Terre du Milieu - Système J

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Psychopat
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Mon millième post !

Message non lu par Psychopat »

Pour feter celà, un long texte que j'ai écrit pour patienter jusqu'à la prochaine partie. S'il y a des petites erreurs à modifier, essayer de les communiquer ici: http://enferdujeu.free.fr/forum/viewtop ... =23&t=1277.

Sinon, Grandes Gigues médite... Dans son sommeil profond que peu de choses pourraient l'en sortir, il médite de ce qu'il va dire à ses compagnons... Certaines vérités doivent-elles être divulguées et entraîner la ruine sur eux ? Son esprit quitte un instant son corps pour aller se réfugier vers quelques paradis que seuls les premiers nés en connaissent l'existence. Il traverse les parois de la salle et survole la montagne, franchis tels les premières rais de lumière de l'aube naissante les terres qu'il à parcouru jusque là pour arriver aux monts brumeux, il survole Angmar et vois les cavaliers noirs patrouiller les terres à leur recherche, il passe par Fornost Erain et franchis la rivière de Fontgrise pour arriver rapidement sur la comté et ses petits habitants. Son esprit s'attarde sur ses créatures, cette espèce travaille la terre avec grand art et son labeur quotidien parait presque être reposant à cet instant. Les suppliques du dragon sont déjà très loin. Son esprit aurait pu divaguer encore longtemps en compagnie de ces êtres mais une lumière dans l'Ouest l'interpelle, presque aveuglante, bien loin au delà des Havres gris. Une lumière qui l'appelle... Il fonce plus rapide que l'aigle géant, et, au fur et à mesure qu'il franchit les dernières tours, il entraperçoit le port elfique, la clameur des vagues s'échouant inlassablement et les cris des mouettes l'appelant. La lumière brille encore plus fort à l'Ouest... Apaisante, réconfortante... Une voix familière douce l'appelle par son nom de naissance. Il la reconnait...

"J'arrive maman..."

Survolant le port, l’esprit de Grandes Gigues s’arrêta un moment pour contempler la beauté des navires amarrés au quai, leurs formes élancées et les elfes s’y affairant tout autour l’incita de plus en plus a quitter ce dernier havre de paix pour se diriger vers la lumière à l’Est, pour retrouver les siens de l’autre côté de l’océan. Là bas, le jeune noldo pourrait trouver la paix qu’il n’a jamais connu, sa chère mère disparue et, plus que tout, il pourra avoir, enfin, la réponse à toutes ces questions.
Il se dirigea vers le large et il perçut rapidement une musique attirante mais lointaine, il entendit aussi, l’accompagnant, comme un bruit de battements d’ailes dans le vent. Il se retourna mais ne vit rien. Grandes Gigues s’éloigna de la côte et il prit la peine de regarder une dernière fois derrière lui, comme pour un ultime adieu à la Terre du Milieu. Une larme coulait sur sa joue à l’idée de quitter ses amis.
Il prit de la vitesse au fur et à mesure que son esprit quittait la terre des hommes. Guidé par la voix de sa mère qui se faisait de plus en plus distinct, son esprit se dirigea vers cette lumière aveuglante et apaisante mais juste avant de l’atteindre, comme pour lui interdire le passage, une voix se fit entendre :

- Qui fuis-tu ?
- Personne … enfin…


Grandes Gigues n’avait plus d’ennemis à fuir, il voulait seulement retrouver une certaine forme de paix. Il pouvait percevoir des présences féminines et magiques qui discutaient à présent avec lui sans pour autant distinguer précisément leurs formes. Il sentait jaillir d’elles une foule d’émotions positives qui revigora son esprit, un mélange d’amour, de bienveillance et d’encouragements à la fois. Pourtant, elles lui barraient le passage comme si elles avaient tissées une toile psychique l’empêchant d’aller plus loin.

- Pourquoi tu ne te bat plus ?

Le Noldo n’avait pas pour autant baissé les bras, il avait démontré par maintes fois sa valeur au combat face au terrible Fercha ou face au dragon par exemple mais il sut ce que voulait insinuer la voix étrangère.

- Je suis las… Las du combat eternel des hommes et des miens ne serais-ce pour pouvoir toucher du bout de leurs doigts un infime pouvoir. Ils n’ont cœur qu’à se quereller et guerroyer pour obtenir richesses, connaissances et gloire ! Je suis las de savoir aussi que pour survivre à mon destin je dois user des mêmes stratagèmes. Je sais que je devrais lever l’épée contre mes ennemis de l’ombre ainsi que contre tous ceux qui envieront mon pouvoir ou mes biens sur ces terres. Je devine aussi que les forces de l’ombre joueront de ces faiblesses pour fomenter des plans dans le but inavoué de détruire l’humanité.

- Nous savons ce que toi et tes amis ont réalisés en Eriador et nous devinons à peine ce que complotent vos ennemis mais nous avons d’autres projets en ce qui te concerne. Ta route ne s’achèvera pas dans les cavernes de Mandos ni sur les rivages blancs de Valinor et tu dois encore réaliser bien des choses avant de pouvoir te reposer en paix. Car oui, tu combattras encore pour pouvoir enfin goûter aux fruits mûrs et juteux que tu auras semés. Jamais tu ne connaîtras la quiétude et la sérénité. Tu devras te battre encore et encore mais tu ne seras pas seul, car, sur ta route, tu croiseras de nombreuses aides. Écoute-les et surtout respecte les, car d’eux seuls, peut dépendre de beaucoup de choses. Respecte et écoute aussi les peuples que tu rencontreras, aussi différents soit-ils, et sache que c’est seulement réunifiés que vous allez pouvoir vous en sortir face à la terreur qui règne dans les ombres.


Grandes Gigues se remémora alors fortement à sa quête folle, il repensa brièvement au livre trouvé sous la montagne et le cratère fumant une fois que celle-ci fut détruite. Une question lui brula les lèvres mais il ne put prononcer un seul mot, de peur d’avoir une réponse sans doute…

Une deuxième voix :

- Un jour tu auras ta réponse Sîralassë, mais tu devras surement garder ce secret si veux un jour trouver la paix tant souhaité, le révéler et tu devras sans nul doute t’attendre à rencontrer ton destin. Mais dit toi que peu de personnes peuvent se soustraire à celui-ci, ils doivent l’affronter un jour ou l’autre tout comme les grands seigneurs qui ont tracé la route auparavant devant eux. Ton rôle sur la Terre du Milieu ne fait que commencer…

L’esprit de Grande Gigues se retourna et commença à entreprendre le chemin inverse qu’il avait pris jusque là. Il essaya tant bien que mal de résister mais d’autres forces était en œuvre, il effectuait le voyage du retour malgré lui, celui des terres du milieu. Il sentait encore une présence qui le suivait, elle n’avait pas encore pris la parole mais il sentait qu’elle émanait une douce chaleur le réconfortant. La force bienveillante s’efforçait de lui redonner confiance en l’avenir et en ses amis. Sur tout le chemin du retour, les paysages qui défilaient devant lui semblaient être plus beaux, les peuples qui y habitaient plus accueillants et le soleil plus radieux. Il se retrouva rapidement au dessus de son propre corps auquel ses amis s’afféraient. Il voyait la belle elfe Isis préparant la feuille des rois, son mari à ses côté tentant une magie jusque là inconnue pour lui. C’est alors que d’une douce voix mélodieuse, Grandes Gigues entendit ces paroles :

Une troisième voix :

- Que la grâce qui m’a été donné lui soit accordée… Épargnez-le… Sauvez-le…

Une forte magie se dégageait d’elle et pris pour cible les mains du dunadan. Une magie bien connue de Grandes Gigues. Narmegil, bien qu’inconscient de son pouvoir, allait réaliser pour sa première fois l’imposition des mains.
L’esprit du noldo fût propulsé dans son corps et les douleurs physiques jusque là oubliés reprirent de plus belles… Il été sauvé… Encore incapable de se réveiller…
Il commençait à réfléchir sur la suite à donner aux événements, aux informations à révéler et il ne pût comptabiliser le temps qui passait quand il réentendit des voix maintenant familières :

La deuxième voix :

- Saches utiliser à bon escient la seconde chance que je t’accorde. Ne la gâche surtout pas.

La troisième voix :

- Utilises encore les dons que je t’ai donné et tu pourras sauver le monde des humains et des elfes.

La première voix :

- Sache que j’entends toutes tes prières…

Les trois voix réunis en un seul choeur:

- La voie sera rouverte pour toi quand tu auras contré avec succès au moins trois grands esprits


Un goût âpre dans la bouche, Grandes Gigues sentit le goût d’un liquide qui coulait dans sa bouche, il entrouvrit ses yeux pour voir l’homme aux cheveux blancs lui verser de l’eau pour le faire boire. Grandes Gigues allait enfin se réveiller…
"Allez tous vous faire déchirer..."



Asako Moharu :
"Un rikugunshokan infaillible peut-il commettre une erreur Daïdoji-san ?"
Daïdoji Asami :
"Un rikugunshokan Grue ou un rikugunshokan Lion Asako-sama ?"
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Niemal
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Discussion sur les elfes

Message non lu par Niemal »

En attendant la prochaine partie et le prochain résumé, voici un texte tiré d'un essai issu d'un des livres posthumes rassemblant les oeuvres de Tolkien, et qui s'appelle Morgoth's Ring. Il remet un peu en cause ce que j'ai dit à propos d'Isis, de son mariage et de sa gestation. Cela ne veut pas dire qu'il faille le suivre à la lettre, en particulier pour les choix qu'Isis peut faire, mais tant pour la durée de sa grossesse que pour la manière dont les autres - et en particulier les elfes - la perçoivent, ça vaut le détour et la lecture.

On notera aussi que d'une certaine manière, le mariage entre Isis et Narmegil fut véritablement établi... lorsqu'il fut consommé, dans les circonstances que l'on sait ! Sans les familles, et avec Fercha pour témoin de marque ! Je suis déjà en train de réfléchir à des particularités pour l'enfant...

"Les Elfes naissent environ un an après leur conception. C'est le jour de leur conception qui est fêté, et non celui de leur anniversaire. Leurs esprits se développent plus rapidement que leurs corps ; et ainsi, dès leur première année, ils peuvent parler, marcher et même danser, et leur rapide maturation mentale fait qu'ils semblent au yeux des Hommes plus âgés qu'ils ne ne le sont réellement. La puberté arrive chez eux aux alentours de leur cinquantième, voire leur centième année pour certains. Cependant, les corps des Elfes cessent finalement de vieillir, à la différence des corps humains.

Les Elfes se marient librement et par amour tôt dans leur vie. La monogamie est pratiquée et l'adultère est impensable ; ils se marient une seule et unique fois, à l'exception notable de Finwë.

Les conjoints peuvent se choisir bien avant de se marier, devenant ainsi fiancés. Les fiançailles sont soumises à un accord parental, à moins que les partis n'aient l'âge et l'intention de se marier bientôt, auquel cas les fiançailles sont annoncées. Ils échangent des anneaux et les fiançailles, qui durent au moins une année, peuvent être rompues en rendant l'anneau (un cas de figure rare). Après les fiançailles officielles, le couple choisit une date, au moins un an plus tard, pour le mariage.

Seuls les mots échangés par les jeunes mariés (incluant la prononciation du nom d'Eru Ilúvatar) et la consommation sont nécessaires pour le mariage. De manière plus formelle, la famille du couple célèbre l'union par une fête. Les partis rendent leurs anneaux de fiançailles et en reçoivent d'autres, portés à l'index. La mère de la mariée offre au marié un bijou qu'il doit porter (l'Elessar, cadeau de Galadriel à Aragorn, est un reflet de cette tradition ; elle est la grand-mère de la fiancée, Arwen, puisque la mère de cette dernière, Celebrían avait quitté la Terre du Milieu au moment du mariage.

Les Elfes voient l'acte sexuel comme extrêmement spécial et intime, car cela mène à la conception et à la naissance d'enfants. Le sexe extra-marital ou pré-marital est impensable, l'adultère est aussi inconcevable car la fidélité des conjoints est absolue. La séparation durant la grossesse ou les premières années de vie de l'enfant est si pénible au couple (à cause d'une guerre par exemple) que les Elfes préfèrent avoir des enfants dans des époques paisibles. Les Elfes vivants ne peuvent être violés ou forcé à faire l'amour ; avant cela ils perdront la volonté d'endurer ces souffrances et partent pour Mandos.

Les Elfes ont peu d'enfants en règle générale (Fëanor et Nerdanel sont une exception, qui eurent sept fils), et il y a des intervalles relativement importants entre chaque enfant (mais on voit plus bas dans les notes le taux de natalité elfique en Terre du Milieu contre le taux en Aman). Ils sont bientôt préoccupés par d'autres plaisirs ; leur libido s'affaiblit et leur intérêt se porte ailleurs, vers les arts par exemple. Néanmoins, ils trouvent un grand plaisir dans l'union d'amour, et chérissent les jours partagés à élever les enfants comme les plus beaux de leur vie."
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Niemal
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Barad Eldanar - 14e partie : révélations

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1 - Refuge
Le chemin jusqu'à l'entrée supposée de la caverne des géants put être trouvé et parcouru sans trop de mal : de très larges empreintes de pas dans la neige indiquaient assez clairement le chemin, et le fait qu'il avait été emprunté il y avait peu de temps. Comme les empreintes étaient de taille différente, il était permis de supposer que les géants étaient plusieurs. Et la taille de la porte confirma leur nature de géant : l'ouverture était bloquée par une porte de pierre de quatre à cinq mètres de haut.

Les traces avaient mené l'équipe à flanc de falaise, jusqu'à une grande fissure dans la paroi, fissure qui paraissait avoir été travaillée, élargie, et bouchée par la porte sus-mentionnée. Mais le hobbit s'intéressa à la fissure qui se poursuivait, plus haut. Bien que très mince, il se demanda si elle pouvait le laisser passer jusqu'à l'intérieur. Il grimpa donc sur la paroi, tandis que ses compagnons prenaient leur courage à deux mains et frappaient à la porte, qui par ailleurs était dépourvue de serrure ou de poignée.

Arrivé au niveau de la fissure, Rob l'examina et la trouva peut-être assez large pour lui, qui était petit et souple. Ses compagnons le virent disparaître, mais manifestement il avait quand même du mal. Ils frappèrent à nouveau, plus fort cette fois, et avec des objets contondants comme le bâton ferré de Grandes-Gigues. Les plus perceptifs entendaient des bruits de voix à l'intérieur, qui finirent par changer. Bientôt, ce furent des pas sourds qui s'approchaient, preuve manifeste que le ou les propriétaires des lieux arrivaient. A l'intérieur, le hobbit se faisait tout petit et tâchait de passer inaperçu, ce qu'il savait si bien faire.

La porte finit par s'ouvrir, et un géant se pencha pour la franchir, puis il se redressa, l'air dérangé. Il devait faire pas loin de sept mètres de haut ! A l'intérieur, deux autres géants, l'air plus jeune, avaient à peu près la même taille que la porte. Le plus grand semblait le chef, et bien qu'il ne montrât aucun signe d'agressivité, il n'avait tout de même pas l'air très commode. Son regard était difficile à interpréter : pensait-il à refermer la porte pour retourner à ses occupations, ou réfléchissait-il à un changement de menu au prochain repas ?

Le grand géant émit des mots dans une langue lente et rocailleuse, mais que personne ne pouvait comprendre. Mais les aventuriers tentèrent de parler eux aussi, et le contact se fit ainsi. Avec le temps, il devint évident que le géant connaissait un peu de ouistrain, mais tant son accent que son vocabulaire rendaient la compréhension difficile. Drilun arriva mieux que les autres à comprendre et à se faire comprendre, et la discussion put commencer pour de bon. Avec un point positif pour commencer : le géant était - pour l'instant - simplement curieux.

2 - Premiers échanges
Le Dunéen arriva à faire comprendre que l'équipe cherchait un refuge pour se protéger et se reposer. Ce à quoi le géant répondit en demandant ce que l'équipe était prête à offrir en retour. Geralt, poussé par ses compagnons, présenta alors la peau de dragon qu'il avait emmenée. A sa vue, après un moment, le géant s'éveilla et se saisit de la peau - au grand dam de l'homme aux cheveux blancs. Son regard se mit à pétiller, il prit une attitude très joyeuse, tandis que les géants plus petits semblaient s'exciter et poussaient ce qui semblait être des cris de joie.

Drilun dut ensuite expliquer la provenance de la peau - oui, il s'agissait bien du dragon de la vallée, qu'ils avaient tué. Il découvrit que les géants avaient une dent contre le dragon, qui avait mangé un des leurs. De ce fait, les aventuriers passèrent du statut de mendiant au statut préférable d'invités. Le géant rentra dans la caverne et partit à grands pas, suivi de près par les deux autres plus petits, tout en invitant ses nouveaux amis à le suivre. Ce qu'ils firent, quand le géant leur demanda, de loin, de fermer la porte.

De l'intérieur, une poignée - à portée - permettait de tirer la lourde porte de pierre. Narmegil s'attela à tirer dessus, aidé en cela par Geralt, Drilun et Vif. Rob était toujours caché dans son coin, et sa taille et sa force le rendaient à peu près inutile pour cette tâche. Isis avança qu'elle était enceinte, et le soigneur qu'il était toujours bien blessé. Mais le Dúnadan finit par s'en sortir, et la porte fut enfin fermée. Tous s'élancèrent à la poursuite des géants, y compris Rob, qui avait été repéré par Vif à cause du bruit qu'il faisait en respirant.

A l'intérieur, un grand couloir menait à diverses pièces, dont une qui pouvait passer pour un salon, et dans lequel un foyer devait servir à faire cuire différents gibiers. Un couloir menait vers des cavernes plus en profondeur, d'où des bruits émergeaient - un autre géant arrivait. Ou plutôt une géante, habillée d'un tablier de cuir, comme si elle venait de travailler la pierre ou le métal. Elle fut mise au courant par celui qui était son mari et le père des deux autres, plus petits. La mère parlait mieux le ouistrain que son homme, et les échanges en furent facilités.

De la viande séchée fut sortie et un feu fut préparé pour faire rôtir un bouquetin, et les différents protagonistes firent plus ample connaissance. Les aventuriers racontèrent plus en détail leur combat contre le dragon, mais aussi les hommes qui les suivaient, et en particulier les sorciers parmi eux. Et leur besoin d'un refuge pour pouvoir panser leurs plaies et se reposer. En fin de compte, les géants leur montrèrent une pièce qui serait leur chambre pour aussi longtemps qu'ils souhaiteraient rester. C'était la pièce de leur premier fils, que le dragon avait mangé...

