Terre du Milieu - Système J

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Niemal
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Barad Eldanar - 7e partie : dans la gueule du... chatmoig

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1 - Guérison et départ
Il fallut au total neuf jours et huit nuits chez les Hommes des Collines pour que l'elfe magicienne se remette complètement de ses blessures. Ce qui était déjà miraculeux vu leur gravité. Au bout de cinq jours elle ouvrit enfin les yeux, et, bichonnée par Narmegil et Grandes-Gigues, elle put progressivement se lever et reprendre une activité normale. Apparemment aucune séquelle, ce qui était bien normal pour une elfe. L'enfant en elle était encore là, d'ailleurs son ventre commençait à s'arrondir et elle percevait distinctement la gêne que cela entraînait pour son corps. Aventurière et femme enceinte étaient-ils incompatibles ?

Ce temps d'immobilisation ne fut pas perdu pour tout le monde. Geralt et Rob retournèrent à la cachette pour récupérer du matériel et effacer la rune magique que le Dunéen avait inscrite. En effet, après coup, la magie qui en émanait risquait d'attirer l'attention d'un éventuel prêtre d'Angmar qui passerait par là, comme Fëamor. Son créateur avait donc préféré qu'elle soit effacée. Après ça, le retour se passa lui aussi sans problème, de nuit - plus d'orcs pour craindre une éventuelle attaque, bien que d'autres créatures pouvaient rôder... Au village, Drilun put se remettre à ses chères runes pendant de nombreux jours, tandis que d'autres s'entraînaient à divers arts et techniques.

Vif aussi ne perdit pas son temps. Elle redemanda son anneau magique à Grandes-Gigues, afin de pouvoir essayer de maîtriser sa transformation en félin comme jamais. A l'écart, hors du village et au moment le plus approprié, elle fit ses expériences avec l'aide de l'elfe, comme Niemal avait montré. La magie des soins pouvait en effet favoriser ou atténuer l'arrivée du chat tapi dans la femme des bois. Une première fois elle arriva à prendre une forme mi-humaine mi-animale, et la seconde fois elle se transforma en un véritable puma, tout en conservant la parfaite maîtrise d'elle-même ! De joie, elle courut en zigzaguant entre les arbres à une telle vitesse que le soigneur avait du mal à la suivre... En revanche, la transformation l'épuisait, mais elle eut quelques jours - et la magie de son ami - pour se remettre.

Les Hommes des Collines étaient restés fidèles en paroles comme en actes. Ils avaient aidé l'équipe, les avaient nourris, fêtés même, et les avaient cachés. Des hommes d'Angmar étaient venus poser des questions, mais ils étaient repartis sans information, voire avec de fausses informations. Tout ce qu'il était possible de faire ou donner, ils l'avaient fait. Pour eux, les aventuriers étaient aidés par les dieux, malgré leur statut d'étranger. Ils chanteraient et évoqueraient sans doute longtemps encore la venue du grand félin qui avait permis de changer l'issue de la bataille et vaincre les orcs.

Enfin, le moment du départ arriva. Après de chaleureux échanges, l'équipe prit congé de ses hôtes, de nuit, et se dirigea vers le carrefour des routes et la cachette attenante. Avec précaution, car de la neige était tombée et il était plus facile de repérer quelqu'un, sans parler des traces. Comme souvent, le carrefour était occupé, des feux brûlaient, mais les aventuriers purent gagner la pièce secrète sans attirer l'attention. Il ne restait plus qu'à se reposer et discuter de la suite à donner.

2 - Vol de chevaux
Si toute l'équipe était à peu près d'accord pour tenter une traversée avec rapidité (à cheval) plutôt qu'avec discrétion (à pied), l'emprunt des chevaux souleva des débats. Narmegil était partisan de s'attaquer à une patrouille seule, un peu plus loin sur la route, pour limiter le danger et quitter ensuite la route au plus vite. Mais en fin de compte, le groupe préféra prendre au plus près, à savoir s'attaquer à ceux déjà présent au carrefour, même s'ils étaient plus nombreux.

Le repérage des lieux à la lunette, en soirée, avait en effet confirmé la présence de pas mal de monde, montures comprises. Il semblait qu'il y avait une caravane de charriots pour Angmar, une patrouille de cavaliers d'Angmar, et un peu plus loin un groupe d'orcs également. Les humains s'abritaient dans les ruines du corps de ferme en contrebas de la cachette, et ils avaient disposé pour la nuit cinq feux autour des charriots et des bêtes, avec deux gardes pour chacun. La neige gênerait un peu les opérations, mais rien d'insurmontable selon Isis.

Plusieurs heures avant le lever du jour, qui en cette saison était assez réduit, l'équipe sortit de la cachette en effaçant les traces au mieux - tâche ardue dans la neige. Le ciel restait couvert, mais la réverbération due à la neige faisait que l'obscurité était peu handicapante, et les personnes en mouvement faciles à repérer. Une bonne partie de l'équipe fit un détour pour attendre au nord, sur la route d'Angmar, tandis que Rob, Isis, Drilun et Geralt prenaient position plus près, à portée de flèche, sans se faire voir. En partie masquée par de vieux murs, l'elfe voleuse et magicienne s'approcha encore plus près.

Isis escalada les murs derrière lesquels les tentes et charriots étaient regroupés, sans se faire voir. Puis elle utilisa un sort pour enflammer les bâches de quelques charriots et tentes, avant de s'éloigner discrètement. Un garde la repéra et se mit à crier, mais avant lui des cris avaient retenti, et la moitié des gardes avaient quitté leur poste pour aller lutter contre les flammes. Au final, le garde prit Isis en chasse tout seul, les autres étant trop occupés, et l'elfe se mit à courir. Les autres aventuriers, de leur côté, s'étaient encore rapprochés.

Geralt arriva assez près d'un des gardes restés près des chevaux pour pouvoir lui porter un coup avant qu'il puisse réagir. L'homme eut juste le temps d'ouvrir la bouche pour crier, mais il ne la referma jamais. Les flèches de Rob et Drilun firent également du dégât, laissant à Geralt le loisir d'ouvrir la clôture des animaux et de faire passer quelques bêtes, et même de prendre deux séries de harnachements. Il finit par être repéré, mais, couvert par ses compagnons, il put sans mal s'éloigner, d'autant qu'un nouvel élément perturbateur venait d'intervenir.

En effet, le hobbit avait été magiquement grimé pour ressembler à un orc, et sa taille jouait pour lui. Lui aussi avait fini par se faire repérer, et de loin, des hommes avaient crié à une attaque d'orcs. Mais ce n'était pas complètement faux, car ces derniers, non loin, s'étaient rapprochés en catimini lorsqu'ils avaient entendu les cris dans le camp des humains. Voyant la confusion et des hommes armés crier contre eux, ils avaient fini par foncer sur le camp, sans doute en espérant bien pouvoir profiter de l'occasion et en récupérer plus que des miettes.

3 - Chevauchée
Dès qu'il avait pu mettre la main sur un cheval, le soigneur l'avait enfourché pour aller chercher Isis, que son poursuivant avait abandonnée. En passant, il fut un des premiers à repérer les orcs mais ils ne le gênèrent pas, et son amie put bientôt monter derrière lui. Ils rejoignirent vite les autres, pour constater au final que tout s'était bien passé : ils n'avaient subi aucune perte, hormis quelques flèches, ils avaient récupéré cinq petits chevaux résistants au froid, et ils laissaient derrière eux un agréable spectacle aux yeux de tout ennemi d'Angmar... Un succès, donc.

Mais c'était encore la nuit, il y avait de la neige, et il y avait peu de cavaliers dans l'équipe, et beaucoup à porter. Le groupe chemina d'abord à pied, puis monté mais au pas, jusqu'à une courbure de la route, qu'il fallait quitter. La lumière commençait à augmenter, laissant deviner l'aube malgré le couvert nuageux. Couvert qui n'allait pas tarder à se déchirer pour laisser passer un ciel d'azur et un soleil radieux, qui allait faire fondre la neige dans la matinée. Et les rendre visibles de bien loin, mais ils n'étaient plus à ça près.

Après une petite pause, ils quittèrent la route à pied, Narmegil tenant les brides de deux chevaux, et les autres les crinières ou une corde passée sur l'encolure. Ils descendirent une vallée un peu escarpée sans vraiment de problème, pour arriver après une bonne heure au pied d'une vaste pleine vide où la neige fondait rapidement sous le soleil. A l'aide de sa longue-vue, Grandes-Gigues scruta l'horizon jusqu'à trouver au loin des collines avec peut-être une construction sur la plus haute. Il passa l'instrument à Vif qui confirma : c'était bien un château, sans nul doute Barad Eldanar. Maintenant qu'ils savaient où aller, ils montèrent tous à cheval.

En fait, ce fut plus simple à dire qu'à faire : les chevaux étaient petits et certains cavaliers étaient lourds. Il fallut répartir les gens et les charges, et Narmegil, déjà trop lourd à lui tout seul, enleva sa cotte de mailles et une bonne partie de son équipement pour ménager sa monture. En fin de compte, ils s'élancèrent tous au petit trot. Il y avait quatre cavaliers qui menaient les bêtes : Narmegil, le plus à l'aise, Geralt, enchanté de ne pas avoir à marcher et habitué à l'équitation, Grandes-Gigues peu à l'aise mais ayant les bases, et Vif ignare en équitation mais au contact facile avec les animaux, grâce entre autres à un anneau magique pris sur le corps de l'ancien garde forestier/chasse en chef de la famille Tarma, en Arthedain. Le hobbit était seul - avec beaucoup d'équipement - sur un cheval tenu par une corde attachée à la selle de la monture de Narmegil.

La première heure se déroula sans incident, mais Vif finit par percevoir des ennuis à l'horizon, sous la forme d'un nuage de petits points noirs. Des crebain, bien sûr. Ils eurent vite fait de repérer le groupe, et repartirent au plus vite à l'horizon, mais pas tout à fait en direction du château. Après encore un peu plus de deux heures, ils revinrent, ceux-là ou d'autres, et restèrent au-dessus de leurs têtes en croassant, visibles et audibles à des miles à la ronde. Bientôt, un groupe d'une dizaine de cavaliers d'Angmar, intrigués peut-être par ce remue-ménage, arriva en direction des aventuriers.

4 - Les nuages s'amoncellent
Les cavaliers portaient un tabard indiquant leur appartenance à Barad Eldanar sous domination d'Angmar : sept nœuds carrés disposés en cercles. Les deux groupes se faisaient face, à l'arrêt, à une cinquantaine de mètres l'un de l'autre. Les aventuriers tentèrent d'abord le bluff, après avoir modifié leurs traits magiquement. Mais les oreilles fines de Vif, et celles bien entraînées de Geralt, perçurent très bien les discussions des hommes d'Angmar entre eux, même à voix basse : Narmegil et ses amis étaient clairement identifiés comme intrus et espions, et deux cavaliers se tenaient prêts à partir chercher du renfort.

Les aventuriers chargèrent alors, mais le combat fut bref. Les flèches de Geralt et de Rob fauchèrent les deux messagers en plein dos, qui roulèrent par terre, tandis que le chef roulait aussi dans la poussière, compliment d'une flèche de Drilun. Un quatrième garde aussi chuta suite à une blessure. Mais les autres s'étaient éparpillés et ils avaient cravaché leurs montures, et le Dúnadan, bon cavalier, se rendit vite compte qu'il ne pourrait les rattraper, vu son poids. Des quatre gardes blessés il ne resta bientôt qu'un survivant, qui refusa de donner aucune information. Il donna donc sa vie, faute de meilleure solution, bien que Narmegil hésitât le plus longtemps possible - mais le temps leur manquait, justement.

Après un moment, de nouveaux cavaliers arrivèrent, et sans doute les anciens avec eux - cela en faisait seize, qui se contentèrent de les escorter de part et d'autre, à distance respectable de leurs flèches. Et puis, alors que Vif avait repéré un autre groupe plus en avant et un peu sur le côté, des nuages noirs apparurent dans le ciel, de manière trop rapide pour être naturelle. Dans l'équipe, les plus perceptifs à la magie - Isis, Grandes-Gigues et Drilun - sentirent vite que de la magie noire était à l'œuvre, qui venait du groupe repéré par la Femme des Bois.

Une bourrasque de neige avec un vent de face tomba vite sur le groupe, qui ralentit mais ne céda pas. Après avoir dévié un peu leur trajectoire pour s'écarter plus du groupe au loin d'où la magie était venue, les aventuriers poursuivirent leur route jusqu'à ce que la neige finisse par céder, puis les nuages. Mais ils avaient été ralentis, et les cavaliers les suivaient toujours. Mais derrière eux, trop près encore, Vif avait repéré d'autres cavaliers, peut-être des rôdeurs noirs pour certains, et sans doute un sorcier... ou une sorcière.

Bientôt, une nouvelle troupe fut repérée qui venait à leur rencontre, vers l'avant et de côté. Des cavaliers encore, dont une silhouette en croupe qui aurait fort bien pu être un nouveau sorcier, mais autre chose aussi : en avant de ce nouveau groupe, bondissait une grosse ombre féline, silencieuse et menaçante. C'était sans doute là une "ombre de chatmoig" dont ils avaient entendu parler. Mais elle arriverait vite à leur couper la route, s'ils ne réagissaient pas rapidement. Mais très vite, des bancs de brume commencèrent à monter du sol, obscurcissant toute vision. Le groupe se retrouva dans un brouillard magique gris et épais, propre à toutes les embuscades...

5 - Vol de hobbit
Comme beaucoup s'y attendaient, une nouvelle magie fut lancée contre eux après quelques moments. Une magie qui accompagna un rugissement puissant et qui fit se dresser poils et cheveux sur les corps des aventuriers et des bêtes. Si les aventuriers résistèrent assez bien à la peur qui menaçait de leur nouer l'estomac, ce ne fut pas le cas des montures. Ces dernières se cabrèrent et jetèrent à bas une partie des cavaliers. Rob, Drilun et Vif firent de splendides vols planés, mais leurs talents leur évitèrent des blessures. Narmegil maîtrisa sa monture, mais le cheval qui était attaché à sa selle tirait en sens inverse et menaçait de renverser le sien. Isis manquait de tomber et se raccrochait à Geralt qui évita la chute de justesse. Le soigneur utilisa un sort pour calmer deux chevaux.

Tandis que l'équipe se regroupait, Vif se tenait un peu à l'écart en émettant des espèces de feulements et miaulements, auxquels d'autres lui répondaient. Mais manifestement elle n'eut pas le succès qu'elle escomptait. Peu de temps après son échange, qui n'avait pas duré longtemps, elle n'eut pas le temps de prévenir ses amis : à peine eut-elle le temps d'entendre une masse musculeuse se jeter vers eux, et en particulier sur le hobbit. A peine avait-il eu le temps de percevoir l'ombre qui lui tombait dessus, qu'il se retrouva dans la position peu enviable de futur petit déjeuner pris dans les incroyables mâchoires d'un chatmoig, et emporté au loin.

L'arc de Drilun était prêt, et il tira sur la silhouette féline noire qui partait dans la brume. Elle tenta d'esquiver le projectile, mais n'y parvint qu'à moitié, et la flèche la toucha malgré la rapidité de la bête. Mais cela n'eut pas l'air de lui faire grand mal et elle eut vite disparu. Rob essaya bien de se dégager à l'aide d'un couteau, mais la pression des mâchoires, en plus de le faire un peu plus saigner, lui fit vite comprendre que ce n'était pas une occasion que la bête était prête à lui laisser. Il dut se résigner à laisser le félin le transporter par grands bonds puissants et silencieux, comme s'il n'était qu'une souris dans la gueule d'un chat.

Mais cela ne dura pas longtemps, et il se trouva vite au milieu d'un groupe de gens d'Angmar. Le chatmoig ensorcelé le lâcha, mais des lances prirent la place des crocs puissants et il fut dépouillé de ses affaires, puis attaché, tandis que les gardes se moquaient de lui. Au loin, il entendait qu'il se passait encore des choses, et même qu'il servait d'otage. Ses ravisseurs menaçaient de s'en prendre à lui si ses amis ne se rendaient pas. Mais l'air de rien, comme les deux gardes chargés de le surveiller ne faisaient pas trop attention à lui, il avait réussi à se défaire de ses liens tout en les maintenant contre lui pour donner l'illusion qu'il était encore attaché.

Saisissant sa chance, comme les deux gardes regardaient ailleurs, il plongea brusquement entre les jambes de l'un d'eux puis il fonça droit devant dans le brouillard. Juste après qu'un de ses amis ait demandé une preuve que le hobbit était prisonnier, le garde cria que le semi-homme était en train de se faire la malle... avant de se faire vertement rabrouer par un supérieur. Rob évita les rares coups que les hommes d'Angmar tentèrent de lui assener, et il fut bien vite en sécurité dans la brume, silencieux et pratiquement invisible...

Jusqu'au moment où il sentit une bête fauve juste au-dessus de lui, aussi discrète que lui, sans doute aussi perceptive... et dix fois plus lourde et plus puissante que lui ! Bête fauve qui lui fit comprendre quel chemin il devait prendre... puis le prit par une jambe comme il n'obéissait pas. Et Rob fut ramené ainsi, la tête en bas, en regrettant peut-être d'avoir autant mangé au dernier repas... De retour parmi les hommes d'Angmar, on lui retira ses braies pour servir de preuve pour ses amis, et il fut solidement attaché, et maintenu à terre sous le talon d'un garde.

6 - Reddition
Plus loin, ses amis se tenaient aux aguets, prêts à tout. Vif arrivait à percevoir la masse d'un chatmoig qui tournait autour d'eux et elle prévenait ses amis de la progression de la bête, qui était menaçante mais se refusait à attaquer... pour l'instant. Vif avait à nouveau tenté de parlementer avec la bête, mais sans succès. Elle avait juste pu se rendre compte que c'en était une autre, il y en avait au moins deux... qui finirent par tourner toutes deux autour du groupe, peu après avoir entendu les exploits du hobbit qui était parvenu à s'échapper. L'une des bêtes avait aussi amené les braies du petit voleur et avait prévenu Vif de venir les prendre.

A un moment, les deux bêtes attaquèrent en même temps. Grandes-Gigues avait utilisé sa magie pour se protéger, mais c'était sa monture qui était visée, et elle s'écroula, la gorge lacérée en profondeur par la patte puissante d'un chatmoig. Un autre cheval subit le même sort, et la flèche que Drilun envoya toucha elle encore, mais une fois de plus sans avoir l'air de faire plus qu'une blessure légère dans le meilleur des cas. La retraite semblait désormais impossible, et le combat mal parti, sans parler du hobbit qui était prisonnier.

A nouveau des échanges verbaux eurent lieu, leur demandant de se rendre, et pour donner plus de poids aux mots, le brouillard commença à se lever. L'équipe était désormais entourée d'une cinquantaine de cavaliers, à une distance de plus d'une centaine de mètres. Sans parler de quelques pisteurs ou rôdeurs noirs et sans doute deux sorciers... dont une sorcière. Et surtout, deux chetmíg enchantés et vêtus comme d'ombre, extraordinairement silencieux, mais non moins dangereux. Enfin, pour parachever le tableau, Vif perçut une troisième équipe, et un troisième félin, en train d'arriver vers la scène... avant que le brouillard commence à recouvrir le tout.

Un ultimatum fut lancé, auquel Grandes-Gigues répondit par un "c'est vrai ?" qui était aussi un appel à l'espion qui se tenait peut-être parmi leurs adversaires. En effet, Niemal leur avait appris diverses phrases de reconnaissance, qui toutes étaient amorcées par des propos contenant le mot vrai ou ses dérivés (vérité, vraiment...). Il n'eut pas de réponse. Mais l'équipe n'était pas en position de force. Tous, un à un, durent avancer dans le brouillard jusqu'aux gardes, qui les déshabillèrent et les attachèrent après leur avoir rendu leurs sous-vêtements et souliers - le tout sous la menace de nombreuses lances.

Isis avait eu le temps de lancer un sort sur elle-même afin de prendre une apparence humaine et masculine. Vif eut alors beaucoup de succès car elle était la seule femme, mais ses oreilles et yeux (et manières) de chat firent reculer certains gardes un peu trop joueurs. Tous furent bâillonnés et aveuglés par des lanières de tissu, et tandis que Rob était monté sur un cheval comme un sac de patates, les autres étaient attachés chacun par une corde à un cheval, et forcés de courir. Et ils coururent, autour de trois heures peut-être. Les cavaliers n'allaient pas trop vite pour qu'ils puissent tenir et n'aient pas à les traîner, mais ils ne les ménageaient pas plus que cela.

A un moment, Narmegil entendit un cavalier approcher de lui, qui lui demanda : "alors vous êtes des espions d'Arthedain, pas vrai ?", qui était une des phrases de reconnaissance de l'espion... avant de se prendre un coup de pied, mais retenu, qui ne lui fit aucun mal. Il ne put répondre avec le tissu dans la bouche, juste grogner quelque chose d'inintelligible qui fit rire les cavaliers. Mais l'homme avait parlé assez fort, tous avaient pu entendre : à moins d'un incroyable hasard, il semblait qu'ils avaient bien un allié avec eux.

Vif se dit qu'ils allaient enfin arriver au château, qui était un de leurs objectifs après tout. La troupe finit par ralentir, et des bruits sourds indiquèrent que les gens devant eux n'avançaient plus sur de la terre. D'ailleurs, le sol montait depuis un moment. Bientôt, tous sentirent le bois d'un pont-levis sous leurs bottes ou chausses. Des cris fusaient çà et là, et d'autres sons caractéristiques. Ils ne le voyaient pas, mais ils ne doutaient plus qu'ils entraient à Barad Eldanar. Narmegil devait être content de retrouver le château de ses ancêtres... même si c'était en une telle compagnie !
Modifié en dernier par Niemal le 09 octobre 2010, 23:40, modifié 1 fois.
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Niemal
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Barad Eldanar - 8e partie : évasion et chaos

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1 - Séjour en prison
Après avoir entendu des cavaliers démonter, des ordres furent donnés, qui indiquaient distinctement la destination prochaine - en prison - en attendant que le commandant "Arkish" (ou quelque chose comme ça) décide du sort de ces prisonniers. La corde se tendit à nouveau pour les aventuriers, qui se remirent à marcher jusqu'à entrer dans un bâtiment, au bruit. Jamais aucun escalier, un passage à gauche, des bruits de clef dans une serrure, des liens qu'on défait... et un bon coup de pied aux fesses qui propulse en avant, doublé d'un croche-pied pour être sûr de ne pas arriver debout ! Un bruit de porte qui se referme, des sons étouffés qui proviennent du couloir, des pas qui s'éloignent, puis le silence. Il fait frais, et même à travers le tissu sur les yeux, chacun comprend qu'il est dans le noir. Ce fut le premier contact des aventuriers avec leur geôle.

Chacun put ensuite enlever ses bâillon et bandeau, pour découvrir - dans l'obscurité - une pièce nue de deux mètres sur trois environ, avec comme seul meuble un peu de paille dans un coin. Le plafond était assez élevé, puisque certains ne rencontrèrent rien même en sautant le plus haut qu'ils pouvaient. Effectivement, Vif et les elfes arrivaient à le distinguer... à environ quatre mètres de haut : une espèce de plancher sur grosses poutres apparentes. La porte ne comportait aucune serrure, aucun judas ou ouverture d'aucune sorte. Et l'espace entre le sol et la porte était si faible qu'il était impossible d'y passer un doigt - c'est à peine si un mince rai de lumière arrivait à filtrer.

Après un moment, les oreilles les plus fines entendirent une voix étouffée crier "Maître ?", suivi d'un coup (étouffé aussi) dans une porte. Qui entraîna un "ferme-la" d'un geôlier, peu avant un "hep !" étouffé aussi. Un peu après, bis repetitas : même voix étouffée qui dit "Serviteur ?" avec deux coups cette fois dans la porte. Et double réaction des geôliers, et un autre coup double provenant d'un autre endroit...

Ceux qui écoutaient ce que disaient les geôliers entre eux comprirent qu'ils constituaient le principal sujet de conversation, et Vif en particulier. Mais aussi que le commandant Arkish viendrait sûrement bientôt interroger le Dúnadan et l'elfe "grand échalas". L'attente ne fut d'ailleurs pas très longue : du bruit signala l'arrivée de pas mal de monde. On demanda à un geôlier d'ouvrir la porte - les plus perceptifs entendirent le bruit d'une clef dans une serrure, puis quelque chose de métallique qu'on pose par terre, et une porte qui s'ouvre. Après quelques échanges avec la voix de Narmegil, il devint évident qu'il était emmené ailleurs...

Peu après cela, les personnes présentes entendirent des hurlements de douleur assez convaincants. Les plus perceptifs reconnurent la voix de Geralt. Après quelques paroles d'exaspération des geôliers, l'un d'eux sembla bouger, et dire quelque chose comme : "bon, d'accord, on va chercher le soigneur". Après un appel quelques secondes et mètres plus loin, des pas arrivèrent, et le geôlier transmit la demande. Les pas qui s'éloignent, une porte qui se ferme, puis le silence. Peu après, tous entendirent le bruit de pas qui reviennent, quelques mots échangés, puis le geôlier qui revient annoncer : "pas de chance mon gars, le soigneur est occupé, faudra attendre. Alors ferme-la, sinon on vient te bâillonner à la pointe d'une lance !".

2 - Interrogatoire : Narmegil
Si Narmegil pensa tromper la vigilance des gardes venus l'emmener, il en fut pour ses frais : les hommes étaient très prudents et la première chose à pénétrer dans la cellule fut des pointes de lance... et des ordres pour redonner les liens de tissu et se mettre à plat ventre sur le sol, les mains dans le dos. Le Dúnadan quitta donc la cellule sans rien voir, les mains attachées, mais non bâillonné. Mais il suivait tous les changements de direction en essayant de se représenter le chemin à partir de la sortie du bâtiment : marche, escalier qui monte et entrée dans un bâtiment, à gauche, sortie sur pont ou équivalent, entrée dans bâtiment, à gauche, dans une vaste pièce (au bruit) avec quelque chose de mou sous les pieds... un épais tapis ?

Une voix masculine s'éleva alors, parfois complétée par une deuxième, féminine (et magiquement enjôleuse), questionnant le guerrier sur la présence du groupe et la nature de ses membres. Tandis qu'un troisième larron non loin passait son temps à faire craquer ses articulations. Questions et réponses fusèrent, mais l'interrogatoire ne semblait pas donner beaucoup de satisfaction à ceux qui le menaient. Par précaution, Narmegil s'était concentré pour augmenter magiquement ses défenses, mais il comprit vite que cela n'était pas passé inaperçu.

Après un moment, sans doute fatigués de ses réponses incomplètes ou impossibles à croire, les voix décidèrent de laisser une autre personne essayer sa méthode à elle. Une voix plus brutale et hargneuse s'éleva alors... bientôt suivie par des coups de poing. Coups dans les côtes, dans l'aine, au visage... suffisamment fortes pour faire bien mal, mais pas assez pour blesser sérieusement. L'homme semblait maîtriser ce genre d'interrogatoire. Mais alors que le Dúnadan restait impassible voire moqueur, la fureur de l'homme ne faisait que croître, et les coups aussi. Sans doute aurait-il voulu franchir un seuil, mais il ne fut pas suivi, et les coups s'arrêtèrent.

Mais bientôt, le guerrier attaché et aveuglé sentit comme quelque chose de massif lui tourner autour, quelque chose qui portait une odeur de fauve. Mis mal à l'aise par cette présence menaçante, son cœur battit la chamade quand un puissant rugissement se fit entendre juste derrière lui. Mais malgré la tension en lui, il resta ferme et ne dit rien de plus. De guerre lasse, les inquisiteurs en face de lui décidèrent de le renvoyer en cellule et d'en faire venir un autre. Mais à les entendre, ils ne semblaient pas particulièrement étonnés par ce piètre résultat.

Mais Narmegil n'en avait pas fini. Prenant un risque mesuré, il décida de simuler une chute dans l'escalier, au retour. La chute fut une réussite - heureusement il ne se fit pas trop mal - mais il comprit que les gardes qui l'entouraient avaient réussi à éviter de tomber avec lui. Il ne récolta donc que des rires et aucune opportunité d'évasion. En chemin vers la prison, il entendit un garde particulier se moquer beaucoup de lui, et il y répondit d'une voix acide, alors que les geôliers rouvraient sa cellule. Ce à quoi l'homme répondit par quelque chose comme : "Hooo, mais c'est qu'il serait prêt à mordre ce petit, pas vrai ?"

Le guerrier finit par reconnaître le début possible d'un contact avec l'espion d'Arthedain, aussi répondit-il : "C'est vrai que je ne suis pas en bonne posture, mais il ne faut pas se fier aux apparences". Après quoi le même garde répondit quelque chose avec "vraiment", et Narmegil une autre phrase avec deux fois "vrai" ou équivalent. Suite à quoi le garde émit un "Vrai ?", tandis que les autres gardes s'éloignaient un peu en demandant ce que le bavard attendait. Narmegil put retirer ses liens et voir le garde en question - un grand blond barbu - qui n'avait pas fini de fermer la porte de sa cellule, et il put lui dire "Arleg", la dernière des phrases de reconnaissance. Bruit d'une porte qui se ferme, une barre métallique est remise, une serrure est verrouillée... mais l'homme avait eu un léger sourire.

3 - Interrogatoire : Grandes-Gigues
Mais déjà, une autre serrure était ouverte, une autre barre métallique était bougée, une autre porte était ouverte, et au bruit, c'est un grand elfe à qui on demandait de sortir. Puis des pas qui s'éloignent, tandis qu'un geôlier crie en direction d'une porte d'où des cris de douleur ont repris : "pas d'chance l'malade, l'soigneur est toujours pris ! Fais gaffe à pas saloper la cellule, sinon on t'fait nettoyer avec la langue !" suivi de quelques rires... Les hurlements ne faiblissant pas, au contraire, des gardes furent appelés, une cellule fut ouverte, des ordres furent donnés, un bâillon fut mis... et on n'entendit plus Geralt.

Ailleurs, le soigneur suivait le même chemin que son compagnon auparavant, pour se retrouver face au même auditoire, dans le même état : les mains attachées, les yeux bandés, sur le même tapis épais. Lui aussi dut se plier à une séance de questions-réponses, lui aussi sentit de la magie s'exercer contre lui, mais sans plus de succès qu'avec son ami. Il restait calme, posé, comme non affecté par sa présente condition. Bien sûr, des remarques lui firent clairement comprendre que certains de ses propos venaient en contradiction de ceux de Narmegil, et ses interlocuteurs n'étaient pas dupes de ses manœuvres.

L'elfe sentit lui aussi la bête fauve tourner autour de lui, mais son rugissement ne le fit pas ciller d'un poil. Il comprit que sa nature elfique, comme son apparente invulnérabilité à la magie ou à la peur, avaient convaincu son auditoire de ne pas perdre de temps avec lui. Malgré le besoin exprimé par une personne avec ses craquements d'articulation, Grandes-Gigues ne connut pas d'interrogatoire plus musclé que cela. Il fut vite renvoyé à sa cellule, en attendant la personne suivante. Au final, l'interrogatoire fut deux fois plus rapide qu'avec le Dúnadan.

En revenant en prison, le soigneur pensa reconnaître le garde qui avait pris contact avec son ami, et qui s'était révélé à lui comme l'espion d'Arthedain. Il essaya les mêmes phrases de reconnaissance, mais l'homme ne répondit pas comme voulu, et préféra mettre fin à l'échange... tout en suggérant la patience et en prenant son temps pour refermer la porte. Une fois seul dans sa cellule, Grandes-Gigues choisit de faire ce qu'il avait de mieux à faire : se reposer. Son esprit s'évada en une sorte de rêve éveillé, comme avec tous les elfes, et il ne perçut plus rien de l'endroit où il était.

3 - Nouveaux amis et révélations
Pendant ce temps, Vif n'était pas restée inactive. Tous les sens aux aguets, et en particulier les oreilles, qu'elle avait exceptionnellement fines même pour un chat, elle écouta tous les bruits des environs. Tout en percevant les échanges au niveau de la prison, elle comprit aussi que des félins n'étaient pas loin, qui semblaient jouer à l'étage au-dessus. Miaulant faiblement, pour ne pas trop attirer l'attention des gardes, elle essaya d'entrer en contact avec les gros chats qu'elle entendait. Et elle eut une réponse.

Elle put ainsi discuter avec de jeunes chetmíg, et enfin avec leur mère. Bien qu'étonnée, cette dernière échangea assez facilement avec la Femme des Bois, au même titre que si elle avait été un chatmoig elle-même. Ce qui n'était pas si loin de la vérité, comme elle le racontait : Vif dit qu'elle était partiellement féline, mais que les gens du château ne voulaient pas la libérer. Et ainsi, au cours de la conversation, la rôdeuse aux oreilles et yeux de chat apprit beaucoup de choses sur le château et ses habitants. Bien plus que ce à quoi elle se serait attendue.

Il y avait sept chetmíg au château, mais il y en avait eu d'autres auparavant. Six d'entre eux étaient les enfants de la mère avec laquelle Vif parlait. Trois, les plus âgés, avaient été liés à des humains capables de faire de la magie. Du coup, ils étaient transformés et obéissaient plus ou moins à leurs maîtres humains. D'autres étaient morts avant eux, et elle craignait qu'il ne leur arrive la même chose. Quant à ses trois plus petits, ils étaient en train de se familiariser avec trois hommes pour se lier à eux plus tard. Deux étaient à peine sevrés, et un autre était plus âgé et la quitterait sans doute au printemps prochain. A son grand dam, et à celui de sa maîtresse, Elosian.

Cette Elosian était la dresseuse des félins du château, et Vif comprit que c'était une des personnes les plus importantes de Barad Eldanar. Mais d'après les échanges avec la mère des chetmíg, elle semblait malheureuse de sa situation et désireuse de partir au loin. Tous les chetmíg semblaient beaucoup l'aimer, et elle-même paraissait les adorer, la confiance semblait totale. Vif crut même comprendre que cette Elosian était une magicienne : elle arrivait à parler aux félins dans leur langue, lorsqu'ils étaient dehors, assez loin du château. Mais sinon elle arrivait à se faire comprendre d'eux, tant elle les connaissait bien.

La Femme des Bois demanda à pouvoir lui parler, et ses amis félins arrivèrent à l'amener au-dessus de la cellule de Vif. Mais Elosian, si c'était bien elle, n'avait pas l'oreille assez fine pour pouvoir beaucoup parler à travers un plancher, ou en tout cas pas de manière assez discrète. Néanmoins, elle semblait avoir compris que son interlocutrice n'était pas comme les autres, et qu'une relation de confiance était peut-être possible. Elle semblait savoir certaines choses, et après avoir dit qu'elle devait partir, elle ajouta qu'elles se reverraient sans doute bien vite.

4 - Dernier interrogatoire
A quelques minutes près, le départ d'Elosian coïncida avec le retour de Grandes-Gigues. Comme ses compagnons, la rôdeuse aux sens félins eut les mains attachées et les yeux bandés à nouveau. Néanmoins, les personnes les plus perceptives remarquèrent au bruit que les gardes avaient l'air un peu nerveux, et faisaient moins de blagues que d'ordinaire. Ils partirent tous, mais un des geôliers les interpela pour demander à ce qu'on leur apporte à manger. Un garde - une voix qui commençait à être connue - répondit qu'il apporterait quelque chose une fois que l'interrogatoire de la fille serait fini.

Dans la prison, ce fut à nouveau l'attente. Attente qui commença à durer, mais que certains mirent à profit pour essayer diverses choses. Isis essaya ainsi d'utiliser sa magie pour déverrouiller la porte, mais hélas elle ne percevait pas quel était l'emplacement de la serrure. En fait, cette dernière n'était pas sur la porte, mais à sa gauche depuis l'extérieur : elle permettait de fixer une barre métallique qui bloquait la porte de chaque cellule. L'elfe avait essayé son sort au petit bonheur sur la porte, mais elle n'avait rien pu faire d'autre que se fatiguer ou se faire mal en tapant du pied dans la porte, de frustration. Elle avait fini par abandonner et se reposer, comme Grandes-Gigues.

Mais Vif ne revenait toujours pas après plusieurs heures, permettant à beaucoup de se reposer, voire de faire un somme. Ceux qui restèrent éveillés avaient aussi entendu les geôliers jurer qu'ils avaient faim et que ce salaud de Surk les avait oubliés, puis appeler un autre garde pour qu'il leur amène à manger. Et râler encore après parce que ce qu'on leur apportait était froid... Mais tout était calme depuis un moment, tous somnolaient ou dormaient en rêvant d'évasion. Le soigneur, après son repos, put aussi récupérer son anneau magique, ayant achevé sa digestion. Un aventurier doit souvent savoir faire avec saleté et mauvaises odeurs...

Après un temps assez long - au moins trois heures - les gardes finirent par revenir avec Vif, qui éternuait. Les geôliers se remirent à râler après le dénommé Surk, dont la voix correspondait bien à celle de l'espion ou reconnu tel. Il répondit, tandis qu'on remettait Vif dans sa cellule, qu'il n'avait pas pu faire autrement : les ordres et tout... Mais il ajouta que pour se faire pardonner, il allait s'empresser de leur apporter un grog bien chaud dont ils se délecteraient, le meilleur qu'il puisse ramener ! Les cris enthousiastes des geôliers le poursuivirent alors qu'il repartait avec les autres gardes...

Après un moment sans doute inférieur à une demi-heure, certains comprirent que le dénommé Surk revenait - seul, sans autres gardes avec lui - en amenant quelque chose sur un plateau qu'il déposa sur une table, à la grande joie des geôliers. Qui parurent apprécier le cadeau qu'on venait de leur faire - des rots puissants et des exclamations enjouées étaient là pour le prouver. Mais après un moment, leur babillage se fit plus calme, et les oreilles les plus fines finirent par entendre comme des ronflements... tandis que le dénommé Surk continuait à parler fort comme s'il rigolait bien avec des copains. Manifestement, l'espion d'Arthedain venait d'endormir les geôliers, et il semblait jouer la comédie pour tromper la vigilance des gardes à la porte de la prison.

5 - Échanges et nouvelles
Le garde du nom de Surk, tout en continuant à parler fort, commença à ouvrir des cellules. Il ressemblait à un grand nordique blond et barbu, et pas du tout l'un des Dúnedain, qui étaient glabres et bruns dans leur très grande majorité ! Petit à petit, il incita certains prisonniers à participer à la conversation comme s'ils étaient des geôliers. Narmegil et Drilun firent de leur mieux, mais Geralt en revanche arriva à une imitation presque parfaite. Tous furent bientôt sortis hors de leurs cellules, et tous réunis. Tandis que quelques-uns continuaient à imiter les geôliers, les autres chuchotaient pour se mettre au courant des dernières nouvelles et décider quoi faire. Car ils étaient loin d'être tirés d'affaire.

Mais Vif, entre deux éternuements, avait de bonnes nouvelles à donner. En effet, elle avait subi l'interrogatoire comme les autres, mais cela ne s'était pas passé de la même manière. D'abord parce que ses interlocuteurs ne savaient pas quoi penser d'elle : ils n'avaient jamais eu affaire à une humaine avec des yeux et oreilles de chat ! Ensuite parce que les éléments qu'elle donnait étaient pour partie les mêmes que ceux que Grandes-Gigues avait révélés, ou qui correspondaient à ce à quoi son auditoire s'attendait. Également, parce que le gros chatmoig présent n'arrivait pas à essayer de lui faire peur convenablement, au grand dam de son maître pour qui c'était une première...

Enfin, et surtout, la dresseuse des chetmíg, Elosian, avait demandé et obtenu de mener son propre interrogatoire, entre félins, en forêt. Tous les félins et leurs maîtres étaient donc sortis, accompagnés par une garde à distance raisonnable, dans la nuit glaciale. Et pendant que les plus jeunes félins jouaient ou chassaient, Elosian et Vif avaient beaucoup parlé, de manière à ce que ni les humains ni les chetmíg enchantés ne puissent partager que les informations qu'elles souhaitaient afficher. Autrement dit, par-devant, la Femme des Bois donnait certaines informations sur l'équipe et ses objectifs, mais par-derrière, les deux femmes se découvraient et s'appréciaient, tant comme femmes félines que comme alliées pour quitter Barad Eldanar.

Car si Surk, espion d'Arthedain, en était le premier surpris, Elosian ne rêvait que de partir. Elle était bien connue au château, car en plus d'être la dresseuse des chetmíg elle était aussi la femme d'Arkish, le commandant du château. De plus, ses airs très nobles - elle avait pour origine l'ancienne noblesse dúnadan du Rhudaur - et tristes avaient un grand succès au château, où elle était très aimée. Mais elle voyait avec douleur ses "enfants" félins mourir les uns après les autres, victimes de la sorcellerie qui finissait par les rendre fous, quand ce n'était pas les sorciers qui les maltraitaient. Et elle avait de la sympathie pour Arthedain mais absolument pas pour Angmar, qui l'avait manipulée et avait été la ruine de sa famille.

Mais elle était consciente de son rôle, elle savait qu'elle ne pouvait pas partir, elle serait bien vite rattrapée. L'arrivée des aventuriers était la première occasion de changement depuis des années, et elle ne voulait pas la laisser passer. Arkish n'était pas un homme totalement mauvais, il l'aimait, mais c'était un guerrier d'Angmar, et s'il devait mourir pour qu'elle soit libre, elle ne ferait rien pour le protéger. Quant à savoir si Elosian simulait ou disait la vérité, Vif était convaincue de la seconde option : d'abord parce que cela cadrait tout à fait avec ce que les félins lui avaient raconté, et ils ne mentaient pas ; ensuite parce qu'Elosian en avait trop dit sur elle-même, elle prenait déjà beaucoup de risques. Leur destin à tous était donc déjà lié.

Les aventuriers avaient aussi un troisième allié potentiel en la personne d'Ornil, le soigneur de Barad Eldanar. Ancien fils de serviteur de la maison d'Elosian en Rhudaur, il était devenu l'esclave personnel d'Arkish avant même d'être adulte. La liberté lui manquait, et lui qui n'avait comme seul loisir que la lecture, rêvait des grandes bibliothèques de l'Arthedain. Mais ses allées et venues étaient contrôlées, son aide était donc limitée. Par contre, c'est lui qui connaissait le mieux les livres du château, comme ceux de la salle de réunion des officiers, au quatrième étage du donjon.

6 - Evasion
C'était le milieu de la nuit, les geôliers en avaient pour quelques heures à dormir, et ils ne seraient pas relevés avant le lendemain matin. Mais il y avait une dizaine de gardes devant la porte de la prison, qui ne manqueraient pas de donner l'alerte à la moindre tentative d'évasion. Par ailleurs, une fois évadés, qu'est-ce que les aventuriers devaient faire ? La simple fuite était a priori exclue, les chetmíg et sorciers n'auraient pas de mal à les retrouver, sauf dans le passage secret... mais ils ne pouvaient y rester indéfiniment. Il fallait agir, mais comment ?

Vif apporta une solution possible : selon Elosian, la mort d'un sorcier rendait le félin qui lui était attaché fou de rage et animé d'une folie meurtrière. Il fallait donc supprimer les sorciers, et dégager dans le passage secret tandis que les félins feraient le plus de ménage possible. Selon Surk, les sorciers étaient encore au château, ils étaient encore en discussion avec Arkish il y avait peu. En revanche, leurs chetmíg étaient repartis chasser en forêt. Cet objectif rencontra la majorité, surtout si cela se doublait de la récupération de l'équipement de chacun... Mais quant à cela, Surk ne put donner d'information sur l'emplacement des biens : tout le matériel avait été donné à Arkish, qui l'avait pris avec lui dans le donjon.

Restait aussi à trouver le moyen de sortir discrètement : comment passer les gardes sans ameuter tout le château ? Ce fut Grandes-Gigues qui trouva une solution possible : passer par le plafond. Le plancher semblait solide mais juste en bois, s'il était possible de l'atteindre ce pourrait être une bonne voie de sortie... si l'étage au-dessus était sûr. Vif savait que le premier étage était occupé par les chetmíg, dont elle entendait justement des bruits de jeu. Elle put les contacter et s'assurer que l'espace était libre. En fait, Elosian était avec eux et elle put demander aux félins de l'aider à arracher les lames du parquet. Tandis qu'en bas, monté sur deux tables et armé d'une épée, Narmegil put finir de dégager la voie avec l'aide de sa magie. Et des cordes étaient disponibles dans une des pièces de la prison.

Avant de partir, Surk dut quitter l'équipe, mais ils se donnèrent rendez-vous dans le donjon. Certains aventuriers - Geralt le premier - enfilèrent les habits des geôliers et donnèrent le change au moment où la porte de la prison fut ouverte. Puis ils remirent les geôliers à leur place et rejoignirent le reste du groupe. Tous montèrent à l'étage, où ils retrouvèrent Elosian et ses félins - Narmegil découvrit à ses dépends que les plus jeunes, très désireux de jouer, n'en étaient pas moins dangereux quand on ne disposait pas d'une épaisse fourrure ou autre armure !

L'étage était composé d'un ancien mess, et d'une cuisine et cellier désaffectés. La cuisine comportait une grosse cheminée, qui donna des idées à certains... En effet, les couloirs étaient régulièrement patrouillés, mais pas les toits. Le temps était clair mais la lune était pratiquement nouvelle, on n'y voyait rien pour un humain normal. Cela serait peut-être un peu juste pour certains, mais la sortie passerait par la cheminée et les toits. Puis il faudrait accéder au donjon, où Surk avait été chargé d'ouvrir une fenêtre pour leur permettre de passer. Elosian et les félins les y attendraient également, mais après avoir fait diversion dans la cour : les félins joueraient là, concentrant l'attention des gardes sur eux et non sur le mur du donjon...

Ornil le soigneur put aussi être amené sous le prétexte d'un soin à faire à un jeune chatmoig, et il fut abasourdi de découvrir les récents prisonniers en liberté, et prêts à partir... peut-être avec lui ! Il avait senti depuis un moment les désirs de liberté d'Elosian, sa réaction ne le surprenait pas, contrairement à Surk. Ornil dut repartir dans sa chambre du donjon pour ne pas attirer l'attention, mais il se tiendrait prêt si on faisait appel à lui.

7 - Monte-en-l'air
Rob et Vif, perceptifs et acrobates, furent les premiers à tester le chemin de la cheminée. Après être montés sans difficulté, ils observèrent les environs, la présence des gardes, les chemins possibles... Ce ne serait pas facile, mais leur passage semblait possible. Le toit du bâtiment arrivait légèrement en-dessous du mur d'enceinte contre lequel il était appuyé. En descendant contre le mur d'enceinte, dans l'angle du bâtiment, les acrobates seraient presque invisibles. Et au pied, un ancien verger tout proche pourrait les masquer, même si les feuilles étaient maintenant tombées. De là, le donjon - véritable petit château de plus de vingt mètres de haut, avec des tours aux quatre coins - était facilement accessible, le verger arrivant au pied d'une tour, celle qui serait escaladée.

Après en avoir informé leurs amis, les deux acrobates remontèrent avec une corde assez longue, suivis par leurs amis les uns après les autres. Une fois en haut, il fallait passer sur le toit et rejoindre le bord du mur d'enceinte afin d'être le moins visible possible. Narmegil était le dernier : il eut du mal à passer dans la cheminée, qui lui valut quelques égratignures. Mais surtout, sur le toit, il s'aperçut que son poids conséquent menaçait la solidité de la structure, qui émettait des craquements, qui risquaient eux-mêmes de réveiller les serviteurs qui dormaient sous les combles... Il dut progresser à quatre pattes, en priant les Valar que personne ne se réveille... ce qui sembla être le cas. Ou peut-être que les occupants avaient l'habitude des occupations nocturnes des plus jeunes félins...

Alors que les aventuriers étaient tous réunis contre le mur d'enceinte, sur le toit du bâtiment, une porte s'ouvrit un peu au-dessus d'eux : des gardes sortaient d'une tour pour prendre le chemin de ronde, mais ils s'arrêtèrent juste au-dessus des fugitifs, sans les voir. L'un d'eux venait de percevoir le jeu des chetmíg dans la cour en bas, et il en discutait avec son ou ses compagnons. Sans se rendre compte qu'un ou deux mètres plus bas, sept aventuriers retenaient leur respiration... sans parler de Vif qui dut se retenir d'éternuer ! Enfin, les hommes poursuivirent leur ronde, et la voie fut libre à nouveau.

Il fallait maintenant descendre, mais comment ? Si la corde était attachée à la cheminée, elle serait nettement plus visible des gardes. Mais il n'y avait rien pour l'attacher ailleurs, et quelqu'un qui la tiendrait, en plus de devoir descendre sans corde, pourrait glisser sur le toit ou surtout en crever la surface sous l'excès de poids... Après beaucoup de discussions, Rob retourna dans les anciennes cuisines où il trouva ce qu'il cherchait. Puis il remonta avec un tisonnier en main, auquel il attacha une extrémité de la corde. Enfin, il souleva délicatement les tuiles pour y passer le tisonnier et le bloquer entre deux chevrons, sans réveiller personne... Tous purent ainsi descendre sans mal et sans se faire voir, sauf Isis, qui resta la dernière pour enlever corde et tisonnier, et descendre de manière autonome. Première étape réussie !

Grâce au verger, il ne fut pas difficile d'accéder au donjon et en particulier à sa tour nord-ouest. D'en bas, il était impossible de voir si une fenêtre du quatrième étage était bien ouverte, elles étaient toutes trop profondément enfoncées dans le mur épais de plus de deux mètres ! Tant pis, Vif s'attacha à la corde, et commença à monter. La pierre, une sorte de marbre, était lisse et les blocs étaient bien ajustés, les prises étaient très réduites. Et il fallait monter sur une quinzaine de mètres... Mais la Femme des Bois finit par y arriver, et quelqu'un l'appela lorsqu'elle fut assez près : Surk était bien là, qui avait ouvert volet et fenêtre donnant dans une pièce inoccupée, au même étage (quatrième) que la chambre d'Arkish et Elosian.

L'un après l'autre, tous montèrent à la corde, avec plus ou moins de facilité. Ascension fatigante pour certains, balade de santé pour d'autres, mais la longueur et l'obscurité compliquèrent la tâche de beaucoup. Enfin, tous furent arrivés au quatrième étage. Restait à atteindre la chambre où Arkish semblait dormir, après avoir longtemps discuté avec les sorciers, qui eux devaient dormir à l'étage au-dessus. Il faudrait disposer de tout ce beau monde, récupérer les affaires confisquées, et trouver ensuite le passage secret pour s'y réfugier. Beau programme, mais il ne semblait plus aussi inaccessible qu'auparavant.

8 - Meurtre dans la nuit
Surk commença par mettre les aventuriers au courant des différentes chambres et de leurs habitants, ou du moins ce qu'il avait réussi à apprendre. Si Arkish avait bien avec lui les affaires de l'équipe, il n'y aurait pas à aller bien loin : ses appartements étaient dans la tour la plus proche. En revanche, il fallait faire attention : à cet étage, en plus d'une dizaine de servantes, on trouvait tous les capitaines : celui des traqueurs, celui des cavaliers, celui des archers, et celui des fantassins. Plus le second du château et sa compagne, ainsi que le soigneur, Ornil.

Mais Vif fit taire tout le monde : elle venait d'entendre qu'un des gardes du haut de la tour avait repéré quelque chose de suspect, et qu'il allait descendre voir ça de plus près. Cela était sans doute arrivé au moment de la pénible montée de Geralt, qui avait dû être tracté par Narmegil. Tout le groupe se réfugia dans une pièce proche qui devait servir de toilettes et salle de bains dans un lointain passé. Vif entendit le garde descendre les escaliers, arriver au quatrième étage et jusque dans la pièce par où ils étaient rentrés. Puis, ne trouvant rien, il repartit au-dessus et Vif l'entendit informer son ou ses collègues qu'il s'était sans doute trompé.

Mais la femme des bois entendit encore d'autres pas, certains extrêmement discrets, dans l'escalier. Ils montèrent jusqu'à leur étage, et se dirigèrent droit vers la pièce où ils se cachaient, mais Vif avait reconnu les félins, et ce devait être Elosian qui les accompagnait. C'était bien le cas, et ils se retrouvèrent tous avec plaisir, même si Surk avait du mal à donner sa confiance à la souveraine du château... Quand Elosian fut mise au courant d'une descente dans les appartements de son mari, et de sa mort possible, elle dit que cela ne devait pas être un obstacle, que de toute manière elle n'envisageait pas de continuer à vivre avec lui. En revanche, elle prévint qu'avant de parvenir à la chambre, il fallait passer par un salon dont une porte donnait sur la chambre d'une servante qui avait le sommeil léger...

Ainsi prévenue, Vif fut envoyée en éclaireuse, elle qui voyait très bien dans l'obscurité profonde des couloirs. Elle entra sans problème et trouva la chambre d'Arkish sans difficulté. Il dormait là, et une grande malle toute proche aurait bien pu contenir une bonne partie des affaires de l'équipe. Et des placards pouvaient en abriter d'autres... Elle revint vite, et après discussion ce fut Geralt qui arriva, même s'il n'y voyait goutte. Mais il trouva sans mal le capitaine du château, et sa gorge... Une main sur la bouche, un mouvement sec et rapide, un peu de liquide chaud... et le corps ne bougea plus.

Il revint prévenir ses amis, qui tous le suivirent dans la chambre d'Arkish le plus discrètement possible. Mais pas assez, car la servante remua et appela. Heureusement, Elosian lui dit qu'il ne s'agissait que d'elle et qu'elle pouvait se rendormir, ce qu'elle fit. Dans la chambre, c'est avec la plus grande joie que chacun retrouva ses affaires, à la seule exception de l'anneau magique de Vif. Il y avait aussi de nombreux bijoux, mais ils appartenaient tous à Elosian, cadeaux de feu son mari, et elle comptait s'en servir pour l'aider à démarrer une nouvelle vie. Restait tout de même de l'argent pour l'équivalent de quelques pièces d'or, et des armes et armures de bonne facture, bien qu'un peu lourdes.

9 - Escalade de violence
Les aventuriers avaient maintenant pris l'avantage sur Angmar, mais la cible principale restait les sorciers : sans eux, les chetmíg n'étaient plus contrôlables et risquaient même de faire pas mal de dégâts. Avant de retrouver une dresseuse, plus des félins "disponibles", il faudrait du temps à Angmar, et peut-être que le roi-sorcier y regarderait à deux fois avant de retenter l'expérience. Bref, même si certains auraient voulu explorer certaines pièces intéressantes, il fallait monter au cinquième étage, où les sorciers devaient dormir tandis que leurs félins enchantés étaient au loin. D'après ce qu'en savaient Surk et Elosian, ils étaient tous dans des chambres exposées au sud, mais il y avait également trois autres sorciers en "préparation" et six rôdeurs noirs très compétents et perceptifs...

C'est donc avec la plus grande discrétion que le groupe élargi se faufila dans les couloirs jusqu'au vaste (et unique) escalier central. En passant devant la chambre d'Ornil, ce dernier fut invité à rejoindre le groupe, ce qu'il attendait impatiemment - ses affaires étaient déjà prêtes. Tous montèrent un étage plus haut, et ils utilisèrent ensuite au maximum l'ouïe fabuleuse de Vif, les talents de Rob pour les serrures, et la main experte de Geralt. C'est du moins comme cela que les choses commencèrent.

En effet, Vif entendit distinctement trois respirations à travers le bois d'une porte, et donc la chambre fut laissée de côté. L'idée était que les sorciers étaient parmi les personnes les plus importantes du château, ils devaient donc sans doute avoir des chambres individuelles. Après une pièce vide, et tout en se rapprochant de la tour sud-ouest, la femme des bois perçut une chambre occupée par un unique habitant. Un crochetage s'ensuivit, et un nouveau meurtre dans le noir, propre et net (pour autant que cela puisse l'être !) et surtout sans bruit.

Mais cette mort eut une conséquence immédiate : Vif entendit distinctement deux personnes se réveiller en sursaut dans des chambres un peu plus loin, dans la tour nord-ouest. Et après un moment, elle perçut un rugissement très éloigné, provenant de fort loin. Très certainement, le chatmoig lié au sorcier avait perçut la chose et avait rugi, surprenant et inquiétant ses compagnons, ce qui avait réveillé les deux autres sorciers. En tout cas, la rôdeuse savait maintenant parfaitement où chercher : les deux sorciers étaient en train d'échanger à travers le mur qui séparait leur chambre, et l'un d'eux avait une voix féminine - sans doute la chef, Hannei.

L'équipe arriva à une antichambre comportant deux portes, et derrière l'une d'elles une personne se préparait à sortir. Lorsqu'elle eut ouvert la porte et vu les ex-prisonniers, elle ouvrit la bouche mais n'eut pas le temps de l'utiliser : l'épée de Geralt y était entrée plus vite que le son n'avait pu en sortir ! A côté, la voix féminine s'inquiéta de l'arrêt de l'échange vocal, alors que le corps de l'homme roulait à terre. Narmegil ouvrit l'autre porte, mais elle donnait sur une autre antichambre avec deux portes à l'autre bout, mais aussi une échelle qui montait au dernier étage de la tour, et où se trouvaient des gardes. L'un d'eux, intrigué par le remue-ménage, avait ouvert la trappe et commencé à descendre...

Alors que le guerrier dúnadan embrochait le garde prit par surprise, Vif entendait à nouveau l'écho lointain d'un rugissement. Tandis que le groupe occupait la pièce et se dirigeait vers les portes, un autre garde se pencha au-dessus de la trappe pour comprendre pourquoi son collègue ne faisait plus de bruit. Il fut cueilli par une flèche de Drilun qui mit promptement fin à ses jours. Mais le troisième garde encore vivant referma la trappe et s'époumona autant qu'il put pour réveiller le château et donner l'alarme. Juste comme Rob finissait de verrouiller toutes les portes qui donnaient sur la suite de pièces et la tour où ils se trouvaient tous.

10 - Objectif accompli
Mais il restait un sorcier, ou plutôt une sorcière, dont les aventuriers avaient déjà eu des échos du côté de Nothva Rhaglaw. Narmegil et Geralt entrèrent vite dans la pièce... mais elle était vide ! Personne sous le lit, pourtant tout attestait qu'elle avait été récemment occupée. Fortement éprouvé par les épreuves des derniers jours, le désespoir envahit Geralt alors que l'alarme résonnait dans tout le château. Délaissant toute précaution, sans plus aucun espoir de survie à ses yeux, il se mit à hurler qu'il allait tous les tuer et qu'il les attendait avec son épée...

Mais alors que Grandes-Gigues s'approchait de l'assassin pour essayer de l'aider ou le maîtriser, une douce voix suave résonna dans la pièce et tinta étrangement aux oreilles de Geralt. Tout d'un coup il vit ses amis comme si c'étaient les gens d'Angmar, et son dernier combat. Il avança sur Narmegil d'un pas décidé, mais avant qu'il ait pu attaquer, le soigneur utilisait sa magie pour protéger son ami de l'influence maléfique dont il était le jouet. Avec succès : l'homme aux cheveux blancs recouvra la raison - et son désespoir - et ne menaça pas ses amis.

En revanche, Narmegil put déterminer l'origine des paroles : Hannei avait dû ouvrir fenêtre et volet dans l'épais mur de la tour, elle devait se tenir juste derrière après les avoir rabattus... Saisissant sa lance, et aidé par sa magie, il plongea son arme à travers fenêtre (qui vola en éclats) et volet, et il sentit qu'il transperçait autre chose, en même temps qu'il entendait un gargouillis... comme quelqu'un qui a du sang dans la bouche. Grandes-Gigues ne fut pas en reste, et il empoigna l'épée bâtarde trouvée chez Arkish. Lui aussi aidé par sa magie, il transperça une fois de plus fenêtre et volet, et le corps qu'il devinait derrière. Peu après, Vif entendit un troisième rugissement au loin, quoique plus proche que les fois précédentes...

Le corps de la sorcière, car c'était bien elle, put être ramené à l'intérieur, avec les restes de fenêtre et volet. Sur elle, en plus de diverses affaires (cimeterre, dague, bourse à herbes...), on retrouva l'anneau qui était auparavant au doigt de Vif, et avant elle au doigt du garde-chasse en chef des Tarmas, qui les avait combattus. Cet anneau magique améliorait les rapports de la personne avec les animaux, et la femme des bois était toute heureuse de le retrouver. Il l'aidait surtout à mieux contrôler le chat qui était en elle... Hormis cela, la sorcière portait également un collier qui empestait la magie noire, et que le grand elfe s'empressa de réduire en morceaux.

Mais il y avait à présent du bruit dans les couloirs, et si le premier objectif des aventuriers avait été atteint, un autre objectif s'imposait à présent : survivre. Il avait été question de trouver le salut dans un passage secret qui devait être à l'étage même, mais Narmegil ne savait absolument pas où. Les portes principales étaient verrouillées, mais elles ne tiendraient sûrement pas indéfiniment. Si le passage secret n'était pas dans cette partie du donjon, il allait falloir bien vite se faire pousser des ailes...

11 - Bluff et recherche
Très vite, Vif demanda des explications à Narmegil concernant le passage secret. Il lui remit la clef et le mot de passe, ce qui lui permit de chercher dans tous les endroits où le mur lui semblait susceptible d'abriter un tel passage. Pendant ce temps, des personnes appelaient à grands cris les sorciers depuis le couloir, faisant écho au garde resté en haut de la tour sud-ouest et qui avait crié que des intrus avaient envahi l'étage... Pour parachever le tout, la mort d'Arkish fut découverte à l'étage en-dessous, ce qui fit encore du bruit. Son second prit le relais, et en tant que guerrier brutal, il fit clairement comprendre qu'il n'y aurait pas de quartier... En bref : cela sentait le brûlé !

Alors que la rôdeuse aux yeux et oreilles de chat cherchait désespérément un signe du passage secret, mais sans rien trouver, ses compagnons sentirent que les gardes et rôdeurs noirs n'étaient pas loin de commencer à enfoncer les portes. Mais plutôt que de faire parler les armes, dont l'équilibre n'aurait pas été en leur faveur, les membres de l'équipe préférèrent faire parler... leur langue. Geralt, qui avait repris espoir à la mort de Hannei, vociféra ordres et insultes comme s'il était l'un des sorciers bien vivants, aidé par Drilun, et Narmegil parlait magiquement avec une voix qui ressemblait à celle d'Hannei, grâce aux bons soins d'Isis.

Les voix, très convaincantes, disaient que les portes avaient été bloquées par les prisonniers évadés mais qu'ils s'étaient enfuis, il fallait d'urgence les chercher en bas dans la cour, et vite ! Un peu interloqués, les gardes finirent par s'exécuter devant les menaces et le côté tellement convainquant de la chose. Des cris résonnèrent un peu partout qu'il fallait rechercher les prisonniers en bas ou ailleurs. Les deux-trois personnes restées pour aider à débloquer les portes se firent vertement tancer avec une histoire de chetmíg devenus fous - appuyée par des sons convaincants qu'Elosian demanda à ses amis de faire - et ils coururent rejoindre les autres aux étages plus bas.

Le passage secret était censé se trouver dans une des chambres du seigneur Eldanar. Narmegil s'était rappelé que sa famille comportait beaucoup d'astronomes, qui préféraient les chambres au nord, plus sombres, d'où l'on voyait mieux les étoiles. La voie était complètement libre à présent, et l'équipe put rouvrir les portes et passer aux pièces nord-ouest du donjon. Tandis que Vif fouillait frénétiquement les murs en scandant "Tintallo" ("Allume-toi"), d'autres gardaient le haut de l'escalier afin de bloquer les gardes qui ne manqueraient pas de revenir. Ce qui finit par arriver, lorsque la supercherie fut enfin découverte.

La femme des bois faisait à nouveau chou blanc, tandis que des échanges de flèches avaient lieu dans l'escalier. Sans grand mal pour les aventuriers, mais un des rôdeurs noirs devait avoir pris quelques méchantes blessures. En fin de compte, pour éviter un débordement, de l'huile de lanterne fut lancée dans l'escalier et allumée par Isis. Le feu fit reculer les hommes d'Angmar, et l'elfe poussa magiquement les fumées vers le bas afin d'avoir la paix le plus longtemps possible. Ce qui permit à Vif de passer aux suites de pièces de la tour nord-est du donjon.

Alors que le feu diminuait dans l'escalier, la rôdeuse féline ne voyait toujours pas le moindre petit bout de passage secret. Enfin, en désespoir de cause, elle passa dans une pièce du nord-est qu'elle pensait dépourvue de mur adéquat. Mais derrière les tentures murales, une lumière se fit lorsqu'elle prononça le mot de passe : une petite flamme dessina les contours d'une porte, et en plein centre une lumière enflammée fit apparaître le trou d'une serrure. La clef y entrait parfaitement, et un déclic se fit entendre lorsqu'elle fut tournée. Après une vigoureuse poussée, le doute ne fut plus permis : le passage secret avait été découvert !

Tandis que les membres du groupe se pressaient vers l'endroit où le passage avait été ouvert, des cris retentissaient dehors. Un chatmoig enchanté - le plus petit - venait d'arriver au château, et il était déjà sur le chemin de ronde, sans doute après avoir escaladé le mur d'enceinte. Il sauta directement dans la cour et avala les douze mètres de chute sans aucun mal, puis il bondit sur la façade du donjon qu'il escalada à peu près aussi facilement qu'un écureuil monte à un arbre... Narmegil, resté en arrière, le vit exploser une fenêtre et son volet en entrant et arriver jusqu'à la chambre de son maître. Fou de douleur, il se tourna ensuite vers lui, et il bondit sans se soucier d'éviter les coups. Aidé par sa magie, une noix de l'écureuil, et sa lance elfique puissante, le Dúnadan porta le premier coup et empêcha le félin d'attaquer. Il lui fallut encore plusieurs coups pour achever la bête.

12 - Les passages secrets de Barad Eldanar
Mais les deux autres risquaient d'arriver, et de nombreux gardes et rôdeurs d'Angmar, sans compter quelques sorciers, aussi Narmegil ne lambina-t-il pas. A la suite de ses amis, il pénétra dans le passage secret et referma la lourde porte de pierre. Après un déclic, elle se fondit entièrement dans le mur : il était totalement impossible de distinguer une quelconque fente ou séparation. Même la magie était si habilement camouflée que Grandes-Gigues ne sentait rien quand le portail restait fermé. Sinon, le petit couloir - trois pieds de large et sept de haut - comportait une torche dans un réservoir et un briquet à amadou, et un escalier raide plongeait dans les profondeurs.

La petite troupe fit de la lumière et descendit l'escalier. Après trois virages à 180 degrés, l'escalier aboutit dans une pièce carrée, peut-être vingt ou trente mètres plus bas. Une porte occupait le mur est, sous l'escalier, et aucune autre ouverture n'était visible. Comme seul mobilier, un banc de bois nu occupait l'espace en invitant à s'y assoir. Ce dont ne se privèrent pas certains après un moment. Mais, poussés par la curiosité, les aventuriers choisirent plutôt d'examiner l'endroit pour voir si des pièces ou autres passages ne pouvaient pas être trouvés.

En fait, au beau milieu des murs nord, ouest et sud, se trouvaient des symboles qui faisaient penser respectivement à de l'eau, du feu, et des pierres ou rochers. Et de la magie irradiait de ces symboles, qui semblaient en fait gravés sur des portes dissimulées, et sans mécanisme d'ouverture visible. Après divers essais, les aventuriers trouvèrent la clef pour ouvrir ces portes : il suffisait de toucher le symbole en prononçant son nom en sindarin, la plus commune des langues elfiques :
- "nen" pour l'eau (porte du nord)
- "nar" pour le feu (porte de l'ouest)
- "gond" pour la pierre (porte du sud)

La porte en bois, sous l'escalier, donnait sur un couloir étroit qui s'enfonçait plein est, probablement vers les bois dans les collines, et donc la sortie. La porte de l'eau ouvrait sur un petit couloir avec un puits à l'autre bout, comportant même un seau et une corde en bon état. La porte du feu était une petite pièce remplie par deux grosses malles et deux râteliers d'armes. Ces derniers comportaient une demi-douzaine d'épées, une lance, et deux arcs composites en métal avec flèches et carquois - tous de très bonne facture et parfaitement conservés. L'une des malles contenait un habit de mailles complètes - pour quelqu'un de la stature de Narmegil - avec casque et écu, eux aussi de grande qualité et comme neufs, et très légers. Et l'autre malle ne contenait rien de plus qu'une petite bourse, avec de vieilles pièces (plus de trois siècles d'âge) et une clef, différente de celle du passage secret.

La porte de la pierre, elle, donnait sur une petite pièce de mêmes dimensions que celle du feu. S'y trouvaient non pas des malles et râteliers d'armes, mais un fauteuil, un bureau/secrétaire, ainsi qu'un rayonnage avec divers livres et rouleaux. Tout cela comportait son lot de plans et cartes des environs, mais aussi plusieurs études portant sur des sujets divers : beaucoup d'histoire, en particulier concernant le premier âge et les elfes, mais aussi sur les dragons... Et le secrétaire comportait parchemins, plumes et encres diverses de très bonne qualité d'après Drilun. Mais aussi un livre rempli d'une écriture élégante, le journal d'un ancêtre de Narmegil, et seigneur de Barad Eldanar.

13 - La quête d'Elenuil
L'écriture était entièrement en sindarin. Il fallut bien du temps pour lire toutes les notes et comprendre les nombreux croquis, mais le temps ne manqua pas. Beaucoup étaient épuisés, certains blessés même, les chetmíg avaient faim et sommeil... Après avoir grignoté ce qu'ils pouvaient parmi les provisions emportées, ils se mirent au milieu de la grande pièce, les uns contre les autres, avec Elosian et Vif au milieu, mais d'autres osèrent s'allonger contre eux afin d'avoir plus chaud. Il se passa bien au moins une demi-journée avant que tous ne soient reposés et guéris par la magie de Grandes-Gigues et les soins d'Ornil et du grand elfe.

Ce temps fut largement mis à contribution par les plus érudits du groupe, comme Grandes-Gigues et Narmegil, mais aussi Elosian et Ornil, qui lisaient parfaitement le sindarin. Et petit à petit, à plusieurs, les principaux enseignements du journal d'Elenuil purent être décryptés. Il s'agissait des notes du quadrisaïeul de Narmegil, seigneur Eldanar au moment de l'invasion d'Angmar et de la prise du château, plus de trois siècles dans le passé. Mais l'arrivée d'Angmar n'était pas le sujet le plus important de ses notes.

