35ème nuit : Transgression
Samedi 8 Mai 2010
Je me réveille de bonne heure, me prépare pour ma petite virée nocturne et, dans l’attente de la tombée de la nuit, tente une petite expérience. J’allume toutes les lumières de ma chambre, puis m’assoie en position yoga. Après une dizaine de minute de prière, j'essaie de faire le vide pour vérifier que ma lumière, celle qui séjourne dorénavant en moi depuis l’épisode de l’église, est toujours présente. Elle est discrète mais je finis à force d'introspection par ressentir sa présence. Je me concentre alors sur une ampoule et j'essaie de la faire de plus en plus briller. Mon objectif est de pouvoir utiliser mes connaissances en Obténébration mais d’agir non plus sur les ombres, mais sur son inverse : les sources de lumière. Pendant de longues minutes, rien ne bouge puis je me rends compte qu'avec un effort de volonté j’arrive à intensifier la luminosité mais seulement autour de moi ce qui, après réflexion, risquerait probablement de gêner toute personne qui souhaiterait m’agresser. Et devant ce résultat je m'exclame « Fiat lux! Que la lumière soit! » Hum, il faut que je trouve un nom à cette nouvelle discipline... Je me lève et vais chercher une encyclopédie dans la bibliothèque de ma chambre. Si je décompose le mot, Obténébration veut dire :"Aller à la rencontre (Ob-) des ténèbres". Son sens inverse serait "Aller à la rencontre de la lumière". Ma lumière intérieur n'a pas l'air d’émettre une chaleur particulière, c'est de la lumière froide, de la luminescence qui fonctionne avec la volonté, peut-être même la Foi. Donc pour l'instant j'appellerai cette discipline l'Obluminescence ! Après m’être notée mentalement de nombreuses séances d’entrainement, j’observe mon ombre. Toute vie l’a quittée, elle est inerte et semble comme celle de tout à chacun. Hum, cela me serre le cœur d'avoir perdue une bonne amie... Plus d'ombre qui bouge, mon reflet qui par intermittence réapparait. Petit à petit je perds tout ce qui caractérise un Lasombra mais qu’importent les sacrifices si c'est la volonté du seigneur! Serais-je la première d’une nouvelle lignée ?
Sur cette interrogation, je dis une prière rapide en remerciement au seigneur et à ma lumière de me guider sur ce chemin difficile, j'éteins les lampes, m'habille de ma robe rouge, me coiffe, me parfume, prend le cash que j'avais mis à part lors de mes virées nocturnes et descend au salon pour attendre Gérald. Je lui dis que je souhaite sortir, que j'ai l'autorisation du ductus à la condition qu'il m'accompagne dans mes déplacements en dehors du refuge... « J'ai besoin d'améliorer ma garde-robe, il faudrait que l'on passe chez un tailleur voir un styliste, puis au centre commercial! » Je me rapproche et lui murmure à l'oreille: « Ce sera aussi l'occasion pour toi d'obtenir un nouveau costume, on en aura besoin pour la suite des opérations. » Alors que nous sommes sur le chemin du centre-commercial, je romps le silence de mort qui règne dans la Porche et lui demande de but en blanc: « Je suis totalement perdue Gérald... Même au sein de ma propre meute, je lis ces mêmes sentiments dans les yeux de mes interlocuteurs, de la méfiance et de la peur! Lorsque je t'ai rencontré, j'ai cru avoir enfin trouvé une personne avec qui je pourrai parler vrai mais au lieu de ça tu t'es totalement fermé... Que s'est-il passé entre nous pour que nous arrivions à cette impasse ? ». Légèrement surpris par mes paroles, le Ventrue m’inspecte quelques secondes avant de me répondre : « J'ai peur de ne pas vraiment comprendre ce que tu attends de moi ? Par ailleurs, hors le lien de meute qui nous relie, dans quelle mesure puis-je t'accorder ma confiance ? En effet, tu es de sang Lasombra et malgré la confiance que j'ai dans ton sire, ton inexpérience de la vie vampirique et le manque de sagacité que tu as manifesté dans les situations auxquelles nous avons été confrontés me laissent perplexe quant à ta fiabilité réelle. On juge essentiellement quelqu'un à ses actes. »