3 - Hôtel de luxe
Au bout du compte, Narmegil et ses compagnons restèrent deux jours entiers chez les géants. Avant de se coucher, ils avaient insisté sur leurs poursuivants, mais le chef de famille était allé s'en occuper, et son épouse était très confiante dans sa capacité à gérer la chose. Et effectivement, il s'était bien amusé à envoyer de lourds rochers vers les poursuivants, qui avaient dû faire demi-tour et abandonner la poursuite. Même si cela n'empêchait pas de rester prudent, tout risque immédiat semblait désormais écarté.

Avec sa magie, de l'athelas et du temps, la guérison de Grandes-Gigues fut spectaculaire. Au bout d'une journée il était pratiquement en pleine forme. Il aida aussi à soigner les uns et les autres, et tant les blessures physiques que l'épuisement moral furent bientôt réduits à des souvenirs - pour l'essentiel. Geralt se sentait revivre, donnant tout son temps à son occupation favorite qui était de ne rien faire. Entrecoupée de moments où il s'adonnait à sa deuxième occupation préférée, qui était de râler...

Pourtant, il avait peu de raisons de se plaindre. Il avait cru perdre sa peau de dragon, à laquelle il tenait beaucoup, mais en fin de compte les géants avaient accepté de la rendre. En échange, le noble Dúnadan leur avait remis un sac de pierres précieuses trouvées dans le trésor du dragon. Il y en avait bien deux livres, ce qui aurait pu s'échanger peut-être contre mille pièces d'or voire plus ! Une fortune... Mais les géants furent enchantés du cadeau et se révélèrent des hôtes encore plus accueillants et aidants.

Ce fut aussi le renouveau de l'idylle entre Isis et Narmegil. Les épreuves passées les avaient rapprochés, et ils appréciaient de se retrouver et de pouvoir consacrer du temps l'un à l'autre. Ils purent prendre un bain ensemble - dans une marmite de plus de deux mètres de haut ! - et bien plus. Même si la proximité de leurs amis et le manque d'intimité les gênaient un peu. Ils allèrent parfois s'isoler à l'extérieur, en dépit du grand déplaisir du Dúnadan pour la neige, qui lui rappelait toujours la perte de ses parents.

Au final, si l'hôtel fut donc horriblement coûteux, il se révéla parfaitement adapté à leurs besoins. Et il laissa assez de tranquillité d'esprit à Grandes-Gigues pour parler enfin de lui et de ses origines. Mais aussi pour lire le grimoire laissé par son ancêtre, et faire part de tout ce qui était écrit à ses compagnons. Tous apprirent des choses étonnantes, concernant leur compagnon mais aussi les objets qu'ils avaient trouvés dans la retraite du roi caché des elfes. Roi dont le descendant se tenait parmi eux.

4 - Origines
Le vrai nom de Grandes-Gigues était Sîralassë. Il avait grandi à Fondcombe, né d'un père distant et d'une mère qui n'était plus. Ce même père avait grandi auprès du seigneur Elrond : lorsque sa mère à lui (la grand-mère de Sîralassë) s'était languie de trop de solitude et s'était éteinte, l'enfant d'alors et père du soigneur d'aujourd'hui avait été confié à Elrond, en souvenir d'un très lointain service similaire et d'une amitié encore bien vivante. Car le grand-père de Sîralassë était Maglor, second et seul fils survivant (sur sept) de Fëanor, le plus grand de tous les forgerons elfiques ayant jamais vécu. C'était Maglor ce "roi caché des elfes" qui avait écrit le grimoire et réalisé la retraite magique et les runes qui l'avaient détruite.

Fëanor était le premier elfe à naître sur ce monde, et son père était Finwë, un des cent quarante-quatre elfes sans parents, nés de la volonté d'Eru. C'était l'un des trois grands rois elfes sous le ciel de l'époque, et le chef des Noldor. Finwë avait eu d'autres enfants d'une deuxième épouse, et de nombreux petits-enfants généralement très célèbres... comme Galadriel. Maglor - le grand-père de Sîralassë - et Galadriel étaient cousins germains.

Le soigneur de l'équipe avait donc une parenté assez fameuse, la lignée dont il descendait était une des plus connues chez les elfes. Son trisaïeul (Finwë) était un des premiers et des plus grands elfes ayant jamais existé - et le premier à avoir été assassiné. Son bisaïeul (Fëanor) avait fabriqué d'innombrables joyaux incomparables, tels les silmarils, qui contenaient la lumière des arbres, et les palantíri, les pierres de vision lointaine. Son aïeul (Maglor) était le plus grand chanteur et poète après Daeron de Doriath, et le dernier encore vivant sur la Terre du Milieu à avoir tenu un silmaril... avant de le lancer dans la mer.

Mais cette lignée était maudite et condamnée à l'exil. Suite au vol des silmarils par Morgoth et aux serments qu'ils avaient prêtés, Fëanor et ses fils avaient entraînés les elfes dans une guerre atroce, y compris contre les leurs. Pour accéder à leurs fins, ils avaient perpétré trois massacres des elfes par les elfes. Dans le dernier, celui des Havres de Sirion, Maglor, que ces massacres écœuraient mais qui était tenu par son serment, avait recueilli et protégé Elrond et Elros, les fils d'Eärendil. La porte de l'ouest lui était à jamais fermée, il ne reverrait jamais Valinor, demeure des Valar et de nombreux elfes. Sa descendance non plus... sauf si elle parvenait à racheter en partie les fautes de ses aïeux.

En fait, lorsque Grandes-Gigues avait cru mourir dans la retraite, son esprit s'était envolé vers l'ouest, où il espérait retrouver sa mère. Mais des esprits l'avaient arrêté et renvoyé vers son corps, et ils lui avaient fait comprendre que la voie n'était pas ouverte pour lui. Le souvenir qu'il en avait était flou, mais il en retenait que pour pouvoir aller à l'ouest jusqu'à Valinor, il lui faudrait œuvrer à la chute d'au moins trois grands esprits des ténèbres. Des esprits comme celui de Fercha, mais il en existait bien d'autres...

Parmi les elfes de la Terre du Milieu, même au troisième âge, les souvenirs des atrocités commises par la lignée de Fëanor étaient encore bien vivaces. De nombreux elfes comme les survivants et exilés de Doriath - siège du deuxième massacre - ne verraient peut-être pas d'un bon œil cette lignée perdurer. Il n'était pas interdit de penser que des elfes de Lorien, de la Forêt Noire et d'ailleurs seraient prêts à mettre fin aux vies de Sîralassë et de son père, pour s'assurer que de tels événements ne puissent plus se reproduire. Si jamais le secret de la parenté de Sîralassë venait à être découverte, une guerre entre les elfes n'était pas à exclure...

5 - Révélations
Mais le livre de Maglor ne faisait pas que rappeler ces éléments. Il parlait aussi du passé plus proche du grand elfe et grand-père de Sîralassë. Son amour caché et l'enfant qui en était né, remis à Elrond à la mort de la mère. L'accueil et l'amitié pour la famille Eldanar, au début du 3e âge. La découverte du "morceau d'étoile"et la fabrication de la retraite magique. Et la réalisation de la forge, la fabrication de divers objets magiques, et l'ivresse de la magie... d'Illuin. Car pour Maglor, le "morceau d'étoile" n'était autre qu'un fragment d'Illuin, une des deux lampes magiques fabriquées par les Valar pour illuminer le monde avant les Arbres, et que Morgoth avait brisées.

Cette magie des premiers âges de la Terre du Milieu était pure et puissante, mais bien trop pour des elfes ou des mortels. Maglor racontait ainsi comment l'utilisation de cette magie formidable était comme une drogue à laquelle il avait succombé. Mais un éclair de lucidité et un énorme effort de volonté lui avaient permis de se rendre compte du péril et de regagner ses sens. Il avait alors utilisé toute cette magie - malgré le risque - et ses grandes compétences pour tracer des runes magiques qui seraient la fin de cette retraite. Mais, trop affecté par toute cette magie et ce qu'il avait vécu là, il n'avait pu se résoudre à déclencher la destruction de la retraite, et il avait laissé ce soin à ses descendants...

Maglor parlait également de ses réalisations, du moins celles qu'il laissait derrière lui, et les raisons de les laisser là :
- le luth, pour son côté peu discret - par ailleurs il préférait la harpe
- l'arc, là encore pour son côté peu discret, et son aspect guerrier, qu'il voulait oublier
- la fiole, car son eau était une drogue trop puissante et dangereuse
- l'anneau, car la dépendance qu'il entraînait pour cette puissante magie était trop forte

Mais le grand-père de Sîralassë laissait aussi derrière lui un autre objet formidable, qui ne venait pas de lui : Aeglin ("chant cruel"), une puissante épée forgée à Gondolin, qu'il avait prise à un seigneur elfe lors des massacres de Sirion. Cette épée était bien trop facile à reconnaître avec toutes ses runes, et une fois de plus c'était un objet qui symbolisait la guerre et la mort. Et elle lui rappelait trop les tueries auxquelles il avait pris part. Aussi la laissait-il derrière lui, en demandant à son descendant de la remettre à ses véritables propriétaires : Círdan le charpentier, ou bien Elrond le demi-elfe, ou encore un des rois de Gondor ou d'Arnor.

A travers toutes ses expériences, Maglor exprimait sa souffrance et ses regrets. Mais à travers ses lignes il mettait clairement en garde contre le désir de puissance et le piège de la magie. Etre puissant donnait plus de responsabilités mais ne facilitait pas la vie, si le savoir ou la puissance n'étaient pas guidés par une grande sagesse. Pour lui, les objets magiques puissants n'étaient rien d'autre que des leurres, des pièges capables de corrompre les cœurs innocents. La puissance n'était rien sans la maîtrise, et le pouvoir mal utilisé n'apportait que souffrance et destruction.

6 - Destination
Les écrits de Maglor avaient de quoi laisser songeur. Mais au moins, certains de ses efforts n'avaient pas été vains : l'amitié et les connaissances qu'il avait partagées avec la famille Eldanar avaient bien servi à travers Narmegil, et les runes de destruction avaient été activées en fin de compte. La magie du fragment d'Illuin était là où elle ne risquait plus de servir. Restait d'autres objets dont il fallait trouver une destination. Et au-delà des objets, l'équipe devait choisir le chemin à prendre bientôt : tous avaient guéri et s'étaient reposés, et qui savait ce que les sbires d'Angmar avaient préparé pendant ce temps ?

Pour Narmegil, la destination était claire : retourner en droite ligne chez lui, dans l'Arthedain. Pour y renseigner son roi sur les événements passés, se marier, et préparer la venue de leur enfant à Isis et lui. Bref, la direction à prendre était le sud-ouest. Pour Grandes-Gigues/Sîralassë, la destination était toute autre : il fallait sans tarder aller à Fondcombe pour parler de tout cela au seigneur Elrond, et demander son aide et ses conseils. La nature exacte et les dangers des objets qu'ils transportaient devaient être levés le plus vite possible, et l'un des objets devait lui être remis. Direction : sud à travers le Rhudaur, et légèrement vers l'est.

Les autres se plaçaient entre ces deux extrêmes. Drilun était très attiré par ce qu'il avait entendu dire de Fondcombe et des forgerons elfiques. Vif, au contraire, pensait qu'elle se sentirait mal à l'aise avec Maggy et Frolic, deux personnes mordues par le loup-garou et contaminées par cette maladie, et qui devaient se trouver auprès de maître Elrond. Geralt était attaché à Sîralassë pour la magie des soins qu'il pratiquait, Isis voyait un passage à Imladris d'un œil plutôt favorable, et Rob s'en fichait du moment qu'il avait à manger et de quoi exercer ses talents.

La route avait aussi son importance. Le chemin de Narmegil était une plaine infestée d'orcs sans grand abri pour se cacher, des crebain entre autres. A l'aller ils n'étaient pas très importants, et là ils avaient tout Angmar aux trousses en plus. Par contre la voie était rapide. A l'inverse, la traversée du Rhudaur jusqu'à Fondcombe, à travers les contreforts des Monts Brumeux, comportait de vastes étendues sauvages et accidentées où il était facile de se cacher. Mais aussi de nombreux ennemis - la plupart des habitants du Rhudaur, entre autres - et il était facile de se perdre et de faire des détours. Une route longue et inconnue.

Au final, il fut convenu d'aller plein sud à travers le Rhudaur, vers la Grande Route de l'Est. Le chemin serait difficile mais offrirait de nombreuses cachettes. Une fois sur la grande voie, il serait alors facile de choisir entre l'est et Fondcombe, ou l'ouest et l'Arthedain. Et Angmar serait trop loin pour représenter une réelle menace. Cela risquait de prendre peut-être un mois, il y aurait sans doute de mauvaises rencontres, mais cela paraissait le plus sûr. Et certains comme Vif espéraient retrouver Elosian et ses chetmíg pour les aider peut-être.

7 - En chemin
Le début de leur trajet serait rapide et sûr : les géants chez qui ils demeuraient avaient accepté de les aider. Le chef de famille les amènerait au pied des montagnes les plus proches, voire plus à l'ouest. Avec sa présence à leurs côtés et sa connaissance des montagnes, ils ne risquaient pas grand chose... sauf peut-être de se faire repérer plus facilement. Les orcs et hommes d'Angmar ne s'approcheraient sans doute pas, mais ils pourraient peut-être les suivre. Aussi fut-il décidé de partir de nuit, et au plus vite.

Les aventuriers se firent remettre de bonnes quantités de viande séchée, de quoi voir venir une petite semaine avant de devoir trouver des sources de nourriture. Ils s'étaient reposés, nettoyés, et certains avaient même pu nettoyer ou raccommoder leurs vêtements. Ils partirent donc de nuit à travers les montagnes. Le hobbit resta tout du long sur l'épaule du géant, qui transportait parfois ou aidait les autres aux endroits les plus difficiles. La nuit étant longue en cette saison, ils arrivèrent à leur destination alors que l'aube se dessinait à l'est, derrière la chaîne principale des Monts Brumeux. Le géant leur souhaita une bonne route et repartit dans les montagnes.

Le secteur était encore trop près du mont Gram, et donc les orcs n'étaient que trop présents. Il n'était pas question de se reposer, mais il fallait profiter du jour pour avancer, d'autant que le soleil était présent dans le ciel et gênerait les orcs. Quant aux autres poursuivants, il faudrait se cacher des crebain, et faire confiance à la magie d'Isis pour repérer à distance les ennemis à deux et quatre pattes et les éviter. Et ainsi fut-il fait, et avec succès au départ. Bien que cela obligeait à faire parfois de nombreux détours et à se cacher régulièrement, ce qui ralentissait l'allure.

Mais la chance ne dura pas. Au bout d'un moment, un vol de crebain finit par repérer les héros, et ils les suivirent en croassant. Ce qui certainement allait attirer du monde, même si la nuit les volatiles s'en iraient. Mais du coup, comme il n'était plus question de discrétion, l'allure fut plus rapide. La journée fut calme et à la nuit Isis entreprit de trouver magiquement un abri - une grotte. Mais à ses abords, des signes indiquèrent que la grotte était occupée, et plus précisément par un plantigrade. En bref, c'était la tanière d'un ours, qui chargea l'équipe dès qu'il sentit les intrus.

Mais cet ours noir n'était aucunement une menace pour l'équipe, et il n'eut pas le temps de porter une attaque qu'il était par terre et sans vie. L'ours se révéla être en fait une ourse, et sa descendance était présente en arrière, un ourson que Vif essaya de consoler, avec un certain succès d'ailleurs. Ce qui ne lui laissa qu'un bref répit, car plus tard, lorsque les aventuriers finiraient par partir, l'ourson ne voudrait pas les suivre et il serait achevé.

8 - Combats
Entre-temps, la tanière était confortable et tous étaient bien fatigués, à l'exception de Rob qui s'était plutôt reposé sur l'épaule du géant la nuit passée. Ils s'endormirent tous à l'exception de deux veilleurs, pris à tour de rôle, pour que tous puissent se reposer. Mais si les premières heures furent tranquilles, les sens exercés de certains les avertirent d'un danger. Un danger qui approchait sournoisement, sous la forme d'orcs - de nombreux orcs. Bientôt, toute l'équipe fut prête au combat.

Mais ce dernier ne dura guère : l'entrée était étroite et une seule personne comme le Dúnadan pouvait facilement bloquer le passage, sans parler des flèches lancées par ses amis. Voyant qu'ils étaient repérés, les orcs avaient foncé dans le grand guerrier, sans le faire bouger d'un pouce. Après un moment, les corps amoncelés gênaient même la progression des orcs, et ces derniers avaient fini par refluer et abandonner le combat. Et nos héros avaient pu terminer leur nuit, même si les plus perceptifs sentaient bien que leurs ennemis n'étaient pas loin.

En fait, sur le matin, Rob était sorti en catimini, et il avait repéré de nombreux orcs - des dizaines - armés de frondes, d'arcs ou simplement de pierres. Ils encerclaient l'entrée et attendaient que quelque chose en sorte, et bien sûr il n'y avait pas d'autre issue. Mais la journée promettait d'être belle, et Narmegil et ses amis décidèrent d'attendre, à la grande joie de Geralt. Le soleil se leva et inonda la scène, au grand déplaisir des orcs. Puis le Dúnadan sortit derrière son bouclier, protégé par sa magie également. Les projectiles plurent, mais aucun n'arriva à le toucher. Une sortie fut faite qui dispersa les orcs, et l'équipe put tranquillement continuer sa route dans le soleil et la bonne humeur.

Mais plus tard, un autre affrontement eut lieu. Non pas avec des orcs, handicapés en plein soleil, mais avec des cavaliers d'Angmar, une trentaine environ. L'équipe put trouver un terrain accidenté qui gêna les cavaliers et les empêcha de les charger, mais c'étaient de redoutables guerriers. Tous les aventuriers durent combattre, et certains ne durent leur salut qu'à leurs talents d'esquive. Mais au final les pertes furent lourdes pour les cavaliers d'Angmar alors que leurs adversaires n'écopaient dans le pire des cas que de blessures légères. Le combat fut rompu et les cavaliers survivants s'enfuirent.