Elenuil était un chercheur et un érudit, qui voulait connaître l'identité et la retraite du célèbre roi elfe que la famille aurait hébergé, selon la légende, aux débuts du troisième âge. En effet, au sein de la famille Eldanar, le bruit avait toujours couru que les pouvoirs magiques particuliers de la famille, et la qualité de certains éléments du château lui-même, étaient dus pour grande partie à un "roi caché" des elfes. Ce roi aurait été accueilli et hébergé, et aidé, et une amitié se serait développée. D'où le nom de la famille (Eldanar = "feu elfique"), ainsi que certaines de ses possessions - attribuées aux talents de forgeron elfique du roi en question. Qui se serait construit une retraite inaccessible non loin dans les Monts Brumeux. Bien sûr, selon la plupart des érudits, tout cela n'était qu'une légende... même si les légendes comportent toujours une part de vérité !

Les notes retranscrivaient donc ses recherches, pour ne pas dire sa quête. Chronologiquement, ses notes pouvaient se résumer ainsi :
- Elenuil pense avoir trouvé l'identité probable du roi des elfes... mais une portion est effacée
- Elenuil comprend le désir de secret de ce roi, aussi n'en parlera-t-il pas
- Elenuil pense avoir trouvé l'emplacement de la cachette du roi
- Elenuil donne des détails sur la manière d'y arriver : plans de la zone, croquis, indications...
- Elenuil parle de la proximité des orcs du mont Gram, et l'aide précieuse de sa cape elfique
- Elenuil parle d'une magie très puissante dans les cavernes où il a cru devoir chercher la retraite
- Elenuil décrit un dragon endormi dans les mêmes cavernes
- Elenuil parle de son départ sans se faire repérer
- Elenuil parle de sa peur, il pense que le dragon a senti quelque chose, il joue avec lui
- Elenuil raconte qu'il a trouvé le portail magique de la retraite du roi des elfes, dans les cavernes
- Elenuil se demande si le dragon ne l'a pas laissé entrer pour voir s'il pouvait ouvrir le portail
- Elenuil écrit qu'il sent une magie fantastique derrière le portail, et ses sorts sont amplifiés
- Elenuil dit qu'il ne peut pénétrer le portail, pourtant il reconnaît la magie qu'il utilise, par côté
- Elenuil décrit la menace nouvelle d'Angmar et met l'essentiel de sa famille à l'abri
- Elenuil raconte l'assaut sur le château et sa fuite
- Elenuil raconte comment il est revenu au château pour poursuivre ses recherches, cinq ans après
- Elenuil dit qu'il va repartir au portail magique, près du dragon, même s'il n'est pas sûr de revenir
- Elenuil décrit son matériel, dont une cotte de mailles de mithril, mais pas d'arme exceptionnelle
- enfin, Elenuil charge son héritier, s'il ne revient pas, de poursuivre sa quête : c'était en 1330 du troisième âge, 308 ans auparavant...

La lecture et les discussions qui s'ensuivirent rappelèrent quelques détails à Elosian. Elle se souvint qu'Arkish lui avait parlé des recherches de Fëamor non loin dans les Monts Brumeux, avec l'aide d'orcs du mont Gram. Selon ce que savait Arkish, il existait là un pouvoir formidable qui pourrait balayer les peuples libres si le roi-sorcier d'Angmar arrivait à mettre la main dessus. Déjà, même à distance, cette magie permettait aux sorciers d'Angmar de rendre le temps plus froid et rigoureux jusqu'en Eriador et encore au-delà... Peut-être que cette magie avait permis de fabriquer les colliers qui liaient chetmíg et sorciers ?
Modifié en dernier par Niemal le 10 octobre 2010, 10:43, modifié 2 fois.
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Barad Eldanar - 9e partie : la quête d'Elenuil

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1 - Remontée et bilan
Après discussion, il fut décidé de faire remonter tout le groupe au château, via l'escalier et le passage secret. Narmegil et Geralt étaient encore sous le contrecoup de la drogue ingérée avec la noix de l'écureuil, mais il devenait difficile d'attendre plus : les chetmíg avaient mangé tout ce que les aventuriers avaient pu leur offrir qui leur convenait, et les petits avaient besoin de se sustenter régulièrement... Tous reprirent donc le chemin, le Dúnadan en tête, Grandes-Gigues aux côtés de Geralt pour réconforter ce dernier et l'empêcher d'avoir trop de pensées suicidaires - la drogue avait un effet désastreux sur son moral - et les chetmíg à la fin, avec Elosian.

Narmegil ouvrit le passage secret, qui déboucha dans la même pièce, toujours aussi vide. Alors que la journée devait être bien avancée, un grand silence régnait, aucunement troublé par des appels ou des bruits de pas. Avec précaution, le groupe commença à investir l'étage, à avancer pièce après pièce, puis dans le couloir qui amenait à l'escalier central. Néanmoins, Vif arriva à percevoir des bruits très légers à l'étage même, comme ceux que pouvaient produire des félins de 250 kg particulièrement discrets... Certains préparèrent leurs armes en prévision d'une attaque prochaine.

Mais la femelle chatmoig avait elle aussi perçu quelque chose et elle se mit à émettre des espèces de feulements... auxquels des échos furent donnés : deux félins noirs jaillirent de derrière un angle et se précipitèrent vers Elosian et ses amis félins. Trop rapidement pour pouvoir intervenir, comme Geralt le comprit : il avait voulu ouvrir une porte sur le passage des deux chetmíg, mais il était arrivé après la bataille. De même, certains avaient tendu leur arc, mais ils n'eurent pas le temps de tirer. Ils virent tous ce que Vif avait perçu à l'oreille, mais qu'elle n'avait pas eu le temps de raconter : les deux grosses ombres de félin faisaient la fête à Elosian et à leur mère.

La menace des félins était écartée, tant que les aventuriers se tenaient à distance... sauf Vif, qui était considérée par les deux gros félins comme féline elle-même. Le champ était libre pour comprendre l'origine du silence qui régnait, et qui ne fut pas long à trouver : comme certains s'y attendaient, la cour du château et une partie de ses bâtiments regorgeaient de cadavres : au final au moins 150 humains étaient morts déchirés ou égorgés par les terribles griffes ou crocs des félins, et une cinquantaine de chevaux. Sans parler des vaches, cochons, des poules... le carnage avait été terrible, de nuit, les félins enchantés avaient complètement supprimé toute trace de vie dans le château. Et eux-mêmes ne portaient que de petites blessures...

Mais des hommes avaient pu fuir, comme en attestaient le portail du château grand ouvert et les nombreuses traces : des cavaliers et des piétons avaient fui par là, sans doute en pleine nuit, sans se retourner. Les félins avaient abattu les derniers, avant de revenir au château. Arleg - son pseudonyme de Surk ne risquait plus de lui être utile - résuma cela ainsi : c'était l'après-midi, les premiers cavaliers étaient peut-être en train de parvenir aux autres forteresses d'Angmar. Il y aurait certainement quelqu'un ici dès le lendemain, il fallait partir au plus vite. Ce en quoi tous étaient d'accord... mais après une fouille préalable.

2 - Révélation
Avant de décider quoi faire, divers aventuriers tenaient à en apprendre le plus possible. Ornil montra ainsi la salle de réunion des officiers, et ancienne bibliothèque. Il restait peu de livres, les plus intéressants de ceux-ci ayant sans doute été récupérés ailleurs en Angmar. En revanche, de nombreux rouleaux comportaient des cartes militaires extrêmement intéressantes pour des militaires comme ceux d'Arthedain. Toutes ces cartes et les indications attenantes - schémas des forces, des patrouilles... - furent emportées dans des sacs avec l'idée de les ramener à Fornost Erain.

Mais le meilleur restait à trouver, et il le fut grâce à la main heureuse de Drilun. Le premier livre que le Dunéen sortit du rayonnage laissa échapper un carnet de notes personnelles qui était glissé - à dessein ou par hasard - derrière la couverture du grimoire. L'écriture en ouistrain semblait être celle d'un des premiers sorciers ayant participé à l'asservissement magique des chetmíg, avant l'arrivée d'Elosian et d'Ornil au château. L'information était donc complètement nouvelle.

En dehors des événements au château, tous plus ou moins connus, les notes faisaient le lien avec la quête du quadrisaïeul de Narmegil. Elles parlaient des textes dans une cachette découverte par hasard par des gens du château, et d'une expédition dans les Monts Brumeux afin de retrouver ce qui pouvait être la source d'une magie fantastique. Source qui avait effectivement pu être localisée, bien que doublement inaccessible.

La première source de problème venait d'un dragon qui avait élu domicile sur place. Un puissant sorcier avait apparemment pu conclure un marché avec le dragon, qui avait accepté - contre de très fortes rémunérations - de les laisser passer et chercher la source de la magie. Divers commentaires suggéraient que c'était sans doute un marché de dupes, et que le dragon comptait sans doute se servir des humains pour accéder lui-même à la source de la magie. Certains sorciers envisageaient - plus de huit ans auparavant - d'attaquer le dragon.

Car la source de la magie reposait derrière un portail magique qui semblait complètement inaccessible, et rien n'avait pu le faire bouger d'un pouce. En revanche, la proximité de la source de magie arrivait à amplifier les sortilèges lancés à cet endroit. Ainsi, il était possible de s'en servir pour accroître la puissance magique des sorciers. Ce qui fut mis à profit pour agir sur le climat et le rendre plus sévère, ou encore fabriquer des objets magiques particuliers... comme les colliers de lien entre sorcier et chatmoig.

Les notes complétaient parfaitement celles d'Elenuil et donnaient le point de vue d'Angmar : la source de la magie permettrait sans doute de faire basculer le rapport de forces entre Arthedain et Angmar, voire au-delà. Par ailleurs, l'affaire des chetmíg risquait de continuer tant que des sorciers avaient accès à cette magie, même s'il n'était que partiel, car Angmar pouvait continuer à facilement fabriquer des colliers à la redoutable magie, entre autres choses. A tout le moins, Angmar semblait croire à cela, vu le fantastique secret qui avait entouré le projet. Sans parler de la réussite des chetmíg enchantés, même si cela ne s'était pas fait sans perte, semblait-il.

3 - Décision
Armées de toutes ces informations, qu'est-ce que les personnes présentes allaient décider de faire ? Pour Arleg, la priorité était pour lui de rejoindre et prévenir Arthedain - son rôle comme espion était terminé et n'avait plus d'avenir - avec toutes les cartes et autres informations. Ornil rêvait quant à lui de Fornost Erain et de ses bibliothèques, et de liberté... Elosian n'avait qu'une idée, c'était de libérer ses amis félins et de vivre avec eux quelque part dans le Rhudaur, au pied des Monts Brumeux. Tout en faisant en sorte d'empêcher toute tentative d'Angmar pour capturer d'autres chetmíg.

Mais la route vers l'Arthedain semblait bien bloquée, surtout après le remue-ménage opéré à Barad Eldanar. Le secteur allait vite pulluler de cavaliers et d'orcs d'Angmar, et la vaste plaine qui les séparait de Fornost Erain - l'Oiolad - n'offrait guère de ressources ou de possibilités d'abri. En revanche, en passant par le Rhudaur, il serait plus facile de se glisser inaperçu. Elosian, avec ses amis, pensait pouvoir accompagner Arleg et Ornil et faire en sorte de les amener sains et sauf jusqu'à la Route de l'Est, où de là ils pourraient atteindre Bree sans trop de problème.

Côté aventuriers, les avis étaient partagés. Isis était à la moitié de son terme à peu près, et elle aurait voulu rentrer à Bar Edhelas ou parmi les siens pour préparer tranquillement la venue au monde de son fils... ou sa fille. Geralt rêvait de lit douillet et de feu ronflant dans une cheminée, sans route à prendre ou d'effort à fournir. Certains auraient voulu en savoir plus sur ce qu'il était advenu de Penargil et Ascarnil, mais à part le fait qu'ils avaient été capturés vivants et emmenés à Carn Dûm - capitale d'Angmar - on n'en savait guère, et il ne semblait pas envisageable de frapper à la porte du roi-sorcier pour lui demander des détails.

Par contre, la source de magie mystérieuse liée à la retraite d'un fameux "roi des elfes" en titillait plus d'un. D'une part, elle était au moins en partie à l'origine des chetmíg enchantés, et il fallait donc la supprimer d'une manière ou d'une autre pour faire cesser cette menace. Mais aussi, elle risquait de sonner la fin de l'Arthedain si jamais Angmar arrivait à s'en emparer. Inversement, ce pouvait être une arme contre Angmar... Et puis la retraite du roi des elfes possédait peut-être des trésors inestimables qui pourraient eux aussi servir, ou en tout cas faire le délice de certains des aventuriers !

Mais, objectaient certains, vouloir ne suffisait pas : il y avait un dragon là-bas, sans même parler des hordes d'orcs voire de sorciers. Quels héros pouvaient s'attaquer à cela ? La question était bonne, mais certains pensaient que cela valait la peine de faire un détour pour se rendre compte. Il serait toujours temps de prendre une décision en fonction des éléments découverts là-bas. Peut-être que certains montraient une trop grande foi dans leur capacité à dépasser tous les obstacles, et Grandes-Gigues le premier, qui paraissait particulièrement motivé. Au bout du compte, l'intrépidité l'emporta sur la prudence, et il fut décidé d'essayer de trouver l'endroit, et la source de la magie.

4 - Préparatifs et départ
La route fut vite décidée : plein est vers les contreforts des Monts Brumeux, tous ensemble, pour arriver au plus vite hors de la plaine. Soit environ une cinquantaine de miles (~ 80 km) à découvert, où les patrouilles d'Angmar pourraient facilement les repérer. Ensuite, Elosian, Arleg, Ornil et les chetmíg iraient au sud, tandis que les aventuriers continueraient vers l'est en direction du mont Gram, sur environ une trentaine de miles (~ 50 km). Il faudrait ensuite trouver la vallée qui permettrait de remonter vers le nord, jusqu'à un site caché où reposait la source de la magie.

C'était bientôt la fin de l'automne, il faisait bien froid déjà dans la région, et là où Narmegil et ses compagnons allaient, il ferait encore plus froid et il y aurait sûrement de la neige ; il fallait s'équiper en conséquence. Sans compter les provisions qu'il serait nécessaire d'emporter. Et comme le quadrisaïeul de Narmegil indiquait dans ses notes avoir fait de l'escalade avant d'atteindre le lieu où il avait trouvé la retraite du roi des elfes, il valait mieux trouver du matériel. Heureusement, de rapides recherches menèrent à tout ce qui était désiré : provisions, vêtements chauds, cordes et pitons d'escalade même, sans parler de plusieurs piolets.

Rob avait bien entendu trouvé les cuisines également, et avant le départ du groupe, il put mitonner un excellent repas ; la viande disponible ne manquait pas, et il aurait été dommage de laisser gaspiller tout cela... Les chetmíg se remplirent la panse de manière impressionnante, les plus gros avalant plusieurs dizaines de kg des meilleurs morceaux. L'origine de ces morceaux, personne ne chercha à la voir, et s'il fallait détourner la tête, certains ne s'en privèrent pas !

Enfin, peu après le début de la nuit, l'équipe fut fin prête. Même si le temps glacial ralentissait la décomposition des corps, la seule vue suffisait à donner la nausée à certains - la découverte du charnier avait laissé des traces dans l'estomac de plus d'un, sans parler des murs. Bref, les humains n'étaient pas trop fâchés de quitter les lieux, à l'exception de Narmegil : il avait enfin vu son château, il l'avait libéré, et il devait maintenant partir dans la nuit comme un voleur, sachant qu'Angmar le réoccuperait bientôt. Son moral n'était pas des meilleurs...

Le groupe se mit donc en route. Une route fut tout d'abord suivie qui menait globalement vers l'est, puis elle fut laissée de côté lorsqu'elle remonta un peu vers le nord. Arleg servait de guide : lui qui avait fait l'éclaireur pendant des années, le plus souvent de nuit, il connaissait très bien le secteur. Elosian montait un chatmoig, Vif un autre, et les elfes faisaient des chants elfiques, magiques, afin de donner du courage à tous et d'accélérer l'allure.

5 - Casse-croûte à volonté
A la fin de la nuit, un petit camp fut installé dans un petit bosquet composé de trois arbres rabougris et de quelques buissons. Pas de quoi les cacher vraiment, mais ils n'avaient guère le choix, et il faudrait compter sur leurs perceptions, et peut-être la chance... En journée, les guetteurs virent arriver une troupe d'une cinquantaine de cavaliers qui suivaient la route plus au nord. Ce qui ne gênait pas trop, car ils allaient vers le château et ils étaient un peu trop loin pour les repérer tant qu'ils ne bougeaient pas. Mais alors que les guerriers d'Angmar allaient passer et n'être plus qu'un souvenir, un autre visiteur fut un vue : comme un petit nuage noir dans le ciel, il se dirigeait pratiquement dans leur direction : des crebain !

Les oiseaux ne passèrent pas loin et finirent par les repérer. Aussitôt, ils croassèrent au-dessus d'eux en tournant - ce qui attira l'attention des cavaliers - avant de repartir vers le nord. Une partie des cavaliers s'était détachée du groupe afin d'examiner ce que les corneilles avaient repéré, et ils trouvèrent vite la source. Ils revinrent prévenir le reste de la troupe armée, qui modifia son trajet pour aller à la rencontre des aventuriers. Mais les cavaliers ne chargèrent pas, restant à bonne distance de leurs ennemis.

Au bout du compte, comme tout le monde avait été réveillé, il ne servait plus à rien d'essayer de dormir - au grand dam de Geralt. Le groupe se remit alors en route, sans être plus inquiété que cela. Mais après un moment, les cavaliers les encerclèrent et firent mine de les bloquer. Manifestement, ils ne cherchaient pas la confrontation mais ils voulaient ralentir le groupe, qui, s'il continuait à avancer, allait se trouver dans une posture délicate tactiquement parlant. Mais le soleil allait bientôt se coucher, et il fut décidé d'attendre la nuit. Ce dont Geralt profita pour piquer un roupillon.

Une fois la nuit bien établie, Elosian parla aux chetmíg, et les deux plus gros, invisibles dans la nuit, s'éloignèrent sans un bruit. Bientôt, des hennissements parvinrent non loin, des cris et des cavalcades. Les deux félins revinrent en se pourléchant les babines, et Vif confirma que la route était dégagée. Le groupe reprit alors son voyage vers l'est sans être plus inquiété, et sans faire particulièrement attention à la discrétion. Accompagnés comme ils l'étaient, cela ne semblait pas nécessaire.

Le lendemain, les cavaliers - ce qu'il en restait - finirent par les retrouver, et une autre troupe, plus nombreuse, les rejoignit. Néanmoins, Narmegil et ses amis avaient eu le temps d'atteindre une zone de coteaux où les chevaux étaient désavantagés et où les cavaliers devaient mettre souvent pied à terre. Ils restèrent donc à distance, attendant dieu savait quoi ou qui, en montant une garde sévère. Mais la nuit venue, cela n'empêcha nullement les chetmíg de semer la pagaille, d'autant plus que les chevaux n'étaient plus en plaine : beaucoup se cassèrent les pattes en essayant de fuir.

Le début de la nuit fut occupé à mettre un peu plus de distance avec les cavaliers d'Angmar survivants, jusqu'à atteindre la route d'Angmar, laquelle fut empruntée le reste de la nuit pour aller vers le sud. Peu avant l'aube, Arleg montra la direction que les aventuriers devaient à présent suivre : l'est ; tandis que les autres continueraient de nuit, vers le sud, avec les chetmíg. Mais avant de se séparer, tous se reposèrent dans une grotte trouvée non loin de là. En journée, des patrouilles passèrent sur la route, effaçant un peu plus leurs traces, et personne ne les inquiéta.

6 - Des montagnes et des orcs
Après un repos diurne sans doute bien trop court pour Geralt, la nuit arriva et le moment des adieux. Arleg prenait avec lui toutes les cartes d'état-major trouvées à Barad Eldanar, plus un ou deux messages des aventuriers à l'attention de connaissances ou proches. Vif eut un petit pincement de cœur en voyant ceux qui étaient devenus ses amis s'éloigner : elle se sentait plus proche des félins que de plusieurs membres de l'équipe...

La route n'était plus tracée nulle part, seuls des croquis d'Elenuil et un bon sens de l'orientation pouvaient guider. Mais le groupe ne manquait pas de gens perceptifs ou capables de déchiffrer des dessins topographiques, aussi la première journée ne fut-elle pas un problème. Le terrain était accidenté, mais ce n'étaient que les contreforts des Monts Brumeux, et ils les longeaient par le sud. Ce n'était pas la chaîne principale des montagnes, mais la branche qui délimitait le sud d'Angmar. Le chemin était juste long, fatigant, mais il ne demandait pas de compétences particulières.

Mais il fallait être prudent, des orcs pouvaient rôder, comme l'indiquaient certains signes. La deuxième nuit, un chemin fut découvert qui venait du sud-ouest et menait dans la direction que les aventuriers suivaient. Ce chemin était manifestement bien fréquenté par des orcs, et les multiples présences et passages ralentirent fortement le groupe. Qui finit par décider de continuer le chemin de jour et non plus de nuit. Pour le plus grand plaisir de Geralt, qui eut ainsi deux fois plus de temps pour se reposer. En effet, à cette époque et dans cette région, la nuit durait seize bonnes heures et le jour à peine la moitié.

Même de jour, il y eut quelques rares rencontres avec des orcs, mais ces derniers ne soupçonnèrent rien : le groupe les repérait bien avant et il quittait la route pour se cacher sans mal. La neige posait plus de problème, mais heureusement elle n'était pas trop présente au niveau de la route, mais elle serait vite là dès qu'il faudrait monter. Au grand désespoir de Narmegil que le contact des flocons rendait très mal à l'aise, tant cela lui rappelait de mauvais souvenirs liés à la mort de ses parents. Mais il n'avait pas le choix, et le moral de Geralt ne valait pas vraiment mieux que le sien. Ce qui obligerait plus tard Grandes-Gigues à prodiguer ses soins magiques pour essayer de leur redonner un peu plus d'énergie.

Enfin, alors que les croquis d'Elenuil semblaient indiquer que la vallée à prendre était proche, le groupe tomba sur des traces bien nettes allant vers le nord : un bon groupe d'orcs était passé par là récemment, et en fait la voie semblait régulièrement empruntée. Ce qui paraissait logique, puisque l'endroit qu'ils cherchaient était occupé par Angmar également. Les aventuriers se dirigèrent donc vers le nord, dans une nouvelle vallée en forme de U, aux parois assez raides.

Quand le moment fut venu, Isis utilisa sa magie pour trouver un abri proche, d'autant que la neige pourrait bientôt menacer. Mais pour cela, il fallait grimper en haut d'une paroi... l'occasion d'utiliser un peu le matériel d'escalade emprunté plusieurs jours auparavant. Cela ne se fit pas sans mal, mais cela se passa bien globalement. Narmegil et ses amis arrivèrent alors à une entaille de la paroi qui semblait souvent utilisée comme abri par les chamois et bouquetins du coin, sans doute en cas de mauvais temps.

Pendant la - longue - nuit, un groupe d'orcs fut repéré plus bas dans la vallée, qui passa sans rien repérer d'eux. Ils étaient lourdement harnachés, comme des porteurs allant livrer matériel et vivres à un groupe ou camp plus haut dans la montagne. La voie semblait donc la bonne ! Mais au matin, la neige paraissait plus proche que jamais, il y aurait sans doute bientôt des flocons. Fallait-il attendre que la neige passe, et en profiter pour abattre du gibier et refaire leurs provisions ? Au bout du compte, la route fut reprise, après une descente sans problème.

7 - Conflits
La montée ne posa aucun problème jusqu'en milieu de journée, quand la neige se mit à tomber. Le moral de Narmegil ne s'en arrangea pas, mais cela illustrait bien ses idées noires et la détresse qu'il ressentait alors. Il faut dire que quelques jours auparavant, pendant le voyage, il avait eu une petite discussion avec Isis alors qu'ils veillaient tous deux. L'elfe lui avait déclaré que les choses étaient allées trop vite, leurs sentiments, leur relation, leur enfant qu'elle portait, leur mariage... Du coup, elle tenait à se libérer de tout cela, elle avait décidé de retrouver sa liberté et de redonner la sienne à son ex-époux. Bref, elle lui avait annoncé qu'ils se séparaient.

Le Dúnadan n'avait pu qu'accepter au mieux sa décision, il savait qu'il ne la ferait pas changer d'avis. Cela ne les empêchait pas de continuer à se côtoyer voire de rêver à se retrouver un jour, mais en attendant, certaines tensions étaient bien là. Le grand guerrier ne trouvait donc guère de repos la nuit, son moral s'en ressentait, et la neige venait ajouter à son état misérable. Il lui aurait fallu une petite armée d'orcs à détruire pour le dérider un peu...

Cela avait tout de même des chances d'arriver, puisqu'ils suivaient une voie que des orcs avaient prise quelques heures auparavant. Mais avant les orcs, la neige risquait de leur poser plus de problèmes : elle devenait de plus en plus épaisse, gênant leur progression, et elle masquait le paysage et les sons. La nuit tombait et il était bien difficile de s'arrêter quelque part. Il fallut la magie d'Isis pour repérer une grotte non loin devant, mais il fallait marcher encore un peu.

Mais à proximité de la grotte, il devenait manifeste qu'elle était occupée, et par des orcs. Elle était gardée par deux de ces créatures, pendant que les autres - une vingtaine - semblaient livrés à eux-mêmes et s'amusaient comme ils pouvaient, dans une caverne creusée récemment. Elle avait la forme d'un ovale assez long, avec un tunnel à l'autre extrémité. Divers outils et étais attestaient du côté récent des travaux, qui se poursuivaient peut-être ailleurs.

Après débat, la décision fut vite prise : la recherche d'un autre abri dans la montagne recueillait moins de suffrages que l'attaque des orcs. Les deux sentinelles furent prises par surprise et vite expédiées, et le groupe s'engouffra dans la caverne avec des désirs de meurtre clairement affichés. L'opposition des orcs ne dura guère plus d'une dizaine de secondes, et les plus éloignés comprirent vite qu'ils étaient complètement surclassés, et ils s'enfuirent de toutes leurs jambes dans le tunnel à l'autre bout.

Narmegil et Geralt arrivèrent à en rattraper et en tuer quelques-uns, mais après un moment le manque de lumière les freina et ils durent revenir. Isis arriva à déterminer par une écoute magique que deux orcs avaient pu s'enfuir et qu'il était difficile de les rejoindre à présent. Le tunnel paraissait très long, elle ne percevait pas l'autre bout, même à des kilomètres. Certainement, les fuyards allaient rejoindre d'autres orcs et les prévenir, mais en attendant, il était temps de se reposer. Demain serait un autre jour.
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Barad Eldanar - 10ème partie : sous et sur la montagne

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1 - Une magie de plus en plus proche
Une garde fut mise en place pendant que l'équipe dormait. Mais alors que c'était le tour de Narmegil, les ennuis arrivèrent de là où ils n'étaient pas les plus attendus. D'un coup, Vif se réveilla : malgré son sommeil, elle avait entendu des hurlements de loups qui provenaient de l'extérieur. Tous furent bientôt debout, juste à temps pour accueillir quelques gros loups couverts de neige qui plongèrent dans la caverne. Mais après tant d'aventures, les wargs ne posaient plus une réelle menace pour l'équipe. En moins d'une demi-minute, leurs corps furent allongés sur le sol de pierre, sans vie. A part leur gâcher leur sommeil, les bêtes ne leur avaient fait aucun mal.

Après un peu plus de repos, Isis utilisa ses sorts pour sonder le tunnel qui menait dans les entrailles de la montagne. Mais il était vide, et elle ne pouvait en percevoir l'autre extrémité. Après un petit débat, décision fut prise de suivre les orcs. En effet, Grandes-Gigues ou Isis commençaient à percevoir une magie lointaine qui allait exactement dans la même direction que le tunnel. Si certains auraient préféré passer par la montagne, comme l'ancêtre de Narmegil en son temps, beaucoup préféraient le tunnel, bien tranquille et commode, malgré la promesse d'orcs à l'autre bout. Orcs que certains attendaient d'occire avec impatience.

Le tunnel fut donc pris après avoir bricolé quelques torches grâce au bois et au matériel laissés par les orcs. Ce n'était pas le même tunnel que le passage secret de Barad Eldanar, parfaitement lisse et droit. C'était un tunnel orc, récent, au sol inégal et plutôt bas de plafond - Grandes-Gigues et Narmegil devaient baisser la tête parfois. Après peut-être une dizaine de miles (16 km) et plusieurs heures de marche, Isis perçut la fin du tunnel grâce à ces sorts. Mais il était flanqué de plusieurs cavernes dans lesquelles grouillait une multitude de bipèdes, sans doute des orcs. Autour de deux cents orcs les attendaient, massés au niveau de la sortie et dans les cavernes avoisinantes...

Deux cents orcs, cela faisait beaucoup, mais cela semblait tout à fait gérable dans un boyau étroit où les personnes devaient passer l'une après l'autre. Les éventuels sorciers inquiétaient plus. Quoi qu'il en soit, la route fut reprise, mais avec précaution, jusqu'à une portion du tunnel derrière laquelle les orcs attendaient. Ils avaient installé comme une petite barricade de rochers, et placé devant du bois en abondance sur le sol. Les sens aiguisés de certains sentirent une odeur d'huile de lampe également... Rob tira une flèche enflammée qui y mit le feu, et Isis refoula magiquement flammes et fumées vers les orcs, qui s'enfuirent vite en toussant. Puis elle éteignit les flammes avec sa magie.

Plus loin, la caverne s'agrandissait, et c'est là que les orcs les attendaient, à un carrefour vers les cavernes voisines, peu avant la sortie vers l'air libre. Quelle stratégie adopter ? Narmegil et Grandes-Gigues protégés par leur magie, accompagnés de Geralt et son adresse et rapidité au combat, ouvriraient la route. Rob et Drilun les couvriraient de loin avec leurs flèches, et Isis et Vif se tiendraient en retrait, attentives, prêtes à aider avec sort ou autres compétences. En gros, la technique du rouleau compresseur qui avance en nettoyant tout sur son passage...

2 - Combat souterrain
Mais les orcs faisaient jusqu'ici montre d'une organisation et d'une prudence qui ne leur étaient pas habituelles. Il fallait donc être prudent, car un leader plus intelligent devait certainement se trouver là pour les guider. Narmegil ayant pris la tête, il s'approcha de l'ouverture du tunnel dans une caverne plus large et plus haute, et observa ce qui l'y attendait : plus loin dans la caverne, à un peu moins d'une cinquantaine de mètres, des orcs attendaient derrière une petite barricade d'éboulis. Juste après un carrefour d'où l'on pouvait deviner la présence d'autres orcs prêts à se lancer au combat.

Mais ce n'était pas tout : une corde fut repérée qui sortait de l'ouverture gauche, attachée au mur, jusque vers l'entrée devant laquelle il se tenait. Un piège ? Rob s'approcha avec une autre flèche enflammée, et il tira soigneusement : sa flèche se planta dans la corde épaisse, qui petit à petit prenait feu. Mais alors que le guerrier Dúnadan s'approchait pour mieux voir la suite des événements, la corde fut tirée et un ordre fut donné en ouistrain. Narmegil sentit quelque chose au-dessus de sa tête : un amoncèlement de pierres commençait à lui tomber dessus, et il eut juste le temps de se protéger de son bouclier et de reculer dans le tunnel - sans grand mal heureusement.

Puis ce fut l'avancée des guerriers, tandis que les flèches des orcs pleuvaient sans grand effet. Isis prenait magiquement le timbre de voix de l'humain qu'elle avait entendu commander aux orcs, afin de donner des contre-ordres qui firent hésiter leurs assaillants. Mais le subterfuge ne dura pas bien longtemps, lorsque la voix se mit à parler dans une langue proche de celle des orcs, qu'Isis ne comprenait pas. Quoi qu'il en soit, Narmegil, Grandes-Gigues et Geralt avaient pu avancer.

Mais au niveau du carrefour, les choses changèrent vite. A l'arrière, Rob et Drilun fléchaient les archers orcs mais ils ne pouvaient voir ce qui sembla affoler leurs compagnons. A gauche, des incantations et paroles menaçantes devaient provenir d'un sorcier, et sa magie eut un effet immédiat : Geralt s'enfuit en hurlant de peur dans l'étroit tunnel, bousculant ses compagnons qui ne se poussaient pas assez vite. Quant à Narmegil et Grandes-Gigues, ils plongeaient sur le côté tandis qu'un rocher les frôlait et venait achever sa course dans des corps d'orcs qui s'étaient avancés. Alors que l'homme et l'elfe se relevaient, les orcs chargeaient en hurlant... ainsi qu'un troll en armure de cuir et équipé d'une grande épée !

Parant les coups des uns et des autres, les aventuriers reculèrent jusqu'au tunnel étroit dans lequel le troll ne pouvait entrer. Mais ce dernier prit l'un des rochers qui était tombé dans l'éboulement piège, et, comme sur une piste de bowling des temps modernes, il envoya son projectile en avant. Le soigneur, proche de l'entrée dans la caverne, fit un bond hors du tunnel, avant que le rocher ne puisse l'atteindre, et le guerrier Dúnadan, se souvenant de ses amis derrière lui dans l'étroit boyau, se prépara à encaisser le choc du mieux qu'il pouvait.

3 - Retraite
Narmegil se retrouva renversé par terre mais seulement légèrement blessé. Sa résistance permit de ralentir suffisamment le rocher pour que ses compagnons puissent l'éviter sans mal. Drilun et Rob piquaient le troll de leurs flèches, qu'il balayait comme des épines incommodantes en prenant un autre rocher. Grandes-Gigues faisait face aux orcs et s'apprêtait à devenir la nouvelle cible du troll. Narmegil se relevait et reprenait le combat. Mais la prudence imposait une nouvelle stratégie.

Le soigneur décida que le tunnel était plus sûr, et il esquiva rocher et autres coups pour se rapprocher de ses compagnons. Le grand Dúnadan parvenait à blesser le troll à l'aide de sa lance, mais il ne pourrait l'abattre facilement et avancer dans la caverne pour faire face à tous. Sans parler du sorcier qui gesticulait en hurlant et qui avait peut-être d'autres tours dans son sac. Le passage était bloqué, il fallait penser à faire marche arrière pendant qu'il était encore temps.

Le troll eut encore l'occasion de lancer quelques pierres mais elles furent évitées sans autre conséquence. Comme il ne pouvait entrer dans le boyau étroit, les orcs ne s'avancèrent pas ou du moins pas tout de suite, ce qui laissa assez de temps aux aventuriers pour rebrousser chemin. La queue entre les jambes, les aventuriers devaient admettre leur défaite et trouver un autre chemin. Pourtant, la source de magie était plus proche et facile à percevoir, leur objectif était bien là.

Le tunnel fut repris dans l'autre sens, mais les orcs ne furent pas un problème, ils ne les poursuivirent pas. En chemin, Geralt retrouva l'équipe, le cœur lourd et des égratignures çà et là : courir dans un tunnel inégal et complètement noir n'était pas si facile. Mais ses égratignures étaient bien moins douloureuses que la honte de ne pouvoir résister à la magie noire avec autant de facilité que ses autres compagnons.

A l'autre bout du tunnel, la même caverne les attendait, toujours vide hormis pour quelques outils et affaires diverses. Les corps des orcs et des loups reposaient toujours dehors. L'aller-retour avait pris la journée, la nuit était déjà retombée, et plusieurs personnes étaient légèrement blessées ou fatiguées. Il convenait de se reposer à nouveau, après avoir fait le bilan de leur tentative et décidé de la suite à donner. La neige semblait s'être arrêtée, il n'y avait guère d'autre choix que de passer par la montagne comme Elenuil, le quadrisaïeul de Narmegil, plus de trois siècles avant eux.

Pendant la nuit, une nouvelle alerte dérangea l'équipe qui se reposait : une nouvelle vague de wargs, plus nombreux cette fois, dut être repoussée, ou plutôt abattue. Mais le reste de la longue nuit se passa tranquillement, et après un moment tous furent bien reposés, même Geralt ; et soignés, grâce aux bons soins de Grandes-Gigues et des effets du repos et de la nourriture - dont les réserves diminuaient inexorablement.

4 - Par-dessus la montagne
Tandis que les aventuriers se préparaient à une journée d'escalade, tous supportèrent l'incessante litanie des mauvais présages donnés par Narmegil : il ne ferait que gêner le groupe, il était incapable de franchir la montagne, il était bien trop mauvais en escalade, il ne pourrait tout simplement pas passer, etc. Peut-être que la perspective d'être une journée entière dans la neige était ce qui lui faisait le plus peur... Néanmoins, il se prépara à l'ascension et suivit ses compagnons sans faillir.

Avant même que le soleil se lève, les aventuriers étaient dehors, examinant les notes et croquis d'Elenuil et le paysage. La vallée qu'ils avaient empruntée aboutissait vite à un cirque glaciaire. Il fallait trouver le meilleur passage pour franchir les parois, et les bons pics qui pouvaient indiquer la direction à prendre. Heureusement, tout au long de la journée, les yeux exercés des uns et des autres finirent toujours par trouver le meilleur passage, aidés en cela par la lunette de Grandes-Gigues.

Quelques passages faciles à franchir permirent de se mettre en condition et de tester le matériel. Les piolets, cordes et pitons étaient bien utiles, et l'organisation fut vite rodée : après avoir examiné un obstacle pour déterminer le passage le plus facile, Rob partait en premier, lui le plus agile sur les parois. Il était suivi par Vif, presque aussi bonne, puis les autres suivaient, pour finir par Geralt, peu à l'aise, et Narmegil, le plus lourd et le moins adroit pour ce genre d'exercice. Rapidement il fallut aussi se protéger les yeux de l'éblouissant soleil sur la neige fraîche.

Tous encordés, les aventuriers progressaient régulièrement. Parfois un obstacle était assez petit pour passer l'un après l'autre, à l'aide d'une corde maintenue par les premiers. Quand les choses devenaient plus dures, des pitons étaient fixés sur la paroi - une expérience nouvelle pour beaucoup - permettant d'accrocher la corde et de sécuriser les personnes, en plus de faciliter leur progression. Les parois verticales à escalader étaient rares, et les piolets aidaient beaucoup à tenir dans la pente enneigée. Et la montagne, à cet endroit, se laissait assez facilement dompter.

Peu avant un col important, Vif scrutait le chemin qu'ils allaient prendre : ils se trouvaient là en présence de l'obstacle le plus long et difficile auquel ils avaient eu à faire face. A l'aide de la longue-vue, elle examinait les différents passages possibles jusqu'au sommet, quand soudain elle sursauta : au sommet, elle venait de repérer un homme qui progressait sur la crête de la montagne. Mais vu la distance, il devait bien mesurer autour de cinq mètres de haut ! Étaient-ce là les géants dont parlaient les légendes ?

Mais le géant en question ne fut bientôt plus là, et il fallait grimper, la matinée touchait à sa fin déjà. La montée fut la plus difficile, et Narmegil la commença bien mal, progressant si lentement qu'on ne voyait pas comment il pourrait arriver au bout. Mais peut-être les Valar entendirent-ils ses prières, car après un long moment il trouva un nouvel élan et il se mit à progresser de plus en plus vite. Fatigué mais satisfait, il arriva enfin au sommet de la montagne, ou plutôt du col difficile qu'ils devaient atteindre. Le reste de leur trajet menait à présent vers le bas, et les repères étaient bien là qui aboutissaient à la vallée cachée où attendait cette fameuse source de magie.

5 - Descente vers la vallée
Avant de partir, Vif avait observé les traces laissées dans la neige par le supposé géant. Vu leur taille, cela confirmait tout à fait la masse inouïe de la créature, sans doute aussi grande pour un troll qu'un troll l'était à leurs propres yeux... En suivant les traces à la longue-vue, la femme des bois distingua l'entrée d'une grotte à flanc de falaise, qui pourrait être le refuge de la créature.

La descente, à défaut d'être rapide et facile, ne posa pas plus de difficulté que la montée. Par contre, en cours de progression sur une paroi, le géant en question fut à nouveau repéré alors qu'il avançait sur la crête. Il s'arrêta un moment et sembla se pencher en direction de l'équipe, qui, collée à la paroi, aurait été bien en mal de faire quoi que ce soit comme de se cacher. Mais la créature reprit son chemin et fut bientôt hors de vue. Pour le reste de la journée, elle ne fut plus qu'un souvenir ou sujet de discussion.

Trois pics particuliers - un arrondi, un plat, un en forme de dent - avaient été facilement repérés et indiquaient sans doute possible le passage à prendre, d'après les notes retrouvées à Barad Eldanar. Au fur et à mesure que l'équipe descendait, elle pouvait distinguer la vallée telle que les croquis d'Elenuil la dépeignaient : une vallée entièrement fermée dans un cercle de montagnes, en grande partie boisée, surtout au sud, avec un lac vers le nord. Et surtout, en plein centre, une espèce de pic bizarre creusé de nombreux trous et fissures.

Les derniers passages difficiles furent bientôt laissés en arrière, et le matériel d'escalade fut rangé. Le soleil passait derrière les montagnes et la nuit n'allait pas tarder à tomber, mais l'équipe arrivait au but. Contre toute attente, Narmegil avait pu passer lui aussi, malgré son poids, sa maladresse et la neige abondante qui le déprimait. Si certains avaient du mal à sentir leurs mains ou leurs pieds, globalement la journée s'était très bien passée : une balade de santé plus vivifiante qu'un combat souterrain avec des orcs !

La vallée fut atteinte alors que les ombres s'allongeaient. Il fallait faire attention et rester discret à présent, car les orcs avaient été repérés. L'équipe était parvenue non loin de la sortie du tunnel que les orcs leur avaient refusée, et à présent que le soleil n'était plus dans le ciel ils commençaient à sortir. Heureusement, la forêt de pins et sapins rabougris les masquait efficacement, mais elle serait insuffisante en cas de battue. Et il fallait trouver un abri pour la nuit.

6 - Observations et préparatifs
Vif, en bonne Femme des Bois, se sentait parfaitement à l'aise ici, et elle eut tôt fait de construire un véritable abri assez grand pour tous, masqué aux yeux des orcs (ou autres) mais à l'air parfaitement innocent vu de l'extérieur. Tous purent se reposer sans trop de soucis, malgré la présence de certains orcs proches qui parcouraient les bois. Quand tous furent réveillés (même Geralt), la nuit était encore là, et il fut décidé de chercher de la nourriture, leurs réserves risquant de bientôt disparaître.

Si certains ramassèrent quelques racines, ce fut Rob qui ramena le plus de nourriture : en effet, il revint au camp en traînant derrière lui un chamois entier qu'il avait tiré ! Ce qui avait laissé des traces, qu'il fallut masquer. Mais néanmoins, ses compagnons lui furent reconnaissants de toute cette provende. Mais comment la préparer ? Cela ne dérangeait nullement Vif de manger cru, mais ses compagnons n'avaient pas tous les mêmes goûts. Un feu aurait pu être fait dont Isis aurait dispersé les fumées, mais cela aurait été prendre un risque tout de même.

Après le repas, les affaires furent rassemblées et le terrain fut un peu exploré, en particulier autour du pic rocheux au centre de la vallée. De jour, cette dernière était calme et les orcs restaient dans leurs cavernes. Bientôt les aventuriers arrivèrent en lisière de forêt, toute proche du pic d'où se dégageait une aura de magie que les elfes, Drilun et Vif sentaient sans mal. Un pic dont des vapeurs bizarres se dégageaient d'une des nombreuses ouvertures qui parsemaient ses flancs. L'haleine du dragon ?

En tout cas, ce dernier avait laissé des traces bien visibles sur le terrain que la neige couvrait par endroits seulement. Autour du pic, des arbres avaient été abattus comme par un ouragan, voire brisés en morceaux. Aucune trace d'incendie par contre, mais manifestement le dragon aimait faire le ménage autour du pic où il résidait. En y regardant de plus près, le lieu donnait l'impression d'avoir bu le sang de pas mal de créatures. Vu les traces environnantes, on pouvait imaginer que les orcs avaient eu des pertes sévères face au monstre à ce même endroit.

Et maintenant ? Les notes d'un sorcier avaient parlé d'un accord avec le dragon, mais combien d'orcs étaient morts avant cela ? Et si la magie que tous cherchaient semblait bien présente et proche, que fallait-il faire à présent ? Pour certains, l'objectif avait été atteint et il fallait désormais rentrer chez soi, loin d'ici, en sûreté et au chaud. Pour d'autres, et Grandes-Gigues le premier, il ne restait plus qu'à avancer jusqu'à la source de magie. Ils pourraient certainement convaincre le dragon de les laisser passer contre service rendu à établir à l'avance. Mais beaucoup de ses compagnons étaient loin d'être convaincus.
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Barad Eldanar - 11e partie : dragon et portail

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1 - Débat et approche
A l'aide de sa longue-vue, Grandes-Gigues observa le terrain entre les bois et le pic, tandis que d'autres examinaient les lieux avec leurs seuls yeux exercés. Le pic était criblé d'ouvertures de toutes tailles, à tous les niveaux. Mais partout c'était de la roche grise un peu vitreuse, inconnue de tous, et parfaitement lisse en apparence, sans aspérités ou signes d'usure visibles. Ce n'étaient que courbes, sans aucun angle, et Rob estima que grimper à la surface du pic - autour de 400 mètres de haut - était de plus en plus compliqué au fur et à mesure que l'on montait. A la base, la pente était moyenne, mais elle était de plus en plus raide en progressant.

Heureusement, des ouvertures émaillaient la surface du pic à la base même, dont une grosse assez proche, avec des signes manifestes de passage de quelque chose de gros - le dragon sans aucun doute. Les cent mètres qui les séparaient de cette ouverture passaient dans un terrain bien défoncé, avec des débris d'arbres et de multiples trous et obstacles. Facile pour se cacher à la vue de quelqu'un, mais moyen pour être silencieux et malaisé pour courir.

Les aventuriers discutaient de la suite à donner, partagés entre le désir d'aller voir de plus près pour certains, et la nécessité de prendre le temps d'observer pour en apprendre le plus possible. Débat agité parfois, bien qu'une majorité semblait prête à rester en observation pendant une semaine. Lassée de ces discussions et manquant peut-être de patience, Isis décida d'aller examiner en catimini la base du pic et ses ouvertures, voire un peu plus... Voyant qu'elle était partie, d'autres commencèrent à vouloir la suivre, comme le soigneur, mais il fut retenu de force par Narmegil : au moins Isis était-elle très discrète, elle.

Isis fut donc la seule à arriver au pied du pic. Et elle commença à pénétrer à l'intérieur, sur les traces du dragon. Elle découvrit donc l'intérieur, qu'un sort lui avait permis de visualiser à distance auparavant : un entrelac de galeries de toutes tailles qui se croisaient régulièrement, un labyrinthe en trois dimensions. Mais aussi une caisse de résonance où les sons portaient très bien et paraissaient venir de derrière un coude alors qu'ils pouvaient en être très distants. Et cela marchait dans tous les sens... Et justement, elle entendait quelque chose : comme un très gros serpent qui rampait dans les galeries, et qui semblait s'approcher !

Les aventuriers, trompés peut-être par les traces d'orcs massacrés, n'avaient pas fait attention que les traces d'orc dans la forêt étaient extrêmement réduites à proximité du pic. En effet, les orcs avaient vite remarqué que le dragon percevait très bien les sons même loin de son antre, et qu'il valait mieux ne pas s'en approcher. Qui plus était, ils avaient remarqué que si le dragon ne se déplaçait (presque) jamais pour un individu isolé suffisamment éloigné, il était au contraire bien plus susceptible d'apparaître si un groupe entier se trouvait trop proche.

Ces dernières heures, le sommeil du dragon avait été perturbé. Des petits bruits de conversation avaient commencé à attirer son attention, pas trop proches mais assez quand même. Des disputes aussi... mais pas d'orcs, comme il en avait l'habitude. Et même des bruits de pas - discrets certes, mais pas assez pour lui, d'autant qu'ils étaient amplifiés par les galeries - à l'intérieur de sa demeure ! Un voleur arrivait, et il allait le recevoir - de même que ses amis restés à l'extérieur. Car ce n'étaient pas les façons des sorciers d'Angmar ou leurs serviteurs humains, et il traînait des odeurs rares, comme celles d'elfes, et d'autres qu'il n'arrivait pas à bien identifier...

2 - Corlagon le Rouge
Après avoir vu Isis entrer, d'autres aventuriers - une bonne part de l'équipe en fait - eut l'idée de la rejoindre. Mais lorsque Vif leur signala qu'elle entendait quelque chose de gros se déplacer dans les galeries du pic, ils changèrent vite d'avis et attendirent plutôt de voir comment la jeune elfe allait s'en sortir. Une confrontation directe avec le dragon semblait du suicide, et personne ne paraissait enclin à mettre prématurément fin à ses jours. Et puis la Femme des Bois entendit une conversation entre le monstre et leur amie...

Lorsque le dragon avait commencé à se déplacer dans les boyaux du pic, il n'avait pas particulièrement cherché à être discret, et Isis l'avait bien vite entendu. Comprenant qu'elle n'était pas en très bonne posture, elle avait cherché - et trouvé - une galerie à hauteur d'elfe, dans laquelle le monstre ne pourrait entrer. Mais il l'avait repérée sans mal néanmoins, et elle comprit vite qu'elle était coincée, alors qu'il s'adressait à elle.

Ce dragon portait le nom de Corlagon le Rouge. Ses paroles très polies et mesurées ne cachaient pas le fait qu'un bon repas ne lui poserait aucun problème de conscience. Egalement, Isis se souvenait très bien qu'on ne pouvait faire confiance à un dragon. N'empêche qu'il avait déjà repéré l'équipe, il connaissait le coin bien mieux qu'elle, et donc elle ne pouvait espérer aucun secours d'aucune sorte : elle était coincée, avec un problème de poids - plusieurs tonnes - et tous ses amis avec elle !

Ne trouvant rien de mieux à faire, elle obtint du dragon sa parole qu'il ne leur ferait aucun mal, avant d'appeler ses compagnons et de sortir au grand jour pour les inviter à venir. Plus tard, le dragon déclara qu'il avait respecté sa promesse en ne les tuant pas tout de suite, mais qu'il n'avait jamais précisé sur combien de temps sa promesse portait. Mais Isis ou ses amis n'en attendaient pas moins. Ils étaient à la merci de la bête, qu'elle veuille jouer ou se servir d'eux, ou juste les dévorer.

Il restait une seule chose à faire : faire en sorte d'éveiller l'intérêt du dragon, de manière qu'il trouve plus d'intérêt à les avoir vivants que morts. Et ne surtout pas le contrarier. Ce que le hobbit eut bien du mal à comprendre, lorsque le dragon lui ordonna d'aller lui chercher les armes et sacs de ses amis pour les entasser non loin, hors de leur portée. Plus d'une fois, Corlagon hésita à croquer ce semi-homme par trop insolent, bavard et peu obéissant. Mais il pouvait servir et n'était aucunement une menace, et il intriguait. Corlagon regretterait cet en-cas manqué par la suite...

3 - Tractations
Bien entendu, le dragon avait vite deviné que les aventuriers étaient intéressés par le portail magique et ce qui se trouvait derrière. Ce semblait être son principal trésor, qu'il gardait jalousement. Mais il était clair que ce trésor avait pour lui des secrets qu'il rêvait de percer. Bref, d'entendre des personnages affirmer qu'ils arriveraient peut-être mieux que Fëamor et les sorciers d'Angmar à ouvrir le portail, voilà qui intéressait grandement le dragon.

Il semblait parfaitement savoir que les sorciers d'Angmar ne partageraient jamais rien avec lui, et cela ne paraissait pas le toucher le moins du monde. Il n'avait jamais pensé partager quoi que ce soit avec eux. En revanche, comme le souligna une personne de l'équipe, il pouvait plus facilement gérer un groupe de sept aventuriers que les troupes et sorciers d'Angmar. Et puis ces aventuriers connaissaient Fëamor, ils avaient su se jouer de lui semblait-il, et le dragon sentait de la magie sur eux. Qui plus était, il y avait des elfes parmi eux, et une humaine bizarre à l'odeur de chat. Ils pourraient être utiles...

Les paroles de Drilun, en particulier, avaient intéressé Corlagon : il avait repéré l'arc aux runes magiques, et il sentait que cet homme était différent. Lorsque le Dunéen lui dit qu'il pourrait peut-être ouvrir le portail, il fut d'accord pour le laisser essayer. Il décida de l'emmener dans sa tanière avec le semi-homme, tandis que les autres se rendraient utiles pour prouver leurs dires sur les services qu'ils pouvaient rendre. Ils pourraient par exemple tuer des géants qui vivaient non loin de là...

Mais Grandes-Gigues intervint : après s'être assuré que le dragon parlait le quenya, langue elfique que ses compagnons ne comprenaient pas, il assura au dragon qu'il pouvait ouvrir le portail. En effet, selon lui, le portail avait été ouvert par un aïeul à lui, et donc lui serait capable d'en faire autant. L'assurance du grand elfe et sa nature même séduisirent le dragon, qui sentait également une certaine parenté avec la magie perçue sur le portail. Il annonça donc que Grandes-Gigues viendrait également, tandis que les quatre autres vaqueraient à leurs tâches.

Tant bien que mal, les autres en question argumentèrent et firent changer le dragon d'avis : dans un premier temps, il se contenterait de la tête d'un sorcier d'Angmar. Il leur donnait une journée pour la lui apporter, et ils pouvaient reprendre leurs affaires - à l'exception de la lance de Narmegil, qu'il conservait - Rob fut chargé de lui porter. Et s'il le souhaitait, Drilun pouvait les accompagner, Rob et Grandes-Gigues sauraient tenir compagnie au dragon et le servir comme il l'entendait. L'échange s'en arrêta là, et tous comprirent qu'ils n'avaient pas le choix. Même si Rob eut du mal à comprendre qu'il valait mieux s'écraser devant le dragon, pour ne pas l'être définitivement...

4 - L'intérieur du pic
Le hobbit et le grand elfe restèrent donc seuls avec Corlagon, qui les fit avancer dans le vaste boyau qu'il prenait lui-même pour arriver jusqu'à sa tanière. Mais parfois la voie était raide, et le sol étant lisse et sans aspérité, l'escalade était nécessaire et même difficile. Rob, aux pieds et doigts agiles, dut attacher la lance à son corps pour ne pas être gêné, et il était rompu à ce genre d'exercice. Pour Grandes-Gigues, ce n'était pas aussi simple.

Il y eut tout d'abord trois passages, de difficulté moyenne à difficile. Ce qui fut une balade de santé pour l'un était autrement plus difficile pour l'autre. Grâce à sa magie elfique, Grandes-Gigues arriva à passer les obstacles, mais il fallut y mettre du sien. Son enthousiasme fut quelque peu entamé, ainsi que son énergie. Heureusement, il sentait la présence proche du portail, qui l'attirait fortement. Et puis il y eut un obstacle dérisoire, facilement franchi. Mais alors qu'ils n'étaient plus très loin, ils arrivèrent à une paroi longue et très raide.

Même le hobbit, en voyant la chose, se sentit gagné par le désespoir : il n'était pas sûr du tout de pouvoir arriver à grimper cela ! Mais son compagnon lui fit comprendre qu'on ne discute pas avec un dragon, et ce dernier ayant décidé une chose, il fallait s'exécuter. Et Rob grimpa. Ce fut l'ascension la plus difficile qu'il avait jamais faite, et elle lui prit du temps. Le matériel d'escalade était inutile : aucune fissure dans laquelle mettre un piton, et impossible d'en planter un dans la roche bien trop dure. Mais enfin, il arriva en haut, épuisé et des crampes douloureuses dans tous ses membres. Mais il l'avait fait !

Tandis que le dragon intimait au hobbit l'ordre de ne pas bouger, il se tourna vers l'elfe, qui voyait clairement l'impossibilité de la tâche pour lui. Il voulut l'expliquer, mais Corlagon lui fit clairement comprendre quelle seule autre solution il lui restait. Le risque de perdre quelqu'un capable d'ouvrir (peut-être) le portail, pour le dragon, fut plus faible que le risque de perdre la vie en étant mangé, pour Grandes-Gigues. Et donc il se mit à grimper.

Mais là où le hobbit y était à peine arrivé, c'était impossible pour lui. Après bien du mal, il arriva à une hauteur de seize mètres environ - même pas la moitié - mais son énergie comme son moral lui firent défaut. Plutôt que d'attendre la dernière extrémité et l'épuisement total, il céda aux demandes de son corps douloureux et lâcha prise. Sa chute fut amortie en partie par une patte du dragon, et elle ne fut pas fatale, mais il écopa tout de même d'une petite fracture à la jambe.

Corlagon prit alors l'elfe dans une patte, et il escalada l'obstacle en s'aidant avec ses ailes. Tous deux arrivèrent bientôt aux côtés du hobbit qui attendait sagement, puis ils avancèrent un peu plus loin. Ils entrèrent dans une énorme pièce circulaire, en forme d'anneau, le centre étant occupé par une sorte de gigantesque pilier de pierre de quarante mètres de diamètre environ. Si le tas de trésor dans un coin attira immédiatement l'œil du hobbit, celui de l'elfe tomba tout de suite sur la seule ouverture dans le pilier central, et le portail couvert de runes qu'il devinait dans cette ouverture.

5 - Un assassin contre Angmar
De son côté, le reste de l'équipe allait vers le sud à travers les bois. Au départ, le groupe avait pensé commencer par se reposer, afin de pouvoir arriver en journée. Mais la nuit durant plus de seize heures à cet endroit et époque de l'année, la marge de temps était bien mince. En fin de compte, il fut décidé d'aller voir comment les choses se présentaient et de réagir en fonction des opportunités. Il faisait encore jour, il fallait en profiter, même si les cinq aventuriers arriveraient à la nuit.

Mais à mi-chemin, Vif perçut quelque chose ou plutôt quelqu'un : une personne seule marchait non loin. Tous se mirent à se déplacer silencieusement, mais une branche craqua sous le pas de Narmegil, et la personne s'immobilisa. Geralt décida alors de faire le tour en catimini, jusqu'à repérer la personne. Il était heureusement très discret, car l'homme, qui ressemblait à un traqueur d'Angmar, semblait lui aussi discret et perceptif. Mais l'assassin aux cheveux blancs put se glisser dans son dos sans se faire repérer, et il l'assomma du plat de son épée. Mais trop fort, et l'homme mourut quelques minutes après.

Après réflexion entre tous, Geralt prit les affaires de l'homme d'Angmar, qui étaient à sa taille. L'objectif était de faire passer l'assassin pour le traqueur, de manière à ce qu'il puisse entrer dans les cavernes et tuer le sorcier. Son apparence serait magiquement transformée par Isis, Geralt devrait jouer la comédie, et il serait aidé dans sa tâche par une noix de l'écureuil. Dès que le combat commencerait, le reste de l'équipe accourrait pour l'aider.

L'homme abattu était de corvée d'eau, au vu des multiples outres vides qu'il portait. Après les avoir remplies d'une eau trouvée grâce à la magie d'Isis, les traces du traqueur furent remontées grâce aux yeux exercés de Vif. En fait, cette dernière semblait particulièrement stimulée ce soir-là, car elle percevait tout avec une grande acuité. Ce qui permit d'arriver sans mal à la caverne des humains, juste à côté de celles des orcs. D'après la nature des traces, Vif avait même pu renseigner Geralt sur la manière de marcher de l'homme dont il devait jouer le rôle. Et à l'aide de la magie d'Isis, Geralt sut globalement comment les lieux étaient disposés.

Bien que sa voix soit différente, Geralt simula un mal de gorge et put entrer sans problème, sans que les deux gardes le soupçonnent. Quelqu'un le mit sur le droit chemin à l'intérieur quand il dit qu'il avait trouvé quelque chose d'étrange à montrer au sorcier. Ce dernier percevant vraisemblablement la magie, et Geralt en étant couvert grâce à Isis, Drilun avait tracé des runes magiques sur un caillou, de manière à ce que la magie détectée semble venir du caillou. Et c'était un moyen comme un autre d'approcher le sorcier.

Mais à l'intérieur, un homme en noir - vraisemblablement un membre du corps d'élite des rôdeurs noirs d'Angmar - semblait méfiant. Il émit un sifflement, et un loup vint à lui, tandis que Geralt se dépêchait de frapper à la porte du sorcier, expliquant la cause de son dérangement. Le sorcier, percevant effectivement de la magie, ouvrit à Geralt et le fit entrer, tandis que derrière lui le loup se mettait à gronder. Fortement stimulé par la noix de l'écureuil, Geralt prit la hache du traqueur et trancha la tête du sorcier avant que celui-ci esquisse un geste, puis il ferma la porte contre laquelle le loup se jeta.

6 - Des orcs aux trousses
Des cris fusèrent dans la caverne, et Narmegil et ses amis se précipitèrent. Le combat fut bref, d'autant que Geralt était beaucoup trop rapide et adroit pour être arrêté. Tandis que les orcs commençaient à réagir, non loin, les hommes étaient massacrés et laissés sur place, à l'exception de la tête du sorcier. Tous sortirent et se mirent à courir, mais la nuit pouvait jouer des tours, malgré l'aura de lumière faite par Isis - Narmegil se blessa en courant tête la première dans un arbre.

La tête sanguinolente du sorcier fut remise à Vif, plus rapide et qui voyait surtout bien mieux dans le noir - elle avançait en tête. Suivait Drilun, un peu plus loin, qui allait à bonne allure malgré le manque de lumière. Geralt, perceptif et stimulé par la noix, allait aussi assez vite, mais il choisit de rester avec ses amis plus lents, Isis et surtout Narmegil. Ce dernier ne pouvait tenir le même rythme que les orcs, qui, plus rapides, commençaient peu à peu à rattraper et encercler les trois derniers aventuriers, tout en continuant à courir.

La situation deviendrait vite intenable, avec de surcroît quelques archers orcs ayant déjà préparé arc et flèche. Mais brusquement, Geralt bifurqua sur des archers et les tailla en pièces sans qu'ils aient pu faire quoi que ce soit. Isis et Narmegil s'étaient mis dos à dos, le guerrier protégeant du mieux qu'il pouvait son ex-épouse. L'assassin les rejoignit bientôt, tandis que Drilun s'était rapproché et tirait des flèches à distance. Les corps des orcs s'amoncelaient autour des trois aventuriers, rendant l'approche malaisée pour les autres orcs.

En fait, lorsque les guerriers orcs parvenaient assez près, le tourbillon d'épées qu'ils voyaient mettre en pièces leurs compagnons ne les incitait pas à avancer plus, mais ils étaient poussés par les autres derrière eux. Jusqu'à ce que l'un d'eux ait une idée. Narmegil et ses amis avaient remarqué que les orcs étaient restés étrangement silencieux dans la poursuite. Et puis l'orc plus malin cria un mot, qu'ils ne comprirent pas, et tous les orcs s'éparpillèrent en vitesse. En effet, l'orc avait crié "le dragon" dans sa langue, ce qui avait eu un effet immédiat...

Les cinq amis furent donc réunis, les orcs ne représentant plus aucune menace dans l'immédiat. Il fut question d'aller se reposer pour affronter le dragon au mieux de leur forme, mais un sentiment d'urgence les prit. Et Geralt fit remarquer que l'effet de la noix de l'écureuil allait progressivement s'estomper, puis s'inverser. Ils décidèrent donc de retourner tout de suite au pic. Deux heures plus tard, ils en atteignaient la base, et au bruit que faisait le dragon, Vif put affirmer que les choses ne s'étaient pas passées comme ce dernier l'entendait : sa colère ne faisait aucun doute...

7 - Ouverture
Pendant que d'autres taillaient en pièces des serviteurs d'Angmar, Rob et Grandes-Gigues avançaient dans l'antre du dragon, suivis de près par ce dernier. Ils passèrent devant un gros tas de trésor sur lequel le dragon devait se reposer, et sur lequel la lance de Narmegil fut posée. Fasciné, le voleur qu'était Rob essayait de calculer - avec difficulté - la somme que ces richesses pouvaient représenter, mais à partir de 10.000 pièces d'or il dut s'arrêter. Cela devenait compliqué pour lui, et puis cela faisait déjà plus que tout ce qu'il pouvait imaginer dépenser...

L'elfe et lui remarquèrent également, au sommet, une cotte de mailles faite d'un étrange métal argenté et brillant sous une faible lumière émanant du gros pilier rocheux central. Cela ne ressemblait à rien que le hobbit ait jamais vu ou dont il se soit souvenu, mais en revanche cela évoqua quelque chose pour le soigneur, qui comme tous les elfes noldor avait un peu appris à forger. N'était-ce pas là du mithril, ce fabuleux métal que l'on ne trouvait que dans la Moria ? A tout le moins, cela y ressemblait fortement...

Mais Grandes-Gigues était plus intéressé par le portail vers lequel ils se dirigeaient maintenant. Il était situé dans une ouverture creusée dans le pilier central, à deux mètres cinquante de la surface du pilier environ. C'était la première fois qu'il voyait quelque chose de manifestement artificiel et qui avait pu vaincre la solidité de la roche du pic. Le dragon le laissa avancer jusqu'au portail, tandis qu'il s'installait juste devant l'ouverture, en plaçant le hobbit sur une de ses pattes, à moins d'un mètre de sa gueule énorme. Inutile de dire que Rob n'en menait pas large...

Un bon moment, Grandes-Gigues examina le portail, sur lequel il distinguait de nombreuses runes. Certaines étaient des runes magiques, telles celles que Drilun inscrivait sur son arc ou ailleurs. Mais d'autres étaient des mots en quenya, la langue de son peuple, les Noldor. Le tout irradiait d'une puissante magie. Les mots en quenya étaient difficiles à comprendre, car ils n'étaient pas vraiment agencés en phrases, hormis une expression qui pouvait se traduire par "sang de mon sang", et qui suggérait une histoire de filiation. Et puis l'elfe se rendit compte que les mots étaient assemblés un peu à la manière de notes de musique qui s'échappent dans l'atmosphère.

Longtemps, Grandes-Gigues s'était posé des questions sur son origine, et celle de sa magie dite "royale", réservée aux membres des plus grandes familles d'elfes et d'hommes. Et là, la magie du portail avait un quelque chose de familier, comme il avait toujours espéré. Il fit un sort, qui se trouva amplifié au-delà de ce à quoi il s'attendait, mais sans autre effet. Ses soupçons se confirmant dans sa tête, il tenta de faire ce qui lui paraissait naturel à ce moment-là : il se mit à chanter. Jamais il n'avait aussi bien chanté, une vieille chanson en quenya. Et enfin, tous ses espoirs se virent fondés : le portail s'ouvrit comme par magie, et une abondante lumière envahit les lieux.

8 - La source de magie
Grandes-Gigues se retourna vers le dragon, dont toute l'attention était fixée sur l'ouverture et lui. Rob sentait également cette tension, mais lorsqu'il se dit qu'il pourrait en profiter, un petit mouvement de sa part sur la patte du dragon lui valut un coup d'œil réprobateur immédiat, et il s'immobilisa. Mais il restait prêt à toute éventualité, tandis que son ami Grandes-Gigues parlait au dragon. Une distance de deux mètres à peine séparait les interlocuteurs.

Après avoir rempli sa part du contrat, le soigneur réclamait le droit d'être le premier à entrer dans le sanctuaire de magie qui était maintenant ouvert. D'autant que l'ouverture était trop petite pour permettre à Corlagon de passer, au mieux pourrait-il y passer sa tête et ses pattes avant. Mais réclamer à un dragon n'était pas chose recommandable, et le dragon bloqua tout net les espoirs de l'elfe : il ordonna à Grandes-Gigues de s'écarter du portail. Son ami le semi-homme pénétrerait dans le sanctuaire et il lui apporterait ce qui s'y trouvait, mais pas l'elfe.

Grandes-Gigues refusa et fit un pas en arrière, et le dragon avança la tête, menaçant. Tous étaient tendus comme les cordes d'un arc. L'elfe était protégé par la magie qu'il avait faite auparavant, et il tenta le tout pour le tout : il se jeta en arrière, mettant toute son énergie dans l'esquive d'une patte de dragon qui siffla à ses oreilles. Malgré sa fracture, qui se rappela à son souvenir avec une nouvelle douleur, il arriva dans la retraite du fameux roi caché des elfes, hors de portée du dragon. Un mouvement, un bruit, et le hobbit roulait à ses côtés : il avait profité que le dragon ne s'occupait plus de lui pour plonger à son tour dans la pièce, avec toute la célérité que ses petites jambes permettaient. Les deux amis avaient réussi !

Le dragon, privé de ses proies et ne pouvant entrer dans la pièce, abreuvait Rob et Grandes-Gigues d'injures. Mais ses derniers, émerveillés par le lieu où ils se trouvaient, n'y prêtaient guère attention. La pièce était en forme de disque, d'une trentaine de mètres de diamètre. En plein milieu, un pilier de la même roche grise propre au pic était fendu en divers endroits et montrait en son sein une cheminée comme celle d'un volcan, d'une dizaine de mètres de diamètre seulement. Les fentes étaient larges et donnaient sur une espèce de gros morceau étoilé de verre très lumineux, d'où provenait la magie.

Immédiatement, Grandes-Gigues se sentit fortement attiré par le verre magique, et il lui fallut un effort de volonté pour ne pas aller le toucher, si pressante était l'envie de le faire. Cette magie inconnue était d'une incroyable puissance, et semblait amplifier toute magie lancée dans ces lieux. Elle n'était entachée d'aucun maléfice, mais elle était si enivrante que c'en était une vraie drogue pour un magicien. La lumière était extrêmement forte et pure mais ne paraissait pas pouvoir faire de mal. C'était véritablement comme un morceau d'étoile tombé du ciel, une parcelle de la puissance de Varda en Terre du Milieu...

9 - Le plus grand des périls
L'elfe pensa ensuite à se soigner, pour que sa fracture ne s'aggrave pas, et chercha avec Rob de quoi l'aider à se guérir : de l'eau et de quoi faire du feu pour préparer une infusion d'athelas. Suivant les quatre points cardinaux, le portail était au sud, tandis que la partie nord de la pièce comprenait des aménagements faisant penser à des ateliers (forge, travail d'éléments divers...), l'ouest était consacré au savoir et à l'écriture (bureau, étagère... vide...) et l'est correspondait plus à un lieu de vie (table, meubles pour s'asseoir ou s'allonger...). Divers placards occupaient les murs des parties aménagées.