Sur ces mots je prends immédiatement la mouche : « Ces années dans la camarilla ont, semble-t-il, porté ses fruits, tu es passé maître dans l'art de feindre l’incompréhension! Chacune de nos discussions se déroulent de la même façon: à peine l'ai-je engagée que tu te mets sur la défensive et dès que tu perds pied tu montes sur tes grands chevaux! Tu dis que l’on juge essentiellement quelqu'un à ses actes! Venant du prince de l'embrouille s'en est presque risible, surtout vu ce qu'il s'est passé hier, une erreur de nouveau né! Le pire c'est que tu ne t'appliques même pas ce credo. A t'entendre je me demande qui est vraiment le Lasombra entre nous deux! De plus, au lieu de m'envoyer à la figure des préjugées sur mon clan, ma supposée jeunesse vampirique ou je ne sais quels grands mots sortis tout droit de ton manuel de langage fleuri, il serait peut-être temps de poser une fois pour toute carte sur table... Tu parles de lien de confiance. Ce concept est dangereux, mortel! La confiance est une illusion, une vue de l'esprit, un instantané! Elle ne signifie rien car à tout moment elle peut-être battue en brèche! Le monde est peuplé de Judas ou de Brutus, en qui tu auras confiance, mais qui te poignarderons une fois le dos tourné. Tu as confiance en mon sire ? Alors il te tient... Je n'aurai jamais confiance en quiconque, je n'en ai pas besoin pour atteindre les hautes sphères! Ma conviction, ma maîtrise de soi, mon courage c'est-à-dire ma Foi suffit ! » A ce moment là il prit son air habituel, vous savez celui du mec qui se croit supérieur, qui a tout vu, tout entendu et qui sait tout sur tout. Ainsi, après la confrontation, j’allais avoir droit à la leçon de moral de Grand–père Gérald: « Je pense que vous vous méprenez ma chère. En effet, il est bien évident qu'en tant que vampire on ne peut réellement compter que sur soi-même mais il n'empêche que l'on peut tisser des liens de confiance jusqu'à un certains points avec d'autres Caïnites. A mon avis, de par mon expérience, j'ai pu constater que tout n'était pas blanc ou noir mais qu'il y avait souvent d'importantes nuances dont il fallait tenir compte. Ainsi, je sais que, malgré la méfiance que ton clan inspire, je peux avoir une certaine confiance en ton sire car il me l'a prouvé plusieurs fois, mais je suis loin de pouvoir être certain d'avoir la même certitude te concernant, pour l'instant ! Par contre, montres-moi que tu es quelqu'un qui prend à cœur ses responsabilités de gardienne en agissant de façon efficace dans l'intérêt du sabbat et de la meute et je pense que nos rapports changeront. Ensuite, je ne sais pas ce que tu attends de tes relations avec moi mais saches que celle-ci ne pourront en aucun cas dépasser le cadre de l'amitié et du respect mutuel. Par ailleurs, si tu attends de moi un soutien de nature politique, il faudra que tu me prouves que tu en es digne à long terme. Enfin, tu as raison, hier, j'ai commis une erreur que je n'aurais peut-être pas dû commettre, vu mon expérience, mais personne n'est parfait et cela me montre que j'ai encore besoin de progresser sur certains points. Au demeurant, cela aura eu quelque chose de positif, c'est que cela aura renforcé ma confiance envers les membres de la meute. »
Dieu, que cet homme est un fin manipulateur, dommage qu’il soit aussi vieux jeu. Quoiqu’il en soit, nous arrivons et il est grand temps de clore cette discussion, aussi intéressante fut-elle : « Prendre à cœur mes responsabilités de gardienne ? Je le fais depuis le début, et je défie quiconque de me démontrer qu'une de mes actions est entrée en contradiction avec les intérêts du sabbat et de la meute ! Tiens ça me fait penser que nous devons trouver 1/2 millions de dollars d'ici la fin de la semaine prochaine, pour sécuriser le refuge. Si tu as une idée pour trouver cette somme rapidement, tu es le bienvenu, après tout c'est toi qui à le réseau le plus développée de la meute. Si tu as pensé que je cherchais plus