette direction. Dans la zone de calme météorologique relatif que le démon Andalónil avait établi autour de la caverne du dragon, il était possible de distinguer la falaise dans laquelle elle était creusée. Vers l'ouest, c'est-à-dire sur la mer glacée recouverte de neige sur laquelle ils avançaient, il n'y avait aucun point de repère. Et ce fut encore pire lorsqu'ils quittèrent la zone de calme : même si le blizzard avait un peu baissé en intensité, il était impossible à quiconque, même à la lionne enchantée, de percevoir au-delà de quelques maigres pas. Seule la direction du vent, qui venait du nord, permettait d'avoir une idée de la direction.

Vif, comme à son habitude, menait donc l'expédition sur les terres gelées et enneigées. Elle tirait le traîneau dans lequel étaient confortablement installés Drilun et Geralt, accompagnés de Rob. Le magicien dunéen, encore très affecté par les épreuves récentes, avait vite montré ses limites et avait donc rapidement rejoint ses amis immobiles. Les autres avaient chaussé leurs skis, jugés plus rapides que les raquettes. Mais le temps ne leur facilitait pas la tâche, si bien qu'Isilmë choisit de chanter pour aider les glisseurs. En effet, son chant chargé de magie elfique avait le pouvoir de stimuler les corps pour permettre d'aller plus vite et sans fatigue. Le groupe avait beaucoup débattu du fait d'utiliser ce pouvoir de l'elfe, craignant que Canadras, à son retour, ne puisse les retrouver grâce à ce chant. Peut-être pas tellement à cause du son, assez inaudible dans le blizzard, mais plutôt pour l'effet magique que le dragon, puissant magicien, pourrait peut-être percevoir. Isilmë avait diminué l'intensité de son chant pour mieux masquer sa magie, et avait estimé que cela, plus les conditions météorologiques défavorables, plus son anneau magique qui masquait toute magie alentour, serait suffisant pour empêcher le dragon de les retrouver. Tous ne partageaient pas son assurance, non sans raison.

Un autre aspect de leur expédition dut être rapidement pris en compte : le froid. Malgré la diminution de la vitesse du vent, la température restait très basse et les aventuriers n'étaient pas tous parfaitement protégés. C'était en particulier le cas de Vif, dont la seule fourrure, même avec l'ajout de l'habit de cuir très chaud confectionné par les elfes des Brumes Éternelles, n'arrivait pas à bloquer la sensation de froid qui s'insinuait en elle. Malgré sa force et sa résistance remarquables, elle allait attraper froid assez vite sans davantage de protection. Et d'autres, comme le hobbit, n'étaient pas loin de ressentir la même chose. Heureusement pour ce dernier, l'anneau magique trouvé dans le trésor du dragon protégeait efficacement des éléments et cela fut suffisant. Pour Vif, la parade fut trouvée grâce à deux équipements : d'une part, une ceinture autrefois portée par Gillowen, qui protégeait magiquement des éléments, bien que moins efficace que l'anneau de Rob ; d'autre part, des peaux d'ours qui furent assemblées du mieux possible autour de son corps pour une meilleure protection de sa forme féline. Sans être parfait, cela lui suffirait assez pour continuer des heures sans risquer plus que quelques frissons.

Après un moment, de toute manière, le vent continua à diminuer et devint moins régulier et en même temps moins froid, supprimant la trop grande exposition au froid de la lionne. Ce qui posa un autre problème : il était temps de changer de direction pour compliquer la tâche du dragon qui chercherait à les retrouver. Mais la visibilité était toujours nulle et il devenait plus difficile de se repérer grâce à la seule direction du vent, qui ne venait plus aussi clairement du nord et qui comportait davantage de rafales venant d'un peu partout. Confiants dans les capacités de leur féline amie, les aventuriers décidèrent tout de même de compter sur elle pour ne pas les faire tourner en rond dans le paysage monotone. Elle prit donc sur sa gauche pour diriger leur expédition vers le sud, pour autant qu'elle pût l'estimer du moins.

Car en fin de compte Taurgil et compagnie avaient choisi une autre destination que les elfes des neiges, au nord du nord, ou les nains loin à l'est et un peu au sud. Ils allaient essayer de trouver le reste de l'expédition funeste de Dwimfa et ses amis, avec leurs nombreux artefacts magiques dont ils comptaient bien se servir. C'était dans les montagnes au sud, domaine d'Eloeklo, mais d'après la carte remise par les elfes et les connaissances des uns et des autres, notamment Taurgil qui ne perdait jamais une occasion de discuter avec les autochtones de ce qu'ils savaient de leur pays, il était plus simple d'y aller par le sud puis de contourner les montagnes par l'ouest, plutôt que faire un très large détour par l'est et le sud sans beaucoup de terres pour les abriter. En tout cas il semblait qu'il serait plus facile d'éviter le dragon par cette voie-là.

2 - La fureur du dragon
Le groupe progressait depuis un certain temps déjà, et Vif commençait à s'inquiéter un peu de ne rien voir venir de nouveau. D'après ce qu'ils avaient escompté, en allant vers le sud ils finiraient tôt ou tard par rejoindre la terre ferme - très exactement une région escarpée portant le nom du dragon, Canadras - pour leur permettre de continuer leur périple sur un sol moins traître qu'une banquise où tout pouvait arriver, comme leur expérience récente leur avait montré. Peut-être n'allaient-ils pas exactement dans la bonne direction, peut-être n'étaient-ils plus loin, difficile de savoir. Les sorts de Drilun pourraient certainement les aider à trancher la question, mais ce serait aussi prendre le risque de signaler leur présence au dragon. D'autant que la magie du Dunéen était plus "brutale" et facile à repérer que celle de l'elfe.

Quoi qu'il en fût, cette question de savoir où ils étaient passa bientôt au second plan. En effet, les sens exacerbés de la féline Femme des Bois vêtue de cuir elfique, de peaux d'ours et d'une ceinture magique, lui apprirent que quelque chose de gros était en train de filer dans les airs, dans leur dos, dans leur direction. Et ce n'était plus très loin. Autrement dit, elle grogna un message d'alerte que ses compagnons comprirent assez vite, même sans traduction magique à la clé : il semblait bien que Canadras les avait retrouvés... Ce qui fut confirmé par Rob qui sentait une magie puissante et aérienne arriver dans leur direction. Même sans en connaître la raison exacte, quelques-uns des compagnons d'Isilmë maudirent l'elfe et ses bêtises et dirent qu'ils ne manqueraient pas de la bâillonner à l'occasion. En plus d'être aveugle, que n'était-elle pas muette en plus ? Ils lui dirent donc de la fermer - ce qu'elle fit - et s'interrogèrent sur la conduite à tenir dans le peu de temps qui leur restait.

Combattre le dragon une nouvelle fois, dans leur état, n'était pas une option. Ils choisirent donc la ruse, sachant que le temps empêchait tout de même Canadras de les percevoir à moins d'être très près d'eux. Après la fin du chant de l'elfe, ils firent rapidement dix ou vingt pas sur un côté, tandis que d'autres que Vif commençaient à percevoir l'arrivée prochaine du dragon grâce à son puissant battement d'ailes. Les quatre skieurs déchaussèrent et s'enfouirent au plus vite dans la neige molle et épaisse, tandis que la lionne enchantée s'approchait du traîneau où reposaient trois de ses compagnons, dont deux dormaient profondément grâce au coussin magique dont Geralt ne se séparait jamais et qui lui permettait d'avoir un sommeil plus récupérateur... Puis Vif utilisa ses quatre pattes comme une furie pour projeter de la neige sur le traîneau déjà passablement recouvert de poudreuse. Elle s'enfonça ensuite à ses côtés, et plus personne ne bougea. La neige masquait tout, vue et sons, et l'anneau magique porté par Isilmë masquait efficacement toute la magie qui émanait d'eux, ou du moins l'espéraient-ils. Et le dragon arriva.

Il passa autour d'eux manifestement sans les percevoir, car aucun coup de queue ou souffle glacé ne trahit son plaisir de les retrouver. En revanche, sa trajectoire changea, il fit des cercles autour du lieu où ils s'étaient tenus au moment où l'elfe avait arrêté son chant, et bientôt il hurla sa colère de ne pouvoir repérer sa proie. Plus d'une fois Rob sentit qu'il usait de magie, et même de magie divinatoire, mais l'anneau elfique d'Isilmë les protégeait de cette magie et cela ne lui servit à rien. Il n'arrivait pas à les percevoir, ils s'étaient en quelque sorte évanouis à son nez et à sa barbe, et dire que cela le rendait furieux était un très doux euphémisme. Il lui fallait quelque chose ou quelqu'un pour passer sa fureur, et il le trouva bientôt : un choc puissant fit trembler la banquise, qui commença à se fissurer dans toutes les directions, tandis qu'au point d'impact la glace était éclatée en mille morceaux, tous bien trop petits pour pouvoir supporter le poids de quiconque, hobbit compris.

Et Canadras ne s'en arrêta pas là : il fit voler sa queue de nombreuses fois, de manière à réduire en miettes toute la banquise sur un assez grand rayon. L'un de ses puissants coups de queue tomba à un pas d'un aventurier enfoui dans la neige, non loin du traîneau. Les aventuriers ne bougèrent pas, tandis que la glace rompait sous eux et qu'ils sombraient plus ou moins vite dans l'eau glacée, même s'ils restaient recouverts de neige. Arrivé dans l'eau, le traîneau se pencha sur un côté, précipitant son contenu à l'eau. La fureur du dragon avait fait sortir Geralt de son voluptueux sommeil, mais pas Drilun. Tandis que le maître-assassin empoignait fermement le marteau enchanté qui protégeait du froid, tout en retenant sa respiration comme le reste de ses amis, l'archer-magicien dunéen piquait une tête dans l'eau glacée et prenait sa première tasse, pour un réveil un peu froid et brutal...

3 - Sauvetage et remorquage
Tandis que le dragon continuait à passer sa fureur sur la glace aux alentours en espérant bien faire mouche, même au hasard, ou sérieusement compliquer le trajet au sec des aventuriers, ces derniers tâchaient de se faire le plus discret possible, avec les inconvénients que cela entraînait, à savoir le risque de mourir de noyade ou de froid. Drilun pouvait aussi les faire repérer facilement avec son réveil un peu spécial, mais Geralt arriva à lui plaquer une main sur la bouche tout en lui maintenant la tête hors de l'eau un moment pour lui permettre de respirer, ce qui n'était pas une mince affaire en nageant et en tenant un marteau de forgeron dans l'autre main, tout magique qu'il fût. Et l'eau s'insinua dans les vêtements et armures de chacun, mettant à mal leur isolation contre le froid, ce dont ils se rendirent bien vite compte...

Certains n'en étaient pas affectés : Dwimfa pouvait se baigner dans l'eau glacée comme dans un bain chaud, cadeau magique de Gillowen il y avait une éternité de cela. Geralt, de son côté, ne ressentait aucun froid tant qu'il tenait à la main le marteau de Galgrin, qui le protégeait parfaitement grâce à sa puissante magie. Taurgil possédait une dague magique qui faisait un peu pareil, même si elle n'était pas aussi efficace. Et pour les autres ? Après avoir recouvré ses esprits, Drilun put empoigner le fameux marteau également. Vif, de son côté, avait son armure naturelle et une ceinture magique, si bien qu'elle pouvait tenir assez longtemps grâce à sa très robuste constitution. Rob était en partie protégé par un anneau magique, mais de tous il était le moins robuste et le froid allait vite lui donner des engelures et pire. Isilmë était naturellement résistante au froid mais cela ne serait pas suffisant bien longtemps pour empêcher son corps de geler, toute elfe qu'elle fût. Et Mordin, s'il était très résistant comme le nain costaud qu'il était, voyait quelque chose de plus dangereux que le froid : ses talents de nageur lui permettaient à peine de surnager, et l'engourdissement dû au froid n'allait rien arranger !

Après un moment bien trop long où les déprédations du dragon s'éloignèrent, les aventuriers commencèrent à remuer et à essayer de se sauver les uns les autres. Le traîneau fut utilisé comme radeau sur lequel se juchèrent plusieurs d'entre eux, tous tenant le marteau enchanté qui protégeait du froid. Il fallut aider certains comme le hobbit, ou encore le nain, dernier arrivé, qui croyait bien sa dernière heure arrivée, n'arrivant plus à bouger assez bras et jambes pour tenir sa tête hors de l'eau. Mais heureusement Taurgil était là pour le tirer en partie hors de l'élément liquide et lui permettre de respirer, et l'amener au traîneau où les autres l'attendaient...

Tandis qu'elle était sous l'eau, Vif avait pu faire une découverte plutôt rassurante : le fond était assez proche de la surface. Même si ce n'était pas suffisant pour marcher au fond de l'eau, cela voulait dire que la côté n'était pas très loin. En fait, elle put déterminer la distance approximative - au plus deux ou trois portées de flèche - et la direction à prendre. Il ne restait plus qu'à remorquer tout ce beau monde, tandis que Dwimfa et Taurgil essayaient de l'aider en poussant le traîneau et ses naufragés à la nage. Ils virent vite que leurs efforts étaient inutiles face à l'efficacité de la nage de la lionne, et bientôt ils se laissèrent traîner comme tous les autres. Le dragon avait brisé toute la banquise jusqu'à terre, il fallut donc à la lionne faire tout le trajet à la nage. Heureusement ce ne fut pas long, d'autant qu'elle sentait tout de même le froid et qu'elle était motivée pour se réchauffer !

Mais une fois arrivés à terre, ils virent que le terrain était encore bien trop accidenté pour pouvoir y faire évoluer le traîneau. Ils poursuivirent donc vers le sud par la mer gelée, jusqu'au moment où la glace n'était plus brisée et put de nouveau supporter leur poids. Le traîneau fut remonté sur la banquise, et les aventuriers sentirent que le vent rendait le froid plus mordant au-dessus de l'eau qu'en dedans. Vif était assez robuste pour tenir le choc malgré cela, même si elle allait vite accuser le coup, et donc elle tira le traîneau encore un moment, tandis que l'eau infiltrée dans et sur les vêtements et possessions se changeait en glace. Enfin, ils décidèrent d'arrêter et de faire un abri, qu'ils espéraient assez loin du dragon, pour se reposer et se sécher tous. Dans une échancrure de la falaise proche ils établirent en un temps record un abri assez grand pour eux tous et assez confortable pour se mettre nus et être protégés du vent et du froid. Un endroit où ils pourraient enlever la glace qui recouvrait toutes leurs possessions et leur permettre de tout sécher. Mais avec quel feu ? Il était hors de question d'utiliser de la magie, et ils n'avaient pas de combustible...

4 - Un dragon bien zélé
Tandis que Vif partit chasser, le groupe fit le bilan des dégâts causés par l'eau, tout en brossant autant que faire se pouvait leurs vêtements pour en retirer la glace qui s'y était formée. L'eau, en imbibant leurs vivres et en gelant, avait causé la perte d'environ la moitié. Et s'ils n'avaient pas eu autant d'objets magiques capables de les protéger du froid, et en particulier le marteau de Galgrin, il n'y a pas que la nourriture qui aurait été perdue. Mais à présent, malgré leur abri, ils ne pouvaient se passer desdits objets tant que leurs possessions n'auraient pas été normalement réchauffées et ensuite séchées. Heureusement, la lionne enchantée finit par revenir avec plus lourd qu'elle : non sans mal, elle avait réussi à trouver un jeune morse isolé qu'elle avait pu abattre puis traîner jusqu'à ses amis... alors qu'il devait bien faire entre trois et quatre fois son poids, dont un tiers de graisse !

Cette graisse abondante permit de faire un feu constant capable de sécher les aventuriers et leurs possessions imbibées de glace. Ce qui prit tout de même la bagatelle d'un cycle complet de veille et de sommeil (long), avant que tous soient prêts. Après quoi ils reprirent leur route vers le sud, tandis que le temps s'éclaircissait. Au début ils restèrent sur la mer gelée, mais rapidement les terres qu'ils longeaient devinrent plus accessibles et praticables, moins escarpées, et ils y transférèrent leur traîneau. En effet, même si leur progression était un peu plus lente, avec Vif qui tirait leurs affaires et certains d'entre eux, et les autres qui suivaient à ski, plus lentement, cela leur paraissait plus sûr : le risque de se voir à nouveau attaqués par un dragon sur une glace facile à casser pour lui refroidissait leur ardeur d'aller plus vite...

Et bien leur en prit, car au cours de leur voyage, ils repérèrent Canadras qui arrivait du nord, peu ou prou dans leur direction. Or, même s'il ne les avait pas encore repérés, il risquait fort de trouver leurs traces, assez clairement visibles pour quelqu'un avec son acuité visuelle. Et le secteur où ils se trouvaient manquait d'abris capable de les cacher à sa vue voire à ses attaques physiques ou autres... Néanmoins, la féline Femme des Bois avait pu repérer des espèces de crevasses dans le sol, en grande partie remplies de neige. L'une d'elles était proche, profonde de quelques pas avant d'arriver à une couche de poudreuse qu'ils espéraient tous épaisse. Tandis que Taurgil effaçait leurs traces proches dans la neige, histoire de ne pas rendre leur cachette trop facile à percevoir, Vif embarqua le traîneau avec quelques-uns de ses amis (et elle-même) directement dans le trou, bientôt suivis par les autres à ski, le rôdeur dúnadan en dernier. Le traîneau et ses occupants s'enfoncèrent facilement dans la neige épaisse, et tous purent rapidement se recouvrir de neige et passer inaperçus sans trop laisser de traces, d'autant qu'ils étaient dans un creux du terrain et donc difficiles à repérer hormis en se tenant juste au-dessus d'eux.

Et le dragon, s'il vit effectivement les traces de leur passage avant que Taurgil ne s'en occupât, ne put repérer les aventuriers qui s'étaient une nouvelle fois volatilisés alors qu'il espérait peut-être prendre sa revanche. Il fit donc voler la neige alentour de dépit, sans rien trouver de spécial et en particulier pas de bipèdes (voire un quadrupède) cachés. Après avoir un peu donné libre cours à sa colère, il finit par s'éloigner et ne plus se faire entendre, au grand soulagement de Drilun et compagnie qui purent arrêter de retenir (inconsciemment ou non) leur respiration... Resta alors l'épineuse question de pouvoir remonter du trou dans lequel tous avaient joyeusement (ou non) plongé, ce qui ne s'avéra pas être une si facile affaire que ça.

En effet, les aventuriers se rendirent assez vite compte que la neige dans laquelle ils reposaient était assez lâche, et avait un comportement assez similaire à des sables mouvants : bouger avait tendance à faire s'enfoncer davantage le corps, voire les choses proches, comme Rob en fit bientôt l'amère expérience. Il plongea un peu plus profondément dans la poudreuse en essayant d'avancer, et éprouva bientôt un peu de mal à respirer. Pire encore, Isilmë, en tentant de lui porter secours à l'aveuglette, s'enfonça elle aussi et connut un sort similaire. S'ils avaient continué à bouger, peut-être seraient-ils tombés plus profondément dans quelque poche d'air cachée, mais plus probablement ils auraient péri étouffés dans la neige...

Heureusement, Vif avait réussi à s'extraire de ce piège poudreux et avait pu remonter - non sans mal - en haut de la crevasse avec une corde sur elle. Elle put remorquer ses compagnons les uns après les autres, tandis que Taurgil allait à la rescousse des deux amateurs d'apnée dans la poudreuse. Le traîneau fut sorti à son tour, toujours intact, et après cette épreuve, un abri fut installé un peu plus loin pour s'y reposer et éviter de trop se montrer. En effet, rien ne prouvait que le dragon ne fût pas à l'affût à faible distance, même si une recherche de la lionne enchantée et du maître-assassin ne donna rien. Et ainsi un peu de repos fut-il pris.

5 - Bis repetita
Le temps était de plus en plus clair, ce qui était une bonne et une mauvaise chose. Il était bien sûr plus facile d'avancer dans de telles conditions, mais en revanche, les aventuriers étaient plus facilement identifiables à distance, notamment par un dragon revanchard. Avant de poursuivre leur périple vers le sud, le groupe sonda soigneusement l'horizon. Et notamment, une montagne plus élevée que les autres, et assez proche, retint leur attention, et en particulier celle de la lionne, qui y trouva bien des choses remarquables qu'elle n'arrivait pas à distinguer précisément à l'œil nu. En revanche, à l'aide de la longue-vue, des informations supplémentaires purent être obtenues. Ainsi, les parois verticales de la montagne semblaient en partie recouvertes de quelque chose d'indéfinissable à sa surface, quelque chose qui accrochait les lumières du ciel. Taurgil et ses amis subodorèrent qu'il s'agissait là d'Orod Certhas, la "Montagne des Runes", sur laquelle les elfes de Brumes Éternelles inscrivaient quantité de runes magiques, faisant de la montagne le probable plus grand catalogue magique de la Terre du Milieu...

Ce qui faisait de cet endroit une visite favorite de Canadras, que les yeux exercés de la lionne enchantée, aidés par la longue-vue tenue de la main experte (et habituée) de Geralt, pensa distinguer : au sommet de la montagne, une grande forme ailée, de couleur semblable à celle du dragon qu'ils avaient combattu, semblait attentive à ce qu'il se passait dans leur direction. Canadras était certainement plus têtu que le nain, et disposait de sens encore plus développés que ceux de la féline Femme des Bois. Personne ne doutait donc qu'il fût en mesure de les repérer à cette distance, tant que le temps restait clément, sans brume, neige ou autre couverture nuageuse.

Du coup, la poursuite de la route vers le sud paraissait plutôt compromise, car cela voulait dire une confrontation à peu près certaine avec le dragon. Et si certains aventuriers parlaient ouvertement de cette éventualité, la majorité d'entre eux ne voulaient pas même envisager un tel affrontement sans quelque chose de nouveau capable de leur donner un avantage. Il fut donc choisi de partir vers l'ouest, loin de Canadras, et discrètement. Ce qui signifiait avancer plus lentement, en tirant parti de l'irrégularité du terrain pour les masquer aux yeux du dragon. Ce jeu de chat et souris les ralentit vraiment beaucoup, sans pour autant être une garantie infaillible. Et le dragon finit en effet par s'envoler dans leur direction, comme s'il les avait repérés ou qu'il voulait vérifier quelque chose qui avait pu les trahir...

Le scénario était bien rôdé, et le dragon avait été aperçu plus loin que la fois précédente, ce qui laissait du temps pour trouver un abri satisfaisant. Malheureusement, là où ils se trouvaient, rien ne correspondait franchement à leurs désirs. Tandis que Taurgil effaçait leurs traces, Vif finit par trouver une crevasse similaire à la précédente, sauf qu'elle était plus grande et plus profonde, avec une chute d'une hauteur double. Canadras n'allant certainement pas faire une pause en route pour leur laisser le soin de trouver une meilleure cachette, la lionne enchantée lança le traîneau - et elle-même - dans le précipice, tandis que les aventuriers à skis plongeaient par eux-mêmes d'une hauteur d'une dizaine de pas, le grand Dúnadan une nouvelle fois le dernier.

Cette fois-ci, le traîneau accusa le choc et fit entendre plusieurs craquements bien nets, heureusement étouffés par la neige et de toute manière peu audibles depuis le trou d'où ils étaient émis. Tous finirent sans mal dans l'épaisse poudreuse : les occupants du traîneau, bien qu'un peu secoués, avaient vu leur chute amortie - en plus de la neige - par les autres possessions dont le traîneau était empli. Les autres avaient tous des compétences acrobatiques largement suffisantes pour tomber de la bonne manière. Et donc le dragon en fut-il encore pour ses frais : il ne repéra pas plus que la fois précédente l'emplacement où ses proies étaient terrées, ou plutôt enneigées. Après avoir passé sa frustration sur les alentours, il finit par repartir en direction de la Montagne des Runes.

6 - Troc magique
Sortir de la crevasse ne fut pas une mince affaire : d'une part la hauteur était plus grande que la fois précédente, mais également la neige semblait plus instable, comme s'il ne fallait pas grand-chose pour provoquer un effondrement de la neige encore un peu plus bas, ce qui aurait sans doute été synonyme d'étouffement pour une majorité d'aventuriers. Mais les capacités de Vif et de ses amis et l'équipement magique des uns et des autres permirent de se tirer du mauvais pas, au prix de quelques petites sueurs. Leur équipement fut également intégralement récupéré, sauf le traîneau qui n'était ni récupérable ni réparable. Au grand dam de certains, ils redevenaient tous des piétons à présent, et leur allure allait certainement s'en ressentir.

N'empêche que le voyage n'était pas exactement la priorité du moment : d'une part certains avaient encore besoin de repos, en particulier Geralt, dont le dos était loin d'être guéri. Le don-de-vipère avait permis une guérison partielle de sa blessure mortelle, mais il était encore loin d'être tiré d'affaire, d'autant qu'il n'avait plus maintenant de moyen de transport. Par ailleurs, une recherche des cieux montra qu'en fait le dragon n'était pas du tout retourné sur son perchoir en haut de la montagne magique, mais qu'il était non loin, assez haut dans les airs, observant avec attention ce qui se passait plus bas... Voyager dans ces conditions était la garantie de le voir arriver bien vite et d'avoir une confrontation probablement musclée avec la créature vieille et expérimentée... et plus puissante qu'eux.

Le groupe décida alors de trouver refuge dans un abri durable. Au pied d'un relief fracturé verticalement, ils installèrent un refuge bien protégé du vent et autres éléments, assez grand pour eux tous, voire même confortable, et même relativement difficile d'accès pour des créatures de grande taille. Entièrement recouvert de neige durcie, il était difficile à repérer également, sauf de près. Et ainsi le maître-assassin put-il finir de guérir grâce aux soins physiques apportés par les soigneurs du groupe et surtout grâce à un bon repos. Néanmoins le ciel restait toujours très clair et le dragon n'était jamais assez loin pour la sécurité et surtout pour les déplacements du groupe. Une nouvelle fois, les aventuriers avaient besoin d'aide, et Taurgil n'hésita pas à invoquer la source d'aide qui lui sembla la plus appropriée : il sortit dans le vent et appela Eloeklo à plusieurs reprises...

Après un moment assez long, le temps se mit à changer, et une espèce de brume glacée commença à tout recouvrir là où ils se trouvaient. Ils n'eurent guère besoin des sens magiques de Rob pour deviner qu'Andalónil en était la cause, et ils s'apprêtèrent à entendre le démon, ce qui ne manqua pas d'arriver. Il n'était pas visible, néanmoins, et sans doute avait-il fait la brume juste pour couvrir sa propre descente et la conversation qui allait s'ensuivre avec le groupe. Cela risquait de mettre la puce à l'oreille du dragon, même si le démon n'était pas celui qu'il recherchait, et cela donnait du pouvoir à Andalónil qui aurait pu nuire aux aventuriers en levant la brume et en indiquant directement ou non à Canadras où étaient ses proies. Mais bien entendu il avait d'autres objectifs que juste nuire au groupe, sans quoi il l'aurait déjà fait depuis un moment.

Et donc il répondit à Taurgil - non sans avoir au préalable émis quelques propos désobligeants sur les membres du groupe et leur incapacité à gérer leurs propres problèmes - que son aide ne serait certainement pas gratuite. Drilun et consorts avaient notamment privé Gillowen, ou plutôt le corps qu'elle occupait auparavant, d'une partie de son matériel. Corps qui servait à présent, de temps en temps, de véhicule pour l'esprit d'Eloeklo. Andalónil réclamait qu'au moins une des deux ceintures qu'elle portait lui soit remise avant que les aventuriers ne puissent bénéficier de son aide. Lorsqu'elle avait été dépouillée, l'ancienne amie de Dwimfa portait en effet une ceinture permettant de rendre invisible de manière ponctuelle, non durable, et une autre permettant de résister magiquement aux éléments, bien que de manière relativement faible, et qui avait servi à Vif dernièrement.

Après discussion, le groupe décida de remettre au démon la ceinture d'invisibilité. De toute manière elle ne leur servait guère, car leurs adversaires étaient trop perceptifs pour que cela soit un réel avantage. Au contraire même, une créature comme Canadras pouvait mieux percevoir quelqu'un avec une telle magie active que si la personne se contentait d'être immobile dans la neige. Ils caressèrent l'idée également de rendre la ceinture mais dépourvue de toute magie : l'anneau elfique pris à Gillowen permettait en effet de supprimer la magie de la plupart des objets, et Andalónil n'avait jamais demandé à ce que la ceinture restât magique. Ils n'avaient de toute manière rien à gagner à exciter la fureur du démon, donc ils abandonnèrent l'idée, malgré le malicieux désir qu'ils en aient de lui jouer un bon tour. En fin de compte ils se préparèrent à partir et remirent l'objet au démon, ou plutôt ils lui jetèrent. La brume se transforma alors en petit blizzard, ce qui n'aidait peut-être pas à leur progression mais garantissait au moins qu'ils en avaient fini avec le dragon !
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Niemal
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Grand Nord - 25e partie : sur et sous la montagne

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1 - Cul-de-sac
Le groupe se mit alors en route dans le blizzard, qui, s'il les protégeait des perceptions du dragon, ne les aidait pas vraiment à déterminer la route à prendre. Ils souhaitaient longer la côte de manière à contourner les montagnes par l'ouest et le sud, et arriver ainsi de l'autre côté des Ered Muil, les "Montagnes de la Désolation", plus près du site probable de l'écrasement du bateau volant de Dwimfa et ses amis. La zone à fouiller était encore extrêmement vaste, mais pour l'instant ils ne se voyaient pas faire des recherches magiques tant que Canadras était dans les parages pour leur chercher des poux dans la tête... Et ils ne comptaient pas traverser les montagnes en passant par les sommets : ces montagnes étaient les plus inhospitalières du Grand Nord, dépourvues de vie hormis quelques mousses et lichens. Aucun animal n'y résidait, seuls des orcs et trolls les avaient élues comme résidence, et ils ne pouvaient survivre qu'en allant pêcher sur les côtes ou en faisant des raids sur les peuplades autochtones à proximité... et en pratiquant le cannibalisme. Même les dragons ne voyaient aucun intérêt à y séjourner voire à y passer.