Commença alors une petite fouille, mais un nouveau sort lancé par le soigneur fit renaître en lui l'envie d'aller toucher le verre lumineux. Envie encore plus forte, qui lui coûta beaucoup pour y résister. Il demanda alors au hobbit de l'empêcher coûte que coûte de toucher le morceau de verre si jamais il ne pouvait résister à l'envie. Au cours de la fouille, il trouva les notes du maître des lieux dans le bureau. Il était trop fatigué et blessé pour les lire, mais il vit que son auteur était Maglor fils de Fëanor, et que la dernière page était une demande adressée à son héritier, pour faire ce que lui n'avait pas eu la force de faire...

Si la partie est (lieu de vie) comprenait un récipient pour faire bouillir de l'eau, il manquait l'essentiel : de l'eau et du feu. Le feu fut découvert au niveau des ateliers, dans le coin dédié à la forge : les runes inscrites annonçaient clairement "nar", soit "feu" en langue elfique, et Grandes-Gigues découvrit avec délice que de prononcer le mot suffisait à déclencher une flamme magique. Manquait l'eau, mais une fiole cristalline fut découverte ailleurs, fiole couverte de runes "nen" (eau) et comme emplie d'une petite lumière intérieure. Et de prononcer le mot la remplit d'une eau claire et même légèrement lumineuse...

Le soigneur goûta l'eau qu'il trouva excellente. Mais il sentit soudain l'envie encore plus forte d'aller toucher la source de lumière et de magie, et il ne put y résister. Rob comprit cela et s'interposa, et les deux amis en vinrent aux mains. Mais ils étaient tellement épuisés voire blessés qu'ils étaient bien incapables de se faire mal l'un l'autre, mais leurs efforts suffisaient à les blesser eux-mêmes ! Ainsi, en voulant repousser le hobbit, Grandes-Gigues trébucha et sa blessure s'aggrava, et il s'évanouit, vaincu par la douleur.

Rob, plus épuisé que jamais, eut à faire face à un autre assaut : celui de la voix terriblement enjôleuse du dragon, qui utilisait ses charmes - amplifiés par la source de magie - pour contraindre le hobbit à lui obéir. La puissance du charme était telle, et le hobbit était dans un tel état, qu'il eut le plus grand mal à résister. L'effort le laissa tremblant, et il eut beau essayer, il n'arriva pas correctement à réduire la fracture de son ami à terre. Sa jambe blessée enflait petit à petit, tandis que son visage devenait de plus en plus pâle...

10 - L'ascension de tous les dangers
En bas du pic, inconscients de ce qui s'était passé, les cinq autres aventuriers approchaient des nombreuses ouvertures d'où fusaient les échos de la colère du dragon - tous pouvaient sans mal l'entendre. Ils préférèrent choisir une galerie à leur taille, dans laquelle la bête ne pourrait passer. Mais parmi les multiples carrefours rencontrés, les voies étaient multiples et il était difficile de s'orienter : Vif conseillait telle route, Isis telle autre, et les trois garçons une troisième ! En fin de compte, le groupe fit confiance à Drilun : il percevait la magie mieux que les autres et tous avaient pu constater par le passé que ses capacités d'analyse et de réflexion étaient les meilleures. L'obscurité était telle que Geralt alluma une lanterne.

Comme leurs deux amis avant eux, les cinq aventuriers découvrirent qu'il fallait parfois escalader des passages plus ou moins difficiles. En fait, le premier était assez facile, et même Narmegil n'eut guère d'efforts à faire pour le passer. Par la suite, Geralt et Vif remarquèrent des traces extrêmement fines laissées çà et là, comme si un groupe d'humains était passé avant eux au même endroit, et plusieurs fois même. Supposant qu'il s'agissait des serviteurs d'Angmar ayant parlé au dragon et conduit divers travaux au portail magique, ils suivirent ensuite les traces. D'autant que la route menée paraissait correspondre à ce que le Dunéen aurait choisi pour se rapprocher de la source de magie qu'il sentait de plus en plus proche.

L'obstacle suivant fut néanmoins un peu plus difficile à franchir, et le suivant l'était encore plus. Narmegil n'était guère doué pour ces acrobaties, et certains, s'ils étaient mieux lotis côté compétence d'escalade, avaient d'autres soucis : Isis et Drilun étaient épuisés par la magie qu'ils avaient faite et qu'ils faisaient encore pour les aider à progresser. Mais ils passèrent. L'obstacle suivant fut ridiculement facile et ce fut un soulagement. Mais le suivant était un toboggan trop long pour en deviner le bout, et bien raide...

Le précédent passage difficile, Vif était montée en premier avec une corde, ce qui avait aidé ses compagnons. Mais là, même en mettant toutes les cordes bout à bout, il n'était pas sûr que cela suffirait... De plus, la corde avait permis de jouer avec la hauteur de la lanterne, pour donner assez de lumière aux grimpeurs, mais là... Même pour Vif, cela paraissait problématique, mais y avait-il une autre solution ? La voix du dragon était plus forte et Drilun sentait la source de magie à une cinquantaine de mètres à présent. Leur objectif était tout proche !

Vif arriva à monter, non sans mal, et la longueur des cordes suffisait tout juste. Pour Geralt, ce fut très dur mais il y arriva tout de même, à l'aide de la corde. Ce fut une torture pour Drilun et Isis, mais ils passèrent, tremblant de douleur et d'épuisement. Pour Narmegil, par contre... il fit de son mieux, mais il n'arrivait pas au bout, et les crampes le prenaient ! Mais ses amis se mirent à trois pour tirer sur la corde et faire parcourir les derniers mètres à leur compagnon costaud et lourd. Enfin, le guerrier dúnadan arriva à leur niveau, après avoir bien cru devoir expérimenter le toboggan dans l'autre sens... en beaucoup plus rapide.

Une faible lumière pouvait se deviner à l'extrémité du boyau. Geralt avança seul, le plus discrètement possible, jusqu'à l'antre du dragon. Il entra dans la grande pièce circulaire où il put embrasser du regard l'essentiel : le tas de trésor, le dragon la tête et les pattes avant enfoncées dans une ouverture d'où émanait une grande lumière... et de la magie. La colère du dragon ne s'était pas apaisée, mais s'il n'avait pas remarqué leur présence, il restait un obstacle de taille. Les cinq amis se concertèrent ensuite : que fallait-il faire à présent, et que devenaient Rob et Grandes-Gigues ? Un précédent sort d'Isis ne les avait pas détectés, comme s'ils avaient été mangés, mais il semblait plutôt qu'ils se trouvaient en un endroit où la magie fonctionnait de manière différente...
Modifié en dernier par Niemal le 10 octobre 2010, 19:44, modifié 1 fois.
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Niemal
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Barad Eldanar - 12e partie : rodéo et magie

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1 - Observations
Geralt fit le tour de la pièce, prêt à filer dans un boyau étroit au moindre mouvement du dragon. Même si ses amis lui avaient donné quelques garanties - un manteau très discret et un sort pour masquer son odeur - c'était tout de même sa vie qui était en jeu s'il n'était pas assez discret. Néanmoins, le dragon paraissait complètement obnubilé par le hobbit et ce qu'il y avait au-delà du portail. Ses mugissements couvraient les bruits alentours, et à l'endroit où était sa tête, il ne risquait pas de voir grand chose de ce côté. Mais les dragons étaient réputés pour avoir des sens extrêmement fins, dont l'équipe avait déjà eu une démonstration par le passé. En fait, que le dragon ne les ait pas sentis, alors qu'ils étaient sales, qu'ils avaient bien transpiré et ne s'étaient pas lavés depuis un moment, paraissait plutôt étonnant...

Le tas de trésor était plus que tentant, et au sommet trônait une splendide cotte de mailles faite dans un métal argenté... et la lance de Narmegil. De nombreux coffres et coffrets, ainsi que moult armes et armures, reposaient sur un vaste tas de pièces de toutes sortes. Surtout du cuivre et du bronze, mais il y avait de tout, même de l'or. Peut-être des centaines de milliers de pièces, en tout cas assez pour faire un tas sur lequel le dragon pouvait sans doute se reposer, roulé en boule contre la paroi !

Mais pour l'instant il ne lui prêtait aucune attention. En l'examinant dans son dos, l'assassin aux cheveux blancs arriva à voir un peu la pièce au-delà du portail. La lumière qui l'inondait éclaira une scène fugitive où le hobbit se tenait debout, à côté de son ami Grandes-Gigues allongé par terre et attaché par des cordes. Il était pâle comme un linge, à se demander s'il était encore vivant. Et puis la tête du dragon bougea un peu parmi ses flots de menaces, et la vision ne fut plus. Egalement, Geralt avait entendu parler d'un éventuel point faible chez les dragons, mais il eut beau scruter, il ne trouva rien.

Par ailleurs, le portail bien ouvert où le dragon avait passé la tête et les pattes avant était l'unique moyen visible de pénétrer dans la pièce entr'aperçue par l'assassin. De nombreux autres boyaux souterrains de tailles diverses débouchaient sur la vaste pièce qui servait d'antre à Corlagon, mais aucun au centre. Ni aucun aux abords immédiats du trésor, également. Après avoir fait cette ample moisson de renseignements, Geralt revint la partager avec ses amis qui patientaient toujours à l'extrémité du boyau par lequel ils étaient arrivés.

2 - Fouille
Après de multiples palabres, les cinq aventuriers se mirent d'accord sur une chose : il fallait récupérer la lance de Narmegil et la cotte de mailles argentée au sommet du tas de trésor. Le Dúnadan soupçonnait l'armure d'avoir appartenu à son quadrisaïeul Elenuil et d'être d'une très grande qualité, peut-être même une cotte de mailles de mithril dont il avait entendu des légendes... Egalement, il faudrait fouiller dans le trésor du dragon, si c'était possible, pour trouver d'autres affaires d'Elenuil ou des armes ou autres objets qui pourraient leur être utiles.

Vif décida de tenter une chose, stimulée par la magie qu'elle ressentait ici. Elle se déshabilla et entra à peine dans la pièce, mais suffisamment pour se sentir traversée par la formidable magie qui émanait du portail. Et elle se concentra pour changer de forme et laisser le félin en elle modeler son corps. L'endroit n'était pas du tout favorable au félin - enfermé, sans arbres, plein de lumière - mais la femme des bois comptait sur la magie ambiante pour l'aider. Et effectivement, après de gros efforts, elle se transforma en une espèce d'être mi-femme mi-panthère, capable de tenir debout et de parler, mais bardée de griffes et autres attributs félins. Et elle se maîtrisait parfaitement.

Sous cette forme, elle pouvait mettre des vêtements et emprunta le même manteau discret qui avait servi pour Geralt, et ses bottes elfiques qui rendait son pas aussi léger que si elle ne pesait presque rien - bottes idéales pour monter sur un tas de pièces sans tout faire tomber. Elle jeta aussi un œil au reste de la pièce et au dragon, mais elle ne vit rien de plus que son compagnon n'ait déjà remarqué. Au plus remarqua-t-elle qu'il semblait possible de passer entre les pattes du dragon pour entrer dans la pièce au-delà du portail, mais ce serait difficile... et risqué !

Au bout du compte, elle donna ses affaires à Geralt pour qu'il aille lui-même fouiller le trésor - elle estimait qu'il était plus habile qu'elle. Il monta donc sur le tas de trésor et récupéra la lance de Narmegil et la cotte de mailles argentée, extrêmement légère, mais un coup d'œil rapide ne lui apporta rien de plus. Il revint avec son butin, sans oublier quelques pièces dont il avait chargé sa bourse. Tandis que le grand guerrier dúnadan mettait la cotte de mailles - parfaitement à sa taille - Geralt retournait au tas de trésor pour un deuxième passage plus approfondi.

Après quelques minutes de fouille discrète, il trouva une épée courte de qualité venant de Barad Eldanar et un grimoire ancien écrit dans une langue elfique. En l'ouvrant, il reconnu du sindarin, langue que le grand-père de Narmegil lui avait enseignée lors de leur passage à Fornost Erain. Le livre parlait de runes magiques et en décrivait de nombreuses. Mais également, à l'intérieur du livre, un parchemin était glissé qui tomba lorsqu'il feuilleta le grimoire. Ce parchemin était couvert de notes, probablement de l'ancêtre de Narmegil. Après un dernier coup d'œil, Geralt revint montrer sa trouvaille à ses amis.

3 - Décision
Les notes étaient bien celles d'Elenuil, et leur lecture fut rapide. Plus de trois siècles auparavant, le quadrisaïeul de Narmegil avait rassemblé quelques informations, qui pouvaient se résumer à dix points qui étaient :
- le dragon ne crache pas de feu
- le dragon se repose toujours la nuque contre la paroi rocheuse
- le dragon est obsédé par le portail, il le laisse l'approcher pour cette seule raison
- le dragon ne pourrait passer par le portail, il faudrait quelqu'un pour lui rapporter ce qui s'y trouve
- en plus des runes magiques, des inscriptions sont inscrites en noldorin (quenya)
- la magie présente sur le portail a quelque chose de familier (pour Elenuil)
- les runes magiques nécessitent un magicien qui pose la main sur le portail et qui chante ou incante
- les inscriptions parlent de "sang de mon sang" et suggèrent une filiation nécessaire
- questionnement sur filiation magique (magie royale ?) ou physique (descendance)
- échec d'activation du portail entraîne des brûlures profondes, graves (vécu par Elenuil)

Les aventuriers notèrent avec intérêt la note concernant la nuque du dragon : si ce dernier avait un point faible, il se situait sûrement là ! Le problème restait de pouvoir atteindre cet endroit : dans l'état présent, la tête du dragon n'était pas accessible. Et en combat, il était rare de tourner la tête à son adversaire. Quant à le prendre à revers... il fallait faire avec un corps de 15 mètres de long, sans parler de la queue !

Certains proposèrent d'amadouer le dragon avec de belles paroles, ou même de le tromper en simulant un faux combat et l'arrivée des orcs. Mais ces propositions ne furent pas suivies de beaucoup d'enthousiasme. Il fut question également d'attirer Corlagon d'un côté pendant que d'autres se faufileraient dans la pièce où Grandes-Gigues et Rob attendaient. Mais Isis fit remarquer avec justesse qu'une fois à l'intérieur, ils mourraient tous de faim bien avant que le dragon cesse sa veille et leur permette de sortir. Et si Narmegil se sentait peut-être de taille à résister au dragon une demi-minute, c'était bien le maximum... et il s'engageait sans doute beaucoup !

Le combat restait néanmoins très présent aux esprits : dans l'état actuel de fureur qui le possédait, le dragon ne se priverait sans doute pas de se défouler, et il était clair qu'aucune confiance n'était possible même à court terme - des négociations étaient exclues. Il bloquait totalement le passage alors que le soigneur paraissait avoir besoin d'aide. La magie était amplifiée ici, mais celle du dragon également - Geralt considérait qu'il ne pourrait jamais résister à son charme si jamais Corlagon essayait de le manipuler.

Vif proposa alors que quelqu'un monte sur l'épaule du dragon, entre ses ailes. Ce dernier sentirait tout de suite l'intrus, et il serait forcé de reculer pour se dégager. La nuque serait alors à la portée du grimpeur, et peut-être des autres aventuriers qui se tiendraient prêts à attaquer. Mais qui pourrait grimper assez vite et tenir à cet endroit assez longtemps pour porter un coup au monstre ? Vif comprit dans les regards qu'on lui portait qu'elle était la plus adaptée à cette mission, et elle accepta - en râlant - de se porter volontaire. Elle, la moins guerrière de toute l'équipe, allait s'attaquer à un dragon, et à mains nues ! Quoique couvertes de griffes...

4 - Embuscade
Vif mâchonna et avala une noix de l'écureuil - peut-être la dernière, ce stimulant fantastique qui augmentait énormément adresse et rapidité - elle en aurait bien besoin ! Puis elle s'approcha discrètement du dragon, jusqu'à se tenir près de l'épaule et des ailes. Isis et Drilun se tenaient non loin, l'arc prêt et une flèche encochée, et Geralt et Narmegil avaient leurs armes en main, de l'autre côté du dragon que celui où se tenait la Femme des Bois sous sa forme demi-animale. Tous attendaient qu'elle se décide et commence son ascension.

Vif bondit d'un coup et arriva entre les ailes du dragon en un clin d'œil. Ce dernier, surpris, ne mit néanmoins pas longtemps pour se dégager et se secouer dans tous les sens, mais l'agilité du félin, ses griffes et la noix de l'écureuil lui permirent de ne pas lâcher prise et même de se rapprocher de son but : la femme-panthère était à présent à portée de la nuque, où effectivement une zone assez large était complètement dépourvue d'écailles et aussi nue et fragile que celle d'un ver...

Vif plongea ses griffes dans la chair nue du dragon, lui causant une profonde blessure et une grande douleur, qu'il exprima bruyamment. Mais la Femme des Bois fut brûlée par le sang extrêmement corrosif de la bête. Corlagon secouait son cou et sa tête en tous sens pour faire tomber son agresseur, mais sans succès. Pendant ce temps, les archers tiraient sur le visage du monstre, en visant les yeux, mais ils étaient trop difficiles à toucher ou trop bien protégés, les flèches ne firent pas grand chose. Narmegil et Geralt, qui avaient réussi à entr'apercevoir la zone dénudée de la nuque, purent porter quelques coups. Mais vu la hauteur et les mouvements de la tête du dragon, ils ne purent faire de blessure très profonde.

Constatant l'inutilité de ses attaques, Isis choisit d'entrer par le portail, le passage étant maintenant libre. Vif porta encore une autre attaque douloureuse (pour les deux), et le dragon chercha à se débarrasser d'elle en frottant son cou sur le sol. La femme des bois, blessée par le sang de dragon, en profita pour lâcher prise et rouler vers le portail. Drilun vit clairement la blessure fumante de sang de dragon tournée vers lui, et il tira une flèche qui se logea profondément dans les chairs du dragon. Narmegil, de l'autre côté, porta des coups avec sa lance, mais sans grand effet. A ses côtés, Geralt, ne pouvant faire mieux, profita que le cou était à sa portée pour bondir dessus.

Corlagon chercha à se débarrasser de ce nouveau parasite, mais les blessures profondes à son cou ralentissaient ses mouvements et Geralt put se maintenir dessus. Il empoigna son épée, et avec toute la rapidité et l'adresse dont il était capable, en y mettant toute son énergie, il la plongea dans le cou de la bête. Le dragon poussa un hurlement avant de s'abattre au sol, immobile. Geralt fut projeté en l'air mais il atterrit sans grand mal, et si la queue du monstre heurta Narmegil, le choc ne lui fit pas grand chose. Sa nouvelle cotte de mailles semblait particulièrement bien amortir les chocs.

5 - La retraite du roi des elfes
Le dragon était bien mort, et la voie était maintenant libre. Isis était déjà entrée et contemplait la source de magie, tandis que Rob la mettait en garde. Lorsque Vif arriva à son tour, blessée, sous sa forme demi-animale, elle vit l'espèce de fragment d'étoile coincé au centre de la pièce dans la cheminée volcanique. Attirée par cette magie et affaiblie par ses épreuves récentes, elle n'eut plus qu'un seul désir : aller droit dessus et entrer à son contact. Elle avança à pas félins vers son objectif, sans porter attention aux cris de Rob.

Isis comprit ce qui se passait, et elle plaqua son amie au sol. Mais sous sa forme à moitié féline, Vif était une véritable anguille et elle se dégagea sans mal. Rob s'interposa alors, de tout son petit mètre de hauteur, mais la femme des bois se contenta de lui sauter par-dessus, tel un grand chat. Sans aucun autre obstacle, elle s'approcha de la substance vitreuse et lumineuse et y posa les mains. Elle fut immédiatement envahie d'un bien-être immense et elle resta là, immobile, sans se soucier du reste du monde autour d'elle.

Les autres arrivèrent à leur tour, petit à petit, heureux de leur victoire mais complètement épuisés pour la plupart. Certains remarquèrent que l'endroit était parfaitement propre, et dénué d'odeurs - l'odorat ne paraissait pas fonctionner ici, ce qui expliquait sans doute l'aveuglement du dragon pour leurs odeurs. Plusieurs aventuriers étaient blessés à des degrés divers : certains à cause d'un excès de magie ou de fatigue, d'autres comme Vif à cause du dragon, et si Grandes-Gigues était encore vivant ce ne semblait plus être pour longtemps : sa jambe blessée était violacée et enflée, et son visage avait la pâleur de la mort. Il ne resterait pas vivant sans être mieux soigné. Mais c'était lui le soigneur !

Avec l'aide de Rob - qui montra comment faire un feu dans la forge - et grâce aux plantes trouvées dans les affaires du grand elfe, une infusion d'athelas fut préparée. Ses vapeurs adoucirent la tension dans l'esprit des gens présents, et le noble Dúnadan examina la blessure de l'elfe. La jambe était fracturée, et suite au combat avec le hobbit l'os avait dû bouger et faire une petite hémorragie. Il fallait réduire la fracture, ce à quoi s'attela Narmegil. Avec l'aide de la trousse de soins il pensa avoir réussi à stabiliser la blessure et fait une attelle correcte. Mais le soigneur n'était pas transportable et il semblait à deux doigts de la mort.

Isis aida à préparer d'autres herbes médicinales qui furent administrées au grand elfe, et elle s'occupa aussi de bander les blessures au bras de son amie demi-féline. Lorsque Narmegil s'était approchée de Vif avec l'intention manifeste de la "décrocher" de là, elle avait répliqué par un coup de griffe qui n'avait été arrêté que par l'excellente cotte de mailles. Mais elle se laissa bander sans problème, et son état s'en trouva amélioré. Elle finit par se rendre compte de la situation, et par un grand effort de volonté elle arriva d'elle-même à enlever ses mains du fragment d'étoile magique.

6 - Un monde magique
Rob montra les objets qu'il avait trouvés en fouillant la pièce pendant qu'il était seul avec les cris du dragon. Il montra le livre que Grandes-Gigues et lui avaient trouvé dans le bureau, mais personne ne pouvait le lire, il était écrit en quenya, la langue des Noldor. La fiole qui produisait de l'eau lumineuse - qui avait été la chute du soigneur - fut également montrée, avec ses runes de "nen" (eau). Il y avait aussi l'anneau lumineux, une mallette avec divers outils pour forger entre autres, mais aussi un arc long lumineux avec une corde faite d'un métal argenté, un luth, et une épée large couverte de runes dans un fourreau de cuir et de métal argenté. Tous étaient en parfait état et souvent extrêmement légers.

Mais tous étaient épuisés et il fallait se reposer. Tandis que Geralt veillait quelques heures dans l'antre du dragon, l'équipe se reposait - moitié avec Geralt, sur le trésor : Narmegil et Isis serrés l'un contre l'autre, et Rob non loin ; et Drilun et Vif dans la retraite, là où la magie était la plus forte, avec Grandes-Gigues toujours inconscient. Geralt n'entendit ni ne vit rien de spécial, et enfin Isis se leva, sa méditation terminée. Mais en même temps que Vif et Drilun : ils avaient dormi - et très bien dormi - seulement la moitié du temps qu'ils prenaient d'habitude, et pourtant ils semblaient aussi alertes que possible ! Le sommeil semblait particulièrement récupérateur dans la pièce centrale complètement baignée de magie. Même la poussière et la saleté disparaissaient dans cette pièce, si elles restaient assez longtemps exposées à la lumière magique !

Après que tous eurent pris leur repos - certains déménagèrent pour récupérer plus vite - les artéfacts magiques furent testés. L'eau lumineuse produite par la fiole magique n'avait aucune limite de quantité : après l'avoir vidée, il suffisait de dire "nen" pour la remplir à nouveau. L'eau restait lumineuse une heure durant, en revanche sa consommation donnait fortement envie de toucher la source de lumière et de magie comme la Femme des Bois l'avait fait.

Les outils et la forge furent testés par Drilun, qui pour la première fois de sa vie devint forgeron. Mais il avait pu lire les runes qui couvraient la forge et les autres ateliers, dont beaucoup étaient magiques. Ici, il arrivait comme jamais à utiliser cette magie, à s'en servir, et il se mit à graver des runes sur un arc composite númenoréen ramené de Barad Eldanar. L'emploi de la magie était si fluide ici, les outils étaient si légers, précis et solides, les ateliers et leurs runes étaient si pratiques, qu'il réussit à faire en deux heures un ouvrage qui aurait dû prendre au moins cinq jours... et qu'il n'aurait jamais dû être capable de faire en temps normal ! La fabrication d'objets magiques était ici déconcertante de facilité et de rapidité !

L'anneau lumineux fut sondé par Drilun, qui pensa qu'il amplifiait la magie. Isis le mit au doigt, sans effet semblait-il, mais lorsque quelqu'un voulut l'essayer elle prétexta qu'il lui fallait plus de temps pour l'essayer et elle le garda au doigt. Le luth était parfaitement accordé et le son était remarquable, mais quand Isis se mit à en jouer elle fut nimbée d'une lumière identique à celle de ses auras elfiques. L'arc était magique lui aussi, et toute flèche tirée par cet arc devenait lumineuse et touchait plus sûrement sa cible que si elle était lancée par un autre arc. Et, très léger, il était aussi très maniable et rapide, comme son arc elfique à elle.

L'épée paraissait avoir été faite par quelqu'un de différent. Elle était couverte de runes pour l'essentiel illisibles qui racontaient sans doute une histoire très ancienne. Lorsque Geralt s'en servit pour essayer de découper la carcasse du dragon, il découvrit qu'elle tranchait mieux qu'aucune lame qu'il avait jamais maniée. Et contrairement aux autres armes qu'il avait testées sur le dragon, l'épée ne semblait absolument pas affectées et corrodée par le sang de dragon. Une lame vraiment remarquable...

7 - Accoutumance et guérison
Mais la magie était aussi périlleuse : après avoir réalisé son arc magique grâce à de nouvelles runes, Drilun se sentit envahi d'un désir insurmontable de toucher la source de toute cette magie, et comme Vif avant lui, il alla poser ses mains sur le fragment d'étoile. Et il ne voulut plus en bouger, ni faire quoi que ce soit d'autre. Il fallut un bon coup de poing de Geralt derrière les oreilles pour l'assommer et lui faire reprendre ses esprits, un peu plus tard, dans la chambre du dragon...

Tandis que certains triaient le trésor du dragon pour en récupérer les affaires les plus riches et facilement transportables - or, pierres et bijoux - Narmegil se rendit compte que l'état de Grandes-Gigues avait empiré. Il agonisait à présent, et il ne serait bientôt plus parmi eux. Pourtant, ils avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour le sauver, mais il était trop affaibli, seule la magie ou des herbes très puissantes pouvaient désormais le sauver. Le Dúnadan essaya alors de tenter le tout pour le tout.

Tandis qu'Isis préparait une nouvelle dose d'athelas, Narmegil essaya de se remémorer tout ce qu'il avait vu faire par Niemal et Grandes-Gigues. Il avait toujours été attiré par la magie des soins qu'ils pratiquaient, mais Niemal n'était pas resté assez longtemps, et le soigneur, lui, restait avare de conseils sur ce sujet, et toujours un peu mystérieux et sur la réserve. Mais avec toute la magie présente, il fallait essayer quand même.

Narmegil puisa en lui toute son énergie et sa propre magie afin de la donner à son ami mourant. Sans connaître parfaitement l'art et la manière, il se laissa guider par les énergies présentes, et réussit à insuffler plus de vie dans le corps de son ami. Dont l'état se stabilisa enfin, les joues reprenant quelques couleurs. Le Dúnadan venait pour la première fois de faire de la magie des soins, et fortement amplifiée par la magie présente en ce lieu. Mais il faudrait encore du temps avant que l'elfe se réveille ou puisse tenir debout, et il n'était pas encore complètement sorti d'affaire.

Satisfait par la magie qu'il venait d'opérer, le Dúnadan fut à son tour envahi par l'extase pour cette magie qui l'environnait. A son tour il alla se coller au fragment d'étoile pour ne plus en bouger, un sentiment de félicité sur le visage. Mais Isis vint lui parler et lui faire de tendres caresses, et elle lui ôta son casque afin de pouvoir l'embrasser. Il la laissa faire, son bonheur encore augmenté, quand le poing de Geralt s'abattit derrière ses oreilles. A son tour il sombra dans l'inconscience et se réveilla plus tard dans l'antre du dragon, hors de la retraite du roi des elfes.

8 - Départ ?
Plus la magie servait à cet endroit, plus il devenait difficile de s'en passer. C'était un piège qui allait tôt ou tard se refermer sur eux : ils resteraient collés au fragment d'étoile et mourraient là. Ils mourraient heureux sans doute, mais quelle triste fin tout de même ! Pour certains, il fallait partir au plus vite et tout détruire pour que cela ne puisse plus servir. Drilun avait déchiffré les runes magiques sur le pilier central qui retenait le fragment d'étoile : c'étaient des runes de destruction très puissantes qui pourraient faire s'effondrer la retraite voire le pic entier, et si facile était la magie ici qu'il pensait pouvoir les activer seul. Il faudrait vite partir ensuite, mais l'état de Grandes-Gigues rendait la chose impossible pour le moment.

Afin d'accélérer la chose, sur une suggestion de Geralt, le Dunéen traça des runes magiques sur une couverture confortable que lui remit l'homme aux cheveux blancs. Cela ne servirait sans doute qu'une seule fois, mais ainsi le pouvoir de récupération et de guérison de la couverture serait amplifié et aiderait leur soigneur à retrouver forces et santé. Il fut placé dedans afin d'accélérer et d'aider sa guérison le plus possible.

Isis et Rob - entres autres - avaient bien trié le trésor du dragon, qui restait d'une taille limitée malgré sa richesse conséquente. Aucun objet de grande qualité ou magique n'était présent, mais les nombreux bijoux et l'or représentaient tout de même une valeur de plusieurs milliers de pièces d'or. Les bourses des aventuriers avaient eu le temps de bien s'arrondir, avec assez d'or pour largement dépasser ce que la plupart des fermiers, artisans ou marchands humains ne voyaient en toute une vie de dur labeur...

Encore fallait-il pouvoir en profiter. Il y avait un sorcier d'Angmar qui avait été tué, mais il avait sans doute eu le temps avant cela de prévenir d'autres comme lui, comme Fëamor par exemple. Combien de temps ce dernier mettrait-il pour venir ? Et accompagné par combien de sorciers, d'orcs et autres ? Vif était partisane de fuir au plus tôt, et dans un premier temps de récupérer le maximum d'herbes utiles et de nourriture, pendant que d'autres prépareraient le départ et envisageraient divers moyens de transporter le soigneur.

Mais tous ne semblaient pas forcément d'accord avec ce programme : ils disaient que les orcs ou sorciers, quand ils apprendraient la mort du dragon, y regarderaient à deux fois avant de les attaquer. Et de toute manière, dans l'état où ils étaient, il paraissait impossible de sortir du pic et encore moins avec un blessé intransportable. Et puis la magie présente pouvait être encore bien utile, il n'était peut-être pas nécessaire de détruire tout cela. Et comment passer les montagnes ensuite ?
Modifié en dernier par Niemal le 27 décembre 2010, 08:42, modifié 4 fois.
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Re: Terre du Milieu - Système J

Message non lu par Psychopat »

Il serait sympa de mettre quelques images ici pour egayer ce thread...
"Allez tous vous faire déchirer..."



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Re: Terre du Milieu - Système J

Message non lu par Niemal »

Sympathique, mais il me semble que c'est rare de voir ton perso comme cela. D'habitude, il est enveloppé de la tête aux pieds et il est difficile de même voir ses yeux, non ? A moins qu'il souhaite désormais marcher à visage découvert... ce qui peut avoir des conséquences amusantes - pour le meneur en tout cas !

Par ailleurs, cette image que tu as trouvée correspond en fait à Maeglin. Je ne sais pas si c'est de très bon augure que de ressembler à la personne responsable de la plus infâme trahison des anciens temps, comme le disent les récits des elfes...
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Re: Terre du Milieu - Système J

Message non lu par Psychopat »

Niemal a écrit :Par ailleurs, cette image que tu as trouvée correspond en fait à Maeglin. Je ne sais pas si c'est de très bon augure que de ressembler à la personne responsable de la plus infâme trahison des anciens temps, comme le disent les récits des elfes...
:lol: grillé...

Je pense qu'il y aura une discution importante à mon réveil et je serait découvert. Ensuite, on verra, mais suivant la route que l'on prendra, il sera emmitouflé ou pas.


Si je trouve un autre dessin plus représentatif je le mettrait...
"Allez tous vous faire déchirer..."



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Barad Eldanar - 13e partie : tremblement de terre

Message non lu par Niemal »

1 - Préparatifs
La prudence eut le dessus. Il était trop dangereux de rester là alors que les sorciers et orcs d'Angmar pouvaient arriver à tout moment. Si Grandes-Gigues paraissait difficilement transportable, son état semblait s'améliorer. Il faudrait se préparer à partir dès que possible et ne pas attendre le dernier moment. De toute manière, les réserves de nourriture étaient au plus bas, il fallait se réapprovisionner. Et tant qu'à faire, en profiter pour aller chercher des herbes utiles, médicinales ou autres. Récolter de la résine pourrait servir à ceux qui avaient du mal à grimper, par exemple.

Comme les plus habiles en escalade étaient aussi les plus compétents en survie dans la nature, l'affaire fut vite menée : Isis, Vif et Rob redescendraient faire un tour en forêt et récolter tout ce qui pouvait servir. Pendant ce temps, le trésor serait trié, les forges magiques pourraient servir, et il fallait s'occuper du blessé. Sans parler de se reposer : Narmegil était encore très affecté par toute la magie qu'il avait faite, tant cela lui avait demandé de l'énergie. Et rares étaient ceux à ne pas avoir de problèmes physiques liés au combat contre le dragon ou à l'épuisement.

A l'aide de cordes, les trois membres les plus légers de l'équipe réussirent à négocier la traversée des tunnels du pic. Ils se retrouvèrent dehors, mais il faisait nuit, ce qui n'aida guère à la recherche. Heureusement, la vallée comportait un micro-climat favorable à la faune et à la flore, et la nourriture fut facile à trouver. Quelques herbes médicinales communes furent ramassées également, ainsi qu'une bonne quantité de résine - pour laquelle un récipient dut être improvisé, rien n'ayant été pris pour cela. Isis pensa à vider un flacon d'huile pour lanterne, qui fit très bien l'affaire.

Si Vif percevait la présence d'orcs, ces derniers restaient à bonne distance du pic et ils ne gênèrent d'aucune façon. Le petit groupe, chargé de nourriture surtout, retourna aux tunnels où eut lieu une nouvelle ascension. Ascension facilitée parfois par de la résine, mais il en fallait une grosse quantité pour être vraiment efficace, et il valait mieux l'économiser. Cette nouvelle escalade ne fut donc pas de tout repos, mais il n'y eut pas de mauvaise surprise, et tout le groupe fut bientôt réuni.

Entre-temps, Narmegil et Geralt avaient eu bien du mal à s'occuper de Grandes-Gigues toujours inconscient - difficile de faire boire sans le noyer quelqu'un dans le coma qui ne réagit pratiquement pas ! Et puis Geralt ayant découpé une portion de la peau du dragon bien assez grande pour en faire une armure, Drilun et lui avaient largement de quoi s'occuper pour la tanner et la préparer à une utilisation future. Cela était possible uniquement grâce aux ateliers et à la magie runique qui les couvrait, magie que Drilun savait utiliser. Et le tri du trésor se poursuivait, les plus grandes valeurs (pierres, bijoux...) trouvant de la place dans un sac ou un coffret : il y en avait pour plusieurs milliers de pièces d'or au moins !

2 - Nouveaux venus
Une petite routine s'instaura entre les membres du groupe, afin de permettre à tous de récupérer : les corps guérissaient et retrouvaient des forces, et le moral revenait, stimulé par les nouvelles possessions. Tout en laissant du temps pour travailler le cuir de dragon ou chercher des solutions pour sortir au plus vite avec le corps de Grandes-Gigues, sans le mettre en péril. Rob en avait profité pour essayer de repérer une autre sortie dans la cheminée centrale du pic - sans toucher l'éclat d'étoile - mais il n'avait vu qu'une escalade pratiquement impossible vers le haut.

Alors que l'équipe était plus déterminée que jamais à partir sans attendre le réveil du soigneur, les oreilles de Vif perçurent un bruit nouveau : des croassements ! Manifestement, des crebain approchaient, signe de la présence de nouveaux sorciers d'Angmar... Fallait-il fermer le portail, pourrait-il être rouvert ? En fin de compte, les battants furent repoussés, et lorsqu'ils furent réunis ils semblèrent fusionner l'un avec l'autre et avec le sol ! Mais le simple fait de tirer les poignées présentes du côté de la retraite magique les faisait se rouvrir de manière toute aussi magique.

Les corneilles enchantées finirent par repartir, mais elles furent revenues après quelques heures, et cette fois-ci elles restèrent sur place. Mais si un aventurier sortait de la pièce, une partie d'entre elles filait dans les couloirs, sans doute pour avertir leur maître. Bien entendu, elles étaient trop nombreuses et prudentes pour pouvoir les abattre. De toute manière, la question était entendue : il fallait partir le plus vite possible.

A l'intérieur de la retraite magique, le mobilier en bois avait été démonté afin de pouvoir fabriquer un brancard solide. Le sac de couchage de Geralt - qui avait été enchanté par des runes de Drilun pour un meilleur repos et une guérison accélérée - servait pour le soigneur, et il devint partie intégrante du brancard. Ce "sac à viande" permettrait de transporter l'elfe inconscient, attaché, en le faisant glisser petit à petit à l'aide d'une corde. Si tout se passait bien.

Les équipements furent pris, de même que les sacs d'or et de joyaux. Geralt fut tiraillé entre son désir et sa flemme : la peau de dragon n'avait pas eu le temps d'être complètement préparée, elle était lourde - à peu près le même poids que le hobbit ! Mais sa valeur était peut-être incalculable, sans parler de pouvoir lui sauver la vie... aussi l'assassin décida-t-il de la prendre quand même. En espérant que la descente à l'aide des cordes pourrait se faire en prenant le temps de faire descendre l'équipement séparément.

3 - Tiraillements
Les affaires furent bientôt prêtes, Grandes-Gigues fut glissé dans son sac à viande, il restait à activer les runes de destruction et à partir au plus vite. Mais tous étaient-ils prêts ? L'un après l'autre, les aventuriers se dirent qu'ils allaient quitter un lieu merveilleux, empreint d'une lumière et une magie qu'ils ne retrouveraient jamais plus. A force, les quelques jours passés ici avaient eu un peu l'effet d'une drogue. Étaient-ils vraiment tous prêts à partir aussi facilement ? Ce n'était pas si évident que cela...

En fin de compte, personne n'avait envie de partir. Mais la raison fut la plus forte tout de même. Pour Rob, ce fut un pincement au cœur, mais bon... ils étaient riches, et puis on ne mangeait pas très bien ici. Geralt, peu affecté par toute cette magie - avec le hobbit, c'était le seul à n'en pratiquer aucune - n'eut pas non plus trop de mal à se décider. Il était plus gêné par le fait de ne pas pouvoir partir avec plus de choses, et si vite, alors que la peau de dragon n'était pas prête. Isis, chargée d'objets créés grâce à la magie du lieu, sentit le désir énorme de s'en imprégner encore plus, mais elle vit le danger et s'arracha à la tentation, pressée de partir.

Vif avait touché le fragment, et elle ressentait toutes les possibilités qui étaient à sa portée ici, la maîtrise de son côté animal... ce fut un crèvement de cœur de partir. Mais elle s'était déjà montrée la plus forte, et sa volonté fut à nouveau plus forte que son désir. Drilun avait lui aussi touché le fragment, il avait fait des choses qu'il n'avait jamais rêvé de pouvoir accomplir, mais les forges magiques étaient inamovibles, elles seraient perdues à jamais. Et en plus, il était chargé de détruire ce lieu magique ! Mais il trouva en lui la force de résister au désir, et l'activation de la magie réussit comme jamais. Les runes furent activées, et il sut exactement de quel temps ils disposaient : un tremblement de terre allait progressivement se mettre en place, et au bout de cinq heures le pic ne serait plus.

Il fallait donc faire vite, il faudrait du temps pour sortir, surtout avec la charge de descendre le soigneur dans son brancard. Mais une personne refusa net de bouger : Narmegil vit clairement que sa vie - voire sa mort - était liée à ce lieu, et il resterait sur place quoi qu'il arrive. Que ses compagnons s'en aillent, et qu'ils le laissent ici, plus rien d'autre ne comptait pour lui. L'amour d'Isis, qu'il avait retrouvé ces derniers jours ? Aucune importance. Son enfant à naître ? L'avenir de la famille était assuré, plus besoin de lui. La lutte contre Angmar et les orcs de la Terre du Milieu ? Futilités...

Le Dúnadan restait totalement imperméable à tous les arguments de ses amis. Ces derniers firent alors semblant de partir, mais ils se réunirent juste en dehors de la pièce, dans la salle où reposait le cadavre du dragon, à l'entrée du boyau qu'ils allaient prendre pour redescendre. Il n'était pas question de laisser Narmegil mourir là, sa volonté enchaînée au fragment. Il faudrait ruser et peut-être combattre, et l'emmener de force ! Juste à ce moment-là, Grandes-Gigues ouvrit les yeux et demanda des nouvelles d'une voix pâteuse. Et le groupe se rendit compte que le portail était clos : le Dúnadan s'était enfermé dans la retraite du roi des elfes, alors même que les plus perceptifs sentaient les premiers tremblements...

4 - Combat d'amour ou d'amitié
Grandes-Gigues avait déjà ouvert le portail, mais il était bien trop faible pour l'ouvrir à nouveau comme il l'avait fait. Il essaya tout de même, mais le pauvre chant qui sortit de ses lèvres n'avait aucune puissance, et la magie resta inerte. Drilun utilisa alors sa connaissance des runes pour l'activer : le contact de Grandes-Gigues était nécessaire, il semblait qu'il avait un lien de parenté avec la personne ayant modelé le lieu, ce fameux "roi caché des elfes". Mais il suffisait que le soigneur touche le portail pour que la magie du Dunéen fonctionne. Et le portail s'ouvrit à nouveau.

A l'intérieur, Narmegil semblait contrarié, et prêt à tout pour rester sur place. Il invoqua sa magie afin de l'aider à combattre, et empoigna sa lance. Il semblait tout à fait prêt à tuer ses amis, et il en avait peut-être le pouvoir. Aidé par sa magie, très bien équipé, il était le plus fort de l'équipe en combat, et même plus rapide que Geralt. Ce dernier sortit son épée avec appréhension - son compagnon pouvait le tuer sans mal d'un unique coup. Tandis que Rob et Vif se tenaient chacun sur un côté du grand guerrier, une corde à la main nouée en un lacet, Isis se concentra sur un sort.

La belle elfe souhaitait arracher l'arme des mains de son amour retrouvé. Il était très costaud, mais la magie était amplifiée ici. La poigne de Narmegil retint son arme la première fois, et rien ne se passa, alors que tous étaient tendus comme des ressorts. Grandes-Gigues seul ne participait pas, trop faible même pour tenir debout, et Drilun était indécis, ne sachant trop comment participer sans risquer de tuer ou d'être tué. Mais le deuxième sortilège d'Isis fut plus fort que les muscles et la volonté du Dúnadan, qui laissa échapper sa lance.

Tous se précipitèrent alors sur lui, tandis qu'il tirait son épée et attaquait Geralt qui arrivait le premier au contact. Ce dernier arriva néanmoins à bloquer l'attaque, ayant utilisé toute son adresse et sa compétence dans une splendide parade. De chaque côté, Rob et Vif firent passer leur lacet autour d'une jambe du guerrier, qui attaqua derechef. Mais Geralt, très rapide, arriva à bloquer à nouveau l'attaque. Isis se concentra sur un nouveau sort, tandis que Rob et Vif s'éloignèrent en tirant sur leur corde attachée à une jambe du Dúnadan.

Le sort fut à nouveau un succès. Mieux encore, en cherchant désespérément à retenir son épée, et déséquilibré par les cordes attachées à ses jambes, Narmegil s'étala de tout son long. Geralt en profita pour l'assommer d'un coup bien maîtrisé, d'autant plus facilement qu'il était nu-tête : Isis, lorsqu'elle avait cherché à le convaincre de partir peu auparavant, avait retiré son casque pour lui faire un dernier baiser... et elle l'avait gardé. Une fois assommé, le Dúnadan fut vite et bien attaché, après avoir ôté son équipement, et lorsqu'il se réveilla il n'arriva pas à se libérer.

Restait maintenant à partir, et vite. Sachant que le groupe avait maintenant deux poids morts sur les bras, dont le plus lourd et costaud d'entre eux. Ses bras allaient faire défaut, d'autant qu'au départ il devait s'occuper de faire descendre le soigneur au bout d'une corde dans les passages pentus. A présent, il ne servirait plus qu'à casser les oreilles à ses compagnons, et il était évident qu'il ne pensait à rien d'autre qu'à retourner auprès du fragment. Un boulet bruyant et remuant, en somme. Certains se demandèrent s'il ne serait pas plus pratique de le laisser descendre tout seul : certains tunnels faisaient de beaux toboggans...

5 - Descente et secousses
La première descente était la plus longue et la plus raide, avec une trentaine de mètres de descente bien pentue. L'idée était que les gens descendent un à un avec l'aide d'une corde retenue par ceux restés en haut. Le dernier devrait descendre seul, sans la corde, et Vif avait plus ou moins été désignée d'office : sous sa forme semi-animale, elle était la meilleure en escalade. Rob était aussi très bon, mais en cas de problème son amie avait plus de ressources que lui.

Du coup, Rob ne pouvant que très peu aider à tenir la corde, vu sa force limitée, il fut le premier à descendre. Cela se passa sans problème, et une fois en bas, il put réceptionner les équipements les plus lourds que le reste du groupe faisait glisser, puis détacher la corde et la laisser remonter. Une fois les aventuriers débarrassés de ce qui les encombrait, restait les deux principaux défis : faire descendre Grandes-Gigues, trop faible pour tenter quoi que ce soit, et Narmegil, attaché, lourd et remuant (et bruyant).

Isis descendit aux côtés du soigneur elfe pour parer à toute éventualité. Il fut descendu sans problème, malgré un petit à-coup et une petite frayeur quand Vif lâcha la corde - mais ses amis Geralt et Drilun tinrent bons. Restait le Dúnadan, plus lourd... Là, ce fut plutôt une grosse frayeur, lorsque, en haut du parcours, tant Drilun que Geralt lâchèrent prise suite à une fausse manœuvre. Mais Vif bloqua la corde, malgré sa légèreté, et empêcha le grand guerrier de connaître une expérience de bille de flipper grandeur nature... Après quoi Narmegil fut descendu sans problème.

Un à un, les derniers compagnons descendirent le tunnel en forte pente, en finissant par Vif. Geralt eut une grosse frayeur lorsque son amie lâcha la corde à laquelle il se tenait, et il se rattrapa de justesse. La femme des bois descendit alors pour l'aider, avec notamment de la résine pour l'aider à coller à la paroi, et il en fut quitte pour un rythme cardiaque un peu élevé. En bas, ils purent reprendre leur progression, mais tous sentaient à présent les vibrations plus fortes, et un bruit qui l'accompagnait. Heureusement, les passages suivants étaient plus faciles, et la progression, bien que lente, ne posa pas de problème sérieux.

Mais les vibrations augmentaient sans cesse en intensité, menaçant de ralentir même la progression dans les passages horizontaux : il devenait difficile, pour certains, de rester debout, les chutes étaient de plus en plus fréquentes. Sur la fin, même les passages les plus faciles devenaient compliqués à gérer. Transporter Grandes-Gigues en brancard demandait même des talents d'acrobate pour ne pas le faire tomber ! Narmegil, lui, était simplement tiré par une corde, et la pente naturelle le faisait progresser sans mal. Sa cotte de mailles légère et brillante semblait remarquablement absorber les chocs, il n'était pas blessé.

La dernière descente difficile arriva enfin, et si elle ne fut pas de tout repos, elle n'empêcha pas le groupe d'arriver en bas, fatigués pour certains, mais sans avoir fait de glissade. La résine récoltée avait parfois servi à certains afin de les aider à coller à la paroi vibrante, mais il n'en restait plus guère. La sortie n'était pas loin, mais les tremblements atteignaient une intensité assez incroyable. La roche, heureusement, était si solide qu'aucun bloc ne s'échappait pour les menacer. Le vacarme était assourdissant, trois heures avaient passé. Mais enfin le calvaire s'acheva lorsque le bout du tunnel fut en vue.

6 - Accueil et obstruction
Dehors, il faisait jour, même si le temps était couvert voire humide. Mais en sortant du pic, les aventuriers comprirent que leur calvaire était loin d'être terminé, en fait. Les vibrations du sol restaient importantes, même si ce n'était rien à côté des tremblements qui agitaient le pic. Mais surtout, un comité d'accueil était là, à une centaine de mètres de distance : à l'orée du bois, de nombreux orcs, mais aussi des humains, réagirent à la sortie du groupe. Angmar était là, et il n'avait pas l'air content.

En fait, après un peu d'observation et quelques déplacements, il apparaissait que plus de 200 orcs et peut-être une soixantaine d'humains avaient encerclé le pic en une ligne continue, espacée d'au moins 100 mètres du bord rocheux. Mais cette ligne lâche se contracta vite en direction d'Isis et de ses compagnons. Et si jamais le groupe faisait le tour du pic, les forces d'Angmar les suivaient de manière à leur barrer la route et les accueillir avec toutes leurs forces. Forces qui incluaient, de manière à peu près certaine car en partie repérés, plusieurs sorciers, et un troll de guerre déjà rencontré... Isis, en augmentant magiquement la portée de sa voix, avait bien essayé de les impressionner de loin en parlant de leur victoire sur le dragon, mais elle ne faisait pas le poids avec le rapport de force et la présence d'orateurs autrement plus doués...ou plus musclés et menaçants !

Mais les aventuriers ne pouvaient rester aux abords du pic, et ils avancèrent tout de même en direction de leurs ennemis. Très lentement : le sol était déjà défoncé auparavant par le dragon, mais avec les tremblements incessants la progression était encore plus difficile. Et si tenir le brancard de Grandes-Gigues était déjà difficile, c'était encore plus dur avec Narmegil : plus de pente sur un sol lisse pour aider à le faire avancer ! Il fallait le porter ou le traîner avec difficulté sur un sol comportant de nombreuses crevasses... et il était lourd !

Arrivé à une cinquantaine de mètres de ses ennemis, le groupe essuya une première volée de flèches. Mais si le sol tremblait pour les aventuriers, c'était aussi le cas pour les orcs et humains, et cela gênait bien leur tir, déjà rendu difficile par la distance. Quelques flèches arrivèrent assez près, mais aucune ne toucha sa cible. Un deuxième tir, un peu plus tard, donna des résultats similaires. Mais se rapprocher plus aurait sans doute été dangereux. Il ne restait alors plus qu'à attendre, tout en se préparant à filer à la première occasion.

Et l'occasion ne tarda pas : alors que s'entamait la cinquième heure après l'activation des runes de destruction, le sol fut secoué comme jamais, à tel point que se tenir debout était déjà un combat de tous les instants. Mais surtout, les arbres commencèrent à vaciller, voire à tomber pour certains. Ils tombèrent sur les orcs essentiellement, restés sous le couvert des arbres en grande partie, et dont le moral était au plus bas. Un seuil fut franchi, et ils prirent tous leurs jambes à leur cou. Tout d'abord par petits groupes, puis tous ensemble dans une belle débandade.

Les humains subirent moins les chablis, car ils s'étaient plus avancés. Mais le sol remuait tellement que, même si les sorciers arrivaient à tenir leurs troupes, ces dernières étaient bien en peine de tenir debout ou d'avancer plus vite qu'un escargot. Et encore moins de combattre. Ce dont le groupe profita, en s'élançant vers une zone restée libre, plutôt vers le nord. A allure très réduite, mais tout de même plus rapide que leurs ennemis qui ne purent bouger assez vite pour leur barrer la route.

7 - Apocalypse
Le concours de la fourmi la plus rapide tourna nettement à l'avantage des aventuriers. Ils arrivèrent bien à avancer de deux cents mètres en une heure, à peu près, alors que leurs ennemis n'en avaient pas fait la moitié. Rob était particulièrement joyeux, à sauter d'un endroit à l'autre comme s'il était sur un trampoline. D'autres, comme Vif, étaient assez adroits pour rester debout, mais encombrés qu'ils étaient par le brancard de Grandes-Gigues, avancer était aussi simple que s'ils s'étaient trouvés sur une patinoire à vagues. Ne parlons pas des derniers, qui avançaient principalement à quatre pattes... en traînant tant bien que mal un Narmegil attaché qui ne désirait toujours rien d'autre que de retourner dans le pic.

La chose se corsa encore quand le sol fut en partie inondé : les tremblements avaient rompu les bords d'un petit lac dans le nord de la vallée, et ses eaux se déversaient tranquillement vers le centre, vers le pic. En plus de trembler fortement, le sol devint en plus boueux et glissant. Heureusement, les petites crevasses qui s'ouvraient çà et là empêchaient le phénomène de progresser trop vite et de se transformer en coulée de boue, sans quoi un ensevelissement sous la boue n'aurait pas été à exclure.

En parallèle, même les montagnes aux bords de la vallée semblaient affectées elles aussi : malgré leur éloignement, diverses petites avalanches se déclenchèrent et achevèrent leur course sur les bords de la vallée. Avalanches de neige à partir d'une certaine hauteur, mais aussi avalanche de pierres et rochers par endroits. Heureusement, les chamois et bouquetins qui peuplaient ces montagnes avaient entrepris de s'enfuir depuis le tout début des secousses. Et bien d'autres animaux également.

Enfin, Drilun sentit que le paroxysme arrivait. Pendant un bref moment, les secousses furent telles qu'il n'était plus question d'avancer, mais plutôt d'observer : le pic était en train de s'enfoncer dans le sol, laissant derrière lui une énorme crevasse circulaire dans laquelle des tonnes de terre et de boue s'engouffraient. Personne ne se tenait assez près pour être affecté ou pour voir le fond, et personne ne tenait à se rapprocher pour en voir ou savoir plus.

Et puis les tremblements, bien qu'encore puissants, commencèrent enfin à diminuer. Dans le même temps, le comportement de Narmegil se transforma, il prit une expression hagarde comme s'il venait de se réveiller d'un mauvais rêve. Quelques questions lui furent posées auxquelles il répondit de manière normale. Il ne semblait plus affecté par la magie du fragment d'étoile, il était à nouveau lui-même, mais il garderait le souvenir de ce qu'il avait fait - même s'il avait vraiment du mal à y croire. Au moins, cela faisait un poids de moins à transporter, et il fut vite libéré de ses liens.

8 - Fuite
Les secousses avaient commencé à diminuer, mais cela profitait autant sinon plus aux forces d'Angmar, qui avaient repris leur progression. Elles étaient stimulées par un personnage, apparemment leur chef (Fëamor ?), qui paraissait extrêmement soucieux de mettre la main sur le groupe. Même de loin, ses intentions étaient assez transparentes, et par conséquent personne ne tenait vraiment à s'attarder.

Comme le repos était impossible dans l'immédiat, il fallait tout de suite s'attaquer au franchissement des montagnes. Le tunnel des orcs devait sans doute s'être effondré, le salut n'était pas de ce côté-là. Il allait donc falloir refaire de l'escalade, sur un terrain ayant parfois subi des glissements de terrain. Et encore fallait-il retrouver l'endroit par où ils étaient arrivés. Après, ce serait autant une compétition entre grimpeurs qu'une course d'endurance. Sachant que côté combat, les gens d'Angmar avaient l'avantage du nombre, et sans doute de la magie aussi.

Mais globalement, le groupe était plus rapide, et les bords de la vallée cachée furent atteints avec un écart qui s'était encore creusé avec les poursuivants. Les plus perceptifs pensèrent avoir retrouvé la voie à suivre, et tous se lancèrent dans la montée. Grandes-Gigues abandonna le brancard, même si ses pas étaient hésitants et difficiles. Narmegil, un des plus lents, eut à nouveau des propos fatalistes, attestant une fois de plus de l'état de son moral. Pourtant il s'en sortit bien, et l'écart fut maintenu avec Angmar.

Mais alors que le niveau des neiges avait été atteint et que la nuit tombait, et que les dernières secousses étaient oubliées, Vif donna l'alerte : elle venait de repérer une coulée de neige qui arrivait dans leur direction ! Vite, il fallait grimper hors du passage : facile pour des grimpeurs comme le hobbit ou la Femme des Bois, mais avec Grandes-Gigues et Narmegil il en était tout autrement ! Mais en s'aidant et en puisant dans leurs dernières ressources, les aventuriers se mirent hors de portée de l'avalanche. Leurs poursuivants, qui avaient vu le danger un peu plus tard, ne purent pas tous en dire autant...

Le grand guerrier dúnadan non plus, en fait : même s'il avait pu se mettre hors du passage du gros de l'avalanche, il comprit qu'il ne pourrait pas tout éviter. Au dernier moment, il choisit un endroit un peu protégé et prit son bouclier. En se couchant dessous et en utilisant sa magie, il fut capable de supporter le choc de la rivière de neige, heureusement peu épaisse et en partie déviée, sans être emporté. Il n'était que partiellement enseveli et il put s'extraire assez vite avec l'aide de ses amis.

Mais une partie des poursuivants était encore là. L'ascension reprit, et la nuit était tombée depuis un moment lorsque le col fut atteint. Certains reconnaissaient le lieu, et en particulier une grotte, non loin, qui devait servir de demeure à des géants. Continuer ainsi était de plus en plus risqué - une descente difficile les attendaient tous - et la poursuite continuait, même si les gens d'Angmar étaient de plus en plus loin. La suggestion d'aller demander asile et aide aux géants fut adoptée par une majorité : avec les bijoux et pierres précieuses qu'ils transportaient, les aventuriers avaient des arguments qui devraient intéresser leurs hôtes. En espérant qu'ils prendraient le temps de discuter et surtout de ne pas se servir eux-mêmes.
Modifié en dernier par Niemal le 07 avril 2014, 15:03, modifié 3 fois.
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Psychopat
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Message non lu par Psychopat »

Pour feter celà, un long texte que j'ai écrit pour patienter jusqu'à la prochaine partie. S'il y a des petites erreurs à modifier, essayer de les communiquer ici: http://enferdujeu.free.fr/forum/viewtop ... =23&t=1277.

Sinon, Grandes Gigues médite... Dans son sommeil profond que peu de choses pourraient l'en sortir, il médite de ce qu'il va dire à ses compagnons... Certaines vérités doivent-elles être divulguées et entraîner la ruine sur eux ? Son esprit quitte un instant son corps pour aller se réfugier vers quelques paradis que seuls les premiers nés en connaissent l'existence. Il traverse les parois de la salle et survole la montagne, franchis tels les premières rais de lumière de l'aube naissante les terres qu'il à parcouru jusque là pour arriver aux monts brumeux, il survole Angmar et vois les cavaliers noirs patrouiller les terres à leur recherche, il passe par Fornost Erain et franchis la rivière de Fontgrise pour arriver rapidement sur la comté et ses petits habitants. Son esprit s'attarde sur ses créatures, cette espèce travaille la terre avec grand art et son labeur quotidien parait presque être reposant à cet instant. Les suppliques du dragon sont déjà très loin. Son esprit aurait pu divaguer encore longtemps en compagnie de ces êtres mais une lumière dans l'Ouest l'interpelle, presque aveuglante, bien loin au delà des Havres gris. Une lumière qui l'appelle... Il fonce plus rapide que l'aigle géant, et, au fur et à mesure qu'il franchit les dernières tours, il entraperçoit le port elfique, la clameur des vagues s'échouant inlassablement et les cris des mouettes l'appelant. La lumière brille encore plus fort à l'Ouest... Apaisante, réconfortante... Une voix familière douce l'appelle par son nom de naissance. Il la reconnait...

"J'arrive maman..."

Survolant le port, l’esprit de Grandes Gigues s’arrêta un moment pour contempler la beauté des navires amarrés au quai, leurs formes élancées et les elfes s’y affairant tout autour l’incita de plus en plus a quitter ce dernier havre de paix pour se diriger vers la lumière à l’Est, pour retrouver les siens de l’autre côté de l’océan. Là bas, le jeune noldo pourrait trouver la paix qu’il n’a jamais connu, sa chère mère disparue et, plus que tout, il pourra avoir, enfin, la réponse à toutes ces questions.
Il se dirigea vers le large et il perçut rapidement une musique attirante mais lointaine, il entendit aussi, l’accompagnant, comme un bruit de battements d’ailes dans le vent. Il se retourna mais ne vit rien. Grandes Gigues s’éloigna de la côte et il prit la peine de regarder une dernière fois derrière lui, comme pour un ultime adieu à la Terre du Milieu. Une larme coulait sur sa joue à l’idée de quitter ses amis.
Il prit de la vitesse au fur et à mesure que son esprit quittait la terre des hommes. Guidé par la voix de sa mère qui se faisait de plus en plus distinct, son esprit se dirigea vers cette lumière aveuglante et apaisante mais juste avant de l’atteindre, comme pour lui interdire le passage, une voix se fit entendre :

- Qui fuis-tu ?
- Personne … enfin…


Grandes Gigues n’avait plus d’ennemis à fuir, il voulait seulement retrouver une certaine forme de paix. Il pouvait percevoir des présences féminines et magiques qui discutaient à présent avec lui sans pour autant distinguer précisément leurs formes. Il sentait jaillir d’elles une foule d’émotions positives qui revigora son esprit, un mélange d’amour, de bienveillance et d’encouragements à la fois. Pourtant, elles lui barraient le passage comme si elles avaient tissées une toile psychique l’empêchant d’aller plus loin.

- Pourquoi tu ne te bat plus ?

Le Noldo n’avait pas pour autant baissé les bras, il avait démontré par maintes fois sa valeur au combat face au terrible Fercha ou face au dragon par exemple mais il sut ce que voulait insinuer la voix étrangère.

- Je suis las… Las du combat eternel des hommes et des miens ne serais-ce pour pouvoir toucher du bout de leurs doigts un infime pouvoir. Ils n’ont cœur qu’à se quereller et guerroyer pour obtenir richesses, connaissances et gloire ! Je suis las de savoir aussi que pour survivre à mon destin je dois user des mêmes stratagèmes. Je sais que je devrais lever l’épée contre mes ennemis de l’ombre ainsi que contre tous ceux qui envieront mon pouvoir ou mes biens sur ces terres. Je devine aussi que les forces de l’ombre joueront de ces faiblesses pour fomenter des plans dans le but inavoué de détruire l’humanité.

- Nous savons ce que toi et tes amis ont réalisés en Eriador et nous devinons à peine ce que complotent vos ennemis mais nous avons d’autres projets en ce qui te concerne. Ta route ne s’achèvera pas dans les cavernes de Mandos ni sur les rivages blancs de Valinor et tu dois encore réaliser bien des choses avant de pouvoir te reposer en paix. Car oui, tu combattras encore pour pouvoir enfin goûter aux fruits mûrs et juteux que tu auras semés. Jamais tu ne connaîtras la quiétude et la sérénité. Tu devras te battre encore et encore mais tu ne seras pas seul, car, sur ta route, tu croiseras de nombreuses aides. Écoute-les et surtout respecte les, car d’eux seuls, peut dépendre de beaucoup de choses. Respecte et écoute aussi les peuples que tu rencontreras, aussi différents soit-ils, et sache que c’est seulement réunifiés que vous allez pouvoir vous en sortir face à la terreur qui règne dans les ombres.


Grandes Gigues se remémora alors fortement à sa quête folle, il repensa brièvement au livre trouvé sous la montagne et le cratère fumant une fois que celle-ci fut détruite. Une question lui brula les lèvres mais il ne put prononcer un seul mot, de peur d’avoir une réponse sans doute…

Une deuxième voix :

- Un jour tu auras ta réponse Sîralassë, mais tu devras surement garder ce secret si veux un jour trouver la paix tant souhaité, le révéler et tu devras sans nul doute t’attendre à rencontrer ton destin. Mais dit toi que peu de personnes peuvent se soustraire à celui-ci, ils doivent l’affronter un jour ou l’autre tout comme les grands seigneurs qui ont tracé la route auparavant devant eux. Ton rôle sur la Terre du Milieu ne fait que commencer…

L’esprit de Grande Gigues se retourna et commença à entreprendre le chemin inverse qu’il avait pris jusque là. Il essaya tant bien que mal de résister mais d’autres forces était en œuvre, il effectuait le voyage du retour malgré lui, celui des terres du milieu. Il sentait encore une présence qui le suivait, elle n’avait pas encore pris la parole mais il sentait qu’elle émanait une douce chaleur le réconfortant. La force bienveillante s’efforçait de lui redonner confiance en l’avenir et en ses amis. Sur tout le chemin du retour, les paysages qui défilaient devant lui semblaient être plus beaux, les peuples qui y habitaient plus accueillants et le soleil plus radieux. Il se retrouva rapidement au dessus de son propre corps auquel ses amis s’afféraient. Il voyait la belle elfe Isis préparant la feuille des rois, son mari à ses côté tentant une magie jusque là inconnue pour lui. C’est alors que d’une douce voix mélodieuse, Grandes Gigues entendit ces paroles :

Une troisième voix :

- Que la grâce qui m’a été donné lui soit accordée… Épargnez-le… Sauvez-le…

Une forte magie se dégageait d’elle et pris pour cible les mains du dunadan. Une magie bien connue de Grandes Gigues. Narmegil, bien qu’inconscient de son pouvoir, allait réaliser pour sa première fois l’imposition des mains.
L’esprit du noldo fût propulsé dans son corps et les douleurs physiques jusque là oubliés reprirent de plus belles… Il été sauvé… Encore incapable de se réveiller…
Il commençait à réfléchir sur la suite à donner aux événements, aux informations à révéler et il ne pût comptabiliser le temps qui passait quand il réentendit des voix maintenant familières :

La deuxième voix :

- Saches utiliser à bon escient la seconde chance que je t’accorde. Ne la gâche surtout pas.

La troisième voix :

- Utilises encore les dons que je t’ai donné et tu pourras sauver le monde des humains et des elfes.

La première voix :

- Sache que j’entends toutes tes prières…

Les trois voix réunis en un seul choeur:

- La voie sera rouverte pour toi quand tu auras contré avec succès au moins trois grands esprits


Un goût âpre dans la bouche, Grandes Gigues sentit le goût d’un liquide qui coulait dans sa bouche, il entrouvrit ses yeux pour voir l’homme aux cheveux blancs lui verser de l’eau pour le faire boire. Grandes Gigues allait enfin se réveiller…
"Allez tous vous faire déchirer..."



Asako Moharu :
"Un rikugunshokan infaillible peut-il commettre une erreur Daïdoji-san ?"
Daïdoji Asami :
"Un rikugunshokan Grue ou un rikugunshokan Lion Asako-sama ?"
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Niemal
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Discussion sur les elfes

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En attendant la prochaine partie et le prochain résumé, voici un texte tiré d'un essai issu d'un des livres posthumes rassemblant les oeuvres de Tolkien, et qui s'appelle Morgoth's Ring. Il remet un peu en cause ce que j'ai dit à propos d'Isis, de son mariage et de sa gestation. Cela ne veut pas dire qu'il faille le suivre à la lettre, en particulier pour les choix qu'Isis peut faire, mais tant pour la durée de sa grossesse que pour la manière dont les autres - et en particulier les elfes - la perçoivent, ça vaut le détour et la lecture.

On notera aussi que d'une certaine manière, le mariage entre Isis et Narmegil fut véritablement établi... lorsqu'il fut consommé, dans les circonstances que l'on sait ! Sans les familles, et avec Fercha pour témoin de marque ! Je suis déjà en train de réfléchir à des particularités pour l'enfant...

"Les Elfes naissent environ un an après leur conception. C'est le jour de leur conception qui est fêté, et non celui de leur anniversaire. Leurs esprits se développent plus rapidement que leurs corps ; et ainsi, dès leur première année, ils peuvent parler, marcher et même danser, et leur rapide maturation mentale fait qu'ils semblent au yeux des Hommes plus âgés qu'ils ne ne le sont réellement. La puberté arrive chez eux aux alentours de leur cinquantième, voire leur centième année pour certains. Cependant, les corps des Elfes cessent finalement de vieillir, à la différence des corps humains.

Les Elfes se marient librement et par amour tôt dans leur vie. La monogamie est pratiquée et l'adultère est impensable ; ils se marient une seule et unique fois, à l'exception notable de Finwë.

Les conjoints peuvent se choisir bien avant de se marier, devenant ainsi fiancés. Les fiançailles sont soumises à un accord parental, à moins que les partis n'aient l'âge et l'intention de se marier bientôt, auquel cas les fiançailles sont annoncées. Ils échangent des anneaux et les fiançailles, qui durent au moins une année, peuvent être rompues en rendant l'anneau (un cas de figure rare). Après les fiançailles officielles, le couple choisit une date, au moins un an plus tard, pour le mariage.

Seuls les mots échangés par les jeunes mariés (incluant la prononciation du nom d'Eru Ilúvatar) et la consommation sont nécessaires pour le mariage. De manière plus formelle, la famille du couple célèbre l'union par une fête. Les partis rendent leurs anneaux de fiançailles et en reçoivent d'autres, portés à l'index. La mère de la mariée offre au marié un bijou qu'il doit porter (l'Elessar, cadeau de Galadriel à Aragorn, est un reflet de cette tradition ; elle est la grand-mère de la fiancée, Arwen, puisque la mère de cette dernière, Celebrían avait quitté la Terre du Milieu au moment du mariage.

Les Elfes voient l'acte sexuel comme extrêmement spécial et intime, car cela mène à la conception et à la naissance d'enfants. Le sexe extra-marital ou pré-marital est impensable, l'adultère est aussi inconcevable car la fidélité des conjoints est absolue. La séparation durant la grossesse ou les premières années de vie de l'enfant est si pénible au couple (à cause d'une guerre par exemple) que les Elfes préfèrent avoir des enfants dans des époques paisibles. Les Elfes vivants ne peuvent être violés ou forcé à faire l'amour ; avant cela ils perdront la volonté d'endurer ces souffrances et partent pour Mandos.