Mais un blessé fut maintenu en vie, afin de pouvoir lui soutirer des renseignements. Par ailleurs, quelques chevaux avaient pu être pris aux cavaliers. Vif avait même réussi à prendre l'un d'eux à son propriétaire en plein combat : plongeant sous son attaque, elle s'était relevée et avait réussi à sauter en croupe du cheval, au grand dam du cavalier armé d'une lance. Il n'avait pas eu le temps de changer d'arme qu'il écopait d'une très méchante blessure à la nuque, qui le fit passer de vie à trépas. Même petites, les griffes de la Femme des Bois, sous sa forme semi-féline, n'en étaient pas pour autant ridicules. Et elle commençait à savoir s'en servir.
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Barad Eldanar - 15e partie : fuite vers le sud

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1 - Des loups dans la brume
Le prisonnier, une fois soigné, commença par faire celui qui ne comprenait pas ce qu'on lui disait. Mais il s'avéra vite qu'il entendait assez bien le ouistrain, néanmoins. Narmegil l'intimida par diverses menaces, tant et si bien que l'homme se mit à trembler et laissa échapper quelques mots de frayeur, mais rien de consistant. Grandes-Gigues/Sîralassë choisit alors la méthode douce, et les belles paroles rassurantes du soigneur séduisirent le cavalier, qui se mit à parler.

Mais l'homme n'avait pas grand chose à dire qui ne pouvait être deviné : une partie non négligeable d'Angmar était à leur recherche, tant les humains que les orcs, plus ou moins bien coordonnés. Après l'avoir dépouillé de son équipement, l'homme se vit offrir la vie sauve avec même quelques vivres. Incrédule, il commença à partir, lentement d'abord, puis en courant, malgré sa blessure. Certainement, il verrait les elfes et leurs amis d'un autre œil à présent ! Les prendrait-il comme modèle ou jugerait-il que ce ne sont que des faibles ? Une question à laquelle le groupe aurait du mal à répondre, sans doute.

Alors que les uns et les autres s'apprêtaient à continuer le voyage en selle plutôt qu'à pied, de la magie proche fut ressentie, et de manière particulièrement nette par le Dunéen : il reconnut la magie du loup-garou, non loin, qui modifiait le temps afin de les gêner... Et effectivement, après un temps assez court, de la brume s'éleva autour d'eux et leur masqua le paysage et la lumière du soleil. Heureusement, Drilun fit un sort qui repoussa en partie le brouillard, limitant la gêne qu'il leur causait pour chevaucher.

Les sens de Vif permirent quand même aux aventuriers de déterminer la bonne direction à suivre, et ils furent partis. La présence magique du loup-garou ne faiblissait pas, et il continuait à utiliser sa magie, qui se manifestait soit par de la brume, soit par des hurlements de loups. Cette menace ne faiblissait pas, mais elle suivait le groupe toujours à distance, dans une zone de collines escarpées et de landes de bruyère. Mais après deux-trois heures, tout changea très vite.

Des hurlements sauvages et puissants retentirent sur un côté. S'ils n'avaient rien de très magique, leur côté intimidant fut particulièrement efficace : les chevaux hennirent et prirent tout de suite le galop, dans la direction opposée aux hurlements. Non sans avoir au préalable tenté de se débarrasser de leurs cavaliers ! Ce fut ainsi que Drilun, pas vraiment habitué aux chevaux, se retrouva sur le plancher des vaches, endolori mais sans blessure grave. Tandis qu'il voyait la plupart de ses amis disparaître dans le brouillard, il entendait de nombreux loups arriver à l'opposé, dans sa direction...

2 - Piège
Le cheval qui portait Vif et Isis était peut-être parti le plus vite, et les deux cavalières n'arrivèrent pas à tenir sur le dos de la monture. Mais la forme semi-féline de la Femme des Bois lui permit de se rattraper à l'encolure du cheval et d'empêcher son amie de tomber. Elles purent ensuite remonter sur le cheval au galop, mais pas du tout infléchir sa course. Narmegil et Sîralassë, de leur côté, utilisaient magie et compétences pour calmer leur monture et faire demi-tour après un moment, dans la brume. Seul Geralt, accompagné de Rob, arriva très vite à maîtriser sa monture et l'empêcher de partir dans la brume. Il réussit même à attraper les rênes du cheval de Drilun et à l'arrêter.

Le Dunéen, voyant ses amis avec son cheval et sa seule planche de salut, se releva et se mit à courir le plus vite possible. Derrière lui, les wargs entraient dans la zone libre de brume, réduisant dangereusement l'écart avec leur proie. Mais l'archer-magicien réussit à monter sur son cheval qui partit à toute allure sans demander son reste. De son côté, Geralt fit repartir son cheval, non sans agiter son arme pour éloigner les wargs. Ces derniers restèrent sur leurs traces, à quelques dizaines de mètres, dans une folle course à travers la brume, sauf autour du Dunéen où cette dernière s'écartait.

Lorsque Narmegil et Sîralassë sortirent de la brume sur leurs chevaux conduits en sens opposé, la surprise fut brève mais pas fatale : les cavaliers arrivèrent à s'éviter, et Dúnadan comme elfe purent faire faire demi-tour à leur cheval et éviter les wargs. Bientôt l'équipe fut donc réunie, poursuivie de près par au moins une vingtaine de loups enchantés et menaçants. Il ne manquait que les deux femmes du groupe, qui avaient pris de l'avance et chevauchaient dans la brume, qui les empêchait de voir même le sol.

Ce vers quoi l'elfe tourna sa magie : elle aussi lança un sort afin de faire s'écarter la brume. Il était plus puissant que ce que son ami Drilun avait fait, grâce à l'anneau qu'elle portait au doigt. Petit à petit, le brouillard commença à s'écarter de plus en plus loin d'elle. Mais Vif était inquiète : le terrain changeait, après avoir monté il semblait commencer à suivre une pente inverse, et elle entendait les sons comme si un grand vide approchait... Vide qui se matérialisa non loin du cheval, qui n'avait en aucune manière commencé à ralentir, malgré les efforts de Vif en ce sens. Bref, il fonçait vers un ravin !

Les deux femmes ne trouvèrent leur salut qu'en se laissant tomber de cheval. Toutes deux plus ou moins bonnes acrobates, elles s'arrêtèrent sans trop de mal avant le bord d'une belle descente raide et rocailleuse. Leur cheval, quant à lui, se trouva un moment en train de battre des quatre fers en l'air, avant de s'abattre en contrebas avec un hennissement, suivi de bruits de craquements d'os et de déchirures de tissus... Puis le silence... vite interrompu par le bruit d'une cavalcade qui venait dans leur direction, le tout accompagné de hurlements. Le reste de la troupe arrivait !

3 - Combat
Les autres membres du groupe entendirent bientôt des cris proches qui provenaient de la brume au-devant. Trois cavaliers comprirent l'alerte criée par leurs amies, et ils ralentirent leur cheval. Mais le Dunéen, pas à son aise sur un cheval sur lequel il exerçait un contrôle à peu près nul, ne comprit les cris - et le danger - que lorsqu'il vit ses amies apparaître... avec le vide un peu au-delà d'elles. Il se décida à sauter au plus vite, bien que lui n'avait rien d'un acrobate ! Heureusement, Vif arriva à sa hauteur et l'aida à tomber sans trop se faire mal. Le cheval suivit la même voie que son collègue peu avant lui, et les mêmes bruits indiquèrent une fin similaire.

La pente était raide mais pas à même de faire peur à un bon grimpeur, ce que n'étaient pas les loups. C'est pourquoi Vif choisit de descendre là où leurs poursuivants ne pourraient l'atteindre. Accessoirement, cela lui permettrait de récupérer leurs affaires - du moins celles restées intactes. Drilun ne pouvait d'ailleurs s'empêcher de penser à ses flacons d'encre de qualité, dans une boîte en bois au fond du ravin... Mais il avait aussi d'autres sujets de préoccupation plus urgents.

Les deux nobles réussirent à arrêter leur cheval et à en descendre en un temps record, tandis que Geralt bataillait à cheval, l'épée à la main. Les deux chevaux sans cavalier s'enfuirent dans la brume alors que le combat s'engageait, et celui de Geralt décida d'en faire autant - mais avec ses cavaliers. Isis et Drilun firent voler leurs flèches, Narmegil et Sîralassë combattaient, aidés par leur magie, mais les loups étaient plus nombreux et commençaient à passer les défenses de certains. Si les premières blessures furent légères, elles en annonçaient d'autres, peut-être bientôt plus graves.

Ailleurs dans la brume, un autre drame se jouait : les sens aiguisés de l'homme aux cheveux blancs (Geralt) lui permirent de percevoir au dernier moment la silhouette d'un énorme loup, alors qu'elle se jetait sur lui ! Avec toute la technique dont il était capable, il arriva à repousser le monstre avec son épée. Monstre qui n'était autre que le loup-garou qui les avait déjà suivis par le passé. Puis il fit faire un tour dans le brouillard à son cheval et se dirigea en direction des bruits qui émanaient du lieu du combat auquel le reste du groupe participait - à l'exception de Vif.

Lorsque le cheval de Geralt entra dans la zone sans brume, Rob, toujours sur le cheval auprès de son ami, aperçut le loup-garou derrière eux qui bondissait. Il préféra se laisser tomber et aperçut le corps lupin passer au-dessus de lui... jusqu'à la croupe du cheval dans laquelle il enfonça sa puissante mâchoire. En fait il brisa la colonne vertébrale de l'animal, qui chuta instantanément, et son cavalier avec lui. Bon acrobate lui aussi, Geralt ne se fit pas trop de mal. Mais il trembla quand, à plat ventre par terre, il remarqua les pattes puissantes à ses côtés, qui attestaient de la présence du loup-garou au-dessus de lui...

Conscient du danger imminent qui menaçait son ami, Drilun, assez proche, saisit une nouvelle flèche. Il hésita un peu entre le loup-garou et un warg qui lui bondissait dessus... puis il tira sur le loup-garou. Il ne fit qu'une estafilade au monstre, pas assez pour le blesser mais suffisamment pour laisser un délai suffisant à Rob pour prendre une flèche à son tour, et tirer. Il était dans le dos du monstre, et la flèche se ficha dans son arrière-train. Le loup-garou émit un hurlement de douleur, et, lâchement, il préféra s'enfuir dans la brume, suivi par les wargs survivants.

4 - Alliés inattendus
Après un moment, la brume finit par se lever complètement, ce qui permit de repérer et récupérer les deux chevaux qui s'étaient enfuis. En bas du ravin, Vif avait eu tout le loisir de retrouver les cadavres des deux chevaux qui étaient tombés, et le matériel qu'ils portaient - ce qu'il en restait. Après un petit bilan, la route fut reprise, bientôt accompagnée par des crebain que la brume avait tenu à l'écart un moment. Mais le soleil baissant sur l'horizon, il fallut trouver un abri.

Ce fut une grotte peu profonde qui servit pour cela. C'était plus un renfoncement sous un gros rocher qu'une grotte fermée, et tous pouvaient voir l'extérieur sur près de 180°, même si Vif apporta un maximum de végétaux pour les masquer un peu à la vue. Rapidement, tous partirent se coucher, en comptant entre autres sur les oreilles fantastiques de Vif pour les alerter en cas de danger. Et puis les elfes prirent le relais et gardèrent le groupe ensommeillé.

Mais comme tous s'y attendaient, le repos fut interrompu : des orcs et wargs montés arrivaient dans leur direction, et la bataille semblait inévitable avant même la minuit. Les orcs étaient nombreux, et les loups et leurs cavaliers n'étaient pas à prendre à la légère. Ces derniers chargèrent, laissant leurs congénères à pied quelques centaines de mètres en arrière. Ce qui incita la demi-féline à prendre les hauteurs et à grimper sur le rocher qui les surplombait, à un endroit que les loups ne pourraient atteindre.

Mais auparavant, la Femme des Bois avait perçu autre chose : grâce à ses yeux perçants qui voyaient encore mieux dans la nuit que les elfes, elle avait distingué d'autres protagonistes, plus discrets. Ces derniers semblaient connaître le coin et ils s'étaient juchés sur une hauteur rocailleuse qui surplombait le passage des orcs. Et tandis que les wargs s'élançaient, les hommes s'étaient dressés au-dessus des orcs pour les bombarder de pierres et déclencher des avalanches sur leur armée.

Les wargs montés perçurent vite le changement dans la situation, et ils firent demi-tour pour aider leurs collègues. Mais la moitié des loups refusaient de faire demi-tour et se débarrassaient de ses cavaliers : une odeur particulière rendait ces loups complètement fous et ils montaient à l'ascension du rocher sur lequel Vif avait grimpé. Les autres loups montés chargeaient les hommes, rééquilibrant un peu le conflit. Ce qui motiva Narmegil et certains de ses amis parmi les plus guerriers à intervenir : ils s'élancèrent dans la bataille à leur tour. Pris en tenaille de toute part, la petite armée des orcs ne fit pas un pli, et aucun ne s'échappa vivant.

5 - Jugement
Lorsque les combats prirent fin, les vainqueurs se regardèrent, non sans tension. Car si Narmegil et ses amis avaient été une aide certaine, leur présence n'était pas considérée comme la bienvenue : les hommes présents étaient des Hommes des Collines, xénophobes, avec une dent particulière contre les Dúnedain comme Narmegil ou les elfes comme Isis et Sîralassë. De plus, certains guerriers considéraient que l'arrivée des orcs était due à ces intrus, et qu'il fallait les tuer avant qu'il n'en arrive d'autres. En effet, l'armée humaine s'était formée suite au dérangement et aux menaces causés par les orcs.

La communication s'établit néanmoins : quelques guerriers parlaient assez bien le ouistrain ou le dunéen pour pouvoir échanger. Les aventuriers mirent en avant un principal point commun : les orcs étaient tous leurs ennemis, et leur maître Angmar de même. Ils avaient effectué une mission contre Angmar dont les Hommes des Collines ne pouvaient que se réjouir, et d'ailleurs ils avaient été hébergés par une de leurs tribus plus au nord, à qui ils avaient rendu service. Et Sîralassë ne ménageait pas sa peine pour soigner les blessés présents.

Enfin, jouant sur la superstition de leurs interlocuteurs, ils évoquèrent l'appui des forces divines, et en particulier l'esprit des grands félins, les chetmíg. La présence de Vif, toujours sous sa forme demi-féline, venait appuyer leurs prétentions. Mais si les guerriers humains étaient nombreux à se sentir intimidés par la présence d'une telle magie, certains accusaient les aventuriers de n'être que des imposteurs et d'utiliser la magie elfique pour les tromper ! En fin de compte, il fut décidé de tous aller dans un village, où les anciens jugeraient.

Après quelques heures, toujours de nuit, la troupe arriva dans un village d'Hommes des Collines. Un feu fut allumé, malgré un temps un peu humide et quelques gouttes parfois. Au centre d'un grand cercle d'Hommes des Collines, Narmegil et ses amis plaidèrent leur cause et expliquèrent à nouveau la mission qu'ils avaient accomplie contre Angmar - la libération des chetmíg. Des rumeurs de leurs exploits étaient parvenus jusqu'ici, qui jouaient en leur faveur, mais certains continuaient à crier à la magie et à l'imposture.

Pour le prouver, un guerrier plus agressif que les autres demanda à faire la preuve de cette imposture par un duel avec le demi-félin. Duel qui fut accepté, malgré les avertissements des amis de Vif, et en particulier Sîralassë : le dieu des chetmíg risquait de ne pas apprécier, et le guerrier pourrait ne pas survivre ! Pour appuyer ces propos, Drilun avait manipulé magiquement les flammes pour faire apparaître une tête de chat qui faisait montre d'agressivité envers le guerrier. Manifestement impressionné mais peut-être trop têtu pour changer d'avis, l'homme prit son épée et fit face à son adversaire.

La Femme des Bois montra alors qu'elle méritait bien son nom : elle plongea à côté de l'homme en esquivant son attaque, pour se retrouver debout derrière lui. Et avant qu'il arrive à se retourner, elle lui lacéra le dos de ses griffes. L'homme tomba à terre, puis il commença à se relever, mais il saignait tant qu'il était évident que le combat était terminé. Le soigneur s'occupa de l'homme et arriva à juguler la blessure avec sa magie et de l'athelas, et l'équipe fut considérée comme amie, et la bienvenue.

6 - Deux semaines à travers le Rhudaur
Pour la deuxième fois, les aventuriers avaient montré aux Hommes des Collines qu'ils étaient leurs alliés. Et ils n'eurent pas à le regretter. Pendant toute la semaine qui suivit, l'équipe avança de village en village, guidée par des Hommes des Collines, et toujours sous bonne compagnie. Ils voyageaient toujours de nuit : les alliés des aventuriers avaient l'habitude des embuscades nocturnes et ils connaissaient bien le terrain même sans grande lumière. Narmegil et ses amis purent ainsi progresser plus vite qu'ils n'auraient jamais pu le faire par eux-mêmes.

La poursuite menée par les hommes et orcs d'Angmar fut réduite à sa plus simple expression : de nuit, les crebain ne voyaient rien, et le jour, les aventuriers étaient bien abrités. Et comme ils voyageaient sous bonne escorte et sur des terres contrôlées par les Hommes des Collines, les orcs ou les wargs ne s'y risquaient pas de trop près. Et de jour, les cavaliers d'Angmar n'étaient pas les bienvenus et ne voyaient rien, d'autant que le terrain ne convenait pas aux chevaux la plupart du temps.

Après une semaine à ce rythme-là, le terrain changea : c'était la région des Fourrés aux Trolls, beaucoup plus boisée, où les Hommes des Collines étaient moins nombreux. Il fallut quitter ces derniers, non sans quelques remerciements. Egalement, le pouvoir central du Rhudaur était là plus présent et puissant, du moins sur les terres défrichées. Il valait donc mieux rester à couvert, et risquer de rencontrer les maîtres des bois, qui étaient ici avant tout les trolls pour lesquels la région était nommée.

Mais si ces derniers avaient un bon odorat, ils n'étaient ni discrets ni très rapides, alors que l'équipe comportait en son sein des individus parmi les plus perceptifs qu'on pouvait trouver. Vif, avec ses oreilles (partielles) de chat, entre autres, pouvait entendre les trolls bien avant qu'ils ne puissent se rendre compte de leur présence. Et des trolls elle entendit, que l'équipe évita. Une semaine passa ainsi, sans jamais quitter le couvert des arbres ni voir âme qui vive.

Pendant une semaine donc, la progression fut plus lente en raison du sous-bois assez touffu. Il fallait également s'orienter régulièrement, et les rares sentiers praticables rencontrés étaient ceux des créatures qu'il valait mieux éviter. Heureusement, Vif était très à son aise en forêt, et elle profita du temps passé pour chercher certaines herbes, et en particulier des noix de l'écureuil : c'était toujours la bonne saison (l'automne), le milieu était idéal, et elle eut la chance - ou l'œil et la persévérance nécessaires - d'en trouver quelques-unes.