Taurgil et Vif, les plus doués pour se débrouiller en milieu naturel, déterminèrent la direction à prendre grâce au sens du vent, qui était censé venir du nord, d'après des échanges avec Andalónil. Ils emmenèrent donc le groupe en direction du sud-ouest, même si certains aventuriers émettaient des doutes sur la capacité du démon à respecter sa parole concernant le sens du vent, si cela pouvait nuire au groupe. Le terrain était escarpé, très enneigé, avec beaucoup de vent, ce qui ne facilitait pas la tâche des marcheurs, tous ou presque ayant chaussé leurs raquettes. Rob, plus petit que les autres, était particulièrement gêné par la neige. Pourtant il arrivait à progresser à la même vitesse que les autres, vu sa grande habileté et son aisance en nature. Il était même plus rapide que Geralt, dont les compétences en espace naturel, si elles avaient bien progressé, n'étaient pas au même niveau que celui de ses amis (nain compris), et dont le moral était désespérément bas. Ce qui n'aidait nullement à sa progression et était la cause de la chute encore plus rapide dudit moral. Au bout d'un certain temps, il fallut le mettre sur le dos de Vif, qui grogna un peu pour la forme.

Les aventuriers avaient donc du mal à progresser et ils le faisaient très lentement. Certains s'étonnèrent que Dwimfa ne soit pas plus rapide que les autres, lui qui vivait dans le Grand Nord depuis quelques années déjà. Ce à quoi il leur fut répondu que par un temps pareil, les Lossoth un tant soit peu sains d'esprit ne sortaient pas de chez eux et attendaient tranquillement que le mauvais temps soit passé ; les autres mouraient, en général, ce qui garantissait qu'il ne restait que des gens sains d'esprit chez les Hommes des Neiges. Et puis, après un temps assez grand pour faire naître l'appétit dans l'estomac de Rob, ils se retrouvèrent plus ou moins dans un cul-de-sac : ils pensaient progresser un peu vers la côte et en fin de compte il semblait qu'ils avaient un peu trop avancé dans les montagnes et avaient remonté une vallée dont ils atteignaient un seuil. Ils n'avaient plus d'autre choix que de grimper sur des rochers couverts de neige, ou rebrousser chemin vers la droite et la probable côte qu'ils recherchaient. Certains se demandèrent aussi si Andalónil n'avait pas un peu fait tourner le vent de manière à les aider à se perdre...

Ils choisirent donc de rebrousser (en partie) chemin, en maugréant après la perte de temps, le froid, le démon, la neige, le dragon... Bon, Geralt était celui qui maugréait le plus, mais les autres n'en pensaient pas moins. Même Mordin était un peu abattu : si sa force de volonté était inégalée au sein du groupe, il avait néanmoins dû faire beaucoup d'efforts et prendre sur lui ces derniers jours, et il manquait d'un vrai repos. Et il n'était pas le seul, même si pour certains les ennuis ne leur apportaient qu'un sentiment de routine. Bref, le groupe progressa en grande partie dans l'autre sens pendant un temps certain, tandis que les membres se fatiguaient et que l'appétit grandissait dans le ventre du hobbit. Ils étaient partis depuis peut-être l'équivalent d'une bonne demi-journée, et plusieurs ne se voyaient pas continuer une autre demi-journée comme cela.

C'est alors que l'ouïe extrêmement fine de la lionne enchantée lui fit percevoir des sons nouveaux au creux de son oreille. Comme des coups de métal contre de la roche ou un autre métal, comme s'il y avait des mines ou des forges dans les environs. En se concentrant sur ses perceptions, elle put déterminer que ces sons qu'elle était la seule à percevoir provenaient d'un peu plus haut sur la paroi rocheuse. Après avoir fait comprendre à Geralt qu'il lui fallait descendre de son dos, elle partit escalader la paroi à l'aide de ses griffes et de ses pattes puissantes, en emportant une corde avec elle. Un peu plus tard, assez long pour certains mais trop court pour d'autres comme Geralt, qui n'avait pas eu assez de temps pour se reposer, ses amis la virent revenir devant eux. Elle leur raconta qu'elle avait découvert l'entrée probable d'une caverne pleine d'orcs des neiges. L'entrée était bloquée par un gros rocher intérieur, et un sentier permettait d'y accéder sans avoir à faire de l'escalade, même s'il était étroit et rendu difficile d'accès par la neige apportée par le blizzard. Et l'ouverture était trop haute pour y accéder en grimpant à la corde emportée par la lionne. Néanmoins, la perspective de quitter le blizzard et de se retrouver à l'abri du dragon Canadras fut jugée très intéressante par l'ensemble du groupe...

2 - Entrée sans invitation
Vu le blizzard extérieur et la neige accumulée sur le sentier, la grimpette proposée par la lionne s'avéra plus que difficile. Certains y arrivèrent par leurs propres moyens, comme par exemple Taurgil, dont les compétences en extérieur et le contact avec la larme de Yavanna lui donnaient une grande aisance sur la neige. Cela lui prit tout de même autour d'un quart d'heure pour arriver en haut. Rob, pour sa part, mit deux fois plus de temps, tandis que Mordin accomplissait le trajet en trois fois plus de temps que le Dúnadan. Et les autres ? Même en allant plus lentement, les chances restaient grandes de glisser et de faire une mauvaise chute, ce qu'ils ne tenaient pas trop à faire, malgré l'épaisseur de neige pour amortir une telle glissade si elle se produisait ! Bref, la féline Femme des Bois servit de taxi aux quatre aventuriers restants...

En haut, ils se blottirent contre la paroi et l'entrée de la caverne, entrée bloquée par un gros rocher rond qui devait pouvoir être roulé sur le côté. Vif, lorsqu'elle était partie en reconnaissance, avait pris le temps d'écouter à la "porte", et avait déterminé qu'il devait y avoir une équipe d'une demi-douzaine de gardes orcs un peu plus loin, mais ils n'étaient pas très attentifs, consacrant leur temps à jouer et se battre. Il restait assez d'espace pour que Rob puisse se glisser au-dessus de la pierre et pénètre dans la petite antichambre qu'il y avait derrière. A tâtons, il découvrit que des cales avaient été placées au pied du rocher, cales qu'il enleva, et que des leviers étaient présents pour faciliter le roulage du rocher, avec l'aide des mêmes cales. Quant aux gardes, ils étaient effectivement un peu plus loin dans le tunnel, masqués par un coude, et ne seraient probablement pas un souci.

Il ressortit faire part de ses trouvailles à ses amis, qui décidèrent de déplacer le rocher discrètement. Rob repassa de l'autre côté, bientôt suivi par Dwimfa et Geralt, tous deux très souples et agiles, et Vif : lorsqu'un félin peut passer sa tête, le reste du corps peut suivre, vu leur grande souplesse. Ensuite, tandis que le hobbit surveillait, les deux hommes utilisèrent les leviers tandis que la lionne les aidait en poussant. L'Homme des Bois, extrêmement adroit, maîtrisa parfaitement le déplacement du rocher qui ne fit aucun bruit et laissa bientôt passer tout le reste de l'équipe. Puis le rocher fut remis en place en partie, de manière à limiter l'entrée du blizzard mais en autorisant une sortie rapide même pour un grand gabarit comme celui du rôdeur dúnadan.

Les conversations des orcs purent être davantage espionnées. Vif savait très bien parler la langue de Dol Guldur, qui était la base de nombreux parlers orcs. Mais les orcs des neiges avaient un vocabulaire et un accent vraiment spéciaux, empruntant entre autres au labba, la langue des Hommes des Neiges, qu'elle ne maîtrisait pas parfaitement. Elle avait pu apprendre des choses et notamment entendre une discussion entre deux orcs importants à propos d'un grand chef nommé Agog. Taurgil, lui, maîtrisait bien mieux le labba et le noirparler également, si bien qu'il arrivait très bien à comprendre ce qui se disait plus loin, mais il n'avait pas l'ouïe aussi fine. Ce qui fut tout de même suffisant pour apprendre bien des choses. Entre autres choses, il semblait que depuis peu, les tribus d'orcs au sein des Montagnes de la Désolation étaient unies par un chef charismatique et puissant, nommé Agog, et que récemment il avait ordonné aux tribus d'arrêter d'envoyer l'habituel tribut qu'elles donnaient au dragon Canadras. Lequel dragon n'avait pas réagi... pas encore.

Le tunnel se poursuivait plus loin jusqu'à un coude où se tenaient les gardes, loin de l'antichambre où il faisait plus froid. Au-delà, il semblait qu'il y avait non loin une grande caverne où "socialisaient" de nombreux orcs, dont probablement des membres importants de la tribu, plus intelligents ; et d'autres cavernes d'où émanaient des bruits de mine ou même de forge, et que la lionne enchantée avait réussi à percevoir depuis l'extérieur. Egalement, plusieurs personnes sentirent diverses odeurs traîner dans le tunnel. Malgré le froid, il était possible, en plus de la puanteur des orcs, de sentir que des huiles étaient brûlées. Rob, dont le nez était assez fin, arrivait bien à percevoir qu'il n'y avait pas de feu de bois plus loin. Et d'ailleurs les lumières étaient lointaines et faibles, les orcs ne devaient pas avoir de torches ou grands feux allumés. Vif arrivait même à déterminer que les huiles brûlées provenaient de phoques, de morses ou de baleines.

Le groupe, après avoir improvisé la suite à donner à leur entrée par effraction, commença à approcher discrètement des gardes qui ne se doutaient de rien. Ils étaient six, trop occupés à leurs jeux pour repérer les silhouettes de Vif et de Geralt qui arrivaient juste derrière eux. Quatre d'entre eux périrent en un bref instant, un cinquième grâce à une flèche de Rob, plus rapide que Drilun, et le dernier par un nouveau coup d'épée du maître-assassin. Plus loin, le tunnel se divisait en deux, avec d'un côté une manifestement grande caverne occupée par de nombreux orcs, de l'autre par davantage de tunnels menant à un labyrinthe de mines, de cavernes voire de forges loin en bas. Là où ils étaient, les aventuriers ne risquaient pas trop d'être dérangés, et ils s'installèrent pour se déguiser pendant un petit moment.

3 - Prise de pouvoir
Ce n'était pas la première fois que les aventuriers allaient se faire passer pour des orcs pour prendre le pouvoir et faire accomplir aux orcs leurs quatre volontés. Ils savaient comment fonctionnaient les créatures : les forts - en gueule et en armes - écrasaient les autres, qui obéissaient, fuyaient ou mouraient. Et s'ils faisaient tomber le ou les chefs, ils devenaient chef à la place, jusqu'à ce qu'un sort similaire leur arrive... ou que la tribu disparaisse avant eux ! Ils ne manquaient pas de forts en gueule et de personnages assez doués pour faire peur même à des trolls, alors que les orcs des neiges semblaient vraiment minables, tant côté physique que côté équipement. En majorité ils utilisaient des outils de pierre ou d'ivoire, le bois était très rare, et le peu de métal qu'ils avaient semblait être conservé pour des outils, des pièges ou des éléments de construction. Le métal se prêtait assez mal aux armes dans un climat glacial qui le fragilisait beaucoup...

Après un bon moment, le hobbit était transformé en un snaga ("esclave") convaincant, mais les autres étaient un peu trop grands pour faire couleur locale, même s'ils faisaient plus orc qu'humain. Taurgil fut élu "chef à la place du chef", chargé de bientôt diriger les orcs pouilleux qui composaient la tribu. D'après leur espionnage, il s'agissait en fait d'une tribu importante de plusieurs milliers d'orcs, avec des mines et même des forges. Vif serait tenue en laisse par ledit chef, tandis que Geralt et Mordin, effrayants à souhait, seraient les exécuteurs des basses œuvres du chef, chargés de faire exécuter ses décisions ou d'exécuter ceux qui se mettraient en travers ou qui seraient trop lents ou trop bêtes. Dwimfa ferait le sinistre individu vêtu et équipé de noir (Morang comprise), Isilmë une espèce de prisonnière non moins mystérieuse, avec le hobbit pour la faire avancer et subvenir aux besoins des autres. Drilun, un peu derrière tout cela, saurait aussi être menaçant voire mortel au besoin.

Les pas du groupe les menèrent rapidement vers la grande salle commune, où leur entrée fit sensation. Le volume sonore diminua quelque peu, tandis que les orcs se demandaient où placer les nouveaux venus dans leur échelle de valeur sociale et où eux-mêmes ils comptaient se placer - physiquement et socialement - par rapport aux chances de gains et de pertes perçus ou imaginés. La plupart s'écartèrent bien vite du chemin du groupe, qui se dirigeait vers une extrémité de la salle où le probable chef des orcs siégeait, entouré par un probable général et d'autres officiers. Vif repéra dans la foule un orc tenté de lui lancer une pierre à la tête en réponse à un défi d'un autre orc, mais la pierre n'eut pas le temps de quitter sa main que l'orc en question était mort, de même que son ami. Elle revint bientôt aux pieds du Dúnadan maquillé tout en mâchouillant une jambe arrachée à son propriétaire, avant de la recracher plus loin. Le goût de ces orcs était au moins aussi infect que ceux du sud, voire plus. Curieusement, les orcs tentés de faire de telles blagues sur les nouveaux venus retrouvèrent vite un semblant de raison et s'abstinrent...

Parvenu devant le chef qui tentait de faire bonne figure (les officiers n'étaient pas aussi doués), Taurgil annonça vite la couleur : d'une voix puissante, il déclara - comme il avait été décidé entre aventuriers - qu'ils étaient des envoyés de Canadras, et que le dragon n'appréciait pas du tout le retard du tribut qui lui était dû. Le chef tenta alors de jouer au plus malin en prétextant qu'il avait été bien envoyé, mais il se rendit vite compte que sa réponse avait été mauvaise. A peine eut-il le temps de sortir son arme que la main qui la tenait était sectionnée par la lame de Geralt, et il s'évanouit. De dépit, son corps encore vivant fut jeté en pâtures aux autres orcs avec ordre de se régaler, ce qu'ils ne manquèrent pas de faire. L'ex-chef se réveilla juste à temps pour sentir ses anciens subordonnés commencer à le croquer avec appétit, et ses cris ne durèrent pas très longtemps...

Très vite, celui qui semblait être le général orc approuva l'action des nouveaux venus, injuria les restes de l'ancien chef et se posa comme le digne et efficace serviteur de Taurgil et de sa suite - et prit l'arme de l'ex-chef au passage. Puis il donna des ordres aux autres officiers pour répondre aux moindres besoins du nouveau chef. Cette conduite obséquieuse, si elle n'était pas très surprenante, n'empêcha pas les aventuriers de ressentir un très fort désir de meurtre à l'égard du "général", qui se révéla être un bon guerrier et meneur d'orcs mais un très mauvais organisateur, sans grande imagination. En gros, c'était une brute capable de pousser ses troupes à obéir, mais assez bête à part ça, donc difficile à supporter pour qui voulait obtenir des renseignements, ce qui était le cas de Taurgil et compagnie. Néanmoins ils risquaient de tomber sur pire encore s'ils le tuaient, donc ils firent avec.

4 - Information et nouvelle quête
Pour commencer, les aventuriers auraient voulu en apprendre plus au sujet de ce fameux Agog. En questionnant le "général" ou d'autres officiers, ils apprirent comment cet orc des neiges avait réussi à unifier les tribus des montagnes et imposer sa loi. Parfois cette compréhension se renforça au cours des jours qui suivirent et des autres tribus que le groupe allait rencontrer. Comme beaucoup d'autres chefs avant lui, Agog s'était imposé par la force mais aussi par la ruse ou le bagout. Issu d'une assez grande tribu, il n'aurait peut-être été qu'un bon chef de guerre de plus, sans une aide arrivée de l'extérieur : d'après ce que disaient les orcs et que les aventuriers interprétèrent, Agog aurait reçu la visite, quelques années auparavant, d'un mystérieux et terrifiant grand orc inconnu localement. Il était non seulement terrifiant physiquement, mais magiquement aussi, ayant réussi à faire fuir les orcs des neiges qui lui faisaient face. Avec son aide, la tribu s'était organisée, transformée, des orcs d'élite avaient été à la fois formés et "fidélisés" à leur chef. Grâce à cette élite nouvelle et à l'aide apportée par le sorcier orc servant de conseiller, Agog avait vite imposé sa loi aux tribus proches puis aux autres.

A l'aide de ses sorts divinatoires, Drilun en apprit davantage : l'aide apportée à Agog ne venait pas d'un esprit quelconque du Grand Nord, pas plus que d'un dragon, d'Eloeklo ou d'autres figures locales. Par contre, la main d'Angmar et Dol Guldur était bien présente. Le chef des orcs des neiges des Montagnes de la Désolation n'était pas sous leurs ordres, mais leur influence était manifeste, même si peut-être Agog avait-il l'impression d'être complètement autonome. De toute manière, ce n'était pas la première fois que Taurgil et ses amis constataient le côté subtil et sournois de l'influence d'Angmar ou du Nécromancien, visant à affaiblir les Peuples Libres en contrôlant et organisant mieux les capacités à nuire des orcs et autres peuplades trop portées sur la guerre et l'asservissement...

Même sans deviner avec exactitude les projets du roi-sorcier d'Angmar ou du Nécromancien concernant le Grand Nord, il était facile de comprendre que cela ne ferait pas les affaires des Lossoth, des nains ou des elfes de la région, voire des peuples plus au sud. Du coup, si la chasse aux trésors des ex-amis de Dwimfa restait toujours d'actualité, une autre mission vint vite s'imposer : tuer Agog et son sorcier, ou en tout cas les empêcher de nuire. Au départ la prise de pouvoir avait semblé une manière intéressante de pouvoir voyager à travers les montagnes, mais à présent il s'agissait de plus que ça : une nouvelle menace avait été identifiée, il convenait d'y répondre. Voyager à travers les montagnes grâce aux cavernes des orcs leur retirait une épine du pied, car Canadras ne pouvait guère les affecter sous terre. Si en même temps ils éliminaient un grand chef et son sorcier, sans parler de nombreux petits chefs locaux, les orcs seraient désorganisés et seraient trop occupés à se battre (et manger) entre eux pour rester une grande menace.

Restait donc à trouver ce fameux Agog, qui vivait quelque part au sud et un peu à l'est, au beau milieu des Ered Muil, les Montagnes de la Désolation, plutôt côté est. D'après ce que les aventuriers comprirent, deux routes étaient possibles : la première, et plus communément utilisée, passait par les cavernes de diverses tribus alliées ou non, avec parfois de courts passages par l'extérieur, sur des sentiers dangereux en raison du temps et du relief. La seconde voie passait au plus profond des montagnes, dans des chemins souterrains où la lumière du soleil ne pénétrait jamais, souvent peuplée de terrifiantes créatures extrêmement puissantes ou agressives (vers - dragons sans ailes - des cavernes, spectres, trolls des cavernes...), parfois d'anciens serviteurs ou lieutenants de Morgoth au Premier Âge. Les chemins étaient connus d'un petit nombre d'orcs, mais ceux qui partaient ne revenaient jamais tous vivants...

Taurgil ordonna donc au général de préparer une grande expédition à travers les montagnes. Les aventuriers annoncèrent au début que la route vers ces fameux souterrains développés par Morgoth, les "Sous-Profonds", constitueraient la voie à prendre, malgré la réticence manifeste de nombreux orcs. Plus tard, après en avoir débattu, Taurgil et ses amis choisirent l'autre voie, plus proche de la surface. Non pas à cause des pertes prévisibles, car de toute manière leur objectif était avant tout de réduire la population des orcs des environs pour qu'ils soient moins une menace ; mais simplement car certains d'entre eux craignaient de devoir affronter des créatures trop puissantes, et ils avaient déjà suffisamment d'ennemis à gérer comme cela : Tevildo, Eloeklo, Durlach, Canadras, sans parler de divers sbires du Nécromancien (Andalónil...) ou les anciennes créatures de Morgoth qui peuplaient le Grand Nord... Aller en chercher d'autres dans les profondeurs n'était peut-être pas nécessaire !

5 - Autres divinations
Drilun ne s'en arrêta pas là, et il utilisa sa magie divinatoire pour se renseigner davantage sur les artefacts qu'ils étaient venu chercher dans les montagnes. En effet, Dwimfa avait parlé de plusieurs amis ayant rassemblé de nombreux objets magiques puissants, en particulier un très costaud Dúnadan du nom d'Arang, un redoutable maître d'armes nain du nom d'Enhar, et un elfe débrouillard prénommé Dinyondo, alors compagnon de Gillowen. Il y avait aussi un Dunéen venu de Dunfearan, Tank-Er, et bien sûr Gillowen elle-même, que les aventuriers avaient déjà rencontrée. Quand l'Homme des Bois avait perdu le contrôle du bateau volant qu'il pilotait, alors qu'au même moment Gillowen semblait se libérer de ses liens, sans doute avec de l'aide, il avait compris que la mort les attendait et il avait sauté hors du vaisseau, dans le vide. Il avait survécu, et l'elfe magicienne aussi bien sûr, mais il ne pensait pas revoir ses anciens amis vivants, d'autant qu'il n'avait jamais plus entendu parler d'eux...

Ce qui ne voulait pas dire qu'ils étaient restés dans le bateau volant ou dans ce qu'il en était resté après leur crash. Manifestement, Gillowen (ou plutôt Eloeklo, qui la possédait) avait récupéré certains objets, elle avait sans doute connaissance de l'emplacement des corps, qu'elle avait même pu déplacer - ou le Démon du Vent du Nord lui-même. Il fallait essayer de s'assurer que les objets étaient disponibles en un ou plusieurs endroits, et leur localisation la plus précise possible. Fouiller les montagnes les plus froides et désolées de la Terre du Milieu ne serait pas une partie de plaisir, sans parler de la présence d'Eloeklo, piégé là, qui ne les laisserait pas faire leurs "courses magiques" sans leur présenter un quelconque prix à payer. Prix qui serait peut-être bien supérieur au niveau de leurs ressources ou de leur motivation...

Pour commencer, à l'aide de la carte que les elfes de Brumes Éternelles leur avait remise, l'archer-magicien du groupe s'efforça de localiser sur ladite carte l'emplacement du vaisseau magique, ou plutôt de ce qu'il en restait. Après lancement de divers sorts de divination, il pensa arriver à bien cerner le secteur des montagnes où les ruines du bateau volant reposaient. De là à croire que les objets qu'ils recherchaient s'y trouvaient encore, il y avait un fossé qui n'était pas près de se combler. En effet, de nouveaux sorts de divination indiquèrent que divers objets cités par Dwimfa se trouvaient plus ou moins éloignés du lieu du crash. Ils n'étaient pas tous au même endroit, loin s'en fallait, certains reposant à de nombreux miles du bateau. La majeure partie des artefacts magiques semblait avoir bougé. Avaient-ils été récupérés par Gillowen ? Lorsqu'elle avait été capturée, plusieurs d'entre eux avaient été pris sur son corps, mais elle n'avait pas forcément tout sur elle, elle avait pu se constituer une cache, voire plusieurs...

De nouveaux sorts de divination permirent de préciser le destin de quelques objets remarquables que l'Homme des Bois avait vus à l'œuvre. Ainsi, Dwimfa et ses anciens amis avaient par le passé recueilli un grimoire de magie comportant de nombreuses runes magiques utilisables telles quelles, à l'aide de la magie runique, ou pour apprendre des tours magiques les plus divers. Ce grimoire s'appelait le Suimbalmynas, et il avait été réalisé par un ou des magiciens nordiques, dans leur langue, l'éothrik. Malheureusement, il semblait bien que ledit grimoire avait été récupéré par Gillowen. D'autres objets magiques ayant été pris sur les corps des ex-compagnons de Dwimfa comprenaient l'Eargil ("Étoile de Mer"), une amulette aidant à la réalisation des sorts et ayant des pouvoirs sur les créatures marines ; un bâton de foudre permettant d'attirer les éclairs voire les lancer ; un talisman maudit permettant à son possesseur de se transformer en chauve-souris... mais pas forcément de reprendre sa forme initiale, ou du moins pas sans une autre magie !

Mais certains objets que Dwimfa avait cités n'avaient pas trouvé de repreneur ou repreneuse. Ce qui ne voulait pas dire qu'ils pourraient être facilement récupérés, mais les nouveaux amis de Dwimfa se faisaient fort de pouvoir les retrouver grâce à leurs formidables capacités. Ce qui ne voulait pas dire qu'ils pourraient ou voudraient mettre la main sur tous... Parmi ces objets, Dwimfa parla de la fantastique épée maniée par Arang, Gwaedhel ("Sœur de Serment"), qui permettait à son possesseur d'aller dans les Chemins des Morts, dans les Montagnes Blanches ; ou un arc de lumière qui créait ses propres flèches directement sur l'arc, comme si elles étaient faites de lumière solide ; ou une amulette appelée Nar ("Feu"), d'après le mot de pouvoir qui permettait d'appeler et contrôler une boule de feu vivante... D'autres objets furent évoqués par l'Homme des Bois mais n'eurent pas droit à un sortilège pour déterminer leur destinée. Par exemple une masse de pierre permettant de prendre la consistance d'une pierre touchée, ou diverses armes magiques d'excellente qualité...

6 - Départ et progression
Après deux jours passés à se reposer (pour les aventuriers) ou à organiser le prochain mouvement des troupes (pour les orcs), le moment du départ arriva. Curieusement, le nombre de guerriers orcs qui allaient prendre part à cette expédition avait quelque peu fondu : sur le millier d'orcs des neiges attendus, la moitié étaient présents, après évaluation. Il faut dire que, d'une part, le "général" sur qui reposait l'organisation de l'expédition n'était pas une lumière et ne savait pas très bien compter. D'autre part, divers officiers orcs avaient préféré prendre la tangente et partir avec chacun son petit contingent d'orcs, plutôt que de se lancer dans une expédition qu'ils estimaient très risquée, à savoir affronter Agog. Peut-être même certains d'entre eux étaient-ils partis le prévenir... Cette fuite de nombreux guerriers ne dérangea pas trop les aventuriers : après tout, tout ce qui contribuait au morcellement et à l'affaiblissement des orcs était bon à prendre.

Ils partirent donc tous. Taurgil avait fait faire, à la demande de Geralt, diverses chaises pour porteur afin de ne même pas avoir à marcher. Néanmoins, vu l'étroitesse des tunnels parfois, et les piètres qualités des orcs, le maître-assassin tomba plus d'une fois et dut donc sévir, faisant tomber les têtes de ceux qui le laissaient tomber. A cause des tunnels bien étroits, la file de guerriers orcs s'étirait sur près d'un demi-mile. En avant, l'armée était menée par Vif, Taurgil et Geralt, qui motivaient très bien leurs troupes et les empêchaient de fuir ou déserter à la moindre anicroche. En arrière, Rob, Isilmë, Drilun, Dwimfa et Mordin fermaient la marche. Le nain criait constamment après les orcs, les motivant lui aussi très bien. En revanche, au milieu de la colonne, loin des cris - et des armes - des chefs, les orcs étaient plus autonomes. Aussi n'était-il pas très surprenant de constater que la colonne d'orcs se réduisait petit à petit, de manière lente mais sûre...

Après l'équivalent d'environ une journée de marche, plutôt soutenue car les aventuriers ne souhaitaient pas ménager les orcs, les abords d'une petite tribu d'orcs des neiges furent atteints. C'était normalement une tribu "satellite", plus ou moins sous la coupe de celle à laquelle ils commandaient à présent. Néanmoins, quand ladite tribu avait constaté l'approche d'une telle force, elle avait érigé des barricades dans les tunnels. Taurgil se fit un plaisir d'utiliser son épée et sa magie de seigneur dúnadan pour faire voler les barricades en éclats. Les orcs fuirent bientôt, mais la féline Femme des Bois se chargea d'empêcher une bonne partie d'aller trop loin. Les troupes restantes de cette petite tribu furent bientôt intégrées à celles de Taurgil et compagnie, ce qui permit de compenser les pertes liées à la désertion, au manque de discipline, et aux exemples à faire pour faire filer droit ces pitoyables créatures...