Les Elfes ont peu d'enfants en règle générale (Fëanor et Nerdanel sont une exception, qui eurent sept fils), et il y a des intervalles relativement importants entre chaque enfant (mais on voit plus bas dans les notes le taux de natalité elfique en Terre du Milieu contre le taux en Aman). Ils sont bientôt préoccupés par d'autres plaisirs ; leur libido s'affaiblit et leur intérêt se porte ailleurs, vers les arts par exemple. Néanmoins, ils trouvent un grand plaisir dans l'union d'amour, et chérissent les jours partagés à élever les enfants comme les plus beaux de leur vie."
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Barad Eldanar - 14e partie : révélations

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1 - Refuge
Le chemin jusqu'à l'entrée supposée de la caverne des géants put être trouvé et parcouru sans trop de mal : de très larges empreintes de pas dans la neige indiquaient assez clairement le chemin, et le fait qu'il avait été emprunté il y avait peu de temps. Comme les empreintes étaient de taille différente, il était permis de supposer que les géants étaient plusieurs. Et la taille de la porte confirma leur nature de géant : l'ouverture était bloquée par une porte de pierre de quatre à cinq mètres de haut.

Les traces avaient mené l'équipe à flanc de falaise, jusqu'à une grande fissure dans la paroi, fissure qui paraissait avoir été travaillée, élargie, et bouchée par la porte sus-mentionnée. Mais le hobbit s'intéressa à la fissure qui se poursuivait, plus haut. Bien que très mince, il se demanda si elle pouvait le laisser passer jusqu'à l'intérieur. Il grimpa donc sur la paroi, tandis que ses compagnons prenaient leur courage à deux mains et frappaient à la porte, qui par ailleurs était dépourvue de serrure ou de poignée.

Arrivé au niveau de la fissure, Rob l'examina et la trouva peut-être assez large pour lui, qui était petit et souple. Ses compagnons le virent disparaître, mais manifestement il avait quand même du mal. Ils frappèrent à nouveau, plus fort cette fois, et avec des objets contondants comme le bâton ferré de Grandes-Gigues. Les plus perceptifs entendaient des bruits de voix à l'intérieur, qui finirent par changer. Bientôt, ce furent des pas sourds qui s'approchaient, preuve manifeste que le ou les propriétaires des lieux arrivaient. A l'intérieur, le hobbit se faisait tout petit et tâchait de passer inaperçu, ce qu'il savait si bien faire.

La porte finit par s'ouvrir, et un géant se pencha pour la franchir, puis il se redressa, l'air dérangé. Il devait faire pas loin de sept mètres de haut ! A l'intérieur, deux autres géants, l'air plus jeune, avaient à peu près la même taille que la porte. Le plus grand semblait le chef, et bien qu'il ne montrât aucun signe d'agressivité, il n'avait tout de même pas l'air très commode. Son regard était difficile à interpréter : pensait-il à refermer la porte pour retourner à ses occupations, ou réfléchissait-il à un changement de menu au prochain repas ?

Le grand géant émit des mots dans une langue lente et rocailleuse, mais que personne ne pouvait comprendre. Mais les aventuriers tentèrent de parler eux aussi, et le contact se fit ainsi. Avec le temps, il devint évident que le géant connaissait un peu de ouistrain, mais tant son accent que son vocabulaire rendaient la compréhension difficile. Drilun arriva mieux que les autres à comprendre et à se faire comprendre, et la discussion put commencer pour de bon. Avec un point positif pour commencer : le géant était - pour l'instant - simplement curieux.

2 - Premiers échanges
Le Dunéen arriva à faire comprendre que l'équipe cherchait un refuge pour se protéger et se reposer. Ce à quoi le géant répondit en demandant ce que l'équipe était prête à offrir en retour. Geralt, poussé par ses compagnons, présenta alors la peau de dragon qu'il avait emmenée. A sa vue, après un moment, le géant s'éveilla et se saisit de la peau - au grand dam de l'homme aux cheveux blancs. Son regard se mit à pétiller, il prit une attitude très joyeuse, tandis que les géants plus petits semblaient s'exciter et poussaient ce qui semblait être des cris de joie.

Drilun dut ensuite expliquer la provenance de la peau - oui, il s'agissait bien du dragon de la vallée, qu'ils avaient tué. Il découvrit que les géants avaient une dent contre le dragon, qui avait mangé un des leurs. De ce fait, les aventuriers passèrent du statut de mendiant au statut préférable d'invités. Le géant rentra dans la caverne et partit à grands pas, suivi de près par les deux autres plus petits, tout en invitant ses nouveaux amis à le suivre. Ce qu'ils firent, quand le géant leur demanda, de loin, de fermer la porte.

De l'intérieur, une poignée - à portée - permettait de tirer la lourde porte de pierre. Narmegil s'attela à tirer dessus, aidé en cela par Geralt, Drilun et Vif. Rob était toujours caché dans son coin, et sa taille et sa force le rendaient à peu près inutile pour cette tâche. Isis avança qu'elle était enceinte, et le soigneur qu'il était toujours bien blessé. Mais le Dúnadan finit par s'en sortir, et la porte fut enfin fermée. Tous s'élancèrent à la poursuite des géants, y compris Rob, qui avait été repéré par Vif à cause du bruit qu'il faisait en respirant.

A l'intérieur, un grand couloir menait à diverses pièces, dont une qui pouvait passer pour un salon, et dans lequel un foyer devait servir à faire cuire différents gibiers. Un couloir menait vers des cavernes plus en profondeur, d'où des bruits émergeaient - un autre géant arrivait. Ou plutôt une géante, habillée d'un tablier de cuir, comme si elle venait de travailler la pierre ou le métal. Elle fut mise au courant par celui qui était son mari et le père des deux autres, plus petits. La mère parlait mieux le ouistrain que son homme, et les échanges en furent facilités.

De la viande séchée fut sortie et un feu fut préparé pour faire rôtir un bouquetin, et les différents protagonistes firent plus ample connaissance. Les aventuriers racontèrent plus en détail leur combat contre le dragon, mais aussi les hommes qui les suivaient, et en particulier les sorciers parmi eux. Et leur besoin d'un refuge pour pouvoir panser leurs plaies et se reposer. En fin de compte, les géants leur montrèrent une pièce qui serait leur chambre pour aussi longtemps qu'ils souhaiteraient rester. C'était la pièce de leur premier fils, que le dragon avait mangé...

3 - Hôtel de luxe
Au bout du compte, Narmegil et ses compagnons restèrent deux jours entiers chez les géants. Avant de se coucher, ils avaient insisté sur leurs poursuivants, mais le chef de famille était allé s'en occuper, et son épouse était très confiante dans sa capacité à gérer la chose. Et effectivement, il s'était bien amusé à envoyer de lourds rochers vers les poursuivants, qui avaient dû faire demi-tour et abandonner la poursuite. Même si cela n'empêchait pas de rester prudent, tout risque immédiat semblait désormais écarté.

Avec sa magie, de l'athelas et du temps, la guérison de Grandes-Gigues fut spectaculaire. Au bout d'une journée il était pratiquement en pleine forme. Il aida aussi à soigner les uns et les autres, et tant les blessures physiques que l'épuisement moral furent bientôt réduits à des souvenirs - pour l'essentiel. Geralt se sentait revivre, donnant tout son temps à son occupation favorite qui était de ne rien faire. Entrecoupée de moments où il s'adonnait à sa deuxième occupation préférée, qui était de râler...

Pourtant, il avait peu de raisons de se plaindre. Il avait cru perdre sa peau de dragon, à laquelle il tenait beaucoup, mais en fin de compte les géants avaient accepté de la rendre. En échange, le noble Dúnadan leur avait remis un sac de pierres précieuses trouvées dans le trésor du dragon. Il y en avait bien deux livres, ce qui aurait pu s'échanger peut-être contre mille pièces d'or voire plus ! Une fortune... Mais les géants furent enchantés du cadeau et se révélèrent des hôtes encore plus accueillants et aidants.

Ce fut aussi le renouveau de l'idylle entre Isis et Narmegil. Les épreuves passées les avaient rapprochés, et ils appréciaient de se retrouver et de pouvoir consacrer du temps l'un à l'autre. Ils purent prendre un bain ensemble - dans une marmite de plus de deux mètres de haut ! - et bien plus. Même si la proximité de leurs amis et le manque d'intimité les gênaient un peu. Ils allèrent parfois s'isoler à l'extérieur, en dépit du grand déplaisir du Dúnadan pour la neige, qui lui rappelait toujours la perte de ses parents.

Au final, si l'hôtel fut donc horriblement coûteux, il se révéla parfaitement adapté à leurs besoins. Et il laissa assez de tranquillité d'esprit à Grandes-Gigues pour parler enfin de lui et de ses origines. Mais aussi pour lire le grimoire laissé par son ancêtre, et faire part de tout ce qui était écrit à ses compagnons. Tous apprirent des choses étonnantes, concernant leur compagnon mais aussi les objets qu'ils avaient trouvés dans la retraite du roi caché des elfes. Roi dont le descendant se tenait parmi eux.

4 - Origines
Le vrai nom de Grandes-Gigues était Sîralassë. Il avait grandi à Fondcombe, né d'un père distant et d'une mère qui n'était plus. Ce même père avait grandi auprès du seigneur Elrond : lorsque sa mère à lui (la grand-mère de Sîralassë) s'était languie de trop de solitude et s'était éteinte, l'enfant d'alors et père du soigneur d'aujourd'hui avait été confié à Elrond, en souvenir d'un très lointain service similaire et d'une amitié encore bien vivante. Car le grand-père de Sîralassë était Maglor, second et seul fils survivant (sur sept) de Fëanor, le plus grand de tous les forgerons elfiques ayant jamais vécu. C'était Maglor ce "roi caché des elfes" qui avait écrit le grimoire et réalisé la retraite magique et les runes qui l'avaient détruite.

Fëanor était le premier elfe à naître sur ce monde, et son père était Finwë, un des cent quarante-quatre elfes sans parents, nés de la volonté d'Eru. C'était l'un des trois grands rois elfes sous le ciel de l'époque, et le chef des Noldor. Finwë avait eu d'autres enfants d'une deuxième épouse, et de nombreux petits-enfants généralement très célèbres... comme Galadriel. Maglor - le grand-père de Sîralassë - et Galadriel étaient cousins germains.

Le soigneur de l'équipe avait donc une parenté assez fameuse, la lignée dont il descendait était une des plus connues chez les elfes. Son trisaïeul (Finwë) était un des premiers et des plus grands elfes ayant jamais existé - et le premier à avoir été assassiné. Son bisaïeul (Fëanor) avait fabriqué d'innombrables joyaux incomparables, tels les silmarils, qui contenaient la lumière des arbres, et les palantíri, les pierres de vision lointaine. Son aïeul (Maglor) était le plus grand chanteur et poète après Daeron de Doriath, et le dernier encore vivant sur la Terre du Milieu à avoir tenu un silmaril... avant de le lancer dans la mer.

Mais cette lignée était maudite et condamnée à l'exil. Suite au vol des silmarils par Morgoth et aux serments qu'ils avaient prêtés, Fëanor et ses fils avaient entraînés les elfes dans une guerre atroce, y compris contre les leurs. Pour accéder à leurs fins, ils avaient perpétré trois massacres des elfes par les elfes. Dans le dernier, celui des Havres de Sirion, Maglor, que ces massacres écœuraient mais qui était tenu par son serment, avait recueilli et protégé Elrond et Elros, les fils d'Eärendil. La porte de l'ouest lui était à jamais fermée, il ne reverrait jamais Valinor, demeure des Valar et de nombreux elfes. Sa descendance non plus... sauf si elle parvenait à racheter en partie les fautes de ses aïeux.

En fait, lorsque Grandes-Gigues avait cru mourir dans la retraite, son esprit s'était envolé vers l'ouest, où il espérait retrouver sa mère. Mais des esprits l'avaient arrêté et renvoyé vers son corps, et ils lui avaient fait comprendre que la voie n'était pas ouverte pour lui. Le souvenir qu'il en avait était flou, mais il en retenait que pour pouvoir aller à l'ouest jusqu'à Valinor, il lui faudrait œuvrer à la chute d'au moins trois grands esprits des ténèbres. Des esprits comme celui de Fercha, mais il en existait bien d'autres...

Parmi les elfes de la Terre du Milieu, même au troisième âge, les souvenirs des atrocités commises par la lignée de Fëanor étaient encore bien vivaces. De nombreux elfes comme les survivants et exilés de Doriath - siège du deuxième massacre - ne verraient peut-être pas d'un bon œil cette lignée perdurer. Il n'était pas interdit de penser que des elfes de Lorien, de la Forêt Noire et d'ailleurs seraient prêts à mettre fin aux vies de Sîralassë et de son père, pour s'assurer que de tels événements ne puissent plus se reproduire. Si jamais le secret de la parenté de Sîralassë venait à être découverte, une guerre entre les elfes n'était pas à exclure...

5 - Révélations
Mais le livre de Maglor ne faisait pas que rappeler ces éléments. Il parlait aussi du passé plus proche du grand elfe et grand-père de Sîralassë. Son amour caché et l'enfant qui en était né, remis à Elrond à la mort de la mère. L'accueil et l'amitié pour la famille Eldanar, au début du 3e âge. La découverte du "morceau d'étoile"et la fabrication de la retraite magique. Et la réalisation de la forge, la fabrication de divers objets magiques, et l'ivresse de la magie... d'Illuin. Car pour Maglor, le "morceau d'étoile" n'était autre qu'un fragment d'Illuin, une des deux lampes magiques fabriquées par les Valar pour illuminer le monde avant les Arbres, et que Morgoth avait brisées.

Cette magie des premiers âges de la Terre du Milieu était pure et puissante, mais bien trop pour des elfes ou des mortels. Maglor racontait ainsi comment l'utilisation de cette magie formidable était comme une drogue à laquelle il avait succombé. Mais un éclair de lucidité et un énorme effort de volonté lui avaient permis de se rendre compte du péril et de regagner ses sens. Il avait alors utilisé toute cette magie - malgré le risque - et ses grandes compétences pour tracer des runes magiques qui seraient la fin de cette retraite. Mais, trop affecté par toute cette magie et ce qu'il avait vécu là, il n'avait pu se résoudre à déclencher la destruction de la retraite, et il avait laissé ce soin à ses descendants...

Maglor parlait également de ses réalisations, du moins celles qu'il laissait derrière lui, et les raisons de les laisser là :
- le luth, pour son côté peu discret - par ailleurs il préférait la harpe
- l'arc, là encore pour son côté peu discret, et son aspect guerrier, qu'il voulait oublier
- la fiole, car son eau était une drogue trop puissante et dangereuse
- l'anneau, car la dépendance qu'il entraînait pour cette puissante magie était trop forte

Mais le grand-père de Sîralassë laissait aussi derrière lui un autre objet formidable, qui ne venait pas de lui : Aeglin ("chant cruel"), une puissante épée forgée à Gondolin, qu'il avait prise à un seigneur elfe lors des massacres de Sirion. Cette épée était bien trop facile à reconnaître avec toutes ses runes, et une fois de plus c'était un objet qui symbolisait la guerre et la mort. Et elle lui rappelait trop les tueries auxquelles il avait pris part. Aussi la laissait-il derrière lui, en demandant à son descendant de la remettre à ses véritables propriétaires : Círdan le charpentier, ou bien Elrond le demi-elfe, ou encore un des rois de Gondor ou d'Arnor.

A travers toutes ses expériences, Maglor exprimait sa souffrance et ses regrets. Mais à travers ses lignes il mettait clairement en garde contre le désir de puissance et le piège de la magie. Etre puissant donnait plus de responsabilités mais ne facilitait pas la vie, si le savoir ou la puissance n'étaient pas guidés par une grande sagesse. Pour lui, les objets magiques puissants n'étaient rien d'autre que des leurres, des pièges capables de corrompre les cœurs innocents. La puissance n'était rien sans la maîtrise, et le pouvoir mal utilisé n'apportait que souffrance et destruction.

6 - Destination
Les écrits de Maglor avaient de quoi laisser songeur. Mais au moins, certains de ses efforts n'avaient pas été vains : l'amitié et les connaissances qu'il avait partagées avec la famille Eldanar avaient bien servi à travers Narmegil, et les runes de destruction avaient été activées en fin de compte. La magie du fragment d'Illuin était là où elle ne risquait plus de servir. Restait d'autres objets dont il fallait trouver une destination. Et au-delà des objets, l'équipe devait choisir le chemin à prendre bientôt : tous avaient guéri et s'étaient reposés, et qui savait ce que les sbires d'Angmar avaient préparé pendant ce temps ?

Pour Narmegil, la destination était claire : retourner en droite ligne chez lui, dans l'Arthedain. Pour y renseigner son roi sur les événements passés, se marier, et préparer la venue de leur enfant à Isis et lui. Bref, la direction à prendre était le sud-ouest. Pour Grandes-Gigues/Sîralassë, la destination était toute autre : il fallait sans tarder aller à Fondcombe pour parler de tout cela au seigneur Elrond, et demander son aide et ses conseils. La nature exacte et les dangers des objets qu'ils transportaient devaient être levés le plus vite possible, et l'un des objets devait lui être remis. Direction : sud à travers le Rhudaur, et légèrement vers l'est.

Les autres se plaçaient entre ces deux extrêmes. Drilun était très attiré par ce qu'il avait entendu dire de Fondcombe et des forgerons elfiques. Vif, au contraire, pensait qu'elle se sentirait mal à l'aise avec Maggy et Frolic, deux personnes mordues par le loup-garou et contaminées par cette maladie, et qui devaient se trouver auprès de maître Elrond. Geralt était attaché à Sîralassë pour la magie des soins qu'il pratiquait, Isis voyait un passage à Imladris d'un œil plutôt favorable, et Rob s'en fichait du moment qu'il avait à manger et de quoi exercer ses talents.

La route avait aussi son importance. Le chemin de Narmegil était une plaine infestée d'orcs sans grand abri pour se cacher, des crebain entre autres. A l'aller ils n'étaient pas très importants, et là ils avaient tout Angmar aux trousses en plus. Par contre la voie était rapide. A l'inverse, la traversée du Rhudaur jusqu'à Fondcombe, à travers les contreforts des Monts Brumeux, comportait de vastes étendues sauvages et accidentées où il était facile de se cacher. Mais aussi de nombreux ennemis - la plupart des habitants du Rhudaur, entre autres - et il était facile de se perdre et de faire des détours. Une route longue et inconnue.

Au final, il fut convenu d'aller plein sud à travers le Rhudaur, vers la Grande Route de l'Est. Le chemin serait difficile mais offrirait de nombreuses cachettes. Une fois sur la grande voie, il serait alors facile de choisir entre l'est et Fondcombe, ou l'ouest et l'Arthedain. Et Angmar serait trop loin pour représenter une réelle menace. Cela risquait de prendre peut-être un mois, il y aurait sans doute de mauvaises rencontres, mais cela paraissait le plus sûr. Et certains comme Vif espéraient retrouver Elosian et ses chetmíg pour les aider peut-être.

7 - En chemin
Le début de leur trajet serait rapide et sûr : les géants chez qui ils demeuraient avaient accepté de les aider. Le chef de famille les amènerait au pied des montagnes les plus proches, voire plus à l'ouest. Avec sa présence à leurs côtés et sa connaissance des montagnes, ils ne risquaient pas grand chose... sauf peut-être de se faire repérer plus facilement. Les orcs et hommes d'Angmar ne s'approcheraient sans doute pas, mais ils pourraient peut-être les suivre. Aussi fut-il décidé de partir de nuit, et au plus vite.

Les aventuriers se firent remettre de bonnes quantités de viande séchée, de quoi voir venir une petite semaine avant de devoir trouver des sources de nourriture. Ils s'étaient reposés, nettoyés, et certains avaient même pu nettoyer ou raccommoder leurs vêtements. Ils partirent donc de nuit à travers les montagnes. Le hobbit resta tout du long sur l'épaule du géant, qui transportait parfois ou aidait les autres aux endroits les plus difficiles. La nuit étant longue en cette saison, ils arrivèrent à leur destination alors que l'aube se dessinait à l'est, derrière la chaîne principale des Monts Brumeux. Le géant leur souhaita une bonne route et repartit dans les montagnes.

Le secteur était encore trop près du mont Gram, et donc les orcs n'étaient que trop présents. Il n'était pas question de se reposer, mais il fallait profiter du jour pour avancer, d'autant que le soleil était présent dans le ciel et gênerait les orcs. Quant aux autres poursuivants, il faudrait se cacher des crebain, et faire confiance à la magie d'Isis pour repérer à distance les ennemis à deux et quatre pattes et les éviter. Et ainsi fut-il fait, et avec succès au départ. Bien que cela obligeait à faire parfois de nombreux détours et à se cacher régulièrement, ce qui ralentissait l'allure.

Mais la chance ne dura pas. Au bout d'un moment, un vol de crebain finit par repérer les héros, et ils les suivirent en croassant. Ce qui certainement allait attirer du monde, même si la nuit les volatiles s'en iraient. Mais du coup, comme il n'était plus question de discrétion, l'allure fut plus rapide. La journée fut calme et à la nuit Isis entreprit de trouver magiquement un abri - une grotte. Mais à ses abords, des signes indiquèrent que la grotte était occupée, et plus précisément par un plantigrade. En bref, c'était la tanière d'un ours, qui chargea l'équipe dès qu'il sentit les intrus.

Mais cet ours noir n'était aucunement une menace pour l'équipe, et il n'eut pas le temps de porter une attaque qu'il était par terre et sans vie. L'ours se révéla être en fait une ourse, et sa descendance était présente en arrière, un ourson que Vif essaya de consoler, avec un certain succès d'ailleurs. Ce qui ne lui laissa qu'un bref répit, car plus tard, lorsque les aventuriers finiraient par partir, l'ourson ne voudrait pas les suivre et il serait achevé.

8 - Combats
Entre-temps, la tanière était confortable et tous étaient bien fatigués, à l'exception de Rob qui s'était plutôt reposé sur l'épaule du géant la nuit passée. Ils s'endormirent tous à l'exception de deux veilleurs, pris à tour de rôle, pour que tous puissent se reposer. Mais si les premières heures furent tranquilles, les sens exercés de certains les avertirent d'un danger. Un danger qui approchait sournoisement, sous la forme d'orcs - de nombreux orcs. Bientôt, toute l'équipe fut prête au combat.

Mais ce dernier ne dura guère : l'entrée était étroite et une seule personne comme le Dúnadan pouvait facilement bloquer le passage, sans parler des flèches lancées par ses amis. Voyant qu'ils étaient repérés, les orcs avaient foncé dans le grand guerrier, sans le faire bouger d'un pouce. Après un moment, les corps amoncelés gênaient même la progression des orcs, et ces derniers avaient fini par refluer et abandonner le combat. Et nos héros avaient pu terminer leur nuit, même si les plus perceptifs sentaient bien que leurs ennemis n'étaient pas loin.

En fait, sur le matin, Rob était sorti en catimini, et il avait repéré de nombreux orcs - des dizaines - armés de frondes, d'arcs ou simplement de pierres. Ils encerclaient l'entrée et attendaient que quelque chose en sorte, et bien sûr il n'y avait pas d'autre issue. Mais la journée promettait d'être belle, et Narmegil et ses amis décidèrent d'attendre, à la grande joie de Geralt. Le soleil se leva et inonda la scène, au grand déplaisir des orcs. Puis le Dúnadan sortit derrière son bouclier, protégé par sa magie également. Les projectiles plurent, mais aucun n'arriva à le toucher. Une sortie fut faite qui dispersa les orcs, et l'équipe put tranquillement continuer sa route dans le soleil et la bonne humeur.

Mais plus tard, un autre affrontement eut lieu. Non pas avec des orcs, handicapés en plein soleil, mais avec des cavaliers d'Angmar, une trentaine environ. L'équipe put trouver un terrain accidenté qui gêna les cavaliers et les empêcha de les charger, mais c'étaient de redoutables guerriers. Tous les aventuriers durent combattre, et certains ne durent leur salut qu'à leurs talents d'esquive. Mais au final les pertes furent lourdes pour les cavaliers d'Angmar alors que leurs adversaires n'écopaient dans le pire des cas que de blessures légères. Le combat fut rompu et les cavaliers survivants s'enfuirent.

Mais un blessé fut maintenu en vie, afin de pouvoir lui soutirer des renseignements. Par ailleurs, quelques chevaux avaient pu être pris aux cavaliers. Vif avait même réussi à prendre l'un d'eux à son propriétaire en plein combat : plongeant sous son attaque, elle s'était relevée et avait réussi à sauter en croupe du cheval, au grand dam du cavalier armé d'une lance. Il n'avait pas eu le temps de changer d'arme qu'il écopait d'une très méchante blessure à la nuque, qui le fit passer de vie à trépas. Même petites, les griffes de la Femme des Bois, sous sa forme semi-féline, n'en étaient pas pour autant ridicules. Et elle commençait à savoir s'en servir.
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Barad Eldanar - 15e partie : fuite vers le sud

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1 - Des loups dans la brume
Le prisonnier, une fois soigné, commença par faire celui qui ne comprenait pas ce qu'on lui disait. Mais il s'avéra vite qu'il entendait assez bien le ouistrain, néanmoins. Narmegil l'intimida par diverses menaces, tant et si bien que l'homme se mit à trembler et laissa échapper quelques mots de frayeur, mais rien de consistant. Grandes-Gigues/Sîralassë choisit alors la méthode douce, et les belles paroles rassurantes du soigneur séduisirent le cavalier, qui se mit à parler.

Mais l'homme n'avait pas grand chose à dire qui ne pouvait être deviné : une partie non négligeable d'Angmar était à leur recherche, tant les humains que les orcs, plus ou moins bien coordonnés. Après l'avoir dépouillé de son équipement, l'homme se vit offrir la vie sauve avec même quelques vivres. Incrédule, il commença à partir, lentement d'abord, puis en courant, malgré sa blessure. Certainement, il verrait les elfes et leurs amis d'un autre œil à présent ! Les prendrait-il comme modèle ou jugerait-il que ce ne sont que des faibles ? Une question à laquelle le groupe aurait du mal à répondre, sans doute.

Alors que les uns et les autres s'apprêtaient à continuer le voyage en selle plutôt qu'à pied, de la magie proche fut ressentie, et de manière particulièrement nette par le Dunéen : il reconnut la magie du loup-garou, non loin, qui modifiait le temps afin de les gêner... Et effectivement, après un temps assez court, de la brume s'éleva autour d'eux et leur masqua le paysage et la lumière du soleil. Heureusement, Drilun fit un sort qui repoussa en partie le brouillard, limitant la gêne qu'il leur causait pour chevaucher.

Les sens de Vif permirent quand même aux aventuriers de déterminer la bonne direction à suivre, et ils furent partis. La présence magique du loup-garou ne faiblissait pas, et il continuait à utiliser sa magie, qui se manifestait soit par de la brume, soit par des hurlements de loups. Cette menace ne faiblissait pas, mais elle suivait le groupe toujours à distance, dans une zone de collines escarpées et de landes de bruyère. Mais après deux-trois heures, tout changea très vite.

Des hurlements sauvages et puissants retentirent sur un côté. S'ils n'avaient rien de très magique, leur côté intimidant fut particulièrement efficace : les chevaux hennirent et prirent tout de suite le galop, dans la direction opposée aux hurlements. Non sans avoir au préalable tenté de se débarrasser de leurs cavaliers ! Ce fut ainsi que Drilun, pas vraiment habitué aux chevaux, se retrouva sur le plancher des vaches, endolori mais sans blessure grave. Tandis qu'il voyait la plupart de ses amis disparaître dans le brouillard, il entendait de nombreux loups arriver à l'opposé, dans sa direction...

2 - Piège
Le cheval qui portait Vif et Isis était peut-être parti le plus vite, et les deux cavalières n'arrivèrent pas à tenir sur le dos de la monture. Mais la forme semi-féline de la Femme des Bois lui permit de se rattraper à l'encolure du cheval et d'empêcher son amie de tomber. Elles purent ensuite remonter sur le cheval au galop, mais pas du tout infléchir sa course. Narmegil et Sîralassë, de leur côté, utilisaient magie et compétences pour calmer leur monture et faire demi-tour après un moment, dans la brume. Seul Geralt, accompagné de Rob, arriva très vite à maîtriser sa monture et l'empêcher de partir dans la brume. Il réussit même à attraper les rênes du cheval de Drilun et à l'arrêter.

Le Dunéen, voyant ses amis avec son cheval et sa seule planche de salut, se releva et se mit à courir le plus vite possible. Derrière lui, les wargs entraient dans la zone libre de brume, réduisant dangereusement l'écart avec leur proie. Mais l'archer-magicien réussit à monter sur son cheval qui partit à toute allure sans demander son reste. De son côté, Geralt fit repartir son cheval, non sans agiter son arme pour éloigner les wargs. Ces derniers restèrent sur leurs traces, à quelques dizaines de mètres, dans une folle course à travers la brume, sauf autour du Dunéen où cette dernière s'écartait.

Lorsque Narmegil et Sîralassë sortirent de la brume sur leurs chevaux conduits en sens opposé, la surprise fut brève mais pas fatale : les cavaliers arrivèrent à s'éviter, et Dúnadan comme elfe purent faire faire demi-tour à leur cheval et éviter les wargs. Bientôt l'équipe fut donc réunie, poursuivie de près par au moins une vingtaine de loups enchantés et menaçants. Il ne manquait que les deux femmes du groupe, qui avaient pris de l'avance et chevauchaient dans la brume, qui les empêchait de voir même le sol.

Ce vers quoi l'elfe tourna sa magie : elle aussi lança un sort afin de faire s'écarter la brume. Il était plus puissant que ce que son ami Drilun avait fait, grâce à l'anneau qu'elle portait au doigt. Petit à petit, le brouillard commença à s'écarter de plus en plus loin d'elle. Mais Vif était inquiète : le terrain changeait, après avoir monté il semblait commencer à suivre une pente inverse, et elle entendait les sons comme si un grand vide approchait... Vide qui se matérialisa non loin du cheval, qui n'avait en aucune manière commencé à ralentir, malgré les efforts de Vif en ce sens. Bref, il fonçait vers un ravin !

Les deux femmes ne trouvèrent leur salut qu'en se laissant tomber de cheval. Toutes deux plus ou moins bonnes acrobates, elles s'arrêtèrent sans trop de mal avant le bord d'une belle descente raide et rocailleuse. Leur cheval, quant à lui, se trouva un moment en train de battre des quatre fers en l'air, avant de s'abattre en contrebas avec un hennissement, suivi de bruits de craquements d'os et de déchirures de tissus... Puis le silence... vite interrompu par le bruit d'une cavalcade qui venait dans leur direction, le tout accompagné de hurlements. Le reste de la troupe arrivait !

3 - Combat
Les autres membres du groupe entendirent bientôt des cris proches qui provenaient de la brume au-devant. Trois cavaliers comprirent l'alerte criée par leurs amies, et ils ralentirent leur cheval. Mais le Dunéen, pas à son aise sur un cheval sur lequel il exerçait un contrôle à peu près nul, ne comprit les cris - et le danger - que lorsqu'il vit ses amies apparaître... avec le vide un peu au-delà d'elles. Il se décida à sauter au plus vite, bien que lui n'avait rien d'un acrobate ! Heureusement, Vif arriva à sa hauteur et l'aida à tomber sans trop se faire mal. Le cheval suivit la même voie que son collègue peu avant lui, et les mêmes bruits indiquèrent une fin similaire.

La pente était raide mais pas à même de faire peur à un bon grimpeur, ce que n'étaient pas les loups. C'est pourquoi Vif choisit de descendre là où leurs poursuivants ne pourraient l'atteindre. Accessoirement, cela lui permettrait de récupérer leurs affaires - du moins celles restées intactes. Drilun ne pouvait d'ailleurs s'empêcher de penser à ses flacons d'encre de qualité, dans une boîte en bois au fond du ravin... Mais il avait aussi d'autres sujets de préoccupation plus urgents.

Les deux nobles réussirent à arrêter leur cheval et à en descendre en un temps record, tandis que Geralt bataillait à cheval, l'épée à la main. Les deux chevaux sans cavalier s'enfuirent dans la brume alors que le combat s'engageait, et celui de Geralt décida d'en faire autant - mais avec ses cavaliers. Isis et Drilun firent voler leurs flèches, Narmegil et Sîralassë combattaient, aidés par leur magie, mais les loups étaient plus nombreux et commençaient à passer les défenses de certains. Si les premières blessures furent légères, elles en annonçaient d'autres, peut-être bientôt plus graves.

Ailleurs dans la brume, un autre drame se jouait : les sens aiguisés de l'homme aux cheveux blancs (Geralt) lui permirent de percevoir au dernier moment la silhouette d'un énorme loup, alors qu'elle se jetait sur lui ! Avec toute la technique dont il était capable, il arriva à repousser le monstre avec son épée. Monstre qui n'était autre que le loup-garou qui les avait déjà suivis par le passé. Puis il fit faire un tour dans le brouillard à son cheval et se dirigea en direction des bruits qui émanaient du lieu du combat auquel le reste du groupe participait - à l'exception de Vif.

Lorsque le cheval de Geralt entra dans la zone sans brume, Rob, toujours sur le cheval auprès de son ami, aperçut le loup-garou derrière eux qui bondissait. Il préféra se laisser tomber et aperçut le corps lupin passer au-dessus de lui... jusqu'à la croupe du cheval dans laquelle il enfonça sa puissante mâchoire. En fait il brisa la colonne vertébrale de l'animal, qui chuta instantanément, et son cavalier avec lui. Bon acrobate lui aussi, Geralt ne se fit pas trop de mal. Mais il trembla quand, à plat ventre par terre, il remarqua les pattes puissantes à ses côtés, qui attestaient de la présence du loup-garou au-dessus de lui...

Conscient du danger imminent qui menaçait son ami, Drilun, assez proche, saisit une nouvelle flèche. Il hésita un peu entre le loup-garou et un warg qui lui bondissait dessus... puis il tira sur le loup-garou. Il ne fit qu'une estafilade au monstre, pas assez pour le blesser mais suffisamment pour laisser un délai suffisant à Rob pour prendre une flèche à son tour, et tirer. Il était dans le dos du monstre, et la flèche se ficha dans son arrière-train. Le loup-garou émit un hurlement de douleur, et, lâchement, il préféra s'enfuir dans la brume, suivi par les wargs survivants.

4 - Alliés inattendus
Après un moment, la brume finit par se lever complètement, ce qui permit de repérer et récupérer les deux chevaux qui s'étaient enfuis. En bas du ravin, Vif avait eu tout le loisir de retrouver les cadavres des deux chevaux qui étaient tombés, et le matériel qu'ils portaient - ce qu'il en restait. Après un petit bilan, la route fut reprise, bientôt accompagnée par des crebain que la brume avait tenu à l'écart un moment. Mais le soleil baissant sur l'horizon, il fallut trouver un abri.

Ce fut une grotte peu profonde qui servit pour cela. C'était plus un renfoncement sous un gros rocher qu'une grotte fermée, et tous pouvaient voir l'extérieur sur près de 180°, même si Vif apporta un maximum de végétaux pour les masquer un peu à la vue. Rapidement, tous partirent se coucher, en comptant entre autres sur les oreilles fantastiques de Vif pour les alerter en cas de danger. Et puis les elfes prirent le relais et gardèrent le groupe ensommeillé.

Mais comme tous s'y attendaient, le repos fut interrompu : des orcs et wargs montés arrivaient dans leur direction, et la bataille semblait inévitable avant même la minuit. Les orcs étaient nombreux, et les loups et leurs cavaliers n'étaient pas à prendre à la légère. Ces derniers chargèrent, laissant leurs congénères à pied quelques centaines de mètres en arrière. Ce qui incita la demi-féline à prendre les hauteurs et à grimper sur le rocher qui les surplombait, à un endroit que les loups ne pourraient atteindre.

Mais auparavant, la Femme des Bois avait perçu autre chose : grâce à ses yeux perçants qui voyaient encore mieux dans la nuit que les elfes, elle avait distingué d'autres protagonistes, plus discrets. Ces derniers semblaient connaître le coin et ils s'étaient juchés sur une hauteur rocailleuse qui surplombait le passage des orcs. Et tandis que les wargs s'élançaient, les hommes s'étaient dressés au-dessus des orcs pour les bombarder de pierres et déclencher des avalanches sur leur armée.

Les wargs montés perçurent vite le changement dans la situation, et ils firent demi-tour pour aider leurs collègues. Mais la moitié des loups refusaient de faire demi-tour et se débarrassaient de ses cavaliers : une odeur particulière rendait ces loups complètement fous et ils montaient à l'ascension du rocher sur lequel Vif avait grimpé. Les autres loups montés chargeaient les hommes, rééquilibrant un peu le conflit. Ce qui motiva Narmegil et certains de ses amis parmi les plus guerriers à intervenir : ils s'élancèrent dans la bataille à leur tour. Pris en tenaille de toute part, la petite armée des orcs ne fit pas un pli, et aucun ne s'échappa vivant.

5 - Jugement
Lorsque les combats prirent fin, les vainqueurs se regardèrent, non sans tension. Car si Narmegil et ses amis avaient été une aide certaine, leur présence n'était pas considérée comme la bienvenue : les hommes présents étaient des Hommes des Collines, xénophobes, avec une dent particulière contre les Dúnedain comme Narmegil ou les elfes comme Isis et Sîralassë. De plus, certains guerriers considéraient que l'arrivée des orcs était due à ces intrus, et qu'il fallait les tuer avant qu'il n'en arrive d'autres. En effet, l'armée humaine s'était formée suite au dérangement et aux menaces causés par les orcs.

La communication s'établit néanmoins : quelques guerriers parlaient assez bien le ouistrain ou le dunéen pour pouvoir échanger. Les aventuriers mirent en avant un principal point commun : les orcs étaient tous leurs ennemis, et leur maître Angmar de même. Ils avaient effectué une mission contre Angmar dont les Hommes des Collines ne pouvaient que se réjouir, et d'ailleurs ils avaient été hébergés par une de leurs tribus plus au nord, à qui ils avaient rendu service. Et Sîralassë ne ménageait pas sa peine pour soigner les blessés présents.

Enfin, jouant sur la superstition de leurs interlocuteurs, ils évoquèrent l'appui des forces divines, et en particulier l'esprit des grands félins, les chetmíg. La présence de Vif, toujours sous sa forme demi-féline, venait appuyer leurs prétentions. Mais si les guerriers humains étaient nombreux à se sentir intimidés par la présence d'une telle magie, certains accusaient les aventuriers de n'être que des imposteurs et d'utiliser la magie elfique pour les tromper ! En fin de compte, il fut décidé de tous aller dans un village, où les anciens jugeraient.

Après quelques heures, toujours de nuit, la troupe arriva dans un village d'Hommes des Collines. Un feu fut allumé, malgré un temps un peu humide et quelques gouttes parfois. Au centre d'un grand cercle d'Hommes des Collines, Narmegil et ses amis plaidèrent leur cause et expliquèrent à nouveau la mission qu'ils avaient accomplie contre Angmar - la libération des chetmíg. Des rumeurs de leurs exploits étaient parvenus jusqu'ici, qui jouaient en leur faveur, mais certains continuaient à crier à la magie et à l'imposture.

Pour le prouver, un guerrier plus agressif que les autres demanda à faire la preuve de cette imposture par un duel avec le demi-félin. Duel qui fut accepté, malgré les avertissements des amis de Vif, et en particulier Sîralassë : le dieu des chetmíg risquait de ne pas apprécier, et le guerrier pourrait ne pas survivre ! Pour appuyer ces propos, Drilun avait manipulé magiquement les flammes pour faire apparaître une tête de chat qui faisait montre d'agressivité envers le guerrier. Manifestement impressionné mais peut-être trop têtu pour changer d'avis, l'homme prit son épée et fit face à son adversaire.

La Femme des Bois montra alors qu'elle méritait bien son nom : elle plongea à côté de l'homme en esquivant son attaque, pour se retrouver debout derrière lui. Et avant qu'il arrive à se retourner, elle lui lacéra le dos de ses griffes. L'homme tomba à terre, puis il commença à se relever, mais il saignait tant qu'il était évident que le combat était terminé. Le soigneur s'occupa de l'homme et arriva à juguler la blessure avec sa magie et de l'athelas, et l'équipe fut considérée comme amie, et la bienvenue.

6 - Deux semaines à travers le Rhudaur
Pour la deuxième fois, les aventuriers avaient montré aux Hommes des Collines qu'ils étaient leurs alliés. Et ils n'eurent pas à le regretter. Pendant toute la semaine qui suivit, l'équipe avança de village en village, guidée par des Hommes des Collines, et toujours sous bonne compagnie. Ils voyageaient toujours de nuit : les alliés des aventuriers avaient l'habitude des embuscades nocturnes et ils connaissaient bien le terrain même sans grande lumière. Narmegil et ses amis purent ainsi progresser plus vite qu'ils n'auraient jamais pu le faire par eux-mêmes.

La poursuite menée par les hommes et orcs d'Angmar fut réduite à sa plus simple expression : de nuit, les crebain ne voyaient rien, et le jour, les aventuriers étaient bien abrités. Et comme ils voyageaient sous bonne escorte et sur des terres contrôlées par les Hommes des Collines, les orcs ou les wargs ne s'y risquaient pas de trop près. Et de jour, les cavaliers d'Angmar n'étaient pas les bienvenus et ne voyaient rien, d'autant que le terrain ne convenait pas aux chevaux la plupart du temps.

Après une semaine à ce rythme-là, le terrain changea : c'était la région des Fourrés aux Trolls, beaucoup plus boisée, où les Hommes des Collines étaient moins nombreux. Il fallut quitter ces derniers, non sans quelques remerciements. Egalement, le pouvoir central du Rhudaur était là plus présent et puissant, du moins sur les terres défrichées. Il valait donc mieux rester à couvert, et risquer de rencontrer les maîtres des bois, qui étaient ici avant tout les trolls pour lesquels la région était nommée.

Mais si ces derniers avaient un bon odorat, ils n'étaient ni discrets ni très rapides, alors que l'équipe comportait en son sein des individus parmi les plus perceptifs qu'on pouvait trouver. Vif, avec ses oreilles (partielles) de chat, entre autres, pouvait entendre les trolls bien avant qu'ils ne puissent se rendre compte de leur présence. Et des trolls elle entendit, que l'équipe évita. Une semaine passa ainsi, sans jamais quitter le couvert des arbres ni voir âme qui vive.

Pendant une semaine donc, la progression fut plus lente en raison du sous-bois assez touffu. Il fallait également s'orienter régulièrement, et les rares sentiers praticables rencontrés étaient ceux des créatures qu'il valait mieux éviter. Heureusement, Vif était très à son aise en forêt, et elle profita du temps passé pour chercher certaines herbes, et en particulier des noix de l'écureuil : c'était toujours la bonne saison (l'automne), le milieu était idéal, et elle eut la chance - ou l'œil et la persévérance nécessaires - d'en trouver quelques-unes.

7 - Obstacle
Toutes les bonnes choses ont une fin, la forêt comme les autres. Après une semaine d'un régime exclusivement forestier, les bois arrivèrent à leur terme. En cours de journée, l'équipe se trouva face à une vaste zone agricole, un grand territoire couvert de champs et de petites fermes, en partie fortifiées. Au loin, à l'aide de la longue-vue, on pouvait apercevoir une forteresse aux abords d'une autre forêt. Une grande route orientée nord-sud traversait la zone en partie et des patrouilles étaient visibles çà et là.

Les aventuriers avaient pour tout choix de traverser la zone assez peuplée et découverte, au risque de se faire repérer ; ou de faire ce qui semblait être un vaste détour par l'ouest, détour qui leur prendrait peut-être une semaine. En passant entre les fermes et les hameaux, à travers champs, il faudrait peut-être une nuit complète avant d'atteindre la forêt du sud la plus proche, et sans parler de ralentir pour être plus discret. Et sans tenir compte d'éventuelles mauvaises rencontres.

En examinant de plus près le terrain à la longue-vue, Vif eut une étrange impression. Il n'y avait plus guère de travaux des champs, vu que l'hiver était proche, pourtant les paysans étaient nombreux et pas particulièrement rapides. Plus étonnant encore, les femmes et les enfants étaient très rares, pour ne pas dire inexistants... sauf aux abords de la forteresse où elle repéra plusieurs convois de ces derniers. Il lui sembla même entrevoir des silhouettes costaudes ou des éclats métalliques dans l'ombre de certaines fermes ou hameaux...

Bref, tout cela lui donnait une impression étrange, comme un pays qui se prépare à la guerre... ou qui s'attend à une visite non annoncée. Visite qui pourrait se transformer en embuscade : si les fermiers avaient été remplacés par des guerriers, même en partie seulement, le coin pouvait vite devenir très chaud. Les gens étaient des Dunéens ou sang-mêlés du Rhudaur et il ne fallait pas s'attendre à trouver des alliés parmi eux. Il fallait aussi compter avec des chiens de ferme, voire de guerre.

Bien sûr, rien ne pouvait garantir que c'était eux que l'on attendait. Mais connaissant les liens étroits qui unissaient le Rhudaur et Angmar, et les capacités de certains sorciers... Et justement, Vif distingua un vol de corbeaux ou corneilles se diriger vers une ferme fortifiée, et y pénétrer. Et lorsqu'Isis sonda l'endroit depuis l'orée de la forêt, il lui sembla percevoir comme de légères traces de magie. Rien de bien sûr, l'endroit était éloigné, mais cela renforça son impression qu'ils étaient attendus.
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Barad Eldanar - 16e partie : l'anneau de la discorde

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1 - Désirs et tensions
Les sacs furent posés et la discussion commença : fallait-il foncer dans un piège qu'on leur avait tendu, en espérant se montrer plus forts et malins que les mages et guerriers du Rhudaur, ou faire un large détour par l'ouest, plus sûr, mais qui leur ferait perdre une semaine peut-être ? La question fut âprement débattue, les autres solutions envisagées bien vite rejetées. En fin de compte, une majorité se prononça pour la prudence et le retard. Le groupe passerait donc par l'ouest et ne se risquerait pas dans une vaste zone découverte où on les attendait.

Comme il restait deux heures avant la nuit, le groupe se déplaça vers l'ouest, en restant sous le couvert des arbres, discrètement et en effaçant toutes les traces. Puis un camp fut monté pour la nuit. L'idée était de se reposer pendant la nuit et de reprendre le voyage de jour. Tandis que chacun vaquait à ses occupations et ses besoins corporels, les pensées allaient et venaient dans les têtes. Curieusement, elles tournaient toutes, à un moment ou l'autre, autour de la montagne magique où ils avaient affronté le dragon et trouvé tant de trésors...

Mais les pensées se faisaient toutes plus précises encore, et tournaient bien vite autour d'un trésor en particulier : l'anneau magique lumineux, que la belle elfe gardait au doigt depuis qu'elle l'avait eu en sa possession, et qui amplifiait formidablement sa magie. Certains se rendirent compte qu'ils éprouvaient du désir pour cet anneau, et ils chassèrent ces pensées, étonnés. Mais tous n'arrivèrent pas à les chasser aussi facilement. Deux personnes, en fait, avaient beaucoup de mal à penser à autre chose, et elles prirent secrètement une décision...

Toutes ces pensées se traduisaient par des petites tensions, des signes et réactions anodins mais inhabituels. Les plus perceptifs du groupe remarquèrent bien quelque chose, et ils se dirent qu'il fallait peut-être rester vigilant pour la nuit à venir. Des tours de garde furent décidés, assez classiques : les elfes veilleraient à tour de rôle en premier, puis ils monteraient ensemble la garde pour le reste de la nuit. Isis se proposa pour monter le premier tour de garde, et tous allèrent se coucher.

Mais deux personnes ne dormaient que très légèrement. A un moment, Vif fut réveillée par un bruit éloigné ou un rêve, et, émergeant de son sommeil, il lui sembla percevoir au loin comme une présence qui s'éloignait. Pourtant tout était immobile, tout était calme... trop calme peut-être. Sîralassë méditait dans un coin, isolé dans un profond rêve éveillé, à la manière des elfes. Mais pas de trace d'Isis, ou plutôt si : elle semblait s'être couchée sous une couverture, à la manière des humains. Mais qui montait la garde, alors ?

Après un moment, la femme des bois se leva, percevant un mouvement parmi eux : le hobbit s'était lui aussi levé, et il s'approchait d'Isis. Voulait-il la réveiller ou lui parler ? En tout cas, il s'immobilisa soudain, et Vif s'avança pour voir la raison de sa brusque paralysie. Mais elle comprit rapidement devant la couverture rejetée de côté : Rob venait de trouver non pas Isis sous la couverture, mais des affaires diverses qui avaient été mises là pour faire penser au corps de quelqu'un d'endormi. Mais point d'Isis ici, elle avait disparu !

2 - Branle-bas de combat
Rapidement, l'équipe fut réveillée et un bref conciliabule fut tenu. Selon Vif, leur amie était partie vers le sud, d'après les traces, mais elle n'était plus en forêt. Qu'est-ce qui lui avait pris ? En tout cas, elle ne semblait pas blessée ou prisonnière, car sinon Narmegil l'aurait certainement senti, grâce au bracelet des amoureux qu'ils portaient tous deux. Non, elle était consciente - et portait son bracelet - mais le guerrier n'était pas assez réveillé pour sentir ou penser à autre chose. Apparemment, elle était partie de son plein gré.

Mais il ne fallait pas la laisser partir comme ça, ou au moins savoir ce qu'elle allait faire. Tandis que le camp était levé, la Femme des Bois emprunta sa longue-vue à Sîralassë et elle alla à l'orée de la forêt, accompagnée du hobbit. La lune était dans son premier quartier, mais le ciel nuageux masquait une bonne partie de sa lumière. Elle fouilla l'obscurité, et put voir bien des choses. Elle finit par repérer son amie, qui s'éloignait à bonne allure vers le sud : elle avait bien autour de deux miles (3+ km) d'avance, et elle semblait déterminée. Mais elle n'était pas la seule dans la plaine, loin s'en fallait.

D'une manière ou d'une autre, des gardes avaient perçu la présence de l'elfe, et une patrouille était en train de se dépêcher pour arriver à l'endroit où Isis s'était tenu peu de temps auparavant. Les gardes étaient accompagnés de chiens qui semblaient avoir reniflé une odeur, et une personne habillée différemment, pas comme un guerrier, semblait commander aux gardes et les motivait pour marcher plus vite. Comme le groupe venait de l'est, du côté de la ferme fortifiée où Vif avait vu se diriger les corvidés la veille, elle paria en son for intérieur que la personne qui commandait était un sorcier aux ordres d'Angmar...

La Femme des Bois retourna prévenir ses amis. Que fallait-il faire ? Isis avait perçu le danger, elle avait décalé sa course vers le sud-l'ouest, d'après la rôdeuse semi-féline. Mais elle s'enfonçait toujours plus en territoire ennemi, avec de nombreux poursuivants, dont un magicien. Il fallait faire une diversion le plus vite possible : un des deux chevaux fut amené, juste en bordure de forêt. Là, Drilun lança un sort, sans le dissimuler d'aucune sorte (au contraire), afin que le cheval prenne l'odeur - forte - de l'elfe pourchassée, et qu'il soit couvert de magie. Puis Narmegil envoya le cheval vers le nord-est, à l'opposé de la direction prise par Isis.

Dans le même temps, Vif se rendit compte d'une chose : mais où Rob était-il passé ? Lui non plus n'était plus avec le reste du groupe ! Elle reprit la longue-vue et scruta à nouveau les ténèbres : elle le repéra qui s'éloignait discrètement, à quelques centaines de mètres déjà, vers le sud et l'elfe qui était partie. Mais elle n'y pouvait rien, et puis elle ne s'en faisait pas trop pour lui, car il était particulièrement discret quand il voulait. Cela dit, il y avait des chiens...

Justement, les chiens : elle vit également le groupe de gardes repéré plus tôt, qui était arrivé sur d'anciennes traces laissées par Isis. Les chiens semblaient indécis, pourtant le magicien donnait de la voix et indiquait le nord, en direction du cheval qui s'éloignait à présent. Et le petit vent qui venait du nord-est apporta l'odeur magique d'Isis aux truffes des chiens, qui s'agitèrent. Brusquement ils tirèrent les gardes en avant, en direction du cheval. Dirigés tant par le magicien que par les chiens, le groupe de gardes s'élança en direction du leurre.

3 - Fuyarde déchirée
Isis, de son côté, allait d'un bon pas. Elle avait bien un pincement au cœur pour son aimé, Narmegil, qu'elle n'avait même pas pu prévenir. Mais il comprendrait, et elle lui faisait confiance pour arriver à revenir chez eux, et la retrouver là-bas, tôt ou tard. Mais il n'était plus question de rester avec cette bande d'aventuriers qui lorgnaient de bien trop près son anneau. Pas question de faire encore un détour et de rester plus longtemps avec eux, elle n'avait plus confiance.

Approchant d'une première ferme, elle perçut le grognement d'un chien, ce qui lui rappela que l'obscurité ne lui garantissait pas une discrétion à toute épreuve. Mais elle fit un sort pour masquer son odeur, et le chien se calma. En revanche, plus loin sur sa gauche, elle vit des lumières sortir d'une autre ferme, et un groupe se former et venir dans sa direction, mené par des chiens et une personne bien motivée et bruyante. Flûte ! Sûrement le sorcier soupçonné la veille, lorsque des corneilles étaient entrées dans une ferme, à la manière des crebain utilisés par Angmar pour espionner et porter des messages.

Son sortilège d'illusion olfactive fut immédiatement supprimé, pour que le sorcier ne puisse pas sentir sa présence. Elle dévia aussi sa route, de manière à aller dans le même sens que le vent et empêcher les chiens de sentir son odeur de trop loin. Et elle augmenta l'allure, afin de s'éloigner de ses poursuivants qui arrivaient à présent à l'endroit qu'elle occupait peu auparavant. Ils hésitèrent, indécis, puis soudain ils se précipitèrent vers le nord-est, à l'opposé de sa direction, les chiens aboyant bruyamment et le sorcier aboyant ses ordres encore plus fort. Zut ! A tous les coups, Narmegil et ses compagnons avaient été repérés, les idiots !

L'elfe hésita un moment, puis elle poussa un juron et fit demi-tour. Elle refit un sortilège pour masquer son odeur, mais cette fois elle le fit le plus discret possible, pour que le sorcier ne le perçoive pas. Elle s'aperçut aussi qu'un garde quittait le groupe pour se diriger vers une autre ferme proche, sans doute pour rameuter d'autres guerriers. Accélérant encore, elle intercepta l'homme tout proche de sa destination : il reçut une flèche dans le dos et mourut sur-le-champ. Elle se dépêcha alors de prendre ses affaires, qui lui allaient à peu près, pour se déguiser en guerrier du Rhudaur.

Mais d'autres gardes avaient réussi à prévenir d'autres fermes, et de l'une d'elles retentit bientôt le son puissant d'un cor. Bientôt, toutes les fermes environnantes s'animèrent et des hommes en armes en sortirent avec torches ou lanternes, l'animation faisant tache d'huile... La plupart des gardes se dirigeaient vers le nord-est, où les chiens faisaient un beau vacarme. Ça commençait à sentir le roussi ! Et à ce moment-là, une douleur fulgurante traversa le bracelet des amoureux qu'Isis portait : son aimé était gravement blessé ! Curieusement, cela venait du nord, de la forêt, et non du nord-est. Mais elle ne se posa pas de question et se mit à courir.

4 - Première embuscade
Constatant que le leurre fonctionnait bien, le reste du groupe dut prendre une décision : que fallait-il maintenant faire ? Grandes-Gigues/Sîralassë était partisan de faire le détour comme prévu, mais en partant tout de suite, et d'abandonner Isis à son sort - elle était bien assez grande pour se débrouiller toute seule. Et pareil pour Rob. Mais les autres n'étaient pas tous d'accord, loin s'en fallait. Par contre, vu la situation, il était dangereux de s'aventurer à découvert : si l'elfe et le hobbit avaient des ressources à revendre question discrétion, tous ne pouvaient en dire autant parmi les cinq qui restaient.

Au final, deux groupes furent formés : les plus perceptifs et discrets, soit Geralt et Vif, iraient à la recherche des fuyards. Et les trois autres, c'est-à-dire Drilun, Narmegil et Sîralassë, commenceraient le détour de la zone, et par conséquent ils iraient à l'ouest en restant sous le couvert des arbres. Ce qui fut fait, et le petit groupe de trois, accompagnés du dernier cheval, avança sans plus attendre, malgré l'obscurité profonde qui régnait. Bientôt ils n'entendirent plus qu'eux, sauf des bruits de cor au sud et à l'est.

Brusquement, dans l'obscurité proche, une chouette hulula. Ce fut un cri bref, comme un avertissement, et peut-être en était-ce un... Les trois amis tournèrent la tête et virent un corps puissant et silencieux qui achevait un bond immense droit sur le Dúnadan ! Ce dernier eut à peine le temps d'essayer d'esquiver l'énorme loup qui lui tombait dessus, et il sentit une morsure puissante à travers la cotte de mailles argentée. S'il n'avait eu ce réflexe à la dernière seconde, la bête lui aurait arraché la tête. Mais maintenant il était sous elle, complètement à sa merci.

Heureusement, ses amis n'étaient pas restés immobiles. Tandis que Sîralassë mangeait une noix de l'écureuil pour accroître ses réflexes et sa précision, Drilun prenait une flèche et tendait la corde de son arc. Malgré l'obscurité et le couvert forestier, il bénéficiait d'une excellente position. La taille de la bête était impressionnante, et il n'eut pas de mal à reconnaître le loup-garou qui les avait plusieurs fois attaqués. Avant que ce dernier ne porte un coup fatal à Narmegil, la flèche vola et perça le cuir du monstre, qui poussa un hurlement.

Mais la blessure n'était pas bien grave, semblait-il. L'énorme loup bondit et s'enfuit en un clin d'œil, avant que Sîralassë arrive à sa portée avec son bâton, ou avant que le Dunéen puisse décocher une autre flèche. Restait Narmegil, gravement blessé, comme il ne l'avait jamais été jusqu'à présent. Et il n'osait penser à ce que cela aurait été sans sa cotte de mailles magique, probablement du mithril. Il eut aussi une pensée pour la chouette, qui lui avait sauvé la vie. Une coïncidence ? Vraiment étonnant... Mais il fallait s'occuper de sa blessure à présent, et le soigneur s'approcha pour l'examiner.

5 - Deuxième embuscade
Au sud, Isis courait vers la forêt, n'écoutant que son cœur et son bracelet des amoureux qui lui disait que son aimé souffrait. Quand soudain, ses jambes furent bloquées par un obstacle invisible, et elle roula à terre, heureusement sans mal, juste un peu surprise et étourdie. Mais elle ne put se relever : quand elle se mit sur le dos pour voir la silhouette qui se dressait auprès d'elle, elle reconnut Rob. Il tenait une flèche encochée pointée dans sa direction, et un pied poilu posé sur elle. Dans son regard elle ne reconnut que de l'avidité...

Rob ne lui laissa pas le temps de souffler. Il lui dit qu'il ne lui voulait aucun mal, mais il fallait qu'elle lui remette l'anneau - tout de suite. Sans quoi il n'hésiterait pas à tirer et à se servir. Et il n'avait pas l'air du tout de bluffer ou de plaisanter... Mais Isis ne pouvait en aucun cas accéder à sa demande. Elle fit un geste pour lancer un sort, mais le hobbit était nettement plus rapide. La flèche partit et elle s'enfonça profondément dans l'abdomen de l'elfe, sous le sternum. La vision d'Isis se brouilla, mais par un effort de volonté elle resta consciente, mais complètement étourdie par la douleur.

Au loin, Narmegil sentit la douleur mortelle de son amour, et il repoussa Sîralassë - sa blessure pouvait attendre, celle de son aimée, non ! Il marcha vers le sud, dans la direction où il sentait Isis, grâce au bracelet des amoureux. Les émotions étaient si fortes qu'il pouvait presque voir tout ce que vivait sa belle. Derrière la douleur, vint l'agonie d'Isis lorsque Rob la dépouilla de son précieux anneau. Le hobbit s'enfuit en courant, mais l'elfe était si furieuse qu'elle vainquit la douleur et tendit la corde de son arc, encocha une flèche...

Non loin, Geralt et surtout Vif avaient suivi toute la scène. Après s'être dirigés vers le sud-est ils avaient fait demi-tour lorsqu'ils avaient perçu le cri de Narmegil dans l'embuscade du loup-garou. Puis ils avaient filé vers le sud quand Vif avait entendu le bref échange entre Rob et Isis et qu'elle avait vu ce qui se passait. Après quoi, la rôdeuse demanda à Geralt d'aller s'occuper de l'elfe blessée tandis qu'elle filait silencieusement vers le hobbit : contrairement à l'assassin qui ne voyait pas bien dans le noir, la femme des bois, sous sa forme demi-féline, ne pouvait perdre sa proie de vue.

La flèche d'Isis partit, et elle fit mouche. Mais vu la distance et l'obscurité, et les zigzags que faisait le hobbit, elle ne perça aucun organe vital. Le voleur continua sa course, et malgré la douleur Isis tendit une seconde flèche. Mais elle vit Geralt venir à elle, qui lui cria d'arrêter, que tout était sous contrôle. Épuisée, elle lui fit confiance et baissa son arc, tout en regardant avec une froide fureur Rob s'éloigner. Mais pas loin : Vif lui sauta dessus par surprise et l'immobilisa à terre. Malgré tous les efforts et la souplesse du hobbit, il ne put se dégager - il ne pouvait lutter avec un chat.

6 - Secours inattendus
Heureusement, les gardes du Rhudaur étaient un peu loin et trop occupés à courir après un cheval ensorcelé, et la nuit était nuageuse. Les ennuis ne montèrent donc pas d'un cran, bien qu'il n'eût pas fallu grand chose pour que cela se soit passé autrement. Mais la vie d'Isis était en train de courir dans l'herbe sous la forme d'un flot de sang, et Geralt se sentait inutile et incompétent - ce qu'il était pour ce cas précis. Et le temps que Sîralassë arrive, il serait sans doute trop tard. Et en plus de ça, la belle elfe semblait plus incline à aller chercher l'anneau sur le corps du hobbit, que de penser à la survie du sien !

L'homme aux cheveux blancs vit quelque chose qui ajouta encore à sa confusion : un ours était en train d'arriver dans sa direction ! Il prit alors son arme, se préparant à affronter l'animal, qui n'avait pas l'air agressif pourtant, et n'émettait pas de son. Mais il fut interpelé par la Femme des Bois : elle avait vu à côté de l'animal une ombre floue, comme magique, qui lui faisait penser à quelqu'un de connu... qui annula son sort et se présenta : Niemal se tenait devant eux, et l'ours n'était qu'un compagnon sensé le protéger. Comme pour la chouette qui volait auprès d'eux.

Le soigneur elfe s'occupa immédiatement d'Isis, enlevant la flèche et stabilisant la blessure, à l'aide de ses compétences et de sa magie. Mais l'elfe blessée ne parvenait pas à trouver le repos sans l'anneau, qu'elle réclamait et pour lequel elle n'arrêtait pas de s'agiter, rouvrant sa blessure. Il fallut que Sîralassë l'endorme, une fois arrivé, pour qu'elle se tienne enfin tranquille. Niemal s'occupa aussi du hobbit : pour la blessure reçue par la flèche d'Isis, mais aussi pour l'avidité qui l'avait fait se transformer en tueur. Son regard changea, il redevint le Rob que tout le monde connaissait, et il blêmit en pensant à ce qu'il avait fait...

Drilun, Narmegil et Sîralassë furent bientôt là, et le Dúnadan fut soigné à son tour. Son ami utilisa de l'athelas et de la magie afin de réduire la gravité des blessures et de redonner un peu de moral à certains qui en avaient bien besoin ! D'autres allèrent chercher des branches pour faire un brancard pour Isis, tandis que d'autres elfes de la maison d'Elrond, que Niemal accompagnait, arrivaient pour les aider. Ils étaient une douzaine, et le chef paraissait être un grand elfe blond à l'allure très noble, et qui s'appelait Glorfindel.

En fait, grâce entre autres à l'aide d'oiseaux et d'aigles notamment, la maison d'Elrond avait pu suivre les péripéties du groupe après la destruction de la montagne magique, perçue par plusieurs. Puis ils les avaient perdus de vue dans les Fourrés aux Trolls, mais ils avaient noté que le loup-garou les suivait, et ils s'étaient préparés à le recevoir et aider l'équipe. Mais la précipitation et la confusion des dernières heures avaient empêché la réussite de ce plan, et le loup-garou n'avait pu être intercepté. Mais à présent ils pouvaient aider les aventuriers.

7 - Imladris
Aidés par tant d'elfes dont certains assez vieux, et qui connaissaient tous très bien la région, les aventuriers n'eurent aucun mal à arriver à Imladris, ou Fondcombe dans la langue commune. Les elfes firent de larges détours pour éviter les humains, ils passèrent par des voies connues d'eux seuls, et leur magie permettait d'aller vite et sans fatigue. En revanche, comme le mal dont souffrait Isis était au-delà des capacités de guérison des soigneurs de l'équipe, elle fit le voyage sur un brancard, endormie. Ce qui prit tout de même une semaine.

Avant d'arriver à la vallée cachée, Vif dut reprendre forme humaine, car sa magie risquait de lui bloquer l'entrée si elle restait trop active. Le groupe fut tout de suite accueilli par le seigneur des lieux, maître Elrond demi-elfe. Il répondit à de nombreuses questions et donna bien des conseils, à tous ou en privé. Il garda par-devers lui l'anneau de lumière qui avait semé la discorde dans le groupe, de même que la fiole d'eau lumineuse, qui agissait comme une drogue. Et il reçut l'épée de Gondolin des mains de Sîralassë, comme son grand-père Maglor avait souhaité qu'il en fût. Épée dont il dit qu'il pourrait éventuellement la prêter à des gens méritants dans le besoin, un jour.

Mais surtout, il put guérir Isis et lui permettre de reprendre une vie normale sans tout le temps penser à l'anneau qui l'avait enjôlée. Il lui fallut trois jours pour guérir complètement de ses blessures physiques, qui heureusement n'avaient pas eu d'effet sur l'enfant qu'elle portait. Mais elle ne put s'empêcher de garder une dent contre les hobbits en général et Rob en particulier. Ce dernier demanda à maître Elrond de pouvoir rester chez lui : il n'avait plus aucune famille, et il ne pouvait envisager de rester dans le groupe, qui avait été sa famille de remplacement, après ce qu'il avait fait à Isis. Le demi-elfe accéda immédiatement à sa requête.

Avant de retourner dans la Comté, l'équipe - réduite à six - passa encore une semaine à profiter des lieux. En effet, plutôt que de risquer une traversée difficile du Rhudaur qui surveillait et contrôlait la Route de l'Est, le groupe avait préféré attendre le départ d'une compagnie grise vers les Havres Gris. Ces elfes qui partaient pour le Lointain Ouest prenaient des chemins secrets et parfois magiques, et qui garantissaient sécurité et tranquillité. Ces chemins passaient par la Comté, et les aventuriers furent invités à faire le trajet jusque là-bas avec la compagnie. Ils furent aussi équipés de vêtements solides et résistants, entre autres choses.

Le temps passé à Imladris resta en mémoire comme un vrai moment de vacances, quoique studieuses pour certains : Drilun et Isis discutèrent avec divers utilisateurs de magie afin d'apprendre de nouveaux sorts, ou bien ils consultèrent une bibliothèque comme il n'existait guère d'équivalent sur la Terre du Milieu. Le Dunéen visita les forges et discuta avec des forgerons elfiques. Mais au grand dam de Geralt, les forgerons n'avaient aucune envie d'aider Drilun à confectionner une armure de peau de dragon. Ils se contentèrent de lui prêter la forge et de lui prodiguer des conseils. Le travail risquait de lui prendre des mois peut-être, même si un elfe proposa de préparer la peau afin qu'elle soit prête à être découpée et apprêtée.

D'autant que Drilun consacra aussi du temps à autre chose : lui qui maniait bien la plume, il décrivit par le détail, sur un parchemin, tous les éléments glanés lors de cette grande aventure. Et en particulier ce qu'il était advenu de Penargil et Ascarnil : leur disparition avait été un des éléments déclencheurs de cette quête. Le transfert des deux elfes à Carn Dûm laissait peu d'espoir, mais néanmoins, le Dunéen exprima le souhait de transmettre l'information à Twengael, son ami et père de Penargil, parti sur d'autres rivages. Et l'archer s'engagea à être disponible pour toute mission qui pourrait aider directement ou indirectement à les libérer. Qui savait si l'attente n'apporterait pas une opportunité ?

Narmegil dut ronger son frein également, car il avait eu quelques nouvelles, et elles n'étaient pas toutes bonnes : son grand-père, lors d'un voyage vers Bar Edhelas, semblait avoir été enlevé par des bandits que certains croyaient venir de Tharbad, l'ancienne capitale du Cardolan, qui n'était plus qu'un repaire de voleurs. Non seulement son grand-père était sa dernière famille proche, en dehors d'Isis et de l'enfant à naître, mais du coup la gestion des affaires familiales revenait à sa charge, et il fallait qu'il voie le roi d'Arthedain à ce sujet...

8 - Foyer, doux foyer
Le voyage avec les elfes fut rapide et sans souci, et il ne fallut qu'une semaine pour revenir dans la Comté. Enfin, le groupe arriva à Tumulus et au manoir appartenant désormais à la famille Eldanar, Bar Edhelas. Où ils furent chaudement accueillis par Helvorn, cousin de Narmegil et intendant du manoir en l'absence de son maître. La nouvelle qu'il s'apprêtait à annoncer assombrissait son front, néanmoins, mais Narmegil lui fit comprendre qu'il était déjà au courant. Cela faisait plus d'un mois déjà que le grand-père avait disparu, et aucune nouvelle ou demande de rançon n'avait été reçue. Certains posèrent des questions sur l'absence de Rob, et ils s'étonnèrent qu'il ait choisi de rester chez des elfes.