qu'une simple relation amicale, j'en suis désolé, ce n'était en aucun cas mon intention. Et puis entre nous, tu n'es vraiment pas du tout mon genre ! Notre discussion a éclairé ma nuit, je t'en remercie! Il est grand temps maintenant de se mettre au travail. » Dans la grande surface, je trouve mon bonheur en ce qui concerne les vêtements, Gérald m’a amené dans un magasin chic où il y a du choix: Accessoire, jean, chemise, veste, ceinture… Avec ça j’ai un look d’enfer et mets à jour une garde robe qui en avait bien besoin! Heureuse de mes achats, je lui demande sur le chemin du retour si on peut faire un crochet par la place de l’église, sait-on jamais… Je ne sais pas bien s’il s’agit de l’intuition féminine, du hasard ou bien du destin mais ce détour fut dès plus salvateur. Au détour d’une ruelle, nous tombons dans une véritable guerre des gangs. Les balles fusent de tous les cotés, tirées par un groupe de motard skinhead que je présume être le gang des Anges de l’Enfer. Leur cible est le gang des Amazones, les pauvres femmes tombent une à une sous le feu ennemi. C’est un véritable carnage ! Soudain le phare d’une moto attire mon attention et j’aperçois une jeune femme blessée tentant de fuir, perdre connaissance et tomber de son véhicule.
J’ordonne à Gérald de s’arrêter et me porte au secours de la malheureuse. Pas de doute il s’agit de Sophie, l’amazone que j’ai sauvée d’une agression il y a quelques semaines déjà ! Vu l’état de ses blessures, sa vie ne tient plus qu’à un fil et je ne peux pas me permettre de la perdre… Je la prends dans les bras, monte dans la Porche et demande à Gérald de quitter les lieux, direction le restaurant « Fish&Chips ». Là-bas je l’installe dans un bungalow et laisse le Ventrue l’examiner, il dit avoir exercé la médecine et bien qui le prouve…Quelques minutes plus tard il me regarde et secoue la tête : « Seul du sang de vampire peut encore la sauver.» Me voilà dos au mur, je me mords le poignet et verse le précieux liquide dans la bouche de la mortelle en jurant. Nous la laissons sur place et repartons au refuge. Durant le trajet, ma colère gronde, les Anges de l’Enfer me paieront cet affront, dans le sang!
36ème nuit : SubjugationDimanche 9 Mai 2010
Après une brève réunion, la meute se sépare en deux groupes distincts aux objectifs différents. Gérald et moi-même repartons au « Fish&chips » conditionner la Sang Noir du nom de Tara. Le reste du groupe, sous la tutelle d’Aryo, décide de trouver des fonds. Grace à ses contacts, il a pu négocier un contrat juteux auprès de la pègre locale : un simple vol de tableau pour quatre-vingt milles dollars cash ! Au restaurant, je retrouve la jolie amazone consciente, visiblement bien remise de ses blessures. Le sang des fils de Caïn a vraiment des effets époustouflants ! Je m’empresse de l’interroger sur son gang, les conditions de l’attaque d’hier et sa vie. En ressort quelques éléments intéressants : les Anges de l’Enfer menés par leur chef Samael ont profité d’un regroupement des amazones pour prendre par surprise les jeunes femmes et enlever leur reine, Camille. Cette dernière a d’ailleurs une sœur jumelle du nom de Liliane, disparue depuis déjà 7 ans. Elle me confirme que son gang est allié avec celui des Libres Penseurs dirigé par un certain Gary Wolf. Si je le souhaite, elle peut me le faire rencontrer dès demain. D’autre part, elle m’apprend que les attaques des Anges de l’Enfer semblent cibler tout particulièrement l’église de la Sainte Dame et qu’ils ont cherché à plusieurs reprises à y pénétrer. Enfin, elle m’apprend que Samael n’est pas le seul intéressé par ce monument, il y a environ un an, un groupe de trois hommes se disant appartenir à l’inquisition est venu questionner Camille. Celle-ci, voyant une supercherie, n’a rien voulu leur dire et les a renvoyé. Quelques jours plus tard ses soupçons se sont confirmés quand les faux inquisiteurs ont été aperçus par une amazone en train de discuter avec Rubis, une sorcière.