L'étape suivante était une autre tribu de petite taille, similaire à celle qui avait été conquise par Taurgil et ses amis. En revanche, les cavernes ne pouvaient couvrir le chemin pour y aller, et il fallait bientôt sortir et prendre des chemins escarpés couverts de neige et battus par des vents glaciaux. Le chemin des sous-Profonds fut à nouveau évoqué, mais l'emprunter nécessitait à présent de faire demi-tour, ce qui fut écarté. Les orcs furent donc plus ou moins poussés dehors, motivés par les cris de Mordin ou la présence - ou les armes - de ses amis. La progression était très difficile, et Geralt dut se résoudre à marcher ou emprunter le dos de Vif, car sinon il aurait bien vite chuté avec (ou sans) ses porteurs. Vu le relief, les chutes étaient presque systématiquement mortelles, et le nombre des orcs se réduisit à grande vitesse. Plus d'un tiers d'entre eux périrent dans les deux jours qui furent nécessaires pour arriver aux prochaines cavernes habitées, permettant de se rapprocher de la grosse tribu commandée par Agog et son sorcier venu du sud.

L'approche d'une nouvelle tribu d'orcs fut l'occasion de remotiver les troupes restantes et de grossir les rangs. Comme cela avait été fait par le passé, les défenses des nouveaux orcs furent balayées et une partie de leurs guerriers furent intégrés aux troupes commandées par Taurgil. La tribu suivante put être atteinte par des souterrains, et elle était plus grosse, similaire à la première que les aventuriers avaient prise sous leur contrôle. Elle fut un peu plus dure à conquérir, mais rien qui dépassa plus que quelques contusions voire une blessure légère. Cette nouvelle tribu permit de faire plus que compenser les pertes passées : elle grossit notablement l'armée en partance pour aller faire la guerre à Agog. Après cela, deux autres petites tribus furent combattues puis intégrées, puis une plus grosse, et encore une autre plus petite. En passant toujours par des souterrains ou parfois à l'extérieur quand c'était nécessaire. Tout cela avait pris peut-être l'équivalent d'une dizaine de jours depuis qu'ils étaient partis, et de très nombreux orcs avaient péri dans le processus, et notamment de nombreux chefs et officiers. Même si Agog ne pouvait être abattu, il ne risquait pas de faire grand-chose avec le reste des orcs laissés après le passage de Taurgil et ses amis...

7 - Attendus !
Enfin, la dernière partie du voyage arriva. L'armée commandée par Taurgil était forte de plus de mille orcs, mais sans doute moins de deux mille. Il restait encore à traverser une dernière fois les montagnes par l'extérieur, en un lieu qui devait correspondre au cœur des montagnes, où les vents étaient les plus froids et les plus forts, la neige la plus abondante, les sentiers les plus périlleux. Heureusement, le temps était très clément, clair et peu venté, même si la température était glaciale. Les aventuriers n'en appréciaient que mieux leur excellent équipement, tandis que celui des orcs, de piètre qualité, mettait leur pourtant grande endurance à rude épreuve. De toute manière ce n'était pas le plus grand danger : la très longue colonne de guerriers orcs parcourait des glaciers couverts de neige qui pouvait masquer des crevasses traîtresses, ou progressait le long de sommets ou parois où le moindre faux pas pouvait entraîner une glissade synonyme de fin précoce. Et comme les orcs avaient toujours de nombreux torts à se reprocher les uns les autres, les croche-pieds et autres farces fatales étaient assez communs. Tout au plus Taurgil et ses amis pouvaient-ils maintenir le niveau des pertes assez bas en faisant sauter les têtes des farceurs pris sur le vif, ou en les donnant à manger avant même de les tuer. Ce qui n'empêchait pas certains de tenter d'agir discrètement, ou simplement loin de leurs chefs...

Le temps très clair et le bruit modéré du vent étaient très favorables aux perceptions. Geralt en profita pour utiliser sa longue-vue de nombreuses fois, et put ainsi repérer une silhouette ailée plus haut dans le ciel, au-dessus d'eux, après un bon moment passé à cheminer : Andalónil les avait repérés... Mais hormis cela les montagnes étaient désertes, privées de toute vie, hormis celle des orcs eux-mêmes. A part le bruit du vent, le silence n'était troublé, de loin en loin, que par le bruit d'une éventuelle avalanche. Ce qui faisait que même les orcs évitaient de faire trop de bruit, en particulier quand ils cheminaient dans les vallées glaciaires dont les parois étaient couvertes d'une neige qui ne demandait qu'à tomber, et où le son rebondissait d'un bord à l'autre en s'amplifiant parfois.

Ils progressèrent donc sans trop grande difficulté, en direction d'une petite tribu satellite de celle d'Agog, qui serait leur destination suivante, et ultime, avant sans doute un grand conflit. Ils n'étaient plus très loin et progressaient au sommet d'un glacier, approchant du cirque glaciaire où la petite tribu avait son entrée principale, au pied d'une paroi presque verticale. Néanmoins, les oreilles incroyablement perceptives de Vif, qui profitaient en plus de l'écho bien présent dans ces montagnes, lui apportèrent un nouveau sujet d'inquiétude : elle entendit un orc parler, et il avait un accent très proche de celui qu'elle avait connu à Dol Guldur. C'était manifestement un grand orc, peut-être un uruk, et qui disait à d'autres orcs de se tenir prêts, que l'armée arrivait et que tout se passait comme prévu...

La colonne fut bientôt arrêtée. Avec l'aide de la longue-vue, l'origine des bruits put être repérée : dans le cirque glaciaire, au-dessus de l'entrée principale, assez haut, les orcs avaient installé une espèce de nid d'aigle sur une corniche à flanc de falaise. Plusieurs d'entre eux étaient présents, donc un grand orc qui était manifestement un uruk et qui dirigeait les autres. Apparemment le nid d'aigle avait été abondamment fourni en pierres et autres projectiles gros et lourds dont l'utilité était assez évidente : il serait très facile de déclencher une avalanche en précipitant ces rochers dans le vide, ce qui signerait sans doute la fin prématurée d'une armée qui se tiendrait plus bas, et qui serait complètement balayée par les éléments déchaînés. Et, bien entendu, l'accès à ce nid d'aigle semblait à peu près impossible par l'extérieur, et il était bien trop haut (et loin) pour être à portée d'un quelconque projectile.

Les aventuriers se réunirent et débattirent de la manière de passer cet obstacle. Les projectiles, éventuellement magiques et explosifs, furent évoqués, non pas pour abattre les orcs mais par exemple pour déclencher l'avalanche de manière préventive. Ce qui signifierait la mort des lanceurs de projectile car ils n'auraient pas le temps d'échapper à l'avalanche qu'ils auraient déclenchée. Si c'étaient des orcs, ce ne serait pas un problème, mais qu'est-ce qui allait empêcher l'avalanche de grossir et de parvenir jusqu'à l'armée principale ? Sinon, d'autres évoquèrent l'idée de faire du bruit pour un résultat similaire, à savoir déclencher une avalanche, avec l'avantage de pouvoir le faire de plus loin. Mais en regardant tout autour d'eux, les aventuriers se dirent que ce n'était pas forcément une très bonne idée : ils risquaient de déclencher non pas une mais de nombreuses avalanches qui convergeraient vers eux, vu leur position au fond de la vallée encaissée. Monter sur les parois enneigées ne servirait pas à grand-chose si la couche de neige se dérobait sous eux. Et ils ne pouvaient rester indéfiniment là à chercher une solution à ce problème...
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Niemal
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Grand Nord - 26e partie : conflits et avalanches

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1 - Positionnement
La première chose que décida le groupe, c'est d'envoyer Rob en avant, en tant qu'éclaireur : il était assez discret pour se faufiler sur le glacier jusqu'à l'entrée principale des orcs sans se faire repérer. Il faut dire qu'entre sa cape elfique et son anneau magique de dissimulation, sans oublier sa petite taille et ses remarquables compétences en la matière, il pouvait facilement passer complètement inaperçu, même auprès de ses amis. Il n'y avait guère que Vif qui pouvait le suivre s'il ne voulait pas être repéré, et encore. Par ailleurs, il était très à l'aise dans la nature et saurait donc repérer les crevasses cachées et autres pièges que le glacier avait à leur offrir. Son faible poids l'aiderait aussi à ne pas trop déranger la neige là où d'autres auraient pu déclencher glissade ou éboulement.

Il partit donc prudemment, tant pour ne pas se faire voir que pour éviter les dangers naturels. Il progressait près du centre du glacier, où la moraine principale offrait un relief capable de le cacher plus facilement. Bien vite, seule la lionne enchantée arriva à le suivre, les autres ne pouvaient plus le repérer dans le paysage blanc-gris du glacier. Sa progression était lente, très lente même, au grand dam de certains qui s'impatientaient. L'armée des orcs avait été immobilisée, avec Dwimfa et Mordin en arrière, près d'une moraine latérale, le nain tâchant d'empêcher les orcs de fuir. En effet, leur motivation n'était pas très grande, et l'attente leur était difficile.

Vif était aussi vers l'arrière, tâchant de repérer d'autres voies possibles pour accéder au nid d'aigle qui les bloquait. Son attention fut attirée par des bruits d'orcs plus haut, à un endroit de la vallée glaciaire qu'elle ne pouvait voir. S'il y avait des orcs plus haut, il y avait sans doute un passage... Et donc elle commença à grimper aux parois. Plus en avant, Taurgil en eut assez d'attendre, et il s'avança vers l'entrée de la caverne ennemie sans se soucier de se cacher, en faisant juste attention aux crevasses et autres périls naturels. Interloqués car il n'avait consulté personne, ses amis qui restaient à la tête de l'armée des orcs - Drilun, Geralt et Isilmë - se demandèrent que faire. Même s'ils ne le voyaient pas, ils se dirent que le hobbit serait sans doute rattrapé puis dépassé par le Dúnadan, qui pourrait peut-être avoir besoin d'une aide quelconque. Ils décidèrent alors d'avancer avec une bande d'orcs pour déblayer le terrain devant eux et éventuellement les laisser tomber dans d'éventuelles crevasses qui seraient ainsi vite repérées. Il est vrai que pour Isilmë, progresser n'était pas très facile sans la vue...

Et donc, lentement, les choses se mirent-elles en place. Après un moment, Rob eut la surprise de voir son grand compagnon dúnadan le dépasser et continuer sa progression vers l'entrée de la caverne. En plus de ses grandes guiboles, le fait d'être un rôdeur habitué aux milieux naturels les plus variés l'aidait à progresser vite. D'autant qu'au contact avec la larme de Yavanna trouvée chez Canadras, larme qu'il portait en permanence, il était encore plus en harmonie avec son environnement naturel. Il pouvait donc sentir de manière magique où et comment poser les pieds sur la neige et les éboulis sans glisser ou autre faux mouvement, et sans marcher sur les zones de neige les moins stables. Taurgil arriva donc bientôt devant l'entrée de la caverne des orcs : c'était une très grosse ouverture de plusieurs pas de haut et de large, sans autre obstacle que l'obscurité impénétrable, sans personne pour l'arrêter.

Plus haut, la féline Femme des Bois arriva à une zone de la vallée, en altitude, moins escarpée, où la progression était plus facile. Mais surtout, elle était à présent capable de voir ce qui se tramait sur les bords élevés de la vallée, invisibles depuis le fond de celle-ci : plus haut qu'elle, plus près des sommets, elle repéra de petites silhouettes d'orcs tant de son côté de la vallée que de l'autre côté. Il semblait que diverses ouvertures permettaient aux orcs de sortir de leurs cavernes en altitude, sur des sentiers au-dessus du U de la vallée glaciaire. Depuis leur emplacement plutôt stable, il n'était pas interdit de penser qu'ils pouvaient nuire à ceux restés plus bas en faisant rouler pierres ou neige et déclencher eux aussi des avalanches sur le fond de la vallée glaciaire, où se trouvaient l'armée d'orcs et les amis de Vif. Elle se dit qu'il était temps de faire le ménage et se dirigea vers les créatures qui sortaient toujours plus nombreuses de leurs trous.

2 - Un ver difficile à avaler
Taurgil, de son côté, entrait prudemment dans l'entrée principale menant aux cavernes des orcs. Faute d'assez de lumière, il y allait à tâtons, jusqu'à se heurter à de grandes doubles portes de pierre qui lui bloquaient le passage. Mais depuis un moment déjà, des bruits l'avaient averti qu'il y avait du monde pas loin, pour ne pas dire de l'autre côté. Des bruits d'orcs, bien sûr, mais aussi d'autre chose, bien plus lourd. Quelque chose qui faisait plus de bruit qu'un troll, quelque chose d'animal, à quatre pattes. Quelque chose qui faisait peur aux orcs, d'après ce que Taurgil arrivait à entendre. Et avec raison : il lui sembla bien entendre un cri plus fort que les autres, suivi par le bruit que pourrait faire un corps écrasé par de très grandes mâchoires...

Après avoir pris la précaution de s'entourer de sa magie de roi protectrice, il frappa avec énergie sur la porte en réclamant de pouvoir passer. Plus exactement, il le fit plutôt à la manière des orcs, à savoir en les injuriant bien fort. Il fut assez vite exaucé : le double battant s'ouvrit lentement dans sa direction, laissant passer une faible lumière qui lui permit de contempler un assez inquiétant tableau. Il s'attendait bien sûr à la foultitude d'orcs qui l'attendaient dans la vaste antichambre derrière le portail. Ces orcs avaient manifestement peur, mais pas seulement de lui : tenu en respect - en apparence au moins - par de nombreuse lances tournées dans sa direction, un énorme lézard, ou peut-être vaudrait-il mieux parler de dragon sans aile, occupait une bonne partie de l'espace.

L'animal était plus haut qu'un troll, beaucoup plus long et lourd, et sa mâchoire n'avait rien à envier à celle des dragons que l'héritier des rois du Rhudaur avait déjà combattus. Manifestement il n'était pas intelligent, se comportant comme une bête (très) affamée, malgré le ou les orcs qu'il semblait bien avoir déjà engloutis. Ou peut-être était-il juste furieux d'être là, entouré de tous ces orcs nauséabonds. En tout cas il avait assez de place pour manœuvrer, tant en hauteur qu'en largeur, et il en profita pour avancer sur le rôdeur dúnadan qui focalisa bientôt son attention. Pendant ce temps les orcs s'écartaient le plus possible, trop heureux de ne plus avoir à gérer le monstre. Taurgil ne put d'ailleurs s'empêcher de se demander Eru savait comment ces orcs avaient pu se rendre maîtres d'une telle créature : était-ce l'œuvre du sorcier venu de Dol Guldur ?

Il semblait donc que ce fût un ver des cavernes, sorte de dragon sans intelligence ni ailes pour lui permettre de voler. Des créatures de légende qu'on disait qu'elles hantaient de profonds souterrains sous les montagnes, comme ceux développés par les anciens serviteurs de Morgoth. Bon, ce n'était pas la première fois que Taurgil se trouvait face à un dragon ou équivalent, et il avait survécu pour en parler. Néanmoins l'animal était de belle taille et se débarrasser de lui n'allait peut-être pas être une partie de plaisir. Le ver ouvrit grand sa gueule, où se voyaient encore quelques restes des orcs précédemment avalés, et il se précipita sur le grand Dúnadan, qui manifestement avait l'air plus appétissant que les autres créatures avoisinantes...

Plus rapide que le monstre, l'épée que Taurgil avait préparée s'enfonça dans la grande gueule hérissée de grandes dents prêtes à le transformer en purée pour bébé dragon. Le ver retira immédiatement la tête, surpris, désorienté et furieux d'avoir été blessé. Mais manifestement ce n'était pas une blessure très grave, et il se tourna de côté pour utiliser sa grosse et puissante queue. Le mouvement circulaire qu'elle fit balaya et écrasa au passage une dizaine d'orcs au moins, puis elle arriva sur le puissant rôdeur du Rhudaur. Protégé par sa magie et son équipement il ne reçut aucune blessure, même minime, mais il sentit tout de même que ça n'était pas passé loin. Et le choc le propulsa en arrière, jusqu'à l'entrée de la grotte donnant sur le cirque glaciaire. Et bientôt le monstre se précipitait sur lui à nouveau. Non, ça ne commençait pas si bien que ça, et abattre la bestiole risquait de ne pas être une partie de plaisir.

3 - Combat, retraite et avalanche
A l'extérieur, Rob avait entendu les hurlements féroces de son ami, bientôt suivis par un silence et un autre type de grognement. Puis il vit Taurgil sortir de l'entrée des cavernes, à reculons, bientôt suivi par une gueule énorme précédée de grosses pattes griffues que le rôdeur repoussait avec son épée. Le hobbit tâcha d'aller plus vite, mais il était encore bien trop loin pour pouvoir faire quoi que ce fût comme tirer une flèche sur le dragon qui venait de sortir. Et il tenait tout de même à rester discret et à ne pas trop attirer l'attention sur lui, que ce fût de la part du dragon ou des orcs, comme ceux du nid d'aigle, qui prêtèrent brusquement beaucoup plus d'attention à ce qui se passait en bas. D'autres orcs commencèrent à apparaître à l'entrée de la grotte, et le grand Dúnadan arrivait parfois à entendre leur excitation et leurs paris sur le temps que la bête aurait besoin pour venir à bout de lui...

Un autre type de combat avait lieu plus loin, et plus en altitude : Vif commençait à faire le ménage, et des cris retentirent bientôt dans la vallée. En plus des râles des orcs blessés par la lionne enchantée, il y eut les hurlements d'épouvante de ceux qu'elle envoyait valdinguer plus bas, jusqu'à une glissade ou chute mortelle depuis le haut de la vallée en U. Dwimfa et Mordin, placés de l'autre côté de la vallée, mais en contrebas, ne voyaient pas ce que leur amie faisait au juste mais ils le devinaient assez bien, et les orcs qu'ils surveillaient s'amusaient beaucoup de voir leurs congénères hurler et laisser de belles traînées rouges sur la neige ou les rochers. Plus haut, la féline Femme des Bois tentait de trouver un chemin pour arriver jusqu'au nid d'aigle au loin, mais elle n'en voyait pas. Par défaut, elle approcha d'une ouverture par où les orcs étaient sortis et dans laquelle ils refluaient à présent.

Geralt fit avancer la trentaine d'orcs avec lesquels Drilun, Isilmë et lui étaient venus pour prêter main-forte au rôdeur, même s'ils en étaient encore loin. Orcs qui étaient moins motivés que jamais pour servir de chair à dragon, dragon qui faisait reculer leur nouveau chef manifestement en difficulté. Jusque-là Taurgil parait très bien les coups du monstre, mais il sentait bien qu'il ne fallait pas grand-chose pour que ledit monstre arrivât à passer sa magie et son équipement protecteurs. Il ne s'était pas vraiment attendu à une telle résistance, et pour l'instant la retraite prudente était la seule option qui lui semblait valable. En espérant aussi qu'il ne tomberait pas sur une crevasse ou autre piège naturel en reculant. D'ailleurs il fut même surpris que le poids du ver en face de lui n'ait pas provoqué quelque chose. Mais en fait le dragon avançait comme un lézard, ventre sur la neige, en glissant et s'aidant des pattes juste pour aller de l'avant. Et pour l'instant les deux adversaires n'avaient pas encore atteint de grosse crevasse où la bête aurait peut-être pu trébucher, pas plus que Taurgil. Mais pour combien de temps encore ?

Rob s'approchait de son ami et du ver des cavernes, plutôt sur son côté, mais il ne mit pas encore une flèche à son arc. Au lieu de ça, il regarda plus haut, où l'uruk et probable sorcier qui dirigeait les opérations venait de donner un ordre. Du coup les orcs qui l'accompagnaient avaient commencé à faire basculer dans le vide les pierres et rochers qu'ils avaient accumulés dans le nid d'aigle. Les premiers projectiles roulèrent dans la neige, grossissant avec cette dernière, et finirent par arriver dans les environs de Taurgil et de son adversaire sans causer aucun dégât. A peine le ver reçut-il l'équivalent de quelques bonnes boules de neige sur son corps puissant, boules de neige qui ne le ralentirent aucunement. Mais la dégringolade s'intensifia, et bientôt un sinistre craquement se fit entendre : la paroi neigeuse au-dessus de l'entrée des cavernes commençait à céder, une avalanche dévalait maintenant en direction des deux adversaires... et du hobbit qui s'approchait d'eux !

Rob se mit alors à courir comme un fou en direction de l'entrée de la caverne des orcs, qui lui semblait son seul salut. Les orcs qui s'y trouvaient auparavant étaient bien trop occupés à faire retraite à l'intérieur pour prêter attention à lui, et de toute manière la poussière de neige qui allait bientôt le recouvrir, avant l'avalanche elle-même, empêcherait quiconque de voir le hobbit, et encore plus s'il était enseveli. Ce qui arriva bientôt au dragon sans ailes et sans cervelle : l'arrivée de l'avalanche ne l'avait aucunement dérangé dans sa fureur et son désir de réduire le Dúnadan qui lui faisait face en pâté. Brusquement, le gros du glissement de terrain neigeux arriva au ver qui fut emporté en l'air. Taurgil le vit monter de quelques pas dans les airs et commencer à lui tomber dessus. Il plongea sur le côté pour éviter le corps gigantesque prêt à l'écraser. Un peu plus loin, Drilun et Geralt assistèrent à l'avalanche qui emporta tout sur son passage et emporta ou recouvrit complètement le dragon et leur ami, sans parler du hobbit qu'ils ne percevaient pas. Ils étaient heureusement assez loin de l'avalanche et seul un nuage de poudreuse arriva jusqu'à eux. Le silence retomba, rien ne bougeait, et ils se précipitèrent sur la neige enfin immobile pour tenter de venir en aide à leur ami.

4 - Combats et infiltration
Rapidement, la neige se mit à bouger non loin devant eux. Bientôt en sortit le grand ver des cavernes, manifestement peu refroidi ou étourdi par la petite avalanche qui l'avait bousculé et enseveli. Les orcs comprirent vite qu'ils étaient les plus proches du monstre, et donc les prochains sur le menu du dragon sans aile. Ils auraient bien fui dans toutes les directions, mais malheureusement pour eux Geralt leur fit vite comprendre que sa lame leur réservait un sort encore plus rapide que la bouche du dragon s'ils se défilaient. Ils firent donc face au ver, ce qui permit de gagner un peu de temps au trio, qui se prépara à combattre (maître-assassin), à lancer un sort (archer-magicien), ou à se demander quoi faire (guerrière aveugle). Bientôt le ver s'était débarrassé de tous les orcs, et il se dirigea vers les trois aventuriers...

De son côté, Rob émergeait à grand peine de l'amas de neige qui avait en partie envahi l'entrée dans les cavernes des orcs. Il se retrouva bientôt environné d'autres orcs qui l'avaient vu émerger de la poudreuse et qui le prenaient pour l'un des leurs, vu son déguisement de snaga. Le hobbit aurait bien voulu s'éclipser discrètement, mais comme sa seule voie de retraite était un peu bloquée, il choisit de se laisser porter par la foule. En effet, de nombreux ordres fusaient, et il comprit que les orcs faisaient face à un problème et que les troupes devaient se réunir quelque part. Il serait toujours temps de fausser compagnie aux orcs à un endroit où il se rendrait mieux compte de ses options et des issues possibles. Il suivit donc le mouvement du haut de ses courtes jambes, en tâchant du mieux possible de comprendre ce qui se passait, même s'il avait une petite idée de la chose...

Il faut dire que dehors, la lionne enchantée avait pu atteindre une ouverture, au-dessus de la vallée glaciaire, vers les cavernes des orcs. Face à ces piètres combattants mal équipés et peu motivés, elle faisait un carnage tout en se demandant comment accéder au nid d'aigle et au sorcier, sa véritable cible. Menée par les cris des orcs et leur semblant d'organisation, elle se dirigea vers ce qui lui semblait être un rassemblement important, plus profond dans les cavernes. Il y aurait certainement les élites de la tribu, peut-être même le sorcier ou Agog lui-même, et donc elle ne fonça pas aveuglément mais prit bien soin de repérer les obstacles et adversaires avant de pénétrer dans tout nouvel espace. Bientôt elle s'approcha de ce qui semblait être la salle principale des cavernes, avec au moins des centaines d'orcs qui l'attendaient, au bruit. Mais ses oreilles lui permettaient de percevoir une voix particulière, celle d'un orc extrêmement charismatique, auquel les autres semblaient obéir sans discuter, ce qui était une vraie prouesse !

En surface, les choses ne se passaient pas trop bien. Geralt n'avait pas pu trouver de point faible au monstre qui les attaquait, et le sort de foudre ou la flèche anti-dragon de Drilun, s'ils avaient eu un effet certain, n'avaient pas eu l'air d'inquiéter beaucoup le monstre. Il était juste un peu plus blessé et furieux qu'avant. Isilmë restait en arrière, pouvant difficilement participer au combat vu son état, et suivant comme elle pouvait la situation à l'aide de son ouïe bien développée. Elle entendit un grand bruit de frottement sur la neige mais ne put voir la queue du dragon balayer le sol devant lui, ni l'assassin balafré sauter par-dessus, ni le Dunéen magicien se glisser dessous grâce à un creux dans le sol. Par contre, elle sentit que quelque chose de nouveau se préparait, comme si le dragon s'apprêtait à faire autre chose. Puis un mouvement brusque dans sa direction, et elle comprit qu'elle était la nouvelle cible du monstre, dont elle imaginait trop bien les grandes mâchoires ouvertes dans sa direction, même si elle ne pouvait les voir...

Très vite elle déclencha une aura elfique autour d'elle, en espérant que la lumière gênerait la créature, cette lumière elfique incommodant les créatures de Morgoth depuis des temps immémoriaux. Néanmoins elle avait peu d'espoir que cela fût suffisant... et bientôt elle fut bousculée par la tête du dragon qui arriva sur elle. Mais ses mâchoires ne se refermèrent pas sur son corps : Drilun n'avait pas eu le temps de réagir, mais Geralt, bien plus rapide, avait pu profiter de la situation. Alors que le corps du grand ver passait juste à côté de lui, en direction de son amie, il enfonça profondément son épée magique dans son flanc. L'épée n'était pas aussi acérée que Morang, l'épée noire portée par Dwimfa, mais elle avait été conçue pour tuer des dragons : elle savait trouver les défauts dans leur armure et tranchait même les aciers les plus durs. Grâce à cela, à l'adresse du balafré aux cheveux blancs et à la vitesse de déplacement du monstre, la lame de l'épée s'enfonça jusqu'à la garde et s'arracha de la main de Geralt. Mais elle avait pu atteindre le cœur de la bête, qui mourut instantanément, les mâchoires ouvertes sur Isilmë, que son équipement avait pu protéger du choc et des dents...

5 - Le cadeau d'Andalónil
Bientôt le calme revint dans le cirque glaciaire. Le ver des cavernes ne bougeait plus, manifestement mort, contrairement à Isilmë qui semblait aller bien et qui était toujours coincée dans la gueule de la créature. Le maître-assassin s'approcha alors de son épée plantée jusqu'à la garde dans le flanc du dragon. Il mit la main dessus, et d'un geste puissant il dégagea la lame qui sortit bien plus facilement qu'il ne l'avait escompté. Un jet de sang acide en sortit qui failli l'asperger, mais heureusement, prévoyant, il avait préparé son bouclier en os de dragon, et il ne fut aucunement affecté par les humeurs acides de la créature. Et un dragon de plus à mettre au palmarès, un ! Il commença déjà à réfléchir à la meilleure manière de récupérer les différentes parties du corps, avec l'aide des orcs, pour les apporter aux elfes ou aux autres personnes capables d'en faire du nouveau matériel magique...

Mais une autre personne le tira de ses réflexions : cela faisait déjà un moment que le démon Andalónil suivait ce qui se passait, et il avait même diminué son altitude afin de suivre de plus près les combats. Certains des aventuriers avaient aussi détecté de la magie autour de lui, mais ils avaient alors d'autres chats à fouetter. Et tandis qu'il volait au-dessus d'eux, hors de portée des flèches, l'ancien serviteur de Morgoth, et maintenant aux ordres de Dol Guldur ou d'Eloeklo, se mit à... applaudir. Et plus que cela : il félicita les aventuriers pour leur épique combat et la manière dont ils l'avaient mené à bien. Il les félicita bruyamment, très bruyamment même : sa voix très forte était amplifiée par une probable magie qu'il avait lancée. Le son rebondissait sur les parois du cirque glaciaire, s'amplifiait et faisait vibrer l'air... et la neige des parois environnantes. Et bientôt ce qui devait arriver arriva : les vibrations furent trop importantes pour les couches de neige des flancs du cercle de montagne ou de la vallée glacière... De nombreuses avalanches se déclenchèrent et fondirent sur les aventuriers et l'armée des orcs.