Mais le groupe avait beaucoup de nouvelles à donner, avec de multiples cadeaux, sous la forme de sacs d'or et de bijoux ou pierres précieuses. Les serviteurs bénéficièrent de primes diverses, certaines taxes furent levées, et de l'argent fut versé pour des fêtes ou des projets futurs (orphelinat...) - avec deux milles pièces d'or environ, les maîtres des lieux pouvaient être généreux ! Cela tombait bien, car les fêtes de Yule (Noël) approchaient : les aventuriers étaient restés absents plusieurs mois, et dans seulement neuf jours l'année changeait : après les jours de fête ce serait l'année 1639 du 3e âge !

En l'absence du groupe, les choses avaient un peu changé : les travaux de réfection de la tour ou de la toiture avaient été faits dans les temps, et diverses pièces avaient été aménagées pour répondre aux contraintes de taille des nombreux serviteurs hobbits. Humains et semi-hommes s'étaient plutôt bien faits à cette vie commune, nouvelle pour la majorité : tous reconnaissaient dans les autres des qualités qu'eux-mêmes n'avaient pas, tout en étant rassurés sur le fait qu'aucune des deux populations ne savait tout faire mieux que l'autre. Bref, les serviteurs de Bar Edhelas se complétaient bien et ils s'en étonnaient.

L'argent versé pour les chantiers de reconstruction, la disparition des bandits dunéens, la levée de certaines taxes, et la grande estime dans laquelle on tenait le nouveau maître de Bar Edhelas, tout cela avait aussi favorisé le commerce et les échanges. En bref, tout allait pour le mieux, et les exactions de l'ancien seigneur et les mauvais souvenirs de la Peste étaient maintenant de l'histoire ancienne. Les gens étaient optimistes, le pays allait de mieux en mieux, la menace d'Angmar paraissait lointaine... Et puis avec un maître tel que Narmegil Eldanar, accompagné de ses amis, que pouvait-on craindre ?

Vif rendit visite à l'auberge, où le chat de Frolic, qui avait pris quelques rondeurs, lui fit la fête. Elle lui parla de son maître, qu'elle avait vu chez Elrond, des chetmíg et d'elle-même. Drilun constatait avec plaisir que son passé de bandit dunéen semblait oublié, et qu'on le traitait avec chaleur et respect, y compris des hobbits. Geralt fit de longues siestes... tandis que Sîralassë parcourait le coin afin de soigner les nombreux bobos qu'il pouvait trouver. Isis voyait son ventre s'arrondir doucement, tandis que Narmegil pensait à sa prochaine visite au roi, et à son grand-père.


Ceci termine la campagne "Barad Eldanar", longue de 19 épisodes et 141 chapitres !
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Niemal
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Tharbad - 1ère partie : mauvaises nouvelles

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1 - Un hiver bien rigoureux
A peine revenus à Tumulus/Oatbarton et Bar Edhelas, leur foyer, les aventuriers virent s'abattre sur la région un hiver dont on se souviendrait longtemps. Non seulement la température se mit à dégringoler, mais la neige se mit à tomber en abondance. A la grande joie des petits et grands tout d'abord, d'autant que la période de fête s'y prêtait bien - Yule (Noël) approchait, et les préparatifs étaient bien avancés. Et, surtout, l'époque de l'année ne demandait guère de temps en travaux, sauf pour les éleveurs. La gêne fut mineure et le manteau blanc neigeux bien accueilli dans un premier temps.

Mais non seulement la neige tenait, mais elle continuait à tomber et à s'accumuler. A compter de Yule, le pays fut complètement paralysé, avec environ deux pieds de neige (60 cm) partout en plaine. Soit la taille des plus petits hobbits... Le commerce fut donc complètement interrompu, et les voyages limités aux plus proches voisins. Les gens pelletèrent, s'entraidèrent, et veillèrent les uns sur les autres du mieux qu'ils pouvaient. Les hobbits qui logeaient dans des smials - leurs maisons à moitié souterraines - étaient au chaud et ne risquaient rien, mais tous n'avaient pas leur chance, sans parler des bêtes, ou des stocks de bois de chauffage entreposés à l'extérieur. Et l'isolement pouvait aggraver accidents ou maladies.

Narmegil et ses amis ne restèrent pas inactifs. Enfin... la plupart. Narmegil lui-même, qui avait la phobie de la neige, ne fit guère plus que pelleter un peu la cour du manoir. Et Geralt était vite déprimé par tout le travail à effectuer, et préférait la tiédeur de son lit. Mais sinon, les autres ne ménagèrent pas leur peine, et firent en sorte que personne ne soit oublié. Leur travail et leurs efforts soudèrent un peu plus les gens, et les hobbits apprécièrent l'aide des Grandes Personnes. Ce qui était une épreuve se transforma en réussite sociale.

Sîralassë, à cheval, parcourait le pays pour s'assurer que les gens allaient bien et les soigner au besoin. Grâce à ses bottes magiques, Vif pouvait marcher sur la neige sans s'enfoncer, et elle allait d'une ferme éloignée à l'autre, prenait des nouvelles, apportait d'éventuelles denrées manquantes de manière à ce que personne ne manque de rien. Drilun pelletait et remontait le moral des troupes avec des mots bien choisis, et Isis voyageait autant qu'elle pouvait et apportait son aide et surtout redonnait du courage à tous. Son ventre s'alourdissait un peu plus chaque jour, mais c'était plus la peur de le mettre en danger qui la gênait, plus que le poids et la fatigue que cela entraînait.

Au milieu du premier mois de l'année (Narwain), la neige s'arrêta de tomber un moment et un redoux entama l'épaisseur de neige. Fondant petit à petit, elle laissa les routes plus disponibles aux plus courageux. Après quelques jours de ce temps plus clément, un premier marchand arriva, le premier depuis plusieurs semaines ! Avec ses mules, il arrivait de Bree, d'où il était parti dès qu'il avait vu la neige commencer à fondre. Il avait fait des affaires dans le Quartier Est de la Comté, et maintenant il faisait une tournée dans le Quartier Nord, d'où son arrivée. Il avait beaucoup de choses à dire, et la foule se massa à l'auberge pour l'écouter parler. Ce soir-là, comme les précédents, il ne risquait pas de manquer de bière près de son gosier...

2 - Incursion du Rhudaur
L'homme avait en effet des nouvelles à donner, des nouvelles assez exceptionnelles. Mais pas des bonnes nouvelles. Il parla bien de familles éloignées qui allaient bien, la neige n'ayant pas trop fait de dégâts. Mais par contre, elle avait couvert l'avancée d'une armée du Rhudaur jusqu'au sud de Bree. La Grande Route du Nord qui joignait Fornost Erain à Minas Anor et Osgiliath passait par Bree, puis longeait les Galgals avant d'arriver à Andrath, ville importante du nord du Cardolan. C'est cette ville que l'armée du Rhudaur avait attaquée, jusqu'à ne laisser que des ruines.

L'armée était sans doute composée de plusieurs milliers d'hommes, et elle avait pris tout le monde par surprise. Ni les hommes d'Arthedain, ni ceux du Cardolan n'avaient repéré l'avancée de l'armée. L'attaque fut totale et il ne resta sur place aucun survivant. En plus des morts trouvés dans les ruines, il semblait que l'essentiel de la population avait été emmenée, prisonnier, dans le Rhudaur, malgré le temps rigoureux. Temps qui permit également de masquer le départ de l'armée. Lorsque les faits furent enfin connus, la piste était froide, et les guerriers étaient en sécurité.

Ils avaient probablement avancé à marche forcée pour cela. Le marchand, dont les paroles étaient avalées par l'auditoire, n'avait pas de détails très précis. Mais il avait entendu dire que des corps gelés avaient été trouvés sur les traces de l'armée : les prisonniers qui n'avaient pu tenir contre la fatigue et le froid avaient été laissés sur place à mourir... Beaucoup de femmes et d'enfants. Mais il semblait que des centaines de prisonniers avaient néanmoins atteint le Rhudaur.

Une fois le récit - entrecoupé de gorgées de bière - terminé, les langues se délièrent et les avis fusèrent de toutes parts. Parmi les plus fréquents, on pouvait relever des choses telles que :
- le Cardolan est complètement désuni, il n'y a plus d'armées, que des mercenaires
- le nord du Cardolan, suite aux précédentes guerres, est très peu peuplé, voire déserté
- les combats avec le Rhudaur ont d'habitude lieu dans l'Angle (nord-est du Cardolan), très loin d'Andrath
- l'armée du Rhudaur a utilisé la magie pour ne pas se faire voir et être protégée du froid
- les hommes du Rhudaur sont endurcis et habitués au froid, surtout les Hommes des Collines
- l'attaque a-t-elle été faite par le roi Ermegil ou par le chef des Hommes des Collines, Broggha ?
- les guerriers du Cardolan surveillaient les Galgals et leurs spectres, ils ont été surpris
- si des prisonniers ont été faits, il y aura sans doute des demandes de rançon
- les hommes du Rhudaur ont été aidés par la bande de Cormac

Parallèlement à cela, divers aventuriers surveillèrent les convives ou les environs, tels Drilun ou encore Vif. Si le premier ne décela rien d'anormal à l'extérieur, la seconde fit une petite trouvaille, à l'aide du chat de Frolic qui avait élu domicile dans l'auberge de Tumulus. Il lui avait fait la fête quand il l'avait reconnue, et elle lui avait demandé d'espionner et de rapporter ce qu'il entendait - il était assez intelligent pour reconnaître certains parlers humains. Et il avait entendu deux hommes parler et l'un d'eux dire qu'il faudrait prévenir le seigneur Tarma... Ce qui permit à Vif de repérer deux probables espions du seigneur et voisin dúnadan.

3 - Départ pour Bree et Fornost
Le soir même, il fut décidé de partir dès le lendemain pour Bree, puis Fornost. Les raisons ne manquaient pas : il fallait voir le roi pour faire un bilan oral et plus détaillé que le rapport écrit auparavant envoyé, concernant les aventures dans le Rhudaur et Angmar. Sans compter que l'enlèvement de Tarcandil, grand-père de Narmegil et grand-oncle d'Helvorn, avait sans doute des répercussions sur les affaires familiales. Et peut-être apprendraient-ils des éléments nouveaux, peut-être des pistes avaient-elles été trouvées ?

Par ailleurs, les voleurs de la bande de Cormac agissaient dans le même secteur, qu'il s'agisse de l'enlèvement de Tarcandil ou de l'incursion de l'armée du Rhudaur. S'il paraissait douteux qu'ils aient participé à l'un comme à l'autre, vu le contact qu'il y avait eu lors de la chasse aux loups, ils avaient peut-être pu remarquer quelque chose. C'était une piste à ne pas négliger, et même si trouver les bandits ne serait peut-être pas une mince affaire, Narmegil et ses amis jugeaient qu'il existait une piste prometteuse pour arriver jusqu'à Cormac : la famille Broadleaf, à Bree.

Une nouvelle fois, Bar Edhelas fut confié aux bons soins de Helvorn, et l'équipe prit le départ. Les chevaux disponibles furent réunis, et, comme il en manquait, Isis comme Drilun durent monter en croupe avec un autre cavalier. La route fut prise vers le sud-est et vers la Grande Route de l'Est, qui amènerait ensuite au pont sur la rivière Brandevin (Baranduin). De là, Vieille Forêt et Galgals seraient longés, avant d'atteindre enfin Bree.

Le début du trajet ne posa guère de problème... sauf aux mauvais cavaliers. Le sol était encore enneigé, et si la couche de 20 cm était trop faible pour beaucoup gêner les chevaux, en revanche elle rendait leur démarche plus traîtresse, avec de brusques à-coups et glissades parfois. L'allure resta correcte sans être rapide néanmoins, mais c'était encore trop pour Drilun, plus à l'aise avec les plumes que les bêtes à poil. Plusieurs fois il glissa et ne dut son salut qu'à Vif, derrière lequel il chevauchait : en parfaite communion avec son cheval, elle percevait le déséquilibre de son ami avant même qu'il ne s'en rende compte, et faisait en sorte de l'empêcher de tomber.

Vers la fin de la journée, alors qu'ils étaient encore dans la Comté, ils virent venir dans leur direction deux bons cavaliers qui chevauchaient à vive allure, malgré la neige. D'après leurs habits il s'agissait de gardes royaux, qui ralentirent lorsqu'ils arrivèrent à leur niveau. Après un salut, ils demandèrent s'ils étaient loin de Tumulus et de la demeure du seigneur Eldanar... Narmegil se présenta alors, et les messagers lui remirent un parchemin : rien de moins qu'une convocation pour un conseil royal, dans douze jours, à Fornost Erain.

Narmegil était convoqué en tant que représentant des familles nobles mineures, en l'absence de son grand-père. Mais ses serviteurs, épouse ou amis ayant participé aux aventures dans Angmar et le Rhudaur étaient aussi priés d'être présents, de même que son cousin Helvorn. La convocation était impérative, le sceau royal parfaitement authentique. Les messagers devaient repartir pour Fornost Erain donner une réponse au roi. Ils n'en savaient pas plus, si ce n'était qu'on leur avait dit que c'était très important, et que des personnes extérieures à l'Arthedain seraient aussi présentes.

4 - Sur la piste de Cormac
Les messagers reprirent la route en direction de Tumulus. Il était convenu qu'ils iraient chercher Helvorn et qu'ils rejoindraient le groupe, avant de repartir pour Fornost. Et ainsi fut-il fait. Le voyage se poursuivit sans mal, jour après jour, et une nouvelle monture dut être achetée à prix d'or - d'autant que les chevaux avaient beaucoup souffert de la Peste, et l'armée d'Arthedain en avait grand besoin. En cours de route, les messagers revinrent avec Helvorn, avant de repartir, toujours au galop malgré la neige. Enfin, le groupe arriva à Bree.

Plusieurs aventuriers étaient bien connus à Bree, et on leur fit bon accueil - hormis les membres de la famille Broadleaf, qui ne pouvaient pas les voir, même en peinture. Mais à l'auberge, on parlait surtout du sac d'Andrath par l'armée du Rhudaur. Avec une conséquence qui pouvait être de taille pour Bree, qui était située en vue des Galgals : Andrath hébergeait un monastère, dont l'ordre était chargé de l'entretien des tombes des Galgals. Depuis l'apparition des spectres, ils étaient chargés de lutter contre eux, et certains membres semblaient bien avoir le pouvoir de les affecter. Plus aucun de ses membres n'était encore libre ou vivant, et l'impact sur les spectres restait à évaluer...

Le lendemain, Narmegil et ses amis essayèrent d'obtenir des informations auprès du capitaine des gardes de Bree, Meneldir, mais ce dernier était trop occupé. Du coup, ils se dirigèrent vers la demeure de la famille Broadleaf. Leurs derniers contacts avec cette famille avaient été rien moins que conflictuels, mais ils avaient réussi à en sortir la tête haute en se montrant meilleurs voleurs que cette famille de bons-à-rien ! Mais ils savaient aussi, de manière à peu près certaine, qu'elle avait des contacts avec la bande de Cormac - l'un des fils en faisait même partie.

Restait à se faire entendre de cette famille, dont le patriarche, qui gérait toute la maisonnée d'une main de fer, était particulièrement mal embouché à leur égard. Quelques pièces de bronze passées sous la porte permirent d'entamer la conversation, et une pièce encore plus grosse fut le sésame qui leur permit à tous de rentrer. Restait à convaincre le patriarche de les aider, et ce ne fut pas la moindre des affaires...

Si Narmegil et Geralt s'étaient montrés très persuasifs voire intimidants, ce fut Drilun qui sut le mieux s'y prendre. Alors que les autres se heurtaient à l'entêtement du vieil homme, il sut trouver les mots qui le firent hésiter. Une (grosse !) pièce changea de mains et acheva d'emporter le morceau. Le patriarche appela son plus grand fils présent, Hal, et lui ordonna d'amener sur-le-champ le groupe d'aventuriers aux bons soins de Cormac. Le fils Broadleaf fut abasourdi de recevoir un tel ordre, d'autant que la neige se remettait à tomber, mais il n'insista pas devant le regard de son père.

5 - La bande à Cormac
Tout le groupe partit à pied, vers le sud, au grand étonnement des gardes de Bree. Après un moment, Hal quitta la route et se dirigea vers l'est, dans les collines de Tyrn Gorthad, la plus septentrionale des provinces ou baronnies du Cardolan. La neige qui tombait doucement masquait les repères visuels, l'homme lui-même ne semblait pas totalement sûr de lui, et l'équipe voyait mal comment retrouver le chemin par elle-même. Enfin, Hal sembla retrouver ses repères et il amena le groupe devant un bois. Il fit mine d'avoir rempli son contrat, souhaitant s'éclipser, mais devant les airs déterminés des aventuriers il comprit vite qu'il ne s'en tirerait pas si facilement...

Après avoir progressé dans le bois, le groupe fut bientôt arrêté par des gardes. Une fois le premier contact pris, l'un d'eux partit avertir Cormac. Un garde reconnut également les aventuriers - ceux qu'il avait croisé lors de l'attaque des loups et du loup-garou - ce qui joua en leur faveur. Enfin, après une attente assez courte, le chef des brigands arriva, avec une bonne vingtaine de ses guerriers et archers. Hal se faisait tout petit et discret, mais il écopa simplement de regards durs et parfois méprisants.

Ceux qui l'avaient déjà vu reconnurent Cormac, un nordique costaud et charismatique qui se vantait de n'avoir tué personne dans sa vie de brigand. Mais lui aussi reconnut les aventuriers jadis côtoyés, et même Geralt ! En effet, il se rappelait avoir vu l'assassin à Tharbad à une époque où il y était passé ou y avait vécu, peut-être - Geralt ne put en être sûr, et lui ne se rappelait pas avoir vu le brigand par le passé. De son côté, Isis pensait reconnaître certains des bandits de Cormac - elle les avait vus à Tharbad - mais le chef des brigands semblait sûr de ses hommes.

Le contact se passa bien, Cormac n'avait pas grand-chose à reprocher aux aventuriers, dans la mesure où ils restaient discrets et ne diraient rien sur lui et sa bande. Il invita le groupe à se restaurer pour le soir et fit faire un méchoui pour l'occasion, malgré ou grâce au temps - la neige empêcherait quiconque de les voir à distance. Il avait bien remarqué certaines choses concernant tant l'enlèvement de Tarcandil que l'armée de Rhudaur, et il était prêt à partager ces informations... contre rétribution. Après discussion et vidage de certaines poches ou bourses, un accord fut trouvé.

Les hommes de Cormac avaient effectivement repéré des groupes de voleurs dans le secteur - ils en avaient même clairement identifié certains comme venant de Tharbad. Ils les avaient vus repasser avec un grand et vieux Dúnadan et deux serviteurs, et manifestement les voleurs avaient eu des difficultés. Ils avaient vu le groupe se diriger vers l'est, et ce n'est que plus tard qu'ils avaient appris pour Tarcandil. Ils avaient aussi remarqué, longtemps après, des gardes de Tyrn Gorthad qui enquêtaient dans le secteur, et il semblait qu'ils avaient fini par trouver une piste, car ils étaient partis dans la bonne direction.

Pour l'armée du Rhudaur, ils avaient été tout autant surpris que n'importe qui, et ils avaient repéré le conflit grâce aux flammes qui réduisaient la ville d'Andrath en cendres. Ils avaient suivi de loin le retour de la petite armée et de leurs centaines de prisonniers, mais sans pouvoir ou vouloir rien faire. Néanmoins, ils avaient remarqué que l'armée prenait un chemin différent de l'aller, mais similaire à celui des voleurs qui avaient enlevé le grand-père de Narmegil.

Puis Cormac invita chacun à dormir sur place, vu l'heure avancée, et il garantit aux aventuriers qu'ils n'avaient rien à craindre chez lui. La nuit se passa sans incident, et le lendemain ils repartirent tous. Helvorn était tout le temps resté discret et silencieux : en tant qu'ancien membre des rôdeurs d'Arthedain, il n'était pas tout à fait du même côté que les bandits. Mais ayant passé deux-trois ans autour de Bree, il avait appris à composer avec. En fait, il connaissait le secteur et avait déjà estimé plus ou moins bien l'emplacement du camp des bandits. Après ce voyage, il se disait qu'il saurait les retrouver sans aide.

6 - Conseil royal
Le voyage de retour jusqu'à Bree se passa sans incident. Narmegil put voir Meneldir également, le soir même. Le capitaine des gardes lui fit part de quelques informations nouvelles, mais le noble Dúnadan savait déjà l'essentiel. Meneldir savait que les gardes de Tyrn Gorthad avaient trouvé une piste concernant l'enlèvement de Tarcandil, mais suite à l'attaque du Rhudaur il n'avait plus eu aucune nouvelle. Quant à l'armée du Rhudaur, il s'agissait d'Hommes des Collines menés par Broggha. Très probablement, des prisonniers pourraient être échangés contre rançon, et les autres finiraient comme esclaves.

La route du nord fut prise dès le lendemain, et après trois jours sans incident - Drilun arriva à rester en selle tout seul - Fornost fut enfin atteint. Il restait trois jours pleins en attendant le conseil, mais ils furent bien remplis. En tant que représentant des petites maisons nobles non affiliées, Narmegil vit venir à lui de nombreux membres de ces maisons. Aidé par Isis et Drilun, la première comme épouse et le second comme conseiller et secrétaire, il fit bonne figure et plusieurs nobles repartirent satisfaits : sans être aussi expérimenté que son grand-père, le jeune Eldanar avait montré qu'il n'était pas si novice que cela en ce qui concernait les arcanes de la diplomatie.

Le grand jour arriva enfin. Tous se présentèrent au lever du soleil au château, et ils furent conduits jusqu'à la pièce où se tiendrait le fameux conseil. C'était un conseil royal et non une cour royale, aussi tous les échanges seraient-ils privés : la pièce fut bientôt fermée, la garde royale postée à l'extérieur. A l'intérieur, le roi Argeleb II et la reine Liriel se tenaient assis sur leur trône, depuis une estrade, tandis que les membres du conseil, réguliers ou invités, se tenaient debout. Mais des bancs voire fauteuils étaient installés en retrait - dont un pour Isis - et quelques tables basses portaient des cruches d'eau et des gobelets.

Chacun avait une place bien définie. La plupart des participants savaient où se placer, mais pour les aventuriers la situation était un peu nouvelle, même s'ils avaient déjà participé par le passé à un conseil - bien que l'assistance et les circonstances furent légèrement différentes. Mais Helvorn avait été mis au courant et il put guider les époux Eldanar ainsi que Geralt à leurs places, tandis que les autres bénéficiaient des lumières de Niemal, également présent au conseil, et qui semblait bien connaître les gens et l'étiquette.

Face au couple royal, sur la gauche, se tenaient les vassaux directs et indirects, classés par ordre d'importance, à savoir, du plus près au plus éloigné, en commençant par les sept grandes familles nobles :
- maison Tarma : Ferenariel, d'âge mûr, fille aînée du seigneur Tarma que le poids des ans retenait chez lui
- maison Eketta : Methilir, jeune Dúnadan agressif, guerrier prometteur et érudit également
- maison Orro : Haldan, âgé et manifestement déprimé - depuis la mort de sa femme en fait
- maison Hyarr : Caramir, très charismatique, et peut-être l'homme le plus riche d'Arthedain
- maison Emerië : Telcrist, ex-capitaine des rôdeurs revenu s'occuper de sa famille menacée de faillite
- maison Foro : Duraldar, explorateur reconnu, remplaçant son grand-père mort de la Peste il y avait peu
- maison Noirin : Narathiel, femme âgée rompue à la diplomatie, traditionnellement opposée aux Tarmas
- Elindiel de Siragalë (dont la Comté fait partie), grande elfe et patronne des elfes du sud d'Arthedain
- maisons nobles mineures : Narmegil (en remplacement de son grand-père Tarcandil) et Isis Eldanar
- invités sans droit à la parole : Helvorn (cousin de Narmegil, ex-rôdeur) et Geralt (garde de Narmegil)

Sur la droite se tenaient d'abord les serviteurs directs de la maison royale, militaires ou autres, puis les invités extérieurs, dont les aventuriers restants. Dans l'ordre, on trouvait :
- assis à une table, Baragund, scribe d'Arvegil, avec tout le nécessaire pour garder trace des débats
- Arvegil, fils héritier du roi et commandant des armées royales
- Halmir Eketta, Dúnadan d'âge mûr et capitaine de la garde royale, réputé la meilleure lame du royaume
- Tullam, Dúnadan âgé et chef des voyants d'Arthedain
- Marl Tarma, grand capitaine des rôdeurs d'Arthedain et neveu d'Argeleb, du même âge (~) que Narmegil
- Arleg, rôdeur et espion d'Arthedain blond et barbu, rencontré à Barad Eldanar
- Pelendur, baron de Tyrn Gorthad (Cardolan), l'air très noble, très proche d'Arthedain
- Mithrandir, magicien, connu aussi sous le nom de Gandalf le Gris, voyageur récurrent
- Niemal, elfe de la maison d'Elrond, autre voyageur fréquemment présent en Arthedain
- Sîralassë, présent aussi comme faisant partie de la maison d'Elrond
- invités sans droit à la parole : Drilun et Vif, amis/compagnons de Narmegil

7 - Premières passes d'armes
Lorsque tous furent installés, le roi Argeleb II prit la parole. Tous parlaient en sindarin, que seule Vif ne comprenait pas... Mais Drilun, à ses côtés, traduisait discrètement au fur et à mesure. Tous deux ne pouvaient prendre la parole, pas plus qu'Helvorn et Geralt : ils devaient attendre que quelqu'un d'autre du conseil les invite à parler pour cela. Et Vif pouvait s'exprimer en ouistrain, malgré les froncements de sourcils de certains, et ses interlocuteurs prenaient la peine de s'adresser à elle en ouistrain, également.

Le roi expliqua que divers événements exceptionnels venaient de se produire, pour lesquels il devait prendre des décisions importantes dans l'intérêt du royaume. Aussi avait-il réuni cette assemblée pour pouvoir l'éclairer sur ces événements et lui soumettre points de vue et solutions envisageables. Certains points étaient spéciaux et d'une grande importance, ce qui nécessitait un conseil privé et non une cour publique. Il était évident que ce qui allait se dire là ne devait pas être répété devant toutes les oreilles, mais être considéré comme secret d'état.

A peine cette introduction terminée, Ferenariel Tarma, dont les aventuriers avaient déjà remarqué la langue acérée à leur égard, ouvrit les hostilités. Vu l'importance de ce qui allait être dit ici, et qui tenait à la sécurité du royaume, elle ne comprenait pas que le conseil soit ouvert à autant de monde, et surtout à autant de personnes douteuses. Certaines ne faisaient pas partie du royaume et n'avaient même aucun lien précis avec l'Arthedain.

Elle nomma très précisément Narmegil, considérant que son inexpérience et sa valeur au combat plutôt qu'en cour en faisait un très mauvais représentant des familles nobles mineures. Elle émit de sérieuses réserves sur la justesse de ses décisions, sous-entendant de manière à peine voilée son parti-pris pour les semi-hommes, tout en avouant sa satisfaction à constater qu'il n'en avait pas amené un comme la fois précédente (il était vrai qu'il avait eu un grand succès, alors). Elle suggérait donc de lui faire quitter le conseil, pour éventuellement le remplacer par une personne plus appropriée au besoin.

Mais ce n'était pas tout : pour appuyer ses dires, elle évoqua le passé trouble de certains des aventuriers ou leur totale inadéquation avec les lieux et personnes présentes. Drilun fut le premier visé : il était Dunéen, gens connus pour leur côté bagarreur et leur haine des Dúnedain, et elle suggéra qu'il avait été vu en bien mauvaise compagnie par le passé. Mais Geralt ne valait guère mieux, lui qui était originaire de Tharbad, connue pour n'être guère plus qu'une ville de voleurs et de bandits. Quant à Vif, que pouvait donc bien faire là une paysanne du Rhovanion, qui ne parlait même pas leur langue, de surcroît ?

Narmegil, très noble et maître de lui, défendit ses qualités et celles de ses amis. Il fut bien soutenu par son épouse et par d'autres de ses amis qui pouvaient prendre la parole. Mais les principaux soutiens vinrent d'Elindiel de Siragalë tout d'abord, et de Mithrandir ensuite. La première fit remarquer que Drilun était le plus elfique des Dunéens qu'elle connaissait et qu'il avait peut-être bien plus de choses à apprendre aux Tarmas que le contraire. Quant à Gandalf, il se contenta de dire que le roi avait déjà pensé à tout cela, et que s'il avait voulu la présence de ces personnes ici, c'est qu'elles avaient toutes des éléments importants à apporter au conseil. En douter, c'était douter du roi, et dans ce cas Ferenariel était libre de quitter les lieux...

Cette dernière remarque mit fin au débat, avec des éclairs dans les yeux pour certains (les Tarma et Methilir Eketta) et des sourires aux lèvres pour d'autres, dont le roi. Qui invita chacun à se présenter, puisqu'il semblait que tous ne se connaissaient pas bien et donc ne percevaient peut-être pas l'intérêt de la présence de certains. Ils se présentèrent alors brièvement, nobles compris. Puis le roi invita divers membres à prendre la parole et à rappeler ou exposer divers faits.

8 - Nouvelles du front
Le premier à parler fut Helvorn lui-même. A la demande du roi, il décrivit les circonstances de l'enlèvement de son grand-oncle Tarcandil, qui venait voir ce manoir Bar Edhelas dont son petit-fils Narmegil avait reçu la charge afin de sécuriser et d'aider à développer la région. Il était parti avec deux serviteurs, et ils avaient sans doute été surpris à la nuit, alors qu'ils campaient sur la Grande Route de l'Est, au nord des Galgals. Helvorn décrivit aussi les recherches menées par Meneldir, capitaine de Bree, et l'aide des gardes de Pelendur.

Ce dernier prit ensuite la parole. Après divers contacts toujours très bons avec l'Arthedain, et malgré le manque de moyens (la Peste, la surveillance des Galgals...), il finit par envoyer ses hommes sur la piste des ravisseurs, déjà un peu froide. Mais après de nombreux jours, ses hommes finirent enfin par trouver une piste, et il semblait bien que Tarcandil et ses ravisseurs se terraient toujours en Tyrn Gorthad, sur ses terres. Mais le mauvais temps coupa tout contact avec ses gardes.

Là-dessus, l'armée du Rhudaur réduisit Andrath en cendres, et elle passa par chez lui pour le retour, occasionnant divers dégâts également. Par la suite, les traces des gardes partis en enquête furent retrouvées : ils avaient été massacrés, par l'armée sans doute, même s'il n'était pas impossible qu'il en fut autrement. Plus personne ne pouvait donc savoir ce qu'ils avaient trouvé. Et Pelendur n'avait plus les moyens d'organiser des recherches, il n'était même pas sûr que sa baronnie lui survive : vu ce qu'il en restait, et la fuite régulière de ses habitants pour l'Arthedain ou le sud, il ne se faisait guère d'illusion.

Puis le roi passa la parole à Marl Tarma, le nouveau capitaine en chef des rôdeurs d'Arthedain. Ce dernier parla d'opérations et de conflits à la frontière avec Angmar, conflits dans lesquels le précédent capitaine était mort. Sentant une soudaine désorganisation et diverses opportunités, il lança les rôdeurs dans des opérations audacieuses qui remportèrent toutes un très grand succès, et la zone de combat put être repoussée vers Angmar sur une bonne distance, et de nombreux orcs et autres ennemis furent tués. A une très grande majorité, les rôdeurs l'élurent leur nouveau chef.

Ce fut ensuite le tour d'Arleg, qui parla de sa mission et des armées d'Angmar, relativement peu affectées par la Peste. Il décrivit ensuite son arrivée à Barad Eldanar, la découverte des chetmíg enchantés, la sorcellerie d'Angmar... et l'arrivée des aventuriers, qui allait perturber cette belle organisation. Il confirma indirectement ce que certains suggéraient, à savoir que les réussites des rôdeurs étaient sans doute liées au dérangement causé par Narmegil et ses amis. Ce qui n'enlevait rien au mérite de Marl Tarma qui avait su en profiter.

Le seigneur Eldanar eut enfin droit à la parole, et il détailla leurs aventures à Barad Eldanar et surtout dans le Rhudaur. La destruction de la montagne enchantée avec le combat contre un dragon (attesté par Niemal qui avait vu la peau fraîchement découpée) en était le clou, et il passa plus vite sur le reste. Suite à l'insistance sur roi, il parla de l'aide des Hommes des Collines, mais il resta assez vague sur le rôle de Vif, en dehors du fait qu'elle semblait utiliser une magie pour communiquer avec les félins.

Le détail de ces aventures rencontra parfois un peu de scepticisme, mais des personnes comme Niemal ou Mithrandir appuyèrent les récits de Narmegil, confirmant les capacités exceptionnelles - magiques en particulier - du groupe. En revanche, Ferenariel Tarma pointa sans mal que l'équipe avait reçu l'aide des Hommes des Collines, qui étaient leurs ennemis et qui avaient réduit la ville d'Andrath à l'état de ruines. Là encore, elle trouvait les choix et amitiés de Narmegil et ses amis plus que discutables...

9 - Visions d'avenir
Gandalf prit ensuite la parole, afin de mettre certaines choses au point. Malgré toute la force et la motivation de l'Arthedain, le combat essentiel ne se règlerait pas que par les armes : spectres des Galgals, loup-garou à Bree, hivers rigoureux, chetmíg enchantés, et maintenant infiltration et influence grandissante des sorciers d'Angmar à Tharbad voire ailleurs. Angmar utilisait ses hommes et sa magie pour saper le moral d'Arthedain et de ses alliés et pour les pousser les uns contre les autres. Et c'est ce combat-là qu'il ne fallait pas sous-estimer, et pour lequel les aventuriers représentaient de très bons alliés, y compris la "paysanne du Rhovanion".

Ferenariel Tarma en profita pour remettre sur le devant de la scène sa vision des choses : une campagne totale contre Angmar, avec l'appui des elfes et du Gondor, sans attendre qu'Angmar prenne les devants et les affaiblisse trop. Mais le magicien gris se montra sceptique, selon lui la victoire ne pourrait se faire ainsi, même si les forces armées avaient leur rôle à jouer. Mais le temps du débat n'était pas encore venu, et le roi profita de cet échange sur l'avenir pour donner la parole aux voyants d'Arthedain.

Tullam, l'aîné des voyants et leur chef, parla alors des nombreuses visions qu'ils avaient eu concernant leur avenir, à travers les pierres de vue, ou palantíri. Il ne pouvait mentionner tout ce que lui et les autres voyants avaient vu, qui ne se produirait peut-être jamais. Mais certaines visions, récemment, se faisaient insistantes et ne pouvaient être écartées, ou leur importance mise en doute. Et en premier lieu, il était clair que l'Arthedain ne pourrait vaincre Angmar seul. Et les armes seules ne suffiraient pas.

Mais ce n'était pas tout. Dans le combat contre Angmar, la famille Eldanar semblait prendre de plus en plus de place, elle représentait même une sacrée épine dans le pied de leurs ennemis. Mieux encore, l'enfant que portait Isis occupait une place de choix : symbole de l'union des elfes et des hommes, de la magie et du combat, héritier d'une ancienne lignée, son destin pourrait être exceptionnel. S'il voyait le jour et atteignait l'âge adulte, lui ou un de ses descendants verrait la fin d'Angmar et du roi-sorcier. Mais si cela se savait, il serait en grand danger car les forces du mal n'auraient de cesse de le détruire !

Mais ce n'était pas tout. Dans les pierres de vue, les divers compagnons de Narmegil, en plus de lui-même, apparaissaient régulièrement. C'étaient manifestement des compagnons fidèles, très capables, et dignes de confiance. Mais deux d'entre eux étaient à part. Sîralassë tout d'abord : il représentait non seulement un très grand potentiel, tant en termes de combat que de magie, mais aussi une menace potentielle très forte, même si elle n'affecterait l'Arthedain qu'indirectement. Elle semblait plutôt tournée contre les elfes en général. Cette menace restait lointaine, mais bien réelle et imprévisible.

Mais il y avait encore pire : Vif. Peut-être la plus grande menace de toutes, comme le plus grand potentiel, reposaient sur ou auprès de sa personne. Elle semblait l'objet d'un conflit entre trois grandes forces, une blanche, une grise et une noire. Selon laquelle prendrait le dessus, le cours des choses pouvait être radicalement changé. Dans certaines visions elle sauvait l'enfant d'Isis et de Narmegil, alors que dans d'autres c'est elle qui le tuait. Pour l'instant rien ne permettait de dire quel côté l'emporterait. En revanche, les trois forces étaient à présent sur elle et elles allaient très vite se déchaîner.
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Niemal
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Tharbad - 2ème partie : en remontant la piste

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1 - Nouvelles passes d'armes : Sîralassë
Le silence qui suivit les paroles du chef des voyants, Tullam, fut bientôt interrompu par Ferenariel Tarma. Sur un ton poli mais parfois plein de sous-entendus, elle se réjouissait d'apprendre que l'Arthedain avait l'aide de si grands magiciens. Mais elle pointa vite du doigt le fait que les alliés devaient en savoir le plus possible sur les capacités et faiblesses des uns et des autres. En s'adressant directement au soigneur du groupe, elle lui demanda plus de détails sur ses dons mais aussi sur le danger qu'il pouvait représenter. Par ailleurs, s'agissant d'un si grand guérisseur, elle suggéra aussi qu'il fasse usage de ses dons auprès des guerriers qui bataillaient contre Angmar, plutôt qu'auprès des hobbits qui n'avaient guère l'usage d'un tel pouvoir et qui avaient leurs propres soigneurs, bien à même de les satisfaire.

Sîralassë prit alors la parole pour rassurer sur le fait que son problème ne concernait pas l'Arthedain et qu'il était bien géré. Quant à ses capacités, tout en prévenant qu'elles n'étaient pas encore à la hauteur de ses pairs du 1er âge du monde, il assura qu'elles étaient très étendues. En fait, en plus d'avoir bénéficié de l'enseignement d'Elrond, il assura qu'il disposait d'un pouvoir qui dépassait même celui du maître d'Imladris. Par ailleurs, il ajouta qu'il s'occuperait des guerriers d'Arthedain avec plaisir, si ses pas venaient à l'amener parmi eux.

La réaction de la grande dame des Tarmas fut rapide voire agressive. Elle fit part de son incrédulité en ce qui concernait un tel pouvoir surpassant même celui de maître Elrond. Et elle pointa différents propos de l'elfe, jugeant qu'il avait pris de grands airs et qu'il parlait comme un adolescent inexpérimenté ne sachant pas à qui il s'adressait. Dans tous les cas, elle ne se sentait nullement portée à accorder sa confiance au Noldo. Niemal intervint ensuite pour tempérer les propos de Sîralassë, rassurer aussi, et donner quelques précisions de la bouche même de son maître de Fondcombe. Mithrandir termina en prévenant Ferenariel de ne pas se tromper d'ennemi et de ne pas sous-estimer l'importance de chacun, hobbits compris.

Après de nouvelles interventions de Narmegil et Sîralassë, la dame Tarma mit de l'eau dans son vin concernant les hobbits, mais repartit à la charge concernant les prétentions du soigneur noldo. Elle se moqua même un peu de lui et de ses grands airs, ce qui fit sortir Elindiel de son silence. La reine de Siragalë - dont la Comté fait partie - jugea les manœuvres de Ferenariel puériles et contre-productives. Comme d'autres, elle rappela qu'il fallait aider Sîralassë à exprimer son potentiel, plutôt que de le ridiculiser.

En aparté, Niemal apporta aussi quelques éléments au soigneur noldo, qui lui firent prendre conscience de certaines de ses erreurs. Il reprit alors la parole et tenta de justifier certains de ses propos erronés par une pirouette, mais son interlocutrice ne s'estima pas dupe. Néanmoins, le débat glissa sur des considérations plus terre-à-terre, sur des actions plus concrètes à entreprendre. Sîralassë n'entra pas trop dans les détails, mais il souligna son rôle au sein de l'équipe d'aventuriers, et en particulier auprès de Vif, l'invitant à prendre la parole.

2 - Vif la "paysanne"
La femme des bois et principale éclaireuse du groupe prit donc la parole. Elle rappela entre autres qu'elle avait eu pour mentor Radagast le magicien, qui l'avait jugée apte à se débrouiller seule. Elle s'en tenait fermement à son principal conseil, qui était de faire ses propres choix sans trop se laisser influencer par d'autres. Elle était attachée à ses amis, ce qui était sa plus grande protection et sa meilleure motivation pour continuer à servir les peuples libres.

Ferenariel Tarma prit encore une fois la parole, et évoqua le manque d'information concernant le peuple de Vif, qui vivait si loin de l'Arthedain, et elle demanda des précisions. Mais elle semblait s'être quand même renseignée, car elle pointa le côté rustique et très centré sur lui-même de son peuple, sans parler de sa proximité avec les sbires du Nécromancien. La femme des bois rappela tout de même que les siens avaient pour amis les elfes des bois du royaume de Thranduil, entre autres. Et la proximité du Dol Guldur était un entraînement permanent à combattre les créatures du mal.

Mais la dame des Tarmas passa au sujet de la magie de la "paysanne" : magie inconnue, donc danger potentiel. Elle attendait d'en savoir plus, et posa la question de sa maîtrise : que se passerait-il en cas de problème ? Qui pouvait garantir que tout danger serait écarté ? Elle évoqua des risques minimisés en restreignant la liberté de Vif (prison), ou alors de lui trouver un chaperon. Et elle n'était pas sûr que Narmegil ait bien toutes les capacités... Elle posa aussi des questions concernant les trois forces à l'œuvre, noire, grise et blanche.

Plusieurs personnes intervinrent : si Marl Tarma trouvait que les capacités de Vif seraient un plus chez les rôdeurs, il pointa le fait qu'en temps de guerre, il fallait savoir obéir aux ordres et ne pas avoir d'initiatives qui pourraient gêner les alliés. Mais Elindiel rappela que même sans se maîtriser, la femme des bois avait toujours défendu ses amis. D'après son expérience, elle avait un gros potentiel, ayant même réussi à esquiver la flèche d'un très bon archer. D'une certaine manière, Vif représentait l'ambassadrice des animaux.

La reine Liriel fit part aussi de sa sympathie : la simplicité de la rôdeuse manquait aux Dúnedain et les forçait à remettre certaines de leurs habitudes en question. De plus, d'après ce qu'elle avait pu apprendre, avec ou sans maîtrise, elle serait toujours opposée au loup-garou venu du sud et actuellement en Rhudaur ou Angmar. Et c'est elle qui avait réussi à arrêter un loup-garou près de Bree.

Mithrandir prit alors la parole pour apporter des précisions. La force blanche ? Nulle autre que les Istari, qui veillaient sur elle ainsi que d'autres, comme Tina la Blanche, autre aventurière déjà passée ici. La force noire ? Les sbires d'Angmar et du Nécromancien, qui allaient bientôt se déchaîner contre elle. Ce qui les forcerait à se dévoiler, et donc serait très bénéfique pour qui voulait lutter contre eux. Quant à la force grise, il s'agissait d'un esprit très ancien, Tevildo, prince des chats, ancien lieutenant de Morgoth. Mais il était totalement indépendant et ne représentait pas une menace pour l'Arthedain - pour l'instant. Les Istari ne l'oubliaient pas, mais il n'y avait pas urgence.

3 - Le passé rattrape Drilun
Après Vif, Ferenariel Tarma s'attaqua au Dunéen du groupe, mais pas directement. Elle commença par lui demander confirmation de la manière dont fonctionnaient les gens de son peuple : attachés à l'honneur, fonctionnement en réseau, en "clans", avec une grande importance des dettes d'honneur et d'amitié. Avec en corollaire, le fait qu'un paria était rejeté par toute la société dunéenne, il devenait un exilé... comme Drilun... en apparence au moins.

C'est ensuite Methilir Eketta qui prit la parole. La maison Eketta était une maison de tradition martiale, dont le nom correspondait à celui de l'épée courte des Dúnedain, l'eket. Traditionnellement, les maisons Tarma et Eketta étaient toujours alliées et les plus agressives militairement parlant. Methilir était assez jeune, et on le disait autant guerrier qu'érudit, et il manifestait beaucoup d'intérêt pour les palantíri. C'est d'ailleurs au chef des voyants qu'il s'adressa.

Manifestement bien informé par des amis chez les voyants, le jeune chef de la maison Eketta demanda donc à Tullam de lui confirmer diverses choses. Par exemple, que récemment l'archer dunéen avait été l'apprenti d'un shaman dunéen, afin d'élaborer un rituel de magie noire nécessaire à la convocation d'un démon. Rituel auquel avaient participé Narmegil et ses amis, avec différents ingrédients tels que du sang, du feu... Tout cela fut donc bien confirmé.

C'est alors que Ferenariel Tarma fut à nouveau le centre de l'attention. Elle conclut des précédents propos que Drilun n'apprenait pas que la magie elfique, mais aussi la magie noire, et qu'il avait toujours des contacts chez les Dunéens. Les Dúnedain pouvaient-ils se compromettre avec de telles personnes, pouvaient-ils utiliser les armes de l'ennemi contre lui ? Les shamen dunéens avaient peut-être participé à la conjuration des spectres des Galgals. Qui sait, peut-être qu'un jour, le Dunéen de l'équipe invoquerait-il spectres et démons pour combattre Angmar ?

La dame Tarma acheva sa plaidoirie en disant que l'Arthedain ne pouvait se compromettre de telle manière, et que Narmegil et ses compagnons étaient des irresponsables à utiliser pareils moyens. Peut-être que Drilun voulait bien faire, mais sans le savoir il était le jouet des sorciers et il finirait par en payer le prix. Sans même parler de son passé de voleur et de son habilité à jouer des mots, qui pour elle le rendaient encore moins digne de confiance.

La cible de cette attaque rappela que sans cette magie, les conflits auraient fait de nombreuses victimes, sans même parler des manœuvres dont les Tarmas s'étaient rendu coupables. L'archer fut soutenu par ses amis, mais une autre personne intervint en sa faveur : Mithrandir précisa en effet qu'il observait non loin lorsque les événements s'étaient déroulés. Et Drilun n'avait aucunement utilisé la magie noire : il s'était servi de la magie enseignée par les elfes, afin d'arriver au même résultat avec les éléments nouveaux apportés par le shaman dunéen. Il avait transformé un mal en un bien, et permis d'effacer un puissant esprit du conflit de la surface du monde.

4 - Un assassin qui veut du bien ?
La cible suivante de Ferenariel Tarma ne fut nul autre que Geralt. Sans prendre de gants, la noble dame l'accusa d'être un assassin à la solde des pires guildes de Tharbad, selon ses informateurs. Selon elle, la volte-face de cet individu, son "repentir", tout cela n'était qu'une façade destinée à endormir les bien trop crédules personnes qu'étaient Narmegil et ses amis. Elle avançait divers arguments qui montraient à quel point elle était bien renseignée...

Ainsi, concernant l'enlèvement du grand-père de Narmegil, elle notait que cela s'était passé alors que l'équipe était absente, au loin. Sans oublier que Geralt avait longuement parlé avec Tarcandil avant cela, comme l'avait rapporté un des serviteurs de la maison Eldanar. L'assassin était le premier à esquiver les corvées, mais il était toujours auprès de son maître, en bon espion qu'il était. Que dire aussi de l'attaque du Rhudaur, intervenue peu après le retour de l'équipe sur place ? Ferenariel constatait aussi qu'il avait la langue leste et habile, facile à convaincre un Narmegil confiant et trop naïf. Bref, pour elle, cet homme était en fait à la solde d'Angmar !

Methilir Eketta en rajouta une couche, tout en nuançant les paroles de son aînée : après tout, peut-être Geralt essayait-il vraiment de faire amende honorable pour ses erreurs passées ? Mais dans tous les cas il avait un comportement de larbin, sans grande volonté. Il semblait aimer le confort et les richesses, et le Dúnadan en déduisait qu'il devait être facile à corrompre. Enfin, ne devait-il pas être jugé pour ses torts passés ? L'Arthedain pouvait-il s'associer à des assassins ou des voleurs (avec sous-entendu adressé à Drilun) ?

L'intéressé n'eut pas à ouvrir la bouche, d'autant qu'il n'avait pas la parole et que personne ne la lui avait donnée - ce qui l'arrangeait parfaitement. Ses amis le défendirent, rappelant que pour un amoureux du confort il avait tout de même abattu un dragon, et que peut-être peu de gens ici présents pouvaient se vanter d'avoir fait autant que Geralt... Et Narmegil invita l'assemblée à demander ce qu'il en pensait à Niemal, qui avait le pouvoir de lire dans les cœurs et dans les esprits, et qui avait eu plus d'une fois l'occasion de le faire...

L'elfe confirma effectivement avoir vérifié, à la demande de Mithrandir, que l'homme ne représentait aucune menace. En vérité, sa flemme n'était nullement une façade mais bien un trait de caractère profondément ancré en lui. Il avait tué par le passé car il n'avait eu d'autre choix que de tuer ou d'être tué, n'ayant pas eu d'autre "famille" que la guilde des assassins. Mais à présent il tenait à ses amis et en particulier à Sîralassë. Et sa volonté s'affermissait avec le temps, il n'était plus du tout si facile que cela à influencer.

Mais Niemal poursuivit en disant à Ferenariel Tarma qu'elle devait se méfier de ses sources, qui pouvaient - volontairement ou non - être amenées à la tromper. Que peut-être elle avait de bonnes raisons d'avoir peur, mais qu'elle ne consacrait pas son énergie là où il fallait. Un bref instant, alors qu'il disait cela, une brève lueur d'inquiétude fut visible dans les yeux de la grande dame, pour la plupart des gens présents, ainsi que dans les yeux de Marl Tarma et de Methilir Eketta. D'autres personnes de l'assistance, en revanche, eurent l'air très intéressées, et d'autres encore - dont Halmir Eketta, capitaine de la garde royale - restèrent parfaitement impassibles.

Un bref moment, les trois premières personnes concernées semblaient avoir eu peur de ce que l'elfe de la maison d'Elrond avait peut-être pu lire dans leurs pensées... Après quoi ces personnes se montrèrent bien moins agressives, et le conseil se poursuivit de manière bien plus constructive. Souvent Mithrandir et Niemal chuchotèrent entre eux, mais la seule à même de pouvoir entendre ce qu'ils disaient ne comprenait pas le sindarin qu'ils utilisaient...

5 - Décisions et discussions
Durant le reste du conseil, Narmegil s'évertua à défendre les petites maisons nobles qui étaient venues le voir pour lui confier leurs problèmes. Il se tira fort bien de sa tâche, et les membres les plus perceptifs de l'équipe purent voir leur ami ou époux monter dans l'estime de ses pairs. Le grand Dúnadan faisait honneur à son grand-père Tarcandil, et son image de jeune guerrier impétueux cédait la place pour quelqu'un de bien plus respectable, et avec qui il fallait compter.

Concrètement, si les familles Tarma et Eketta poussaient à une vaste campagne militaire contre Angmar, avec l'aide de Gondor et des elfes, la plupart des maisons nobles soutenaient le roi. Ce dernier décida, comme par le passé, d'adopter une posture défensive en espérant des jours meilleurs. Dans la situation actuelle, prendre l'offensive comportait bien trop de risques, et Arleg l'espion avait pointé qu'Angmar avait moins souffert de la peste que l'Arthedain. En particulier, le royaume manquait de chevaux pour faire face aux cavaliers d'Angmar.

A la fin du conseil, Narmegil parla au roi de l'officialisation de leur union, à Isis et lui : en bref, ils souhaitaient être mariés selon les coutumes de l'Arthedain. Le roi lui répondit qu'ils avaient déjà été mariés selon les usages des elfes, ce qui a ses yeux était amplement suffisant. Mais néanmoins, en tant que représentant des Valar et d'Eru, il pouvait leur apporter sa bénédiction... ce qu'il fit sur-le-champ, en présence des membres du conseil. Et tous se sentirent bientôt traversés par une vague de confiance de d'allégresse...

Narmegil s'attacha aussi à établir des contacts constructifs, même avec les Tarmas, assurant à tous qu'il ne ferait rien d'autre qui ne bénéficierait pas à l'Arthedain. Ainsi, concernant le manque de chevaux, il précisa bien que son élevage servirait avant tout aux armées du royaume. Mais un petit sourire et une allusion de Ferenariel Tarma l'inquiéta brusquement, et il regretta que personne de compétent ne fût resté à Bar Edhelas. D'autres que lui perçurent cela, et à la sortie du conseil, il demanda à son cousin Helvorn de prendre son excellent cheval noir et de rentrer au plus vite. Dans l'après-midi, le rôdeur partit au galop en direction de la Comté.

Ce qui faisait une monture de qualité en moins, et posait problème, d'autant que le baron de Tyrn Gorthad (nord du Cardolan), Pelendur, avait invité Narmegil et ses amis à descendre ensemble vers le sud et jusque chez lui éventuellement. Le noble cavalier alla marchander en soirée - après de nombreuses visites des petites maisons nobles - une partie des bijoux récupérés sur le dragon, afin de pouvoir acheter, sans doute à prix d'or, une nouvelle monture. Mais pendant ce temps, la maison Eldanar recevait de la maison Noirin un cadeau de trois chevaux de qualité. Cette maison, traditionnellement opposée aux Tarmas, avait beaucoup aimé le comportement de Narmegil et de ses amis au conseil, et des promesses d'aide avaient été prononcés ; dont l'envoi de quelques formateurs militaires à Bar Edhelas...

La soirée vit aussi la visite de Mithrandir et Niemal, venus à la demande de certains comme Drilun, mais aussi pour apporter nouvelles et conseils. Si certains parlèrent magie, d'autres se concentrèrent sur la politique. En particulier, les maison Tarma et Eketta semblaient mal influencées et pourraient être en train de montrer un projet douteux. Y avait-il plus que des rêves, dans les pensées d'accéder au trône du royaume chez Marl Tarma, ou de devenir chef des armées pour Methilir Eketta ?

Mais il y avait plus urgent encore : selon Mithrandir, les sorciers d'Angmar étendaient leur influence sur Tharbad et il fallait se méfier. Par ailleurs, la tête de Vif venait d'être mise à prix, selon ses dernières informations, et cela allait se savoir vite dans tout le pays. Le magicien donna à Narmegil et ses amis le nom d'un contact à Tharbad, Dirhavel l'alchimiste. Une personne de confiance, un Dúnadan, qui connaissait la ville et saurait éventuellement relayer des messages et apporter un peu d'aide.

6 - Message et vol de chevaux
Le lendemain, l'équipe fut prête et se joignit à Pelendur et ses hommes pour un trajet sur le Chemin Vert, appelé ainsi car il était bordé d'arbres. Au bout de deux jours, la petite troupe arriva à Bree sans incident notable, et sans chute de selle malheureuse, grâce aux efforts du Dunéen pour ne pas être ridicule. Tant de beau monde à l'auberge attira la foule, mais les yeux et oreilles les plus exercés de l'équipe ne repérèrent aucun espion manifeste.

En revanche, un des gardes de Bar Edhelas arriva peu après la tombée de la nuit. Il avait de mauvaises nouvelles à donner qui provenaient de Tumulus et dataient de quatre jours. Avec un autre garde ils s'étaient mis en route à la demande de l'intendante, à pied, mais ils avaient rencontré Helvorn à la hauteur de la Vieille Forêt, sur la Route de l'Est. Le cousin de Narmegil avait pris un garde avec lui et il avait recommandé à l'autre de continuer jusqu'à Bree pour prévenir Narmegil et ses amis, et lui remettre un message.

Mais l'homme commença par la mauvaise nouvelle : une nuit, des bandits dunéens avaient attaqué l'élevage de chevaux près d'Oatbarton/Tumulus, tuant une demi-douzaine de hobbits et emportant tous les chevaux avec eux. Mais quelques hobbits survivants les avaient entendu s'interpeler bruyamment dans leur langue, et certains hobbits comprirent ce qu'ils se disaient : les Dunéens se félicitaient des informations données par Drilun Vanherg, grâce auxquelles leur opération était couronnée de succès.

Les nouvelles s'étaient rapidement répandues parmi les hobbits, et certains se souvinrent vite que Drilun avait fait partie d'une bande de brigands avant de rejoindre Narmegil et ses compagnons. La rumeur enfla qu'il n'avait jamais cessé d'être un bandit dunéen, et qu'on ne le reverrait sans doute pas de sitôt, et dans le cas contraire... L'intendante de Bar Edhelas soupçonna une manœuvre ourdie par des ennemis de Drilun ou Narmegil, et elle se prépara à envoyer deux gardes pour prévenir l'équipe avant qu'elle ne rentre au manoir. Mais avant leur départ, elle reçue une missive à l'attention de Narmegil, un parchemin remis par un hobbit qui l'avait lui-même reçu de deux voyageurs pressés.

Le parchemin n'était rien de moins que la demande de rançon pour le grand-père de Narmegil. Etaient-ce les mêmes personnes qui avaient volé les chevaux, ou bien s'agissait-il uniquement du fruit du hasard ? Impossible de le dire à ce stade. L'écriture était assez grossière, et les mots étaient les suivants, en ouistrain :
Pour savoir où est Tarcandil, amenez 1000 pièces d'or à la guilde des commerçants de Tharbad. L'or doit être amené par Isis et Geralt, seuls et sans armes.
Si l'un des deux manque, comptez 2000 PO
Si les deux manquent, ou s'ils sont accompagnés, prévoyez au moins 3000 PO
Tarcandil est bien vivant, mais peut-être pas pour longtemps. Croyez-nous ou pas, mais si vous tenez à lui, n'attendez pas trop.
N'essayez pas de jouer au plus malin ou au plus fort, et n'essayez pas non plus de tours d'elfes ou trucs de ce genre. Vous ne reverriez jamais le chef de la maison Eldanar.
L'or et le sang-froid sont vos meilleurs amis.
La rapidité en prime.

7 - Tyrn Gorthad
Après avoir remercié le garde, l'équipe tint conseil, avec la participation de Pelendur. Fallait-il retourner à Tumulus et essayer de tirer cette affaire au clair ? Mais Helvorn y était déjà sans doute, et la piste de Tarcandil risquait de refroidir. Il fallait deux jours - un en chevauchant vite - pour atteindre Minas Malloth, le manoir fortifié de Pelendur. Il se proposait d'accueillir Narmegil et ses compagnons, et il mettrait à leur disposition une patrouille qui les emmènerait là où les dernières traces des bandits avaient été relevées. Et il pourrait s'occuper des chevaux pendant ce temps.

Au final, la décision fut prise d'accepter l'offre du baron du Cardolan. Certains auraient préférer aller droit sur Tharbad, mais la possibilité de trouver une piste ou information intéressante fut la plus forte, d'autant que l'endroit à fouiller était plus ou moins en direction de la capitale du Cardolan. Le voyage vers Tharbad ne serait pas trop retardé ainsi, et l'aide de Pelendur était loin d'être négligeable. La nuit se passa sans incident, et la troupe repartit tôt le lendemain, tandis que le garde de Bar Edhelas repartait avec des nouvelles et consignes sur un poney acheté à l'aller.

Le Route de l'Est fut prise au petit galop, avant de prendre un chemin vers le sud - Minas Malloth était au sud-est de Bree, dans les Tyrn Gorthad ("Hauts des Galgals"), qui englobaient aussi les Galgals à leur extrémité ouest, et une partie des Tyrn Hyarmen à l’est. Depuis l'attaque d'Angmar en 1409, la région s'était fortement dépeuplée. Après la peste des années précédentes et maintenant l'attaque du Rhudaur, les derniers habitants fuyaient vers le sud ou l'Arthedain, et Pelendur voyait sa baronnie se transformer en désert. Il ne restait plus guère que quelques rares villages encore habités, et des ruines un peu partout. Même avec l'aide d'Arthedain, le seigneur dúnadan ne voyait plus comment assurer la sécurité sur ses terres et s'opposer aux éventuels brigands ou corps d'armées.

Minas Malloth fut atteint le soir, après une journée passée sous un soleil splendide qui avait facilité le voyage. Il n'y avait plus de neige comme du côté de Fornost, et tous avaient chevauché sans mal. Mais dans la nuit, le temps changea complètement, et au matin le réveil se fit sous une violente tempête de neige. L'équipe fut bloquée au manoir de Pelendur pendant huit jours. La petite accalmie du milieu avait montré un paysage recouvert d'une neige épaisse, et le ciel s'était couvert à nouveau. Il fallut attendre un chaud soleil qui commença à faire fondre toute cette blancheur, laissant mal augurer de la future recherche de traces.

Pelendur mit une équipe d'une demi-douzaine d'hommes à la disposition de Narmegil. Avant de les laisser partir, il leur confia un ou deux noms de personnes susceptibles de les aider à Tharbad, comme sa sœur jumelle Pelenwen, qui occupait fréquemment leur maison de la capitale. Puis ils furent partis, menés par les hommes du baron. Ces derniers les amenèrent, au deuxième jour, là où ils avaient découvert les corps de leurs compagnons, un mois auparavant.

L'équipe chargée de l'enquête avait longtemps piétiné, mais elle semblait avoir trouvé quelque chose et le dernier rapport faisait état d'un espoir, d'un "fort soupçon" à vérifier. Mais il n'y eut plus jamais rien d'autre. L'armée du Rhudaur avait croisé les enquêteurs en remontant vers le nord-est, et les hommes du baron étaient tous morts. Plus tard, les hommes partis à leur recherche avaient trouvé les traces de l'armée, et sur son sillage, les corps de leurs anciens compagnons. De leur enquête, il ne restait plus rien. C'est là que Narmegil et ses amis furent menés.

8 - Enquête
Malgré toute la neige qui était tombée et qui finissait de fondre, il n'était pas bien difficile de repérer les traces de l'armée du Rhudaur qui était passée par là, un mois auparavant. Les estimations faisaient état de plusieurs milliers d'hommes qui avaient réduit la ville d'Andrath en ruines. Mais il n'y avait a priori aucun rapport entre l'armée du Rhudaur et les bandits qui avaient enlevé le grand-père de Narmegil. Fallait-il suivre la piste de l'armée pour autant ? Mais si la piste des enquêteurs arrivait jusque là, peut-être celle de l'armée avait-elle aussi rencontré celle des bandits.

La route de l'armée fut donc suivie. La tâche était facile, mais aussi nauséabonde : l'armée avait avancé à marche forcée sous un temps particulièrement inhospitalier (froid et enneigé), et leurs prisonniers incapables de suivre le rythme étaient laissés à mourir - et pourrir - sur place. D'où de macabres découvertes, repérées en général d'assez loin, à l'odeur. Et les corps rencontrés étaient souvent ceux de femmes et d'enfants...

La journée était bien avancée et le soleil n'allait pas tarder à se coucher, lorsque les plus perceptifs aperçurent des ruines au loin, sur une colline, dans des fourrés. Isis, qui maîtrisait depuis peu la magie de la nature que Niemal lui avait enseignée, eut une bonne surprise en interrogeant un chevreuil. Ce dernier se souvenait avoir vu un grand humain avec des cheveux blancs, avec d'autres, s'installer dans les ruines non loin. Mais le chevreuil fit aussi part de très nombreux autres humains arrivés plus tard, et de départ. Il ne semblait y avoir plus personne là-bas, comme d'autres sorts le confirmèrent.

L'endroit fut investi avec précaution, mais effectivement il était vide. A l'exception de divers cadavres qui jonchaient les ruines et surtout les alentours. Et certains de ces corps sans vie n'étaient pas des femmes et des enfants, mais ils ressemblaient plutôt à des guerriers en fait. Vif, malgré leur état de décomposition, repéra même certaines blessures qui attestaient d'un combat. Certains avaient reçu des coups d'épée, et d'autres des flèches, dont les pointes faisaient vaguement penser, pour Drilun, à celles qu'il avait vues dans le Rhudaur.

A l'aide de quelques nouveaux sorts, le détail de ce qui s'était passé put être reconstitué : volontairement ou non, l'armée du Rhudaur était tombée sur l'abri des bandits où le grand-père de Narmegil était maintenu prisonnier. Un combat avait suivi, combat très inégal qui s'était révélé sans surprise : les bandits étaient morts en combattant ou en fuyant. Le corps de Tarcandil n'avait pas été retrouvé parmi les cadavres, on pouvait donc supposer qu'il était reparti avec l'armée du Rhudaur et les autres prisonniers de la ville d'Andrath.

Vu l'époque où cela s'était passé, les voleurs de Tharbad qui avaient envoyé le parchemin devaient certainement être au courant de tout cela. Ils avaient donc fait une demande de rançon alors qu'ils ne possédaient sans doute plus Tarcandil avec eux. Leur message indiquait d'ailleurs non pas une remise en liberté, mais une information sur l'endroit où se trouvait le Dúnadan enlevé. Fallait-il pour autant se précipiter à Tharbad et risquer Eru savait quoi afin d'obtenir de maigres renseignements chèrement payés ?

9 - Sur les traces de l'armée du Rhudaur
Les gardes du Cardolan furent renvoyés à Minas Malloth le lendemain, afin de donner des nouvelles. Dorénavant, l'équipe allait suivre les traces de l'armée du Rhudaur, sans doute jusque chez elle, pour retrouver Tarcandil et essayer de le délivrer. Malgré le rapport de forces, malgré l'hiver et la neige, malgré la distance et les dangers... et malgré l'état d'Isis. Cette décision ne s'était pas faite toute seule, et plusieurs auraient sans doute préféré aller à Tharbad. Mais pas Geralt ou Isis, qui se savaient attendus, pas Narmegil non plus, et Vif ne préférait-elle pas la nature et les forêts à la ville ?

La route fut reprise, en direction non du sud-est mais du nord-est cette fois. Pelendur avait remis des vivres aux aventuriers, ce qui leur évita de devoir trouver leur pitance par eux-mêmes au début. D'autant que les contrées qu'ils traversèrent étaient quasiment toutes désertes : les Tyrn Hyarmen étaient déjà bien dépeuplées, et hors des principales voies il n'y avait personne, surtout à cette saison. Et au-delà, la grande plaine qui séparait le Cardolan du Rhudaur était un no man's land que seules des armées empruntaient.

L'équipe se trouva à refaire un chemin qu'elle avait emprunté de longs mois auparavant, quand il s'était agi d'aller non loin de Barad Eldanar. Mais la voie prise ici était plus au sud et à l'est, et par conséquent les cavaliers d'Angmar ou les orcs étaient moins nombreux. Le temps restait clément, sans neige, bien qu'il se refroidissait au fur et à mesure que l'équipe progressait vers le nord. Une petite rivière passée à gué rappela, par ses eaux glaciales, à quel point la région du Rhudaur était inhospitalière, particulièrement en cette saison.

Mais les choses se compliquèrent là où l'armée du Rhudaur avait franchi la rivière Mitheithel (Fontgrise). C'était bien plus au nord que l'emplacement du Dernier Pont, sur la Route de l'Est. Le courant était bien trop fort et les eaux bien trop froides pour pouvoir passer à gué, même au cœur de l'hiver, où les eaux étaient les plus basses. Les Hommes des Collines avaient sans doute bénéficié de l'aide d'un village de l'autre côté de la rivière, village qui comportait un petit port et quelques embarcations. Mais il fallait faire sans, car aucune barque ne reposait de ce côté de la rivière.

C'est Vif qui partit en premier, avec une corde pour tendre entre les rives, à la nuit tombante. Si la rivière n'était pas très large, une trentaine de mètres tout au plus, le courant était fort et les eaux glaciales : rester trop longtemps dans l'eau pouvait être mortel, même pour des elfes. Mais la femme des bois, plutôt bonne nageuse, s'en sortit sans problème, et la corde aida ses compagnons à traverser sans mal. Ils durent ensuite se déshabiller dans les bois et faire un feu, en masquant les flammes, pour se sécher, eux et leurs vêtements. Et Sîralassë utilisa sa magie pour guérir rhumes et engelures.

10 - Les Fourrés aux Trolls
A partir de là, suivre les traces devenait un peu plus difficile. Plus l'armée s'enfonçait dans le Rhudaur, et en particulier les bois appelés les Fourrés aux Trolls, et plus le nombre de villages augmentait. L'armée avait dû aller de village en village pour se restaurer, s'abriter voire se soigner. Et l'équipe devait donc faire de plus en plus de détours pour suivre le chemin. Sans parler de trouver de la nourriture, les aventuriers n'étant pas de purs esprits, et leur départ de Minas Malloth remontant à plus de deux semaines !

Le terrain n'était pas le même, et il laissait moins de traces. Après tout ce temps, suivre la route de l'armée n'était pas trop difficile pour quelqu'un comme Vif, par ailleurs enchantée de se retrouver en forêt. Mais ce n'était pas une sinécure pour autant. Les sentiers pris par l'armée étaient plus ou moins régulièrement fréquentés, et les traces se mélangeaient de plus en plus à d'autres plus récentes. Et si jamais la neige se remettait à tomber...

Mais les Fourrés aux Trolls méritaient bien leur nom. Une nuit, alors que l'équipe dormait, veillée par Isis, Vif entendit au loin quelque chose qui la tira du sommeil, en haut de son arbre. Elle avertit son amie, en bas, qui bientôt entendit elle aussi des bruits dans les bois : quelque chose de gros était en train d'arriver dans leur direction, plusieurs en fait, et pas très discrets... des trolls ! Vite, tout le monde fut debout et équipé, dans l'obscurité presque totale. Tous entendaient à présent plusieurs trolls arriver dans leur direction, et au bruit qu'ils faisaient, Vif devina qu'ils se dirigeaient à l'odeur.

Bientôt, ce furent cinq trolls qui apparurent, et pas vraiment animés de bonnes intentions : se remplir la panse avec du pâté d'elfe ou d'humain... Isis avait fait un sort sur la rôdeuse pour atténuer son odeur, et la femme des bois se glissa silencieusement sur le côté. Drilun aussi avait fait le même sort sur lui, mais un troll, qui l'avait peut-être déjà repéré visuellement, se dirigea quand même dans sa direction. Les autres firent de la lumière, soit par magie (aura elfique) soit en allumant une lanterne, plus efficace pour y voir au fond des bois par une nuit presque sans lune.

La charge des trolls fut aussi effrayante que bruyante. Mais l'équipe se surprit par son efficacité : frappant bien avant les trolls, avec des armes de qualité, souvent magiques, les aventuriers empêchèrent les brutes de porter des coups et ils les affaiblirent rapidement, quand ils ne les tuèrent pas parfois d'un coup ou d'une flèche bien placés. En moins d'une minute, les cinq trolls gisaient par terre et ils ne mangeraient plus personne.