7 - Obstacle
Toutes les bonnes choses ont une fin, la forêt comme les autres. Après une semaine d'un régime exclusivement forestier, les bois arrivèrent à leur terme. En cours de journée, l'équipe se trouva face à une vaste zone agricole, un grand territoire couvert de champs et de petites fermes, en partie fortifiées. Au loin, à l'aide de la longue-vue, on pouvait apercevoir une forteresse aux abords d'une autre forêt. Une grande route orientée nord-sud traversait la zone en partie et des patrouilles étaient visibles çà et là.

Les aventuriers avaient pour tout choix de traverser la zone assez peuplée et découverte, au risque de se faire repérer ; ou de faire ce qui semblait être un vaste détour par l'ouest, détour qui leur prendrait peut-être une semaine. En passant entre les fermes et les hameaux, à travers champs, il faudrait peut-être une nuit complète avant d'atteindre la forêt du sud la plus proche, et sans parler de ralentir pour être plus discret. Et sans tenir compte d'éventuelles mauvaises rencontres.

En examinant de plus près le terrain à la longue-vue, Vif eut une étrange impression. Il n'y avait plus guère de travaux des champs, vu que l'hiver était proche, pourtant les paysans étaient nombreux et pas particulièrement rapides. Plus étonnant encore, les femmes et les enfants étaient très rares, pour ne pas dire inexistants... sauf aux abords de la forteresse où elle repéra plusieurs convois de ces derniers. Il lui sembla même entrevoir des silhouettes costaudes ou des éclats métalliques dans l'ombre de certaines fermes ou hameaux...

Bref, tout cela lui donnait une impression étrange, comme un pays qui se prépare à la guerre... ou qui s'attend à une visite non annoncée. Visite qui pourrait se transformer en embuscade : si les fermiers avaient été remplacés par des guerriers, même en partie seulement, le coin pouvait vite devenir très chaud. Les gens étaient des Dunéens ou sang-mêlés du Rhudaur et il ne fallait pas s'attendre à trouver des alliés parmi eux. Il fallait aussi compter avec des chiens de ferme, voire de guerre.

Bien sûr, rien ne pouvait garantir que c'était eux que l'on attendait. Mais connaissant les liens étroits qui unissaient le Rhudaur et Angmar, et les capacités de certains sorciers... Et justement, Vif distingua un vol de corbeaux ou corneilles se diriger vers une ferme fortifiée, et y pénétrer. Et lorsqu'Isis sonda l'endroit depuis l'orée de la forêt, il lui sembla percevoir comme de légères traces de magie. Rien de bien sûr, l'endroit était éloigné, mais cela renforça son impression qu'ils étaient attendus.
Modifié en dernier par Niemal le 12 octobre 2010, 16:30, modifié 2 fois.
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Barad Eldanar - 16e partie : l'anneau de la discorde

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1 - Désirs et tensions
Les sacs furent posés et la discussion commença : fallait-il foncer dans un piège qu'on leur avait tendu, en espérant se montrer plus forts et malins que les mages et guerriers du Rhudaur, ou faire un large détour par l'ouest, plus sûr, mais qui leur ferait perdre une semaine peut-être ? La question fut âprement débattue, les autres solutions envisagées bien vite rejetées. En fin de compte, une majorité se prononça pour la prudence et le retard. Le groupe passerait donc par l'ouest et ne se risquerait pas dans une vaste zone découverte où on les attendait.

Comme il restait deux heures avant la nuit, le groupe se déplaça vers l'ouest, en restant sous le couvert des arbres, discrètement et en effaçant toutes les traces. Puis un camp fut monté pour la nuit. L'idée était de se reposer pendant la nuit et de reprendre le voyage de jour. Tandis que chacun vaquait à ses occupations et ses besoins corporels, les pensées allaient et venaient dans les têtes. Curieusement, elles tournaient toutes, à un moment ou l'autre, autour de la montagne magique où ils avaient affronté le dragon et trouvé tant de trésors...

Mais les pensées se faisaient toutes plus précises encore, et tournaient bien vite autour d'un trésor en particulier : l'anneau magique lumineux, que la belle elfe gardait au doigt depuis qu'elle l'avait eu en sa possession, et qui amplifiait formidablement sa magie. Certains se rendirent compte qu'ils éprouvaient du désir pour cet anneau, et ils chassèrent ces pensées, étonnés. Mais tous n'arrivèrent pas à les chasser aussi facilement. Deux personnes, en fait, avaient beaucoup de mal à penser à autre chose, et elles prirent secrètement une décision...

Toutes ces pensées se traduisaient par des petites tensions, des signes et réactions anodins mais inhabituels. Les plus perceptifs du groupe remarquèrent bien quelque chose, et ils se dirent qu'il fallait peut-être rester vigilant pour la nuit à venir. Des tours de garde furent décidés, assez classiques : les elfes veilleraient à tour de rôle en premier, puis ils monteraient ensemble la garde pour le reste de la nuit. Isis se proposa pour monter le premier tour de garde, et tous allèrent se coucher.

Mais deux personnes ne dormaient que très légèrement. A un moment, Vif fut réveillée par un bruit éloigné ou un rêve, et, émergeant de son sommeil, il lui sembla percevoir au loin comme une présence qui s'éloignait. Pourtant tout était immobile, tout était calme... trop calme peut-être. Sîralassë méditait dans un coin, isolé dans un profond rêve éveillé, à la manière des elfes. Mais pas de trace d'Isis, ou plutôt si : elle semblait s'être couchée sous une couverture, à la manière des humains. Mais qui montait la garde, alors ?

Après un moment, la femme des bois se leva, percevant un mouvement parmi eux : le hobbit s'était lui aussi levé, et il s'approchait d'Isis. Voulait-il la réveiller ou lui parler ? En tout cas, il s'immobilisa soudain, et Vif s'avança pour voir la raison de sa brusque paralysie. Mais elle comprit rapidement devant la couverture rejetée de côté : Rob venait de trouver non pas Isis sous la couverture, mais des affaires diverses qui avaient été mises là pour faire penser au corps de quelqu'un d'endormi. Mais point d'Isis ici, elle avait disparu !

2 - Branle-bas de combat
Rapidement, l'équipe fut réveillée et un bref conciliabule fut tenu. Selon Vif, leur amie était partie vers le sud, d'après les traces, mais elle n'était plus en forêt. Qu'est-ce qui lui avait pris ? En tout cas, elle ne semblait pas blessée ou prisonnière, car sinon Narmegil l'aurait certainement senti, grâce au bracelet des amoureux qu'ils portaient tous deux. Non, elle était consciente - et portait son bracelet - mais le guerrier n'était pas assez réveillé pour sentir ou penser à autre chose. Apparemment, elle était partie de son plein gré.

Mais il ne fallait pas la laisser partir comme ça, ou au moins savoir ce qu'elle allait faire. Tandis que le camp était levé, la Femme des Bois emprunta sa longue-vue à Sîralassë et elle alla à l'orée de la forêt, accompagnée du hobbit. La lune était dans son premier quartier, mais le ciel nuageux masquait une bonne partie de sa lumière. Elle fouilla l'obscurité, et put voir bien des choses. Elle finit par repérer son amie, qui s'éloignait à bonne allure vers le sud : elle avait bien autour de deux miles (3+ km) d'avance, et elle semblait déterminée. Mais elle n'était pas la seule dans la plaine, loin s'en fallait.

D'une manière ou d'une autre, des gardes avaient perçu la présence de l'elfe, et une patrouille était en train de se dépêcher pour arriver à l'endroit où Isis s'était tenu peu de temps auparavant. Les gardes étaient accompagnés de chiens qui semblaient avoir reniflé une odeur, et une personne habillée différemment, pas comme un guerrier, semblait commander aux gardes et les motivait pour marcher plus vite. Comme le groupe venait de l'est, du côté de la ferme fortifiée où Vif avait vu se diriger les corvidés la veille, elle paria en son for intérieur que la personne qui commandait était un sorcier aux ordres d'Angmar...

La Femme des Bois retourna prévenir ses amis. Que fallait-il faire ? Isis avait perçu le danger, elle avait décalé sa course vers le sud-l'ouest, d'après la rôdeuse semi-féline. Mais elle s'enfonçait toujours plus en territoire ennemi, avec de nombreux poursuivants, dont un magicien. Il fallait faire une diversion le plus vite possible : un des deux chevaux fut amené, juste en bordure de forêt. Là, Drilun lança un sort, sans le dissimuler d'aucune sorte (au contraire), afin que le cheval prenne l'odeur - forte - de l'elfe pourchassée, et qu'il soit couvert de magie. Puis Narmegil envoya le cheval vers le nord-est, à l'opposé de la direction prise par Isis.

Dans le même temps, Vif se rendit compte d'une chose : mais où Rob était-il passé ? Lui non plus n'était plus avec le reste du groupe ! Elle reprit la longue-vue et scruta à nouveau les ténèbres : elle le repéra qui s'éloignait discrètement, à quelques centaines de mètres déjà, vers le sud et l'elfe qui était partie. Mais elle n'y pouvait rien, et puis elle ne s'en faisait pas trop pour lui, car il était particulièrement discret quand il voulait. Cela dit, il y avait des chiens...

Justement, les chiens : elle vit également le groupe de gardes repéré plus tôt, qui était arrivé sur d'anciennes traces laissées par Isis. Les chiens semblaient indécis, pourtant le magicien donnait de la voix et indiquait le nord, en direction du cheval qui s'éloignait à présent. Et le petit vent qui venait du nord-est apporta l'odeur magique d'Isis aux truffes des chiens, qui s'agitèrent. Brusquement ils tirèrent les gardes en avant, en direction du cheval. Dirigés tant par le magicien que par les chiens, le groupe de gardes s'élança en direction du leurre.

3 - Fuyarde déchirée
Isis, de son côté, allait d'un bon pas. Elle avait bien un pincement au cœur pour son aimé, Narmegil, qu'elle n'avait même pas pu prévenir. Mais il comprendrait, et elle lui faisait confiance pour arriver à revenir chez eux, et la retrouver là-bas, tôt ou tard. Mais il n'était plus question de rester avec cette bande d'aventuriers qui lorgnaient de bien trop près son anneau. Pas question de faire encore un détour et de rester plus longtemps avec eux, elle n'avait plus confiance.

Approchant d'une première ferme, elle perçut le grognement d'un chien, ce qui lui rappela que l'obscurité ne lui garantissait pas une discrétion à toute épreuve. Mais elle fit un sort pour masquer son odeur, et le chien se calma. En revanche, plus loin sur sa gauche, elle vit des lumières sortir d'une autre ferme, et un groupe se former et venir dans sa direction, mené par des chiens et une personne bien motivée et bruyante. Flûte ! Sûrement le sorcier soupçonné la veille, lorsque des corneilles étaient entrées dans une ferme, à la manière des crebain utilisés par Angmar pour espionner et porter des messages.

Son sortilège d'illusion olfactive fut immédiatement supprimé, pour que le sorcier ne puisse pas sentir sa présence. Elle dévia aussi sa route, de manière à aller dans le même sens que le vent et empêcher les chiens de sentir son odeur de trop loin. Et elle augmenta l'allure, afin de s'éloigner de ses poursuivants qui arrivaient à présent à l'endroit qu'elle occupait peu auparavant. Ils hésitèrent, indécis, puis soudain ils se précipitèrent vers le nord-est, à l'opposé de sa direction, les chiens aboyant bruyamment et le sorcier aboyant ses ordres encore plus fort. Zut ! A tous les coups, Narmegil et ses compagnons avaient été repérés, les idiots !

L'elfe hésita un moment, puis elle poussa un juron et fit demi-tour. Elle refit un sortilège pour masquer son odeur, mais cette fois elle le fit le plus discret possible, pour que le sorcier ne le perçoive pas. Elle s'aperçut aussi qu'un garde quittait le groupe pour se diriger vers une autre ferme proche, sans doute pour rameuter d'autres guerriers. Accélérant encore, elle intercepta l'homme tout proche de sa destination : il reçut une flèche dans le dos et mourut sur-le-champ. Elle se dépêcha alors de prendre ses affaires, qui lui allaient à peu près, pour se déguiser en guerrier du Rhudaur.

Mais d'autres gardes avaient réussi à prévenir d'autres fermes, et de l'une d'elles retentit bientôt le son puissant d'un cor. Bientôt, toutes les fermes environnantes s'animèrent et des hommes en armes en sortirent avec torches ou lanternes, l'animation faisant tache d'huile... La plupart des gardes se dirigeaient vers le nord-est, où les chiens faisaient un beau vacarme. Ça commençait à sentir le roussi ! Et à ce moment-là, une douleur fulgurante traversa le bracelet des amoureux qu'Isis portait : son aimé était gravement blessé ! Curieusement, cela venait du nord, de la forêt, et non du nord-est. Mais elle ne se posa pas de question et se mit à courir.

4 - Première embuscade
Constatant que le leurre fonctionnait bien, le reste du groupe dut prendre une décision : que fallait-il maintenant faire ? Grandes-Gigues/Sîralassë était partisan de faire le détour comme prévu, mais en partant tout de suite, et d'abandonner Isis à son sort - elle était bien assez grande pour se débrouiller toute seule. Et pareil pour Rob. Mais les autres n'étaient pas tous d'accord, loin s'en fallait. Par contre, vu la situation, il était dangereux de s'aventurer à découvert : si l'elfe et le hobbit avaient des ressources à revendre question discrétion, tous ne pouvaient en dire autant parmi les cinq qui restaient.

Au final, deux groupes furent formés : les plus perceptifs et discrets, soit Geralt et Vif, iraient à la recherche des fuyards. Et les trois autres, c'est-à-dire Drilun, Narmegil et Sîralassë, commenceraient le détour de la zone, et par conséquent ils iraient à l'ouest en restant sous le couvert des arbres. Ce qui fut fait, et le petit groupe de trois, accompagnés du dernier cheval, avança sans plus attendre, malgré l'obscurité profonde qui régnait. Bientôt ils n'entendirent plus qu'eux, sauf des bruits de cor au sud et à l'est.

Brusquement, dans l'obscurité proche, une chouette hulula. Ce fut un cri bref, comme un avertissement, et peut-être en était-ce un... Les trois amis tournèrent la tête et virent un corps puissant et silencieux qui achevait un bond immense droit sur le Dúnadan ! Ce dernier eut à peine le temps d'essayer d'esquiver l'énorme loup qui lui tombait dessus, et il sentit une morsure puissante à travers la cotte de mailles argentée. S'il n'avait eu ce réflexe à la dernière seconde, la bête lui aurait arraché la tête. Mais maintenant il était sous elle, complètement à sa merci.

Heureusement, ses amis n'étaient pas restés immobiles. Tandis que Sîralassë mangeait une noix de l'écureuil pour accroître ses réflexes et sa précision, Drilun prenait une flèche et tendait la corde de son arc. Malgré l'obscurité et le couvert forestier, il bénéficiait d'une excellente position. La taille de la bête était impressionnante, et il n'eut pas de mal à reconnaître le loup-garou qui les avait plusieurs fois attaqués. Avant que ce dernier ne porte un coup fatal à Narmegil, la flèche vola et perça le cuir du monstre, qui poussa un hurlement.

Mais la blessure n'était pas bien grave, semblait-il. L'énorme loup bondit et s'enfuit en un clin d'œil, avant que Sîralassë arrive à sa portée avec son bâton, ou avant que le Dunéen puisse décocher une autre flèche. Restait Narmegil, gravement blessé, comme il ne l'avait jamais été jusqu'à présent. Et il n'osait penser à ce que cela aurait été sans sa cotte de mailles magique, probablement du mithril. Il eut aussi une pensée pour la chouette, qui lui avait sauvé la vie. Une coïncidence ? Vraiment étonnant... Mais il fallait s'occuper de sa blessure à présent, et le soigneur s'approcha pour l'examiner.

5 - Deuxième embuscade
Au sud, Isis courait vers la forêt, n'écoutant que son cœur et son bracelet des amoureux qui lui disait que son aimé souffrait. Quand soudain, ses jambes furent bloquées par un obstacle invisible, et elle roula à terre, heureusement sans mal, juste un peu surprise et étourdie. Mais elle ne put se relever : quand elle se mit sur le dos pour voir la silhouette qui se dressait auprès d'elle, elle reconnut Rob. Il tenait une flèche encochée pointée dans sa direction, et un pied poilu posé sur elle. Dans son regard elle ne reconnut que de l'avidité...

Rob ne lui laissa pas le temps de souffler. Il lui dit qu'il ne lui voulait aucun mal, mais il fallait qu'elle lui remette l'anneau - tout de suite. Sans quoi il n'hésiterait pas à tirer et à se servir. Et il n'avait pas l'air du tout de bluffer ou de plaisanter... Mais Isis ne pouvait en aucun cas accéder à sa demande. Elle fit un geste pour lancer un sort, mais le hobbit était nettement plus rapide. La flèche partit et elle s'enfonça profondément dans l'abdomen de l'elfe, sous le sternum. La vision d'Isis se brouilla, mais par un effort de volonté elle resta consciente, mais complètement étourdie par la douleur.

Au loin, Narmegil sentit la douleur mortelle de son amour, et il repoussa Sîralassë - sa blessure pouvait attendre, celle de son aimée, non ! Il marcha vers le sud, dans la direction où il sentait Isis, grâce au bracelet des amoureux. Les émotions étaient si fortes qu'il pouvait presque voir tout ce que vivait sa belle. Derrière la douleur, vint l'agonie d'Isis lorsque Rob la dépouilla de son précieux anneau. Le hobbit s'enfuit en courant, mais l'elfe était si furieuse qu'elle vainquit la douleur et tendit la corde de son arc, encocha une flèche...

Non loin, Geralt et surtout Vif avaient suivi toute la scène. Après s'être dirigés vers le sud-est ils avaient fait demi-tour lorsqu'ils avaient perçu le cri de Narmegil dans l'embuscade du loup-garou. Puis ils avaient filé vers le sud quand Vif avait entendu le bref échange entre Rob et Isis et qu'elle avait vu ce qui se passait. Après quoi, la rôdeuse demanda à Geralt d'aller s'occuper de l'elfe blessée tandis qu'elle filait silencieusement vers le hobbit : contrairement à l'assassin qui ne voyait pas bien dans le noir, la femme des bois, sous sa forme demi-féline, ne pouvait perdre sa proie de vue.

La flèche d'Isis partit, et elle fit mouche. Mais vu la distance et l'obscurité, et les zigzags que faisait le hobbit, elle ne perça aucun organe vital. Le voleur continua sa course, et malgré la douleur Isis tendit une seconde flèche. Mais elle vit Geralt venir à elle, qui lui cria d'arrêter, que tout était sous contrôle. Épuisée, elle lui fit confiance et baissa son arc, tout en regardant avec une froide fureur Rob s'éloigner. Mais pas loin : Vif lui sauta dessus par surprise et l'immobilisa à terre. Malgré tous les efforts et la souplesse du hobbit, il ne put se dégager - il ne pouvait lutter avec un chat.