Les orcs hurlèrent tandis que la neige tombait du haut des parois de la vallée dans laquelle ils se trouvaient, alors que Drilun et Geralt voyaient, au centre du cirque glaciaire, la neige foncer sur eux de tous les côtés. Mordin et Dwimfa laissèrent les orcs à leur destin tandis qu'eux-mêmes tentaient de trouver un endroit peu exposé et de ne pas se laisser emporter par les coulées de neige, heureusement moins fortes qu'au niveau du cirque glaciaire. Là-bas, le Dunéen de la Comté et l'Eriadorien de Tharbad se précipitèrent vers le seul endroit qui leur proposait un peu d'abri : la gueule encore ouverte du ver des cavernes, dans laquelle l'elfe de Fondcombe était encore coincée. En se faufilant bien ils parvinrent à y tenir tous les trois, tout en utilisant leur équipement pour éviter que les mâchoires, bientôt secouées par la neige qui emporta un moment le corps du dragon, ne rendissent leur vie plus difficile qu'elle ne l'était déjà !

Andalónil s'éloigna ensuite, satisfait de son petit cadeau qui recouvra bientôt toute forme de vie à la surface du glacier. Les aventuriers avaient de la ressource, ils s'en sortiraient bien d'une manière ou d'une autre, et sinon ils ne méritaient pas de continuer à le distraire un peu. Et effectivement, après un certain temps la neige bougea çà et là : plus loin dans la vallée, le nain et l'Homme des Bois avaient pu atteindre un endroit un peu abrité où ils avaient été recouverts, et par la suite ils avaient réussi à s'extirper de la couche de neige avant d'étouffer. Au centre du cirque glaciaire, par contre, l'épaisseur de neige était plus grande. Isilmë, Drilun et Geralt avaient été bien protégés par le corps et la bouche du dragon, mais la poche d'air dans laquelle ils se trouvaient n'était pas très grande, ils auraient vite fait de consommer tout l'air qu'elle hébergeait. Dans un premier temps ils avaient tenté de creuser la neige, après avoir pu déterminer la bonne direction, ce qui n'était pas si évident que ça. Mais ils se rendirent vite compte que le travail serait bien trop long pour le temps qu'il leur restait.

Pourtant une personne émergea bientôt à la surface de la neige : nul autre que Taurgil, qui avait subi une première avalanche, avait commencé à creuser puis avait senti à nouveau la neige passer au-dessus de lui. Aidé par ses compétences et la larme de Yavanna, il parvint à se dégager assez vite pour ne pas risquer de manquer d'air. Il surprit quelques orcs qui donnaient des coups de lance dans la neige, et qui s'enfuirent à son approche en criant. Apparemment le sorcier leur avait demandé de récupérer les corps des aventuriers et de s'assurer de leur mort, et ils tenaient à lui rendre compte de l'échec de sa stratégie pour au moins l'un d'entre eux. Le rôdeur dúnadan les vit passer par l'entrée de la caverne qu'ils avaient apparemment pris le temps de dégager en partie. Du coup il se dirigea dans leur direction.

Mais bien vite la neige bougea derrière lui : Drilun avait réussi à creuser un tunnel dans la neige bien plus rapidement qu'avec ses mains ou des outils. Grâce à sa magie du feu, il avait fait fondre la neige au-dessus d'eux, à plusieurs reprises, ce qui leur avait permis de sortir assez vite de dessous, contrairement au corps du dragon qui passerait sans doute des années voire des siècles dans le glacier qui se formait sous eux, sans parler de ceux des centaines d'orcs qui avaient probablement tous péris là. Taurgil attendit ses trois amis, puis ils laissèrent Mordin et Dwimfa arriver jusqu'à eux. Il ne manquait plus que le hobbit et la lionne enchantée, mais ils ne s'en faisaient pas trop pour eux. Ils les retrouveraient sans doute à l'intérieur, où ils auraient eu le temps de faire bien des choses, car ils avaient mis du temps à se dégager.

6 - Duel avec Agog
Effectivement, il s'était passé des choses dans les cavernes des orcs. Rob avait fini par arriver dans une grande salle commune pleine de centaines d'orcs, dont beaucoup criaient fort... mais qui se taisaient quand un grand orc avec un cimeterre manifestement magique prenait la parole d'une voix forte. En fait les troupes de base étaient massées d'un côté, face à une grande entrée où des cris de terreur se faisaient entendre : des combats avaient lieu plus loin qui se passaient mal pour les orcs, et certains d'entre eux fuyaient par là mais ils étaient vite repris par des orcs supérieurs avec des fouets, et remis dans les rangs, prêts à combattre. Plus en arrière, l'élite des orcs était là, sur une partie de la caverne qui était un peu surélevée et accessible par quelques escaliers. Cette élite était constituée par des orcs plus grands et mieux équipés, mais ce n'était pas tout : il y avait en fait les orcs de deux tribus, réunis sous la houlette d'un chef charismatique, celui qui tenait la lame magique.

Discret comme toujours, et pressentant ce qui allait arriver, le hobbit arriva à sortir un peu du rang et à se placer dos à la paroi de la caverne, non loin de l'ouverture par où les ennuis étaient en train d'arriver. Comme il s'y attendait, ces ennuis avaient la forme d'un félin enchanté contre lesquels les orcs normaux ne pouvaient rien. Pour autant, le félin en question ne se précipita pas et examina la pièce tranquillement, tandis qu'un ordre était donné et que les pierres de fronde et autres projectiles affluaient dans la direction de la bête qui esquivait la plupart ou qui ne semblait pas particulièrement dérangée par ceux qui la touchaient. Vif, car c'était bien elle, prenait ses précautions et examinait l'endroit où elle allait mettre les pattes. Ce qui lui permit de percevoir une voix différente qui lui parlait dans une langue que les orcs du coin ne risquaient pas de connaître, la langue nordique du Rhovanion. Les membres de l'équipe d'aventuriers l'avaient apprise lors de leurs aventures avec les seigneurs des chevaux, et elle était très proche du Nahaïduk, la langue des Hommes des Bois que parlait Vif. Elle put ainsi facilement repérer Rob, malgré son déguisement.

Elle repéra aussi très bien les orcs de base face à elle, les grands orcs qui donnaient des ordres plus loin, et surtout le chef charismatique avec le cimeterre noir dont elle pouvait elle aussi sentir la magie. Si ce n'était pas Agog qui était là, il ressemblait bien à l'idée qu'elle s'en faisait, et lui au moins était dangereux. Elle vit les membres des deux tribus, mais elle n'avait rien à craindre des orcs de base, seuls les grands orcs pouvaient peut-être la blesser, et certainement Agog. En attendant, il n'était pas à portée, donc elle s'élança dans les rangs des orcs des neiges, après avoir fait un petit signe de tête au hobbit pour lui signaler qu'elle l'avait bien identifié. Et le carnage commença, tandis qu'elle faisait voler les têtes, les membres voire les corps des orcs face à elle. Tant et si bien qu'après un moment une voix forte s'éleva qui ordonna aux orcs, dans leur langue, de s'écarter. Ce qu'ils firent bien vite, pour laisser un large passage à la lionne face à Agog qui l'attendait en faisant des moulinets avec son arme.

Rob profita de la confusion pour gagner l'arrière de la caverne, à proximité de la partie surélevée où se tenaient les officiers. Plutôt que de prendre un escalier qui n'était manifestement pas pour les snagas comme lui, il grimpa discrètement à l'arrière, contre la paroi, pour se glisser silencieusement derrière les officiers qui attendaient des ordres de leur chef. Chef qui attendait tranquillement la lionne enchantée qui s'approchait prudemment. Vif avait auparavant pris la précaution de manger une noix de l'écureuil, cet incroyable stimulant qui donnait davantage de coordination et de vitesse, grâce à la bourse attachée à son cou et qui contenait quelques herbes qu'elle pouvait avaler sans l'aide de personne. Malheureusement, ses sens très développés lui rapportèrent, tandis qu'elle s'approchait d'Agog, une odeur de noix identique à celle qu'elle avait encore dans la bouche et le nez : son adversaire était lui aussi stimulé par cette noix fantastique...

Toute la salle attendait la confrontation en retenant son souffle, tandis que Rob tentait de trouver le meilleur endroit - discrètement - pour voir et agir au mieux de l'intérêt de son amie. Laquelle amie bondit sur la partie surélevée de la caverne en direction d'Agog, juste assez près pour pouvoir faire une esquive au dernier moment. Elle avait repéré que son ennemi tenait quelque chose de caché dans sa main gauche, et elle craignait quelque nouvelle magie. Rob avait également été témoin d'un ordre qu'Agog avait donné à ses lieutenants, qui avaient alors tous mis quelque chose dans leurs oreilles. Agog lui-même semblait porter quelque chose sous son casque qui faisait penser à une protection similaire. Lorsque la lionne bondit, il leva sa main gauche, mais pas pour lancer ce qu'il tenait en direction du corps félin : il lança un petit objet à terre, qui en se brisant déclencha une explosion sonore assourdissante qui ébranla les parois de la grotte... et les tympans de tous ceux présents, Vif la première. Et ses oreilles étaient les plus sensibles de tous les êtres vivants dans la caverne...

Rob s'était bouché les oreilles tout en essayant de prévenir son amie par un cri, mais il fut tout de même étourdi par le bruit puissant ; mais moins que Vif qui en voyait encore trente-six chandelles. Les orcs étaient tous étourdis également, sauf les officiers qui s'étaient protégés, et encore. Officiers qui reçurent l'ordre d'avancer et d'abattre la lionne, qui n'était pas en état de faire plus que se défendre. Heureusement les grands orcs n'avaient pas d'arme magique, et leurs coups ne firent pas plus que de légères contusions dans un premier temps. Puis Agog arriva et utilisa la magie de son épée pour tenter de l'endormir, magie qu'elle repoussa par la force de sa volonté, mais il arriva à la blesser profondément avec sa lame, et elle sentit un poison envahir son corps. Heureusement, malgré la force du poison, son corps était trop résistant et le poison n'était pas entré assez dans la blessure. Puis Agog leva son cimeterre une nouvelle fois et elle sentit une nouvelle magie en déferler, et elle était toujours étourdie...

7 - Cimeterre de mort
Rob avait mis un moment pour retrouver tous ses esprits, et il avait assisté aux déboires de son amie. Tandis que sa tête l'élançait encore, discrètement et comme oublié de tous, il prit position derrière Agog et encocha une flèche. Il vit son amie résister à un charme venu de la lame, la vit blessée sérieusement par la même lame, et vit le cimeterre luire d'une noirceur magique encore plus forte : Agog mettait tous les pouvoirs magiques de son arme dans un coup qui serait fatal, tandis que Vif ne pouvait attaquer ou fuir, pressée de partout par les grands orcs et sans doute encore étourdie. Mais à présent le hobbit avait la tête plus claire, et tandis que le chef des orcs se concentrait sur la magie noire qui émanait de la lame, il visa l'arrière de la tête de l'orc... et relâcha sa flèche.

Le petit voleur avait soigneusement visé, et personne n'avait fait attention à lui : la flèche traversa le cuir du casque, la nuque d'Agog, et Vif vit la flèche ressortir dans la gorge de son ennemi, tandis qu'elle commençait enfin à retrouver les idées claires. Le chef orc s'abattit sans un bruit, tandis que les autres orcs, atterrés, ne bougeaient plus. Puis quelque chose se passa autour de la lame enchantée que tenait auparavant Agog : la noirceur l'enveloppait de plus en plus, et Rob sentit une puissante magie du poison et de la mort. Et cette magie grandissait sans cesse, tandis que Vif retrouvait son ami en quelques bonds et lui demandait de monter sur son dos... après l'avoir remercié pour lui avoir sauvé la vie. Puis elle bondit à vive allure en direction de la sortie principale, par où elle était arrivée.

Peu de temps après avoir quitté la salle, le hobbit et elle sentirent une puissante émanation magique derrière eux, suivie de très nombreux cris, mais ils ne s'arrêtèrent pas pour en découvrir les effets exacts. Vif se dit que cette voie principale qu'elle empruntait avait de fortes chances de l'amener à une sortie quelconque. Lorsqu'elle l'avait prise dans l'autre sens, elle était arrivée par un tunnel secondaire qui descendait depuis l'ouverture en altitude qu'elle avait prise. Là elle continua tout droit, avec en tête deux objectifs : retrouver ses amis restés à l'extérieur, et le sorcier qui venait de Dol Guldur ou Angmar et qui avait aidé Agog à devenir qui il était, notamment en lui fournissant probablement toute sa magie.

Le tunnel principal menait effectivement à l'entrée des cavernes, que Taurgil et les autres avaient commencé à emprunter. Les huit aventuriers se retrouvèrent donc bientôt et se mirent rapidement au courant de leurs expériences respectives. La féline Femme des Bois, toujours blessée, demanda au Dúnadan de la soigner avec de l'athelas et ses mains de roi potentiel, ce qu'il fit - bientôt sa blessure se ferma en partie, et il ne resta plus que l'équivalent d'une blessure légère qui finirait de guérir toute seule avec du temps et des soins. Agog étant mort, restait encore le sorcier à trouver, et Drilun était curieux de voir ce fameux équipement magique que portait le chef orc. Vif fit donc demi-tour et conduisit ses amis jusqu'à la salle où elle avait combattu et été sauvée par le hobbit, salle complètement silencieuse à présent. Pourtant elle était occupée par des centaines d'orcs, tous morts dans d'atroces souffrances semblait-il, comme sous l'effet d'un poison très rapide et douloureux. Un résidu de magie était perceptible sur les corps, comme si c'était bien cela qui les avait tués...

Le corps du grand orc tué par Rob fut retrouvé, mais son cimeterre, même s'il était couvert de runes, ne semblait plus comporter aucune magie. Apparemment les runes enchantées avaient une durée de vie limitée, ou quelque chose de spécial les avait vidées de leur énergie. Le reste de son équipement fut fouillé, sans révéler rien d'extraordinaire, tandis que la féline Femme des Bois partait en quête d'un orc à interroger. Elle revint bientôt avec une de ces créatures, après avoir été la chercher assez loin : il semblait que les orcs survivants s'étaient tous carapatés et s'éloignaient le plus possible de la pièce où ils étaient. Taurgil, très à l'aise avec le parler orc local, put apprendre diverses choses de la part de la créature, qui confirma ce que Rob et Vif avaient constaté : en fait Agog était venu avec une grande partie de sa tribu à lui, dans les cavernes d'une tribu satellite, où ils se trouvaient à présent, et cela depuis plusieurs "jours". Lui et le sorcier avaient préparé la venue des aventuriers, le sorcier avait comme capturé magiquement le ver des cavernes, etc. Et maintenant tous fuyaient les aventuriers.

8 - Sorcier en cavale
Ces derniers prirent encore le temps de récupérer sur place ce qui pouvait l'être, comme des morceaux de viande de phoque ou baleine réservés aux orcs les plus influents, ou des perles d'ivoire volées aux Lossoth. Puis ils se mirent en quête du sorcier : Rob arrivait à sentir sa signature magique à distance, manifestement il fuyait en direction des cavernes des orcs d'où provenait Agog. D'après les informations données par les orcs capturés - car par la suite, Vif en "réquisitionna" plus d'un pour répondre à leurs questions - il y avait l'équivalent d'une demi-journée de marche entre les présentes cavernes et celles d'Agog. Le groupe se mit donc en route après avoir été guidé sur la bonne voie par les orcs disponibles, à leur corps défendant.

Avec l'aide d'une chanson de marche elfique par la grâce d'Isilmë, le groupe progressait vite et sans se fatiguer. Néanmoins ils n'avaient toujours pas rattrapé le fameux sorcier en cavale lorsqu'ils arrivèrent dans le réseau de cavernes de la grosse tribu autrefois gérée par Agog, et d'où il commandait une grande partie des orcs des montagnes. La réputation des aventuriers les précédait, et ils ne rencontrèrent guère de résistance - tous fuyaient face à eux, sans aucun chef charismatique pour les commander. Les orcs les plus intelligents avaient prudemment décidé de partir avec leur petite troupe pour établir leur propre petite tribu ailleurs. Le sorcier, quant à lui, continuait à fuir dans la même direction, et Rob arrivait toujours à le suivre.

Le groupe décida alors de lancer le hobbit et la féline Femme des Bois à ses trousses, afin de gagner du temps. Ce qui fut bientôt fait, et le félin enchanté se précipita à grande allure dans les cavernes des orcs. Au bout d'un moment, le sorcier choisit de prendre des tunnels plus petits, mais cela ne posait aucun problème à la lionne, même avec le petit voleur sur son dos. Un groupe d'orcs fut bientôt rattrapé, dont le sorcier parmi eux... qui n'était en fait qu'un orc normal sur lequel un enchantement avait été lancé par le sorcier : le groupe avait été trompé par un leurre ! Vif revint alors, plus lentement, avec l'orc en question afin de l'interroger ou plutôt le faire interroger par Taurgil. Lorsque les aventuriers se retrouvèrent tous, le sorcier avait eu encore plus de temps pour fuir, et Taurgil et compagnie étaient un peu dépités d'avoir été trompés si facilement. Ils ne s'attendaient pas à tant d'astuce de la part d'un orc, tout uruk qu'il fût, et ils s'en mordaient un peu les doigts.

L'interrogatoire du prisonnier confirma la ruse du sorcier qui était probablement monté dans ses quartiers, au-dessus des cavernes principales, pendant que Vif et ses amis le pourchassaient ailleurs. Il s'agissait en fait d'une zone proche des sommets des montagnes, avec entre autres une ouverture assez large pour permettre à des créatures ailées de bonne taille - comme des petits dragons ou des féroces ailées - d'atterrir et de s'abriter. Il y avait normalement deux féroces à demeure, mais lorsque les aventuriers arrivèrent, ils ne trouvèrent plus personne. Le sorcier était parti avec toutes ses affaires ou il avait brûlé le reste, et il devait être loin d'eux à présent, et sans doute en train de rire de la manière dont il les avait trompés et s'était enfui. Mais bon, Agog était mort, de même que de nombreux orcs, donc l'objectif premier du groupe avait été atteint. Et à présent, quels étaient les nouveaux objectifs du groupe ?

La recherche des artefacts des anciens amis de Dwimfa était toujours présente à leur esprit, mais deux autres choses s'y rajoutèrent à présent : d'une part, certains comme Geralt auraient bien aimé conserver quelques parties du corps du dragon afin de pouvoir servir plus tard pour confectionner des armes ou armures magiques. Bien sûr, l'accès au dragon ou le transport de son cuir ou ses os ne seraient pas faciles, mais après tout il y avait encore de nombreux orcs dans ces montagnes, et ils commençaient à savoir y faire pour les forcer à leur obéir. En parallèle, un problème potentiel s'était ajouté à la liste de leurs objectifs : ils n'avaient plus beaucoup de nourriture. Même en récupérant le peu de viande de phoque, de morse ou de baleine laissée par les orcs, les réserves diminuaient vite et ils risquaient de manquer de vivres, sachant que les montagnes étaient complètement dénuées de toute vie végétale ou animale, à l'exception de rares mousses ou lichen... Et ils ne se voyaient pas pratiquer le cannibalisme sur les orcs et trolls qui pouvaient peupler les montagnes environnantes !

Ils décidèrent alors de se partager en deux groupes, après avoir trouvé de nouveaux orcs à qui commander. Vif, Taurgil et Rob traversèrent les montagnes vers l'est et la mer la plus proche des montagnes, où ils purent attraper du gibier marin et le ramener - ou plutôt le faire ramener - dans les montagnes. Pendant ce temps-là, Geralt et les autres ordonnèrent aux orcs de creuser dans la neige du cirque glaciaire où ils avaient combattu pour permettre au maître-assassin d'accéder à la dépouille du dragon, dont il entreprit de découper les parties du corps qui l'intéressaient le plus - cuir et os essentiellement. Ils se servirent aussi de certains des os pour la confection d'un nouveau traîneau. Tout cela prit l'équivalent d'une dizaine de jours, et si chaque groupe connut quelques petits déboires, aucun véritable problème ne se posa à eux. Restait juste à s'organiser pour le transport des cuirs et os de dragon, et pour la recherche des dépouilles des ex-amis de Dwimfa et leurs possessions enchantées.
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Niemal
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Grand Nord - 27e partie : démons et artefacts

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1 - Voyage et objectifs
Au bout du compte, le groupe s'organisa afin de voyager vers le sud en emportant, en plus du traîneau fait d'os de dragon, pas moins de 80 kg de cuir de dragon imparfaitement traité et 300 kg de viande rapportée de la mer à l'est. Les os de dragon, hormis ceux nécessaires à la confection du traîneau, furent laissés sur place : les elfes de Brumes Éternelles avaient à leur disposition un plein cimetière de dragons juste à côté de chez eux, dont il restait encore quantité d'os bien conservés. A cela il fallait ajouter entre deux et trois cents orcs des neiges "recrutés" pour l'occasion, autrement dit pour servir d'esclaves pour porter ou tirer le traîneau et leur matériel. Geralt en particulier comptait bien profiter de cette main-d'œuvre abondante et docile face à son bagout et son épée pour en faire le moins possible et s'épargner tout effort...

Restait qu'il n'était pas si simple de faire voyager tout cela : le voyage allait durer autant sous la montagne, dans des cavernes taillées par des orcs, que sur la montagne, dans les vallées glaciaires ou à l'assaut de cols difficiles d'accès. Comme en plus Vif ne se voyait pas jouer au chien ou au rêne, même magique, le traîneau devait bien être confié à quelqu'un et avancer sans trop l'abîmer. Sur la neige, sur du plat ou en pente faible, les orcs pourraient s'en charger. Mais dans les cavernes ou sur des pentes plus fortes, comment y arriver ? Comme Mordin, Taurgil et Geralt étaient de taille à commander aux orcs, et que l'un des objectifs était aussi de réduire leur nombre dans les montagnes, la solution fut vite trouvée : nourriture et cuir de dragon seraient répartis entre divers orcs qui seraient soigneusement surveillés, et les petits roublards qui tenteraient de chiper de la nourriture serviraient très vite de nourriture aux autres, pour être ensuite remplacés. Et le traîneau serait porté par les orcs dans les cavernes, puis tiré à l'extérieur par ces mêmes créatures, quitte à les faire crever de fatigue. Il n'y a que dans les endroits les plus délicats et difficiles que Vif leur prêterait main-forte.

Et ainsi fut-il fait. Les étapes réalisées sous terre ou sur terre virent le nombre d'orcs diminuer régulièrement, mais bien moins que ce que certains attendaient. Le vol de nourriture fut réduit à néant, et les orcs comprirent très bien que leurs maîtres étaient bien trop perceptifs et rapides pour eux : il était plus mortel de grappiller une nourriture interdite que de mourir de faim et d'épuisement en la portant, même si au final le résultat ne changeait guère. Et dehors, très peu de porteurs orcs faillirent-ils à leur tâche, donc très peu de viande fut perdue dans une chute au bas de falaises et montagnes. Au bout de six étapes équivalant peut-être à six jours, toute la caravane avait traversé les montagnes vers le sud jusqu'à un secteur où les orcs n'allaient jamais : ceux qui le faisaient n'en revenaient pas. C'était un secteur où les montagnes étaient les plus hautes, le vent le plus fort, l'air le plus froid, et où Eloeklo, Démon du Vent du Nord, rôdait souvent. Un endroit où les invités n'étaient pas les bienvenus, ce que les orcs savaient bien. Pourtant c'est bien là où le groupe voulait aller, car c'est là que devaient se trouver les restes du bateau volant et les corps des anciens amis de Dwimfa, avec nombre de précieux artefacts qui seraient bien utiles au groupe.

Mais l'emplacement desdits artefacts n'était pas si évident que cela à trouver. A l'aide de sa divination, Drilun avait par le passé réussi à apprendre bien des choses sur leur position présumée, mais une partie de son savoir reposait sur des interprétations peut-être susceptibles d'être affinées. Il reprit donc ses cailloux afin de les interroger magiquement. Assez rapidement, comme beaucoup s'en doutaient, il fut clair que Gillowen, la magicienne elfe possédée par l'esprit d'Eloeklo, était en possession de certains des meilleurs artefacts, comme par exemple : le Suimbalmynas, un recueil de runes très complet réalisé par d'anciens magiciens nordiques ; une amulette chauve-souris permettant de faciliter le lancement de certains sorts et de se transformer en une telle créature ; un bijou permettant de contrôler les créatures marines et de stimuler sa magie, entre autres multiples propriétés ; et un bâton de foudre capable d'appeler et manipuler les éclairs. La magicienne en question n'était d'ailleurs pas si loin que ça de l'emplacement des aventuriers.

Restaient bien d'autres objets magiques abandonnés ou laissés sur les corps des anciens amis de Dwimfa. Ainsi l'Homme des Bois avait-il évoqué une améthyste magique, portée par Tank-Er, capable de détecter les ennemis voire de les gêner, entre autres choses. Le nain Enhar, quant à lui, possédait diverses armes redoutables comme une masse de pierre magique, mortelle pour les fantômes ou permettant à son porteur de se transformer en pierre. Ou encore une hache de lancer très douée pour briser les armures ennemies. Pour ne rien dire d'une armure de mithril ou d'un marteau de guerre du même métal. Dinyondo, autre elfe et ancien amant de Gillowen, portait sur lui un médaillon lié à sa belle et permettant de connaître sa position voire son état ou ses sentiments. Il avait aussi, entre autres choses, un arc tueur de dragon, un anneau stimulant sa magie ou une statuette de cheval pouvant se transformer en un cheval lourd infatigable. Et Arang, dernier mais non le moindre, avait diverses épées redoutables, dont Gwaedhel, l'épée "sœur de serment", qui en plus d'être particulièrement mortelle au combat, avait de nombreux autres pouvoirs entre les mains d'un seigneur dúnadan. Ainsi qu'un arc de lumière ne nécessitant pas de flèche ou une amulette capable d'appeler une boule de feu magique et vivante, et de la contrôler. Cette amulette appartenait d'ailleurs autrefois à la famille Eldanar ("feu elfique"), dont Narmegil, ancien membre du groupe, faisait partie.

2 - Questions et divinations
De par de précédentes questions, Drilun savait qu'un certain nombre d'objets magiques des anciens amis de l'Homme des Bois n'avaient pas été retrouvés, ce qu'il avait interprété comme "non déplacés". A côté de cela, en plus des objets récupérés par la magicienne possédée par Eloeklo, d'autres avaient été déplacés. Les raisons ou positions exactes n'étaient pas très clairs, mais l'archer-magicien du groupe pensait que les corps des anciens aventuriers, ainsi que leurs possessions, se trouvaient plus ou moins à deux endroits : un site correspondant au crash du bateau, probablement à flanc de falaise ou quelque chose d'équivalent, d'après une ancienne vision des voyants de Fornost dont il pensait se souvenir ; et un autre lieu un peu plus loin, mais globalement dans le même secteur qu'ils approchaient à présent.

Les cailloux de Drilun se mirent bientôt à voler, avant de retomber autour d'une ligne tracée sur le sol, lui permettant de répondre par oui ou par non à une question qu'il visualisait en faisant sa magie divinatoire. La quantité de pierres de chaque côté permettait de nuancer la réponse et laissait place à une certaine interprétation, même s'il était parfois possible de penser que la magie ne fonctionnait pas, peut-être parce que certains objets ou lieux étaient masqués magiquement. Le groupe lui-même utilisait souvent ainsi l'anneau elfique porté par Isilmë - et pris à Gillowen - qui avait le pouvoir de les masquer aux divinations magiques de leurs ennemis, comme Canadras par exemple. Et les aventuriers avaient déjà rencontré par le passé des personnes, lieux ou objets qui étaient dissimulés magiquement de manière similaire.

Et il semblait bien que ce fût encore le cas ici : certains des objets que Drilun tentait de localiser sur une carte, en la partageant de lignes diverses, ne correspondaient pas à leur localisation présupposée. C'était en particulier vrai pour les objets portés par Arang, le seigneur dúnadan de l'ancien groupe, à l'exception d'un objet que Gillowen avait récupéré, l'Eargil ("Etoile de Mer"), aux pouvoirs sur les créatures marines. Malgré toute son intelligence, le Dunéen ne voyait pas comment concilier le résultat de ses anciennes divinations avec les nouvelles. Il semblait bien que les objets avaient bougé sans avoir été trouvés. Ses amis avancèrent l'idée que peut-être y avait-il une raison naturelle à cela : objets déplacés par une créature sans s'en apercevoir, chute du corps en dehors du bateau avant le crash, jusqu'à une autre destination éloignée... Certains aventuriers se demandèrent même si Arang n'avait pas survécu, en cachette, même si Dwimfa trouvait cela assez difficile à envisager.

Comme par ailleurs les divinations concernant les objets d'Arang étaient étonnamment régulières et précises quant à leur résultat, cela fit dire à certains comme Geralt qu'il n'y avait pas de protection magique, qui se traduirait sûrement par des résultats aléatoires. Non, le corps d'Arang et ses objets, ou du moins ceux qu'il avait conservés, devaient être dans un autre lieu, loin d'ici. En fait, en partant de cette hypothèse, les interprétations des cailloux lancés par Drilun devenaient vite logiques et le lieu assez facile à déterminer : le grand Dúnadan et porteur de nombreux artefacts était au nord, peut-être à une dizaine de jours de "marche" de l'emplacement actuel des aventuriers. Autrement dit, ils avaient fait ce voyage pour rien, ils s'étaient même complètement trompés de direction !