Mais le combat, ponctué de nombreux cris, avait été tout sauf discret. Quant à masquer ce qui s'était passé, il valait mieux ne même pas y penser. Les branches cassées par les monstres formaient un vrai boulevard, et leur sang, leurs tripes et le reste se verraient sans doute encore bien longtemps : les travaux d'enfouissement n'étant pas à l'ordre du jour (ou de la nuit), il fallait peut-être trouver un nouvel endroit pour dormir. Ne serait-ce que pour l'odeur...
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 17:52, modifié 4 fois.
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Tharbad - 3ème partie : les Hommes des Collines

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1 - Le voyage se complique
Au grand désespoir de Geralt, il fallut lever le camp en pleine nuit afin de s'éloigner du lieu du combat. Le chemin que l'armée puis le groupe avaient suivi fut laissé en arrière, le plus discrètement possible, tandis que Vif effaçait les traces de passage de son mieux. Au bout d'une heure la distance fut jugée suffisante, et un nouveau camp fut dressé dans les bois. Tous se recouchèrent, hormis les elfes qui s'étaient suffisamment reposés. Par ailleurs, tous comptaient beaucoup sur l'ouïe extrêmement fine de la Femme des Bois, qui s'était à nouveau fait pousser des oreilles félines. Et le reste de la nuit se passa sans problème.

Le réveil n'en fut que plus dur pour certains, et en particulier Narmegil : une neige fine tombait et elle avait tout recouvert d'un voile blanc, ce qui lui remémorait de bien mauvais souvenirs... Mais également, la rôdeuse du groupe entendit bientôt des voix de l'endroit où ils avaient mené combat pendant la nuit. Selon toute vraisemblance, les Hommes des Collines les plus proches avaient entendu quelque chose pendant la nuit, et une forte patrouille était venue enquêter dès les premières lueurs de l'aube. Ils ne retrouvèrent pas leurs traces, mais il convenait d'être prudent et discret.

Les aventuriers firent donc un large détour, silencieusement, afin de retrouver le chemin qu'ils suivaient depuis un moment. Puis ils continuèrent leur route, en espérant que la neige recouvrirait bien vite leurs traces bien nettes dans le manteau poudreux. L'œil et les oreilles aux aguets, la matinée avança, mais bientôt certaines oreilles de chat entendirent la course de quelques personnes derrière eux : du petit monde arrivait, sans doute des messagers, ils étaient trop peu pour s'agir d'une patrouille. Rapidement, les traces furent effacées et les uns et les autres se cachèrent dans les bois alentours.

Ils virent bientôt trois Hommes des Collines avancer à petites foulées sur le chemin enneigé. Les hommes passèrent sans manifester aucun signe d'avoir vu quiconque, et les bruits diminuèrent petit à petit. Mais pas assez pour Vif : elle entendit qu'ils s'arrêtaient bientôt, à peut-être quelques centaines de mètres. En se concentrant, elle pouvait même imaginer la scène : les hommes se concertaient, puis ils évacuaient le chemin en se cachant dans les bois, pour attendre quelque chose qu'ils savaient être derrière eux... Ils avaient dû apercevoir quelque chose dans les bois, ou, plus vraisemblablement, ils avaient suivi les traces dans la neige peu auparavant, et s'étaient rendu compte qu'elles avaient été masquées. Mais ils avaient continué néanmoins... avant de se cacher.

Après un petit conciliabule, il fut décidé de tendre un piège, de forcer les hommes à découvert. Certains voulaient les tuer pour en être débarrassé, mais le Dúnadan était plus mesuré, et semblait compter plutôt sur la diplomatie : après tout, ils étaient censés discuter avec le "Targ-Arm" (Grand Chef) des Hommes des Collines, cela ne ferait pas bonne mesure s'ils arrivaient avec le sang de ses guerriers sur les mains. Dans tous les cas, on ne pouvait les laisser tendre une embuscade, il fallait les faire sortir. Narmegil s'avança alors tranquillement sur le chemin, lentement, tandis que ses amis suivaient à distance, dans les bois, discrètement.

2 - Contacts
Après un moment, deux des trois hommes finirent par sortir et ils interpelèrent Narmegil dans leur langue, le Blarm... auquel il ne comprenait rien. Seul Drilun, qui avait beaucoup écouté tant Niemal que les Hommes des Collines, la maîtrisait assez pour pouvoir tenir une conversation. Néanmoins, par signes, les hommes firent comprendre au noble Dúnadan que ses interlocuteurs voulaient qu'il abandonne ses armes, ce qu'il fit.

Mais au même moment, Vif entendait du monde arriver par le chemin, et en plus grand nombre. Une grosse patrouille arrivait, aussi les aventuriers se firent-ils plus discrets. Mais ils laissaient des traces dans la neige, qui pouvaient être facilement suivies, hormis la Femme des Bois, qui avait des bottes elfiques qui en laissaient très peu, même sur la neige. Par ailleurs, Isis et Sîralassë maîtrisaient maintenant la magie de la nature, qui leur permettait de rester à peu près invisibles tant qu'ils ne bougeaient pas...

Mais ce n'était pas le cas de Drilun, qui finit par se rendre et servir d'interprète. Isis arriva aussi, pour être avec son homme. Mais les guerriers qui les entouraient utilisèrent une autre méthode pour motiver les derniers à se rendre : ils firent s'agenouiller (non sans mal) puis allonger Narmegil dans la neige, et le piquèrent d'une lance dans le dos, menaçant d'appuyer plus si les derniers n'arrivaient pas. Le Dúnadan ne sentit pas grand chose grâce à sa cotte de mailles de mithril, mais en revanche le contact avec la neige l'indisposa énormément et il appela vite ses amis, qui finirent tous par le rejoindre.

Aucun des Hommes des Collines ne parlait le ouistrain ou une autre langue connue des aventuriers, aussi il fallut que Drilun traduise tout au fur et à mesure. Narmegil expliqua que ses amis étaient ses serviteurs et qu'il était chargé de négocier la rançon pour les prisonniers du Cardolan. Le Dunéen qui traduisait savait être convaincant, et ses interlocuteurs, s'ils se méfiaient, décidèrent de laisser leur chef décider quoi faire. Le fait d'avoir trouvé ces intrus loin à l'intérieur des Fourrés aux Trolls sans jamais avoir entendu parler de leur arrivée les interloquait tout de même...

Après avoir confisqué les armes et les sacs des membres du groupe, tous rebroussèrent chemin. Les aventuriers, escortés par les Hommes des Collines, marchèrent quelques petites heures avant d'arriver à un camp. Ce n'était pas un camp mobile fait de maisons légères et vites démontées, mais des demeures en dur, bois et pierre, sur un site semi-fortifié. Ce devait donc être un camp d'hiver sacré pour le groupe dont ils étaient les "invités".

3 - Preuves à faire
Drilun continua sa mission de traducteur auprès du Tark ("Chef") et de la Wegech, une espèce de matriarche, soigneuse et prêtresse à la fois. Là encore, malgré sa maîtrise relative du Blarm, il sut trouver les mots pour convaincre qu'ils n'étaient pas des ennemis et que le grand chef Broggha avait tout intérêt à les voir. Et donc qu'il valait mieux les laisser partir sans mal, voire les aider à rencontrer Broggha au plus vite.

Le chef était tout à fait d'accord, mais il fit vite entendre qu'il retiendrait les armes et équipements de ses invités comme "taxe de passage". Ce qui n'était pas du tout au goût des "invités" et en particulier Narmegil : il fit dire au traducteur du groupe qu'il avait respecté les droits de ses "hôtes", alors qu'il aurait pu utiliser la force pour passer. Ils avaient montré avec les trolls que la force ne marchait pas contre eux, et il était prêt à prouver qu'il était meilleur guerrier que n'importe qui de présent parmi ses hôtes - en visant le chef en particulier.

Ce dernier accepta le défi, mais à ses conditions : ce serait trois guerriers contre trois, et avec leurs armes ou armures à eux, y compris pour Narmegil et ses amis. Le Dúnadan, souhaitant conserver sa cotte de mailles de mithril sous ses vêtements, prétexta qu'il était frileux - et cela fut confirmé par ceux qui les avaient amenés, qui rapportèrent l'incident du Dúnadan rétif à se coucher dans la neige, ce qui fit bien rire. En échange, il proposait d'être seulement deux, Sîralassë et lui, contre les trois Hommes des Collines.

Le chef accepta, et tous se retrouvèrent dehors, où un cercle fut vite formé. Les armes étaient de lourdes lances , appelées "Creg", et les armures de simples tuniques de cuir. Narmegil fit face au chef et à un de ses guerriers, tandis que le troisième était géré par le soigneur du groupe, qui utilisait son Creg comme un bâton. Le combat s'arrêterait lorsque tous les membres d'un camp auraient été rendus inconscients ou trop faibles pour combattre, ou se seraient rendus. S'il y avait un mort parmi les Hommes des Collines, il y en aurait un parmi leurs "invités" : œil pour œil, dent pour dent !

Sîralassë n'avait pas pris la précaution de faire sa magie du combat à l'avance, aussi fut-il pris par surprise et se contenta de défendre, sans mal pour lui d'ailleurs. En revanche, Narmegil fit très forte impression en assommant rapidement ses deux adversaires, bien qu'il écopa d'une blessure sérieuse lui aussi. Mais moins sérieuse que l'un de ses deux adversaires, dans le coma et avec une blessure qui saignait bien. L'adversaire de Sîralassë, seul contre deux, comprit qu'il n'avait aucune chance et abandonna tout de suite.

Après quoi le soigneur fit merveille et il put soigner tous les blessés. Le plus grave aurait facilement pu mourir, mais il arriva à stabiliser la blessure et à faire en sorte, grâce à sa magie, qu'il puisse rapidement être sur pied. Néanmoins, si le chef fut très impressionné par Narmegil et s'il accepta sans mal de rendre leurs affaires à ses "invités", il tint néanmoins à attendre que son blessé soit déclaré sauvé avant de les laisser partir.

4 - Diplomatie et marchandage
Il fallut une journée entière - 24 heures - avant que l'homme ne se réveillât. Mais la Wegech confirma que l'homme guérissait vite et bien et qu'il était sorti d'affaire. Le groupe partit le lendemain - d'abord au pas de course, puis plus lentement pour ménager Isis entre autres - avec des guides chargés de les mener jusqu'au camp du Targ-Arm Broggha. Tout se passa bien tant que le territoire traversé restait celui des guides. Mais ces derniers prévinrent que sur le territoire d'une autre tribu, il faudrait convaincre ceux qu'ils rencontreraient.

Ce qui arriva immanquablement. Mais afin d'impressionner sans combattre, Narmegil et Geralt firent des passes d'armes de plus en plus complexes et dangereuses, et les Hommes des Collines comprirent vite qu'ils avaient en face d'eux de très bons guerriers qu'il valait mieux laisser en paix. Au bout de quatre jours, le camp d'hiver sacré de Broggha fut atteint, dont le nom pouvait se traduire par quelque chose ressemblant à "bosquet de pins sacré", en raison de fantômes d'Hommes des Collines (tués au cours d'une ancienne bataille) censés garder l'endroit.

L'endroit était situé sur le flanc d'une colline escarpée, et plusieurs ouvertures dans la roche marquaient les entrées de diverses cavernes. Une partie du camp était troglodyte, et si certaines cavernes étaient en fait des mines de cuivre, une des richesses du Rhudaur, d'autres devaient héberger les prisonniers et leurs hôtes. Tout cela semblant bien gardé, une expédition en catimini paraissait plutôt risquée.

Le groupe ne put rencontrer Broggha, qui ne voulait voir aucun étranger depuis son retour. Mais la Wegech du camp les accueillit, accompagnée par sa fille et apprentie Wegech. Après un moment, il apparut vite que la femme parlait très bien le ouistrain, et les échanges en furent simplifiés. Elle confirma que le grand-père de Narmegil était bien là et en bonne santé, mais l'équipe avait-elle de quoi payer une rançon qui intéressât les Hommes des Collines ? Ces derniers utilisant avant tout le troc, l'argent n'avait qu'une valeur limitée. L'acier - les armes en particulier - c'était autre chose, mais ils n'avaient pas ça sur eux...

Narmegil demanda s'il n'y avait pas un service qu'ils pourraient rendre, et en fin de compte son interlocutrice trouva quelque chose à lui proposer : loin à l'est, un géant posait problème à un camp des leurs. Si le Dúnadan et ses serviteurs arrivaient à les débarrasser du problème, Narmegil retrouverait son grand-père. Mais elle prévint aussi que le temps était compté : des gens de Tharbad étaient déjà passés au moins deux semaines auparavant, qui étaient très intéressés... Et ils étaient à cheval.

Le marché fut conclu, le groupe partirait le lendemain. Narmegil fit passer un message à son aïeul, payé par quelques pierres précieuses. Il eut une réponse le lendemain, dans un ouistrain plus ou moins bien reproduit par la Wegech, qui confirmait que le vieil homme allait bien et qu'il avait grand plaisir à savoir son petit-fils non loin. Enfin, ce fut le départ, là encore avec une demi-douzaine de guides pour les mener à bon port.

5 - Les limites de la diplomatie
Le trajet se passa sans problème particulier. Il fut long et ardu, car le campement en question se trouvait à l'extrémité orientale du Rhudaur, à une certaine hauteur dans les montagnes. Mais après une bonne semaine, l'équipe arriva, les pieds dans la neige, à un camp d'hiver sacré d'Hommes des Collines. Camp sacré qui expliquait pourquoi ses habitants ne voulaient pas partir malgré les difficultés à se nourrir ou les problèmes de voisinage : leurs ancêtres étaient enterrés là, et leur culte était très important.

Malgré un étonnement vite passé devant une telle équipe au service de Broggha, les gens collaborèrent de leur mieux. Ils expliquèrent comment le ou les géants étaient descendus des montagnes, avaient perturbé les rennes qui représentaient la base de l'alimentation des Hommes des Collines, et avaient tué une quinzaine de leurs guerriers. En fait, ils n'avaient jamais vu qu'un seul géant, mais ils avaient repéré des traces fraîches à deux endroits assez éloignés, et du coup ils ne pouvaient être sûrs s'il y en avait un ou deux.

Dès que le temps le permit, le groupe partit en montagne avec un guide. Ce dernier les mena, après une bonne heure de marche, jusqu'au dernier endroit où des traces avaient été repérées. Puis l'homme montra l'endroit probable où le ou les géants devaient habiter, et il quitta le groupe rapidement. Il ne restait plus qu'à fouiller le secteur jusqu'à trouver d'autres traces, et les remonter.

Trouver des traces ne posa aucun problème. Les remonter non plus, malgré un passage un peu difficile à franchir, mais l'équipe commençait à être rodée aux voyages en montagne. Enfin, le groupe arriva au pied d'une falaise, à l'entrée d'une caverne obstruée par un gros rocher que même Narmegil n'arrivait pas à faire bouger. Mais un espace, vers le haut, était suffisamment grand pour laisser passer Vif, véritable contorsionniste - un vrai chat. Un seul géant à l'intérieur, qui ronflait fort, et rien de bien intéressant sinon, à l'exception de nombreux ossements pas tous animaux.

Narmegil tenait à être d'abord diplomate, et il espérait pouvoir convaincre le géant d'aller voir ailleurs et de laisser tranquille les Hommes des Collines. Il frappa le rocher de sa lance elfique, afin de réveiller le géant et de pouvoir discuter avec lui. Il lui fallut de nombreux efforts pour y arriver, jusqu'à commencer à casser des morceaux de rocher avec sa lance. Le géant finit par venir, mais :
- il n'avait pas l'air content, tempêtant comme quelqu'un de (très) mal réveillé
- il ne semblait aucunement avoir envie de sortir, il paraissait plutôt nocturne
- personne ne comprenait un mot à ce qu'il disait, et inversement

En fin de compte, Narmegil jeta par un trou quelques pierres précieuses qu'il avait amenées, dans l'espoir d'intéresser le géant - avec succès. Ce dernier finit par comprendre que l'homme à l'extérieur de sa caverne - les autres membres de l'équipe étaient contre la falaise, à distance prudente pour certains - avait sur lui quelque chose qui l'intéressait. Sa réaction, après un court silence, ne se fit pas trop attendre : le rocher fut repoussé de manière à basculer sur Narmegil, qui l'évita d'un bond. De l'autre côté, le géant brandissait d'une main un rocher d'une centaine de livres peut-être, dans le but évident de tester la solidité des os de Narmegil. Le temps de la diplomatie s'achevait, la barrière de la langue (au moins) était demeurée la plus forte !

6 - Un combat efficace
Le Dúnadan parvint à esquiver le rocher envoyé dans sa direction, et le géant ne s'en tira pas si facilement : Geralt, près de l'entrée, porta un coup au monstre à l'aide de son épée. Malgré le cuir de la créature, l'attaque fit plus qu'une épine dans la peau épaisse : elle blessa réellement le géant, qui poussa un beuglement et recula dans sa caverne. Blessure légère cependant, qui ne risquait pas de beaucoup l'indisposer. Elle avait surtout permis de prendre l'initiative.

S'ensuivit une partie de chat et souris avec le géant. Ce dernier s'était réfugié dans l'une des pièces de sa caverne, là où il faisait un feu et rôtissait ses proies. Cette pièce comportait des rochers, du bois pour faire du feu, ainsi que diverses carcasses. Il avait entassé un mélange de tout cela à l'entrée de la pièce, afin de faire barrage aux opportuns, qu'il attendait un rocher à la main. La pièce possédant une ouverture - une fente - par où l'air et la fumée pouvaient entrer ou sortir, enfumer le géant ne paraissait pas faisable.

L'un après l'autre, divers membres de groupe entraient dans la caverne et s'abritaient contre une paroi, hors d'atteinte, et trop rapides pour le géant. Ensuite, l'archer dunéen préparait une flèche et s'apprêtait à tirer. La flèche, poussée par la magie de l'arc, grâce aux runes magiques que Drilun y avait inscrites lors de son passage à la forge de Maeglos, blessait sans mal la créature, et cette dernière était bien trop lente pour répliquer. Le géant, même si la blessure de la flèche n'était pas mortelle, reculait sous la douleur, permettant aux aventuriers de franchir le barrage s'ils faisaient assez vite. En revanche, l'archer ne pouvait tirer à ce moment-là, d'autant qu'il devait économiser ses flèches.

Geralt combattit le géant, mais il n'arrivait à faire que des estafilades, des blessures légères, heureusement suffisantes pour l'empêcher de répliquer. Narmegil put aussi s'attaquer directement au monstre, à l'aide de sa lance magique, secondé par les tirs de l'archer. Au deuxième de ses coups, il toucha le cœur de la créature, qui s'effondra sur la lance - le Dúnadan dut faire un bond pour éviter la chute du corps. Le géant passa de vie à trépas, et ne serait plus jamais une menace pour personne, rennes ou Hommes des Collines. Restait à trouver le moyen d'apporter une preuve à ces derniers que la tâche avait bien été effectuée. Et récupérer la lance fichée... mais ce ne fut pas un problème insurmontable.

En fin de compte, les oreilles furent découpées. Vif récupéra aussi les totems de cuivre qu'elle put trouver près des dépouilles des Hommes des Collines que le géant avait abattu. Dans leur croyance, ces pépites de cuivre, que chaque Homme des Collines portait dès la naissance, abritaient l'âme de leur porteur, et les rapporter serait bien vu de leurs hôtes. Le reste de la caverne fut fouillé, sans rien trouver d'intéressant. Mais le Dúnadan récupéra ses pierres précieuses. Enfin, le groupe redescendit jusqu'au camp des Hommes des Collines en suivant leurs traces dans la neige.

7 - Tempête de neige
Ce soir-là, ce fut la fête chez les Hommes des Collines, et les héros se virent chanter leurs louanges, même si Drilun était le seul à pouvoir comprendre. Il restait toujours la question d'un éventuel deuxième géant, des traces de combat ayant été repérées à une bonne distance. Néanmoins, il y avait déjà eu une première victoire, et avec de tels guerriers, tous les espoirs semblaient permis.

En revanche, les aventuriers remarquèrent que leurs hôtes avaient peu de choses à leur offrir même pour manger, et que les enfants entre autres étaient affaiblis par manque de nourriture. L'hiver avait été particulièrement rude, la neige empêchant souvent les guerriers d'aller chasser, et certains avaient participé au raid sur le Cardolan. Et la venue du géant, en plus de tuer de nombreux chasseurs, avait effarouché les rennes dont ils se nourrissaient.

C'est ce soir-là aussi que commença une fameuse tempête de neige. Au petit matin, les guides refusèrent de prendre la route, tellement la vue était faible et la progression difficile. Et cela dura plusieurs jours, pendant lesquels les rares restes de nourriture furent réservés aux enfants et à Isis. Mais les choses ne pouvaient plus durer : si elles ne mangeaient pas bientôt, de nombreuses personnes du camp étaient menacées, peut-être même le camp entier.

Vif décida de faire une sortie dès le lendemain : elle n'était pas gênée par l'épaisseur de neige comme les autres, grâce à ses bottes magiques qui lui permettaient de marcher sur la neige comme si elle ne pesait presque rien. Et les aventuriers avaient de toute manière prévu de vérifier qu'il n'y avait pas d'autre géant à proximité. Après s'être fait expliquer la direction par ses hôtes, elle leur demanda (toujours par l'intermédiaire de Drilun) de faire du bruit pour l'aider à revenir. Puis elle se glissa hors du camp, malgré les protestations des Hommes des Collines qui l'avaient bien mise en garde.

Après un long moment, les hommes rentrèrent s'abriter dans la pièce commune où se trouvaient les autres aventuriers. Ces derniers sortirent à leur tour - sauf peut-être Narmegil et Geralt - et firent grand bruit afin que la rôdeuse puisse les retrouver à l'oreille. Par un temps pareil, ils savaient qu'elle ne pourrait retrouver son chemin avec les seules traces. Et même ainsi, la neige étouffait les sons, et les chances de survie étaient bien minces si elle ne revenait pas...

Mais en fin de compte, la Femme des Bois finit par ressurgir, après plusieurs heures. Elle avait réussi à trouver l'origine des attaques : c'était un grand félin appelé ici chatmoig - un autre que ceux qu'ils avaient déjà vus - qui profitait du désarroi des rennes suite à la présence du géant qui les chassait. Il avait ainsi pu les approcher plus facilement, et se nourrir à moindre effort. Mais comme cela ne faisait pas non plus l'affaire des Hommes des Collines, Vif - qui pouvait communiquer avec tous les félins - avait dû le persuader d'aller chasser un peu plus loin, afin de ne pas déranger ses hôtes. L'énorme matou avait fini par acquiescer, la femme-féline lui paraissant sympathique.

8 - Chasse ultime
Après quelques jours, la tempête de neige ne faiblissant pas et les réserves étant toutes à sec, Vif décida qu'il fallait faire quelque chose. Elle se remit en route, seule dans la neige, en comptant sur le bruit que feraient ses amis pour revenir. Mais la montagne était d'un gris uniforme sous la neige qui tombait violemment, rien ne bougeait, les animaux se terraient en se serrant la ceinture et en attendant des jours meilleurs. Enfin, elle finit par trouver une harde de rennes qui s'abritaient contre un pan de falaise à l'abri du vent et un peu de la neige, tous serrés les uns contre les autres.

Après un retour possible seulement grâce à ses oreilles félines et une ouïe fantastique, elle essaya de persuader ses amis de l'aider à chasser le renne. Une seule personne lui suffisait, afin de tuer une bête et de ramener les morceaux. Un bon guerrier, en somme, voire un bon archer. Narmegil déclina l'offre, la neige le tuerait plus sûrement qu'un géant. Drilun se voyait mal approcher assez des rennes pour en tuer un, tellement ses sens étaient limités, surtout dans de telles conditions. Mais il était prêt à prêter son arc à quelqu'un... comme Geralt.

Ce dernier râla beaucoup, mais sa volonté devenant chaque jour plus forte avec toutes les épreuves qu'il subissait, il trouva la force d'accepter. C'était lui le plus perceptif du groupe après la femme des bois, et un bon guerrier également, et très discret. Il prit l'arc de l'archer dunéen, ses armes, ses vêtements chauds, et s'apprêta à suivre Vif, qui l'emmena dans la tourmente de neige. Et lui n'avait pas de bottes magiques pour l'aider.

Après plusieurs heures d'une pénible progression (pour l'homme aux cheveux blancs) dans une grande épaisseur de poudreuse, la femme des bois parvint à retrouver l'endroit où se trouvaient les rênes. Son compagnon, fatigué et déjà affaibli moralement, se prépara à la chasse. Ayant encoché une flèche, il approcha des rennes jusqu'à pouvoir commencer à les distinguer nettement. Mais à une trentaine de mètres, les rennes perçurent son odeur, malgré la neige, et ils commencèrent à s'agiter. L'assassin tira alors une flèche qui pénétra le flanc d'une bête.

Le troupeau s'élança péniblement dans la neige, le blessé en arrière. Vif et Geralt courraient derrière, mais heureusement, le renne blessé fit un faux mouvement et trébucha dans la neige. Le guerrier fut vite sur lui et il l'acheva. Cela faisait quelques dizaines de kilos de viande à récupérer, mais comment les transporter ? Ils n'avaient pas de traineau ou de quoi en fabriquer un, et dans un mètre de neige, Geralt ne pouvait avancer avec tout ce poids, il n'irait pas bien loin. Il fallait trouver de l'aide.

C'est ainsi que, une heure plus tard, les Hommes des Collines virent revenir à eux la femme des bois, toujours à leur très grand étonnement. Mais ils pouvaient aider, lorsqu'elle leur rapporta - merci Drilun - qu'un rêne avait été tué et que sa viande (et Geralt) n'attendait qu'eux... en plus des quelques morceaux qu'elle avait apportés. Ils prirent un traineau, et si eux n'avaient pas de bottes magiques, ils possédaient des raquettes qui leur permettaient d'avancer sur la neige sans s'enfoncer. Au grand intérêt des aventuriers, qui ne connaissaient pas la chose.

Après encore quelques heures, l'assassin aux cheveux blanc, qui avait trouvé refuge contre la carcasse tiède afin de se réchauffer, finit par entendre des voix et par retrouver son amie et ses hôtes. Il enfila des raquettes et apprit vite à s'en servir, mais il restait néanmoins en dernier et se faisait petit à petit distancer. Alors qu'il pensait qu'il était à nouveau seul, oublié des autres, et qu'il était prêt à s'assoir dans la neige et attendre la fin, il vit enfin les premières habitations. Il avait réussi à revenir, mais il s'en était fallu d'un cheveu pour qu'il abandonne et qu'il y laisse sa peau, à peut-être même pas cent mètres du camp...

9 - Paiement et mauvaises nouvelles
Après encore quelques jours d'un bien meilleur régime, le beau temps finit enfin par revenir. La couche de neige était bien trop épaisse pour pouvoir aller bien loin, mais avec des raquettes il était possible d'avancer, et la chaleur nouvelle faisait fondre la neige assez rapidement, surtout en descendant à des altitudes plus faibles. Les aventuriers et leurs guides purent ainsi revenir chez le Targ-Arm Broggha, après encore plus d'une semaine et des adieux sincères de ceux qu'ils avaient aidés. Ils étaient partis depuis presque un mois, et le ventre d'Isis continuait à s'arrondir !

Mais une mauvaise nouvelle les attendait : le grand-père n'était plus là. La Wegech avait prévenu, avant leur départ, que c'était "premier arrivé premier servi", et les aventuriers avaient été les derniers. Des hommes de Tharbad avaient amené un convoi d'armes en acier, et ils étaient repartis avec Tarcandil - sur mules et poneys - une semaine auparavant. Mais des cavaliers d'Angmar étaient aussi passés peu après, et ils étaient repartis sur la trace des gens de Tharbad, vers le sud, il y avait à peine quelques jours...

Néanmoins, au su de ce que les aventuriers avaient fait, la Wegech annonça que Narmegil et ses serviteurs seraient largement dédommagés de leurs efforts. Après s'être entretenue avec Broggha - qui ne voulait toujours recevoir personne - elle annonça au groupe qu'ils pourraient repartir avec une cinquantaine de prisonniers. Essentiellement les plus faibles, les femmes avec enfants et les personnes âgées - ceux qui avaient survécu au voyage aller.

Narmegil et ses amis repartirent donc à pied, sous bonne garde au début, avec de quoi nourrir ce beau monde le temps d'arriver à la Grande Route de l'Est. Puis les frontières du Rhudaur furent atteintes et les aventuriers et ex-prisonniers durent se débrouiller seuls. Les Hommes des Collines, après avoir fait passer la troupe hors d'atteinte des troupes du roi Ermegil de Rhudaur, laissèrent là leurs "invités", et retournèrent chez eux sans un regard en arrière.

Il ne restait plus au noble Dúnadan et à ses amis qu'à s'occuper des ex-prisonniers : les faire avancer, les soigner, les nourrir, les protéger... dans un no man's land occupé par des orcs et des cavaliers d'Angmar parfois. Et cette fois-ci, pas question d'y aller discrètement : ce n'était pas dans la mesure du possible pour une bonne part de ceux qu'ils reconduisaient chez eux. Quel chez eux d'ailleurs, il avait brûlé ?

10 - Dernière épreuve
Le moral des prisonniers, de très bas qu'il était au départ, remontait petit à petit alors que leur libération et retour au pays semblait devenir une réalité. Les encouragements de Sîralassë remontaient également les cœurs et les aidaient à progresser malgré la mauvaise saison. Et le soigneur faisait en sorte, par ses soins et sa magie, que tous demeurent en bonne forme pendant tout le voyage.

Côté nourriture, entre Vif et ses compétences et la magie des elfes, qui pouvaient maintenant appeler les animaux à l'aide, tous purent être nourris convenablement. Restait la question de la protection. Les cavaliers d'Angmar ne posèrent pas problème, et s'ils repérèrent leur troupe, ils durent estimer qu'il ne valait pas la peine - ou le risque - de s'en occuper de plus près. Quant aux orcs, par contre, ce fut une autre histoire...

Une nuit, dans la vaste plaine vide qui servait de no man's land entre le Rhudaur et ses voisins, Vif entendit une troupe d'orcs approcher. L'équipe se prépara à les accueillir, et finalement les créatures chargèrent. Narmegil et Geralt se portèrent à leur rencontre, tandis que les autres se préparaient au choc avec leurs armes. Sîralassë, à la demande de la Femme des Bois, utilisa néanmoins sa magie pour aider son amie à se transformer en quelque chose de plus apte au combat - une forme mi-humaine, mi-féline.

Tandis que les deux guerriers, dos à dos, recevaient les premiers orcs et taillaient membres et têtes, d'autres orcs poursuivaient leur course et se faisaient recevoir par flèches et griffes, et ensuite épées. Après un temps bref, les orcs se rendirent compte qu'en moins d'une minute ils étaient passés d'une soixantaine de guerriers à moins d'une trentaine de bras valides. Et ils n'avaient pas fait un seul blessé parmi les défenseurs, et il n'y avait eu aucun mouvement de panique. Les survivants décidèrent alors de sauver leur peau, et ils s'égayèrent dans toutes les directions.

Le reste de la route ne posa aucun problème, même si Vif était désormais regardée d'une manière un peu différente et distante. Après avoir passé Amon Sûl, la troupe poursuivit sur la Grande Route de l'Est, en direction de Bree. Mais elle bifurqua un peu avant de manière à arriver à Minas Malloth, où le baron de Tyrn Gorthad les accueillit tous à bras ouverts. Une cinquantaine de prisonniers avaient été récupérés, mais pas le grand-père de Narmegil. C'était le printemps, et Isis et son bébé n'avaient pas souffert du voyage dans le Rhudaur : le ventre était de plus en plus gros... et gênant.
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Tharbad - 4ème partie : boulet à la patte

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1 - Le sort des réfugiés
Après une nuit de repos à Minas Malloth, Pelendur aborda Narmegil et ses amis sur un sujet très concret : quel avenir proposer aux prisonniers ramenés du Rhudaur ? C'étaient tous des femmes et enfants ou vieillards, pour l'essentiel incapables de subvenir à leurs propres besoins. Et ils n'avaient plus aucun foyer, leur ville d'origine étant incendiée et impossible à rebâtir sans une aide conséquente. Et vu les autres problèmes du moment, dont l'invasion des spectres des Galgals, le baron de Tyrn Gorthad ne croyait guère revoir Andrath habitée un jour. Ou en tout cas pas avant des années.

Andrath appartenait à la principauté de Dol Tinarë, même si la ville était en limite de ses propres terres. Il ne voyait que trop bien les problèmes auxquels d'éventuels habitants et leurs dirigeants allaient être confrontés :
- proximité menaçante des Galgals et de leurs spectres
- menace toujours présente d'arrivée des armées d'Angmar ou du Rhudaur - la ville avait déjà été détruite en 1409
- zone sauvage exposée à de nombreux bandits voire orcs
- désintérêt ou incapacité des forces du Cardolan à assurer la sécurité de la zone

Pour Pelendur, qui voyait sa baronnie se dépeupler à allure régulière, le sort d'Andrath risquait fort d'être le même : ruines et désert. Il aurait volontiers accueilli tous ces gens sur ses terres, mais il doutait d'avoir les moyens d'assurer la subsistance de ces réfugiés bien longtemps. Il proposait donc plutôt de voir avec eux s'ils avaient des familles qui pouvaient les héberger durablement ou le temps de trouver une solution ou un nouveau départ. Ce qui fut fait, et qui donna le résultat suivant :
- une trentaine de personnes avaient de la famille dans le Cardolan ou plus au sud (Gondor)
- une dizaine de personnes souhaitaient aller en Arthedain
- une dizaine de personnes n'avaient nulle part où aller

Pelendur était prêt à accueillir définitivement les personnes sans famille pour les aider. Il pensait aussi pouvoir faire accompagner ceux qui souhaitaient se rendre en Arthedain par quelques gardes, la route étant à peu près sûre. Pour ceux devant se rendre aux quatre coins du Cardolan voire plus loin, par contre, il avouait son impuissance : le Cardolan était loin d'être sûr, et lui n'avait plus assez de gardes pour assurer la sécurité de ces réfugiés, en même temps qu'un semblant d'ordre (patrouilles...) par chez lui.

Narmegil et ses amis ne tenaient pas à s'encombrer de tous ces gens, et le noble Dúnadan était prêt à payer Pelendur pour l'aider à les prendre en charge. Mais il comprit que le problème n'était pas que financier : faute d'assez d'habitants et d'activité, il n'y avait tout simplement pas assez de réserves ou de bras pour nourrir durablement toutes ces bouches. Et les marchands ne s'arrêtant plus guère par ici, les ressources extérieures étaient limitées. Il valait mieux chercher un sort plus enviable et plus éloigné pour ces gens.

Lui-même proposa aux gens sans famille de les prendre sous sa protection, à Tumulus, ce qui fut accepté avec joie. Il fut convenu que les gardes de Pelendur partiraient avec tous ceux devant se rendre en Arthedain, que ce soit Tumulus ou Fornost Erain et au-delà. Narmegil et ses amis emmèneraient les autres à Metraith, la capitale de Dol Tinarë, où ils seraient remis à leur seigneur. Mais Pelendur prévint que le seigneur Hallas, vieillissant (163 ans), était quelqu'un de notablement avare et acariâtre, et la destruction d'Andrath n'avait pas dû l'améliorer. Même en le payant, il pensait que les choses ne seraient pas si simples...

2 - Préparatifs et départ
Le baron de Tyrn Gorthad avait besoin d'une journée pour s'organiser, aussi le départ fut fixé au lendemain matin. Ce qui laissait un peu de temps dont l'équipe souhaitait profiter pour s'organiser un peu et préparer leur arrivée à Tharbad. Les aventuriers voulaient ainsi prendre des vêtements et affaires peu voyantes, voire du matériel pour se grimer ou changer leur apparence. Pelendur les aida en piochant dans les affaires de sa sœur Pelenwen, actuellement à Tharbad. Il en profita pour donner les indications pour la joindre.

Geralt et Vif en particulier prirent des trousses de maquillage, ils se firent couper et teindre les cheveux avec l'aide de serviteurs du baron, et prirent de quoi refaire l'opération plus tard. Les équipements les plus voyants furent laissés à la bonne garde de Pelendur, comme pour les chevaux qui avaient maintenant l'habitude des écuries de Minas Malloth. Des armes - d'une certaine qualité - furent fournies pour remplacer celles qui étaient trop visibles, en particulier les arcs ou épées couverts de runes. Mais Narmegil conserva sa lance, juste emmitouflée dans des tissus.

L'équipe partirait avec une semaine de nourriture pour tous, et des couvertures furent remises aux réfugiés. La route jusqu'à Metraith était longue d'environ 140 miles (~ 225 km), il faudrait bien au moins une semaine pour y arriver. Il n'y avait pas d'autre ville sur le chemin, et les fermes étaient inexistantes sur le premier tiers. C'était le tout début du printemps, et il fallait compter avec des femmes et enfants en bas âge parfois, sans parler des vieillards... Et le secteur était exposé aux bandits de tout poil.

Le matin du départ arriva, et les deux groupes partirent ensemble sous un soleil radieux, un ciel très clair mais aussi très froid. Après quelques heures, arrivés à la Vieille Route du Nord, ou "Chemin Vert" (pour les alignements d'arbres qui le bordaient) au nord de Bree, ils se séparèrent : les douze gardes de Pelendur partirent vers le nord avec les réfugiés qui allaient s'installer en Arthedain ; et Narmegil et ses amis prirent le chemin du sud avec les femmes, enfants et vieillards dont les proches habitaient le Cardolan ou d'autres régions plus au sud.

3 - A l'ombre des Galgals
Les premières difficultés se firent vite sentir : si le temps était idéal pour marcher, il fallait faire de fréquentes pauses pour permettre aux réfugiés de se reposer. De plus, les vieillards, déjà fatigués par le retour du Rhudaur, ne pouvaient vraiment pas avoir une allure très soutenue, pas plus que certaines femmes accompagnées d'enfants en bas âge. Et les jeunes enfants qui marchaient, si leur capacité physique était suffisante, supportaient mal de ne pouvoir s'arrêter plus souvent pour jouer.

Sîralassë fut fortement mis à contribution pour alléger les souffrances physiques des uns et des autres, depuis les ampoules jusqu'aux petites maladies. Sa magie et celle d'Isis, par les chants elfiques qu'ils entonnèrent, permirent de donner de l'énergie à certains qui ne sentaient plus leur fatigue pour les écouter, et dont les pieds avançaient bien plus vite. Les dons magiques du soigneur permirent de faire oublier la lassitude aux corps fatigués, et les plus costauds du groupe portaient affaires voire enfants pour aller plus vite...

La première journée ne vit aucun problème particulier, mais il fallut tout l'encouragement du soigneur elfe pour faire avancer tout le groupe jusqu'à la nuit : une ville avait été repérée, en ruines, qui pouvait servir d'abri. Cette ville, Feagil, avait été mise à sac en 1409 et en partie reconstruite par la suite, mais sans jamais retrouver sa taille et sa beauté d'antan. Sa population diminuant, elle avait été désertée suite à la Peste et à l'arrivée des spectres dans les Galgals proches. Mais certains bâtiments étaient encore utilisables, et en particulier l'auberge, régulièrement occupée par les visiteurs de passage.

En revanche, dès la nuit tombée, le froid mordant se fit vite sentir. Les réserves de bois avaient depuis longtemps été épuisées par les voyageurs occasionnels, mais Vif et Isis trouvèrent des chutes de bois dans une menuiserie désertée. La nuit se passa sans incident, les enfants tombant comme des mouches dès qu'un lit leur était proposé. Et le lendemain, la route fut reprise.

La fin de la journée vit la fin des collines se profiler, mais aussi, pour les yeux exercés de certains, la ville d'Andrath, ou plutôt les ruines qui en restaient. Plutôt que de raviver des souvenirs douloureux, les aventuriers choisirent de trouver un autre abri dans la nature. Grâce à sa magie, Isis repéra une grotte dans une colline proche, et tous y arrivèrent bientôt. L'entrée était bloquée par des ronces et épineux, mais Narmegil et Sîralassë utilisèrent leur magie pour faire place nette. Pendant ce temps, Vif, passée en grimpant sur la falaise, explorait l'intérieur, juste occupé par des chauves-souris qui hivernaient.

4 - Dol Tinarë
Après une nuit sans incident, la route fut reprise dès le lendemain. Mais bientôt l'équipe arriva aux ruines d'Andrath, et la douleur des réfugiés ne put faire autrement que de s'exprimer. Après un petit moment à laisser les larmes couler, et voyant qu'ils risquaient de s'éterniser, Sîralassë utilisa à nouveau ses paroles les plus réconfortantes pour redonner de l'énergie et de l'espoir et permettre aux gens de s'arracher à leur chagrin.

Le groupe était maintenant sur les terres du baron de Dol Tinarë - baron qui se faisait appeler "prince" (Ernil), aux dires de Pelendur. La zone proche des Tyrn Gorthad - dont les Galgals - était très faiblement habitée, mais quelques fermes éparses, en petits hameaux, faisaient parfois leur apparition. Toujours grâce aux chants elfiques, aux paroles encourageantes de Sîralassë et aux bras des uns et des autres, un bon rythme put être maintenu.

Une caravane de marchands fut croisée et diverses nouvelles échangées. Ils venaient de Gondor, d'où ils amenaient des sacs de grain et de farine ainsi que divers tissus (soie notamment), entre autres choses. Ils étaient bien armés et ne souhaitaient pas s'éterniser dans le secteur, mais poursuivre vite en direction de Bree. Ils évoquèrent leur passage par Tharbad, où ils étaient régulièrement pris d'assaut par des bandes de mendiants et d'orphelins : leurs nombreuses mains lestes les dérobaient des moindres choses qu'ils avaient le malheur de laisser traîner un peu trop loin de leurs yeux...

A la fin du septième jour, sous une pluie froide et entêtante, le groupe arriva enfin à Metraith, capitale de la principauté. Les réserves étaient épuisées, les ventres vides avaient faim, et la nuit tombait. Les gardes demandèrent une taxe de passage, mais Narmegil expliqua qu'il s'agissait des gens d'Andrath, récupérés chez Broggha, le chef des Hommes des Collines du Rhudaur. Devant l'embarras du chef des gardes, il demanda à aller voir le seigneur Hallas de Dol Tinarë, dont la forteresse, Thalion, jouxtait la ville.

Pendant que Narmegil, Isis et Drilun montaient vers les fortifications, le reste du groupe fut mis à l'abri de la pluie. Les visiteurs arrivaient à un mauvais moment, celui du dîner, mais ils purent tout de même voir le fils du seigneur (et seul survivant) et gérant du château, Celedur. Qui parut lui aussi embêté par l'arrivée de ces réfugiés. Il les voyait surtout comme des bouches à nourrir, et les arguments de Narmegil vantant la reconnaissance des seigneurs voisins et l'aide qu'ils apporteraient plus tard semblaient glisser sans mal sur lui. Il n'avait aucune illusion sur la "reconnaissance" de ses voisins, et les vieillards et enfants ne risquaient pas d'être autre chose qu'une charge avant longtemps.

Néanmoins, quand le noble Dúnadan parla de payer, il parut plus intéressé et demanda un peu de temps pour que son père puisse les recevoir. Ils furent donc introduits devant lui, un vieillard au regard acéré qui gardait encore les signes d'un corps robuste et d'une volonté qui ne l'était pas moins. Mais l'homme était avare, agressif et désagréable, et il ignora royalement Drilun, Dunéen sans doute indigne de son attention. Son attitude fut telle qu'il mit Isis hors d'elle, et elle poussa Narmegil à prendre congé sans requérir son aide pour les réfugiés : ils se débrouilleraient sans le seigneur, ça vaudrait certainement mieux pour ces pauvres gens !

5 - Un assassin en maraude
Les trois "ambassadeurs" retrouvèrent le groupe et le mirent au courant de la mauvaise nouvelle. Il fallut donc payer une taxe pour tous, et ils se mirent en quête d'une auberge voire plusieurs. Celle qu'on leur avait indiquée ne pouvait pas héberger tout le monde dans les chambres, mais en mettant plusieurs enfants par lit, il y avait assez de place à l'intérieur pour tous les réfugiés. Narmegil et ses amis, eux, choisirent de dormir dans les écuries - après un bon repas, bien entendu.

Isis était tellement en colère après Hallas, le soi-disant "prince" de Dol Tinarë, qu'elle demanda à Geralt s'il ne pouvait pas lui régler son compte - ce serait sans doute une bénédiction pour tous. L'homme aux cheveux blancs, passablement étonné, se tourna vers Narmegil, son patron, et il fut encore plus abasourdi de voir ce dernier acquiescer ! Manifestement, le Dúnadan avait lui aussi été assez choqué de voir à quelle niveau la noblesse dúnadan du Cardolan avait pu tomber... Cela dit, certains se demandèrent si le fils valait bien mieux.

Après s'être renseigné, Geralt choisit de faire une reconnaissance dans une taverne fréquentée par les gardes du château. Offrant des tournées de bière à la cantonade, il se fit bien voir des gardes venus là, avec qui il commençait à parler et jouer. Lorsqu'il reconnut un assassin de sa guilde, à Tharbad ! Heureusement, ses cheveux étaient coupés et teints et Isis lui avait magiquement fourni un visage différent, et l'homme ne sembla pas le reconnaître. Il put même engager la conversation avec lui.

Broloc, c'était son nom, était arrivé à Metraith un an auparavant. Il avait été embauché parmi les gardes du château, en remplacement de nombreux autres qui étaient morts pendant la Grande Peste. Il se faisait appeler par un autre nom de ses collègues, et prétendait avoir été un simple mercenaire. Geralt eut l'impression que l'homme n'avait rien à voir avec lui, mais qu'il faisait partie d'un vaste réseau d'assassins que le chef de sa guilde rêvait de constituer pour servir de taupes et d'informateurs.

Après quoi, Geralt organisa un concours de beuverie, le prix étant la plus belle (et chère !) fille du meilleur bordel de la ville, La Maison d'Oget. L'ambiance fut bonne et le concours fut une réussite, mais il n'arriva pas vraiment à en profiter et à apprendre plus de choses. Il dut payer une somme faramineuse - une pièce d'argent - pour le vainqueur, un garde qui était tellement saoul qu'il risquait fort de ne pouvoir profiter de son prix. Et lui-même était tellement éméché qu'il ne put retrouver le chemin de l'auberge. Mais il arriva à repérer une patrouille qui put l'aider...

Au final, il renonça à tout assassinat. Non seulement le seigneur Hallas était bien gardé, et les risques étaient grands, mais cela risquait d'attirer l'attention sur eux. Et puis c'était sûrement trop fatigant ! Il dormit jusqu'à une heure avancée du jour, tandis que Narmegil marchandait avec l'aubergiste pour s'occuper convenablement des réfugiés pendant un mois - il lui donna trois pièces d'or pour cela. En conseillant de les aider à retrouver leur famille, ce qui lui ferait de la place et des bouches en moins à nourrir... Après un mois, voire avant, il serait de retour avec ses compagnons pour gérer ceux qui resteraient.

6 - Sur la route de Tharbad
Avant le départ, les réfugiés furent mis au courant. Mais aussi, en partie conseillé par ses amis, le noble Dúnadan remit deux pièces de bronze par personne : il leur dit que cet argent pouvait leur servir à retrouver leur famille si jamais l'occasion se présentait. Et à se faire mieux considérer de ladite famille, qui pourrait voir d'un mauvais œil ces bouches supplémentaires à nourrir. Drilun nota également les noms et adresses des familles de tous ces gens, pour pouvoir éventuellement vérifier ce qu'ils étaient devenus. Sa belle calligraphie surprit une nouvelle fois des personnes trop promptes à le juger sur sa seule apparence de Dunéen. Et des provisions furent achetées pour le reste du chemin jusqu'à Tharbad.

La route fut reprise, mais Tharbad n'était qu'à quatre jours de marche, et, aidée par les chants elfiques, la bande avançait vite. La première nuit, sous la pluie, fut l'occasion d'une petite altercation pour l'utilisation de la seule tente emportée. Finalement, une partie de l'équipe choisit d'aller trouver refuge dans une ferme proche, dont les habitants se montrèrent fort accueillants. Le lendemain, une fois le groupe réuni, la route fut reprise sans plus d'incident.

Au matin du quatrième jour, le groupe arriva en bordure d'un petit bois où les yeux exercés de Geralt lui permirent de voir une douzaine de silhouettes cachées derrière les fourrés et les troncs. L'équipe continua sans s'en inquiéter, jusqu'à l'apparition du chef des brigands, tout sourire, qui leur proposa la phrase rituelle pour une telle occasion. Epaulé par ses compagnons dont la moitié avait l'arc bandé, il rit au conseil d'Isis de déguerpir en vitesse. Mais il rit beaucoup moins quand son épée fut arrachée de ses mains, comme par magie...

Enfonçant le clou, Narmegil lui proposa d'essayer de le blesser, lui, alors qu'il n'essaierait même pas de se défendre ou d'esquiver. L'homme, méfiant, finit par récupérer son épée et il essaya deux fois de porter un coup, sans aucun succès. Puis il prit peur et s'enfuit à toutes jambes, avec le reste de son équipe, tandis que Narmegil lançait une pièce de bronze pour le dérangement. Pièce récupérée au passage par Drilun... Et l'équipe arriva enfin en vue de Tharbad, ancienne capitale économique du Cardolan, et plus grand port intérieur du nord-ouest de la Terre du Milieu.

La ville, à cheval sur le fleuve Gwathló ("Flot-Gris") et bordée de marais, en particulier au sud, était protégée par de grandes digues. Un bidonville de grande taille occupait une place importante près de la route, au nord de la ville, et un marché de produits frais se tenait non loin de la porte principale (du nord). Des gardes empêchaient de nombreux mendiants et autres de trop approcher, tant de la porte que du marché.

Les aventuriers décidèrent de se diviser en deux groupes. Vif, Drilun et Sîralassë iraient par le nord et essaieraient de rentrer en contournant les digues par les marais. Isis, Narmegil et Geralt passeraient au sud et tâcheraient de héler une barge pour entrer par le fleuve et le port. En profitant peut-être de l'occasion pour passer voir Dirhavel l'alchimiste dans le quartier (rive) sud. Tous devaient se retrouver chez Pelenwen, sœur du baron Pelendur : elle occupait une vaste maison, dans le quartier seigneurial du centre de l'île, le long de la route principale.
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 12:33, modifié 1 fois.
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Tharbad - 5ème partie : voleurs et sorciers

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1 - Altercation
Isis, Geralt et Narmegil firent un large détour pour éviter la ville et se rapprocher du fleuve Gwathló ("Flots Gris") par le sud-ouest. L'objectif était de pouvoir trouver une barque pour rejoindre Tharbad par voie fluviale. Après un moment ils rejoignirent une route qui longeait le fleuve. Ils remarquèrent que ce dernier était en crue, et ses rives étaient partiellement inondées. Le côté marécageux était parfois très prononcé, et la limite entre la terre et le fleuve était rien moins qu'incertaine.

Seuls sur la route, sans être suivis, ils remarquèrent une petite barque dans laquelle avaient pris place quatre personnes. Une femme dirigeait la barque vers l'aval du fleuve, transportant trois hommes qui devaient venir de Tharbad. Ils virent la femme commencer à manœuvrer pour se rapprocher d'un affluent et surtout d'une zone surélevée qui semblait propice à un débarquement, non loin de la route. Route qui se poursuivait en direction d'un village proche, où les aventuriers pensaient trouver un bateau. Mais voyant la barque prête à accoster, ils décidèrent de voir s'ils ne pourraient pas embarquer.

De loin, ils entendirent la femme et les trois hommes discuter, et le ton monter. Apparemment ils n'étaient pas d'accord sur les prix, et les voix devenaient agressives. Jusqu'au moment où un homme ceintura la femme, et il sembla qu'il n'était plus question de payer mais de se faire payer, et en nature... Mais la femme sortit une dague dont elle savait manifestement se servir, et elle se dégagea. Les trois hommes sortirent alors des armes et se firent plus menaçants.

Nos trois amis approchaient, et Isis héla les hommes, l'arc à la main et une flèche encochée. Un des hommes lui répondit vertement en conseillant à tous trois ou bien de passer leur chemin, ou bien d'attendre leur tour, mais surtout de se mêler de leurs affaires. Une petite blessure à la jambe plus tard, les hommes comprirent qu'ils avaient mieux à faire ailleurs et ils partirent sans demander leur reste, au soulagement de la femme à qui appartenait la barque.

Reconnaissante, cette dernière accepta sans mal d'emmener les aventuriers à Tharbad, et gratuitement, mais les futurs passagers insistèrent pour payer. Ils apprirent que celle qu'ils avaient aidée s'appelait Grani. D'après son apparence, elle devait être d'origine dunéenne, d'un âge moyen - entre 30 et 40 ans - et ne roulait pas sur l'or. Elle vivait de petits services grâce à sa barque, qu'elle complétait avec d'autres services plus intimes : une femme a toujours quelque chose à marchander...

2 - Un tour en bateau
Quand ils furent installés, Grani prit une perche qu'elle utilisa pour propulser la barque vers l'amont, le long de la berge nord du fleuve. Manifestement elle connaissait son métier et le fleuve à cet endroit, car la barque avança régulièrement et sans trop tanguer ou embarquer d'eau, malgré le fort courant. En même temps, elle discutait avec ses passagers de choses et d'autres concernant Tharbad, et en particulier leur destination.

Isis et ses deux compagnons souhaitaient aller chez Dirhavel l'alchimiste, qui habitait la rive sud. Aussi Grani finit-elle à un moment par échanger sa perche contre une rame. Elle fit traverser le fleuve à sa barque, qui dériva vers le sud-ouest avant d'arriver à la rive sud, mais la perche fut reprise et le fleuve fut remonté. La boutique de l'alchimiste était située vers le nord de la rive sud de la ville, aussi Grani amena-t-elle les aventuriers jusqu'au troisième et dernier embarcadère de ce côté du fleuve.

Une fois que la barque fut attachée, un homme approcha qui semblait être le maître du quai, et un collecteur de taxes. Mais Grani lui parla de manière délicate voire sensuelle, et Geralt pensa entendre quelque chose qui ressemblait à une promesse pour le soir. Puis elle revint vers les trois aventuriers en leur disant que l'homme les avait déjà oubliés. Elle avait parfaitement compris la demande de discrétion de ses passagers, et elle en profitait pour offrir un petit extra en plus des services rendus...

Elle se fit ensuite payer, et plus que ce qui avait été convenu, ce qui la fit protester. Mais il lui fut demandé, en échange, de rester dans les parages jusqu'au lendemain, au cas où ses services seraient à nouveau nécessaires. En effet, Isis et ses compagnons souhaitaient garder ce contact et cette aide possible à proximité, sans avoir à la chercher sur l'île, et en particulier dans le quartier des voleurs où elle résidait régulièrement.

3 - Contacts
Après un signe d'adieu le quai fut laissé en arrière, et les rues de Tharbad s'offrirent aux aventuriers. Qui furent bien vite la cible d'une bande de gamins aux mains baladeuses... vite repoussés par Narmegil, qui sut tout aussi vite montrer qu'il aimait le calme et qu'il savait se faire respecter ! Des mendiants plus ou moins éclopés vinrent aussi parler de leurs malheurs et quémander un petit quelque chose. Isis avait oublié à quel point cela pouvait retourner l'estomac de côtoyer ces gens, et elle distribua quelques pièces à ces malheureux, même si elle ne se faisait guère d'illusion : ils appartenaient certainement à la guilde des voleurs eux aussi.

La boutique de Dirhavel fut enfin là, et "l'alchimiste" était présent : c'était manifestement un Dúnadan de bonne ascendance, dont il avait tous les traits. Ses visiteurs se firent connaître et demandèrent à parler de manière confidentielle, aussi verrouilla-t-il la porte de son échoppe. On l'avait prévenu du passage possible de quelques invités, et il put mettre sans grand mal des noms sur ses visiteurs, même maquillés ou masqués magiquement.

Après quelques échanges de nouvelles, il proposa à l'équipe de repasser dans la nuit : un informateur serait présent qui connaissait bien mieux que lui les agissements de la guilde des voleurs et un éventuel lieu de détention du grand-père de Narmegil. Après des achats à bas prix de quelques herbes médicinales ou utiles, les trois amis quittèrent l'apothicaire pour se diriger vers les Maisons de Guérison. Ils venaient d'apprendre que Pelenwen, sœur jumelle du baron Pelendur, y officiait régulièrement.

Ils la trouvèrent effectivement, occupée à soigner des gens. Dirhavel avait parlé d'elle comme de la plus belle femme du Cardolan, et effectivement le titre était peut-être bien mérité. Elle possédait un charisme impressionnant, et elle arrivait à réconforter et calmer ses patients sans effort, par sa seule présence. Mais elle était très occupée, et proposa à ses interlocuteurs de se voir chez elle à la fin de la journée. N'ayant rien de mieux à faire, Narmegil se proposa pour aider bénévolement aux soins, tandis que ses deux compagnons attendaient à l'extérieur.

A la fin de la journée, Pelenwen partit avec deux gardes et proposa à Isis, Narmegil et Geralt de l'accompagner. Elle passa le pont vers l'île sans avoir à s'acquitter de taxes, grâce à un sauf-conduit qu'elle avait eu du Canotar Imlach, le représentant du Gondor à Tharbad. En effet, elle se rendait tous les jours aux Maisons de Guérison où elle était très appréciée. Elle fit profiter de son sauf-conduit les aventuriers, qui n'eurent pas non plus à payer ou expliquer les raisons de leur passage. Ils arrivèrent enfin à la maison de la baronnie de Tyrn Gorthad, dans laquelle ils entrèrent.

Le lieu ne respirait pas le luxe et l'aisance, il manquait d'entretien et manifestement il était resté inoccupé longtemps. Deux serviteurs s'affairèrent à préparer un repas simple, tandis que Pelenwen faisait plus ample connaissance avec ses invités et apprenait la manière dont ils avaient connu son frère. Ils discutèrent jusque tard de la situation de Tharbad, mais elle n'avait pas de nouvelle particulière à apporter, elle ne voyait guère que les Maisons de Guérison où elle se rendait quotidiennement, le reste l'intéressait peu.

4 - Les marais de Tharbad
Après avoir vu leurs compagnons s'éloigner vers le sud, Vif, Drilun et Sîralassë se tournèrent vers le nord de la ville, et les marais. A l'aide de la longue-vue du soigneur, ils inspectèrent les environs. Ils remarquèrent notamment que l'endroit était plat et visible de loin, sans nulle part où se cacher - sauf à faire un très large détour et patauger dans les marais sur peut-être un kilomètre ! Du coup, ils décidèrent d'attendre que le soir tombe avant de se mettre en route.

Plutôt que d'attendre sur une route fréquentée, ils firent demi-tour jusqu'au petit bois où avait eu lieu l'embuscade des brigands. Ils passèrent leur temps à se reposer ou à inspecter les abords de la ville à distance, toujours grâce à l'outil de Sîralassë. Ils remarquèrent entre autres que les portes secondaires étaient tenues non par des gardes mais plus souvent par des mercenaires, voire des gens du cru, et qu'elles étaient apparemment plus permissives que les portes principales. Egalement, les digues ne semblaient pas bien gardées et il aurait certainement été facile de les franchir sans se faire voir, de nuit...

Enfin, le soleil se coucha et les trois amis se dirigèrent au nord de la ville, jusqu'aux marais qui bordaient le fleuve. A deux trois cents mètres de la digue qui finissait aux abords du fleuve, ils pénétrèrent dans le marais, dans l'obscurité grandissante. Ce qui ne les aidait pas à voir où il fallait mettre les pieds, et le reste. Le terrain était traître, car il n'y avait pas toujours de végétaux sur lesquels marcher à pied sec. Et parfois, la boue était bien plus profonde qu'il n'y paraissait...

Ce ne fut pas un problème pour Vif, habituée à parcourir tous types de terrains naturels. De plus elle avait le pied léger et des bottes magiques qui rendaient son pas encore plus léger. Pour Sîralassë, ce fut plus long et compliqué, et plus fatigant aussi : il était plus lourd, moins à l'aise dans la nature, mais heureusement sa magie d'elfe était un plus. Quant à Drilun... ce fut une torture, malgré l'aide du bâton prêté par son ami soigneur. Il acheva son périple au bout d'une heure, trempé de sueur, tremblant de la tête aux pieds en raison des efforts qu'il avait fourni. Et sans un centimètre carré de vêtement qui ne fut pas sali par la boue...

Ayant contourné les digues, les trois amis se retrouvèrent dans l'ombre d'un grand hangar dont le fleuve - en crue - venait lécher le bord. Personne ne semblait les avoir remarqués, et le Dunéen profita de l'obscurité pour nettoyer ses vêtements. Il préférait arriver chez la sœur de Pelendur trempé comme une soupe, malgré la froideur de l'eau, que couvert de boue comme il l'était. Il fut enfin prêt, alors que la nuit était maintenant tombée, et ils se lancèrent dans les rues animées de Tharbad.

5 - La faune de Tharbad
Alors que Drilun se nettoyait, Vif avait pris ses marques et inspecté les environs. Elle visualisait assez bien leur situation, et d'après les indications données par Pelendur, baron de Tyrn Gorthad, le chemin n'était pas très compliqué pour arriver jusqu'à chez sa sœur. Ils étaient à présent sur la rive nord. Il fallait d'abord longer le fleuve jusqu'au pont qui traversait le Gwathló, et prendre l'ouvrage d'art. La route principale passait par le pont et elle était normalement bien gardée, d'après ce qu'avait dit Geralt. Elle les amènerait sur l'île, qu'ils traverseraient jusqu'à sa rive sud, où se trouvait la fameuse demeure, en bordure de la route principale - la dernière grande maison à droite.

Ils avaient choisi non pas de longer les quais ou les petites ruelles mal famées, mais plutôt de prendre une avenue plus large (et fréquentée) parallèle au fleuve. Ils espéraient ainsi éviter d'éventuelles embuscades et ennuis qui les feraient remarquer. Mais à peine avaient-ils commencé à franchir les quais, que Vif s'arrêta net. Sur le toit d'une bâtisse, elle venait de remarquer un félin - un lynx blanc - qui la dévisagea un moment avant de disparaître. Mais ce n'était pas la bizarrerie de sa présence qui l'avait choquée. Sans qu'elle puisse dire comment, elle était sûre d'une chose : il était de sa famille. Autrement dit, il y avait dans la ville un autre chat de Tevildo qu'elle. Et il les avait repérés.

Mais il fallait continuer, ils ne pouvaient rester là. Après avoir renseigné discrètement ses amis, Vif reprit le chemin, entre Drilun et Sîralassë. Une fois dans l'avenue qu'ils cherchaient, ils remarquèrent que beaucoup de gens se déplaçaient près des murs, d'où ils pouvaient plus facilement repousser les assauts des mendiants et surtout des bandes de jeunes. Ces derniers se faisaient parfois brutalement repousser, mais cela semblait être la seule chose qui les retenait de laisser traîner leurs mains trop près des choses de valeur...

Le trio en fit vite l'expérience : une fois repérés, un groupe de jeunes, enfants et adolescents, se précipita à leur rencontre, mains en avant. Drilun les repoussa avec agressivité, et évita ainsi tout contact. Ce que fit également son ami soigneur, mais avec moins de facilité. Mais pour Vif, en revanche, il en fut tout autrement. Tant sa carrure que son caractère ne la prédisposait pas aux rodomontades, et de plus son côté chat n'aimait pas vraiment le relationnel. Sa tentative de faire peur fut aussi ridicule qu'inefficace. Mais les mains qui se tendirent vers son corps et ses possessions apprirent à leurs dépends que la jeune femme avait l'œil vif (d'où non nom) et la main leste... Frustrés, les jeunes durent la laisser poursuivre son chemin sans rien avoir pu lui prendre !

Mais plus loin, ce furent les mendiants qui menèrent l'assaut, en montrant qui une plaie purulente, qui une méchante blessure, qui une difformité... S'ils n'obtinrent guère d'argent des trois compagnons, ces derniers, en revanche, ne trouvèrent pas le spectacle très ragoûtant. Cela ne fit pas grand chose au soigneur, habitué à bien pire, mais ses compagnons en furent affectés. En une autre occasion, sur le pont, une autre bande de jeunes réussit à déjouer l'attention des gardes présents. Mais à peine avaient-ils réussi à se précipiter vers les aventuriers, qu'ils reculèrent, apeurés, devant les mimiques violentes du Dunéen.

Le trio ne fut pas plus embêté, et il arriva enfin à destination. Les trois compagnons venaient de traverser la partie la plus huppée de la ville sans doute, même si le plus grand des bâtiments croisés semblait à l'abandon. La maison devant laquelle ils se trouvaient appartenait à la baronnie de Tyrn Gorthad, d'après les armoiries. Un peu de lumière attestait que l'endroit était habité, bien qu'il ne semblait pas y avoir grand monde malgré la taille de la bâtisse. Bâtisse qui avait certainement connu des jours meilleurs, et ne semblait pas très entretenue. Enfin, le heurtoir fut utilisé, et les aventuriers entendirent quelqu'un venir ouvrir la porte.

6 - Informations
Les nouveaux venus étaient attendus, et même en retard. Un serviteur s'occupa bien vite des affaires trempées du Dunéen, qui trouva vite le sommeil tant il était épuisé. Après avoir échangé des informations, les autres décidèrent de faire également un petit somme de quelques heures avant d'aller voir l'alchimiste. Sîralassë utilisa sa magie pour faire en sorte que leur sommeil soit le plus récupérateur possible. Ce qui n'empêcha pas Geralt de râler, lui qui appréciait peu les nuits de moins de dix heures et les départs en pleine nuit.

Le groupe descendit aux quais sur l'île et trouva sans mal un passeur pour leur faire franchir le fleuve dans une barque. Puis les six aventuriers se rendirent vite à la boutique de Dirhavel. Mais non sans être suivis : non seulement le lynx blanc déjà entraperçu rôdait sur les toits, après avoir vraisemblablement franchi le fleuve à la nage, mais divers individus louches avaient été entraperçus, qui commençaient à en appeler d'autres et à se regrouper autour de la boutique de l'alchimiste.

Ce dernier les fit monter à l'étage et leur présenta son informateur : c'était Silmarien, une grande femme d'âge moyen, et comme lui Dúnadan manifestement de bonne lignée. Après quelques présentations, où Narmegil et ses compagnons comprirent qu'elle savait faire de la magie et connaissait personnellement Gandalf le Gris (Mithrandir), elle parla de ce qu'elle savait. Car elle espionnait la guilde des voleurs avec efficacité, et elle paraissait très au fait de ce qui s'y passait. Apparemment, elle habitait le quartier des voleurs sous une identité d'emprunt.

Elle avait entendu parler de Tarcandil Eldanar, mais elle aurait été incapable de dire s'il était dans la ville ou ailleurs. En revanche, des cavaliers étaient venus du Rhudaur et plus probablement d'Angmar pour marchander avec les voleurs. Sans aucun doute, la possession du grand-père de Narmegil en était l'un des objets. Les tractations avaient pris fin la veille, ou plutôt l'avant-veille vu la nuit avancée. Mais elle ne savait que penser du résultat des échanges. Les hommes d'Angmar n'étaient plus dans le quartier des voleurs, mais ils pouvaient très bien avoir quitté la ville ou attendre dans une auberge, elle ne pouvait dire.

Mais elle avait appris bien d'autres choses. En particulier que trois des personnes présentes avaient un prix sur leur tête. Le prix de 1000 pièces d'or pour Geralt et Isis était déjà connu ; mais la somme de 10.000 PO pour une preuve de la mort de Vif était quelque chose de nouveau et d'assez incroyable. Les hommes d'Angmar - six personnes, dont probablement trois sorciers - semblaient en être à l'origine, et Silmarien avait cru comprendre qu'ils avaient même déjà versé une somme coquette. Ceci pour motiver les voleurs à rechercher Vif et pour les rassurer quant au sérieux de leur offre - le prix d'un château pour la mort d'une inconnue !

Tous les voleurs, assassins et mendiants avaient reçu la description détaillée des trois individus, qui passeraient peut-être prochainement à Tharbad. Mais par la suite, la guilde avait émis de nouvelles consignes : il ne fallait pas tuer les trois personnes dont la tête valait si cher, mais, si jamais elles étaient repérées, il fallait prévenir tous ceux disponibles afin qu'ils empêchent les intéressés de quitter la ville. Et même, il fallait les escorter jusqu'au quartier des voleurs et à leurs maîtres, qui souhaitaient leur parler.

7 - Coincés !
Si la volonté de dialogue de la guilde des voleurs était une bonne chose, en pratique elle pouvait prendre un côté un peu intrusif. Quelques observations aux fenêtres confirmèrent que la foule de voleurs et autres avait grossi tout autour de la boutique de l'alchimiste. D'une certaine manière, Narmegil et ses compagnons avaient été repérés malgré leurs déguisements. Restait à voir comment rejoindre l'île et la demeure de Pelenwen, sans se faire intercepter en chemin.

La porte principale comme la porte arrière semblaient surveillées, et les bruits indiquaient que du monde arrivait régulièrement pour grossir les rangs des voleurs à l'affût. Le passage par les toits fut envisagé, mais hormis pour Vif et Sîralassë qui y étaient très favorables, cela n'entraîna pas beaucoup d'enthousiasme et l'idée fut abandonnée. En fin de compte, Dirhavel émit l'idée d'attendre la fin de la nuit : à cette époque, avec le fleuve gonflé et la fraîcheur matinale, un brouillard enveloppait souvent les rues de Tharbad les dernières heures de la nuit et les premières du jour.

Les aventuriers s'armèrent donc de patience, discutant ou se reposant légèrement. Quand Silmarien sentit quelque chose d'à peine perceptible, quelque chose de magique. Quelque chose... qui empêchait le brouillard de se développer sur la ville, un petit vent qui empêchait l'humidité de se condenser en brume. Un sorcier était là qui manipulait le temps et les empêchait de partir à l'aide du brouillard. Tant pis alors, il fallait sortir pendant qu'il faisait encore nuit, le petit jour n'était plus loin. Plus le temps passerait et plus les voleurs seraient nombreux, et moins l'obscurité serait une aide pour Narmegil et ses compagnons.