6 - Secours inattendus
Heureusement, les gardes du Rhudaur étaient un peu loin et trop occupés à courir après un cheval ensorcelé, et la nuit était nuageuse. Les ennuis ne montèrent donc pas d'un cran, bien qu'il n'eût pas fallu grand chose pour que cela se soit passé autrement. Mais la vie d'Isis était en train de courir dans l'herbe sous la forme d'un flot de sang, et Geralt se sentait inutile et incompétent - ce qu'il était pour ce cas précis. Et le temps que Sîralassë arrive, il serait sans doute trop tard. Et en plus de ça, la belle elfe semblait plus incline à aller chercher l'anneau sur le corps du hobbit, que de penser à la survie du sien !

L'homme aux cheveux blancs vit quelque chose qui ajouta encore à sa confusion : un ours était en train d'arriver dans sa direction ! Il prit alors son arme, se préparant à affronter l'animal, qui n'avait pas l'air agressif pourtant, et n'émettait pas de son. Mais il fut interpelé par la Femme des Bois : elle avait vu à côté de l'animal une ombre floue, comme magique, qui lui faisait penser à quelqu'un de connu... qui annula son sort et se présenta : Niemal se tenait devant eux, et l'ours n'était qu'un compagnon sensé le protéger. Comme pour la chouette qui volait auprès d'eux.

Le soigneur elfe s'occupa immédiatement d'Isis, enlevant la flèche et stabilisant la blessure, à l'aide de ses compétences et de sa magie. Mais l'elfe blessée ne parvenait pas à trouver le repos sans l'anneau, qu'elle réclamait et pour lequel elle n'arrêtait pas de s'agiter, rouvrant sa blessure. Il fallut que Sîralassë l'endorme, une fois arrivé, pour qu'elle se tienne enfin tranquille. Niemal s'occupa aussi du hobbit : pour la blessure reçue par la flèche d'Isis, mais aussi pour l'avidité qui l'avait fait se transformer en tueur. Son regard changea, il redevint le Rob que tout le monde connaissait, et il blêmit en pensant à ce qu'il avait fait...

Drilun, Narmegil et Sîralassë furent bientôt là, et le Dúnadan fut soigné à son tour. Son ami utilisa de l'athelas et de la magie afin de réduire la gravité des blessures et de redonner un peu de moral à certains qui en avaient bien besoin ! D'autres allèrent chercher des branches pour faire un brancard pour Isis, tandis que d'autres elfes de la maison d'Elrond, que Niemal accompagnait, arrivaient pour les aider. Ils étaient une douzaine, et le chef paraissait être un grand elfe blond à l'allure très noble, et qui s'appelait Glorfindel.

En fait, grâce entre autres à l'aide d'oiseaux et d'aigles notamment, la maison d'Elrond avait pu suivre les péripéties du groupe après la destruction de la montagne magique, perçue par plusieurs. Puis ils les avaient perdus de vue dans les Fourrés aux Trolls, mais ils avaient noté que le loup-garou les suivait, et ils s'étaient préparés à le recevoir et aider l'équipe. Mais la précipitation et la confusion des dernières heures avaient empêché la réussite de ce plan, et le loup-garou n'avait pu être intercepté. Mais à présent ils pouvaient aider les aventuriers.

7 - Imladris
Aidés par tant d'elfes dont certains assez vieux, et qui connaissaient tous très bien la région, les aventuriers n'eurent aucun mal à arriver à Imladris, ou Fondcombe dans la langue commune. Les elfes firent de larges détours pour éviter les humains, ils passèrent par des voies connues d'eux seuls, et leur magie permettait d'aller vite et sans fatigue. En revanche, comme le mal dont souffrait Isis était au-delà des capacités de guérison des soigneurs de l'équipe, elle fit le voyage sur un brancard, endormie. Ce qui prit tout de même une semaine.

Avant d'arriver à la vallée cachée, Vif dut reprendre forme humaine, car sa magie risquait de lui bloquer l'entrée si elle restait trop active. Le groupe fut tout de suite accueilli par le seigneur des lieux, maître Elrond demi-elfe. Il répondit à de nombreuses questions et donna bien des conseils, à tous ou en privé. Il garda par-devers lui l'anneau de lumière qui avait semé la discorde dans le groupe, de même que la fiole d'eau lumineuse, qui agissait comme une drogue. Et il reçut l'épée de Gondolin des mains de Sîralassë, comme son grand-père Maglor avait souhaité qu'il en fût. Épée dont il dit qu'il pourrait éventuellement la prêter à des gens méritants dans le besoin, un jour.

Mais surtout, il put guérir Isis et lui permettre de reprendre une vie normale sans tout le temps penser à l'anneau qui l'avait enjôlée. Il lui fallut trois jours pour guérir complètement de ses blessures physiques, qui heureusement n'avaient pas eu d'effet sur l'enfant qu'elle portait. Mais elle ne put s'empêcher de garder une dent contre les hobbits en général et Rob en particulier. Ce dernier demanda à maître Elrond de pouvoir rester chez lui : il n'avait plus aucune famille, et il ne pouvait envisager de rester dans le groupe, qui avait été sa famille de remplacement, après ce qu'il avait fait à Isis. Le demi-elfe accéda immédiatement à sa requête.

Avant de retourner dans la Comté, l'équipe - réduite à six - passa encore une semaine à profiter des lieux. En effet, plutôt que de risquer une traversée difficile du Rhudaur qui surveillait et contrôlait la Route de l'Est, le groupe avait préféré attendre le départ d'une compagnie grise vers les Havres Gris. Ces elfes qui partaient pour le Lointain Ouest prenaient des chemins secrets et parfois magiques, et qui garantissaient sécurité et tranquillité. Ces chemins passaient par la Comté, et les aventuriers furent invités à faire le trajet jusque là-bas avec la compagnie. Ils furent aussi équipés de vêtements solides et résistants, entre autres choses.

Le temps passé à Imladris resta en mémoire comme un vrai moment de vacances, quoique studieuses pour certains : Drilun et Isis discutèrent avec divers utilisateurs de magie afin d'apprendre de nouveaux sorts, ou bien ils consultèrent une bibliothèque comme il n'existait guère d'équivalent sur la Terre du Milieu. Le Dunéen visita les forges et discuta avec des forgerons elfiques. Mais au grand dam de Geralt, les forgerons n'avaient aucune envie d'aider Drilun à confectionner une armure de peau de dragon. Ils se contentèrent de lui prêter la forge et de lui prodiguer des conseils. Le travail risquait de lui prendre des mois peut-être, même si un elfe proposa de préparer la peau afin qu'elle soit prête à être découpée et apprêtée.

D'autant que Drilun consacra aussi du temps à autre chose : lui qui maniait bien la plume, il décrivit par le détail, sur un parchemin, tous les éléments glanés lors de cette grande aventure. Et en particulier ce qu'il était advenu de Penargil et Ascarnil : leur disparition avait été un des éléments déclencheurs de cette quête. Le transfert des deux elfes à Carn Dûm laissait peu d'espoir, mais néanmoins, le Dunéen exprima le souhait de transmettre l'information à Twengael, son ami et père de Penargil, parti sur d'autres rivages. Et l'archer s'engagea à être disponible pour toute mission qui pourrait aider directement ou indirectement à les libérer. Qui savait si l'attente n'apporterait pas une opportunité ?

Narmegil dut ronger son frein également, car il avait eu quelques nouvelles, et elles n'étaient pas toutes bonnes : son grand-père, lors d'un voyage vers Bar Edhelas, semblait avoir été enlevé par des bandits que certains croyaient venir de Tharbad, l'ancienne capitale du Cardolan, qui n'était plus qu'un repaire de voleurs. Non seulement son grand-père était sa dernière famille proche, en dehors d'Isis et de l'enfant à naître, mais du coup la gestion des affaires familiales revenait à sa charge, et il fallait qu'il voie le roi d'Arthedain à ce sujet...

8 - Foyer, doux foyer
Le voyage avec les elfes fut rapide et sans souci, et il ne fallut qu'une semaine pour revenir dans la Comté. Enfin, le groupe arriva à Tumulus et au manoir appartenant désormais à la famille Eldanar, Bar Edhelas. Où ils furent chaudement accueillis par Helvorn, cousin de Narmegil et intendant du manoir en l'absence de son maître. La nouvelle qu'il s'apprêtait à annoncer assombrissait son front, néanmoins, mais Narmegil lui fit comprendre qu'il était déjà au courant. Cela faisait plus d'un mois déjà que le grand-père avait disparu, et aucune nouvelle ou demande de rançon n'avait été reçue. Certains posèrent des questions sur l'absence de Rob, et ils s'étonnèrent qu'il ait choisi de rester chez des elfes.

Mais le groupe avait beaucoup de nouvelles à donner, avec de multiples cadeaux, sous la forme de sacs d'or et de bijoux ou pierres précieuses. Les serviteurs bénéficièrent de primes diverses, certaines taxes furent levées, et de l'argent fut versé pour des fêtes ou des projets futurs (orphelinat...) - avec deux milles pièces d'or environ, les maîtres des lieux pouvaient être généreux ! Cela tombait bien, car les fêtes de Yule (Noël) approchaient : les aventuriers étaient restés absents plusieurs mois, et dans seulement neuf jours l'année changeait : après les jours de fête ce serait l'année 1639 du 3e âge !

En l'absence du groupe, les choses avaient un peu changé : les travaux de réfection de la tour ou de la toiture avaient été faits dans les temps, et diverses pièces avaient été aménagées pour répondre aux contraintes de taille des nombreux serviteurs hobbits. Humains et semi-hommes s'étaient plutôt bien faits à cette vie commune, nouvelle pour la majorité : tous reconnaissaient dans les autres des qualités qu'eux-mêmes n'avaient pas, tout en étant rassurés sur le fait qu'aucune des deux populations ne savait tout faire mieux que l'autre. Bref, les serviteurs de Bar Edhelas se complétaient bien et ils s'en étonnaient.

L'argent versé pour les chantiers de reconstruction, la disparition des bandits dunéens, la levée de certaines taxes, et la grande estime dans laquelle on tenait le nouveau maître de Bar Edhelas, tout cela avait aussi favorisé le commerce et les échanges. En bref, tout allait pour le mieux, et les exactions de l'ancien seigneur et les mauvais souvenirs de la Peste étaient maintenant de l'histoire ancienne. Les gens étaient optimistes, le pays allait de mieux en mieux, la menace d'Angmar paraissait lointaine... Et puis avec un maître tel que Narmegil Eldanar, accompagné de ses amis, que pouvait-on craindre ?

Vif rendit visite à l'auberge, où le chat de Frolic, qui avait pris quelques rondeurs, lui fit la fête. Elle lui parla de son maître, qu'elle avait vu chez Elrond, des chetmíg et d'elle-même. Drilun constatait avec plaisir que son passé de bandit dunéen semblait oublié, et qu'on le traitait avec chaleur et respect, y compris des hobbits. Geralt fit de longues siestes... tandis que Sîralassë parcourait le coin afin de soigner les nombreux bobos qu'il pouvait trouver. Isis voyait son ventre s'arrondir doucement, tandis que Narmegil pensait à sa prochaine visite au roi, et à son grand-père.


Ceci termine la campagne "Barad Eldanar", longue de 19 épisodes et 141 chapitres !
Modifié en dernier par Niemal le 12 octobre 2010, 20:21, modifié 3 fois.
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Niemal
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Tharbad - 1ère partie : mauvaises nouvelles

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1 - Un hiver bien rigoureux
A peine revenus à Tumulus/Oatbarton et Bar Edhelas, leur foyer, les aventuriers virent s'abattre sur la région un hiver dont on se souviendrait longtemps. Non seulement la température se mit à dégringoler, mais la neige se mit à tomber en abondance. A la grande joie des petits et grands tout d'abord, d'autant que la période de fête s'y prêtait bien - Yule (Noël) approchait, et les préparatifs étaient bien avancés. Et, surtout, l'époque de l'année ne demandait guère de temps en travaux, sauf pour les éleveurs. La gêne fut mineure et le manteau blanc neigeux bien accueilli dans un premier temps.

Mais non seulement la neige tenait, mais elle continuait à tomber et à s'accumuler. A compter de Yule, le pays fut complètement paralysé, avec environ deux pieds de neige (60 cm) partout en plaine. Soit la taille des plus petits hobbits... Le commerce fut donc complètement interrompu, et les voyages limités aux plus proches voisins. Les gens pelletèrent, s'entraidèrent, et veillèrent les uns sur les autres du mieux qu'ils pouvaient. Les hobbits qui logeaient dans des smials - leurs maisons à moitié souterraines - étaient au chaud et ne risquaient rien, mais tous n'avaient pas leur chance, sans parler des bêtes, ou des stocks de bois de chauffage entreposés à l'extérieur. Et l'isolement pouvait aggraver accidents ou maladies.

Narmegil et ses amis ne restèrent pas inactifs. Enfin... la plupart. Narmegil lui-même, qui avait la phobie de la neige, ne fit guère plus que pelleter un peu la cour du manoir. Et Geralt était vite déprimé par tout le travail à effectuer, et préférait la tiédeur de son lit. Mais sinon, les autres ne ménagèrent pas leur peine, et firent en sorte que personne ne soit oublié. Leur travail et leurs efforts soudèrent un peu plus les gens, et les hobbits apprécièrent l'aide des Grandes Personnes. Ce qui était une épreuve se transforma en réussite sociale.

Sîralassë, à cheval, parcourait le pays pour s'assurer que les gens allaient bien et les soigner au besoin. Grâce à ses bottes magiques, Vif pouvait marcher sur la neige sans s'enfoncer, et elle allait d'une ferme éloignée à l'autre, prenait des nouvelles, apportait d'éventuelles denrées manquantes de manière à ce que personne ne manque de rien. Drilun pelletait et remontait le moral des troupes avec des mots bien choisis, et Isis voyageait autant qu'elle pouvait et apportait son aide et surtout redonnait du courage à tous. Son ventre s'alourdissait un peu plus chaque jour, mais c'était plus la peur de le mettre en danger qui la gênait, plus que le poids et la fatigue que cela entraînait.

Au milieu du premier mois de l'année (Narwain), la neige s'arrêta de tomber un moment et un redoux entama l'épaisseur de neige. Fondant petit à petit, elle laissa les routes plus disponibles aux plus courageux. Après quelques jours de ce temps plus clément, un premier marchand arriva, le premier depuis plusieurs semaines ! Avec ses mules, il arrivait de Bree, d'où il était parti dès qu'il avait vu la neige commencer à fondre. Il avait fait des affaires dans le Quartier Est de la Comté, et maintenant il faisait une tournée dans le Quartier Nord, d'où son arrivée. Il avait beaucoup de choses à dire, et la foule se massa à l'auberge pour l'écouter parler. Ce soir-là, comme les précédents, il ne risquait pas de manquer de bière près de son gosier...

2 - Incursion du Rhudaur
L'homme avait en effet des nouvelles à donner, des nouvelles assez exceptionnelles. Mais pas des bonnes nouvelles. Il parla bien de familles éloignées qui allaient bien, la neige n'ayant pas trop fait de dégâts. Mais par contre, elle avait couvert l'avancée d'une armée du Rhudaur jusqu'au sud de Bree. La Grande Route du Nord qui joignait Fornost Erain à Minas Anor et Osgiliath passait par Bree, puis longeait les Galgals avant d'arriver à Andrath, ville importante du nord du Cardolan. C'est cette ville que l'armée du Rhudaur avait attaquée, jusqu'à ne laisser que des ruines.

L'armée était sans doute composée de plusieurs milliers d'hommes, et elle avait pris tout le monde par surprise. Ni les hommes d'Arthedain, ni ceux du Cardolan n'avaient repéré l'avancée de l'armée. L'attaque fut totale et il ne resta sur place aucun survivant. En plus des morts trouvés dans les ruines, il semblait que l'essentiel de la population avait été emmenée, prisonnier, dans le Rhudaur, malgré le temps rigoureux. Temps qui permit également de masquer le départ de l'armée. Lorsque les faits furent enfin connus, la piste était froide, et les guerriers étaient en sécurité.

Ils avaient probablement avancé à marche forcée pour cela. Le marchand, dont les paroles étaient avalées par l'auditoire, n'avait pas de détails très précis. Mais il avait entendu dire que des corps gelés avaient été trouvés sur les traces de l'armée : les prisonniers qui n'avaient pu tenir contre la fatigue et le froid avaient été laissés sur place à mourir... Beaucoup de femmes et d'enfants. Mais il semblait que des centaines de prisonniers avaient néanmoins atteint le Rhudaur.

Une fois le récit - entrecoupé de gorgées de bière - terminé, les langues se délièrent et les avis fusèrent de toutes parts. Parmi les plus fréquents, on pouvait relever des choses telles que :
- le Cardolan est complètement désuni, il n'y a plus d'armées, que des mercenaires
- le nord du Cardolan, suite aux précédentes guerres, est très peu peuplé, voire déserté
- les combats avec le Rhudaur ont d'habitude lieu dans l'Angle (nord-est du Cardolan), très loin d'Andrath
- l'armée du Rhudaur a utilisé la magie pour ne pas se faire voir et être protégée du froid
- les hommes du Rhudaur sont endurcis et habitués au froid, surtout les Hommes des Collines
- l'attaque a-t-elle été faite par le roi Ermegil ou par le chef des Hommes des Collines, Broggha ?
- les guerriers du Cardolan surveillaient les Galgals et leurs spectres, ils ont été surpris
- si des prisonniers ont été faits, il y aura sans doute des demandes de rançon
- les hommes du Rhudaur ont été aidés par la bande de Cormac

Parallèlement à cela, divers aventuriers surveillèrent les convives ou les environs, tels Drilun ou encore Vif. Si le premier ne décela rien d'anormal à l'extérieur, la seconde fit une petite trouvaille, à l'aide du chat de Frolic qui avait élu domicile dans l'auberge de Tumulus. Il lui avait fait la fête quand il l'avait reconnue, et elle lui avait demandé d'espionner et de rapporter ce qu'il entendait - il était assez intelligent pour reconnaître certains parlers humains. Et il avait entendu deux hommes parler et l'un d'eux dire qu'il faudrait prévenir le seigneur Tarma... Ce qui permit à Vif de repérer deux probables espions du seigneur et voisin dúnadan.