Pas tout à fait pour rien cependant : les trois autres corps restaient proches, même s'ils semblaient bien être en deux endroits séparés. Dinyondo devait être séparé des autres pour une raison inconnue, à un endroit proche du col que les elfes de Brumes Éternelles avaient pris lorsqu'ils étaient pourchassés par les sbires de Sauron, au Second Âge. Un endroit où leur chef avait combattu Eloeklo pour permettre aux siens de s'échapper, et où il était mort. D'après les histoires racontées, son corps était encore présent quelque part sur le lieu du combat, paralysé pour l'éternité dans un bloc de glace. Les autres, Enhar et Tank-Er, devaient être sur ou autour du lieu où le bateau volant s'était échoué.

3 - L'appel du démon
Néanmoins, les corps et artefacts étaient chasse gardée d'Eloeklo, à savoir dans une zone des montagnes où il semblait qu'il ne tolérait guère les intrus. Les aventuriers avaient parlé plus d'une fois de dérober les objets au Maia en utilisant la discrétion, en particulier celle du hobbit. Néanmoins, Taurgil voyait les choses autrement, et il avait fortement envie d'appeler le Démon du Vent du Nord pour tailler un peu le bout de gras avec lui. Après tout, c'était tout de même dans l'intérêt du démon que le groupe fût bien préparé à la suite, qui nécessitait entre autres de se confronter à Durlach, balrog ("démon de puissance") enfermé magiquement au sein du Puits de Morgoth. L'équipe et ses orcs se tenaient alors juste à la sortie d'une caverne d'orcs des neiges, l'endroit le plus proche du domaine d'Eloeklo où ces créatures osaient aller. Il y avait toujours un vent glacial à cet endroit des montagnes, et il lança plusieurs fois le nom du démon dans l'air et le vent.

Après un certain temps, la lionne enchantée annonça à ses amis qui pouvaient la comprendre qu'elle entendait comme une tempête arriver dans leur direction depuis des sommets encore lointains. Peu après c'est Rob qui annonça sentir une puissante magie arriver du côté que Vif avait pointé. Un peu plus tard, les autres membres perceptifs du groupe, tels que Geralt ou Isilmë, perçurent eux aussi que le temps changeait et qu'une tempête venait à eux avec davantage de froid, de vent et de neige. Il devenait de plus en plus difficile de rester à l'extérieur, et certains commencèrent à faire demi-tour pour rentrer sous terre avant d'être emportés par le vent. Le grand Dúnadan tint bon et resta sur place, bien décidé à attendre le démon, mais il était bien le seul à vouloir rester dehors.

Pourtant il ne fut pas le seul : Drilun avait lancé un sort pour diminuer la force des éléments, mais sans aucune conséquence visible. Par contre les rafales de vent avaient fini par le déséquilibrer et il commença à être emporté... avant que la main ferme de Geralt, assez rapide pour arriver à s'accrocher à lui, ne pût ralentir sa progression. Taurgil y rajouta encore tout son poids et freina un peu plus le déplacement forcé de ses deux amis. En fin de compte, Vif rebroussa chemin et se précipita sur eux malgré les éléments, les plaquant tous au sol et les protégeant de son corps lourd et puissant, tandis que plus loin, les autres aventuriers et les orcs se terraient et ne pouvaient plus même percevoir leurs amis ou maîtres, complètement enveloppés par une tornade de vent et de neige...

Au bout d'un moment la pression sur les quatre amis au cœur de la tourmente diminua, mais pas le bruit du vent autour d'eux. Ils se rendirent compte qu'en fait ils se trouvaient au beau milieu d'une tornade de neige qui faisait comme une tour de flocons blancs tournant à toute vitesse autour d'eux, dans une zone de calme très relatif. D'une certaine manière ils étaient prisonniers de cette tornade qui ne bougeait pas, piégés par la magie d'Eloeklo qui pouvait les balayer d'une simple pensée. Ils l'avaient appelé, et il était bien là, même si ça présence physique n'était pas vraiment perceptible tellement elle était mélangée aux éléments. Et ils attendirent qu'elle se manifestât davantage, tout en résistant du mieux possible à l'agressivité des éléments. Heureusement ils étaient bien équipés et s'étaient bien préparés.

Comme Eloeklo ne se manifestait toujours pas, Taurgil eut quelques mots légers à l'adresse du démon, de l'air de celui qui n'a aucune peur, avec le sentiment d'être protégé de par son utilité aux yeux de cette espèce de demi-dieu local. Manifestement, ce dernier n'allait pas gâcher facilement des outils très prometteurs susceptibles de l'aider à le délivrer de sa prison magique. Comme tout bon démon de puissance qui se respecte, il jouait avec eux en essayant de leur procurer les frissons (dans tous les sens du terme) de leur vie, mais ça ne marchait pas avec lui. Quoi qu'il en fût, Eloeklo finit par sortir de son silence pour répondre aux piques du grand rôdeur. Il n'avait pas l'air très content, et la confrontation verbale allait enfin pouvoir commencer.

4 - Confrontation verbale
Le démon montra très vite de l'impatience voire de la colère à être dérangé par des serviteurs qui ne progressaient guère dans la tâche qui leur avait été confiée. Il demanda donc des explications lourdement teintées de menaces, comme des bonnes raisons de ne pas anéantir le groupe s'il n'avait rien de concret à lui offrir. Ce à quoi Taurgil argumenta que les progrès étaient nombreux et que se passer de l'aide de ses compagnons et lui serait une lourde erreur. Mais que par contre cette aide serait d'autant plus efficace et valorisée si Eloeklo consentait à confier aux aventuriers des objets qui ne lui servaient aucunement, mais qui pouvaient faire toute la différence pour eux. Comme d'ailleurs cela avait été convenu par le passé lorsqu'ils avaient passé un accord en ce sens...

Et il avança entre autres éléments le fait que ses amis et lui savaient à présent comment invoquer Durlach, qui habitait le cœur du Puits de Morgoth, en dehors de chez lui. Mais que ce savoir appris auprès de Canadras se heurtait à une chose à peu près impossible à trouver : un feu assez intense ou grand pour brûler des créatures intelligentes en nombre suffisant pour peser autant que le corps du balrog enfermé dans le puits de lave. Sans parler de la difficulté à réunir - vivants - un millier d'orcs, une centaine de trolls, une trentaine de géants ou une dizaine de dragons pour les faire brûler vif... Bref, l'idée était bien de convoquer Durlach sur le domaine d'Eloeklo, ce dernier pouvant beaucoup aider à éliminer le premier. Mais trouver un feu assez puissant sur le domaine le plus froid du Grand Nord semblait un peu contradictoire.

Le Démon du Vent du Nord parut quelque peu satisfait de cette information, comme si la perspective de devenir peut-être la nouvelle entité la plus forte de la région lui plaisait, ou juste de pouvoir éliminer son ancien rival. Par ailleurs, il annonça aux aventuriers présents qu'une solution existait pour la réalisation d'un pareil rituel et de la chaleur intense nécessaire. En effet, les montagnes hébergeaient peut-être bien cette énergie quelque part, même s'il ne précisa pas sa nature, géologique ou magique. Par ailleurs, il pressa aussi Taurgil de questions quant à la possibilité de pouvoir voyager physiquement jusqu'au Puits de Morgoth, où le rituel qui pourrait le libérer de sa prison pourrait être fait. Mais le rôdeur dúnadan se montra plus évasif, même si manifestement le démon sembla penser que Canadras avait renseigné les aventuriers. Par contre, aucun progrès concernant Tevildo ne fut avancé. Ce qui ne contraria pas le démon : pour lui, il serait facile de piéger Tevildo ou plutôt le corps qu'il possédait, et de l'éliminer : quand le Prince des Chats ne pourrait plus posséder personne, il quitterait la Terre du Milieu pour toujours...

Au bout d'un moment, le démon finit par éclater de rire quand il comprit à quoi servait l'argumentaire et les flatteries du Dúnadan : à obtenir de lui la permission d'aller récupérer les artefacts des anciens amis de Dwimfa, artefacts pour une bonne partie inutilisés. Il admit d'ailleurs avoir récupéré certains d'entre eux grâce au corps de Gillowen qu'il possédait, et donc que ces objets n'iraient pas à Taurgil et ses amis, malgré l'insistance du grand rôdeur. Mais au cours de la conversation, il permit au groupe de résoudre le problème lié au déplacement du corps d'Arang, le noble Dúnadan du sud du Gondor qui portait les meilleurs artefacts. En effet, si Eloeklo, à travers Gillowen, avait récupéré au moins un des artefacts qu'il portait, il semblait qu'un autre l'avait blessé par son contact ou sa proximité : aussi se vanta-t-il d'avoir jeté le corps sans vie du grand guerrier loin au nord...

Au bout du compte, le Démon du Vent du Nord sembla apprécier l'entretien avec le grand rôdeur dúnadan, et il lui donna donc quitus pour aller récupérer les artefacts convoités... à condition de les trouver. Bref, il permettait aux aventuriers de passer sur son territoire pour y faire leurs recherches, ce qui en soi pouvait s'avérer un beau défi. Puis il rompit le dialogue et prit congé de Taurgil et des autres. Le temps se calma très vite, à tel point que les quatre aventuriers se retrouvèrent au centre d'une tour de neige s'élevant au-dessus d'eux, tour qui ne put rester ainsi sans les vents violents qui l'avaient érigée. Une importante masse neigeuse s'abattit sur les quatre amis, qui heureusement commençaient à être rompus à cet exercice de sauvetage hors d'une petite montagne de poudreuse... Et ainsi purent-ils rejoindre leurs amis et les mettre au courant de ce qui s'était passé.

Un peu plus tard, Vif demanda en songe à son patron et ascendant, Tevildo lui-même, ce qu'il pensait de cet entretien auquel elle avait participé silencieusement, mais que le Prince des Chats n'avait certainement pas ignoré. Ce dernier se montra extrêmement méprisant envers Eloeklo, le considérant manifestement comme une brute et un imbécile qu'il serait facile de tromper. Ce qui fut jugé très intéressant par Taurgil et ses amis : chaque Maia avait manifestement ses petits secrets et pouvoirs, sensés - dans l'esprit de chacun - lui donner l'avantage, ce qui promettait une lutte délicate dont pouvaient profiter Vif et ses compagnons. Restait tout de même que Tevildo lisait dans l'esprit de la plupart des aventuriers, ce qui n'était pas le cas d'Eloeklo. Le premier serait donc sans doute plus délicat à manipuler...

5 - Montagnes inhospitalières
Mais pour l'instant, l'objectif premier était de récupérer des artefacts sensés se trouver quelque part dans les montagnes proches. Maintenant que le passage était à peu près garanti, restait à se rendre sur place et à les trouver. La zone à fouiller avait été circonscrite à une zone, certes petite sur la carte du groupe, mais passablement immense dans la réalité. Taurgil et ses compagnons comptaient sur leurs considérables ressources physiques ou magiques pour arriver à les dénicher malgré l'immensité de la tâche : entre les sorts divinatoires de Drilun, la fine perception de la magie de Rob ou les fantastiques sens félins de Vif, cela paraissait tout à fait à leur portée. Restait quand même à se rendre sur place, ce qui ne serait pas une mince affaire.

Après de multiples débats, il fut décidé de se séparer des orcs de la manière la plus pratique et utilitaire possible : en les tuant à la tâche. Le groupe partit donc dans une direction jugée conforme aux prévisions de Drilun, en faisant tirer le traîneau d'os de dragon par les orcs des neiges. Lorsque les voyages en fond de vallée furent terminés, les orcs durent monter à l'assaut des crêtes avec leur lourd chargement. Une partie en moururent, d'autres tombèrent - littéralement - de fatigue et connurent le même sort, et ceux qui tentèrent de s'enfuir servirent d'exemple aux autres, qui comprirent vite à quel point leurs options étaient limitées. Au bout d'une journée, leur nombre avait fortement réduit, mais il n'était plus possible de continuer ainsi : c'était en dehors des capacités des orcs de faire avancer plus le traîneau... et des aventuriers pareillement.

Il fallait donc se lancer à l'ascension des pires sommets enneigés et battus par les vents glaciaux des Montagnes de la Désolation (Ered Muil), où personne ne vivait, aucun animal ou être pensant, ni aucun végétal : dans la zone à explorer, même les mousses ou lichens étaient absents. Et lorsque les meilleurs grimpeurs du groupe firent part de leur évaluation aux autres, certains blêmirent : entre les parois raides couvertes de neige et de glace, les vents violents et le froid terrible, sans parler de la distance, la tâche paraissait proche de l'impossible pour une partie des moins bons grimpeurs. A tout le moins ils allaient tellement ralentir leurs compagnons que la nourriture allait vite leur faire défaut, même en utilisant les inereneraban portés par certains membres du groupe : ces merveilleuses boîtes de bois travaillé étaient enchantées par le savoir-faire des Hommes des Bois, et permettaient de rendre la nourriture placée en son sein bien plus nourrissante qu'en réalité.

Le débat porta alors sur un choix à faire : partir tous en prenant le temps qu'il fallait pour arriver au but recherché, estimé au strict minimum à dix jours si tout se passait bien - ce qui semblait irréaliste ? Plus du temps passé à chercher, et encore autant pour revenir. Ou limiter l'expédition aux meilleurs grimpeurs, aux plus perceptifs et à l'aise dans la nature inhospitalière des lieux ? Ce fut un vaste débat : fallait-il envoyer Drilun, dont la magie divinatoire serait un réel atout mais qui n'était pas très bon grimpeur ? Rob ou Dwimfa, très bons grimpeurs, perceptifs et débrouillards, mais à l'endurance plus limitée, pourraient-ils être à la hauteur du défi ? Quelle serait l'utilité de chacun dans une telle expédition, quelle vitesse adopter ? Vif, plus perceptive et sans doute la meilleure grimpeuse, pouvait-elle faire le voyage en portant un ou des compagnons, sachant que leur poids allait fortement la handicaper ? Et comment ferait-elle pour supporter le froid trop glacial même pour sa fourrure magique ?

Au bout du compte, la rapidité fut choisie : la lionne et le hobbit partiraient seuls, pendant que les autres rebrousseraient chemin vers les cavernes des orcs, où Drilun pourrait toujours occuper son temps à couvrir leurs objets de runes magiques. Rob irait d'abord par ses propres moyens, et quand son endurance serait épuisée, il monterait sur le dos de sa féline compagne. En dehors de son excellent équipement, il aurait avec lui la dague magique permettant de résister au froid portée par Taurgil. Quant à Vif, en plus de son habit de peau, elle serait constamment enduite de l'onguent de résistance au froid réalisé par les elfes de Brumes Éternelles et dont ils avaient une bonne quantité. Le hobbit et elle en prendraient une bonne réserve pour qu'elle puisse faire l'aller et le retour, sans parler des recherches, sans être importunée par le froid des lieux.

6 - Tombe glacée
Le premier objectif des deux aventuriers serait de trouver le corps de Dinyondo, qui avait été déplacé après le crash du bateau volant pour quelque obscure raison. Entre les ultimes éléments apportés par les divinations de l'archer-magicien et les informations données par les elfes de Brumes Éternelles, la lionne enchantée se dit que cela ne devrait pas être aussi difficile que se rendre là-bas, au col emprunté par les elfes. D'autant que leur chef avait combattu là Eloeklo, et son corps était censé s'y trouver toujours, dans une gangue de glace qui ne serait sans doute pas trop dure à percevoir. Et Rob pouvait sentir la magie des objets puissants même à travers la neige, donc à eux deux cela devait être à leur portée.

Ils partirent donc comme prévu. La difficulté était immense, jamais ils n'avaient traversé des montagnes dans des conditions aussi difficiles. Ils se rendirent vite compte que la plupart de leurs amis n'auraient pas pu suivre, et certainement pas avec une telle vitesse. Le hobbit, telle une véritable araignée, arrivait sans mal à suivre la lionne enchantée. Mais après plusieurs heures d'une escalade extrême, son corps dut admettre ses limites et il finit par arrêter, épuisé. Mais un harnais avait été préparé à son attention par ses amis et il prit place dedans. Ce fut au tour de la féline Femme des Bois de souffrir davantage de la fatigue liée au poids de son ami, mais elle put tenir bon quelques heures de plus avant de devoir s'arrêter pour se reposer et même dormir.

Et ainsi les deux amis continuèrent-ils à bonne allure. Ils n'étaient plus guidés par les sorts de l'archer-magicien, mais les perceptions et l'aisance de Vif lui permirent de poursuivre dans ce qu'elle estimait être la bonne direction, sans souffrir du froid ou du manque de nourriture. Entre les griffes de l'une, l'équipement de l'autre, et leurs incroyables perceptions, ils évitaient tous les pièges de ces inhospitalières montagnes et progressèrent sans être inquiétés. Après l'équivalent de cinq jours d'avancée acharnée, la lionne enchantée estimait qu'ils avaient parcouru à vol d'oiseau l'équivalent d'une vingtaine de miles dans ce terrain particulièrement difficile, et ils ne devaient pas se trouver loin de l'emplacement de la tombe glacée du chef des elfes de Brumes Éternelles, près de laquelle le corps de Dinyondo devait se trouver.

Au bout du compte, le col entre certaines montagnes ne fut pas trop dur à trouver, d'autant que le hobbit sentait comme une magie ancienne et diffuse émaner des lieux. En fait, la Femme des Bois était également sensible à la magie, et avec ses oreilles incroyablement sensibles, il lui semblait comme entendre les échos d'un chant très ancien dans le bruit du vent puissant qui soufflait à cet endroit des montagnes. Cela les aida donc peut-être un peu à arriver au col dont les elfes de Brumes Éternelles leur avaient parlé, et qui avait été bien difficile à atteindre. Pourtant ceux parmi les elfes pourchassés qui n'avaient pas voulu tenter ce passage présumé infranchissable avaient tous été attrapés par les armées de Sauron et avaient péri après avoir été torturés...

Et une fois au col magique et quelque peu plus calme qu'aux alentours, ils n'eurent aucun mal à distinguer comme un menhir ou obélisque translucide au milieu du terrain. Il était fait de glace pure et transparente dans laquelle se tenait le corps d'un ancien et grand elfe, beau jusque dans la mort. Ce devait donc être le corps de Lindor, qui s'était sacrifié pour occuper Eloeklo et permettre aux siens de passer le col jusqu'à un lieu plus sûr. Et non loin de sa tombe glacée, et malgré le vent et la neige, Vif distingua un monticule de neige qui semblait tout sauf naturel. Ses pattes eurent vite fait de creuser dans la neige glacée, et elle finit par déterrer ou plutôt déneiger un elfe bien plus petit et moins impressionnant : c'était un elfe sylvestre de la Lorien, dont le corps avait été manifestement brisé par un choc très puissant. Rob et Vif avaient retrouvé le corps de Dinyondo, ainsi que son équipement, ou du moins une bonne partie de l'équipement qu'il portait au moment où il avait rejoint les cavernes de Mandos puis Valinor... où il devait encore attendre l'arrivée de Gillowen pour être enfin réunis.

7 - Crash et glacier
Soigneusement, le corps de l'elfe fut débarrassé de possessions dont il n'aurait plus jamais besoin, comme par exemple : une hache dont le métal ressemblait fichtrement à du mithril, un arc couvert de runes et des flèches à la pointe de mithril elles aussi, des brassards de peau écailleuse qui provenait sans doute du corps d'un dragon, une statuette de cheval dont Dwimfa leur avait vanté les propriétés magiques, et un bijou au bout d'une chaîne, pendentif qui avait un lien mystique avec Gillowen et qui permettait autrefois aux amants d'être toujours ensemble malgré la distance. Puis le corps brisé fut remis dans sa tombe de neige glacée tandis que les deux aventuriers se demandaient qui l'avait mis là et pourquoi. Un petit camp fut installé et Rob s'abandonna bientôt à un sommeil réparateur dont son corps fatigué avait bien besoin.

Tandis qu'il dormait, sa compagne féline se mit à explorer les environs. Elle chercha une vallée proche sur les parois de laquelle le vaisseau magique avait pu s'écraser, comme décrit ou plutôt rappelé par Drilun. Après quelques heures de fouille dans les alentours, elle pensa avoir découvert les ruines d'un vaisseau couvert de neige glacée. Après un peu d'escalade, cela fut bientôt confirmé par une exploration plus minutieuse, et elle put bientôt explorer le reste du bateau volant dont émanait encore de la magie perceptible à ses sens. Elle trouva le corps glacé et sans vie d'une personne, sans doute le Dunéen du pays de Dun appelé Tank-Er, d'après la description qu'en avait faite Dwimfa. En revanche, son compagnon nain manquait à l'appel dans les entrailles brisées du vaisseau.

En fouillant un peu plus, Vif finit par trouver où il était caché : il avait dû tomber ou être jeté au fond de la vallée, et son corps avait glissé dans une crevasse peu profonde, mais qui s'était en bonne partie refermée sur lui. Malgré toute sa souplesse, la lionne ne pouvait pas s'y faufiler, et découper la glace, même à l'aide de ses pattes robustes, risquait de lui prendre bien du temps. Elle retourna donc chercher son petit ami et le ramena bientôt sur place. Sans trop de mal, grâce à sa très grande souplesse, il put descendre dans la crevasse à moitié refermée et parvint vite au corps brisé du nain, qui n'était qu'à quelques pas de la surface du glacier où il était tombé.

Malheureusement la dépouille était un peu trop enchâssée dans la glace pour pouvoir facilement lui retirer certaines parties de son équipement, comme l'armure de mithril ou le marteau de guerre du même métal. Non sans mal et après avoir découpé la glace autour de certaines parties du corps à l'aide de la dague enchantée, il put tout de même ôter du cadavre ses gants et sa hache de lancer magiques, ainsi qu'une masse de pierre permettant à son porteur de se transformer en pierre lui aussi, toujours d'après Dwimfa. De toute manière il faisait confiance à Drilun pour leur détailler les pouvoirs exacts des objets magiques lorsqu'ils l'auraient retrouvé. Avec l'améthyste et le bracelet magiques récupérés sur le corps de Tank-Er, et les artefacts portés par Dinyondo, les deux amis se dirent que leur petite expédition avait été couronnée de succès.

Ils repartirent donc après une période de repos nécessaire pour la lionne enchantée. Le voyage de retour fut tout aussi difficile qu'à l'aller, d'autant qu'ils étaient légèrement plus chargés. Ils connaissaient déjà un peu le chemin et réussirent à ne pas se perdre, ce qui était tout sauf facile dans cet environnement. Ils retrouvèrent la vallée où ils s'étaient séparés de leurs compagnons, et après l'avoir suivie ils retrouvèrent enfin les grottes des orcs où leurs amis avaient tué le temps (et des orcs) en les attendant. Plus exactement, l'archer-magicien dunéen avait passé une bonne partie de son temps à couvrir de runes magiques le traîneau d'os de dragon qu'ils avaient fabriqué, de manière à en alléger magiquement son contenu, ce qui allait leur servir dans les jours prochains. Au final, la petite excursion du hobbit et de la Femme des Bois avait duré l'équivalent d'une douzaine de jours...

8 - Le dernier et non le moindre
Les aventuriers furent donc enfin réunis, et Rob put faire le récit de leur petite escapade. Les objets rapportés furent examinés par Drilun, leurs pouvoirs détaillés en grande partie, et ils furent répartis entre les personnes présentes. Le petit voleur hérita du médaillon lié à Gillowen, et il arriva, en se concentrant, à ressentir non seulement la direction de son emplacement présent, mais aussi sa distance, son état de santé... et l'absence complète d'émotions qui l'habitait. Ce qui ne surprit pas certains des aventuriers : la réelle magicienne elfe ne possédait pas son corps, et son âme devait être enfermée quelque part loin au sud. En fait Dwimfa et ses amis pensaient qu'elle était enfermée dans un bijou magique qui avait été confié à une grande araignée-démon non loin de la cité de Minas Ithil, la "Tour de la Lune", dans le Gondor... Une créature très puissante, trop même, et qui avait eu raison de deux des leurs.

Restait tout de même des artefacts à récupérer sur le corps d'Arang, noble Dúnadan de la famille du Mornan, dans le sud du Gondor. Dans les mains d'un autre noble Dúnadan comme Taurgil, certains seraient d'une aide précieuse pour la suite des aventures du groupe. Lequel groupe se prépara donc à repartir pour cette dernière quête des artefacts : le Dunéen et archer-magicien fut mis à nouveau à contribution, et ses cailloux divinatoires permirent une fois de plus de cerner le secteur des montagnes où il fallait aller chercher. L'essentiel du trajet se ferait sous terre, dans les cavernes des orcs, et parfois à l'extérieur. Il n'y avait plus d'orc sous les ordres des aventuriers : tous étaient morts, et les autres qui vivaient aux alentours évitaient soigneusement l'équipe. Il serait sûrement possible d'en capturer quelques-uns çà et là pour obtenir des indications sur les chemins et tunnels à prendre, mais ce serait tout : impossible d'en faire de nouveaux esclaves, ils savaient trop bien que seule la mort les attendait et ils fuyaient au plus vite dès que l'écho du groupe retentissait dans les ténèbres...

Ils partirent donc vers le nord sans l'aide (hormis forcée et ponctuelle) des orcs des neiges. Hormis Rob et Vif, trop bas sur patte, et Geralt, trop feignant, tous portèrent le traîneau dans les tunnels tandis que la lionne enchantée était couverte de paquets. Dehors, elle tirait le traîneau dans les vallées jusqu'aux cavernes suivantes. Au bout de quelques jours, le groupe arriva non loin de certaines des montagnes les plus hautes du nord de la chaîne de montagnes, près desquelles le corps d'Arang avait été jeté. Mais le traîneau ne pouvait pas aller plus loin, il n'était pas fait pour la haute montagne. Il fallait le laisser de côté et aller retrouver la vallée glaciaire où le corps du grand Dúnadan décédé avait été abandonné, d'après les sorts de divination de Drilun. Sorts que le Dunéen ne pourrait plus faire au fur et à mesure que le groupe se rapprocherait du nord et d'un puissant dragon magicien à qui ils avaient faussé compagnie il y a peu, en lui empruntant quelques objets de son trésor personnel...

Une fois de plus se posa la question des personnes susceptibles d'accomplir la fin du voyage et le repérage du site de la dépouille. Une fois encore, il parut plus judicieux d'envoyer une équipe plus réduite, plus rapide : l'archer-magicien dunéen irait avec Vif, probablement le plus souvent sur son dos, afin de jouer les éclaireurs avec leurs moyens magiques (masqués par la présence à son doigt de l'anneau elfique prêté - non sans mal - par Isilmë) ou plus traditionnels. Ce qu'ils firent donc, tandis que le reste de l'équipe établissait un camp. La lionne et le Dunéen progressèrent donc, les sens aux aguets, du moins surtout ceux de la féline Femme des Bois : cela faisait un moment que le démon Andalónil avait été repéré à voler au-dessus d'eux dès que le temps le permettait, ce qui était le cas en ce moment. Par ailleurs, plutôt de de passer dans chaque vallée des environs les deux amis choisirent plutôt de grimper à la plus haute montagne et d'examiner les vallées au loin, en profitant du temps clair présent.

Ce qu'ils firent donc. Tandis qu'ils progressaient en altitude, ils firent un arrêt et examinèrent les environs. Une vallée glaciaire non éloignée attira leur attention et Vif décida d'y concentrer ses sens mystiques. A sa grande surprise et à son grand soulagement, elle perçut la présence de magie dans cette direction, signe manifeste que le corps d'Arang, avec les artefacts qu'il portait, était proche. Ils allaient donc pouvoir retrouver les autres et chercher tous ensemble, maintenant qu'ils savaient où aller. Mais ils furent interrompus par un bruyant applaudissement au-dessus d'eux : la silhouette ailée d'Andalónil volait un peu plus haut, hors de portée des flèches de l'archer-magicien. Et le démon les félicita d'avoir retrouvé si vite le corps du Dúnadan qu'il avait enfoui si loin, comme son maître lui avait demandé. Il les félicita bruyamment, très bruyamment même, en utilisant manifestement de magie pour augmenter la portée de sa voix. Or Vif et Drilun n'étaient plus très loin de la zone patrouillée par Canadras ; en fait la lionne arrivait même à distinguer depuis leur position Orod Certhas, la "Montagne des Runes", où le dragon passait une partie de son temps.