Après que certains aient pris du trèfle de lune pour mieux voir dans l'obscurité, l'équipe sortit par la porte arrière. Ils avancèrent dans la ruelle étroite, mais ils se rendirent vite compte par les nombreux appels entendus qu'ils étaient suivis... voire précédés. Une foule les attendait, qui se tenait à une dizaine de mètres, et d'autres bloquaient la ruelle d'où ils étaient issus. D'une manière ou d'une autre, il fallait confronter les voleurs qui les prenaient en tenaille.

Drilun fit bien une tentative pour déstabiliser ces belles troupes, en parlant haut et fort des récompenses que seule une minorité toucherait, mais sans résultat visible. Narmegil prit ensuite la parole pour savoir ce qu'on leur réservait comme sort. Ce à quoi lui répondit un homme, qui invita le Dúnadan et ses compagnons à les suivre. N'ayant guère le choix, le groupe se laissa guider, jusqu'au petit port par lequel il était arrivé. Plusieurs barques attendaient là avec des rameurs, prêtes à embarquer, probablement jusqu'à l'île en face : le quartier des voleurs et le domaine où ils étaient rois.

Geralt repéra dans la foule un ancien compagnon d'armes, et il prévint ses amis de l'épargner si possible, au cas où l'homme pourrait leur servir. Le voleur qui avait précédemment parlé invita les aventuriers à prendre place dans l'une des barques, vers lesquelles Narmegil et ses compagnons avancèrent. Quand soudain l'atmosphère changea brusquement : plusieurs voix s'élevèrent pour dire que les règles avaient changé. Vif fut désignée et traitée de sorcière qu'il fallait immédiatement tuer. De nombreux voleurs avaient préparé une voire plusieurs pierres, et des bras nombreux se levèrent pour les lancer.

8 - Conflit général
Certains voleurs paraissaient complètement dépassés par ce qui se passait : manifestement, ce qui se préparait n'était pas le moins du monde prévu. Mais l'heure n'était plus à la réflexion : les aventuriers se précipitèrent vers les barques proches, sauf Vif qui jugea le danger trop pressant. Elle préféra sauter directement dans l'eau, suivie par une grêle de projectiles qui manqua son but de peu. Sur la berge, les voleurs qui cherchaient à modérer le cours des événements et qui protestaient étaient dépassés par l'engouement et le désir d'en découdre d'une majorité.

Sur les quais, les aventuriers commençaient à embarquer devant des rameurs médusés et incertains. Drilun rata son saut et goûta à nouveau à la fraîcheur du fleuve. Isis usa d'un charme magique pour persuader un homme de préparer la barque à partir, ce qu'il fit sur-le-champ, libérant la corde qui attachait la barque au ponton. Mais elle sentit autre chose, dans l'eau cette fois : une magie venait de se former, tel un monstre marin, qui fondait à présent sur la silhouette de Vif, qui s'éloignait sous la surface des flots. Un sorcier était à l'œuvre, quelque part dans la foule, qu'il fallait découvrir en vitesse !

Isis vit son amie attaquée par la créature magique et entraînée au fond de l'eau. Drilun, lui, vit un lynx blanc sauter du toit d'une maison et courir à une vitesse étonnante entre ou par-dessus les voleurs pour plonger à son tour à l'eau, sans qu'il ait rien pu faire. Il jeta néanmoins l'extrémité d'une corde dans la direction de Vif. Narmegil, suivi de Geralt et Sîralassë, fonça à travers la foule la lance à la main, dans la direction que lui indiquait Isis, là d'où elle sentait que provenait la magie. Un croc-en-jambe manqua de le faire tomber mais il se redressa de justesse. Et alors que Geralt se faisait menaçant, il reçut une flèche en plein dos.

L'assassin aux cheveux blancs était mortellement blessé, et son agresseur devait être un très bon tireur eu égard à la foule et à l'obscurité de la nuit finissante. Il fallait se replier et soigner Geralt au plus vite. Des voix s'élevèrent également alors que les aventuriers cherchaient à fuir, incitant les attaquants à changer de cible et à viser les amis de Vif. Narmegil, protégé par sa magie et son armure de mithril, s'interposa afin de couvrir la fuite de ses compagnons. Les pierres ne pouvaient lui faire grand mal, au contraire de son épouse et de ses amis. Quelques-unes frappèrent tout de même Isis et Sîralassë, mais sans faire de blessure.

Isis avait eu le temps de repérer le tireur, avant cela, et elle avait tenté de lui arracher son arc des mains magiquement. L'homme avait néanmoins résisté, mais il n'avait pas lancé de nouvelle flèche et il s'était reculé dans une ruelle, hors de vue. Mais cela avait permis de trouver le temps nécessaire pour embarquer. Le rameur et maître de l'embarcation obéit à une injonction d'Isis et il précipita la barque dans le cours du fleuve, tandis qu'une clameur s'élevait sur la berge et que des doigts se tendaient vers une forme non loin, à une vingtaine de mètres à la surface de l'eau : une silhouette de panthère à la robe fauve, la forme féline de Vif.

9 - Magie, mort et folie
Attaquée entre deux eaux par une créature magique totalement à l'aise dans son élément, la chatte-garou avait vite constaté son impuissance : son adversaire la tenait bien et elle allait vite suffoquer. Il ne lui restait qu'une solution : se transformer en un félin magique qui pourrait peut-être faire jeu égal avec le monstre d'eau magique. Elle avait donc commencé à se transformer, mais sa raison avait basculé pour laisser place au chat en elle. Alors qu'elle allait tenter de se dégager, elle avait senti les bras magiques la relâcher : la créature magique venait d'être attaquée par un petit félin blanc, qui découpait son adversaire en pièces. La panthère qu'était Vif se hâta de remonter à la surface pendant qu'elle le pouvait encore.

Mais le chat en elle ne sut quoi faire ensuite : la rive proche était bondée de gens à l'air menaçant, qui se mirent à lui lancer de nombreuses pierres, dont plusieurs l'atteignirent au visage, heureusement sans faire de blessure sérieuse. Quand tout à coup, une apparition juste au-dessus d'elle attira l'attention de tous : une tête de chat venait d'apparaître un ou deux mètres au-dessus de Vif, ou plutôt au-dessus du lynx blanc qui était maintenant à ses côtés. Une tête de chat imposante, redoutable et magnifique, devant laquelle la panthère Vif se sentit toute petite et en totale soumission. Et puis le petit lynx se mit à lécher ses blessures, qui disparurent comme si elles n'avaient pas eu lieu. Et Vif retrouva la raison et le contrôle de son corps.

Mais si Vif avait trouvé la tête de chat majestueuse, l'effet fut tout autre sur la foule assemblée sur la berge : les cœurs d'une majorité de gens cessèrent de battre, et des dizaines et des dizaines de personnes moururent immédiatement. Drilun et Geralt sentirent leur cœur s'arrêter aussi, et ils tombèrent dans la barque, inconscients et proches de la mort, comme leur rameur. Isis et Narmegil sentirent une douleur immense dans leur poitrine, mais ils y résistèrent... tout en adoptant une attitude des plus fantaisistes. Narmegil essayait soudain de couvrir son épouse de baisers, sans plus se préoccuper de ce qui se passait, tandis que cette dernière faisait des caresses au soigneur. Soigneur qui, seul, avait eu la volonté nécessaire pour résister à cette magie. Mais il avait aussi été protégé en grande partie par la sienne.

Il utilisa encore ses soins magiques sur Isis et Narmegil, et ils reprirent leurs sens, complètement déboussolés : ils ne se souvenaient aucunement de ce qui s'était passé, et seul un frisson leur venait lorsqu'ils tentaient de se remémorer les événements passés. Mais l'elfe noldo avait d'autres urgences que de les mettre au courant : Geralt et Drilun étaient comme morts, et il fallait faire redémarrer leur cœur au plus vite. Ses talents manuels comme magiques y suffirent aisément, malgré le temps limité dont il disposait pour sauver ses compagnons. Il lui fallut aussi retirer la flèche dans le dos de l'homme aux cheveux blancs, mais il y parvint sans mal. Les corps de ses deux amis revinrent à la vie, mais ce n'était pas tout...

Sur la berge, les trois quarts des gens gisaient à terre et ceux qui restaient fuyaient ou avaient des comportements bizarres. La folie qui s'était emparée d'eux menait certains à se suicider ou à attaquer violemment les personnes les plus proches, vivantes ou mortes. C'était le chaos. Seul Sîralassë se souviendrait de la vision d'horreur qu'il avait perçu, tous les témoins affectés par cette magie ne gardant de cette expérience que des cauchemars pendant un grand nombre de jours.

Sur la barque à la dérive, Geralt, une fois la vie revenue dans son corps, s'était mis à danser la gigue sans raison, tandis que l'archer dunéen se mettait à prononcer de grands discours enflammés dans sa langue, à l'attention d'un auditoire invisible. Il fallut encore de la magie pour les aider à reprendre leurs sens, non sans que l'assassin aux cheveux blancs soit retombé dans le coma, en rouvrant sa blessure avec ses danses.

10 - Réunis
Tandis que le félin qu'était Vif se rapprochait de la barque, Isis essayait de redresser cette dernière et de l'empêcher de dériver n'importe comment. Elle réussit à la maintenir dans une bonne position, au milieu du fleuve, sans pouvoir faire guère plus. La ville de Tharbad s'éloigna dans le petit matin, tandis que la panthère grimpait à bord. Mais comment s'arrêter ? Personne ne savait manier une telle embarcation, et les berges marécageuses et en partie inondées ne laissaient rien dépasser à quoi arrimer une corde.

Après un moment, la barque s'approcha d'un village en bordure du fleuve, avec quelques quais. L'elfe prépara une corde et un grappin, mais ses efforts pour rapprocher la barque du bord ne furent pas couronnés de succès. Vu la distance, et son état de faiblesse suite à l'épreuve qu'elle venait de vivre, elle n'arriva pas mieux à accrocher le grappin à l'un des pontons. Elle pensa à remettre le grappin au félin pour qu'il nage jusqu'à un point où l'accrocher, mais trop tard, et la ville passa comme le reste.

Une heure après, un saule émergé des flots fut l'occasion de recommencer, avec une meilleure préparation. Cette fois-ci la barque fut stoppée au niveau de la berge en partie inondée. Il fallut encore les efforts combinés de Vif et de Sîralassë pour amener leur embarcation jusqu'à un point plus élevé et sec. Non sans un problème de communication avec le félin, qui finit par rappeler à ses amis qu'ils connaissaient depuis peu une magie qui leur permettait de communiquer avec des animaux... comme elle.

Ce fut ensuite l'occasion d'une journée complète occupée à soigner et guérir. Et tout particulièrement Geralt et Drilun, qui étaient loin d'être tirés d'affaire, telle était leur faiblesse consécutive à cette épreuve. Des herbes achetées chez Dirhavel permirent néanmoins de fortifier leur corps à tous deux, et la magie du soigneur elfe servit encore de nombreuses fois. Même s'il fallut pour cela retourner au saule pour récupérer un peu de bois à brûler, afin de faire bouillir de l'eau nécessaire à une infusion d'athelas.

En fin de journée tout le monde allait mieux, malgré une grande faiblesse qui mettrait encore bien du temps à guérir complètement. Longtemps les cœurs resteraient douloureux suite aux violentes contractions qui les avaient fait, pour certains, s'arrêter. Vif reprit forme humaine et s'habilla avec quelques vêtements prêtés par Isis, qui gardait son armure de cuir. Malheureusement pour la femme-félin, tout son équipement était resté dans le fleuve au moment de sa transformation, dont ses bottes magiques auxquelles elle tenait beaucoup.

Le groupe vit en soirée une charrette s'arrêter sur une route proche, charrette menée par Dirhavel en personne. Ils se portèrent jusqu'à lui et échangèrent des informations pendant qu'il faisait demi-tour et repartait vers Tharbad. Silmarien, montée sur les toits, avait suivi de loin ce qui s'était passé, sans être affectée par la magie féline en dehors d'une frousse passagère. Mais la ville avait compté plus de cent morts, au moment du drame les chiens avaient hurlé dans la ville, tandis que les autres animaux fuyaient et que les nourrissons se réveillaient en pleurant. Et sans parler des nombreux cas de folie qui étaient traités aux Maisons de Guérison.

Quelle suite donner à tout cela ? Isis voulait jeter l'éponge et fuir Tharbad au plus vite, en pensant à la sécurité de son enfant à naître. D'autres estimaient que le moment était venu d'aller voir la guilde des voleurs : elle était sûrement diminuée avec plus d'une centaine de morts, et elle y regarderait à deux fois avant de les forcer à faire quelque chose. D'une certaine manière, ils étaient en position de force, même si c'était un coup de bluff. Quant aux sorciers présents dans la ville, s'ils avaient survécu, ils auraient peut-être bientôt à compter avec des gens comme Mithrandir, dont on imaginait assez facilement qu'il allait bientôt arriver.
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 17:26, modifié 2 fois.
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Re: Terre du Milieu - Système J

Message non lu par Psychopat »

Alors que nous prenions place sur l’embarcation, que certains donnèrent des ordres au marin, que d’autres recherchèrent dans la pénombre notre amie Vif et que moi-même m’occupait de Geralt ayant reçu une très grave blessure d’un archer isolé, une chose de terrible se produisit ! Une forme jaillit de l’onde et s’était une panthère que tous reconnurent comme étant Vif transformée en félin pour sauver chèrement sa peau, le magicien et les nombreux voleurs ne l’avaient pas épargné elle aussi. Au dessus d’elle, une vision d’épouvante, une énorme tête de félin apparue subitement comme pour protéger l’aventurière. Toutes les personnes qui assistèrent à ce spectacle eurent une blessure mortelle, tant physique que psychique, car, s’ils réussirent à s’en sortir vivant, les témoins de la scène récurent pour toujours une blessure qui ne se refermera point et les hanterait à jamais…

Ma magie et peut être mon sang m’a permis d assister à la scène sans aucun traumatisme que celle d’avoir rencontré une apparition du seigneur des chats en personne. J’étais peut être désigné à rencontrer d’autres seigneurs de cette grandeur lors de mon inaccessible quête et les valar, a qui j’adresse toutes mes prières quand je dois retrouver force et courage, ont décidé que mon chemin ne se terminerait pas ici et que je devais une fois de plus aider mes amis.

Je garde en moi néanmoins ce souvenir impérissable et je pense qu’il faudra me taire à l’avenir pour ne pas rouvrir la terrible blessure de mes proches. Il faudra qu’ils restent le plus possible dans l’ignorance et que je ne leur remémore plus cette vision de cauchemar. Ce sera un point commun supplémentaire entre Vif et moi-même…
"Allez tous vous faire déchirer..."



Asako Moharu :
"Un rikugunshokan infaillible peut-il commettre une erreur Daïdoji-san ?"
Daïdoji Asami :
"Un rikugunshokan Grue ou un rikugunshokan Lion Asako-sama ?"
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Niemal
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Tharbad - 6ème partie : poker menteur

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1 - Retour à Tharbad
Dans le soir tombant, une petite bourgade fut traversée - celle-là même que la barque avait longée lors du périple sur le fleuve Gwathló. Une courte pause fut faite afin d'acheter - cher - quelques vêtements pour Vif. Le marchand n'avait pas le temps de prendre ses mesures et de les confectionner, mais il put trouver certains qu'il avait en stock et qui ne nécessitaient pas d'ajustements. Et la route fut reprise en direction de Tharbad, alors que les premières étoiles commençaient à apparaître...

Malgré les protestations véhémentes d'Isis, le groupe avait en effet décidé de tenter le tout pour le tout : il allait retourner voir la guilde des voleurs pour une partie de poker menteur. Autrement dit, l'équipe allait mettre en avant ses "pouvoirs" qui avaient permis de tuer ou rendre fous plus d'une centaine de voleurs. De cette manière, elle espérait peser fort dans les marchandages pour récupérer le grand-père de Narmegil, Tarcandil. Restait à préparer les arguments et le meilleur angle d'approche.

Ainsi, certains souhaitaient passer aux Maisons de Guérison en premier, afin d'apprendre le plus de choses possible de la part des personnes affectées par la folie magique. Geralt (ainsi que d'autres) aurait voulu se reposer d'abord, et guérir un peu de ses blessures, comme la flèche dans le dos et la crise cardiaque. Les soins de Sîralassë furent à nouveau mis à contribution, et des couvertures furent enflammées avec de l'huile pour pouvoir faire une infusion d'athelas. Mais il fallait encore du temps pour que la guérison soit effective...

D'autres, comme Vif, préféraient aller directement voir les voleurs, dès leur entrée dans la ville. L'air de dire : "vous avez plus de cent morts, et nous, nous sommes frais comme des gardons, et vous ne pouvez rien contre nous". Bref, accentuer le coup de bluff le plus possible. Après discussion, c'est ce qui fut décidé, malgré Isis qui parlait de la sécurité de son enfant, malgré Geralt qui gémissait sur ses blessures et sa fatigue... et son moral en berne. Les plus fatigués se reposèrent dans la charrette, tandis que cette dernière progressait sur la route surélevée. En effet, le terrain était fréquemment inondé par la crue du fleuve, comme en ce moment, et l'eau clapotait sur les bords de la route, des deux côtés.

La nuit était tombée lorsqu'ils arrivèrent à la porte du Gwathló. Cette dernière, porte mineure de Tharbad, était fermée. Drilun, encore bien affecté par sa crise cardiaque, ne parvint pas à être très convaincant dans sa tentative de faire rouvrir la porte aux gardes. Mais Narmegil, très motivé, s'imposa en tant que seigneur dúnadan. Il obtint de rouvrir les portes et de pouvoir passer avec ses amis, et pour un prix modique en plus. Puis la charrette de Dirhavel parcourut la ville jusqu'au cœur de l'île de la cité : là, l'alchimiste déposa les aventuriers, au croisement d'une avenue qui amenait tout droit au quartier des voleurs...

2 - Le quartier et la citadelle des voleurs
Le groupe commença à progresser dans Rath Aran, la "Rue Royale", une grand-rue qui longeait l'ancien palais du roi du Cardolan. Les bandes de gamins qui vinrent se frotter à l'équipe dans l'espoir de pouvoir récupérer quelque chose en furent pour leurs frais : devant l'attitude résolue du grand Dúnadan, et ses menaces d'autant plus impressionnantes qu'il tenait sa lance elfique à la main, bien visible, ils comprirent vite qu'il valait mieux rester à l'écart.

Arrivèrent enfin les fortifications qui annonçaient le quartier des voleurs, petit bout de l'île et centre historique de Tharbad. Un portail restait ouvert mais était gardé par des voleurs, qui virent d'un œil inquiet approcher ces étrangers résolus. Lorsqu'ils furent assez près pour être reconnus à la lueur de torches et lanternes avoisinantes, un des gardes partit en courant prévenir ses supérieurs. Manifestement, ses compagnons l'enviaient plus qu'un peu, et ils paraissaient tentés de faire de même.

Respectant toujours le plan établi sur la route, Narmegil, en verve cette nuit-là, fit comprendre aux gardes qu'ils étaient venus parler aux maîtres de la guilde des voleurs, maintenant et pas plus tard, et qu'il valait mieux les aider que leur faire obstacle. Passés les premiers moments de surprise voire de panique des gardes, le groupe put entrer dans le quartier, accompagné par une foule grandissante - mais à distance respectable. Jusqu'à arriver à Ostinen Turambar, la citadelle à moitié en ruines qui servait de quartier général et place forte de la guilde.

De nouveau, les voleurs montrèrent qu'ils étaient pris au dépourvu. De nouveau, il y eut un flottement, le temps qu'un envoyé aille demander des ordres aux chefs. Enfin, les portes furent ouvertes, et les aventuriers entrèrent dans la cour. En passant, Geralt repéra un ancien compagnon d'armes, Eskel, avec qui il put échanger quelques mots. Mais manifestement, son ancien ami n'était pas prêt à parier un centime sur ses chances de survie. Puis ils furent tous conduits dans la citadelle en partie retapée. Ils montèrent des escaliers, et on les fit entrer dans une grande pièce occupée par une grande table, à laquelle siégeaient trois individus.

Les trois personnes représentaient les trois "têtes" de la guilde. Au centre, le maître de la guilde, et véritable chef des voleurs. A sa gauche, un prénommé Balt, responsable des assassins et autres missions les plus brutales de la guilde. De l'autre côté, une personne plus vieille et grasse, qui devait représenter la partie de la guilde consacrée aux enfants et aux mendiants. Suite à une invitation, les aventuriers prirent chacun un siège, Geralt face à Balt, Narmegil face au chef, et Sîralassë le plus loin de Geralt.

L'équipe avait une porte dans le dos, deux fenêtres en partie fermées par des volets intérieurs sur sa gauche, et une autre porte se trouvait derrière les maîtres de la guilde. De nombreuses personnes se tenaient dos au mur sur le pourtour de la pièce, dont une bonne part d'anciens collègues de Geralt ou autres voleurs parmi les plus costauds. Un geste, un ordre, la porte par laquelle les aventuriers étaient venus fut fermée. La réunion allait enfin commencer.

3 - Bluff, sang-froid et provocation
La réunion commença donc, avec des allures de partie de poker... menteur. En effet, le groupe, dont la moitié des membres avait sa tête mise à prix, ne devait sa "tranquillité" qu'au doute des voleurs sur les pouvoirs de l'équipe ; en particulier, sur sa capacité à faire table rase des vies dans un rayon de quelques dizaines de mètres, comme la nuit précédente. Et pour s'assurer que les voleurs le croient pour de bon, Narmegil et ses amis faisaient tout pour paraître sûrs d'eux et invulnérables.

En particulier Geralt, qui, face à son ancien patron et chef des assassins, Balt, avait remarqué la fureur à peine contenue de ce dernier à son égard. Il n'hésita pas à l'asticoter encore un peu, voire à le provoquer franchement, par exemple en étalant en pleine réunion les désirs d'indépendance de son ancien chef. Cela ne fit guère de vague auprès des autres voleurs, et notamment les deux autres chefs à la table, mais il y eut quand même un effet : à un moment, vif comme l'éclair, Balt sortit une dague et il la lança en direction de Geralt.

Ce dernier tenta d'esquiver, bien que d'être assis sur une chaise n'était pas la meilleure des positions pour ce faire. Heureusement, il fut aidé par son ami Drilun, qui put utiliser sa magie pour dévier légèrement la trajectoire de l'arme. Qui, du coup, ne fit que frôler sa cible, avec à peine une égratignure, pour finir sa course dans la cuisse d'un voleur qui se tenait non loin. Voleur qui se mit à pousser de grands cris, non seulement en raison de sa blessure, mais aussi parce que sa cuisse enflait et la douleur avec : la lame avait été enduite avec un poison puissant et rapide !

Mais le chef de la guilde calma tout le monde, et accepta la proposition de Sîralassë de soigner l'homme, ce qu'il fit avec son habituelle efficacité. Balt aussi finit par se calmer et ne plus répondre aux provocations de Geralt. De son côté, Vif arrivait, grâce à son ouïe extrêmement fine, à comprendre les échanges à voie basse entre les maîtres de la guilde : malgré l'état manifestement blessé de certains aventuriers, comme Geralt, les voleurs ne pouvaient avoir la certitude que leurs interlocuteurs ne bluffaient pas.

La réunion reprit, dans une ambiance toujours un peu tendue mais néanmoins plus calme. D'un côté, la position des voleurs était claire. Ils voulaient :
- 1000 pièces d'or pour Tarcandil, le grand-père de Narmegil
- 1000 pièces d'or pour Isis
- 1000 pièces d'or pour Geralt
- 10000 pièces d'or pour Vif !
Sans quoi ils caressaient la menace de ne jamais laisser les aventuriers partir... vivants.

De l'autre côté, Narmegil et ses amis avançaient d'autres arguments :
- ils étaient pressés de récupérer Tarcandil
- ils commençaient à douter que la guilde des voleurs ait encore le grand-père en sa possession
- ils n'étaient aucunement prêts à payer quoi que ce fût
- la guilde était manipulée par Angmar à son insu, comme lors de l'embuscade de la veille
- la guilde ferait mieux d'aider les aventuriers à lutter contre Angmar, ennemi commun
Tout en prétendant clairement posséder une magie qui les mettait à l'abri des menaces des voleurs.

4 - Nouveaux incidents et accords
La nuit avançait, mais les discussions, guère : les voleurs ne donnaient rien tant qu'ils n'avaient pas un peu de concret à se mettre sous la dent - si possible du concret sonnant et trébuchant. Ils admettaient des bizarreries dans l'attitude de certains des leurs, mais ne rejetaient pas systématiquement Angmar, dont ils avaient pu profiter. Et qui leur avait promis un jackpot encore jamais atteint avec la remise de la tête de Vif ! Néanmoins, ils n'étaient pas contre certaines mesures, en particulier concernant les soi-disant "prophètes" dont ils commençaient à mesurer l'influence... Mais là encore, ils ne voulaient pas bouger les premiers. Aux aventuriers de faire les premiers pas !

Mais les magiciens du groupe eurent bientôt un sentiment étrange, comme si de la magie avait été utilisée à la limite de leurs perceptions, et tout proche... Ils haussèrent le ton, en prévenant que des sorciers étaient peut-être à l'œuvre ici même. Vif demanda à ouvrir les volets pour pouvoir inspecter la cour, ce qui fut accepté. Mais alors qu'elle s'approchait des fenêtres, elle distingua que deux voleurs préparaient leurs armes. A peine eut-elle le temps de prévenir ses amis, que l'un d'eux fonçait sur elle, tandis que l'autre se précipitait dans le dos de Sîralassë.

Tandis que Geralt faisait un roulé-boulé maladroit sur la table (ses blessures se rappelaient trop à lui), Drilun empêchait un voleur de s'attaquer au dos du soigneur. Narmegil, lui, prenait sa lance, tandis que la femme féline esquivait l'attaque qui lui était destinée. Isis prépara un sort, mais elle n'eut pas le temps de le lancer, vu la brièveté du combat : le Dúnadan empala un voleur de sa lance, tandis que Geralt assommait l'autre avec une blessure à la tête qui aurait pu être fatale, sans l'intervention du soigneur.

Les autres voleurs, qui avaient commencé à prendre leurs armes, furent calmés par leurs chefs. Une fois de plus, les attitudes étranges de certains voleurs pourtant de confiance accréditaient les dires des aventuriers. L'un des agresseurs était mort, et l'autre ne serait pas conscient avant peut-être une journée. Néanmoins, l'elfe noldo et soigneur annonça qu'il sentait de la magie noire sur le survivant. Il utilisa sa magie et le déclara lavé de cette corruption, dont l'origine était évidente...

Ce qui entraîna l'adoption d'une trêve de la part des voleurs. Ils proposèrent à Narmegil et ses amis de s'occuper sur-le-champ des "prophètes" qui étaient peut-être à l'origine de cette magie, bien qu'il n'y ait aucune preuve. Mais cela arrangeait la guilde de ne plus les avoir dans les pattes. Des voleurs furent envoyés quadriller la ville pour repérer où étaient chacun des trois prophètes, tandis que l'équipe s'apprêtait à s'occuper de ces sorciers dès qu'elle pourrait leur mettre la main dessus. La chasse à l'homme fut ainsi lancée, dans la nuit.

5 - Chasse aux prophètes - un puissant inconnu
Deux voleurs furent chargés d'escorter les aventuriers, tant pour les guider et faire le lien avec le réseau de la guilde, que pour vérifier qu'ils menaient à bien ce à quoi ils s'étaient engagés. La nuit était calme, ponctuée par les cris des voleurs qui s'interpelaient et s'organisaient dans leur quartier, avant d'envahir le reste de Tharbad. Les gardes du Canotar, postés sur l'avenue principale qui allait de la porte nord à la porte sud, ne bougèrent pas. Peut-être avaient-ils l'habitude, ou tout simplement savaient-ils qu'ils n'avaient pas les moyens humains de faire une enquête sur ce qui se passait...

En progressant, néanmoins, les aventuriers furent témoins d'une chose étrange : un éclair proche sembla tomber sur la ville, sans bruit, alors que le ciel était clair et les étoiles bien visibles. Les magiciens du groupe suspectèrent de la magie à l'œuvre, sans pour autant en savoir plus. Sauf pour Sîralassë : lui avait bien senti quelque chose, sa perception magique ne pouvait le tromper. En revanche, cette magie, bien que puissante, était fort bien masquée. Sans doute l'œuvre d'un puissant magicien...

Des voleurs arrivèrent bientôt qui firent leur rapport : un prophète avait été repéré, dans un bâtiment à l'abandon qu'il occupait avec ses disciples et fanatiques. Mais il s'était passé quelque chose de bizarre : de nombreuses personnes étaient sorties du bâtiment en courant, comme pressées de s'enfuir. Il y avait bien eu quelques bruits à l'intérieur, comme des échanges verbaux, quelques cris... Puis un éclair était comme tombé sur le toit, et tout était ensuite resté silencieux. Bien entendu, tout le monde était resté à l'écart et s'était bien gardé d'entrer.

Ce que fit l'équipe, une fois arrivée. Le bâtiment était en piteux état, sans même une porte à l'entrée, et des traces récentes de présence humaine étaient bien en vue : feu, repas en cours, etc. Vu la hauteur, il comportait au moins un étage. Le silence intérieur n'était troublé par aucun son, aucun signe de présence humaine. Mais Isis utilisa sa magie afin de savoir, à partir des traces sur le sol, ce qui avait bien pu se passer. Elle utilisa son pouvoir à plus d'une occasion, au cours du périple dans la pauvre demeure, afin de reconstituer le cours des événements.

Il semblait qu'une personne était entrée, calmement, qu'elle avait parlé aux habitants, ce qui avait été suivi par la fuite des gens présents au rez-de-chaussée. La même chose s'était passée à l'étage, sauf pour un individu qui avait trouvé refuge sur le toit. Toit où ne restait plus qu'un corps sanguinolent et fumant, comme celui d'un homme qui a été frappé par un puissant éclair... Des traces montraient enfin une personne, toujours très calme, qui quittait tranquillement le bâtiment par une porte arrière. Sans laisser de signes visibles dans la rue, et sans s'être fait remarquer.

6 - Deuxième prophète : une rixe mortelle
Après avoir constaté que le corps était bien celui d'un prophète - d'après les restes de ses vêtements - la chasse reprit pour trouver ses deux autres compagnons. Bientôt des voleurs vinrent prévenir que l'un d'eux avait été retrouvé. Mais une rixe avait éclaté entre le prophète et ses disciples, et d'autres voleurs. Cela se passait sur les quais, il semblait que l'homme avait cherché à s'enfuir dans une barque. Mais son propriétaire - une femme nommée Grani, déjà rencontrée - n'avait pas été d'accord et avait rameuté d'autres voleurs ; dont certains qui savaient qu'un groupe devait venir s'occuper du prétendu prophète, qu'il fallait donc retarder.

Arrivés sur les lieux, les aventuriers ne purent que constater les dégâts. En effet, si la rixe avait bien encore lieu, elle ne dura plus très longtemps : dès que certains remarquèrent que des renforts étaient sur le point d'arriver, diverses personnes arrêtèrent le combat pour se jeter à l'eau. En laissant quelques corps sur le carreau, dont le fameux prophète... Sîralassë l'examina, mais l'homme était bien mort. La blessure qu'il avait reçue n'était pourtant pas mortelle, mais les traits déformés par la souffrance indiquaient plutôt l'utilisation d'un puissant poison...

Tout se passait comme si une personne s'évertuait à éliminer les indices juste avant que les aventuriers ne mettent la main dessus. Était-ce le troisième prophète qui faisait le ménage ? Quoi qu'il en fût, ce dernier restait introuvable. Les voleurs firent chou blanc, laissant entendre qu'ou bien il s'était enfui et n'était plus en ville, ou bien qu'il avait été tué d'une manière qui ne permettait pas de le retrouver.

Dans le reste du temps qui restait à attendre les éventuels renseignements apportés par les voleurs, l'équipe décida de passer aux Maisons de Guérison. Le groupe passa par le pont, où les soldats mirent en garde Narmegil concernant ses fréquentations, en voyant les deux voleurs qui l'accompagnaient. Le groupe arriva sans mal aux maisons de soins, où l'on finit par les faire tous entrer lorsqu'il fut question de soigner les personnes atteintes de folie lors de l'épisode magique de la veille.

La femme qui fit entrer les aventuriers expliqua que la dame Pelenwen avait déjà soigné une bonne part des fous grâce à ses dons. Ils étaient donc partis, mais il en restait encore certains dont elle n'avait fait qu'atténuer le mal. Sîralassë se fit alors connaître et déclara pouvoir user de ses dons à lui, et il prouva qu'il pouvait faire aussi bien sinon mieux que leur hôtesse et baronne de Tyrn Gorthad. Il arriva à soigner la moitié des personnes encore affectées, dont Lambert, un autre ancien compagnon de Geralt. Mais personne ne se souvenait de rien.

En fin de compte, les aventuriers retournèrent chez Pelenwen, tandis que les voleurs partaient de leur côté. La belle femme fut enchantée de les revoir, ayant craint pour leur vie après tout ce qui s'était passé, et qu'elle avait appris aux Maisons de Guérison, tôt la veille. Elle fut brièvement mise au courant, mais devant l'état d'épuisement et les blessures de certains, elle mit fin à la conversation pour permettre à tous d'aller se reposer.

7 - Troisième prophète : un rêve prémonitoire
En se réveillant en milieu de matinée, Geralt fit part à ses compagnons d'un rêve étrange qu'il avait fait. Il s'était retrouvé dans le Quartier des Voleurs, mais comme s'il n'était pas vraiment là. C'était la nuit, pourtant il voyait parfaitement un des prophètes, caché dans un coin sombre, non loin d'une intersection. Intersection comportant une grille dans le sol, grille à travers laquelle se déversaient les eaux usées, une lourde grille mais assez facile à lever depuis la rue. Une grille sous laquelle une échelle métallique permettait d'atteindre les égouts, quelques mètres plus bas.

Ce songe semblait tout sauf naturel, et il fleurait bon le piège également. Mais y avait-il le choix ? C'était une piste intéressante, quoi qu'elle puisse apporter. Aussi l'équipe fut-elle bientôt prête à repartir chez les voleurs. Après quelques petites consignes laissées aux serviteurs pour prévenir la dame Pelenwen partie aux Maisons de Guérison, les aventuriers se mirent en route. Ils se firent reconnaître au Quartier des Voleurs, et préparèrent une expédition dans les égouts sur le site même que Geralt avait vu en songe. Lorsque des voleurs arrivèrent pour les accompagner comme témoins, ils s'attachèrent entre eux, ainsi qu'avec deux voleurs. Puis ils descendirent.

La crue du fleuve avait envahi les égouts, dont l'essentiel était submergé. La taille des canalisations ne permettait même pas à Vif - pourtant la plus petite - de se tenir complètement debout. Et seule la tête dépassait du niveau de l'eau, animée d'un fort courant, entraînant des difficultés à avancer sans se cogner constamment la tête pour pouvoir respirer. Si l'on rajoutait une eau assez froide et une odeur pas vraiment engageante - mais il paraît que c'était bien pire l'été - cela ne donnait pas vraiment envie de rester très longtemps.

Les plus perceptifs finirent par entendre comme un cheminement au loin, dans une canalisation. Cheminement qui fut plus perceptible après un moment passé à évoluer dans le labyrinthe des égouts. En fin de compte, Sîralassë et Vif se détachèrent pour progresser plus vite et rejoindre le fuyard qui manifestement les avait entendus. Mais l'homme était sans doute épuisé et transi de froid, ayant cherché sans succès une issue. Car toutes les canalisations finissaient sous l'eau, et Geralt savait qu'elles se terminaient par des grilles, quoiqu'en mauvais état pour certaines, voire susceptibles de laisser passer quelqu'un... mais difficilement sous l'eau et avec ce courant.

L'homme plongea pour essayer d'échapper au grand elfe, mais il n'arriva pas à trouver la sortie et commença à se noyer. Ce faisant, il entraîna le soigneur sous l'eau en s'agrippant à lui, mais la Femme des Bois arriva à les sortir de là et à leur faire reprendre leur respiration. S'ensuivit une série de questions auxquelles le "prophète" se laissa soumettre de mauvaise grâce. C'était bien un sorcier d'Angmar, et il savait ce qu'il advenait à ceux qui échouaient : son sort était moins enviable que celui d'un porc qu'on égorge...

8 - Maigres informations
Mais les voleurs attendaient en grelottant que son compte fut réglé. Aussi, Narmegil prit-il une initiative : il fit comprendre au prophète ce qu'il allait faire, puis il fit mine de lui enfoncer sa lance dans le corps. L'homme joua le jeu et poussa un hurlement avant de sombrer, et les deux voleurs se dépêchèrent de remonter au sec et à l'air libre. L'homme émergea ensuite : il était étonné et parla plus facilement, voyant que peut-être sa mort n'était pas pour tout de suite...

Mais il ne savait pas grand chose : il ne faisait pas partie des sorciers venus pour acheter Tarcandil aux voleurs. Par contre, il savait que ces derniers avaient revu les gens d'Angmar pour d'ultimes tractations, la veille, suite à la magie qui avait causé tant de morts. Il ne savait pas non plus qui avait tué les autres prophètes. Il n'avait aucunement connaissance d'une personne d'Angmar capable de lancer des éclairs, mais par contre, tous utilisaient plus ou moins les poisons.

Enfin, il avait connaissance d'un autre sorcier venu spécifiquement pour tuer Vif, mais il ne l'avait jamais vu, ayant de ses nouvelles uniquement par des intermédiaires. Il avait participé de loin à l'embuscade de l'avant-veille, en poussant ses disciples à attaquer Vif dès que l'ordre serait donné. Mais il n'avait pas vu exactement ce qui s'était passé, et lorsque la magie de mort et de folie s'était déclenchée, il avait eu la peur de sa vie et n'avait pas demandé son reste. En revanche, tous ses disciples étaient morts, eux.

Narmegil, bien qu'il lui en coûtât, dit à l'homme qu'il était libre et lui conseilla de se faire oublier. Ses amis et lui ressortirent des égouts, tous trempés et certains écorchés voire légèrement blessés dans leur progression dans les canalisations. Hormis les elfes, la plupart grelottaient. Mais ils ne perdirent pas de temps à se sécher : ils se dirigèrent tout de suite vers la forteresse des voleurs, Ostinen Turambar. Ils avaient rempli leurs obligations, aux voleurs d'apporter quelque chose à présent. Les négociations allaient maintenant reprendre.
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 18:31, modifié 2 fois.
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Tharbad - 7ème partie : changement de tête

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1 - Inquiétude
Les voleurs suivaient le groupe ruisselant, qui ralentissait peu à peu. En fin de compte, face au pont qui menait à la forteresse des voleurs, l'équipe s'arrêta. La plupart de ses membres exprimaient le besoin d'aller se sécher et s'occuper un peu d'eux avant de reprendre les négociations. En fin de compte, les aventuriers firent demi-tour, et devant l'air décidé de Narmegil, nul ne chercha à les retenir. Le Dúnadan annonça juste que ses amis et lui reviendraient plus tard dans la journée, après s'être reposés et faits plus présentables...

La maison du baron de Tyrn Gorthad fut bientôt atteinte. Pelenwen n'était pas là - elle restait toute la journée aux Maisons de Guérison avec deux gardes - mais un serviteur s'empressa de s'occuper de ses invités. Des bains furent pris, des vêtements nettoyés et séchés, de la nourriture fut consommée, et plusieurs prirent un repos bien mérité. Geralt dormait encore, alors que le soir tombait, lorsque le groupe décida de retourner voir les voleurs - non sans une préalable infusion de bonneherbe (réussie comme jamais par le soigneur) pour les fortifier. L'assassin râla comme à son habitude, mais il suivit ses compagnons.

La figure imposante de Narmegil et son attitude menaçante envers les voleurs et mendiants qui s'approchaient trop firent comme d'habitude place nette : tous se tenaient à l'écart de sa lance et de sa personne, et l'ensemble du groupe pouvait ainsi progresser sans mal dans la ville et certaines rues bondées. Néanmoins, Isis distribua quelques pièces à ses ex-compatriotes : elle avait passé pas mal d'années à Tharbad, sous les traits d'une humaine, et elle avait appris beaucoup à la guilde des voleurs, et fait de nombreuses rencontres dont elle gardait maints souvenirs...

Et justement, en donnant une pièce à un individu qui lui fit un clin d'œil, elle reconnut une vieille connaissance. Un petit échange suivit, mais très bref, la personne ayant sans doute peur de possibles représailles. Elle donna quelques vagues nouvelles sur l'ancien maître d'Isis, Alucar, réfugié dans le Gondor. Mais surtout, elle dit que des nouvelles venues de l'extérieur étaient parvenues aux chefs de la guilde, qui attendaient à présent les aventuriers de pied ferme. Ils semblaient plus sûrs d'eux et déterminés, et dans leurs consignes l'équipe était considérée avec plus de fermeté et moins d'incertitude.

L'équipe progressa plus lentement, faisant diverses haltes pour discuter plus avant des dernières nouvelles. Certains, comme Geralt et Isis, trouvaient pure folie d'aller voir les voleurs chez eux, pour un coup de bluff déjà éventé. Mais Narmegil tenait à retrouver la piste de son grand-père, et personne ne put proposer d'alternative qui le satisfasse. Isis pointa du doigt le fait que son époux n'était nullement le chef du groupe. Mais si certains se sentaient libres de partir, la présence de près de deux cents voleurs tout autour, voire plus, fit beaucoup pour garder le groupe uni. La forteresse était là, et quand le vin est tiré, il faut le boire. Devant la porte ouverte et l'insistance des voleurs, ils entrèrent.

2 - Avancée et menaces
Le groupe traversa la cour et il fut mené jusqu'au bâtiment principal, puis à un escalier et une pièce qu'ils connaissaient déjà. A la table, trois silhouettes les attendaient, toujours les mêmes, comme si elles n'avaient pas bougé depuis la dernière fois. A peu de choses près, les aventuriers prirent les mêmes places, entourés de nombreux voleurs - dont beaucoup d'ex-collègues de Geralt - parmi les plus costauds. Contrairement à la fois précédente, nombreux étaient ceux qui portaient un arc et des flèches.

Après quelques menus préambules entre Narmegil et le chef des voleurs, ce dernier prit une attitude qui se voulait généreuse et magnanime - ou était-ce plutôt une attitude de moquerie ? Il parla de la mort des "prophètes" et du contrat que l'équipe avait menée à bien ; même si elle n'était pas responsable de deux des trois morts... En conséquence, il voulait bien céder sur un point : le grand-père de Narmegil. Mais Tarcandil avait en fait été vendu aux gens d'Angmar, qui étaient repartis avec lui la veille, en cours de matinée.

Le Dúnadan du groupe fulminait, mais il s'attendait trop à cette nouvelle pour laisser éclater sa colère. Le maître de la guilde continua en donnant quelques détails : les gens d'Angmar étaient six, dont trois serviteurs ou gardes du corps, tous en noir, et pas le genre qu'on intimide facilement - le contraire plutôt. Malgré leur âpreté au marchandage, ils avaient paru inquiets après l'éclat de magie qui avait tué une centaine de personnes. Du coup, ils avaient cédé aux voleurs, les avaient payés, et étaient partis le plus vite possible avec le noble aïeul.

Mais alors que Narmegil faisait mine de se lever, le chef de la guilde lui fit signe qu'il n'avait pas fini. Bien sûr, il pouvait partir, de même que son serviteur dunéen (Drilun) et son grand ami elfe (Sîralassë). Mais ni Geralt ni Isis, qui "appartenaient" à la guilde, et qui n'avaient pas eu l'heur de payer une certaine somme réclamée. Pas plus que Vif, pour laquelle un contrat mirifique courait, que la guilde ne tenait pas à laisser filer comme cela...

Les aventuriers se montrèrent intimidants quant à leurs pouvoirs magiques, et ils se moquèrent des voleurs qui croyaient si facilement qu'Angmar respecterait sa parole. Mais le chef de la guilde répondit qu'Angmar avait déjà été un bon client, et qu'un si gros contrat méritait bien quelques risques. Quant aux fameux pouvoirs des personnages, il ne semblait guère s'en inquiéter. Sur un claquement de doigts, des arcs se tendirent, flèches encochées... en direction d'Isis principalement. Le noble Dúnadan en face de lui n'allait pas mettre en danger la vie de son épouse et de l'enfant à naître ?

Et leur interlocuteur continua en disant qu'au cours de sa petite enquête, la guilde avait trouvé quelqu'un. Au lever du jour, la veille, il avait vu une barque, à un petit village sur le fleuve, en aval. Barque dans laquelle plusieurs personnes - mais pas Vif - gisaient, apparemment épuisées ou inconscientes, à tel point qu'elles n'avaient pu arrêter la barque et accoster sur les quais. La magie qui avait si durement affecté les voleurs ne venait pas des aventuriers, et elle leur avait même porté un rude coup, semblait-il...

3 - Duel
Les paroles de colère ou raison de Narmegil ne rencontrèrent aucun écho. La menace d'Angmar sur les peuples d'Eriador en général et de Tharbad en particulier était du domaine de l'avenir. Balt souriait en regardant Geralt en face de lui, comme jouissant de pensées particulièrement agréables à son égard. Mais l'homme aux cheveux blancs prit soudain une inspiration, et il se dressa : Geralt défiait son ancien supérieur, selon les lois des assassins. Balt était un incapable qui prenait les plus mauvaises des décisions, et il allait le montrer. Il demandait un duel avec lui. Immédiatement.

La perspective fit sourire le chef des assassins, dont l'œil s'écarquilla de plaisir anticipé. Narmegil proposa de faire également un duel, mais on l'écarta en lui disant qu'il ne faisait pas partie de la guilde. Par ailleurs, son épouse et son ami elfes ne devaient pas être témoins du duel, les voleurs n'ayant aucune confiance dans leurs pouvoirs. Narmegil et Vif choisirent de rester avec eux dans la pièce, mais Drilun préféra descendre et accompagner son ami dans la cour. Auparavant, le soigneur du groupe avait remis une petite noix dans la main de Geralt, en lui souhaitant bonne chance.

En bas, l'assassin flemmard entraperçut son ancien compagnon Eskel qui lui envoya un encouragement. Les voleurs faisaient un large cercle - une trentaine de mètres de diamètre - tandis que Balt et Geralt étaient emmenés à deux points opposés à l'extérieur du cercle. Le premier devait préparer ses poisons, mais le second mangeait la noix de l'écureuil remise par l'elfe. Enfin, le cercle s'ouvrit aux deux bouts, et les combattants entrèrent dans le cercle bien éclairé par des torches et lanternes - la nuit était désormais tombée.

Tandis que les deux assassins s'approchaient lentement l'un de l'autre en tournant, une épée levée, Balt énumérait la liste des blessures et sévices qu'il allait infliger à son adversaire... mais aussi tous ceux qu'il avait eu le bonheur de lui faire par le passé. Les mots étaient soigneusement choisis, et ils faisaient mouche, mettant mal à l'aise Geralt avec ces souvenirs douloureux. Sur un côté, Drilun ne cessait de se concentrer sur un sort, attendant la valse des lames pour gêner celle de Balt.

A cinq mètres l'un de l'autre, ce dernier lança brusquement une dague qu'il avait sortie et avec laquelle il jonglait depuis un moment. Bien entendu, la lumière jetait des reflets huileux sur la lame, preuve de la présence d'un poison probablement violent. Mais Geralt dévia la dague avec sa lame sans grand problème, et il fonça sur son adversaire. Les deux assassins étaient extrêmement rapides, et l'homme aux cheveux blancs sentait encore la douleur de l'arrêt de son cœur il y avait un jour et demi de cela. Mais entre la bonneherbe prise moins d'une heure auparavant, et la drogue fantastique qu'était la noix de l'écureuil, Geralt était gonflé à bloc et rapide comme jamais.

Les lames virevoltèrent dans un ballet incroyablement rapide et difficile à suivre. Le chef des assassins, prudent, choisit de parer la première attaque de Geralt, plus rapide, et sa contre-attaque resta prudente, l'homme restant sur la défensive. L'attaque fut donc facilement parée par Geralt, qui avait choisi de la bloquer entièrement. Mais il put à son tour contre-attaquer, perçant la défense de son adversaire. Balt s'écroula, le corps transpercé. Le combat avait duré une demi-douzaine de secondes seulement, pendant lesquelles trois passes d'armes avaient été effectuées... Le plus rapide l'avait emporté.

4 - Tractations et promesses
Des hourras s'élevèrent pour fêter ce nouveau chef des assassins. Eskel félicita son ancien collègue, en répétant plusieurs fois qu'il avait du mal à reconnaître le timide Geralt d'antan. Pour ne rien dire de sa prodigieuse rapidité. Elle était extraordinaire déjà auparavant, mais là... Suite à des questions sur la manière dont il avait appris à bouger aussi vite, Geralt se contenta de dire qu'il avait bénéficié de l'entraînement des elfes. Il promit aussi à certains qu'il pourrait éventuellement les entraîner.

Balt respirait encore, mais il saignait abondamment, sa vie n'était plus qu'une question de minutes. Geralt savait que Sîralassë pouvait le sauver, mais y tenait-il ? Le garder en vie risquait de poser des problèmes pour après, sans compter que les autres assassins pouvaient prendre cela comme un signe de faiblesse. Balt l'avait torturé, autant fermer définitivement cette période de sa vie. Il fit donc ce que les autres assassins attendaient de lui : il dépouilla son adversaire tombé. Il récupéra ainsi des dagues et une épée de bonne facture, des fioles de poison, et une bonne bourse contant près d'une pièce d'or en menue monnaie. Ainsi qu'une veste de cuir robuste et légère à la fois, qu'il ne serait pas dur de réparer.

Drilun et lui remontèrent ensuite dans la pièce où les deux autres chefs les attendaient. Geralt prit la place de Balt cette fois-ci, à la gauche du chef de la guilde. Chef qui l'accueillit - avec un air un peu forcé - en tant que nouveau chef des assassins. Le troisième larron, probablement le chef des mendiants, avait un air plutôt inquiet. Puisque Geralt était "rentré dans le rang", et prêt à diriger les assassins, sa tête n'était plus mise à prix. Mais pour Isis et Vif, les contrats courraient toujours.

Geralt demanda alors à parler sans la présence des aventuriers. Ces derniers sortirent et la porte fut refermée, bien que Vif arriva à saisir quelques mots à distance. Leur ami savait que Balt avait son propre butin personnel, même s'il n'avait aucune idée du lieu - quelque part dans la forteresse - ni de la quantité. Mais il offrit l'ensemble du butin contre le contrat sur la tête d'Isis. Cela ne couvrait peut-être pas toute la somme, mais le poids des assassins au sein de la guilde était un autre facteur que les deux autres chefs devaient prendre en compte...

En fin de compte, les aventuriers furent invités à revenir, et le chef de la guilde annonça la chose : avec générosité, la guilde épongeait la "dette" sur la tête d'Isis, qui était libre de partir - et de ne pas revenir. En revanche, la commande d'Angmar - 10.000 pièces d'or contre la tête de Vif - restait pleine et entière, et la femme des bois ne quitterait pas la pièce. Ni les menaces des aventuriers, ni la position de Geralt, ne firent fléchir le chef. Ce dernier tenait à savoir pourquoi Angmar avait mis un tel prix, mais la réponse des aventuriers - "des trucs de magie impossibles à expliquer" - ne put le contenter.

En fin de compte, l'assassin aux cheveux blancs fit une nouvelle annonce : il apporterait la somme, ou du moins une bonne partie, dès qu'il pourrait aller la chercher ou faire chercher. Il avait effectivement laissé nombre de bijoux, récupérés dans le trésor du dragon, chez maître Elrond. Il donna sa parole de chef des assassins qu'il tiendrait sa promesse, et arriva à persuader que ce trésor, même moindre que le prix donné par Angmar, comportait moins de risques et valait la peine d'être pris. Il put négocier un délai de trois mois pour accomplir cette tâche. Au-delà, sa tête comme celle de Vif ne tiendraient guère longtemps sur leurs épaules, l'ensemble des assassins y veilleraient.

5 - Organisation et préparatifs
La pièce se vida rapidement, tant des voleurs que des aventuriers. Geralt réunit les assassins et leur fit part de ses consignes. En son absence, il nommait Eskel comme second et demandait à tous de lui obéir comme à lui. Son autre ancien collègue, Lambert, fut élevé au rang de garde du corps d'Eskel. Il donna quelques autres consignes en vue de son départ, et annonça qu'à son retour, il pensait changer diverses choses concernant la politique des assassins. Il ordonna aussi de faire profil bas vis-à-vis des voleurs, tout en suggérant que les choses pourraient changer à l'avenir, une fois revenu. A Eskel, il recommanda de bien faire attention : en son absence, il y aurait sûrement des manœuvres pour lui reprendre le contrôle des assassins...

L'équipe repartit en ville, en direction de la maison de Pelenwen et de son frère, sans être nullement dérangée par les bandes de jeunes et les mendiants : Geralt avait donné des ordres en ce sens. La nouvelle du duel et du changement de chef des assassins s'était rapidement répandue en ville, et la rapidité et la "propreté" du combat feraient encore causer sans doute de nombreux jours durant. D'adversaire, la guilde était maintenant plus ou moins alliée. Pour trois mois tout au moins, ou au plus.

La dame Pelenwen fut ravie de revoir ses invités et d'entendre des nouvelles fraîches, mais elle fronça les sourcils en considérant qu'elle abritait le chef des assassins. Car ces derniers restaient un ennemi et la plaie de Tharbad, du Cardolan et d'Arthedain même. Geralt objecta que les choses changeraient et qu'il comptait peser de tout son poids pour faire changer cela, mais son hôtesse restait sceptique. Mais il y avait d'autres choses plus urgentes à considérer.

Narmegil annonça qu'ils avaient besoin de chevaux pour partir à la poursuite des ravisseurs de son aïeul. Il était prêt à acheter ceux de la dame Pelenwen, qui était venue avec six montures pour ses gardes, ses serviteurs et elle. Mais l'argent ne signifiait rien pour elle, même si sa maison n'était pas bien riche. Que Narmegil prenne ses chevaux, la vie de son grand-père et la lutte contre Angmar étaient plus importants que l'argent. Le Dúnadan insista néanmoins pour lui offrir une petite somme d'or, ne serait-ce que pour aider aux soins ou toute autre chose dont son hôtesse trouverait l'utilité.

Tandis que les membres humains de l'équipe se reposaient, les deux elfes sortirent de ville pour chercher des traces. Les voleurs avaient donné quelques indications - le groupe de cavaliers serait parti le long du fleuve, en direction de Fennas Drúnin - mais Isis voulait vérifier par elle-même. Il y avait trop de traces pour qu'elle puisse en tirer quelque chose à l'aide de sa magie, mais elle appela des animaux pour la renseigner. Le deuxième se rappela avoir vu un groupe semblable à celui qu'elle décrivait prendre la route en question.

6 - Voyage vers le nord-est
Après avoir dormi et pris quelques provisions, le groupe fut amené aux écuries par un des serviteurs avant même le lever du soleil. Malgré les protestations de Geralt, le groupe fut parti au petit matin. Le temps était clément, les chevaux bien reposés, mais les cavaliers n'étaient pas tous aussi compétents que le Dúnadan ou le Noldo. Drilun en particulier était mal à l'aise, mais si un autre cavalier dirigeait sa monture à l'aide d'une corde, il pouvait tenir en selle... d'ordinaire. Isis chevauchait avec son époux, mais ils devaient souvent changer de cheval, qui se fatiguait vite. L'allure ne fut donc pas très rapide, un petit trot là où Narmegil aurait voulu un grand galop.

En milieu de matinée, le groupe arriva à un gué sur un des affluents de la Mitheithel (Fontgrise), la rivière qu'ils remontaient. Mais c'était la saison des pluies et de la fonte des neiges, et le gué n'était pas facile à passer, même à cheval. Certains, comme Vif, étaient néanmoins plus à l'aise à pied que sur une selle, et préférèrent franchir le gué ainsi. Mais il fallut faire un feu pour se sécher ensuite. Néanmoins, tous arrivèrent à passer, avec plus ou moins de difficultés et de petites frayeurs.

La journée se déroula sans grand problème autre que la faible allure de leur cavalcade, plus quelques chutes. Drilun désespérait de faire un jour un bon cavalier. Peu avant la tombée de la nuit, un nouveau gué fut atteint, franchi avec autant de maladresse que le premier, voire plus. Mais franchi quand même. Vu l'avancée de la journée, il fut décidé de faire un camp et de se reposer. La Femme des Bois prépara un abri et recueillit de la nourriture aux alentours, tandis que le temps se faisait de plus en plus menaçant.

Isis en profita, avec l'aide de Vif, pour trouver des traces de passage récent et confirmer avec l'aide d'un sort que le groupe qu'ils poursuivaient était bien passé par là. Sa magie lui permit aussi de déterminer que deux bonnes journées les séparaient de Tarcandil et de ses ravisseurs. Les cavaliers qu'ils poursuivaient semblaient bien meilleurs qu'eux. Aussi Narmegil décida-t-il de poursuivre sa chevauchée seul, la nuit et le lendemain, en direction de Fennas Drúnin, au confluent de la Mitheithel et de la Bruinen (Sonoronne). Rendez-vous fut pris dans cette petite ville, et le cavalier dúnadan fut parti avec un cheval magiquement reposé grâce à Sîralassë.

Malheureusement, la pluie arriva au bout de quelques heures et se transforma vite en déluge. Si Narmegil avait pu avancer à une bonne allure à ses débuts, aidé par du trèfle de lune qui améliorait sa vision nocturne, il dut vite ralentir. Il poursuivit néanmoins sa chevauchée toute la nuit durant, au petit trot, en essayant de ménager sa monture le plus possible. Puis il continua sur le petit matin, un peu plus vite : il y voyait mieux et la pluie était moins forte. Il arriva enfin au confluent, et aperçut la ville de Fennas Drúnin de l'autre côté de la rivière.

De leur côté, les amis et épouse du Dúnadan avaient passé une nuit humide mais améliorée par la magie récupératrice de l'elfe noldo. Le départ au matin fut une autre paire de manches, et seules des cordes empêchèrent Drilun de chuter et trop ralentir le groupe. Il fit l'essentiel du voyage la tête en bas, alternant un côté, puis l'autre. Ce fut une bien triste journée, sans avoir vu personne, suivie par une nuit toute aussi triste et humide. Heureusement il restait la magie des soins de Sîralassë, une nouvelle fois, pour leur remonter le moral.

Le groupe repartit le lendemain, pour arriver au confluent en fin de matinée. Mais peu auparavant, alors qu'un sentier partait sur la gauche, Vif remarqua des traces de sabot miraculeusement épargnées par la pluie, sous un arbre. Traces sur lesquelles Isis fit un sort, qui confirma leurs doutes : les cavaliers qu'ils poursuivaient n'étaient pas passés par Fennas Drúnin, ils avaient poursuivi le long de la rivière, vers le nord. Il y avait trois jours de cela.

7 - Fennas Drúnin
Premier arrivé, Narmegil ne vit aucun moyen immédiat de franchir la rivière : il n'y avait aucun pont. En explorant les lieux à proximité de bâtiments vides, il découvrit une corde tendue entre la ville et là où il se tenait : manifestement, un bac devait faire régulièrement l'aller-retour, mais vu la pluie qui tombait, peut-être fallait-il s'attendre à du retard. Le bruit de la pluie sur l'eau de la rivière emporta ses cris lorsqu'il tenta de se faire remarquer. Au bout du compte, il lui fallut attendre une heure ou deux avant que des gens sortent de la ville. Ils le remarquèrent et amenèrent le bac pour lui faire franchir la rivière, à lui et son cheval - contre paiement.

Les hommes n'avaient pas vu de groupe de cavaliers noirs, ni son grand-père. Il laissa son cheval complètement fourbu à une bonne écurie, tenue par un certain Feagwin. Ce dernier lui apprit qu'il n'avait pas de chevaux disponibles, en raison de la guerre récente avec le Rhudaur, qui les accaparait tous. Puis le Dúnadan se sécha et se restaura à la meilleure et plus vieille auberge de la ville, "La chênaie", où on lui apprit qu'un autre seigneur dúnadan était passé quelques mois auparavant, un certain Taurgil. Ce qui rappela au grand cavalier des histoires sur un groupe d'aventuriers qui avait tué un dragon à Nothva Rhaglaw - le dénommé Taurgil en faisait partie.

Après quoi Narmegil se renseigna et essaya d'obtenir un entretien avec le chef de la ville, ou plutôt le chef du conseil qui dirigeait la ville, un certain Paetric. Il le reçut après quelques heures et lui confirma que personne n'avait vu son grand-père ni le groupe qu'il recherchait. Néanmoins, les cavaliers avaient pu continuer vers le nord en longeant la rivière, et la franchir au Dernier Pont, où passait la Grande Route de l'Est. Narmegil remercia, et en attendant ses amis et épouse, il alla traîner chez un vieil herboriste dúnadan, Andalyn, et lui acheta quelques herbes, dont un très rare don-de-vipère.

Il finit par retrouver ses compagnons le lendemain, après une nuit à l'auberge et une matinée à attendre. Tous partagèrent les informations qu'ils avaient recueillies, tout en laissant leurs montures à l'écurie et en allant se restaurer à l'auberge. Ils discutèrent de la route à prendre : Narmegil était tenté de couper à travers l'Angle, la région entre les rivières Mitheithel et Bruinen, mais c'était une terre de conflits entre le Cardolan et le Rhudaur. Plusieurs préféraient partir sur les traces des cavaliers, le long de la Mitheithel : la route était plus longue, mais ils ne perdraient pas la trace de Tarcandil.

Ce point ne fut pas tranché, mais il fut convenu de rester se reposer et de ne repartir que le lendemain - au grand plaisir de Geralt. Sîralassë en profita pour se faire connaître auprès de Paetric, chef du conseil de la ville, qui le reçut tout de suite. Il lui parla de sa sœur qui avait autrefois été emportée par les eaux, en amont. Cela rappela quelque chose à Paetric, qui parla d'une personne recueillie à la même période par un riche marchand de la ville, Amrill. Ce dernier avait ensuite déclaré qu'il l'avait envoyée en Gondor, mais la ville avait plus tard découvert que le marchand était en fait un agent d'Angmar, démasqué par Taurgil et ses amis.

L'identité de la personne recueillie et son emplacement actuel restaient donc inconnus. Aussi le soigneur décida-t-il d'écrire un message sur un parchemin, parchemin qu'il remit ensuite à Paetric avec une forte somme. Cinq pièces d'or à remettre à la personne, si jamais il la revoyait, plus une pièce d'or au chef du conseil de Fennas Drúnin pour sa peine. En espérant qu'il s'agissait bien de sa sœur, qu'elle était vivante... qu'elle repasserait peut-être... qu'elle aurait son message et son or... et qu'enfin ils pourraient se retrouver. Il en aurait, des choses à lui dire !
Modifié en dernier par Niemal le 23 septembre 2017, 23:41, modifié 3 fois.
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Tharbad - 8ème partie : concours d'appâts

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1 - Un prisonnier peu docile
En fin de compte, Narmegil se rangea à l'avis de la majorité : ils partiraient tous sur les traces des ravisseurs, et ne chercheraient pas à prendre un hasardeux raccourci qui risquait de leur faire perdre la piste. Par contre, le temps jouait contre eux, et donc il fut accepté de partir tout de suite sans attendre le lendemain. Il fallut réveiller Geralt, qui prenait goût au lit de l'auberge, et payer les personnes chargées de gérer le bac qui permettait de franchir la rivière : Narmegil demanda un passage supplémentaire, il ne souhaitait pas attendre celui de fin de journée. Sîralassë s'était occupé des chevaux, et la magie qu'il leur avait insufflée leur avait fait oublier la fatigue. Et des vivres furent achetées avant le départ.

Après un peu moins de trois jours et une bonne averse, la piste était froide et difficile à suivre. Mais les talents de pisteuse de la Femme des Bois, associés à la magie du Dunéen et de la belle elfe, eurent raison - non sans mal - de cette difficulté. La piste fut suivie jusqu'aux ruines d'un village, en bord de rivière, où les ravisseurs avaient fait un camp. Comme la nuit tombait, ce fut l'occasion de préparer un camp aussi, d'économiser leurs vivres en allant se servir dans la nature, de se sécher - une petite pluie continuait à tomber - et de préparer le voyage du lendemain, car le sentier suivi jusque-là partait dans une direction inattendue.

Les talents combinés des uns et des autres permirent de savoir à quoi s'en tenir sur la route à suivre : il fallait bien suivre le sentier, même s'il partait vers le nord-ouest, s'éloignant de la rivière et du Rhudaur. Par ailleurs, une vision magique montra que Tarcandil était loin de se laisser faire, et il ne ratait pas une occasion de ralentir ses ravisseurs. Malgré son âge, et malgré les coups qu'il recevait sans doute, il menait la vie dure aux cavaliers d'Angmar. Ces derniers étaient meilleurs cavaliers qu'eux, et ils utilisaient leur magie pour améliorer les conditions météorologiques en leur faveur, mais le boulet qu'ils traînaient était tout sauf inerte. Chaque halte était pour lui l'occasion d'essayer de fausser compagnie aux sorciers et rôdeurs noirs d'Angmar.

Ils s'en rendirent à nouveau compte le lendemain : après avoir suivi le sentier, qui contournait un bois, ils parvinrent à l'ancienne haie d'épineux qui marquait la frontière entre le Cardolan et le Rhudaur. Les cavaliers d'Angmar l'avaient suivie vers l'est, jusqu'à trouver un passage pour passer de l'autre côté. Et là, les traces montraient clairement qu'un cheval était parti au galop dans une direction opposée, bientôt suivi par trois autres. La suite fut facile à reconstituer en suivant les traces : Tarcandil avait réussi à prendre la maîtrise de son cheval, mais après quelques miles il avait été rattrapé et maîtrisé - brutalement - par ses trois poursuivants. Mais cela avait encore fait perdre un peu de temps...

Un rapace appelé par magie confirma le chemin global pris par les cavaliers trois jours auparavant : ils avaient rejoint la rivière et l'avaient suivie vers le nord et le Dernier Pont sur la Grande Route de l'Est. Sachant cela, les aventuriers ne perdirent plus de temps à suivre les traces et ils galopèrent le plus vite possible dans cette direction. Au grand dam de Drilun, mauvais cavalier qu'il fallait attacher au cheval par des cordes : il passa une partie du trajet la tête en bas, tandis que Sîralassë ou Narmegil, meilleurs cavaliers du groupe, tiraient le cheval par la bride. Mais l'état d'Isis demandait aussi de fréquents arrêts pour se reposer : son état de femme enceinte supportait mal ce train d'enfer.

Vers la fin de la journée, des traces de camp furent atteintes, et la cavalcade s'arrêta là pour le groupe. En plus d'une occasion, des traces avaient montré que le grand-père de Narmegil n'avait pas hésité à se laisser tomber de cheval pour ralentir la progression des gens d'Angmar. Mais Isis était aussi une gêne, et les aventuriers ne pouvaient faire mieux que maintenir la distance entre les deux groupes, ils n'arrivaient pas à la réduire. Et ils n'étaient plus loin du Dernier Pont et des probables armées du Rhudaur.

2 - Scènes de famille
Le soir, en cherchant à manger, Vif eut un échange avec le lynx blanc qui les suivait toujours, et qui s'énervait de voir sa protégée continuer avec ses idiots d'amis dans une zone si dangereuse. Mais comme elle ne semblait pas vouloir céder, le lynx profita de la nuit pour faire fuir trois chevaux, dont deux seulement furent récupérés. Le dernier finit égorgé, malgré une flèche d'Isis qui pensait avoir touché le lynx. Il fallut appeler magiquement une monture sauvage, le lendemain, afin de compenser cette perte. Mais le petit félin blanc finit par bientôt disparaître, au grand soulagement de l'équipe.

Il ne fallut pas longtemps, le lendemain matin, pour arriver à la Grande Route de l'Est et au Dernier Pont sur la Mitheithel. Une auberge se tenait toute proche, sur la rive orientale, gérée par la famille Grumm, et quelques fermes avoisinantes complétaient le tableau. Les traces relevées permirent de montrer que les cavaliers d'Angmar avaient fait halte là un bref moment, sans doute pour qu'un des cavaliers puisse acheter des provisions, ce qui fut confirmé par les aubergistes, qui avaient bien remarqué le prisonnier maintenu à l'écart.

Mais là, Isis avoua son ras-le-bol et sa décision d'arrêter les frais : son état ne lui permettait plus de continuer, et de plus elle était un frein pour l'équipe. Elle ne continuerait pas avec Narmegil et ses amis, elle allait rentrer chez eux, dans la Comté. Ce à quoi le grand Dúnadan répondit qu'il comprenait parfaitement, mais qu'il ne pouvait la laisser seule dans ce territoire dangereux, où ils avaient rencontré des orcs à leur dernier passage. Il abandonnait donc la poursuite et choisissait d'assurer la sécurité de son épouse et de leur enfant.

La discussion escalada en un débat plus vif : l'elfe magicienne savait que la perte de son grand-père porterait un coup au moral de son époux, et elle le poussa à continuer la poursuite. Mais l'époux en question ne pouvait admettre de laisser son épouse seule ou même avec Geralt - qui ne demandait pas mieux que de revenir tranquillement à Tumulus - dans un lieu si dangereux. Un loup-garou rôdait pas loin, et l'assassin et la magicienne n'étaient pas de taille à l'affronter. Et pas question de laisser Isis à l'auberge une ou deux semaines, les risques étaient trop grands.

La scène de ménage dura un moment, chacun mettant l'intérêt de l'autre avant le sien, et aucun n'acceptant de céder à l'autre. Isis avait beau montrer à son époux qu'il perdait du temps et que les chances de retrouver le grand-père s'amincissaient à chaque minute, Narmegil ne pouvait admettre de lui faire prendre des risques : il resterait avec elle jusqu'à un endroit véritablement sûr. Éventuellement en perdant l'espoir de revoir son grand-père, qui à ses yeux était moins important que son épouse.

Mais une solution fut avancée par le reste de l'équipe : entre la vision d'un rapace qui avait confirmé que les cavaliers étaient partis vers l'est, et la connaissance que Drilun avait du Rhudaur, un compromis semblait possible. Les cavaliers d'Angmar avaient sans doute continué jusqu'à la route d'Angmar, à quelques dizaines de miles à l'est d'ici, avant de prendre au nord. Mais ce carrefour n'était pas très éloigné d'Imladris - peut-être une demi-journée à cheval à bonne allure. La proposition - qui fut acceptée - fut de déposer Isis à Fondcombe et de reprendre seulement ensuite la poursuite.