3 - Départ pour Bree et Fornost
Le soir même, il fut décidé de partir dès le lendemain pour Bree, puis Fornost. Les raisons ne manquaient pas : il fallait voir le roi pour faire un bilan oral et plus détaillé que le rapport écrit auparavant envoyé, concernant les aventures dans le Rhudaur et Angmar. Sans compter que l'enlèvement de Tarcandil, grand-père de Narmegil et grand-oncle d'Helvorn, avait sans doute des répercussions sur les affaires familiales. Et peut-être apprendraient-ils des éléments nouveaux, peut-être des pistes avaient-elles été trouvées ?

Par ailleurs, les voleurs de la bande de Cormac agissaient dans le même secteur, qu'il s'agisse de l'enlèvement de Tarcandil ou de l'incursion de l'armée du Rhudaur. S'il paraissait douteux qu'ils aient participé à l'un comme à l'autre, vu le contact qu'il y avait eu lors de la chasse aux loups, ils avaient peut-être pu remarquer quelque chose. C'était une piste à ne pas négliger, et même si trouver les bandits ne serait peut-être pas une mince affaire, Narmegil et ses amis jugeaient qu'il existait une piste prometteuse pour arriver jusqu'à Cormac : la famille Broadleaf, à Bree.

Une nouvelle fois, Bar Edhelas fut confié aux bons soins de Helvorn, et l'équipe prit le départ. Les chevaux disponibles furent réunis, et, comme il en manquait, Isis comme Drilun durent monter en croupe avec un autre cavalier. La route fut prise vers le sud-est et vers la Grande Route de l'Est, qui amènerait ensuite au pont sur la rivière Brandevin (Baranduin). De là, Vieille Forêt et Galgals seraient longés, avant d'atteindre enfin Bree.

Le début du trajet ne posa guère de problème... sauf aux mauvais cavaliers. Le sol était encore enneigé, et si la couche de 20 cm était trop faible pour beaucoup gêner les chevaux, en revanche elle rendait leur démarche plus traîtresse, avec de brusques à-coups et glissades parfois. L'allure resta correcte sans être rapide néanmoins, mais c'était encore trop pour Drilun, plus à l'aise avec les plumes que les bêtes à poil. Plusieurs fois il glissa et ne dut son salut qu'à Vif, derrière lequel il chevauchait : en parfaite communion avec son cheval, elle percevait le déséquilibre de son ami avant même qu'il ne s'en rende compte, et faisait en sorte de l'empêcher de tomber.

Vers la fin de la journée, alors qu'ils étaient encore dans la Comté, ils virent venir dans leur direction deux bons cavaliers qui chevauchaient à vive allure, malgré la neige. D'après leurs habits il s'agissait de gardes royaux, qui ralentirent lorsqu'ils arrivèrent à leur niveau. Après un salut, ils demandèrent s'ils étaient loin de Tumulus et de la demeure du seigneur Eldanar... Narmegil se présenta alors, et les messagers lui remirent un parchemin : rien de moins qu'une convocation pour un conseil royal, dans douze jours, à Fornost Erain.

Narmegil était convoqué en tant que représentant des familles nobles mineures, en l'absence de son grand-père. Mais ses serviteurs, épouse ou amis ayant participé aux aventures dans Angmar et le Rhudaur étaient aussi priés d'être présents, de même que son cousin Helvorn. La convocation était impérative, le sceau royal parfaitement authentique. Les messagers devaient repartir pour Fornost Erain donner une réponse au roi. Ils n'en savaient pas plus, si ce n'était qu'on leur avait dit que c'était très important, et que des personnes extérieures à l'Arthedain seraient aussi présentes.

4 - Sur la piste de Cormac
Les messagers reprirent la route en direction de Tumulus. Il était convenu qu'ils iraient chercher Helvorn et qu'ils rejoindraient le groupe, avant de repartir pour Fornost. Et ainsi fut-il fait. Le voyage se poursuivit sans mal, jour après jour, et une nouvelle monture dut être achetée à prix d'or - d'autant que les chevaux avaient beaucoup souffert de la Peste, et l'armée d'Arthedain en avait grand besoin. En cours de route, les messagers revinrent avec Helvorn, avant de repartir, toujours au galop malgré la neige. Enfin, le groupe arriva à Bree.

Plusieurs aventuriers étaient bien connus à Bree, et on leur fit bon accueil - hormis les membres de la famille Broadleaf, qui ne pouvaient pas les voir, même en peinture. Mais à l'auberge, on parlait surtout du sac d'Andrath par l'armée du Rhudaur. Avec une conséquence qui pouvait être de taille pour Bree, qui était située en vue des Galgals : Andrath hébergeait un monastère, dont l'ordre était chargé de l'entretien des tombes des Galgals. Depuis l'apparition des spectres, ils étaient chargés de lutter contre eux, et certains membres semblaient bien avoir le pouvoir de les affecter. Plus aucun de ses membres n'était encore libre ou vivant, et l'impact sur les spectres restait à évaluer...

Le lendemain, Narmegil et ses amis essayèrent d'obtenir des informations auprès du capitaine des gardes de Bree, Meneldir, mais ce dernier était trop occupé. Du coup, ils se dirigèrent vers la demeure de la famille Broadleaf. Leurs derniers contacts avec cette famille avaient été rien moins que conflictuels, mais ils avaient réussi à en sortir la tête haute en se montrant meilleurs voleurs que cette famille de bons-à-rien ! Mais ils savaient aussi, de manière à peu près certaine, qu'elle avait des contacts avec la bande de Cormac - l'un des fils en faisait même partie.

Restait à se faire entendre de cette famille, dont le patriarche, qui gérait toute la maisonnée d'une main de fer, était particulièrement mal embouché à leur égard. Quelques pièces de bronze passées sous la porte permirent d'entamer la conversation, et une pièce encore plus grosse fut le sésame qui leur permit à tous de rentrer. Restait à convaincre le patriarche de les aider, et ce ne fut pas la moindre des affaires...

Si Narmegil et Geralt s'étaient montrés très persuasifs voire intimidants, ce fut Drilun qui sut le mieux s'y prendre. Alors que les autres se heurtaient à l'entêtement du vieil homme, il sut trouver les mots qui le firent hésiter. Une (grosse !) pièce changea de mains et acheva d'emporter le morceau. Le patriarche appela son plus grand fils présent, Hal, et lui ordonna d'amener sur-le-champ le groupe d'aventuriers aux bons soins de Cormac. Le fils Broadleaf fut abasourdi de recevoir un tel ordre, d'autant que la neige se remettait à tomber, mais il n'insista pas devant le regard de son père.

5 - La bande à Cormac
Tout le groupe partit à pied, vers le sud, au grand étonnement des gardes de Bree. Après un moment, Hal quitta la route et se dirigea vers l'est, dans les collines de Tyrn Gorthad, la plus septentrionale des provinces ou baronnies du Cardolan. La neige qui tombait doucement masquait les repères visuels, l'homme lui-même ne semblait pas totalement sûr de lui, et l'équipe voyait mal comment retrouver le chemin par elle-même. Enfin, Hal sembla retrouver ses repères et il amena le groupe devant un bois. Il fit mine d'avoir rempli son contrat, souhaitant s'éclipser, mais devant les airs déterminés des aventuriers il comprit vite qu'il ne s'en tirerait pas si facilement...

Après avoir progressé dans le bois, le groupe fut bientôt arrêté par des gardes. Une fois le premier contact pris, l'un d'eux partit avertir Cormac. Un garde reconnut également les aventuriers - ceux qu'il avait croisé lors de l'attaque des loups et du loup-garou - ce qui joua en leur faveur. Enfin, après une attente assez courte, le chef des brigands arriva, avec une bonne vingtaine de ses guerriers et archers. Hal se faisait tout petit et discret, mais il écopa simplement de regards durs et parfois méprisants.

Ceux qui l'avaient déjà vu reconnurent Cormac, un nordique costaud et charismatique qui se vantait de n'avoir tué personne dans sa vie de brigand. Mais lui aussi reconnut les aventuriers jadis côtoyés, et même Geralt ! En effet, il se rappelait avoir vu l'assassin à Tharbad à une époque où il y était passé ou y avait vécu, peut-être - Geralt ne put en être sûr, et lui ne se rappelait pas avoir vu le brigand par le passé. De son côté, Isis pensait reconnaître certains des bandits de Cormac - elle les avait vus à Tharbad - mais le chef des brigands semblait sûr de ses hommes.

Le contact se passa bien, Cormac n'avait pas grand-chose à reprocher aux aventuriers, dans la mesure où ils restaient discrets et ne diraient rien sur lui et sa bande. Il invita le groupe à se restaurer pour le soir et fit faire un méchoui pour l'occasion, malgré ou grâce au temps - la neige empêcherait quiconque de les voir à distance. Il avait bien remarqué certaines choses concernant tant l'enlèvement de Tarcandil que l'armée de Rhudaur, et il était prêt à partager ces informations... contre rétribution. Après discussion et vidage de certaines poches ou bourses, un accord fut trouvé.

Les hommes de Cormac avaient effectivement repéré des groupes de voleurs dans le secteur - ils en avaient même clairement identifié certains comme venant de Tharbad. Ils les avaient vus repasser avec un grand et vieux Dúnadan et deux serviteurs, et manifestement les voleurs avaient eu des difficultés. Ils avaient vu le groupe se diriger vers l'est, et ce n'est que plus tard qu'ils avaient appris pour Tarcandil. Ils avaient aussi remarqué, longtemps après, des gardes de Tyrn Gorthad qui enquêtaient dans le secteur, et il semblait qu'ils avaient fini par trouver une piste, car ils étaient partis dans la bonne direction.

Pour l'armée du Rhudaur, ils avaient été tout autant surpris que n'importe qui, et ils avaient repéré le conflit grâce aux flammes qui réduisaient la ville d'Andrath en cendres. Ils avaient suivi de loin le retour de la petite armée et de leurs centaines de prisonniers, mais sans pouvoir ou vouloir rien faire. Néanmoins, ils avaient remarqué que l'armée prenait un chemin différent de l'aller, mais similaire à celui des voleurs qui avaient enlevé le grand-père de Narmegil.

Puis Cormac invita chacun à dormir sur place, vu l'heure avancée, et il garantit aux aventuriers qu'ils n'avaient rien à craindre chez lui. La nuit se passa sans incident, et le lendemain ils repartirent tous. Helvorn était tout le temps resté discret et silencieux : en tant qu'ancien membre des rôdeurs d'Arthedain, il n'était pas tout à fait du même côté que les bandits. Mais ayant passé deux-trois ans autour de Bree, il avait appris à composer avec. En fait, il connaissait le secteur et avait déjà estimé plus ou moins bien l'emplacement du camp des bandits. Après ce voyage, il se disait qu'il saurait les retrouver sans aide.

6 - Conseil royal
Le voyage de retour jusqu'à Bree se passa sans incident. Narmegil put voir Meneldir également, le soir même. Le capitaine des gardes lui fit part de quelques informations nouvelles, mais le noble Dúnadan savait déjà l'essentiel. Meneldir savait que les gardes de Tyrn Gorthad avaient trouvé une piste concernant l'enlèvement de Tarcandil, mais suite à l'attaque du Rhudaur il n'avait plus eu aucune nouvelle. Quant à l'armée du Rhudaur, il s'agissait d'Hommes des Collines menés par Broggha. Très probablement, des prisonniers pourraient être échangés contre rançon, et les autres finiraient comme esclaves.

La route du nord fut prise dès le lendemain, et après trois jours sans incident - Drilun arriva à rester en selle tout seul - Fornost fut enfin atteint. Il restait trois jours pleins en attendant le conseil, mais ils furent bien remplis. En tant que représentant des petites maisons nobles non affiliées, Narmegil vit venir à lui de nombreux membres de ces maisons. Aidé par Isis et Drilun, la première comme épouse et le second comme conseiller et secrétaire, il fit bonne figure et plusieurs nobles repartirent satisfaits : sans être aussi expérimenté que son grand-père, le jeune Eldanar avait montré qu'il n'était pas si novice que cela en ce qui concernait les arcanes de la diplomatie.

Le grand jour arriva enfin. Tous se présentèrent au lever du soleil au château, et ils furent conduits jusqu'à la pièce où se tiendrait le fameux conseil. C'était un conseil royal et non une cour royale, aussi tous les échanges seraient-ils privés : la pièce fut bientôt fermée, la garde royale postée à l'extérieur. A l'intérieur, le roi Argeleb II et la reine Liriel se tenaient assis sur leur trône, depuis une estrade, tandis que les membres du conseil, réguliers ou invités, se tenaient debout. Mais des bancs voire fauteuils étaient installés en retrait - dont un pour Isis - et quelques tables basses portaient des cruches d'eau et des gobelets.

Chacun avait une place bien définie. La plupart des participants savaient où se placer, mais pour les aventuriers la situation était un peu nouvelle, même s'ils avaient déjà participé par le passé à un conseil - bien que l'assistance et les circonstances furent légèrement différentes. Mais Helvorn avait été mis au courant et il put guider les époux Eldanar ainsi que Geralt à leurs places, tandis que les autres bénéficiaient des lumières de Niemal, également présent au conseil, et qui semblait bien connaître les gens et l'étiquette.

Face au couple royal, sur la gauche, se tenaient les vassaux directs et indirects, classés par ordre d'importance, à savoir, du plus près au plus éloigné, en commençant par les sept grandes familles nobles :
- maison Tarma : Ferenariel, d'âge mûr, fille aînée du seigneur Tarma que le poids des ans retenait chez lui
- maison Eketta : Methilir, jeune Dúnadan agressif, guerrier prometteur et érudit également
- maison Orro : Haldan, âgé et manifestement déprimé - depuis la mort de sa femme en fait
- maison Hyarr : Caramir, très charismatique, et peut-être l'homme le plus riche d'Arthedain
- maison Emerië : Telcrist, ex-capitaine des rôdeurs revenu s'occuper de sa famille menacée de faillite
- maison Foro : Duraldar, explorateur reconnu, remplaçant son grand-père mort de la Peste il y avait peu
- maison Noirin : Narathiel, femme âgée rompue à la diplomatie, traditionnellement opposée aux Tarmas
- Elindiel de Siragalë (dont la Comté fait partie), grande elfe et patronne des elfes du sud d'Arthedain
- maisons nobles mineures : Narmegil (en remplacement de son grand-père Tarcandil) et Isis Eldanar
- invités sans droit à la parole : Helvorn (cousin de Narmegil, ex-rôdeur) et Geralt (garde de Narmegil)

Sur la droite se tenaient d'abord les serviteurs directs de la maison royale, militaires ou autres, puis les invités extérieurs, dont les aventuriers restants. Dans l'ordre, on trouvait :
- assis à une table, Baragund, scribe d'Arvegil, avec tout le nécessaire pour garder trace des débats
- Arvegil, fils héritier du roi et commandant des armées royales
- Halmir Eketta, Dúnadan d'âge mûr et capitaine de la garde royale, réputé la meilleure lame du royaume
- Tullam, Dúnadan âgé et chef des voyants d'Arthedain
- Marl Tarma, grand capitaine des rôdeurs d'Arthedain et neveu d'Argeleb, du même âge (~) que Narmegil
- Arleg, rôdeur et espion d'Arthedain blond et barbu, rencontré à Barad Eldanar
- Pelendur, baron de Tyrn Gorthad (Cardolan), l'air très noble, très proche d'Arthedain
- Mithrandir, magicien, connu aussi sous le nom de Gandalf le Gris, voyageur récurrent
- Niemal, elfe de la maison d'Elrond, autre voyageur fréquemment présent en Arthedain
- Sîralassë, présent aussi comme faisant partie de la maison d'Elrond
- invités sans droit à la parole : Drilun et Vif, amis/compagnons de Narmegil

7 - Premières passes d'armes
Lorsque tous furent installés, le roi Argeleb II prit la parole. Tous parlaient en sindarin, que seule Vif ne comprenait pas... Mais Drilun, à ses côtés, traduisait discrètement au fur et à mesure. Tous deux ne pouvaient prendre la parole, pas plus qu'Helvorn et Geralt : ils devaient attendre que quelqu'un d'autre du conseil les invite à parler pour cela. Et Vif pouvait s'exprimer en ouistrain, malgré les froncements de sourcils de certains, et ses interlocuteurs prenaient la peine de s'adresser à elle en ouistrain, également.

Le roi expliqua que divers événements exceptionnels venaient de se produire, pour lesquels il devait prendre des décisions importantes dans l'intérêt du royaume. Aussi avait-il réuni cette assemblée pour pouvoir l'éclairer sur ces événements et lui soumettre points de vue et solutions envisageables. Certains points étaient spéciaux et d'une grande importance, ce qui nécessitait un conseil privé et non une cour publique. Il était évident que ce qui allait se dire là ne devait pas être répété devant toutes les oreilles, mais être considéré comme secret d'état.

A peine cette introduction terminée, Ferenariel Tarma, dont les aventuriers avaient déjà remarqué la langue acérée à leur égard, ouvrit les hostilités. Vu l'importance de ce qui allait être dit ici, et qui tenait à la sécurité du royaume, elle ne comprenait pas que le conseil soit ouvert à autant de monde, et surtout à autant de personnes douteuses. Certaines ne faisaient pas partie du royaume et n'avaient même aucun lien précis avec l'Arthedain.

Elle nomma très précisément Narmegil, considérant que son inexpérience et sa valeur au combat plutôt qu'en cour en faisait un très mauvais représentant des familles nobles mineures. Elle émit de sérieuses réserves sur la justesse de ses décisions, sous-entendant de manière à peine voilée son parti-pris pour les semi-hommes, tout en avouant sa satisfaction à constater qu'il n'en avait pas amené un comme la fois précédente (il était vrai qu'il avait eu un grand succès, alors). Elle suggérait donc de lui faire quitter le conseil, pour éventuellement le remplacer par une personne plus appropriée au besoin.

Mais ce n'était pas tout : pour appuyer ses dires, elle évoqua le passé trouble de certains des aventuriers ou leur totale inadéquation avec les lieux et personnes présentes. Drilun fut le premier visé : il était Dunéen, gens connus pour leur côté bagarreur et leur haine des Dúnedain, et elle suggéra qu'il avait été vu en bien mauvaise compagnie par le passé. Mais Geralt ne valait guère mieux, lui qui était originaire de Tharbad, connue pour n'être guère plus qu'une ville de voleurs et de bandits. Quant à Vif, que pouvait donc bien faire là une paysanne du Rhovanion, qui ne parlait même pas leur langue, de surcroît ?

Narmegil, très noble et maître de lui, défendit ses qualités et celles de ses amis. Il fut bien soutenu par son épouse et par d'autres de ses amis qui pouvaient prendre la parole. Mais les principaux soutiens vinrent d'Elindiel de Siragalë tout d'abord, et de Mithrandir ensuite. La première fit remarquer que Drilun était le plus elfique des Dunéens qu'elle connaissait et qu'il avait peut-être bien plus de choses à apprendre aux Tarmas que le contraire. Quant à Gandalf, il se contenta de dire que le roi avait déjà pensé à tout cela, et que s'il avait voulu la présence de ces personnes ici, c'est qu'elles avaient toutes des éléments importants à apporter au conseil. En douter, c'était douter du roi, et dans ce cas Ferenariel était libre de quitter les lieux...