Aucune surprise, alors, à ce que la lionne enchantée remarquât peu après un petit point sur l'horizon, au nord, petit point qui grossissait et venait dans leur direction et qui avait la mauvaise idée de ressembler à un grand monstre capable de réduire le groupe en purée (pour dragon)... Très vite, avant même de trouver un abri pour eux, elle se mit à rugir en direction de ses amis laissés un certain nombre d'heures auparavant. Par chance, loin de là, Geralt était en train de veiller, tandis que d'autres se reposaient. Son ouïe fine lui permit de repérer et bientôt identifier les sons puissants qui se répercutaient et s'amplifiaient sur les parois des montagnes. Il activa alors le tour d'oreille magique créé par Drilun pour comprendre le parler félin de la lionne, qu'il put enfin déchiffrer. Le message était court, mais limpide : "Canadras arrive"... Avec un juron, il se leva d'un bond et se précipita pour prévenir ses amis.
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Niemal
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Grand Nord - 28e partie : dragon et abysses

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1 - Tous aux abris !
Le groupe était donc coupé en deux, ce qui entraînait un problème de taille : Canadras était un excellent magicien, capable de repérer la magie même passive assez facilement... si elle n'était pas masquée, comme par exemple avec l'anneau elfique pris à Gillowen. Cet anneau avait permis au groupe d'échapper au dragon-magicien plus d'une fois, quand tous les aventuriers étaient regroupés. Mais là, c'est Drilun qui le portait au doigt, afin de lui permettre de renforcer sa magie qui avait aidé à retrouver la dépouille d'Arang... A présent, Canadras arrivait trop vite pour que les huit aventuriers soient réunis à temps, six d'entre eux n'étaient pas masqués magiquement et avaient sur eux assez de magie active ou passive pour empêcher de rester cachés bien longtemps. Et en plus de cela, Vif et Drilun étaient à flanc de montagne, en hauteur, ce qui n'était pas l'idéal pour trouver un endroit capable de les protéger des sens particulièrement exacerbés du dragon !

La lionne enchantée repéra vite une cachette possible dans de la neige, dans un repli du terrain, mais face aux capacités de Canadras cet abri fut jugé insuffisant... et il n'y avait rien d'autre à portée. Alors, après s'être assurée que l'archer-magicien dunéen était bien attaché à son dos grâce au harnais qui avait été installé, elle se lança dans la pente raide et enneigée. Son corps prit de la vitesse, et rapidement elle ne fit rien d'autre que freiner des quatre pattes tout en tâchant de ne pas perdre l'équilibre, telle une luge vivante sur laquelle Drilun s'agrippait de son mieux, ce qui n'était pas si simple : le flanc de montagne qu'ils dévalaient à toute allure comportait rochers et autres obstacles, il fallait donc diriger leur trajectoire et modifier leur équilibre en permanence... sans le perdre, ce qui aurait transformé leur glissade en chute non contrôlée, d'où une mort très probable...

A peut-être deux lieues de là, au fond d'un cirque glaciaire, six aventuriers se préparaient à fuir. Mais pour où ? Leur seul salut était de trouver une caverne à proximité, et le temps leur était compté. Fort de sa connaissance des milieux naturels, et aidé par le contact de la larme de Yavanna, Taurgil indiqua le secteur des montagnes proches, un peu en hauteur, où il pensait qu'ils auraient le plus de chance de trouver un tel refuge. Mais il leur fallait pour cela sortir de la vallée glaciaire où ils se trouvaient. Il leur fallait également abandonner leur traîneau, car sans Vif pour le tirer, ils étaient incapables de l'emporter nulle part et de toute manière ils ne pouvaient le faire grimper. Ils arrivèrent donc au plus vite à la paroi que le rôdeur avait indiquée et commencèrent à escalader la montagne aussi vite que possible, certains avec plus de mal que d'autres, comme Isilmë qui était aveugle. Elle aurait pu s'aider en utilisant sa magie elfique, mais alors cela aurait été un phare pour les sens du dragon, et le plus sûr moyen de lui dire "nous sommes ici" !

Plus haut et au nord, le couple félin-Dunéen arrivait enfin à une zone moins pentue mais escarpée des montagnes, la lionne enchantée choisissant de se diriger vite vers un secteur difficile d'accès pour le dragon : une zone de parois raides et rapprochées où il ne pourrait vraiment se poser et combattre. Cela ne l'empêcherait pas de voler mais à tout le moins cela serait compliqué pour lui, il ne pourrait se rapprocher trop et utiliser son souffle magique. Malheureusement, les deux amis savaient qu'il était parfaitement capable de faire de la magie peut-être trop puissante pour qu'ils puissent y résister, ou simplement démolir les parois autour d'eux pour leur envoyer des avalanches de neige et de rochers sur la tête... et les ensevelir définitivement. Et en un temps record, la féline Femme des Bois avait peu d'espoir de trouver une caverne assez grande pour les abriter, et assez solide (ou profonde) pour empêcher le dragon de la faire s'effondrer sur eux.

Plus loin, les aventuriers progressaient plus ou moins vite, hobbit et Homme des Bois largement en tête, en bons grimpeurs qu'ils étaient et habitués à évoluer dans les milieux naturels les plus divers et variés. Taurgil et Geralt venaient ensuite, l'un très à l'aise en nature mais bien moins bon grimpeur, alors que pour l'autre c'était le contraire. Enfin suivaient, à distance, une elfe aveugle et un nain peu adepte de l'escalade en conditions extrêmes. Ni l'un ni l'autre n'étaient ridicules, mais ils étaient un peu lents, peut-être trop pour le temps qui leur restait, temps dont ils n'avaient aucune idée. Peut-être Canadras perdrait-il du temps à s'occuper de leurs deux amis, peut-être arriverait-il directement vers eux, certains avaient du mal à savoir ce qu'ils souhaitaient le plus ! Mais bientôt Rob les héla de sa petite voix. Il venait de sentir un éclair de magie puissante au nord, où devaient se trouver ses amis et le dragon. Et très vite, il sentit que le temps autour d'eux changeait à grande allure : le vent devenait de plus en plus puissant, avec des rafales de plus en plus violentes. Leur position à flanc de falaise allait très vite devenir intenable... et Dwimfa et lui étaient déjà à une trentaine de pas de haut.

2 - Mot de pouvoir
En effet, Drilun avait fini par jouer sa dernière carte, la plus puissante : devant le risque de voir bientôt arriver le dragon au-dessus de leur tête, il avait appelé à lui des turbulences magiques, renforcées par l'anneau elfique qu'il portait au doigt. Comme il se doutait que le dragon, bien meilleur magicien que lui, saurait sans doute les annuler, il les avait renforcées par un mot de pouvoir qui amplifiait considérablement la magie, et encore plus avec le même anneau elfique. Il estimait donc que Canadras pourrait avoir du mal à annuler pareille magie, et que s'il ne le faisait pas il serait absolument incapable de voler. Par ailleurs, avec autant d'énergie magique à sa disposition, il accéléra grandement le changement de temps : au lieu de se faire très progressivement, le mot de pouvoir lui permit de bouleverser la météo en moins de temps qu'il n'en fallait au dragon pour arriver sur eux.

Et c'est bien ce que ressentit Rob : battement de cœur après battement de cœur, il pouvait sentir la difficulté de leur escalade augmenter. Dwimfa le sentit aussi, qui le premier prit une décision audacieuse : après avoir rapidement regardé vers le bas, il se jeta dans le vide, en visant de manière à ne pas tomber sur un de ses amis. Malgré la hauteur, il était un excellent acrobate et en bas, la paroi s'incurvait doucement et était recouverte de congères. Il fut bientôt suivi par le hobbit, et leurs quatre amis les virent rapidement sortir du trou dans la neige qu'ils avaient fait en atterrissant, apparemment indemnes. Les uns après les autres, à des hauteurs moindres mais avec moins d'assurance, ils en firent autant. Bientôt ils étaient tous sains et saufs au fond de la vallée, près de la paroi rocheuse, sans avoir eu plus que quelques bleus vite oubliés.

Côte lionne magique et archer-magicien dunéen, les violentes turbulences firent se décrocher divers paquets de neige qui les ensevelirent bientôt. Complètement masqués par la neige et protégés du vent mais aussi du dragon, il ne leur resta plus qu'à grimper jusqu'en surface du tas de neige qui les recouvrait, encore et encore, jusqu'à la chute des derniers bouts d'avalanche, de manière à éviter de périr asphyxiés. Avec ses quatre puissantes pattes ce n'était nullement un problème pour Vif. Du coup, ils purent établir un meilleur abri dans la neige, ce qui leur permit même de se reposer. Les rafales étaient si violentes que rien ne pouvait venir jusqu'à eux, et Drilun sombra dans le sommeil en se disant qu'il avait certainement protégé ses autres amis au loin. Par contre il était presque surpris voire inquiet de ne pas avoir constaté de réponse magique de la part du dragon...

Les amis plus loin, justement, constatèrent que leur situation allait vite devenir intenable avec de nombreuses petites avalanches qui se déclenchaient un peu partout dans la vallée. Heureusement ils repérèrent vite une échancrure dans la paroi de la vallée en U où ils se tenaient, qui permettait de les abriter un peu contre les coulées de neige. Ils furent néanmoins ensevelis sous la neige sans être balayés par elle, et en la tassant autour d'eux et en organisant leur abri de manière à garder une ouverture vers l'extérieur, ils évitaient eux aussi l'asphyxie. Protégés des éléments et du dragon, même si ce n'était que pour un temps, certains s'adonnèrent au sommeil tandis que les autres veillaient. Plusieurs auraient bien eu besoin de l'aide d'Isilmë ou Taurgil pour récupérer leurs forces plus vite, grâce à leur magie des soins, mais Canadras étant dans les parages, il était plus prudent d'éviter de signaler si ouvertement leur position.

Drilun, pour sa part, profita d'un sommeil profond dont il avait bien besoin. A son réveil, rien n'avait changé, les turbulences étaient toujours aussi fortes, et elles risquaient de durer encore pas mal de temps. Vif avait tout de même pu, en jetant la tête hors de leur abri à l'occasion, constater qu'ils avaient avancé dans la bonne direction et que la petite vallée où devait se trouver la dépouille d'Arang, ancien compagnon de Dwimfa, ne devait pas être très loin. Il pourrait être intéressant de continuer à progresser, mais les turbulences étaient trop fortes même pour la féline Femme des Bois. Après un moment, les deux amis décidèrent de faire baisser l'intensité des vents turbulents, ce que la magie de Drilun lui permettait de faire. Assez pour progresser, le Dunéen arrimé au dos de la lionne, mais assez peu pour continuer à empêcher le dragon de voler au-dessus d'eux. Quand le changement s'opéra, ils reprirent alors leur route, secoués fortement par les vents. Malgré son harnais, Drilun sentit bientôt des crampes dans ses muscles douloureux. Mais s'il ne réussissait pas à rester collé au plus près de la lionne, les mouvements que le vent causait en jouant avec son corps gênaient beaucoup Vif qui avait les plus grandes peines du monde à avancer.

Bien plus loin, les veilleurs de l'autre partie du groupe constatèrent eux aussi que le temps s'était un peu assagi. Geralt en profita pour jeter un œil au-dehors, et malgré l'obscurité et la neige que les turbulences faisaient voler, il lui sembla percevoir comme une aile gigantesque posée sur une corniche au-dessus d'eux, au sommet de la falaise contre laquelle ils se blottissaient. Rob se servit de ses sens mystiques pour détecter les magies alentour, et il sentit qu'à environ une portée de flèche au-dessus d'eux, une magie connue, passive mais puissante, était présente. Cette magie, il finit par la reconnaître : les runes magiques que son ami Drilun savait faire. Il se rappela qu'il y avait peu, il avait réalisé de telles runes sur les écailles de Canadras. Il confirma donc ce que Geralt craignait : Canadras les attendait là-haut, et ce n'était sûrement pas un hasard s'il était juste au-dessus d'eux : ils avaient été repérés. Maintenant que les vents violents avaient diminués, il risquait de passer à l'action à tout moment.

3 - Fissures et ouvertures
Tous étaient à présent bien réveillés. Deux aventuriers étaient livrés à eux-mêmes et progressaient lentement mais sûrement, tandis que les six autres s'interrogeaient sur leur avenir possible. Autrement dit, comment faire pour échapper à Canadras ? Là où il était, il les cueillerait sans mal, et impossible de compter sur la discrétion, la magie ou la force pour lui échapper. A plus ou moins brève échéance, il pouvait leur tomber dessus et ne faire qu'une bouchée d'eux, au propre comme au figuré ! Les turbulences le gênaient encore pour le moment, mais quand elles seraient terminées... Mais quelle issue de secours envisager ? A l'aide de Morang, l'épée noire et maudite possédée par Dwimfa, ils pouvaient envisager de creuser dans la roche pour éventuellement s'abriter davantage du dragon, mais cela n'avait d'intérêt que s'ils trouvaient une autre issue, sinon Canadras les attendrait patiemment pour les croquer ou pire...

Certains se souvinrent alors qu'ils avaient dans leur équipement de la "Fleur de Voyage", une orchidée très rare. Séchée et réduite en poudre, elle permettait à quelqu'un qui la respirait de tomber en transe et de voyager hors de son corps, y compris à travers la matière solide comme la roche. Il était plus que temps d'utiliser cette herbe magique ! Après discussion, il fut décidé d'envoyer Rob comme éclaireur éthéré : entre ses perceptions et son aisance en nature, aidée par le contact avec la larme de Yavanna qui amplifiait le sentiment d'harmonie avec les milieux naturels, il semblait la meilleure chance de l'équipe. Accessoirement, les hobbits étaient réputés pour être chanceux. Cela étant, Dwimfa aurait aussi fait un assez bon candidat, et certains hésitèrent. Mais le petit voleur du groupe fut tout de même choisi.

Et le choix s'avéra judicieux : d'entrée, Rob se dit que la petite faille dans la falaise où ils étaient terrés était peut-être l'annonce d'autres failles plus grandes, et son esprit éthéré se dirigea donc dans cette direction. Après un court déplacement de deux battements de cœur, il tomba pile sur une faille assez large pour les laisser passer, tous, vers les profondeurs. Après un peu d'exploration rapide, il confirma que c'était bien l'issue de secours qu'ils cherchaient : plus bas, la faille débouchait dans des entrelacs de galeries souterraines et labyrinthiques dont il ne percevait pas la fin. Bref, il leur serait facile de fausser compagnie au dragon par là, et de trouver - ou creuser - une autre sortie vers l'extérieur, à un endroit où Canadras ne pourrait leur pourrir la vie. Il revint donc bien vite dans son corps et se réveilla pour annoncer la bonne nouvelle à ses amis.

Ils s'organisèrent donc bien vite : l'Homme des Bois prit sa fabuleuse épée magique, plus tranchante que du diamant, et commença à attaquer la paroi rocheuse au fond de leur abri, dans la direction indiquée par Rob. Il y avait moins d'une douzaine de pas à creuser, et le chantier avançait bien. Derrière Dwimfa, Mordin déblayait les morceaux de rocher en les faisant passer à Isilmë, qui les prenait à tâtons et les poussait plus loin, où Taurgil les emportait pour les évacuer. Geralt, pour sa part, surveillait le dragon à l'aide de son œil exercé, en regrettant la longue-vue qui avait été emportée par Drilun. Et le hobbit l'aidait en se concentrant sur les possibles sortilèges que le dragon était susceptible de leur envoyer dans la figure. Par ailleurs, il avait toujours sur lui la larme de Yavanna que le grand Dúnadan lui avait remise lorsqu'il avait utilisé la Fleur de Voyage.

Bien plus loin, Vif arrivait dans un nouveau secteur des montagnes : après la zone d'escarpements très étroits, elle avait débouché dans une vallée plus large qui lui rappelait ce qu'elle avait repéré plus haut sur la montagne. Ils étaient dans la bonne direction et l'emplacement de la dépouille de l'ancien ami de Dwimfa ne devait plus être très loin. D'après des échanges avec Andalónil, son cadavre avait été jeté dans une crevasse. Elle progressa donc, le Dunéen toujours accroché à son dos, cherchant à droite et à gauche des signes de crevasse ou autre trou assez grand pour y faire passer le corps d'un très grand guerrier, plus grand et large encore que Taurgil. Après un petit moment d'une progression lente mais régulière, elle repéra en hauteur un trou assez grand dans la paroi d'une falaise. Curieusement, la neige et la glace autour et au-dessus du trou semblaient absents, comme si elles avaient fondu...

4 - Canadras en action
Le balafré aux cheveux blancs surveillait donc le dragon, tout en exhortant silencieusement ses amis à se dépêcher. Le bruit ne pouvait manquer d'échapper à l'ouïe incroyablement fine du lézard géant, et s'il en jugeait par ce qu'il voyait, c'était déjà fait : Canadras n'était plus immobile et sa tête se pencha au-dessus du vide, dans leur direction. Malgré la distance, l'obscurité et la neige qui volait grâce aux bourrasques, Geralt ne la voyait que trop bien. Le dragon devait écouter ce qu'ils faisaient, et s'il n'y eut aucune réaction particulière de sa part au début, ce qui permit au groupe de progresser d'une demi-douzaine de pas vers leur objectif, il finit probablement par percevoir que les aventuriers avançaient bien plus vite qu'attendu et qu'ils allaient peut-être lui glisser entre les pattes. Aussi se mit-il à parler à l'adresse du maître-assassin qui le fixait derrière un trou dans la neige...

Rob sentit immédiatement de la magie noire descendre sur son ami. Même en s'y attendant, Geralt fut vite séduit par les paroles ensorcelées qui lui apprenaient qu'en fait il était le jouet de sorciers orcs qui l'avaient envoûté, alors que la voix qu'il entendait était celle d'un ami venu le sauver... Avec horreur, il se rendit compte que ses compagnons étaient effectivement des créatures repoussantes, dont l'une d'elles, un petit snaga proche de lui, tendait une patte griffue vers son visage. Et dire qu'il avait cru qu'il s'agissait de son ami hobbit ! Avec la très grande célérité dont il était coutumier, il empoigna son épée pour dégainer et couper le bras de l'orc avant le répugnant contact. Pourtant, chose incroyable et qu'il pensait impossible, l'orc proche de lui fut le plus rapide, et il sentit ses doigts griffus sur son visage couturé.

Ou plutôt il s'attendit à un contact avec des doigts sales et griffus, mais fut bien surpris de sentir la larme de Yavanna sur sa peau, tenue par son ami Rob. Le hobbit, lui aussi très rapide, avait mis toute son énergie pour prendre son compagnon, et redoutable bretteur, de vitesse. Il y était parvenu, et la larme de Yavanna avait cassé la magie noire qui avait pris possession des sens et du cerveau de Geralt. Il était donc redevenu lui-même, un peu ébahi - mais pas tant que ça - d'avoir succombé si facilement au charme du dragon malgré sa volonté et la protection magique qu'il portait. Malgré le danger d'une telle attitude, il ne put s'empêcher de répondre au dragon en jouant à l'imbécile, ce qui ne plut pas du tout à Canadras, qui se jeta dans le vide.

Le dragon s'envola vers l'aval de la vallée, malgré les turbulences encore fortes, tout en prenant un peu de vitesse. Le hobbit arrivait à le suivre à distance, percevant la récente magie runique de Drilun sur certaines écailles du dragon. Il annonça donc que Canadras accélérait, puis faisait demi-tour en descendant dans la vallée, et qu'il allait bientôt repasser devant eux, comme le constata vite Geralt, qui vit sa bouche s'ouvrir. Le balafré aux cheveux blancs mit donc son bouclier en os de dragon face à l'ouverture, en se cachant derrière et en empoignant le marteau nain qui protégeait du froid, marteau qui lui avait été remis. Tout en tâchant au mieux de protéger ses compagnons derrière lui et en les prévenant. Rob, lui, courut vers le fond de la galerie, en esquivant tous ses amis en un temps record, avant de se réfugier dans les jambes de Dwimfa, tout au fond. Et le souffle du dragon fut sur eux, faisant voler la neige autour d'eux en une myriade de petits cristaux de glace bleutée.

Grâce au marteau et à son équipement - cuir de dragon et bouclier en os de dragon - le maître-assassin s'en sortit indemne. Derrière lui, Taurgil se sentit glacé et son corps se couvrit de gerçures et d'engelures. Les autres, plus loin, moins exposés et protégés par leurs compagnons, s'en tirèrent sans rien de plus que quelques frissons ou petites engelures vite oubliées. Et Rob put annoncer que le dragon, un peu plus loin, commençait à faire demi-tour et qu'il allait bientôt revenir. Et malgré les encouragements de ses compagnons, Dwimfa, qui avançait déjà bien, ne pouvait pas aller plus vite. Taurgil reprit alors le marteau enchanté et occupa la place laissée vacante par Geralt, qui se précipita pour remplacer l'Homme des Bois, lui prenant Morang des mains.

Le rôdeur dúnadan ne put résister à l'envie de taquiner le dragon en lui montrant le marteau magique qui avait été pris chez lui, et en lui envoyant quelques petits mots du genre "C'est ça que tu viens chercher ?"... Après une brève hésitation, et percevant les engelures sur les lèvres et le visage de Taurgil, Canadras souffla une nouvelle fois. Mais tous étaient mieux préparés ou protégés, et à part refroidir l'ambiance, son souffle glacé n'eut aucun effet. Plus loin, Geralt attaquait la paroi avec ardeur, en oubliant sa flemme. Sa maîtrise de l'épée lui permit d'avancer trois fois plus vite que son compagnon, et rapidement il commença à arriver aux fissures repérées par le hobbit. C'est alors que le dragon repassa et donna un grand coup de queue à l'endroit où se tenait le Dúnadan. Celui-ci s'était protégé avec sa magie de roi, ce qui lui évita des dégâts certains, mais des rochers tombèrent du haut de la falaise et le boyau que l'équipe avait creusé se fissura de partout. Tous se dépêchèrent de descendre dans la faille enfin atteinte, et peu après la fureur du dragon se fit entendre par de nombreux coups de queue derrière eux, coups qui déclenchèrent des avalanches de neige et rochers. Les éboulis envahirent le boyau et scellèrent complètement le passage par lequel ils étaient arrivés.

5 - Souterrains et présence de vie
Les six amis étaient dans le noir le plus complet. A défaut de pouvoir y voir, Isilmë s'entoura d'une aura elfique pour permettre à ses compagnons de mieux se repérer. Tous étaient plus ou moins arc-boutés contre les parois d'une faille verticale plus ou moins large, ce qui n'était pas l'idéal pour se reposer. La faille se refermait vers le sommet, donc la descente semblait la seule solution. Mais Taurgil était blessé, et sa peau gelée s'était craquelée par endroit et saignait faiblement, malgré ses efforts pour la préserver. Il fallait donc commencer par le soigner, physiquement et magiquement, ce qui n'était pas si simple. Par ailleurs, il lui faudrait se reposer pour laisser la magie faire son effet, et l'escalade dans un boyau souterrain étroit ne faisait pas partie de la définition du repos.

Ses amis construisirent une espèce de hamac de cordes avec celles dont ils disposaient et leur matériel d'escalade, et le rôdeur dúnadan put bénéficier de tous les soins nécessaires à sa guérison. Il se glissa dans son nid de cordes et laissa son corps et la magie faire leur travail. Il lui faudrait quelques heures avant de pouvoir bouger, ce qui laissait amplement le temps à ses amis d'explorer leur environnement. Ils descendirent donc le long de la faille, sans grande difficulté, jusqu'à croiser un boyau horizontal assez large pour eux tous. Ils s'y glissèrent donc et inspectèrent les lieux : le tunnel était assez grand pour tenir debout, ils ne voyaient pas ses extrémités de part et d'autre, et il était silencieux. Des traces très anciennes semblaient attester de la présence d'une vie animale géante, faisant immanquablement penser à ces espèces de lézards géants appelés vers des cavernes, sortes de petits dragons sans aile et sans intelligence, comme celui - plutôt gros et musclé ! - que le noble Dúnadan avait combattu quelques semaines auparavant en arrivant chez les orcs de ces montagnes.

Bien plus au nord, la féline Femme des Bois et l'archer-magicien dunéen examinaient l'ouverture à flanc de falaise et les moyens d'y accéder. Dans son état de fatigue, et même sans cela, Drilun doutait de sa capacité à pouvoir grimper là-haut. Ce qui n'était pas le cas de Vif, qui se transforma vite en écureuil et accéda sans mal à l'ouverture. Elle découvrit qu'un peu d'air chaud en sortait, comme elle s'y attendait, mais qu'un peu plus loin le passage, qui s'incurvait vers le bas, était encombré de nombreuses pierres, comme si quelqu'un avait voulu le boucher en s'attaquant aux parois proches, d'après des signes assez récents sur ces dernières. Il était possible de se faufiler entre les gros rochers, mais cela risquait de compliquer leur avancée. Et plus elle progressait, plus le passage plongeait vers le bas, toujours obstrué par des rochers plus ou moins gros en équilibre instable sur les bords de cette espèce de cheminée... Et le noir bientôt complet l'empêchait de trouver son chemin plus avant et plus bas.

Elle rebroussa chemin et s'entretint avec son compagnon, dans son parler félin qu'il pouvait comprendre magiquement à l'aide du tour d'oreille enchanté qu'il avait fabriqué. Elle proposa de le hisser à l'aide d'une corde qu'il avait, et dont il attacha une extrémité au corps de la lionne. Elle regrimpa sans mal jusqu'à l'ouverture, puis elle tira son compagnon attaché à l'autre bout. Malheureusement, les rafales étaient toujours bien là, le magicien ayant décidé de les garder pour éviter une arrivée intempestive du dragon Canadras au mauvais moment. Si bien que, suspendu à sa corde, il perdit le contrôle de son corps qui fut de plus en plus balloté par les intempéries. La corde frottant sur un rocher finit par s'user... et se rompit soudainement en son milieu.

Drilun vit sa chute heureusement amortie par la neige et il s'en sortit sans grand mal, même s'il en garda quelques douleurs dont il se serait bien passé. En fin de compte, la lionne enchantée redescendit, le laissa s'arrimer au harnais qu'elle portait, amélioré par un bout de corde pour le maintenir le plus serré possible contre elle, et entreprit l'ascension avec son ami sur son dos, malgré les fortes bourrasques qui les secouaient tous les deux. Il lui fallut un peu de temps et d'huile de coude, mais elle finit par y arriver. Les deux compagnons purent alors pénétrer tous deux dans les éboulis de gros rochers, éclairés par le bâton de lumière que portait le Dunéen. Plus ils descendaient, plus le passage devenait étroit et obstrué. Plus il faisait chaud également, et au bout d'un moment il sembla à Vif repérer comme les reflets d'une faible lueur très loin en contrebas. De gros rochers bloquaient le passage et ne permettaient plus de descendre, pourtant les éboulis paraissaient s'arrêter bientôt.

6 - Bruits et chutes
Parmi les six aventuriers toujours ensemble, certains ne s'étaient pas beaucoup reposés dernièrement, et ils décidèrent de le faire sur place. De toute manière il fallait attendre que Taurgil, plus haut, soit guéri et puisse redescendre. Plusieurs s'installèrent donc pour une sieste bien méritée (dans l'esprit de Geralt au moins), tandis que Rob veillait sur ses compagnons. De toute manière il n'y avait pas de trace de vie récente, les sons étaient amplifiés dans les souterrains et portaient assez loin, le hobbit avait l'ouïe très fine, donc il n'y avait guère de surprise à attendre. Et puis il n'y avait rien d'autre à faire que se reposer, car creuser vers l'extérieur, avec Canadras dans les parages, ne serait sans doute pas très utile. Et donc l'attente commença.

Après un certain temps ponctué seulement par les respirations tranquilles de certains ou le ronflement de Geralt, les oreilles de Rob se dressèrent soudain, si cela était possible : à une extrémité du tunnel lui était parvenu un bruit faible d'éboulement bref, comme si quelques gros rochers avaient bougé ou étaient tombés, loin de là. Puis plus rien... Quelques mots furent échangés avec les éveillés présents, puis le silence revint. Mais après encore un peu de temps, le bruit se reproduisit - le même ou un bruit similaire, difficile à dire avec la distance. Nouveaux petits échanges, et à nouveau le silence. Puis, alors que des mouvements proches indiquaient que de plus en plus de monde était bien éveillé, un nouvel éboulement eut lieu à distance, plus fort cette fois, et plus long. Comme si de nombreux rochers avaient basculé dans le vide et avaient heurté les parois d'une falaise dans leur longue chute, faisant vibrer les rochers autour d'eux...

Bientôt tous furent prêts à partir, et il semblait que Taurgil était à présent guéri. Un peu de lumière fut faite pour l'aider dans sa descente, et le groupe de six aventuriers fut bientôt réuni. Après discussion à voix basse, ils décidèrent de partir dans la direction de l'éboulement probable. Ils marchèrent donc les uns derrière les autres, faiblement éclairés par l'aura elfique d'Isilmë. Même s'ils faisaient attention à ne pas faire trop de bruit, leurs pas résonnaient dans le tunnel. Parfois ils croisaient des failles ou autres ouvertures plus ou moins grosses qui coupaient leur tunnel et ouvraient sur d'autres passages dans toutes les directions, mais ils continuaient dans le même tunnel qui restait étonnamment droit et horizontal. Bientôt, ils approchèrent de la fin du tunnel, qui paraissait déboucher sur une grosse cheminée verticale.