3 - Rencontres hostiles
Le groupe remonta en selle - sauf ceux qui montaient à cru - et partit au galop plein est. La route pavée était un régal de facilité pour l'équitation, malgré quelques endroits mal voire non entretenus. La vitesse était donc excellente, pour un confort équivalent à celui des jours précédents : le paysage défilait, fait de bois et de collines de plus en plus escarpées à mesure que les Monts Brumeux se rapprochaient dans le lointain. Il avait cessé de pleuvoir, et les six chevaux avançaient bien. D'autant qu'il fallait régulièrement s'arrêter pour faire souffler Isis, entre autres.

Mais une première patrouille de Dunéens du Rhudaur fut rencontrée. Une douzaine de fantassins à l'air méfiant, qui interpelèrent le groupe dans leur langue. Manifestement, les étrangers n'étaient pas les bienvenus ici, hormis les marchands réguliers et connus... et qui s'acquittaient des taxes. La conversation se passa sans trop de mal néanmoins, jusqu'au moment où Narmegil, à travers Drilun qui jouait au traducteur, demanda des nouvelles d'un groupe de cavaliers passé trois jours auparavant, et qu'ils recherchaient.

Manifestement, les Dunéens avaient eu des ordres de ces mêmes cavaliers, car ils prirent tout de suite leurs armes et marchèrent sur les aventuriers. Leur chef, en commandant à ses hommes de se préparer au combat, laissa entendre que Narmegil et ses amis étaient ceux qu'ils cherchaient. Mais nos amis n'avaient pas de temps à perdre, et les montures furent éperonnées. Subjugués par la présence magique et la détermination de Sîralassë et Narmegil, les hommes du Rhudaur s'écartèrent bien vite et laissèrent le groupe passer sans oser rien faire.

Plus tard dans la matinée, un autre groupe fut repéré sur la route, à un carrefour vers le sud. Mais là il s'agissait d'une plus grosse compagnie, plusieurs dizaines d'hommes d'armes, dont des cavaliers. Les aventuriers n'avaient pas été repérés, aussi fut-il décidé de faire un large détour pour éviter le groupe armé et reprendre la route un peu plus loin. Mais cela fit perdre du temps, même si l'allure avait été assez bonne jusque-là.

Dans le courant de l'après-midi, en revanche, les cavaliers arrivèrent en vue du carrefour avec la route d'Angmar, probablement prise par les gens qu'ils pourchassaient. Mais là, à distance, ils ne virent rien de moins qu'une petite armée campant autour du croisement, sur le site d'un ancien village en ruines. Le relief, escarpé, rendait tout contournement difficile et facilement repérable vers le nord, où les collines escarpées étaient dénudées et visibles de loin. Aussi le groupe préféra-t-il avancer sous le couvert des bois sur leur droite, au sud de la route.

Il fallut avancer au pas à travers les arbres, mais la progression arriva vite à un terme, lorsque la forêt fit place à la route menant au sud. L'équipe n'était qu'à quelques centaines de mètres au sud-ouest de l'armée en contrebas, au centre de la cuvette au fond de laquelle les routes se croisaient. Impossible de progresser au nord ou à l'est sans se faire repérer, il n'y avait plus de couvert boisé et protecteur au-delà de la position du groupe. Sauf de l'autre côté de l'armée et du croisement, au nord-est, mais il était impossible d'y arriver sauf en volant. Le groupe était bloqué.

4 - Rencontre amicale
Depuis un moment déjà, Vif avait repris certains traits félins, à savoir leurs yeux et oreilles. Aussi son ouïe était-elle assez fine pour percevoir bientôt qu'ils n'étaient pas seuls dans la forêt de ce côté-ci de la route : un groupe d'hommes du Rhudaur était sans doute occupé à ramasser du bois et de la nourriture, et il revenait à présent dans leur direction. Ils seraient bientôt là, et il était hors de question de les combattre, au risque de vite prévenir l'armée si proche.

L'équipe mit donc pied à terre pour s'écarter discrètement avec les chevaux, sauf Drilun qui était toujours attaché... et il ne restait plus assez de temps pour le détacher. Malheureusement, le mauvais cavalier qu'il était ne put rester bien longtemps en selle avec toutes les branches et le sol pentu qu'ils foulaient. Sa chute, retenue par les cordes, dérangea néanmoins sa monture qui poussa un petit hennissement. Mais les hommes, maintenant proches, ne l'entendirent pas ou n'y firent pas attention, le prenant peut-être pour celui d'un des chevaux de l'armée non loin.

Un peu plus loin, Drilun écouta magiquement le sol et perçut les présences des Dunéens aux alentours. Mais également d'autres présences, bien plus discrètes, sous le couvert des bois au nord-est. Vif monta alors dans un arbre avec la longue-vue de Sîralassë. Elle observa les alentours, et notamment la forêt de l'autre côté de l'armée, quand elle vit brusquement, en haut d'un arbre, la silhouette d'un elfe connu apparaître et faire un geste dans sa direction ! Niemal, déjà rencontré dans l'Arthedain, semblait l'avoir repérée malgré la distance. Il disparut peu après, et elle se dépêcha de redescendre prévenir ses amis.

Sîralassë décida alors d'appeler magiquement un rapace pour transmettre un message, comme il l'avait déjà fait quelques heures auparavant, mais sans savoir où d'éventuels elfes de Fondcombe pouvaient se trouver. Un épervier apparut bientôt, mais avant même de pouvoir lui dicter un message, l'oiseau en récita un que Niemal venait de lui transmettre : rendez-vous était donné pour la nuit, pendant laquelle les aventuriers devraient franchir l'espace les séparant.

Le reste de l'après-midi fut donc occupé à se reposer, jusqu'à la tombée de la nuit. Alors que le groupe discutait de la voie à prendre, une brume descendit sur les lieux qui obscurcit complètement la zone où l'armée était installée. Peu de temps après, Vif entendit quelqu'un approcher, seul, alors que les chevaux commençaient à se faire nerveux. Elle finit par reconnaître un ours, et suspecta un envoyé des elfes venu pour les guider, ce qui était le cas. Les chevaux furent maîtrisés sans grand mal, et l'ours, arrivé assez près, grogna comme s'il attendait qu'on le suive...

Ce que fit l'équipe. Le plantigrade semblait savoir où il allait, et surtout, il reniflait régulièrement l'air, identifiant la présence proche d'hommes du Rhudaur et modifiant sa route en conséquence. Narmegil et ses amis purent ainsi traverser sans mal la zone surveillée par l'armée, et arriver enfin aux bois de l'autre côté. Où ils retrouvèrent un groupe d'une bonne douzaine d'elfes, dont Niemal, groupe mené par Glorfindel de la maison d'Elrond, et Mithrandir, ces deux derniers à cheval. La rencontre fut chaleureuse et Narmegil oublia un moment son grand-père loin de lui. La sécurité d'Isis était assurée.

5 - Aide appréciable et appréciée
Effectivement, une demi-douzaine d'elfes allaient escorter Isis jusqu'à Imladris en prenant des chemins que bien peu pouvaient suivre. Elle ne risquait donc plus rien, a priori, et le reste du groupe était libre de poursuivre vers le nord pour rejoindre Tarcandil. Ce dernier ne s'était pas éloigné tant que ça : d'une part, le groupe de cavaliers avait été escorté par un groupe armé, plus lent, d'autant que les cavaliers avaient vite perdu leurs chevaux. Il faut dire qu'un autre groupe d'elfes les avait suivis et harassés tout du long avec leurs flèches, et ils avaient même pu faire en sorte que leur route croise celle de quelques trolls en maraude !

Et même si la route était bien gardée, les elfes pouvaient passer par des chemins secrets. Et leur magie permettait d'avancer rapidement et sans fatigue, et ils pouvaient en faire profiter les aventuriers. Certes, les ravisseurs de Tarcandil avaient été retardés, mais ils ne tarderaient pas à rejoindre Cameth Brin, la capitale du Rhudaur. Mais en ne prenant aucun repos, Narmegil et ses amis pourraient peut-être les rejoindre, ou en tout cas diminuer très fortement l'écart entre les deux groupes. De toute manière, y avait-il le choix ?

A une question des aventuriers, il fut répondu qu'il faudrait conserver les chevaux : les elfes pouvaient sans mal traverser les Fourrés aux Trolls, mais à partir de Cameth Brin le couvert boisé cédait la place aux Landes d'Etten. La discrétion des elfes n'était plus suffisante pour continuer aussi près de leurs ennemis. Le groupe serait à nouveau livré à lui-même, et les chevaux seraient certainement nécessaires pour rattraper les cavaliers d'Angmar. La rapidité risquait alors de primer sur la discrétion.

Glorfindel et Mithrandir ne prendraient pas part à l'expédition. Ils avaient un autre gibier à chasser, un gibier malin et plein de ressources : Tina, le véritable nom du lynx blanc qui suivait et protégeait Vif. Mais avant de se quitter, ils avaient quelques présents à remettre de la part d'Elrond et de sa maisonnée :
- une épée de Gondolin, épée de roi confiée à nouveau - provisoirement - au soigneur
- diverses herbes, dont de l'athelas et de la bonneherbe, remises par Niemal
- une veste légère de peau de dragon enfin apprêtée, grâce à l'insistance de Mithrandir auprès des elfes, portée par Drilun
- une terrible armure de cuir de dragon qui rendait son porteur intimidant, et que Geralt choisit de porter

Et pendant une journée et deux nuits, les aventuriers avancèrent au chant des elfes, dont Sîralassë. Un peu comme dans un rêve, ils traversèrent des miles et des miles de forêts sans rencontrer personne, sans sentir la fatigue, en menant les chevaux par la bride. Tous les Fourrés aux Trolls furent ainsi traversés. Ils rencontrèrent d'autres elfes qui donnèrent des nouvelles de ceux qu'ils poursuivaient. Ils avaient fait halte à l'ancien château de Minas Brethil, mais les nouveaux chevaux et troupes qu'ils y avaient trouvés avaient vite connu les mêmes difficultés qu'au début de la route d'Angmar...

A la fin de la deuxième nuit, ils arrivèrent tout au bout de la forêt. Cameth Brin n'était pas loin, derrière des collines à peut-être une quinzaine de miles de là. Tarcandil et ses ravisseurs n'y étaient parvenus que la veille, et dans la matinée il était probable qu'ils repartiraient jusqu'à un système de bac sur la rivière Mitheithel, un peu plus au nord. Après discussion, il fut décidé de jouer sur la vitesse : au matin, le groupe filerait vers le nord et renverserait tous les obstacles sur son chemin.

Mais près de 48 h s'étaient écoulés depuis le dernier véritable repos pris par les aventuriers. A présent que le chant des elfes s'était tu, tous aspiraient à un sommeil réparateur. Mais le jour n'était pas loin, et la poursuite allait vite reprendre. Comment la concilier avec un repos nécessaire ? Une halte de trois heures environ fut décidée. Tandis que Sîralassë méditait à la façon des elfes, ses quatre compagnons humains se voyaient attribuer une tisane de marchand de sable, un somnifère au fort pouvoir récupérateur. Après un peu plus de trois heures, tous étaient en pleine forme !

6 - Cavalcade et bain forcé
Lorsqu'ils furent tous prêts, Niemal leur apprit qu'un groupe de cavaliers avait quitté Cameth Brin une heure auparavant, avec un prisonnier qui était sans nul doute Tarcandil. Sans parler des crebain qui volaient au-dessus d'eux. En faisant vite, il était possible de les rattraper au niveau du bac sur la Mitheithel. Le passage des Rhudauriens prendrait sans doute du temps, mais ils seraient sûrement passés à l'arrivée de l'équipe. Des infusions de bonneherbe furent faites pour les cinq aventuriers, qui, remontés à bloc, montèrent à cheval et partirent au galop. Drilun avait tout de même été attaché à sa monture par des cordes, afin d'éviter de le laisser en arrière dans cette région hostile...

Des collines masquaient Cameth Brin aux yeux du groupe, qui en déduisit que les informations transmises par Niemal lui avaient été données par un quelconque observateur ailé. Narmegil et ses amis pénétraient une vaste zone agricole, où ils ne passèrent pas inaperçus longtemps. Mais la plupart des hommes du Rhudaur se contentaient de les laisser passer voire de s'écarter. Des appels de cor se firent néanmoins entendre, et une vingtaine de cavaliers apparurent bientôt sur la route qui longeait la rivière. Ils cherchèrent à empêcher les aventuriers de rejoindre la route, mais ces derniers furent les plus rapides.

Toujours au galop, suivis par ces guerriers à cheval, les cinq amis virent bientôt un groupe de fantassins se préparer à les arrêter, plus en amont sur la route. Une douzaine de guerriers, armés de lances, situés à un endroit où il était difficile de les contourner. Mais Narmegil et Sîralassë utilisèrent leur magie afin d'exprimer toute leur prestance royale. Même Drilun sut se montrer intimidant, bien que sa position pas franchement à la place attendue par un cavalier le desservait sans doute. Les douze Rhudauriens abandonnèrent bien vite leur position en courant, intimidés, et l'équipe passa sans problème.

La zone du bac fut enfin atteinte, mais Tarcandil et ses ravisseurs étaient déjà passés. Ils étaient en train de se remettre en selle, lorsque les cinq poursuivants arrivèrent de l'autre côté de la Mitheithel. Les hommes d'Angmar et du Rhudaur finirent par partir au galop, laissant derrière eux une petite dizaine d'hommes armés chargés de la gestion du bac. Vif fit un bref tour d'horizon, mais le quai d'où partait le bac - à présent de l'autre côté - était le meilleur endroit pour franchir la rivière. Poussant les chevaux, les cavaliers arrivèrent au bout du quai, et ils les firent sauter à l'eau, Narmegil en tête.

Faire sauter le cheval dans l'eau glaciale était une chose, arriver à tenir dessus au moment du choc en était une autre. Tous y arrivèrent plus ou moins bien, à l'exception notable de Drilun. Seules les cordes qui le liaient au cheval l'empêchèrent de voler dans une autre direction que sa monture. Mais lorsque cette dernière percuta les flots, il se retrouva à moitié sous elle, sous la surface, toujours attaché par les cordes. Heureusement, en l'air, il avait eu la présence d'esprit de retenir sa respiration. Au moins était-il à l'abri des flèches que les archers, sur l'autre rive, commençaient à tirer sur les cavaliers et surtout sur les chevaux.

7 - Bataille sur la rive
Sîralassë et Narmegil, les plus en avant, concentraient l'essentiel des tirs, d'autant que les trois autres cavaliers tâchaient de rester alignés derrière eux. Narmegil utilisa son bouclier pour protéger son cheval du mieux qu'il pouvait, et Geralt emprunta celui de Drilun pour faire de même. Le Dunéen arriva à passer la tête hors de l'eau, sans pour autant pouvoir remonter sur le cheval. Mais Vif et Geralt, à ses côtés, l'aidèrent et firent au moins en sorte que sa monture ne dérive pas trop loin.

Petit à petit, le groupe se rapprocha du rivage. Les archers parvenaient à blesser légèrement les chevaux, mais les bêtes furent malgré tout maîtrisées pour tenir bon et avancer encore. Au bout d'un moment, les archers s'enfuirent devant la fureur magique du Dúnadan, et l'équipe put enfin accoster. Juste à temps pour voir un nouveau péril fondre sur eux depuis une colline proche : seize grands loups les chargeaient de manière résolue et comme intelligente, ignorant complètement les hommes du Rhudaur à pied. Des wargs étaient de la partie.

Les bêtes magiques, dont le corps disparaissait une fois qu'elles étaient tuées, s'attaquèrent principalement aux chevaux. L'elfe et le Dúnadan, les plus lourdement chargés sous le nombre, tentèrent de passer au galop à travers les attaques des loups enchantés, mais la réussite ne fut que partielle. Certains réussirent à mordre les chevaux et à leur faire des blessures sérieuses qui les handicapèrent, et ils menacèrent de faire tomber leur cavalier en se cabrant sous la douleur. Derrière, la situation n'était guère meilleure, le plus petit nombre de loups ayant face à eux des cavaliers moins expérimentés.

Avant de partir, au petit matin, Vif avait pris une forme semi-animale. Lorsque sa monture trébucha sous la douleur, elle arriva sans mal à tomber et à vite se redresser, et elle attaqua ensuite ses agresseurs à coup de griffe : à chaque attaque elle en éventrait un, qui en général n'avait plus la force de combattre, même lorsqu'il restait vivant. Geralt faisait voler les têtes, à cheval puis bientôt au sol. Mais Drilun, handicapé par son manque de compétence et par les cordes qui le maintenaient toujours, ne put empêcher son cheval d'être bien blessé et de lui tomber dessus...

Plus loin, Narmegil et Sîralassë finissaient par mordre la poussière également, sans grand mal, et ils purent se débarrasser des derniers wargs. Mais un cheval était mort et l'autre ne valait pas beaucoup mieux. L'elfe se précipita ensuite vers le Dunéen, percevant qu'il était en danger de mort. La Femme des Bois et l'homme aux cheveux blancs avaient réussi à tuer les derniers assaillants, mais les chevaux étaient en piteux état, et surtout Drilun était coincé sous le corps de l'un d'eux, une jambe broyée.

Vif coupa les cordes qui le retenaient à sa monture et elle put faire se relever le cheval blessé et tremblant de peur et de douleur. De manière à ce que Sîralassë puisse stabiliser la blessure du Dunéen et l'empêcher de saigner davantage. Geralt, lui, prenait position en bordure de rive avec un arc que le Dunéen avait magiquement amélioré : le groupe de cavaliers du Rhudaur qui les avait poursuivis venait de se jeter à l'eau. Et Narmegil, après avoir fini le ménage parmi les loups et constaté la mort d'un cheval, arrivait en courant à petites foulées.

8 - Reprise de la poursuite
Geralt fit un massacre parmi les cavaliers qui approchaient, cible facile pour lui qui connaissait les points faibles des humains - il n'était pas assassin pour rien. Les autres se retirèrent de l'autre côté de la rivière et ils lui tirèrent dessus à l'aide d'arcs, mais sans résultat. En revanche, plusieurs chevaux privés de maître purent ainsi être récupérés. Si les premières montures de l'équipe furent soignées, pour celles qui vivaient encore, elles étaient trop faibles pour continuer la poursuite. Les chevaux capturés étaient donc un appréciable butin.

Restait le cas de Drilun, absolument intransportable dans son état. Mais le soigneur profita d'un feu allumé par les Rhudauriens qui géraient le bac. Il prépara de l'athelas et utilisa ensuite sa magie et une herbe miraculeuse, un don-de-vipère, afin de commencer à soigner son ami dunéen. La combinaison des deux fut suffisante, avec ses talents de soigneur, pour le remettre entièrement sur pied au bout d'une heure. Ébahi, il avait du mal à admettre qu'il remarchait déjà, si peu de temps après les multiples fractures ouvertes supportées par sa jambe.

Le groupe put ainsi repartir à la poursuite de Tarcandil, avec plus d'une heure de retard. La route défilait, et Drilun savait qu'ils devaient rattraper les cavaliers qu'ils poursuivaient avant qu'ils arrivent à une ville distante de quelques heures à cheval, à l'allure où ils allaient. Grâce à la longue-vue de Sîralassë, ils pouvaient distinguer leur objectif au loin, et ils virent que le grand-père de Narmegil faisait tout son possible pour ralentir ses ravisseurs, se laissant tomber de cheval à la moindre occasion - pour un temps du moins. L'écart entre les deux groupes n'arrêtait pas de diminuer.

Au bout de deux heures, la distance n'était plus que de deux miles (~ 3 km) environ. Tandis que les aventuriers passaient un gué, ils virent au loin sur la route les cavaliers d'Angmar et du Rhudaur disparaître dans des collines escarpées. Ils reprirent donc la poursuite, en espérant arriver à rattraper enfin le grand-père de Narmegil et les sorciers d'Angmar, dont on suivait maintenant la progression sans mal, même sans les voir, grâce aux crebain qui volaient toujours au-dessus d'eux.

Mais en montant dans les collines, Vif s'aperçut qu'ils n'étaient pas seuls. Non seulement les corneilles au service d'Angmar avaient changé de position et s'étaient placées au-dessus d'eux, croassant sans cesse et donnant leur position ; mais également, elle put distinguer de nombreux groupes armés qui se rapprochaient de leur position. Au passage d'une forêt, elle vit ainsi deux ou trois cents guerriers - Dunéens du Rhudaur - sortir des bois et prendre place sur la route derrière eux, après qu'ils soient passés. Et il y en avait d'autres, au loin, au sommet des collines. Collines propices à une embuscade.

9 - Inversion des rôles
Le groupe fit une halte pour permettre à Drilun de sonder les environs magiquement. Grâce aux vibrations du sol, il put déterminer la position de nombreuses personnes - probablement hostiles - derrière eux et sur les côtés. Rien de bien dangereux à court terme, mais la retraite par la route semblait coupée. Le groupe de cavaliers qu'ils poursuivaient n'était plus très loin, mais au-delà, à la limite de ses perceptions, quelque chose le troublait, une présence possible. Également, sur leur gauche, dans la forêt qu'ils longeaient plus ou moins, il avait aussi perçu des lourdes formes quadrupèdes, mais trop discrètes et rapides pour être des chevaux. Des chetmíg ?

Vif pensa qu'ils étaient en train de se jeter dans une embuscade, et qu'il n'était que trop temps de faire demi-tour ou du moins de trouver une issue à leur situation. Elle proposa d'essayer de retrouver les supposés grands félins qui n'étaient sûrement pas là par hasard. Ses compagnons acceptèrent, et ils quittèrent la route pour s'enfoncer dans les collines escarpées en direction de l'ouest, sur leur gauche. Plus question d'aller au galop par contre, vu le terrain accidenté : le pas était un maximum.

Après un moment, un affluent de la Mitheithel fut franchi à gué, et Drilun utilisa à nouveau sa magie pour reconnaître les positions de chacun. D'autant que Vif, avec ses oreilles à moitié félines et son sens du toucher exacerbé, commençait à sentir des vibrations nombreuses vers le nord. Quelque chose arrivait, comme un troupeau de rennes, qui faisait trembler le sol à distance. Mais lorsque le Dunéen se releva, il avait l'air grave : comme ils s'y attendaient tous, ce n'étaient pas des bêtes sauvages qui arrivaient de l'autre côté des collines. Rien moins qu'une armée d'un millier d'hommes environ.

Mais derrière eux et sur les côtés, toute retraite semblait coupée. Pendant qu'ils divaguaient dans les collines, les guerriers s'étaient partout rapprochés d'eux, rendant toute fuite à peu près impossible à présent. Et ce n'était pas tout : s'il n'y avait pas d'autres cavaliers qu'au nord, en revanche, au sud, d'autres formes animales faisaient penser à des grands loups - heureusement bien moins nombreux, une trentaine - menés par un très grand loup. Ou plutôt par un loup-garou, ils étaient prêts à le parier.

Les soi-disant - et espérés - chetmíg, quant à eux, avaient encore progressé vers le nord, et ils ne semblaient plus possible de les rattraper. Selon les perceptions magiques de l'archer magicien, ils étaient en train de contourner l'armée par l'ouest et le nord, par petits "bonds" successifs. Faute de mieux, les aventuriers décidèrent alors de poursuivre vers le nord. Ils ne tenaient pas à faire demi-tour pour retrouver la route, où ils étaient sans doute attendus. Ils préférèrent plutôt utiliser la rivière qu'ils venaient de franchir pour progresser à travers les collines.

Ils avancèrent ainsi, lentement. Un étrange brouillard était tombé peu auparavant qui leur masquait leur environnement, à l'exception des crebain : ces derniers continuaient à voler au-dessus d'eux, assez bas pour les percevoir, et ils continuaient à croasser bruyamment, révélant leur position à des centaines de mètres au moins. Tous percevaient maintenant sans mal les vibrations de nombreux pieds et sabots devant eux : sans même la voir, ils savaient qu'ils approchaient d'une armée trop nombreuse et puissante pour pouvoir espérer la battre par les armes ou la magie.

10 - Voie sans issue
Toujours en suivant le cours de la rivière, les aventuriers sentirent que le terrain changeait, les collines laissant plutôt la place à une plaine ou autre terrain plat. La présence d'une armée était facilement perceptible en face d'eux voire sur les côtés, et des hurlements de loup derrière eux confirmèrent que toute retraite était maintenant exclue. Pour parachever la chose, le brouillard se leva enfin, comme par magie, et les aventuriers purent contempler dans toute son étendue le piège dans lequel ils étaient venus se jeter.

A travers le bracelet des amoureux, Narmegil savait qu'Isis percevait son angoisse, et il sentait la sienne lui faire écho. Mais voilà, ils étaient là tous les cinq, dans le lit d'une rivière peu profonde, où ils avaient pied, entourés de toute part d'ennemis en nombre insurmontable. Rien que les trente wargs et le loup-garou derrière eux étaient un défi de taille. Même en comptant leur magie, même en comptant leur équipement, même en utilisant leurs dernières herbes - les quelques noix de l'écureuil restantes furent vite avalées - ils n'avaient aucune chance de s'en sortir seuls.

Leur objectif n'était pourtant pas très loin : les plus perceptifs pouvaient reconnaître des cavaliers en noir à l'autre bout de l'armée, auprès d'un cheval sur lequel une forme allongée et bâillonnée était attachée. Mais Vif était persuadée qu'en réalité, le grand-père de Narmegil n'avait fait que servir d'appât pour l'équipe, et en particulier pour elle. Angmar tenait à la voir morte, pour une raison qu'elle ne saisissait toujours pas, mais qui avait sans doute à voir avec sa "famille", à savoir le lynx blanc qui les avait suivis et qui l'avait protégée à Tharbad.

Lynx blanc sur lequel elle comptait maintenant plus que jamais. Avec l'aide de la longue-vue de l'elfe, elle avait bien repéré quelques Hommes des Collines au loin, mais en nombre trop insuffisant pour espérer changer quoi que ce soit au cours d'une pareille bataille contre Rhudaur et Angmar. En revanche, au-delà de l'armée, non loin des cavaliers d'Angmar et de Tarcandil prisonnier, il lui avait semblé percevoir la présence de formes félines, mais dont la silhouette semblait se confondre avec l'environnement, comme si elles étaient magiquement masquées. Et personne d'autre qu'elle ne paraissait les avoir repérées.

Mais rien ne se passait, et le cercle de guerriers dont ils étaient le centre se resserrait. En face et sur les côtés, les premiers combattants étaient distants de moins de cent mètres, et deux ou trois cents archers, en deuxième ligne, avaient une flèche encochée. Derrière eux, les wargs étaient distants d'une bonne centaine de mètres, avec le loup-garou présent encore un peu en arrière, sous forme demi-animale. Quelques centaines de guerriers du Rhudaur étaient présents un peu plus loin, à distance respectueuse des loups enchantés. C'est alors que le loup-garou se mit à rire.

11 - Ultimatum
La bête maléfique se moqua d'eux et exprima clairement sa satisfaction de voir les aventuriers cette fois-ci bien à sa merci. Il évoqua le plaisir qu'il aurait à se repaître de leurs chairs et à les voir morts avant peu. Mais sa prose avait en fait deux objectifs. Le premier était de démoraliser les aventuriers, ce qu'il réussissait assez bien. Le second était simplement de jouir de leur angoisse qu'il arrivait manifestement à percevoir et dont il se repaissait. Même sans utiliser sa magie, l'aura de cruauté et de terreur qui l'accompagnait avait de quoi faire reculer ses propres alliés...

Mais une autre voix se fit entendre, de l'autre côté : l'armée s'était un peu rapprochée encore, mettant les aventuriers à portée de flèche des archers rhudauriens. Un des cavaliers d'Angmar poursuivis jusque-là, probablement un sorcier, paraissait commander à l'armée. Après avoir réclamé le silence d'une voix menaçante, il ne proposait rien de moins qu'un ultimatum à Narmegil et ses compagnons : une reddition immédiate et sans condition leur permettrait de jouir de la vie un peu, voire beaucoup, plus longtemps. Sauf pour Vif : son destin était scellé, pour Angmar.

Mais quel avenir attendait ses quatre compagnons ? Dans leur tête, vivre un peu plus longtemps signifiait la torture et peut-être pire encore aux mains d'Angmar, perspective peu attrayante s'il en était. Mais le sorcier fit part d'autres possibilités, comme de servir Angmar à des postes d'importance. Sûrement l'assassin aux cheveux blancs pourrait trouver sa place au service du roi-sorcier ! Les opportunités n'étaient donc pas toutes les plus sombres à titre personnel. Encore fallait-il faire preuve de bonne volonté. Comme par exemple de tuer eux-mêmes Vif et d'apporter sa tête...

Tandis que wargs et guerriers s'approchaient petit à petit, les aventuriers essayèrent de gagner encore un peu de temps, dans l'espoir que quelque chose se passerait qui ne venait toujours pas. Entre eux, les aventuriers se félicitaient de s'être connus, et se congratulaient de tous les bons moments passés ensemble. Ils ne croyaient plus trop à une bonne étoile, mais semblaient déterminés à affronter leur destin quoi qu'il en résulterait. En faisant payer Angmar et ses sbires le plus chèrement possible.

En fin de compte, sa patience arrivant à son terme, le sorcier d'Angmar ordonna aux archers de se préparer à tirer, tandis que les wargs s'apprêtaient à s'élancer. Une dernière fois, il proposa aux aventuriers de déposer leurs armes voire de trancher la tête de Vif. Une fois... deux fois... trois fois. Les cinq amis étaient en cercle, à pied au milieu de la rivière peu profonde, derrière des chevaux qui tremblaient de peur en raison de la proximité des wargs sans doute. Et puis le sorcier donna le signal de l'attaque, et deux ou trois cents traits emplirent le ciel au-dessus des aventuriers.

12 - Le dernier combat
Les aventuriers s'étaient bien préparés à la pluie de flèches : ils plongèrent tous assez vite au fond de l'eau, utilisant leurs montures comme abri, et se protégeant les uns les autres comme ils pouvaient, avec des boucliers par exemple. Geralt apprécia particulièrement sa nouvelle armure, dans laquelle deux flèches se brisèrent sans arriver à la percer. Ils se relevèrent tous sans avoir reçu aucune blessure, mais prêts à recevoir le choc des premiers attaquants qui fondaient sur eux. Plus que quelques mètres avant les premières passes d'armes...

Mais là-bas, de l'autre côté de l'armée, à deux cents mètres peut-être, se passa un événement qui fit brusquement s'arrêter les combattants, à commencer par les wargs et loup-garou qui y faisaient face. De surprise, et sentant quelque chose se passer, tous les guerriers de l'armée tournèrent la tête dans la direction d'où provenaient de nombreux cris. Juste au-dessus des cavaliers d'Angmar et chefs de l'armée, venait d'apparaître une terrible apparition en forme de maléfique tête de chat. Les aventuriers tournèrent aussi la tête pour voir cela, sauf Drilun, mal placé et peu perceptif, et Sîralassë, qui se souvenait trop bien de ce qui s'était passé à Tharbad : il mit immédiatement un bras devant ses yeux.

A cinquante mètres de l'apparition, tous les observateurs perdirent conscience et tombèrent immédiatement au sol. Au-delà, certains s'enfuirent en hurlant ou bien ils étaient pris d'une conduite folle, les amenant à faire les choses les plus improbables allant de danser ou rire à s'attaquer aux autres ou à eux-mêmes. Mais le chaos fut encore plus exacerbé par l'attaque soudaine de grandes formes félines difficiles à percevoir. Des chetmíg à l'apparence comme floutée par une quelconque magie poursuivaient les survivants, et leurs griffes et leur férocité ne laissaient aucune issue à leurs adversaires paniqués.

En un instant, le cours de la bataille changea du tout au tout. Le loup-garou fut peut-être le plus rapide à réagir : s'il n'avait pas été affecté par l'apparition, car trop éloignée, il avait très bien perçu la puissance de la magie qu'elle recelait. Sous forme de grand loup, il prenait ses pattes à son cou, accompagné de ses fidèles wargs, en taillant au besoin à coup de crocs dans les rangs de ses alliés afin de se garantir une fuite plus rapide. Ailleurs, un mouvement de panique emporta le reste de l'armée, dont les chefs et commandants étaient morts ou manquaient tous à l'appel.

Les aventuriers qui avaient aperçu l'apparition étaient trop loin pour en être affectés, mais cela rappela à certains de sombres cauchemars. Plantés au milieu de la rivière, ils ne coururent aucun risque de se faire piétiner. Il leur suffisait d'éviter les corps ensanglantés qui dérivaient dans l'eau, comme ceux de leurs pauvres montures criblées de flèches. Au loin, les chetmíg ivres de carnage découpaient les chairs avec une rapidité et une force affolantes, tandis qu'une petite silhouette blanche et comme floue se tenait sur l'un d'eux.

Bientôt le champ de bataille fut vide de combattants : les hommes étaient tous morts, inconscients ou en fuite ; les chetmíg et le lynx blanc qui les commandait étaient partis en forêt, à la poursuite d'autres guerriers ou pour fuir eux-mêmes on ne savait quelle menace ; les aventuriers se précipitaient sur le lieu de l'apparition, à la recherche de Tarcandil ; et au loin, quelques Hommes des Collines médusés approchaient, accompagnés d'Elosian et de quelques chetmíg, ayant suivi de très loin ce qui s'était passé.

13 - Tout est bien qui finit mieux
Le corps de Tarcandil fut enfin retrouvé. S'il était bâillonné, il n'avait rien sur les yeux et il avait malheureusement été témoin de l'apparition maléfique. Son corps ne bougeait plus, son cœur ne battait plus, et Narmegil adressa une prière muette aux Valar... et à son ami Sîralassë. Qui utilisa tout son talent et sa magie pour faire revivre le corps inerte... qui respira soudain. Tarcandil était revenu à la vie ! Il était fou également, comme avant lui certains aventuriers à Tharbad, mais le soigneur n'aurait pas trop de mal à soigner cela avec un peu de temps.

Elosian et ses chetmíg, dont deux - déjà rencontrés - à l'apparence d'ombre fantomatique, les aidèrent à transporter le vieillard. Les Hommes des Collines, qui voyaient en Vif et ses amis les agents ou outils de leur divinité féline, firent main basse sur de nombreuses armes et hébergèrent les aventuriers dans des camps proches, le temps que Tarcandil se rétablisse à l'aide des soins de Sîralassë. D'alliés, les aventuriers passaient pratiquement au statut de héros, sans parler de Vif qui semblait l'incarnation même de leur dieu félin.

Plus tard, après deux semaines de repos ou de voyage sous bonne escorte, Narmegil et ses amis retrouvèrent une nouvelle fois le camp sacré de Broggha, Targ-Arm ("grand chef") des Hommes des Collines. Si ce dernier refusa toujours de les recevoir, il accepta néanmoins de les laisser repartir avec une cinquantaine de prisonniers du Cardolan, nombre porté à soixante grâce à l'insistance de Drilun. Non seulement le Dunéen savait se montrer très convaincant, mais il parlait de mieux en mieux le Blarm, la langue des Hommes des Collines.

Dans les Fourrés aux Trolls, ce furent les elfes qui se chargèrent de mener tout ce beau monde à bon port. Ils s'occuperaient des ex-prisonniers, de manière à ce que Narmegil et ses amis puissent retourner plus vite à Fondcombe, guidés par certains de ses habitants. Ainsi Isis retrouva-t-elle son époux en pleine forme, accompagné de son grand-père et de ses amis. La famille était enfin réunie, parmi les elfes leurs alliés. Enceinte de neuf mois et demi, la belle elfe ne devait pas accoucher avant un moment encore, mais le temps venait de décider du lieu où elle mettrait au monde son enfant : un dernier voyage était encore possible, mais il lui faudrait bientôt arrêter ses vagabondages et aventures aux côtés de ses époux et amis !

Geralt était satisfait également. Les Hommes des Collines avaient récupéré une bonne part de l'équipement de l'armée adverse sur les corps foudroyés par magie ou par les griffes des grands félins. Mais eux, ils avaient eu le temps de trouver mieux : le reste de la réserve d'or et de bijoux que les sorciers avaient utilisée pour acheter les voleurs de Tharbad. Il y en avait pour peut-être mille à deux mille pièces d'or. Entre cela et ce qu'ils avaient laissés chez Elrond du trésor du dragon, il avait peut-être de quoi remplir sa dette à l'égard de la guilde des voleurs de Tharbad. En insistant un peu...

Sîralassë rendit l'épée de Gondolin à maître Elrond. Elle avait bu du sang de nombreux wargs et avait bien servi. Drilun s'enquit des forgerons elfiques et du reste de la peau de dragon qu'ils n'avaient pas encore utilisée, en espérant pouvoir égaler leurs réalisations, un jour. Vif avait repris forme humaine pour entrer à Imladris, mais elle se demandait ce que sa "famille", Tina, devenait, et quels liens les unissaient. Tous faisaient divers projets d'avenir. Sans doute le début d'une nouvelle histoire...
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 21:26, modifié 1 fois.
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Tarma - 1ère partie : tempête à l'horizon

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1 - Projets
L'ambiance enchanteresse d'Imladris ne fit pas oublier à Isis son état. Après la joie de retrouver son époux et ses amis, elle mit les choses au point : elle avait un chez-elle qui était Bar Edhelas dans la Comté, et c'est là qu'elle voulait accoucher. Point barre. De la maison d'Elrond à Bree, il y avait environ 360 miles (~ 580 km), et encore plus de 100 miles de plus jusqu'à Tumulus et le manoir qui était son foyer. Et il ne restait qu'un peu plus de deux mois avant la date prévue de l'heureux événement. Autrement dit, pas de quoi traîner beaucoup en route !

Le groupe ne resterait donc pas longtemps à Fondcombe. Le premier jour fut passé à se reposer, revoir de vieux amis comme Rob (qui avait grossi) et Frolic (tout le temps dans la bibliothèque), ou la famille (pour Sîralassë). Les époux profitèrent l'un de l'autre et du calme enfin retrouvé, mais ils usèrent moins leur lit que Geralt le sien. Même si ce dernier s'enquit auprès des elfes de la situation à Tharbad, et pensa à récupérer l'or et les bijoux qu'il avait laissés à son précédent passage. Drilun chercha à nouveau la compagnie des forgerons elfiques, malheureusement (pour lui) plus intéressés par leurs recherches sur des anneaux elfiques que sur du vulgaire cuir de dragon...

Niemal était revenu avec les ex-prisonniers de Broggha, mais il avait l'air soucieux, comme pressé de repartir. Il avertit que les choses bougeaient en Arthedain, et qu'il faudrait sans doute bientôt reprendre la route. Il parla un moment avec Geralt, qui cherchait des réponses à ses questions existentielles : devait-il fuir toute sa vie, ou devenir pour de bon le chef d'une guilde d'assassins, dont les buts étaient contraires à ses idéaux présents ? La réponse de l'elfe l'aida à faire son choix : il lui fallait prendre enfin son destin en main, ne plus être un simple pion, mais le joueur qui les manipule. Il lui faudrait payer la dette à la guilde des voleurs, et retourner à Tharbad prendre les choses en main et influencer la guilde pour aller dans la bonne direction. Vaste programme.

Ce qui voulait dire qu'il devait quitter l'équipe. Il aurait bien aimé qu'ils aillent tous ensemble à Tharbad pour laisser ensuite repartir ses amis, mais la route du sud qui était la sienne ne collait pas trop avec celle de l'ouest qui était la leur. Et puis il y avait les gens arrachés aux Hommes des Collines à raccompagner et escorter. Et Tarcandil, grand-père de Narmegil, à escorter aussi, sans parler d'Isis à protéger sur la route. Et Geralt ne se voyait pas trop descendre seul à Tharbad avec quelques milliers de pièces d'or en monnaie et bijoux sur lui... Bref, il resterait sans doute avec le groupe le temps de trouver le bon moment pour tirer sa révérence - et des amis ou gardes pour l'accompagner.

Les soixante prisonniers remis par Broggha à l'équipe étaient arrivés à Fondcombe, et leur gestion posait aussi problème. Leur ancien chez-eux n'existant plus, où les envoyer ? Après enquête, un tiers d'entre eux souhaitaient retrouver de la famille en Arthedain, un tiers en Cardolan, et les derniers n'avaient plus aucun point de chute. Tarcandil se proposa pour servir de guide à ceux qui voulaient aller vivre en Arthedain, et Narmegil pensa à prendre la vingtaine de sans-foyer chez lui, sur les terres des hobbits. Mais il ne pouvait pas escorter les vingt derniers dans les terres parfois tumultueuses du Cardolan. Pas dans l'immédiat.

2 - Conseil
Le deuxième jour après leur arrivée, les aventuriers et Tarcandil furent convoqués à un petit conseil avec Elrond et Niemal. Une autre personne devait passer, mais elle n'était pas encore là. Le maître des lieux commença par accueillir chacun et s'enquérir de son bien-être, puis il entama le premier point de ce conseil : la gestion des anciens prisonniers. Si l'aide des elfes était acquise, il précisa que la gestion des humains reviendrait à Narmegil et ses amis. D'ailleurs, il leur faudrait vite partir, car certains risquaient d'avoir du mal à quitter ce lieu avec le temps. Et ils étaient une charge dont les gens d'Elrond n'avaient pas besoin. Rob, Frolic, Maggy et Braig étaient déjà bien assez. Peut-être un jour certains devraient-ils partir, d'ailleurs...

Quant au deuxième point, il préférait laisser un autre que lui en parler. Et d'ailleurs, des bruits de bottes se firent bientôt entendre, et Mithrandir fit son apparition dans la pièce. Il avait l'air d'avoir bien voyagé et d'être venu directement après être descendu de cheval. Et c'était sans doute le cas. Après s'être excusé pour son retard et avoir remercié Elrond, il expliqua que la traque du lynx blanc - Tina - n'avait rien donné. Protégée par une petite armée de chetmíg, sur leur terrain (accidenté) qui plus était, Tina n'avait pas eu grand mal à leur échapper. Manifestement, l'hôte de Tevildo avait choisi le Rhudaur comme forteresse, et Angmar ou les peuples libres auraient à faire avec. Ce qui ne voulait pas dire qu'elle y resterait éternellement.

Mais Gandalf devait maintenant revenir en Arthedain. Et Isis, Narmegil et leurs amis également, et sans tarder. En effet, de funestes nuages commençaient à s'amonceler au-dessus du royaume dúnadan, et les présages n'étaient pas les meilleurs. Des voyants avaient ainsi vu une guerre éclater au niveau de la Comté, guerre qui voyait les hobbits chassés du quartier Nord par les forces des Tarmas. Bar Edhelas retournait également sous contrôle de la famille Tarma. Le tout avec de nombreux combats, des morts, et beaucoup de souffrance.

Mais tout cela allait bien au-delà de l'inimitié des Tarmas pour les hobbits. Ce qui s'annonçait était ni plus ni moins qu'une guerre civile au sein du royaume d'Arthedain. Non pas que les Tarmas souhaitaient la guerre, mais ils semblaient sur le point de mettre en œuvre des actions radicales qui entraîneraient très certainement cette guerre. Et pourtant, il était clair qu'ils restaient persuadés d'agir pour le bien du royaume ! Ils subissaient une influence mystérieuse qui les poussait à commettre ces actes de folie, actes que Gandalf ne voulut pas détailler. Si l'origine de cette influence était manifeste (Angmar), le mode opératoire restait à déterminer.

Et c'était ce que Gandalf demandait aux aventuriers : ils étaient les premiers concernés, car ils seraient directement touchés par les conflits. Le temps pressait, et toutes les bonnes volontés étaient nécessaires. Lui-même, Niemal et les elfes de Siragalë étaient prévenus, de même que le roi. Chacun savait ce qu'il devait faire. Mais Narmegil et ses amis, proches voisins des Tarmas, devaient ouvrir l'œil et essayer de trouver comment Angmar arrivait à priver de bon sens ces remuants voisins. Tout en restant discret, car révéler au grand jour ces projets risquerait d'entraîner l'Arthedain dans la tourmente, voire de déclencher la guerre civile que tous cherchaient à éviter - et sans doute les Tarmas eux-mêmes.

Gandalf précisa bien aussi que les Tarmas, ainsi que leurs alliés les Ekettas, n'étaient pas des ennemis. Ces deux familles nobles, les plus puissantes de l'Arthedain, étaient des piliers du royaume. Si ces piliers venaient à tomber, Angmar n'aurait plus grand mal à détruire le dernier royaume des Dúnedain du nord. Mais si Tarmas et Ekettas mettaient en œuvre leurs plans nocifs, le résultat serait à peu près le même : un grand affaiblissement du royaume, affaiblissement dont le roi-sorcier d'Angmar saurait certainement tirer le plus grand parti.

3 - Préparatifs de voyage
Tous s'accordèrent à dire qu'il fallait vite partir, au grand plaisir d'Isis qui remercia Mithrandir. Mais quand, au juste ? La date du lendemain fut avancée. Mais Niemal, rappelant qu'il y avait une soixantaine de personnes à accompagner, demanda à Elrond s'il pouvait réunir assez de ses gens pour aider au voyage. Une vingtaine d'elfes étaient nécessaires, en plus de la protection qu'ils apportaient, pour faire bénéficier à tous de leurs dons magiques, et rendre le trajet plus rapide et moins fatigant. Après réflexion, le maître des lieux répondit qu'il pensait pouvoir réunir assez de monde pour le surlendemain. Encore fallait-il savoir où aller.

Rapidement, les rêves de Geralt de détour par Tharbad s'envolèrent. De même, Drilun avait caressé l'espoir de retourner à Nothva Rhaglaw afin de récupérer de l'os du dragon qu'une précédente équipe d'aventuriers avait tué. Mais le détour était trop grand. En revanche, le manoir du seigneur Pelendur, qui avait hébergé l'équipe au début de l'année, était plus ou moins sur le chemin, non loin de Bree. La troupe se dirigerait là-bas, et demanderait ensuite l'aide du baron de Tyrn Gorthad. Les elfes s'en repartiraient de leur côté, Gandalf - qui participait à ce trajet - irait à Fornost, et Niemal poursuivrait en Siragalë.

Il fallut annoncer la nouvelle aux hommes tirés des geôles des Hommes des Collines, qui campaient dans la vallée cachée de Fondcombe. Si certains apprirent le prochain retour avec plaisir, nombreux étaient ceux qui avaient des objections, en particulier ceux qui n'avaient plus de point de chute ni de famille pour leur proposer un avenir. Tandis que l'endroit où ils se trouvaient avait des airs de paradis, paradis dont ils auraient bien voulu profiter encore. Mais Narmegil et ses amis firent comprendre que les elfes avaient déjà beaucoup donné, et que les perspectives existaient bien : il était prêt à accueillir à Tumulus les gens sans racines, à leur fournir des vivres, un toit, une occupation. Devant cette offre généreuse, et un peu ébahis d'apprendre ce que Narmegil était prêt à payer (ou avait déjà payé) pour leur bonheur, les hommes se dirent que la vie au service d'un tel seigneur était effectivement une perspective alléchante. Ils acceptèrent donc.

Le peu de temps qu'il restait avant le départ fut bien employé. Drilun se précipita à la bibliothèque, se faisant aider de Frolic ou des elfes, afin de recopier des parchemins sur des sujets qui l'intéressaient. Narmegil et Isis passèrent l'essentiel du temps ensemble, mais le premier rendit aussi visite aux nobles chevaux elfiques qu'Elrond hébergeait. Sîralassë le rejoignit aussi, en espérant un jour pouvoir chevaucher une telle monture. Tous refirent leur garde-robe avec des vêtements légers ou résistants, voire discrets. Et leur matériel profita aussi de la qualité des artisans d'Elrond, qu'il s'agisse de fil de couture, d'encres diverses, de bourses à herbes (et d'herbes), et bien d'autres choses.

La troupe fut enfin prête, le soir du surlendemain. Car le voyage se ferait de nuit, par des sentiers elfiques discrets et parallèles à la Grande Route de l'Est. Drilun s'arracha avec peine de la bibliothèque d'Imladris, sans avoir beaucoup dormi, contrairement à Geralt. Une bonne vingtaine d'elfes accompagneraient les humains du Cardolan et l'équipe, sans compter Tarcandil, Niemal, et Gandalf. Isis monterait sur le cheval de ce dernier, mais comme ceux de sa race, elle chanterait également - avec l'aide de l'instrument magique trouvé dans la montagne magique - afin d'aider les marcheurs avec sa magie elfique.

4 - Les chemins se séparent
Le voyage se déroula sans incident, et au bout de deux semaines, alors qu'Isis entamait son 11e mois de grossesse, tous arrivèrent au manoir du baron de Tyrn Gorthad, Pelendur. Ou presque tous : Gandalf s'était éclipsé lorsque la troupe avait approché Bree, après avoir repris son cheval. Des affaires pressantes l'attendaient ! Elfes et humains arrivèrent aux portes du manoir, devant des gardes éberlués de voir débarquer tant de monde, au petit matin, sans avoir été prévenus de quoi que ce fût. Les elfes s'en repartirent aussitôt, quelques-uns, avec Niemal, vers la Comté, et les autres vers l'est et Imladris. Non sans que Niemal ait souligné une dernière fois que le temps pressait...

Pelendur, bien que surpris, fit bon accueil à tous ces invités surprises. Il fut émerveillé que Narmegil et ses amis aient pu ramener encore une soixantaine de personnes autrefois prisonniers des Hommes des Collines du Rhudaur. Mais les aventuriers furent surpris à leur tour, car avec l'aide de Pelendur, ils se rendirent vite compte en fait que Broggha leur avait confié beaucoup de prisonniers dont la rançon avait été payée ! En bref, le chef des Hommes des Collines n'avait pas été si généreux que cela en confiant soixante ex-prisonniers à Narmegil : il s'était servi de lui et ses amis pour se débarrasser de beaucoup de gens qu'il devait libérer de toute manière et qui l'encombraient !

Mais tout le monde était fatigué de la longue marche, et la matinée fut occupée à dormir pour la plupart. Les choses sérieuses ne reprirent vraiment qu'en début d'après-midi, lorsque tous furent à peu près dispos. Narmegil évoqua le devenir de ces soixante personnes, et il demanda l'aide de Pelendur. Ce dernier, vu ses moyens limités, était un peu gêné, mais lorsque Narmegil offrit de payer généreusement pour l'entretien des gens et l'emploi de ses gardes, il ne fit plus aucune difficulté.

Il fut donc convenu de la chose suivante : Tarcandil partirait avec des gardes de Pelendur vers Fornost Erain, et la vingtaine d'hommes promis à l'Arthedain. Ensuite, l'aïeul de Narmegil se chargerait de retrouver les familles sur qui ces exilés pouvaient compter. Les gardes reviendraient alors s'occuper des personnes dont la famille occupait le Cardolan. Les aventuriers, de leur côté, escorteraient une vingtaine de personnes sans attaches désireuses de venir refaire leur vie à Tumulus, auprès du si généreux seigneur Narmegil Eldanar et de ses compagnons.

Mais le grand Dúnadan - et surtout Geralt - avaient une autre requête à adresser au baron Pelendur. Il s'agissait d'aller à Tharbad remettre à la guilde des commerçants une somme équivalant à quelques milliers de pièces d'or en or et bijoux. Après s'être assuré auprès de contacts comme Dirhavel l'alchimiste ou Silmarien que la structure mise en place par Geralt pour le remplacer comme chef des assassins fonctionnait encore, et que l'or réglerait bien la dette qu'il s'était engagé à payer pour s'assurer de la tranquillité de Vif et du reste du groupe.

Pelendur fut plus difficile à convaincre, car il n'avait pas assez de gardes pour une telle mission. D'autant qu'il participait à une campagne militaire contre le Seigneur de Guerre Ardagor, le chef d'une bande de trolls arrivée dans le Cardolan pendant la Peste. Mais Narmegil donna encore de l'or afin que le baron puisse embaucher de nouveaux mercenaires et qu'il puisse accomplir à bien le service demandé. Cela prendrait sans doute du temps, un mois peut-être, mais l'or devrait arriver aux voleurs de Tharbad avant la limite des trois mois depuis le départ de la guilde, comme convenu. Et au cas où, ces richesses furent entreposées dans un coffre marqué magiquement par Drilun.

5 - Retour à Tumulus
Le jour du départ fut fixé au lendemain matin. Mais entretemps, Pelendur mit un peu au courant les aventuriers de l'ambiance qui régnait dans la Comté, ce qui s'ajouta aux précédents dires de Niemal en cours de route depuis Fondcombe. La longue absence de Narmegil et l'arrivée d'humains à Tumulus - une partie des précédents prisonniers de Broggha - n'avaient pas été du goût des hobbits. Des troubles - légers - avaient repris sur les terres gérées par la famille Eldanar. Drilun ne serait sans doute pas le bienvenu, comme tous les Dunéens, mais certains l'avaient défendu, la manœuvre de crier son nom paraissant un peu grosse. Il garderait probablement le bénéfice du doute...

Narmegil décida de retourner à cheval à Bar Edhelas. En effet, lors de leur précédent passage, ses amis et lui avaient laissé leurs chevaux à la garde du baron. Au grand galop, il ne mettrait qu'une journée là où le groupe, à pied, prendrait sans doute près d'une semaine. Il espérait ainsi reprendre en main la gestion des terres qui lui avaient été confiées, et calmer un peu les esprits. Sans parler de préparer l'arrivée des autres, en particulier Drilun et les exilés. En parlant de gestion, son grand-père lui fit remarquer que les affaires familiales, à Fornost, étaient restées sans personne pour les gérer. Ce qui avait pu entraîner des dettes. Aussi demanda-t-il un peu d'or à son petit-fils pour régler ces probables difficultés.

Et ainsi, tous furent partis le lendemain matin. Narmegil montait un bon cheval, même s'il ne valait pas l'étalon noir qu'il avait pris à Aradan Marwen, mais qu'il avait laissé à son cousin Helvorn. Il couvrit sans difficulté les 120 miles (~ 193 km) qui le séparaient de Bar Edhelas, s'accordant le minimum de repos pour sa monture et lui. Au pont sur la rivière Brandevin, on le reconnut et il passa sans problème et sans payer aucune taxe. En arrivant sur les terres autour de Tumulus, deux gardes lui bloquèrent la route en voyant ce cavalier très pressé. Puis ils le reconnurent et s'excusèrent, mais il les félicita de faire leur travail avec zèle. Et il arriva enfin au manoir, fourbu mais satisfait.

La maisonnée l'accueillit avec plaisir, et son cousin Helvorn le premier. Il lui présenta d'abord l'état de la région, dont Narmegil avait déjà eu des échos. Il confirma ce qu'avait dit Pelendur entre autres, et ajouta que l'arrivée des ex-prisonniers de Broggha avait pu être mal interprétée par certains hobbits : ils avaient pu penser à une manière d'occuper le terrain pour freiner l'extension des leurs. De plus, ces humains récemment arrivés avaient du mal à considérer les hobbits comme propriétaires. Néanmoins, Helvorn gardait un très bon contact avec les hobbits, et l'intendante du manoir, par ses propres contacts, arrivait à faire prendre un peu de recul à la population hobbite.

Helvorn évoqua aussi son enquête sur le vol des chevaux. Après avoir remonté la piste jusqu'aux terres des Tarmas (les "Tarmaladen"), il avait apprit sans mal que les bandits avaient tous été tués, et les chevaux récupérés. Surveillé de près - ce qu'il avait perçu assez tôt - il n'avait pu aller plus loin dans ses recherches, et on lui avait fait comprendre qu'il n'était pas le bienvenu. Sans accès à aucun officiel Tarma, il avait dû plus ou moins vite rentrer à Bar Edhelas. Au final, il était très partagé sur une éventuelle implication des Tarmas, tant il y avait d'éléments pour et contre. Il n'arrivait pas à comprendre le sens de tout cela.

Mais dans l'immédiat, Narmegil avait d'autres priorités. Il passa les jours suivants à aller voir tous et toutes et à rappeler les règles de vie commune. Oui, les hobbits étaient bien propriétaires, non, les humains récemment installés - et ceux qui allaient venir - n'étaient pas là pour empêcher les hobbits de prendre leur place. Il expliqua ce que ses amis et lui avaient été occupés à faire pendant tous ces mois, mais qu'il était bien chez lui ici. Il prépara l'arrivée des exilés du Cardolan en faisant préparer des fermes encore désertées suite à la Peste, pour qu'ils puissent vite s'y installer. Et cinq jours après, son épouse et ses amis arrivèrent, accompagnant les vingt exilés du Cardolan.

6 - Apaisement et interrogations
Le soir même, Sîralassë fit sa tournée des fermes avoisinantes afin de soigner les maux qu'il pouvait. Y compris ceux qu'il sentait germer dans les têtes, celles des hobbits du moins. Percevant leurs sentiments tant de colère que de doute, il sut trouver les mots pour les rassurer et les apaiser. Le travail entrepris par Narmegil fut poursuivi : après la diplomatie, le réconfort et l'espoir en un avenir plus positif.

Ce travail fut encore approfondi par Drilun, qui se rendit seul, le soir, à la grange des hobbits et le centre de leur vie sociale, Oatbarton. Reçu fraîchement, il arriva à s'expliquer et à convaincre que sa participation au vol des chevaux et aux meurtres n'était qu'un coup monté, et que ses amis et lui feraient tout pour le prouver et châtier les coupables, maintenant qu'ils étaient revenus. S'il n'arriva pas totalement à rétablir la confiance qu'il avait connue avant ces événements troublés, il reçut assez d'assurance qu'on le jugerait sur des faits, même si une certaine méfiance demeurait entretemps. Mais les hobbits furent d'accord pour dire qu'il était le moins dunéen des Dunéens qu'ils connaissaient. Ce qui, venant d'eux, était un compliment. Même si cela faisait quand même un peu de peine à Drilun, qui aurait bien aimé être plus fier de la réputation des siens.

De son côté, Vif allait voir Gellain Oakwye et le chat de Frolic, à l'auberge de Tumulus. Tous deux l'accueillirent avec plaisir, et l'aubergiste lui rapporta les observations qu'il avait faites sur les deux probables informateurs des Tarmas qu'elle avait repérés. Ils venaient à peu près tous les soirs à son auberge, souvent les deux ensemble, mais parfois juste l'un des deux. L'un s'appelait Mintil, il fabriquait et vendait toutes sortes d'affaires en cuir à Tumulus, depuis des chaussures et vêtements jusqu'à des armures. Il semblait avoir de l'ascendance sur l'autre, qui était le quincailler du village. Ils étaient souvent en rapport avec Gridel, un marchand qui parcourait le sud de l'Arthedain, et passait donc souvent de la Comté aux Tarmaladen et inversement. Un messager des Tarmas ?

La question des Tarmas revint encore et encore, et les aventuriers étaient partagés sur la conduite à tenir. L'ampleur de la tâche les privait de moyens : comment enquêter sur les Tarmas, leurs ennemis... qui ne l'étaient pas vraiment ? Mais qui pouvaient néanmoins servir à précipiter l'Arthedain dans le chaos ? Fallait-il aller les voir ou enquêter plus ou moins ouvertement, au risque de faire précipiter certaines choses ? Était-il possible d'aller leur rendre visite de manière courtoise, comme de bons voisins, sans risquer une quelconque embuscade ? Étaient-ils eux aussi influencés par un nouveau Fercha, qui les pousserait à des actions extrêmes et regrettables ?

Narmegil alla à la ville de Champs Verts dans la journée, en quelques heures à cheval. Mais il y fut mal accueilli par les humains qui regrettaient le temps des Tarmas. Faute de suffisamment d'hommes du roi, les communautés humaines et hobbites s'évitaient et se géraient sans se mêler, mais les sources de friction étaient fréquentes, et les dégâts réels. Narmegil ayant participé à la débâcle et l'éviction du chevalier Tarma qui les dirigeait, Brandir Haranholir, il n'était pas le bienvenu. Il dut rentrer bredouille dans l'après-midi, et passa la soirée à fouiller dans la bibliothèque. Il trouva ainsi l'arbre généalogique des Tarmas, où il était indiqué que Mintil, artisan de Tumulus, avait des liens de parenté avec les Tarmas. Cela correspondait à ce qu'en avait dit l'intendante hobbite : l'homme semblait plus érudit qu'un simple artisan, il avait une comptabilité soignée de son activité. Sans parler de sa grande taille, même s'il portait la barbe.

Helvorn avait été convié à donner son avis, mais il ne savait que dire. Si les Tarmas étaient bien ceux qu'il avait côtoyés par le passé en tant que rôdeur dans l'armée royale, c'étaient des gens de confiance qu'on pouvait aller voir sans crainte, et la mort des voleurs de chevaux dunéens (et tueurs de hobbits) était sévère mais justifiée. Mais pourquoi ces voleurs allaient-ils sur les terres des Tarmas, où ils devaient savoir qu'ils n'étaient pas les bienvenus ? Et si les Tarmas s'étaient laissé influencer par quelque chose de sombre qui leur faisait perdre leur bon sens et la perception des intérêts de l'Arthedain, que ne pourraient-ils faire pour suivre leurs chimères ? Il fallait en savoir plus, mais le cousin de Narmegil ne savait pas par où s'y prendre.

7 - Espionnage
Certains évoquèrent la possibilité de chercher des renseignements auprès des informateurs des Tarmas, comme le fabriquant et vendeur d'objets en cuir, Mintil. Peut-être était-il possible d'aller les voir et de leur soutirer des renseignements ? Mais d'autres s'y opposèrent, estimant que cela risquait de mettre la puce à l'oreille des Tarmas, ou même de déclencher une réaction de ces derniers. Quelqu'un proposa de passer une commande au marchand de cuir, et de l'inviter à manger, de l'occuper. Ce qui laisserait la place libre... sauf pour l'épouse et les deux enfants qui l'aidaient à son travail. Finalement, l'idée fut abandonnée.

Pourtant, c'était une piste à creuser, une piste que Drilun essaya d'aborder avec finesse et subtilité. Il voulut approcher un peu le bonhomme. Pour cela, il alla dans sa boutique : il fut reçu par son épouse, qui faisait des travaux de couture, et expliqua qu'il aurait voulu des conseils voire un apprentissage. La dame lui répondit que son mari avait des engagements à respecter, mais devant l'insistance du Dunéen, elle alla parler à son mari, qui accepta de rencontrer Drilun après avoir fini un travail. L'archer-magicien du groupe s'éclipsa et revint ensuite à l'heure dite, pour trouver l'artisan prêt à le recevoir.

Drilun parla alors de son désir d'apprendre à travailler le cuir. Désir qui était réel en fait, le Dunéen avait besoin de savoir travailler divers matériaux pour aider à leur insuffler de la magie dedans. Il expliqua qu'il ne cherchait pas un véritable apprentissage, sur une longue durée, mais qu'il était pressé, et tout à fait prêt à payer pour le dérangement. L'homme, d'abord étonné et méfiant, commença alors à discuter les prix pour voir si l'affaire pouvait l'intéresser. Malheureusement, la confusion emplit la bouche du Dunéen, d'habitude adroit et habitué aux belles paroles. Accumulant gaffe sur maladresse, il rendit l'artisan persuadé qu'il se moquait de lui. Furieux, l'homme le chassa de sa boutique sans ménagement, et Drilun choisit de prendre la porte plutôt que quelque chose de plus dur et douloureux...

Mais tandis que le soir arrivait et que les uns après les autres baissaient les bras, à cours d'idées, Vif alla se poster à l'auberge. Elle savait que Mintil et son ami quincailler venaient d'ordinaire se rincer le gosier et écouter ce qui se disait, et c'est exactement ce qu'elle comptait faire. Avec une ouïe des plus fines, à en remontrer même aux elfes, elle espérait bien apprendre quelque chose d'un peu consistant. Les deux hommes arrivèrent comme la nuit tombait, et ils s'attablèrent non loin d'elle. Très doucement, mais pas assez pour empêcher la Femme des Bois de tout entendre, Mintil commença à décrire sa journée et l'incident que Drilun avait provoqué.

Les deux hommes évoquèrent les Tarmas et la méfiance voire le déplaisir que Narmegil et ses amis leur inspiraient. Manifestement, ils regrettaient Aradan Marwen et l'autorité des Tarmas sur le quartier Nord de la Comté. Mais à un moment, le compagnon de Mintil demanda à ce dernier s'il avait eu du nouveau concernant le message d'"œil de renard" apporté par le marchand Gridel, deux semaines auparavant. Ce à quoi Mintil répondit qu'il ne savait toujours pas quoi en faire, et qu'il le conservait en attendant des directives précises, comme annoncé. Le reste de la conversation n'apporta rien de plus, et les deux hommes finirent par partir alors que l'heure avançait.

8 - Cambriolage
Aussitôt, Vif revint au manoir avertir ses amis. Il semblait donc qu'il y avait un parchemin important chez Mintil. Peut-être cela valait-il la peine de prendre quelques risques et de faire une expédition ? Geralt était discret et perceptif, il pourrait bien faire quelque chose... Ce dernier n'était pas très chaud, mais les arguments qu'il pouvait opposer tombèrent les uns après les autres.

Il était nul en crochetage ? Mais avec la chaleur - le solstice d'été approchait - Mintil laissait les fenêtres et volets entrebâillés pour l'aération. Il n'y verrait rien pour fouiller ? Du trèfle de lune était déjà préparé, qui permettait de voir dans le noir aussi bien qu'un elfe. Il risquait de se faire surprendre ? Drilun lui dit que le bureau à fouiller n'était pas dans la chambre du maître de maison, et il était discret. Si on le voyait, la réaction des Tarmas risquait d'être terrible ? Isis lui ferait un sort pour le déguiser, et personne ne pourrait le reconnaître. Et puis il fallait bien se mouiller de temps en temps ! Et même se priver d'un peu de sommeil...

Le maître-assassin de Tharbad attendit donc que la nuit soit avancée pour aller voir de plus près la boutique de Mintil. Pour ne pas se faire voir en traversant la place, il sortit par une fenêtre à l'arrière du manoir. Très discret, d'autant qu'il portait le manteau de Drilun qui facilitait grandement tout camouflage, il approcha de la boutique sans être vu. Il repéra sans mal le bureau, et aux bruits de ronflement, les chambres étaient à l'étage, donc à une petite distance. Grâce à une fenêtre entrebâillée et à ses compétences, il arriva sans mal à pénétrer à l'intérieur de la pièce sans se faire voir ou entendre. A l'intérieur, deux portes, fermées mais non verrouillées, donnaient sur l'atelier ou sur les lieux de vie de la famille.

Le bureau était bien rangé, et l'homme eut peur d'être obligé de lire les livres ou parchemins, ce pour quoi il ne se sentait guère de compétence. Mais en regardant bien, il lui sembla percevoir comme un tiroir secret derrière un stock de plumes, d'encre et de parchemins vierges. Avec précaution, il débarrassa l'ensemble et tira sans mal un petit compartiment dans lequel un simple parchemin reposait. Après l'avoir ouvert et tenté de le lire, il n'eut plus aucun doute : c'était bien le parchemin en question. Et il fallait l'apporter aux autres qui arriveraient peut-être à déchiffrer ce qui était inscrit.

Il ressortit donc avec le parchemin et rejoignit toute l'équipe au manoir, toujours par la même voie, discrètement et sans se faire voir. Il fut accueilli avec grand plaisir, et tous furent bientôt réveillés malgré l'heure tardive, ou plutôt précoce. Drilun fit sur-le-champ un double du parchemin, et il demanda à son ami de remettre l'original à sa place, et faire en sorte que rien ne puisse trahir sa visite. Ce dont Geralt s'acquitta sans difficulté. Un peu plus tard, il lui fallut refaire la même chose afin de revenir en possession de l'original, jugé trop précieux comme pièce à conviction. Mais les aventuriers n'en étaient pas encore là.

9 - Déchiffrage
En effet, le message en question était un peu cryptique, pour ne pas dire plus. Et même sans aucun doute crypté. En introduction, une brève phrase annonçait effectivement "Fercha est la clé". Mais quant au reste... Il se composait de 145 lettres organisées en 9 lignes. Ce qui donnait :
TFQLFHTHJHTTFVNMT
SHMOQHMCQHFKFAFL
GKKHQNYFKHFVHRLF
BGHCQNBUHSNUONGS
NMSHTOGQHHMRNQHO
HUTHTQHLFGSGKSSN
MTLFMGOUKHSOFQPU
GHTRNLLHMTFVNUSC
HKHTQNUVHQHTVGTH

Les aventuriers se grattèrent la tête un moment. Sîralassë remarqua que le 'H' revenait souvent, cela devait correspondre à une lettre fréquente. Drilun trouva le premier que les 5 premières lettres composaient en fait le mot "Tarma". Et petit à petit, la transposition du reste de l'alphabet put être établie. En fait, le message donnait la solution dès le début : il fallait changer l'alphabet classique en prenant le même alphabet, mais où "FERCHA" composait les premières lettres. Ainsi :
ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ devenait :
FERCHABDGIJKLMNOPQSTUVWXYZ.

Le message devenait alors très clair : "Tarma et Eketta vont s'en prendre à la famille royale avec magie drogues ou poisons et pire encore peut-être mais ils sont manipulés par qui et comment à vous de le trouver et vite". En revanche, ce qui était moins clair, c'était de savoir par qui il avait été écrit, et à qui il était adressé. Brusquement, les aventuriers n'avaient plus sommeil. Le message leur était-il adressé ? Ou plutôt, devait-il être remis à "œil de renard" ? Qui était-il, et que savait-il ? Il fallait absolument lui mettre la main dessus !

En fin de compte, le parchemin original fut récupéré - et remplacé par un faux au message différent - et tous partirent se coucher en espérant que la nuit leur porterait conseil. Les jours à venir seraient rudes. Il faudrait prévenir le roi, retrouver cet "œil de renard", et espionner les Tarmas d'une manière ou d'une autre. Car on ne savait toujours pas comment ils étaient influencés. Et en plus, le délai restant avant le déclenchement de la guerre civile restait proche mais inconnu. Était-ce lors de la fête des moissons du jour médian de l'année, loëndë, comme Sîralassë commençait à croire ? Impossible à dire. Mais si c'était le cas, il restait moins de vingt jours pour trouver et assembler les dernières pièces du puzzle. Et peut-être même moins que ça.
Modifié en dernier par Niemal le 03 septembre 2012, 08:19, modifié 3 fois.
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