Cette dernière remarque mit fin au débat, avec des éclairs dans les yeux pour certains (les Tarma et Methilir Eketta) et des sourires aux lèvres pour d'autres, dont le roi. Qui invita chacun à se présenter, puisqu'il semblait que tous ne se connaissaient pas bien et donc ne percevaient peut-être pas l'intérêt de la présence de certains. Ils se présentèrent alors brièvement, nobles compris. Puis le roi invita divers membres à prendre la parole et à rappeler ou exposer divers faits.

8 - Nouvelles du front
Le premier à parler fut Helvorn lui-même. A la demande du roi, il décrivit les circonstances de l'enlèvement de son grand-oncle Tarcandil, qui venait voir ce manoir Bar Edhelas dont son petit-fils Narmegil avait reçu la charge afin de sécuriser et d'aider à développer la région. Il était parti avec deux serviteurs, et ils avaient sans doute été surpris à la nuit, alors qu'ils campaient sur la Grande Route de l'Est, au nord des Galgals. Helvorn décrivit aussi les recherches menées par Meneldir, capitaine de Bree, et l'aide des gardes de Pelendur.

Ce dernier prit ensuite la parole. Après divers contacts toujours très bons avec l'Arthedain, et malgré le manque de moyens (la Peste, la surveillance des Galgals...), il finit par envoyer ses hommes sur la piste des ravisseurs, déjà un peu froide. Mais après de nombreux jours, ses hommes finirent enfin par trouver une piste, et il semblait bien que Tarcandil et ses ravisseurs se terraient toujours en Tyrn Gorthad, sur ses terres. Mais le mauvais temps coupa tout contact avec ses gardes.

Là-dessus, l'armée du Rhudaur réduisit Andrath en cendres, et elle passa par chez lui pour le retour, occasionnant divers dégâts également. Par la suite, les traces des gardes partis en enquête furent retrouvées : ils avaient été massacrés, par l'armée sans doute, même s'il n'était pas impossible qu'il en fut autrement. Plus personne ne pouvait donc savoir ce qu'ils avaient trouvé. Et Pelendur n'avait plus les moyens d'organiser des recherches, il n'était même pas sûr que sa baronnie lui survive : vu ce qu'il en restait, et la fuite régulière de ses habitants pour l'Arthedain ou le sud, il ne se faisait guère d'illusion.

Puis le roi passa la parole à Marl Tarma, le nouveau capitaine en chef des rôdeurs d'Arthedain. Ce dernier parla d'opérations et de conflits à la frontière avec Angmar, conflits dans lesquels le précédent capitaine était mort. Sentant une soudaine désorganisation et diverses opportunités, il lança les rôdeurs dans des opérations audacieuses qui remportèrent toutes un très grand succès, et la zone de combat put être repoussée vers Angmar sur une bonne distance, et de nombreux orcs et autres ennemis furent tués. A une très grande majorité, les rôdeurs l'élurent leur nouveau chef.

Ce fut ensuite le tour d'Arleg, qui parla de sa mission et des armées d'Angmar, relativement peu affectées par la Peste. Il décrivit ensuite son arrivée à Barad Eldanar, la découverte des chetmíg enchantés, la sorcellerie d'Angmar... et l'arrivée des aventuriers, qui allait perturber cette belle organisation. Il confirma indirectement ce que certains suggéraient, à savoir que les réussites des rôdeurs étaient sans doute liées au dérangement causé par Narmegil et ses amis. Ce qui n'enlevait rien au mérite de Marl Tarma qui avait su en profiter.

Le seigneur Eldanar eut enfin droit à la parole, et il détailla leurs aventures à Barad Eldanar et surtout dans le Rhudaur. La destruction de la montagne enchantée avec le combat contre un dragon (attesté par Niemal qui avait vu la peau fraîchement découpée) en était le clou, et il passa plus vite sur le reste. Suite à l'insistance sur roi, il parla de l'aide des Hommes des Collines, mais il resta assez vague sur le rôle de Vif, en dehors du fait qu'elle semblait utiliser une magie pour communiquer avec les félins.

Le détail de ces aventures rencontra parfois un peu de scepticisme, mais des personnes comme Niemal ou Mithrandir appuyèrent les récits de Narmegil, confirmant les capacités exceptionnelles - magiques en particulier - du groupe. En revanche, Ferenariel Tarma pointa sans mal que l'équipe avait reçu l'aide des Hommes des Collines, qui étaient leurs ennemis et qui avaient réduit la ville d'Andrath à l'état de ruines. Là encore, elle trouvait les choix et amitiés de Narmegil et ses amis plus que discutables...

9 - Visions d'avenir
Gandalf prit ensuite la parole, afin de mettre certaines choses au point. Malgré toute la force et la motivation de l'Arthedain, le combat essentiel ne se règlerait pas que par les armes : spectres des Galgals, loup-garou à Bree, hivers rigoureux, chetmíg enchantés, et maintenant infiltration et influence grandissante des sorciers d'Angmar à Tharbad voire ailleurs. Angmar utilisait ses hommes et sa magie pour saper le moral d'Arthedain et de ses alliés et pour les pousser les uns contre les autres. Et c'est ce combat-là qu'il ne fallait pas sous-estimer, et pour lequel les aventuriers représentaient de très bons alliés, y compris la "paysanne du Rhovanion".

Ferenariel Tarma en profita pour remettre sur le devant de la scène sa vision des choses : une campagne totale contre Angmar, avec l'appui des elfes et du Gondor, sans attendre qu'Angmar prenne les devants et les affaiblisse trop. Mais le magicien gris se montra sceptique, selon lui la victoire ne pourrait se faire ainsi, même si les forces armées avaient leur rôle à jouer. Mais le temps du débat n'était pas encore venu, et le roi profita de cet échange sur l'avenir pour donner la parole aux voyants d'Arthedain.

Tullam, l'aîné des voyants et leur chef, parla alors des nombreuses visions qu'ils avaient eu concernant leur avenir, à travers les pierres de vue, ou palantíri. Il ne pouvait mentionner tout ce que lui et les autres voyants avaient vu, qui ne se produirait peut-être jamais. Mais certaines visions, récemment, se faisaient insistantes et ne pouvaient être écartées, ou leur importance mise en doute. Et en premier lieu, il était clair que l'Arthedain ne pourrait vaincre Angmar seul. Et les armes seules ne suffiraient pas.

Mais ce n'était pas tout. Dans le combat contre Angmar, la famille Eldanar semblait prendre de plus en plus de place, elle représentait même une sacrée épine dans le pied de leurs ennemis. Mieux encore, l'enfant que portait Isis occupait une place de choix : symbole de l'union des elfes et des hommes, de la magie et du combat, héritier d'une ancienne lignée, son destin pourrait être exceptionnel. S'il voyait le jour et atteignait l'âge adulte, lui ou un de ses descendants verrait la fin d'Angmar et du roi-sorcier. Mais si cela se savait, il serait en grand danger car les forces du mal n'auraient de cesse de le détruire !

Mais ce n'était pas tout. Dans les pierres de vue, les divers compagnons de Narmegil, en plus de lui-même, apparaissaient régulièrement. C'étaient manifestement des compagnons fidèles, très capables, et dignes de confiance. Mais deux d'entre eux étaient à part. Sîralassë tout d'abord : il représentait non seulement un très grand potentiel, tant en termes de combat que de magie, mais aussi une menace potentielle très forte, même si elle n'affecterait l'Arthedain qu'indirectement. Elle semblait plutôt tournée contre les elfes en général. Cette menace restait lointaine, mais bien réelle et imprévisible.

Mais il y avait encore pire : Vif. Peut-être la plus grande menace de toutes, comme le plus grand potentiel, reposaient sur ou auprès de sa personne. Elle semblait l'objet d'un conflit entre trois grandes forces, une blanche, une grise et une noire. Selon laquelle prendrait le dessus, le cours des choses pouvait être radicalement changé. Dans certaines visions elle sauvait l'enfant d'Isis et de Narmegil, alors que dans d'autres c'est elle qui le tuait. Pour l'instant rien ne permettait de dire quel côté l'emporterait. En revanche, les trois forces étaient à présent sur elle et elles allaient très vite se déchaîner.
Modifié en dernier par Niemal le 12 octobre 2010, 21:51, modifié 1 fois.
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Tharbad - 2ème partie : en remontant la piste

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1 - Nouvelles passes d'armes : Sîralassë
Le silence qui suivit les paroles du chef des voyants, Tullam, fut bientôt interrompu par Ferenariel Tarma. Sur un ton poli mais parfois plein de sous-entendus, elle se réjouissait d'apprendre que l'Arthedain avait l'aide de si grands magiciens. Mais elle pointa vite du doigt le fait que les alliés devaient en savoir le plus possible sur les capacités et faiblesses des uns et des autres. En s'adressant directement au soigneur du groupe, elle lui demanda plus de détails sur ses dons mais aussi sur le danger qu'il pouvait représenter. Par ailleurs, s'agissant d'un si grand guérisseur, elle suggéra aussi qu'il fasse usage de ses dons auprès des guerriers qui bataillaient contre Angmar, plutôt qu'auprès des hobbits qui n'avaient guère l'usage d'un tel pouvoir et qui avaient leurs propres soigneurs, bien à même de les satisfaire.

Sîralassë prit alors la parole pour rassurer sur le fait que son problème ne concernait pas l'Arthedain et qu'il était bien géré. Quant à ses capacités, tout en prévenant qu'elles n'étaient pas encore à la hauteur de ses pairs du 1er âge du monde, il assura qu'elles étaient très étendues. En fait, en plus d'avoir bénéficié de l'enseignement d'Elrond, il assura qu'il disposait d'un pouvoir qui dépassait même celui du maître d'Imladris. Par ailleurs, il ajouta qu'il s'occuperait des guerriers d'Arthedain avec plaisir, si ses pas venaient à l'amener parmi eux.

La réaction de la grande dame des Tarmas fut rapide voire agressive. Elle fit part de son incrédulité en ce qui concernait un tel pouvoir surpassant même celui de maître Elrond. Et elle pointa différents propos de l'elfe, jugeant qu'il avait pris de grands airs et qu'il parlait comme un adolescent inexpérimenté ne sachant pas à qui il s'adressait. Dans tous les cas, elle ne se sentait nullement portée à accorder sa confiance au Noldo. Niemal intervint ensuite pour tempérer les propos de Sîralassë, rassurer aussi, et donner quelques précisions de la bouche même de son maître de Fondcombe. Mithrandir termina en prévenant Ferenariel de ne pas se tromper d'ennemi et de ne pas sous-estimer l'importance de chacun, hobbits compris.

Après de nouvelles interventions de Narmegil et Sîralassë, la dame Tarma mit de l'eau dans son vin concernant les hobbits, mais repartit à la charge concernant les prétentions du soigneur noldo. Elle se moqua même un peu de lui et de ses grands airs, ce qui fit sortir Elindiel de son silence. La reine de Siragalë - dont la Comté fait partie - jugea les manœuvres de Ferenariel puériles et contre-productives. Comme d'autres, elle rappela qu'il fallait aider Sîralassë à exprimer son potentiel, plutôt que de le ridiculiser.

En aparté, Niemal apporta aussi quelques éléments au soigneur noldo, qui lui firent prendre conscience de certaines de ses erreurs. Il reprit alors la parole et tenta de justifier certains de ses propos erronés par une pirouette, mais son interlocutrice ne s'estima pas dupe. Néanmoins, le débat glissa sur des considérations plus terre-à-terre, sur des actions plus concrètes à entreprendre. Sîralassë n'entra pas trop dans les détails, mais il souligna son rôle au sein de l'équipe d'aventuriers, et en particulier auprès de Vif, l'invitant à prendre la parole.

2 - Vif la "paysanne"
La femme des bois et principale éclaireuse du groupe prit donc la parole. Elle rappela entre autres qu'elle avait eu pour mentor Radagast le magicien, qui l'avait jugée apte à se débrouiller seule. Elle s'en tenait fermement à son principal conseil, qui était de faire ses propres choix sans trop se laisser influencer par d'autres. Elle était attachée à ses amis, ce qui était sa plus grande protection et sa meilleure motivation pour continuer à servir les peuples libres.

Ferenariel Tarma prit encore une fois la parole, et évoqua le manque d'information concernant le peuple de Vif, qui vivait si loin de l'Arthedain, et elle demanda des précisions. Mais elle semblait s'être quand même renseignée, car elle pointa le côté rustique et très centré sur lui-même de son peuple, sans parler de sa proximité avec les sbires du Nécromancien. La femme des bois rappela tout de même que les siens avaient pour amis les elfes des bois du royaume de Thranduil, entre autres. Et la proximité du Dol Guldur était un entraînement permanent à combattre les créatures du mal.

Mais la dame des Tarmas passa au sujet de la magie de la "paysanne" : magie inconnue, donc danger potentiel. Elle attendait d'en savoir plus, et posa la question de sa maîtrise : que se passerait-il en cas de problème ? Qui pouvait garantir que tout danger serait écarté ? Elle évoqua des risques minimisés en restreignant la liberté de Vif (prison), ou alors de lui trouver un chaperon. Et elle n'était pas sûr que Narmegil ait bien toutes les capacités... Elle posa aussi des questions concernant les trois forces à l'œuvre, noire, grise et blanche.

Plusieurs personnes intervinrent : si Marl Tarma trouvait que les capacités de Vif seraient un plus chez les rôdeurs, il pointa le fait qu'en temps de guerre, il fallait savoir obéir aux ordres et ne pas avoir d'initiatives qui pourraient gêner les alliés. Mais Elindiel rappela que même sans se maîtriser, la femme des bois avait toujours défendu ses amis. D'après son expérience, elle avait un gros potentiel, ayant même réussi à esquiver la flèche d'un très bon archer. D'une certaine manière, Vif représentait l'ambassadrice des animaux.

La reine Liriel fit part aussi de sa sympathie : la simplicité de la rôdeuse manquait aux Dúnedain et les forçait à remettre certaines de leurs habitudes en question. De plus, d'après ce qu'elle avait pu apprendre, avec ou sans maîtrise, elle serait toujours opposée au loup-garou venu du sud et actuellement en Rhudaur ou Angmar. Et c'est elle qui avait réussi à arrêter un loup-garou près de Bree.

Mithrandir prit alors la parole pour apporter des précisions. La force blanche ? Nulle autre que les Istari, qui veillaient sur elle ainsi que d'autres, comme Tina la Blanche, autre aventurière déjà passée ici. La force noire ? Les sbires d'Angmar et du Nécromancien, qui allaient bientôt se déchaîner contre elle. Ce qui les forcerait à se dévoiler, et donc serait très bénéfique pour qui voulait lutter contre eux. Quant à la force grise, il s'agissait d'un esprit très ancien, Tevildo, prince des chats, ancien lieutenant de Morgoth. Mais il était totalement indépendant et ne représentait pas une menace pour l'Arthedain - pour l'instant. Les Istari ne l'oubliaient pas, mais il n'y avait pas urgence.

3 - Le passé rattrape Drilun
Après Vif, Ferenariel Tarma s'attaqua au Dunéen du groupe, mais pas directement. Elle commença par lui demander confirmation de la manière dont fonctionnaient les gens de son peuple : attachés à l'honneur, fonctionnement en réseau, en "clans", avec une grande importance des dettes d'honneur et d'amitié. Avec en corollaire, le fait qu'un paria était rejeté par toute la société dunéenne, il devenait un exilé... comme Drilun... en apparence au moins.

C'est ensuite Methilir Eketta qui prit la parole. La maison Eketta était une maison de tradition martiale, dont le nom correspondait à celui de l'épée courte des Dúnedain, l'eket. Traditionnellement, les maisons Tarma et Eketta étaient toujours alliées et les plus agressives militairement parlant. Methilir était assez jeune, et on le disait autant guerrier qu'érudit, et il manifestait beaucoup d'intérêt pour les palantíri. C'est d'ailleurs au chef des voyants qu'il s'adressa.

Manifestement bien informé par des amis chez les voyants, le jeune chef de la maison Eketta demanda donc à Tullam de lui confirmer diverses choses. Par exemple, que récemment l'archer dunéen avait été l'apprenti d'un shaman dunéen, afin d'élaborer un rituel de magie noire nécessaire à la convocation d'un démon. Rituel auquel avaient participé Narmegil et ses amis, avec différents ingrédients tels que du sang, du feu... Tout cela fut donc bien confirmé.

C'est alors que Ferenariel Tarma fut à nouveau le centre de l'attention. Elle conclut des précédents propos que Drilun n'apprenait pas que la magie elfique, mais aussi la magie noire, et qu'il avait toujours des contacts chez les Dunéens. Les Dúnedain pouvaient-ils se compromettre avec de telles personnes, pouvaient-ils utiliser les armes de l'ennemi contre lui ? Les shamen dunéens avaient peut-être participé à la conjuration des spectres des Galgals. Qui sait, peut-être qu'un jour, le Dunéen de l'équipe invoquerait-il spectres et démons pour combattre Angmar ?

La dame Tarma acheva sa plaidoirie en disant que l'Arthedain ne pouvait se compromettre de telle manière, et que Narmegil et ses compagnons étaient des irresponsables à utiliser pareils moyens. Peut-être que Drilun voulait bien faire, mais sans le savoir il était le jouet des sorciers et il finirait par en payer le prix. Sans même parler de son passé de voleur et de son habilité à jouer des mots, qui pour elle le rendaient encore moins digne de confiance.

La cible de cette attaque rappela que sans cette magie, les conflits auraient fait de nombreuses victimes, sans même parler des manœuvres dont les Tarmas s'étaient rendu coupables. L'archer fut soutenu par ses amis, mais une autre personne intervint en sa faveur : Mithrandir précisa en effet qu'il observait non loin lorsque les événements s'étaient déroulés. Et Drilun n'avait aucunement utilisé la magie noire : il s'était servi de la magie enseignée par les elfes, afin d'arriver au même résultat avec les éléments nouveaux apportés par le shaman dunéen. Il avait transformé un mal en un bien, et permis d'effacer un puissant esprit du conflit de la surface du monde.