Pendant ce temps, archer-magicien et lionne enchantée avaient discuté de la manière de poursuivre leur chemin. Le premier avait annoncé à la seconde qu'il connaissant une magie permettant de débloquer des obstacles mécaniques, ou au contraire de les bloquer sur place. En général cela agissait sur les verrous, loquets et autres mécanismes, mais il pensait que cela pourrait aussi avoir un effet sur les rochers autour d'eux, même s'il était incertain de pouvoir affecter des objets aussi lourds. Il proposa donc de lancer des sorts de blocage sur les rochers au-dessus d'eux, et de débloquer ceux qui les empêchaient de passer. Et ainsi fut-il fait : sort après sort, il tentait de s'assurer que tous les rochers n'allaient pas s'écrouler, en fixant certains d'entre eux grâce à ses enchantements, puis il laissa sa magie agir comme une huile pour aider certains d'entre eux, plus bas, à bouger et les laisser passer plus loin. Son corps déjà bien fatigué lui envoyait des messages de protestation, la fatigue liée au lancement des sorts se faisant de plus en plus aigüe et douloureuse...

Bientôt quelques rochers bougèrent, avec un bruit sourd qui se répercuta au loin dans la cheminée en partie obstruée. Mais le chemin était un peu dégagé, et ils purent progresser davantage. Néanmoins, les formidables oreilles de la féline Femme des Bois lui rapportèrent des sons lointains ressemblant fort à des bruits de voix, trop lointains pour dire à quel genre de créature ils appartenaient. Et de toute manière ils s'arrêtèrent bien vite. A nouveau, le chemin fut bloqué et Drilun fit une nouvelle fois ses sorts, malgré la douleur grandissante qu'il en éprouvait. A nouveau quelques pierres furent délogées, du bruit fut fait, des voix lointaines se firent entendre, et le chemin fut poursuivi. Mais pas pour très longtemps, car les précédents rochers déplacés avaient fini là.

Cette fois-ci, le rougeoiement lointain était plus facile à percevoir : il ne restait plus tant de rochers qui obstruaient la cheminée, et derrière, loin dans les tréfonds de la terre, une lumière et une chaleur montaient qui faisaient penser à la présence de quelque lointain magma souterrain. Plus bas, sous les pieds ou pattes des deux aventuriers, divers rochers étaient bloqués par un rocher très gros qui obstruait pratiquement tout le puits dans lequel ils se trouvaient. Si jamais ce rocher basculait et tombait dans le puits, de nombreux rochers suivraient et le passage serait libéré. Avec le risque de tout faire écrouler et d'être emporté dans la chute... Drilun refit encore de nombreux sorts, souffrant le martyre mais refusant de s'arrêter si près du but tout proche, il le sentait. Il consolida la position de nombreux rochers, puis lança sort après sort afin de déloger certains plus bas, et notamment le plus gros... qui finit par basculer, entraînant une avalanche généralisée.

7 - Dépouille et artefacts
Prévoyant ce qui risquait de se passer, Vif et Drilun s'étaient placés dans un secteur jugé plus "sûr", où la féline rôdeuse pouvait le plus facilement s'accrocher à la paroi, et où le Dunéen estimait que les rochers étaient les plus stables. Lorsque l'éboulement se produisit, seuls trois rochers restèrent en place. La lionne enchantée, réagissant très vite, empoigna un membre de son ami dans sa gueule et se prépara au pire, mais ils ne furent pas précipités dans le vide grâce à deux rochers stables sous leurs pieds et pattes, et furent protégés des blocs qui chutaient par un rocher fixe au-dessus de leurs têtes. La magie ne tiendrait pas éternellement, mais à présent ils pouvaient progresser sans mal jusqu'à des ouvertures visibles, plus bas, dans le conduit de la cheminée souterraine où ils se trouvaient. Vif pouvait distinguer, à peut-être une distance d'une portée de flèche, le début d'un boyau d'où sortait le pied d'une personne. C'était loin et très difficile, mais largement à sa portée. Drilun, le corps perclus de douleurs, choisit pour sa part l'ouverture la plus proche, juste à sa portée.

La lionne enchantée arriva en premier, et, comme elle s'y attendait (et l'espérait), trouva le corps momifié d'un très grand guerrier qui correspondait à la description qu'en avait faite son compatriote Dwimfa. De toute manière il n'existait pas beaucoup de gens aussi grands et musclés que l'était Arang, qui, selon l'Homme des Bois, était aussi costaud qu'un troll. En réalité il n'avait jamais rencontré aucun humain, nain ou elfe aussi fort que son ancien ami. Par ailleurs, des guerriers en cotte de mailles de mithril ne couraient pas les rues ! Sans oublier deux épées larges couvertes de runes et manifestement magiques, une épée courte faite d'une espèce de verre particulièrement solide et tranchant, une amulette portant en lettres runiques le nom Eldanar ("Feu elfique"), qui était aussi le nom d'une noble famille d'Arthedain à laquelle appartenait Narmegil, ancien membre du groupe... entre autres choses. Voilà qui allait bien leur servir.

De son côté, l'archer-magicien arriva sans trop de mal, mais sans trop de facilité non plus, à un passage bien plus haut que celui où se trouvait à présent son amie. Mais il ne se sentait pas du tout capable de la rejoindre par la même voie. Après un sort qui lui permit de visualiser un peu le réseau de souterrains aux alentours, il s'éloigna dans son tunnel, non sans avoir prévenu Vif qu'il partait pour essayer de la rejoindre. Il arriva à une faille verticale qu'il emprunta en escaladant, au grand désespoir de son corps meurtri par une fatigue excessive. Il arriva à un nouveau tunnel horizontal, mais il ne savait pas ou plus dans quel sens le prendre pour arriver à retrouver son amie, qu'il n'osait pas appeler. De toute manière il était épuisé, donc il se coucha sur le sol et s'endormit derechef, malgré les douleurs aigües qui l'élançaient.

De son côté, Vif, après avoir fouillé avec ses grosses pattes félines la dépouille de l'ancien guerrier et ami de Dwimfa, se concentra sur les bruits de pas qui semblaient s'approcher depuis une ouverture un peu plus lointaine dans le puits. Plus le temps passait, plus elle arrivait à distinguer des détails, comme le nombre voire la nature des êtres qui approchaient. Leur démarche discrète ou agressive, le bruit de leur équipement, le son de leur voix parfois... elle n'avait plus aucun doute sur leur identité. Et donc, lorsque les bruits, désormais tout proches, s'arrêtèrent un peu plus bas, elle ne fut nullement surprise de distinguer, à travers l'ouverture, la tête du hobbit qui regardait dans sa direction. Elle feula à son attention, et il la reconnut sans mal, même s'il ne pouvait la voir clairement dans l'obscurité qui l'entourait.

S'il était possible de communiquer, se réunir ne fut pas si simple. Grimper jusqu'à la lionne enchantée et à la dépouille d'Arang n'était pas à la portée des six aventuriers. En fin de compte, Mordin prit une dose de Fleur de Voyage, qui permet à l'esprit de voyager hors du corps, afin d'explorer le réseau de cavernes et de trouver un moyen d'arriver à l'emplacement de leur amie et des artefacts sur la dépouille qu'elle gardait. C'était un vrai labyrinthe, mais il finit par trouver un chemin, qu'il tâcha de ne pas oublier. Les nains sont réputés s'orienter avec aisance dans les souterrains, et Mordin fit honneur à leur réputation. Malgré la difficulté, il emmena ses amis dans divers tunnels, grimpant parfois vers le haut, vers le bas, rampant, progressant sans cesse vers son objectif. Au bout d'un moment il dut s'arrêter car son corps peu habitué à tant d'escalade n'en pouvait plus, mais il continua à guider ses amis à distance jusqu'à ce qu'ils retrouvent enfin la lionne enchantée. Mieux, il avait aussi repéré Drilun, et celui-ci s'étant assez reposé, il l'aida aussi à distance, en criant, ce qui permit à ce dernier de retrouver lui aussi ses amis. Puis le nain se coucha et s'endormit à son tour, tandis que Vif en faisait autant de son côté.

Une fois Drilun arrivé, l'inventaire des possessions d'Arang put être fait et leur magie analysée. Entre autres choses, et avec l'aide des souvenirs de Dwimfa, furent donc trouvés et répartis :
- une cotte de mailles de mithril, de bonne taille, qui échut à Taurgil
- Gwaedhel, épée large "sœur de serment", redoutable arme contre les créatures géantes, qui conférait de nombreux pouvoirs contre les Parjures, des Dunéens ayant renié leur serment à Elendil, et qui renforçait la volonté et le charisme entre les mains d'un seigneur dúnadan... comme Taurgil, qui la prit également
- une épée large de mithril, fabriquée par les nains des Montagnes Bleues (Ered Luin), pour le roi d'Arthedain Argeleb II
- l'amulette Nar ("Feu") appartenant à la famille de Narmegil Eldanar, qui permettait de conjurer et commander à une boule de feu vivante et magique une fois par jour
- un arc de lumière, sans corde, capable de créer et lancer d'une pensée une flèche de lumière solide qui disparaissait une fois arrivée à destination
- une coque de noix magique capable de grandir au contact d'un plan d'eau pour se transformer en une petite embarcation, bien que peu maniable

8 - Spéléologie
Malgré l'accomplissement de leur objectif et la joie qui accompagna cette réussite, les ennuis ne manquaient pas. Déjà, Isilmë se rendit bien vite compte de l'influence grandissante de l'anneau elfique qu'elle avait prêté à Drilun, sur ce dernier. L'archer-magicien en avait fait grand usage, avec toute la magie qu'il avait accomplie, et à présent il ne voulait plus s'en séparer, allant jusqu'à nier ouvertement l'avoir encore en sa possession. Il fallut à l'elfe se montrer extrêmement convaincante, utiliser même les sentiments profonds que le Dunéen et elle avaient l'un pour l'autre, et utiliser la magie des soins pour diminuer l'emprise de l'artefact sur son aimé. En fin de compte, Drilun recouvra la raison et accepta d'enlever la babiole magique de son doigt, bien qu'il lui en coutât. L'anneau fut confié à Rob, censé être moins corrompu et qui résistait mieux à son influence.

Mais dans l'immédiat, le principal problème restait de rejoindre la surface, bien entendu à distance de Canadras qu'ils soupçonnaient de les attendre plus haut, à la surface. Ils avaient de vastes souterrains à leur disposition, mais aucune sortie connue à portée, malgré l'exploration que Mordin avait faite grâce à la Fleur de Voyage. Car leurs réserves de nourriture, et encore plus d'eau, étaient très limitées : les souterrains ne recelaient aucune espèce de nourriture, et même grâce à ses sorts, Drilun ne trouva aucune source liquide à portée immédiate. Il trouva bien quelque chose assez loin vers le bas, qui nécessiterait peut-être des jours de spéléologie avant de pouvoir y arriver. Or ils n'avaient pris aucune réserve d'eau avec eux, sachant qu'à la surface, neige et glace étaient abondantes. Mais sous terre... Heureusement, Dwimfa avait dans son équipement une outre magique qui produisait un bon gallon d'eau par jour. En rationnant cette eau, elle leur permettrait de tenir tous au moins quelques jours sans problème.

Bref, il fallait s'éloigner de là, et de Canadras, et trouver quelque part un moyen de retrouver le monde extérieur, aussi froid et inhospitalier fût-il. Plus facile à dire qu'à faire, mais ils n'avaient pas d'autre choix pour l'instant. Après avoir attendu assez pour permettre à Mordin, une fois son repos terminé, de les rejoindre, ils décidèrent de s'éloigner du puits où Vif et Drilun étaient descendus. Mais d'abord, ils décidèrent de donner une sépulture à Arang : à l'aide de l'épée maudite Morang, une tombe fut creusée à même la roche, dans laquelle le corps du grand guerrier fut placé. Puis des plaques rocheuses furent replacées sur son corps pour fermer son tombeau, et le Dunéen inscrivit quelques mots commémoratifs sur la surface de pierre grâce à ses outils de mithril. Et ainsi finit l'histoire d'Arang, un des plus grands héros humains du Troisième Âge de la Terre du Milieu, descendant caché des rois du Gondor, qui avait combattu et vaincu nombre de redoutables adversaires que très peu d'humains avaient jamais affrontés.

Puis ils s'éloignèrent dans le boyau où Arang reposait, dans une direction que certains supposaient être le sud. Après un certain temps, la progression se fit plus difficile, le tunnel fit place à d'autres souterrains, et tous se retrouvèrent en train de faire de la spéléologie dans un labyrinthe de cavernes sans fin, sans vie et sans lumière, où les éventuelles traces de passage étaient toutes très anciennes. Ce qui en surprit plus d'un, qui pensaient que ces cavernes étaient parcourues régulièrement par des orcs ; mais il semblait que ces créatures n'allaient pas si loin et s'arrêtaient plus au sud. Par ailleurs, des aventuriers pensèrent que les galeries pouvaient mener aux Sous-Profonds, les anciens tunnels développés par Morgoth pour protéger ses anciens serviteurs de la lumière de la lune et du soleil. Anciens serviteurs qui avaient trouvé refuge dans ces mêmes abysses à la chute de leur maître, à la fin du Premier Âge du monde...

En tout cas, ils progressaient lentement et ne trouvaient pas de sortie. Après un certain temps ils firent une pause pour permettre à Taurgil de se reposer, car il ne pouvait plus continuer. Pendant qu'il dormait, comme d'autres de ses amis, la lionne enchantée décida de partir en avant pour continuer l'exploration en solitaire. Son corps très costaud et endurant et ses grandes capacités lui permettaient d'avancer plus vite et plus longtemps que ses amis, et ses sens très développés, notamment ceux de l'ouïe, de l'odorat et du toucher, compensaient l'absence totale de lumière et lui assuraient de pouvoir continuer en aveugle... et de revenir. Elle progressa donc un moment, sans rien trouver de spécial, et notamment aucun souffle d'air qui aurait pu témoigner d'une ouverture vers l'extérieur.

Au contraire même, les tunnels qu'elle explorait semblaient plutôt la confiner à un voyage vers le bas : la plupart des tunnels qui montaient ou restaient de niveau finissaient tôt ou tard par se fermer, et la descente paraissait inexorable. A un moment, elle perçut également un bruit faible à distance, dans les profondeurs. En se concentrant, elle put entendre comme un lointain raclement contre les parois d'un tunnel, comme le bruit que ferait un très gros corps écailleux qui frotterait contre des rochers. Était-ce un ver des cavernes qui vaquait non loin ? Fallait-il fuir un monstre pareil, ou était-ce au contraire une opportunité ? Pour l'instant du moins, elle ne connaissait pas la réponse à une pareille question...
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Niemal
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Grand Nord - 29e partie : le rubis de Durlach

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1 - Exploration et approche
Vif continua à avancer un peu. Petit à petit, le cheminement était plus facile, la progression ressemblait beaucoup moins à de la spéléologie, les boyaux souterrains étaient plus larges et droits, mieux taillés, manifestement plus utilisés... par le passé. En effet, les éboulis, fissures et crevasses parsemaient les passages même les plus artificiels, suggérant que l'occupation manifeste des souterrains avait brusquement cessé, vu qu'aucun entretien n'avait été fait depuis sans doute des siècles voire des milliers d'années. En fin de compte, elle se retrouva dans un couloir très large et haut - autour de trois pas dans toutes les directions - et rectiligne. Après un moment à le suivre, elle arriva à un palier d'où partait une volée de marches qui descendaient. Cela semblait être le début d'un grand escalier de quatre pas de large.

Mais les bruits de présence d'un possible ver des cavernes lui parvenaient de mieux en mieux, il ne devait plus être si loin. Après avoir marqué une paroi de ses griffes et de son odeur féline, elle fit discrètement demi-tour afin de rejoindre ses amis. Dans une obscurité totale, guidée entre autres par son grand sens du toucher à travers ses coussinets et vibrisses, elle finit par retrouver sans mal ses amis à l'aide des marquages qu'elle avait effectués à l'aller. Elle se permit même la facétie de surprendre Isilmë qui montait la garde auprès de ses compagnons endormis : l'elfe, qui avait pourtant l'ouïe très fine, n'entendit pas son amie revenir, mais elle sentit brusquement sa langue râpeuse sur son visage. Il s'en fallut de peu qu'elle ne poussât un cri de surprise... Puis la lionne enchantée se coucha auprès des autres et s'endormit.

Lorsque tout le monde fut reposé, la féline Femme des Bois, grâce aux tours d'oreille magiques de Drilun, put décrire à ses compagnons le résultat de son exploration. Faute de mieux et peut-être curieux de ce qu'ils pourraient trouver, les aventuriers se mirent en route vers les cavernes autrefois occupées. Il leur fallut une petite fraction de journée pour approcher de la zone en question, sans aucune fatigue grâce à un chant elfique d'Isilmë. La magie de l'elfe était insuffisante pour englober absolument toute l'équipe, mais Vif n'avait pas besoin de cela pour ne pas se fatiguer, et elle embarqua même Rob sur son dos pour que le groupe puisse progresser plus vite. Enfin, les huit compagnons arrivèrent en haut de l'escalier que la lionne enchantée avait repéré.

Malheureusement, son ouïe incroyablement fine lui disait que le ver des cavernes qu'elle avait entendu lors de son premier passage était encore là, et même qu'il s'approchait rapidement d'eux : il avait dû percevoir sans mal le chant de l'elfe, même entonné doucement, d'autant que le son voyageait facilement dans les souterrains, le moindre bruit portait très loin... Même si la bête qui arrivait paraissait plus petite que celle que le grand Dúnadan avait combattu par le passé, il ne fallait pas la prendre à la légère. Par ailleurs, tout dans les bruits qu'elle faisait indiquait à Vif qu'elle était affamée et qu'elle les prenait pour son prochain déjeuner... A tout le moins, ce n'était pas un monstre intelligent, juste un lézard géant capable d'engloutir un membre ou une tête - voire plus - d'un coup de mâchoire !

Drilun fit un sort pour que tout le secteur autour d'eux luise d'une douce lumière fantomatique, ainsi ils ne seraient pas gênés par l'absence de lumière. Ils se reculèrent un peu dans le couloir, de manière à préparer l'arrivée du ver : Rob se faufila dans une petite anfractuosité où lui seul pouvait entrer, l'arc à la main ; Isilmë était un peu plus loin, dans une faille plus large mais trop petite pour laisser passer un éventuel petit dragon, et elle se transforma en pierre grâce à la masse d'armes trouvée sur le corps du nain et ancien ami de Dwimfa. Non loin, dans une crevasse similaire, Dwimfa, Vif et Mordin attendaient le passage de la bête. Une douzaine de pas plus loin, Taurgil, Drilun et Geralt attendaient le monstre de pied ferme, l'arme à la main. Celui-ci arrivait, ils l'entendaient tous à présent, et vite - il avait très faim !

2 - Exécution et zone de magie
Lorsque le gros lézard géant arriva, il ignora Rob ou Isilmë mais il marqua un temps d'arrêt devant le passage - trop étroit pour lui - dans lequel se terraient la lionne et ses deux compagnons. Il tenta d'attraper le nain, le plus proche, avec une de ses pattes, sans que cela fût possible, mais cela laissa à Drilun tout le temps de lancer une flèche de lumière de son arc magique récemment trouvé. Le trait de lumière blessa le monstre avant de disparaître, laissant un peu de sang noir couler, et rendit la bête coléreuse. Elle se précipita alors vers les deux guerriers et l'archer qui l'attendaient plus loin, tandis que l'elfe essayait de se concentrer pour gêner la bête avec l'améthyste magique trouvée sur un autre des anciens compagnons de Dwimfa. Mais bientôt le ver fut hors de portée de la magie de la pierre destinée à repérer et déranger les ennemis...

Dans l'étroit passage, l'Homme des Bois s'accrocha au dos de son amie féline qui sauta par-dessus le nain, qui se glissa derrière eux dans le tunnel, dans le dos du monstre, tandis que le hobbit en faisait autant et encochait la flèche qu'il avait préparée. Très rapidement, le petit dragon sans aile et sans souffle reçut deux flèches (hobbit et Dunéen) et deux coups d'épée au cou (Dúnadan et Eriadorien), et autant de blessures graves voire mortelles. Puis la féline Femme des Bois lui sauta sur le dos et lui laboura profondément le cuir et les chairs de ses pattes puissantes, pour une nouvelle blessure redoutable. C'était à qui voulait tuer le monstre en premier, et cet honneur échut à Geralt, qui acheva de sectionner le cou de la bête d'un grand coup de son épée magique.

Le monstre, pour un ver des cavernes, semblait plutôt petit et portait sur son cuir écailleux des traces anciennes de blessures. Manifestement, c'était plus un souffreteux qu'un puissant lézard géant... Si son sang, qui coulait à flot, n'était pas aussi corrosif que celui des dragons intelligents rencontrés par le passé, les espoirs de certains aventuriers furent vite refroidis : il était tout de même imbuvable et même sans doute toxique, d'après les sens de Vif. Car ses compagnons et elle ne se souvenaient que trop bien que leur eau était rationnée, et encore avaient-ils la chance de bénéficier de l'outre magique de Dwimfa. Néanmoins elle était à peine suffisante pour ne pas mourir rapidement de soif.

A tout le moins, il était possible de continuer à avancer sans craindre une nouvelle rencontre, Vif ne percevant plus rien. Mais à peine le groupe eut-il commencé à descendre les larges marches, que le hobbit et la Femme des Bois s'arrêtèrent net : ils avaient perçu une zone de magie dans laquelle ils venaient tous d'entrer, et dont la puissance grandissait vite au fur et à mesure qu'ils avançaient. Comme si c'était une puissante magie mais bien cachée, que seule la proximité permettait de percevoir avec des sens ésotériques. Mais rien ne semblait se déclencher, donc après des tests et hésitations, le groupe reprit sa progression prudente. Quelques vieux ossements parsemaient les marches, autant de cadavres que Drilun voulait examiner de plus près avec sa magie, afin de déterminer quel avait été leur funeste sort.

Le premier squelette reposait sur les marches, mais ses os avaient été largement brisés par des passages antérieurs comme celui du ver qui avait été tué récemment. La vision ne montra donc rien d'autre qu'un squelette poussiéreux brisé par un ver des cavernes. En revanche, un peu plus loin, le magicien du groupe trouva un squelette très bien conservé dans un passage étroit qui donnait sur l'avenue où ils se trouvaient. Sa vision magique, qui prenait un peu de temps, lui montra un orc en train de hurler de douleur comme s'il était en train de brûler, d'après ses cris, avant de finir par mourir et ne plus bouger. Sauf qu'aucune flamme n'avait été visible autour de lui. Par contre, Rob prévint ses amis qu'il sentait qu'une nouvelle magie, proche du centre de la zone de magie où ils se trouvaient tous, venait d'apparaître à ses sens magiques. Et cette magie était en train de se diriger rapidement dans leur direction...

3 - Inquiétante présence
Les aventuriers se préparèrent à tout et sans doute au pire, comptant sur leur petit ami pour leur donner les informations nécessaires. Car il devint vite évident que la présence qui venait vers eux était tout sauf naturelle : elle paraissait ne se soucier aucunement des obstacles et en particulier de la roche que parcouraient les tunnels. Rob pouvait facilement suivre le déplacement de la chose ou créature qui émettait un peu de magie, et elle semblait leur tourner autour dans les trois dimensions, comme un oiseau en l'air, sauf que l'espace dans lequel cet oiseau se déplaçait était le plus souvent empli de la roche des montagnes alentour. Et par ailleurs, les rares fois où la créature passait dans une partie du tunnel accessible à leur sens de la vue, leurs yeux ne voyaient rien. La chose, quelle qu'elle fût, était invisible.

Taurgil et Geralt descendirent un peu en avant par rapport au reste du groupe, les sens aux aguets, alertés en permanence de la position de la présence par les paroles voire les gestes du petit voleur. Le Dúnadan prenait bien soin de garder le contact avec la larme de Yavanna, qui le protégerait facilement de toute sorcellerie. Et précisément, Rob annonça après un moment qu'il sentait de la magie autour de la créature, une magie noire ayant un rapport avec l'esprit, selon ses sens ésotériques très développés. Le sortilège - d'une grande puissance selon Rob - fut lancé sur le rôdeur dúnadan, dont la larme magique remplit parfaitement son rôle : il ne sentit absolument rien. Du coup, le hobbit décida de mettre l'anneau elfique qui lui avait été précédemment remis, après l'utilisation que Drilun en avait faite et qu'il avait eu du mal à retirer ensuite. Cet anneau limitait fortement la magie autour de lui, ce qui les protégerait tous - s'ils étaient assez près du hobbit - d'une attaque de sorcellerie.

Mais rien de tel ne se produisit, et la présence magique continuait à tourner autour du groupe qui restait aux aguets. Rob continuait à indiquer à ses amis où elle se trouvait autour d'eux par paroles et gestes, jusqu'au moment où elle disparut complètement à ses sens. Et pas seulement aux siens : d'autres, comme Vif ou Taurgil, pouvait aussi ressentir les flux magiques, même si c'était de manière moins fine que pour leur petit ami. Et eux non plus ne ressentaient plus rien. En revanche, la zone de magie autour d'eux restait stable, et plus ils descendaient, plus la force de cette magie se renforçait. Néanmoins, faute de davantage d'options, ils continuèrent leur exploration plus avant. Après avoir descendu le large escalier sur une distance d'environ une portée de flèche, les marches s'arrêtèrent et le tunnel continua vers l'avant, horizontal à présent.

Souhaitant éviter la zone centrale d'où provenaient les émanations de magie, ils profitèrent du premier tunnel sur le côté pour essayer d'esquiver la zone ou du moins sa source. Ils se trouvaient à présent dans une espèce de grande cité souterraine construite sans doute des milliers d'années auparavant, et abandonnée depuis des temps immémoriaux. Elle était trop bien conçue pour être l'œuvre de simples orcs : tout semblait tourner autour d'une zone centrale autour de laquelle des grandes avenues mais aussi de plus petits passages faisaient des cercles concentriques. Tout était très symétrique, avec quatre grandes avenues principales qui convergeaient vers le centre. De très nombreuses cavernes avaient dû héberger des milliers d'orcs à une époque, mais d'autres lieux de vie, et leurs squelettes associés, attestaient de la présence d'autres créatures comme humains ou uruk, sans parler de trolls voire d'autres créatures. Les quatre avenues se terminaient toutes, loin du centre, par des escaliers : deux d'entre eux, en opposition, montaient en s'éloignant du centre de la cité souterraine, tandis que les deux autres descendaient dans les profondeurs.

A part divers squelettes de toutes sortes, il n'y avait aucun signe de vie récente. Et encore, les squelettes semblaient tous très anciens, même si certains signes laissaient entendre qu'ils avaient été bougés ou dépouillés de leurs possessions il y avait de nombreuses années. En tout cas les aventuriers ne trouvèrent rien de notable ou d'utilisable. Sauf que ces squelettes, lorsqu'ils n'avaient pas été brisés par le passage ou l'action ultérieure de visiteurs et notamment des plus gros, ne portaient aucun signe de mort violente : tous semblaient être morts sans combattre, comme empoisonnés, ou par magie peut-être. Et tout tournait autour d'une gigantesque salle centrale, le cœur de la cité : une avenue tournait tout autour, et une ouverture face à chacune des quatre avenues en croix laissait entrevoir une très grande pièce vide, en dehors de squelettes divers, dont celui d'un probable ver des cavernes.

4 - Premier combat
Mais les aventuriers n'en étaient pas encore à l'exploration de cette pièce centrale. Alors qu'ils visitaient les avenues et s'approchaient d'un squelette sur lequel Drilun allait bientôt faire une vision, Rob les avertit qu'une nouvelle magie était à l'œuvre, et pas n'importe laquelle : il reconnut immédiatement celle que faisait son ami dúnadan, la magie de roi qu'il avait apprise de Narmegil, descendant des rois d'Arnor. Une magie qui renforçait considérablement les capacités d'attaque, de défense ou de commandement de son utilisateur. Et en plus l'intensité de cette magie était très supérieure à ce que le hobbit avait déjà ressenti chez ses amis. L'être qui était en train d'utiliser cette magie était, en plus d'un roi ou au moins roi potentiel, manifestement un magicien accompli. Et Rob et ses amis se doutaient que l'utilisation de cette magie n'allait pas être défensive...

Taurgil s'entoura aussitôt de la même magie, version défensive, tandis que l'archer-magicien lançait son propre sort de défense. Puis le hobbit annonça qu'une puissante sorcellerie était en préparation, quelque chose en lien avec le feu. Et soudain, tout autour de la présence magique, jusqu'à une distance de dix pas environ, l'air s'emplit de flammes sombres, engloutissant toute l'équipe dans une chaleur surnaturelle. Heureusement, tous étaient bien protégés par leur attirail physique ou magique, mais cela ne fut pas sans conséquence malgré tout : Rob, Drilun et Mordin furent légèrement blessés par les flammes, et le premier se mit à paniquer. Heureusement la féline Femme des Bois le prit dans sa gueule pour le faire sortir de la zone envahie de flammes magiques, tandis que le Dunéen et le nain en faisaient autant par leurs propres moyens. Et si les autres résistèrent mieux aux flammes, ils sentaient que ce n'était qu'une question de temps avant d'être eux aussi physiquement affectés.