Je retiens un sourire devant la naïveté de la mortelle… Il y a de nombreuses nuits déjà, je me suis présentée aux amazones comme étant une inquisitrice de la Sainte Eglise Catholique, envoyée enquêter par le Saint Siège sur une cabale de sorciers adorateurs du Malin. Il semble qu’elles aient totalement gobé cet énorme mensonge. Je me surprends moi-même, quelle actrice ! Un tel niveau dans l’art de la manipulation et de la tromperie devrait me valoir un Oscar ! Malgré tout je ne peux rester insensible aux yeux larmoyants que m’adresse Sophie. La pauvre femme me voit comme un sauveur, envoyé par le Saint Esprit pour libérer sa reine et le reste de son gang. Et bien soit, je relève le défi, je réponds à sa prière ! Après tout, je suis d’un sang supérieur, une fille de Cain le Béni, une élue. Je suis née pour être admirée, adorée, adulée. En devenant le symbole de leur foi, un nouveau prophète, un être quasi-divin, j’atteindrai l’illumination ! Ma vocation est de guider les mortels, ceux qu’ils en valent la peine, les croyants, sur la voie du paradis et de sauver l’âme des autres, les pécheurs, en les punissant en fonction de leur faute. Il me faudra encore du temps pour m’acclimater à ces nouvelles prérogatives mais en tant que vampire j’ai techniquement l’éternité pour y parvenir…Reste que j’ai menti à des croyants en disant faire partie de l’Inquisition, le fait que à l’époque je n’avais pas encore reçu l’appel ne m’absout pas totalement de cette faute. Il ne tient qu’à moi de transformer ce mensonge en prémonition, reste à trouver comment…
A notre retour je retrouve la meute dans un état d’agitation extrême. Sylphaë a continué son étude des fontaines autour de l’arbre géant dans le parc et se gausse d’être à deux doigts de découvrir la vérité. Pour lui, cela ne fait aucun doute, un rituel d’emprisonnement a été pratiqué. Quand aux autres, ils déambulent dans la pièce comme des lions en cage. La raison ? Ivan est parti en éclaireur infiltrer la demeure, celle d’un certain Martin Muller, où se trouve le tableau à voler. Il aurait alors interrompu une discussion en hébreu ancien entre l’homme et une magnifique femme, cette dernière ayant ressentie sa présence. Pour Lucius, cela ne fait aucun doute, il s’agit de mages ! Pour Aryo, la situation est critique, le vol trop dangereux, l’opération est donc annulée ! Il faudra trouver un autre moyen pour gagner de l’argent. D’ailleurs il vient de recevoir une autre proposition de son contact, un individu cherche à acquérir des cadavres. Pour une fois, tout le monde semble d’accord, hors de question de mouiller dans le recel de cadavres. Par contre, il peut-être intéressant de savoir qui est l’acheteur, une affaire à creuser. Je monte pour réfléchir au calme, le restant de la nuit, à comment me présenter à Gary Wolf. Je sais qu’il s’agit d’un vampire qui refuse toute affiliation à la Camarilla ou au Sabbat. Il va falloir se montrer persuasive si je veux qu’il nous aide.