Heureusement, Rob continua à guider ses amis avec ses perceptions ésotériques, si bien que Taurgil et Geralt, même en aveugle, tentèrent de blesser l'inconnu qui faisait preuve d'une telle sorcellerie. Malgré son invisibilité, ils arrivèrent même à toucher quelque chose et à entendre ce qui ressemblait à un cri de douleur. Guidé par sa magie défensive, le grand Dúnadan roula de côté pour esquiver une lame enchantée et invisible qui lui sembla rater sa tête d'assez peu. Sa magie venait probablement de sauver Taurgil d'une mort rapide. Et si leur ennemi avait été blessé, les aventuriers n'avaient pas l'impression qu'il avait été particulièrement gêné par les deux coups qui lui avaient été portés. En tout cas ses blessures n'avaient pas empêché l'espèce de spectre qui les attaquait de faillir tuer l'un des plus puissants d'entre eux.

Malheureusement, l'exploit de blesser ce puissant fantôme ne risquait pas de se reproduire, car leur ennemi plongea dans le sol. Tant Dwimfa, armé de Morang, que Geralt et son épée magique, tentèrent bien de pourfendre le spectre à travers la roche, mais sans résultat tangible, malgré l'aide à distance de leur petit ami. Et les flammes continuaient à brûler et allaient tôt ou tard passer la barrière de leur équipement ou leur résistance. Sans parler d'autre sorcellerie : Rob lança une nouvelle alarme à propos d'un puissant sortilège affectant les esprits. Geralt en était la cible, mais il arriva à résister sans problème. En revanche, il entendit dans sa tête la suggestion à laquelle il résista : le sorcier aurait voulu que le maître-assassin s'emparât d'un fabuleux rubis qui devait se trouver au milieu de la pièce centrale de la cité désertée.

Taurgil fut aussi la cible d'un sortilège similaire, mais, aidé par le toucher de la larme de Yavanna, il ignora complètement la magie qui avait auparavant tenté d'affecter son ami. Drilun, voyant que ses efforts en combat ne donnaient aucun résultat, sortit de la zone enflammée et se dirigea vers l'origine de la puissante magie au centre de la cité souterraine. Au même moment, Geralt parla du rubis qu'il avait été poussé à aller chercher. La mention de la gemme entraîna la réaction immédiate de Mordin, qui se précipita alors vers le centre de la cité et le probable rubis magique. Lui se moquait bien du pouvoir corrupteur de ce qu'il pensait être un puissant artefact. Mais Taurgil avait lui aussi réagi, et il était devant le nain, derrière Drilun, tandis que les autres suivaient à plus ou moins grande distance, si possible en dehors de la zone de flammes magiques qui perdurait. Ils entrèrent tous bientôt dans une grande caverne de trente pas de rayon, un immense dôme, sorte de demi-sphère, accessible par les quatre avenues qui divisaient la cité souterraine en quatre parts d'un drôle de gâteau.

5 - Rubis et lutte
Entre autres divers squelettes, la pièce comprenait ce qui ressemblait aux restes d'un petit dragon, probablement un autre ver des cavernes. Mais un peu plus loin, en plein centre, Mordin repéra un corps momifié a moitié pris dans le sol rocheux, et dont émanait une petite lueur rouge... Le rubis était là ! Juste au-dessus, à trente pas de haut, une ouverture au sommet du dôme laissait entrevoir un escalier en colimaçon qui se terminait dans le vide. En fait, même s'il était concentré sur le rubis, le nain remarqua dans un coin de sa caboche des détails troublants : en dehors des squelettes, il n'y avait absolument rien dans la pièce, aucun meuble, ornement, sculpture ou décoration. Mieux encore, les parois de la pièce avaient un aspect très lisse, très régulier, de même que le sol dans lequel la momie reposait, comme si le sol avait fondu et qu'elle avait été figée dedans...

Mordin cria qu'il avait repéré le rubis dans le squelette du ver, et Taurgil, trompé par son ami, s'y dirigea immédiatement. Drilun, encore moins perceptif, ne vit rien et se dirigea lui aussi dans la mauvaise direction. Bien entendu, le nain poursuivit tout droit et trouva une pierre rouge légèrement lumineuse qui reposait sur la poitrine de la momie. Il mit la main dessus... et constata avec plaisir que les flammes qui l'entouraient, et qui les avaient suivis, ne l'affectaient plus. Bien sûr, il ressentait la chaleur, mais c'était juste un peu désagréable, les flammes ne lui causaient plus aucune douleur. Il concentra alors son attention sur la gemme, tâchant de contrôler sa magie et de faire arrêter les flammes qui l'entouraient, tandis que ses amis arrivaient et restaient en dehors de la zone de feu d'environ dix pas de rayon autour de Mordin.

Mais la tentative de faire disparaître les flammes se solda par un échec. En revanche, le nain se réjouissait du contact du rubis, comme s'il avait été fait pour lui. Devinant une corruption à l'œuvre, et se rappelant que, malgré sa résistance impressionnante, Mordin avait déjà succombé par le passé à des corruptions magiques, Drilun prépara un sortilège de maladresse pour faire lâcher la gemme à son ami. Malheureusement, les nains résistent particulièrement à la magie et celui-là peut-être encore plus que tous les autres... et le sort fut donc sans effet. Dwimfa, au vu des flammes, eut l'idée d'utiliser l'amulette autrefois portée par son ami Arang, et qu'ils appelaient "Nar", d'après le mot de pouvoir qui déclenchait sa magie. Il prononça donc le mot de commande, et une boule de feu magique apparut dans les airs, liée à sa volonté. Il lui ordonna mentalement de couvrir la main du nain, celle qui tenait le rubis, ce qu'elle fit... sans effet apparent !

Drilun repartit à l'assaut de son ami avec sa magie : une nouvelle fois, il voulut influencer Mordin pour le forcer à lâcher la pierre. Cette fois-ci, son sort de maladresse fut plus efficace, et, à sa grande surprise, le nain lâcha le bijou qui tomba au sol. Et à sa grande douleur aussi : brusquement les flammes alentour l'affectaient à nouveau, et en particulier la boule de feu autour de sa main, qui le brûla profondément ! Taurgil décida alors de foncer dans les flammes, vers l'artefact magique : protégé par le contact de la larme de Yavanna, il ne craignait pas le pouvoir corrupteur de la pierre. Et contrairement à son ami, il avait l'habitude de la magie et il espérait bien arriver à contrôler celle de l'artefact, ou en tout cas mieux que Mordin.

Mais ce dernier, libéré du rubis et secoué par la douleur des flammes, comprit qu'il avait été influencé par l'artefact, dont rien de bon ne pouvait sortir. Il prit alors la masse de Gorovod, cette arme prise sur le corps du grand sorcier de Dol Guldur, arme maudite qu'il portait et utilisait parfois. En effet, elle avait un grand pouvoir destructeur sur les corps et encore plus sur les choses inanimées, ce qui les avait bien aidés par le passé pour briser la glace, par exemple. Avant que son ami dúnadan ne puisse prendre la pierre rougeoyante, il assena dessus un coup puissant de la masse magique... qui lui explosa à la figure ! Il était heureusement bien protégé par son armure, mais il reçu une nouvelle blessure et une belle cicatrice au visage. Taurgil fut affecté un peu lui aussi, mais très légèrement, et il vit que le rubis n'avait absolument pas été affecté par le coup : la magie du rubis avait été plus forte que celle de la masse... Et il prit l'objet dans sa main, ce qui lui conféra immédiatement une résistance à la chaleur des flammes, tandis que Mordin tâchait de sortir de la zone enflammée.

6 - Maîtrise et menace
Pendant tout ce temps, Rob suivait la présence magique grâce à ses perceptions ésotériques extrêmement développées, héritage d'une autre époque où il avait été corrompu par un anneau magique et avait quitté le groupe. Mais il en avait toujours gardé quelque chose, et sa longue période comme invité du seigneur Elrond lui avait permis de développer un talent certain pour détecter voire reconnaître la magie. Il sentait bien, par exemple, que la zone de flammes était une sorcellerie qui émanait de l'espèce de fantôme que Geralt et Taurgil avaient blessé, et qui était toujours là. Malheureusement, l'être était un puissant sorcier, et l'anneau elfique que portait le hobbit, et qui réduisait voire annulait les magies alentour, avait une portée légèrement inférieure à la taille de la zone enflammée. Il ne pouvait donc pas affecter leur mystérieux ennemi, sauf à entrer dans les flammes et à s'y brûler. Et il devinait que des deux, il serait le plus affecté...

A tout le moins, il informait ses compagnons de la présence de la chose, et des éventuels sorts qu'elle préparait. Lorsque la boule de feu magique créée par Dwimfa à l'aide de l'amulette magique "Nar" fut soufflée, il sentit que le fantôme en était la source. Par contre, contrairement à Mordin, Taurgil réussit à maîtriser la magie du bijou, ce que le hobbit perçut : les flammes finirent par s'éteindre, mais Rob sentait que son ami était en train de faire une nouvelle sorcellerie liée au feu, probablement avec l'aide du rubis magique. La magie grandissait petit à petit, de plus en plus puissante, mais ce n'était que la préparation. Contrairement au fantôme de celui qui avait peut-être été un puissant sorcier, Taurgil n'avait pas autant d'aisance dans le lancement de cette nouvelle magie. Il lui fallait donc du temps avant de lancer ce qui ressemblait à un sort puissant lié au feu...

Si certains ne savaient pas quoi faire, en revanche ce n'était pas le cas de Vif : se concentrant, elle appela Tevildo en elle, sachant très bien qu'il avait toujours un œil sur elle et ses compagnons, et qu'il pouvait même, à travers ses sens félins, avoir accès à ses perceptions en temps réel. Il devait donc très bien suivre ce qu'ils étaient en train de faire. Elle lui demanda des informations pour savoir comment maîtriser le sorcier et son rubis avant que les choses ne dégénèrent. Le Prince des Chats, tel un véritable félin, n'était pas toujours très coopératif, mais là il répondit immédiatement. Il prévint sa descendante que le rubis était très puissant et dangereux, et qu'il ne fallait surtout pas l'utiliser ou essayer de le détruire. Le groupe en était peut-être capable, grâce aux incroyables artefacts qu'étaient les épées Morang et Gwaedhel, mais les conséquences seraient tout sauf faciles à assumer. L'éclatement de la masse de Gorovod, pourtant puissant artefact, en était un avant-goût. Ce qui fit écho, dans la tête de Vif, à la forme parfaitement (demi) sphérique de la grotte où ils étaient, aux bords et sol lisses comme de la pierre fondue qui se serait solidifiée...

Elle fit tout de suite profiter son ami dúnadan de cette information, avant la fin du lancement du sort. Il arrêta aussitôt... non sans avoir senti au même moment la larme de Yavanna, qu'il tenait dans une main, s'évaporer entre ses doigts ! La féline rôdeuse n'en avait pas fini avec Tevildo et elle le pressa de questions sur la manière de combattre leur ennemi, mais il resta évasif, lui disant de chercher, comme si tout était facile et à leur portée. A sa manière, il lui disait peut-être d'utiliser sa tête plutôt que son corps, mais il ne lui semblait pas d'une très grande aide ! De toute manière il cessa de répondre à ses demandes, et elle ne put que mettre ses compagnons au courant de la situation.

Ils décidèrent alors, en premier lieu, de sortir de la zone magique qui englobait toute l'ancienne cité souterraine, et qui était centrée sur la grotte centrale où ils se trouvaient. Non sans avoir auparavant détruit la momie et le sol dans lequel elle se trouvait à moitié. Ils se disaient que le fantôme du sorcier qui rôdait autour d'eux devait être confiné à cette zone, preuve en était les nombreux squelettes présents dans ladite zone mais pas à l'extérieur. Ils filèrent donc à l'opposé de là d'où ils venaient, traversèrent l'avenue qui menait à l'autre escalier ascendant que celui par lequel ils étaient arrivés, et le montèrent au plus vite, le fantôme toujours sur leurs talons, d'une certaine manière. Malheureusement, en haut des marches et hors de la zone d'origine, Rob leur annonça que la zone avait bougé avec eux et que le fantôme était toujours là. Il devait être lié au rubis, pierre précieuse qu'ils ne pouvaient détruire sans grave conséquence mais qui en même temps était potentiellement très utile, ce qu'avait aussi laissé entendre Tevildo. Restait à se débarrasser de son gardien...

7 - Discussion et lointain passé
Suite aux suggestions de la lionne enchantée, Taurgil prit alors la parole et demanda avec force au fantôme de parlementer avec lui, Taurgil Melossë, descendant des rois du Rhudaur, dont les ancêtres n'étaient autres que Beren et Luthien, cette dernière fille du roi Thingol et de Melian la Maïa. Une voix désincarnée résonna alors non dans le tunnel mais dans leurs têtes, un langage ancien mais très proche du noirparler, langue utilisée à Dol Guldur et que maîtrisaient de nombreux aventuriers. L'être se moqua d'eux et de leur insignifiance, se disant bien plus vieux que Beren, et il semblait heureux de communiquer sa haine de la vie, son mépris et son pouvoir. Malheureusement, à part faire gagner du temps, lui parler ne paraissait guère utile à la conclusion recherchée de leur différent : leur mort à tous, lentement et avec beaucoup de souffrance, restait toujours son objectif prioritaire, ce dont il se délectait. Et manifestement il avait ce pouvoir, ou en tout cas il le pensait, et la disparition de la larme ou l'éclatement de la masse magique, pour ne rien dire de la corruption du nain, allaient dans son sens.

Mais parler permettait d'apprendre des choses et peut-être de trouver ce qui pourrait l'affecter. Grâce à son lien avec Tevildo, Vif, qui aida souvent son ami rôdeur dans ses négociations, apprit que leur interlocuteur s'appelait Zigûr, et qu'il haïssait Durlach et Eloeklo. Plus tard ils sauraient tous que c'était un grand et puissant sorcier du Premier Âge aux ordres de Morgoth lui-même. Quelqu'un qui jouait dans la cour des grands et qui côtoyait les meilleurs lieutenants du Noir Ennemi du Monde, et notamment certains balrogs... comme Durlach et Eloeklo. Ces "démons de puissance" (balrog) se détestaient cordialement (et même plus) depuis le temps de Morgoth, et Zigûr avait été un pion dans leur conflit. Un pion bienveillant et conscient de son rôle, mais il espérait bien en tirer parti : il avait accepté un rubis magique imprégné d'une partie de l'essence de Durlach, ce qui lui donnait un grand pouvoir. En essence, ce rubis, par sa magie du feu tournée vers la mort du démon du froid, rendait son possesseur capable de tuer les créatures du froid, et en particulier le balrog Eloeklo, bien plus facilement.

Le sorcier avait crû en pouvoir, mais la Guerre de la Colère avait mis fin à ses petits jeux, comme à ceux de Durlach et Eloeklo. Ces deux derniers furent emprisonnés dans le Puits de Morgoth et au sommet des Montagnes de la Désolation (Ered Muil), mais Zigûr réussit à s'enfuir dans les profondeurs, comme tant d'autres serviteurs de Morgoth privés de leur maître. Hors d'atteinte des Valar et de leurs serviteurs, le sorcier développa son petit royaume souterrain, puissant et respecté : il était devenu l'égal d'un balrog lui-même, ou du moins s'en vanta-t-il auprès des aventuriers. Il savait que le rubis de Durlach avait un pouvoir de corruption, mais cela lui allait très bien car cela suivait bien ses propres intérêts.

Mais il n'avait pas prévu le petit piège magique que le créateur du rubis avait mis dans sa création : au bout du compte, à force de corruption, le rubis devint incontrôlable et Zigûr mourut dans ses propres flammes, crucifié magiquement par le pouvoir du rubis qui avait desséché son corps et prolongé son agonie physique sur une longue période, avant de la faire se prolonger dans le monde des morts-vivants. Un pouvoir qui avait agrandi sa déjà grandiose salle du trône et fait fondre, entre autres choses, l'escalier qui menait à ses appartements privés. A présent, il était piégé par la magie du rubis, qu'il contrôlait encore, et il haïssait plus que tout les deux démons qui l'avaient manipulé et mis dans une telle situation. Ses anciens serviteurs, ceux qui n'avaient pas immédiatement péri ou fui, subirent vite sa colère et passèrent tous de vie à trépas d'une manière similaire : il les faisait mourir à petit feu en partageant magiquement avec eux l'expérience de sa propre agonie...

Ravi de pouvoir s'exprimer, il donna nombre d'informations à Vif et ses amis, mais l'essentiel avait été dit, et Taurgil exprima ce qu'il pensait être le souhait le plus cher du fantôme sorcier, bien plus que ses désirs de torture de leur petite compagnie : la mort de Durlach et Eloeklo. Il sous-entendait qu'en aidant les aventuriers, le sorcier pouvait réaliser son vœu. Mais c'était semblait-il une erreur : Zigûr se moqua d'eux, disant qu'il souhaitait au contraire continuer à les sentir souffrir dans leur prison magique, et que de toute manière Taurgil et les siens étaient bien comme les balrogs : ils ne cherchaient qu'à se servir de lui pour arriver à leurs fins ! Mais en fin de compte Geralt arriva à mettre le doigt sur ce qui taraudait vraiment le fantôme, comme tous les fantômes d'ailleurs : sa libération. Lorsque cette idée fut évoquée à voix haute, le fantôme se tut, interloqué. Les aventuriers surent alors qu'ils avaient trouvé le levier pour se servir du sorcier, et potentiellement en faire un puissant allié.

En fait ce n'était pas aussi simple. Zigûr ne voulait pas être un pion, mais si l'équipe était prête à lui offrir sa rédemption, sans garantie d'aucune contrepartie, alors il serait susceptible de les aider par son savoir. Mais jamais il n'irait affronter les balrogs physiquement ou magiquement. Néanmoins, ses connaissances pouvaient être précieuses, de même que le rubis : non seulement il pouvait transmettre à Drilun les connaissances nécessaires pour faire un rituel capable d'invoquer Durlach lui-même, d'autre part l'essence même du rubis permettait d'apporter toute l'énergie nécessaire, sans avoir besoin de trouver et sacrifier nombre de créatures pour arriver à faire sortir le balrog un bref moment de sa prison. Et la magie du rubis apportait toujours des capacités mortelles dans tout combat face à Eloeklo...

8 - Escalade
Drilun et ses amis acceptèrent de libérer le fantôme de son statut de mort-vivant, pour qu'il puisse enfin rejoindre les cavernes de Mandos. Ce qui ne serait pas si simple : il fallait réunir tous les restes de la momie de Zigûr - dont certains avaient été obligeamment éparpillés par Mordin - et les emporter à la surface de la terre. Là-haut, ils finiraient par être exposés à la lumière de la lune, qui donnerait au fantôme sa liberté par rapport au rubis, et à celle du soleil, qui lui permettrait de quitter enfin la Terre du Milieu pour Valinor et les cavernes de Mandos où résidaient les morts. Il faudrait aussi se servir du rubis. En échange, le sorcier leur indiqua le plus sûr chemin pour sortir des cavernes où ils se trouvaient : dans la pièce principale de la cité (où ils revinrent bientôt), au-dessus de leurs têtes, l'escalier privé du sorcier permettait d'accéder directement à l'extérieur, après une longue et éreintante ascension. Et de là il serait possible de sortir des montagnes...

Plus facile à dire qu'à faire : le bas de l'escalier débouchait dans le vide, à trente pas de haut, et les parois de la pièce étaient lisses et quasiment impossibles à escalader. Même avec du matériel d'escalade, même avec les griffes enchantées de la lionne magique, Rob et Vif doutaient d'être capables de réaliser un tel exploit. Lancer un grappin à une telle hauteur semblait presque plus simple, ou, à tout le moins, moins fatigant. Mais lancer un objet aussi haut paraissait déjà presque irréalisable, et trouver une prise pour le grappin, sur la roche en partie fondue et solidifiée, serait un nouvel exploit. Les deux, combinés, paraissaient une entreprise tout aussi irréalisable. Pour des individus normaux peut-être, mais pas pour des aventuriers pleins de ressources...

Tout d'abord, la distance pouvait être réduite : Taurgil avait toujours sa corde magique prise à Ardagor, serviteur du roi-sorcier d'Angmar qui avait menacé le Cardolan et l'Arthedain, avant l'intervention des aventuriers dans une guerre collective contre le Seigneur de Guerre, comme il se faisait appeler. Longue de dix pas, cette corde magique pouvait servir comme une extension du corps du grand Dúnadan, assez fort pour soulever le hobbit et le maintenir à son extrémité, où il pourrait jouer du grappin pour l'envoyer vingt pas plus haut. Et la magie de Drilun pouvait aider le grappin à se fixer sur la pierre... Et ainsi fut-il fait, après une pause et quelques soins : Rob se retrouva dix pas plus haut, avec une autre corde à laquelle fut fixée un grappin. Il fit tournoyer ledit grappin de nombreuses fois, arriva à l'envoyer proche de son but, mais chaque fois le manquait, et le grappin et la corde retombaient. Il faut dire que sans appui solide sous ses pieds, la tâche n'était pas aisée. Et le grand Dúnadan transpirait de tenir à bout de bras - et de corde - un poids qui bougeait ainsi.

En fin de compte, Rob finit par descendre, et un autre le remplaça : Dwimfa était encore plus adroit que le hobbit, et, même s'il était plus lourd et difficile à porter pour Taurgil, il avait une chance magique supérieure à celle - naturelle - de son petit ami. Il monta donc en haut de la corde, lança le grappin... qui s'accrocha - à l'aide de la magie de l'archer-magicien dunéen - du premier coup ! Vite, l'Homme des Bois grimpa à la corde et arriva enfin au bas de l'escalier. Il assura alors la prise du grappin et les autres montèrent tour à tour, parfois leur (lourd) matériel séparément : Geralt, Isilmë, Drilun, Mordin, Taurgil... Pour Vif, ce fut plus difficile : elle souhaitait conserver sa forme féline, incapable de grimper à une corde si mince. Avec d'autres cordes que le hobbit attacha au corps de la lionne, Vif fut soulevée par ses amis déjà arrivés - non sans mal et avec beaucoup de sueur (dont quelques sueurs froides) - jusqu'à la base de l'escalier. Puis, dernier mais non le moindre, le hobbit put rejoindre ses amis à son tour.

C'était un premier pas vers leur libération, mais pas le dernier : une longue et fatigante ascension les attendait, alors qu'en plus de leur matériel, ils étaient chargés de la lourde dépouille du sorcier : les morceaux de sa momie étaient en soi très légers, mais la gangue de roche qui s'était refermée sur une partie de son corps n'avait pu être retirée qu'en partie. C'était donc un poids mort aussi lourd qu'une personne normale à faire parvenir tout en haut. Et leurs ressources en eau étaient fortement limitées, alors qu'ils allaient tirer (encore plus) la langue... Mais en haut, de la neige et de la glace les attendaient et se transformeraient vite en eau limpide et rafraîchissante. Du moins s'ils y arrivaient, même s'ils étaient confiants. Et si Canadras n'était pas là pour leur faire passer un mauvais moment, ce que beaucoup craignaient plus. Mais depuis un moment ils ne sentaient plus rien à son sujet, et ils s'étaient bien éloignés de lui.

9 - Soif et libération
La longue ascension commença donc. L'escalier était raide, tous étaient bien chargés, et la soif se faisait sentir, car l'outre magique de Dwimfa était loin de suffire à tous. Même en répartissant les charges entre eux, même en évacuant leur fatigue grâce à la magie des soins d'Isilmë, ils ne purent tout faire en une seule fois. Après un temps qui semblait trop long, Mordin et Rob s'avouèrent vaincus, et ils s'assirent sur les marches, leur corps refusant d'aller plus loin. D'autres n'en étaient pas là mais ils sentaient que leur corps n'allait pas tarder à leur présenter la facture. Drilun avait trouvé en lui un second souffle et il se sentait plein d'énergie ; Geralt pensait pouvoir finir la montée jusqu'en haut d'une seule traite, malgré sa flemme - mais peut-être souhaitait-il être débarrassé de cette corvée au plus vite ; et Vif, dont le corps très robuste était plus adapté à cet exercice que les autres, ne voyait pas de raison d'arrêter : même si son corps félin était adapté au manque d'eau, ce dernier la gênait plus que la fatigue et elle comptait bien arriver au plus vite au sommet, où les attendaient neige et glace...

L'archer-magicien, le maître-assassin et la féline rôdeuse continuèrent donc, non sans avoir aidé leurs compagnons à installer des espèces de hamacs grâce au matériel d'escalade, afin de leur permettre de se reposer dans cet escalier trop raide pour s'allonger. Après encore un moment, la température se mit à baisser de plus en plus, signe que le sommet ne devait plus être loin. Enfin, ce fut le bout du chemin : l'escalier s'arrêta à un seuil, face à une porte dérobée sur l'intérieur de laquelle une rune était inscrite. Avec l'aide de Drilun, la magie put être activée et la porte s'ouvrit enfin, au fond d'une anfractuosité. Les trois amis purent sortir prudemment, après avoir vérifié qu'aucun dragon n'attendait à proximité pour leur faire un mauvais sort. Puis ils purent prendre de la neige, la faire fondre dans leur bouche et avaler le liquide qui glissa dans leur gosier comme un fabuleux nectar...

Tandis que Geralt s'installait pour un repos - à nouveau - bien mérité, Drilun et Vif eurent l'idée, peut-être loufoque mais pas complètement, d'envoyer une très grosse boule de neige à leurs amis plus bas. Vu la distance, la boule allait rebondir sur les marches et perdre beaucoup de sa substance avant d'arriver au niveau où les autres se reposaient. Ils mirent donc leur plan à exécution, prenant comme "cœur" de la boule une gourde qui avait été remplie avec de la neige plus ou moins fondue. Il fallut un moment pour faire la plus grosse boule de neige possible, puis ils la lancèrent dans l'escalier, où elle prit de la vitesse tout en laissant de la neige un peu partout. Loin en contrebas, Rob fut tiré de son repos par du bruit de chute qui venait d'en haut, mais il ne pouvait rien voir faute de lumière. Heureusement, Isilmë, même si elle était aveugle, pouvait toujours s'entourer d'une aura lumineuse magique, ce qu'elle fit. Ce qui permit au hobbit de voir bientôt arriver une gourde pleine qu'il attrapa au vol... et dont il profita bientôt.

Après la fin de leur repos, les cinq derniers aventuriers reprirent leur ascension, et trouvèrent bientôt des petits tas de neige éparpillés au hasard des marches, ce qui les aida à étancher leur soif. Enfin, le groupe fut réuni et tous purent bientôt profiter d'un air moins souterrain mais toujours aussi glacial. Le ciel était très couvert et la neige tombait, donc il n'était pas question de laisser de sitôt les restes de Zigûr, mais de toute manière les aventuriers et lui avaient beaucoup à se dire. En attendant que le ciel se découvrît, il les informa davantage sur les pouvoirs du rubis de Durlach, qui étaient les plus grands lorsque le porteur était environné de flammes magiques. Malheureusement, chaque fois qu'un tel sortilège était lancé, la magie du rubis pouvait déborder son porteur et tout détruire aux alentours, transformant par la même occasion son porteur en mort-vivant...

Mais la gemme renfermait aussi une part de Durlach en elle, et à ce titre elle avait un pouvoir sur lui, et Drilun ne manqua pas d'apprendre ce qu'il pouvait sur les invocations possibles du Balrog à l'aide de l'artefact. Les aventuriers posèrent de nombreuses questions au fantôme, sur Eloeklo et Durlach, sur les environs, sur Canadras, qui avait en partie été le maître de Zigûr, et que ce dernier considérait comme son supérieur... Mordin et Dwimfa, également, s'isolèrent un peu pour parler de Tevildo au fantôme du sorcier, loin des oreilles indiscrètes que le Prince des Chats laissait traîner dans les corps des six autres aventuriers, avec qui il avait un lien plus ou moins fort, ayant par le passé été invité à les soigner avec sa puissante magie. Tous deux espéraient donc en apprendre le plus possible sur le Maia pour pouvoir faire la différence au moment de régler les comptes.

Et des comptes il y en avait à régler, mais jamais le groupe ne s'était senti si près de pouvoir le faire : avec ce dernier artefact en leur possession, de nombreux horizons s'ouvraient à eux. Dwimfa gardait une très grosse dent vis-à-vis d'Eloeklo, et il se sentait tout à fait prêt à détruire le rubis grâce à Morang - même au prix de sa mort - si cela pouvait permette de pulvériser le Démon du Vent du Nord en même temps. Et Vif se disait que si elle laissait Tevildo prendre possession de son corps, il deviendrait vulnérable et pourrait peut-être aussi succomber à l'explosion du rubis. Elle aussi se sentait prête à mourir pour débarrasser la Terre du Milieu de son patron, et trouver elle aussi repos et satisfaction du devoir accompli. Après tout, en son cœur, son vrai patron restait Radagast, qui lui avait appris à accepter et maîtriser ce qu'elle était. Et non Tevildo pour lequel elle n'était qu'un pion, même si c'était une reine...
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