4 - Un assassin qui veut du bien ?
La cible suivante de Ferenariel Tarma ne fut nul autre que Geralt. Sans prendre de gants, la noble dame l'accusa d'être un assassin à la solde des pires guildes de Tharbad, selon ses informateurs. Selon elle, la volte-face de cet individu, son "repentir", tout cela n'était qu'une façade destinée à endormir les bien trop crédules personnes qu'étaient Narmegil et ses amis. Elle avançait divers arguments qui montraient à quel point elle était bien renseignée...

Ainsi, concernant l'enlèvement du grand-père de Narmegil, elle notait que cela s'était passé alors que l'équipe était absente, au loin. Sans oublier que Geralt avait longuement parlé avec Tarcandil avant cela, comme l'avait rapporté un des serviteurs de la maison Eldanar. L'assassin était le premier à esquiver les corvées, mais il était toujours auprès de son maître, en bon espion qu'il était. Que dire aussi de l'attaque du Rhudaur, intervenue peu après le retour de l'équipe sur place ? Ferenariel constatait aussi qu'il avait la langue leste et habile, facile à convaincre un Narmegil confiant et trop naïf. Bref, pour elle, cet homme était en fait à la solde d'Angmar !

Methilir Eketta en rajouta une couche, tout en nuançant les paroles de son aînée : après tout, peut-être Geralt essayait-il vraiment de faire amende honorable pour ses erreurs passées ? Mais dans tous les cas il avait un comportement de larbin, sans grande volonté. Il semblait aimer le confort et les richesses, et le Dúnadan en déduisait qu'il devait être facile à corrompre. Enfin, ne devait-il pas être jugé pour ses torts passés ? L'Arthedain pouvait-il s'associer à des assassins ou des voleurs (avec sous-entendu adressé à Drilun) ?

L'intéressé n'eut pas à ouvrir la bouche, d'autant qu'il n'avait pas la parole et que personne ne la lui avait donnée - ce qui l'arrangeait parfaitement. Ses amis le défendirent, rappelant que pour un amoureux du confort il avait tout de même abattu un dragon, et que peut-être peu de gens ici présents pouvaient se vanter d'avoir fait autant que Geralt... Et Narmegil invita l'assemblée à demander ce qu'il en pensait à Niemal, qui avait le pouvoir de lire dans les cœurs et dans les esprits, et qui avait eu plus d'une fois l'occasion de le faire...

L'elfe confirma effectivement avoir vérifié, à la demande de Mithrandir, que l'homme ne représentait aucune menace. En vérité, sa flemme n'était nullement une façade mais bien un trait de caractère profondément ancré en lui. Il avait tué par le passé car il n'avait eu d'autre choix que de tuer ou d'être tué, n'ayant pas eu d'autre "famille" que la guilde des assassins. Mais à présent il tenait à ses amis et en particulier à Sîralassë. Et sa volonté s'affermissait avec le temps, il n'était plus du tout si facile que cela à influencer.

Mais Niemal poursuivit en disant à Ferenariel Tarma qu'elle devait se méfier de ses sources, qui pouvaient - volontairement ou non - être amenées à la tromper. Que peut-être elle avait de bonnes raisons d'avoir peur, mais qu'elle ne consacrait pas son énergie là où il fallait. Un bref instant, alors qu'il disait cela, une brève lueur d'inquiétude fut visible dans les yeux de la grande dame, pour la plupart des gens présents, ainsi que dans les yeux de Marl Tarma et de Methilir Eketta. D'autres personnes de l'assistance, en revanche, eurent l'air très intéressées, et d'autres encore - dont Halmir Eketta, capitaine de la garde royale - restèrent parfaitement impassibles.

Un bref moment, les trois premières personnes concernées semblaient avoir eu peur de ce que l'elfe de la maison d'Elrond avait peut-être pu lire dans leurs pensées... Après quoi ces personnes se montrèrent bien moins agressives, et le conseil se poursuivit de manière bien plus constructive. Souvent Mithrandir et Niemal chuchotèrent entre eux, mais la seule à même de pouvoir entendre ce qu'ils disaient ne comprenait pas le sindarin qu'ils utilisaient...

5 - Décisions et discussions
Durant le reste du conseil, Narmegil s'évertua à défendre les petites maisons nobles qui étaient venues le voir pour lui confier leurs problèmes. Il se tira fort bien de sa tâche, et les membres les plus perceptifs de l'équipe purent voir leur ami ou époux monter dans l'estime de ses pairs. Le grand Dúnadan faisait honneur à son grand-père Tarcandil, et son image de jeune guerrier impétueux cédait la place pour quelqu'un de bien plus respectable, et avec qui il fallait compter.

Concrètement, si les familles Tarma et Eketta poussaient à une vaste campagne militaire contre Angmar, avec l'aide de Gondor et des elfes, la plupart des maisons nobles soutenaient le roi. Ce dernier décida, comme par le passé, d'adopter une posture défensive en espérant des jours meilleurs. Dans la situation actuelle, prendre l'offensive comportait bien trop de risques, et Arleg l'espion avait pointé qu'Angmar avait moins souffert de la peste que l'Arthedain. En particulier, le royaume manquait de chevaux pour faire face aux cavaliers d'Angmar.

A la fin du conseil, Narmegil parla au roi de l'officialisation de leur union, à Isis et lui : en bref, ils souhaitaient être mariés selon les coutumes de l'Arthedain. Le roi lui répondit qu'ils avaient déjà été mariés selon les usages des elfes, ce qui a ses yeux était amplement suffisant. Mais néanmoins, en tant que représentant des Valar et d'Eru, il pouvait leur apporter sa bénédiction... ce qu'il fit sur-le-champ, en présence des membres du conseil. Et tous se sentirent bientôt traversés par une vague de confiance de d'allégresse...

Narmegil s'attacha aussi à établir des contacts constructifs, même avec les Tarmas, assurant à tous qu'il ne ferait rien d'autre qui ne bénéficierait pas à l'Arthedain. Ainsi, concernant le manque de chevaux, il précisa bien que son élevage servirait avant tout aux armées du royaume. Mais un petit sourire et une allusion de Ferenariel Tarma l'inquiéta brusquement, et il regretta que personne de compétent ne fût resté à Bar Edhelas. D'autres que lui perçurent cela, et à la sortie du conseil, il demanda à son cousin Helvorn de prendre son excellent cheval noir et de rentrer au plus vite. Dans l'après-midi, le rôdeur partit au galop en direction de la Comté.

Ce qui faisait une monture de qualité en moins, et posait problème, d'autant que le baron de Tyrn Gorthad (nord du Cardolan), Pelendur, avait invité Narmegil et ses amis à descendre ensemble vers le sud et jusque chez lui éventuellement. Le noble cavalier alla marchander en soirée - après de nombreuses visites des petites maisons nobles - une partie des bijoux récupérés sur le dragon, afin de pouvoir acheter, sans doute à prix d'or, une nouvelle monture. Mais pendant ce temps, la maison Eldanar recevait de la maison Noirin un cadeau de trois chevaux de qualité. Cette maison, traditionnellement opposée aux Tarmas, avait beaucoup aimé le comportement de Narmegil et de ses amis au conseil, et des promesses d'aide avaient été prononcés ; dont l'envoi de quelques formateurs militaires à Bar Edhelas...

La soirée vit aussi la visite de Mithrandir et Niemal, venus à la demande de certains comme Drilun, mais aussi pour apporter nouvelles et conseils. Si certains parlèrent magie, d'autres se concentrèrent sur la politique. En particulier, les maison Tarma et Eketta semblaient mal influencées et pourraient être en train de montrer un projet douteux. Y avait-il plus que des rêves, dans les pensées d'accéder au trône du royaume chez Marl Tarma, ou de devenir chef des armées pour Methilir Eketta ?

Mais il y avait plus urgent encore : selon Mithrandir, les sorciers d'Angmar étendaient leur influence sur Tharbad et il fallait se méfier. Par ailleurs, la tête de Vif venait d'être mise à prix, selon ses dernières informations, et cela allait se savoir vite dans tout le pays. Le magicien donna à Narmegil et ses amis le nom d'un contact à Tharbad, Dirhavel l'alchimiste. Une personne de confiance, un Dúnadan, qui connaissait la ville et saurait éventuellement relayer des messages et apporter un peu d'aide.

6 - Message et vol de chevaux
Le lendemain, l'équipe fut prête et se joignit à Pelendur et ses hommes pour un trajet sur le Chemin Vert, appelé ainsi car il était bordé d'arbres. Au bout de deux jours, la petite troupe arriva à Bree sans incident notable, et sans chute de selle malheureuse, grâce aux efforts du Dunéen pour ne pas être ridicule. Tant de beau monde à l'auberge attira la foule, mais les yeux et oreilles les plus exercés de l'équipe ne repérèrent aucun espion manifeste.

En revanche, un des gardes de Bar Edhelas arriva peu après la tombée de la nuit. Il avait de mauvaises nouvelles à donner qui provenaient de Tumulus et dataient de quatre jours. Avec un autre garde ils s'étaient mis en route à la demande de l'intendante, à pied, mais ils avaient rencontré Helvorn à la hauteur de la Vieille Forêt, sur la Route de l'Est. Le cousin de Narmegil avait pris un garde avec lui et il avait recommandé à l'autre de continuer jusqu'à Bree pour prévenir Narmegil et ses amis, et lui remettre un message.

Mais l'homme commença par la mauvaise nouvelle : une nuit, des bandits dunéens avaient attaqué l'élevage de chevaux près d'Oatbarton/Tumulus, tuant une demi-douzaine de hobbits et emportant tous les chevaux avec eux. Mais quelques hobbits survivants les avaient entendu s'interpeler bruyamment dans leur langue, et certains hobbits comprirent ce qu'ils se disaient : les Dunéens se félicitaient des informations données par Drilun Vanherg, grâce auxquelles leur opération était couronnée de succès.

Les nouvelles s'étaient rapidement répandues parmi les hobbits, et certains se souvinrent vite que Drilun avait fait partie d'une bande de brigands avant de rejoindre Narmegil et ses compagnons. La rumeur enfla qu'il n'avait jamais cessé d'être un bandit dunéen, et qu'on ne le reverrait sans doute pas de sitôt, et dans le cas contraire... L'intendante de Bar Edhelas soupçonna une manœuvre ourdie par des ennemis de Drilun ou Narmegil, et elle se prépara à envoyer deux gardes pour prévenir l'équipe avant qu'elle ne rentre au manoir. Mais avant leur départ, elle reçue une missive à l'attention de Narmegil, un parchemin remis par un hobbit qui l'avait lui-même reçu de deux voyageurs pressés.

Le parchemin n'était rien de moins que la demande de rançon pour le grand-père de Narmegil. Etaient-ce les mêmes personnes qui avaient volé les chevaux, ou bien s'agissait-il uniquement du fruit du hasard ? Impossible de le dire à ce stade. L'écriture était assez grossière, et les mots étaient les suivants, en ouistrain :
Pour savoir où est Tarcandil, amenez 1000 pièces d'or à la guilde des commerçants de Tharbad. L'or doit être amené par Isis et Geralt, seuls et sans armes.
Si l'un des deux manque, comptez 2000 PO
Si les deux manquent, ou s'ils sont accompagnés, prévoyez au moins 3000 PO
Tarcandil est bien vivant, mais peut-être pas pour longtemps. Croyez-nous ou pas, mais si vous tenez à lui, n'attendez pas trop.
N'essayez pas de jouer au plus malin ou au plus fort, et n'essayez pas non plus de tours d'elfes ou trucs de ce genre. Vous ne reverriez jamais le chef de la maison Eldanar.
L'or et le sang-froid sont vos meilleurs amis.
La rapidité en prime.

7 - Tyrn Gorthad
Après avoir remercié le garde, l'équipe tint conseil, avec la participation de Pelendur. Fallait-il retourner à Tumulus et essayer de tirer cette affaire au clair ? Mais Helvorn y était déjà sans doute, et la piste de Tarcandil risquait de refroidir. Il fallait deux jours - un en chevauchant vite - pour atteindre Minas Malloth, le manoir fortifié de Pelendur. Il se proposait d'accueillir Narmegil et ses compagnons, et il mettrait à leur disposition une patrouille qui les emmènerait là où les dernières traces des bandits avaient été relevées. Et il pourrait s'occuper des chevaux pendant ce temps.

Au final, la décision fut prise d'accepter l'offre du baron du Cardolan. Certains auraient préférer aller droit sur Tharbad, mais la possibilité de trouver une piste ou information intéressante fut la plus forte, d'autant que l'endroit à fouiller était plus ou moins en direction de la capitale du Cardolan. Le voyage vers Tharbad ne serait pas trop retardé ainsi, et l'aide de Pelendur était loin d'être négligeable. La nuit se passa sans incident, et la troupe repartit tôt le lendemain, tandis que le garde de Bar Edhelas repartait avec des nouvelles et consignes sur un poney acheté à l'aller.

Le Route de l'Est fut prise au petit galop, avant de prendre un chemin vers le sud - Minas Malloth était au sud-est de Bree, dans les Tyrn Gorthad ("Hauts des Galgals"), qui englobaient aussi les Galgals à leur extrémité ouest, et une partie des Tyrn Hyarmen à l’est. Depuis l'attaque d'Angmar en 1409, la région s'était fortement dépeuplée. Après la peste des années précédentes et maintenant l'attaque du Rhudaur, les derniers habitants fuyaient vers le sud ou l'Arthedain, et Pelendur voyait sa baronnie se transformer en désert. Il ne restait plus guère que quelques rares villages encore habités, et des ruines un peu partout. Même avec l'aide d'Arthedain, le seigneur dúnadan ne voyait plus comment assurer la sécurité sur ses terres et s'opposer aux éventuels brigands ou corps d'armées.

Minas Malloth fut atteint le soir, après une journée passée sous un soleil splendide qui avait facilité le voyage. Il n'y avait plus de neige comme du côté de Fornost, et tous avaient chevauché sans mal. Mais dans la nuit, le temps changea complètement, et au matin le réveil se fit sous une violente tempête de neige. L'équipe fut bloquée au manoir de Pelendur pendant huit jours. La petite accalmie du milieu avait montré un paysage recouvert d'une neige épaisse, et le ciel s'était couvert à nouveau. Il fallut attendre un chaud soleil qui commença à faire fondre toute cette blancheur, laissant mal augurer de la future recherche de traces.

Pelendur mit une équipe d'une demi-douzaine d'hommes à la disposition de Narmegil. Avant de les laisser partir, il leur confia un ou deux noms de personnes susceptibles de les aider à Tharbad, comme sa sœur jumelle Pelenwen, qui occupait fréquemment leur maison de la capitale. Puis ils furent partis, menés par les hommes du baron. Ces derniers les amenèrent, au deuxième jour, là où ils avaient découvert les corps de leurs compagnons, un mois auparavant.

L'équipe chargée de l'enquête avait longtemps piétiné, mais elle semblait avoir trouvé quelque chose et le dernier rapport faisait état d'un espoir, d'un "fort soupçon" à vérifier. Mais il n'y eut plus jamais rien d'autre. L'armée du Rhudaur avait croisé les enquêteurs en remontant vers le nord-est, et les hommes du baron étaient tous morts. Plus tard, les hommes partis à leur recherche avaient trouvé les traces de l'armée, et sur son sillage, les corps de leurs anciens compagnons. De leur enquête, il ne restait plus rien. C'est là que Narmegil et ses amis furent menés.

8 - Enquête
Malgré toute la neige qui était tombée et qui finissait de fondre, il n'était pas bien difficile de repérer les traces de l'armée du Rhudaur qui était passée par là, un mois auparavant. Les estimations faisaient état de plusieurs milliers d'hommes qui avaient réduit la ville d'Andrath en ruines. Mais il n'y avait a priori aucun rapport entre l'armée du Rhudaur et les bandits qui avaient enlevé le grand-père de Narmegil. Fallait-il suivre la piste de l'armée pour autant ? Mais si la piste des enquêteurs arrivait jusque là, peut-être celle de l'armée avait-elle aussi rencontré celle des bandits.

La route de l'armée fut donc suivie. La tâche était facile, mais aussi nauséabonde : l'armée avait avancé à marche forcée sous un temps particulièrement inhospitalier (froid et enneigé), et leurs prisonniers incapables de suivre le rythme étaient laissés à mourir - et pourrir - sur place. D'où de macabres découvertes, repérées en général d'assez loin, à l'odeur. Et les corps rencontrés étaient souvent ceux de femmes et d'enfants...

La journée était bien avancée et le soleil n'allait pas tarder à se coucher, lorsque les plus perceptifs aperçurent des ruines au loin, sur une colline, dans des fourrés. Isis, qui maîtrisait depuis peu la magie de la nature que Niemal lui avait enseignée, eut une bonne surprise en interrogeant un chevreuil. Ce dernier se souvenait avoir vu un grand humain avec des cheveux blancs, avec d'autres, s'installer dans les ruines non loin. Mais le chevreuil fit aussi part de très nombreux autres humains arrivés plus tard, et de départ. Il ne semblait y avoir plus personne là-bas, comme d'autres sorts le confirmèrent.

L'endroit fut investi avec précaution, mais effectivement il était vide. A l'exception de divers cadavres qui jonchaient les ruines et surtout les alentours. Et certains de ces corps sans vie n'étaient pas des femmes et des enfants, mais ils ressemblaient plutôt à des guerriers en fait. Vif, malgré leur état de décomposition, repéra même certaines blessures qui attestaient d'un combat. Certains avaient reçu des coups d'épée, et d'autres des flèches, dont les pointes faisaient vaguement penser, pour Drilun, à celles qu'il avait vues dans le Rhudaur.

A l'aide de quelques nouveaux sorts, le détail de ce qui s'était passé put être reconstitué : volontairement ou non, l'armée du Rhudaur était tombée sur l'abri des bandits où le grand-père de Narmegil était maintenu prisonnier. Un combat avait suivi, combat très inégal qui s'était révélé sans surprise : les bandits étaient morts en combattant ou en fuyant. Le corps de Tarcandil n'avait pas été retrouvé parmi les cadavres, on pouvait donc supposer qu'il était reparti avec l'armée du Rhudaur et les autres prisonniers de la ville d'Andrath.

Vu l'époque où cela s'était passé, les voleurs de Tharbad qui avaient envoyé le parchemin devaient certainement être au courant de tout cela. Ils avaient donc fait une demande de rançon alors qu'ils ne possédaient sans doute plus Tarcandil avec eux. Leur message indiquait d'ailleurs non pas une remise en liberté, mais une information sur l'endroit où se trouvait le Dúnadan enlevé. Fallait-il pour autant se précipiter à Tharbad et risquer Eru savait quoi afin d'obtenir de maigres renseignements chèrement payés ?

9 - Sur les traces de l'armée du Rhudaur
Les gardes du Cardolan furent renvoyés à Minas Malloth le lendemain, afin de donner des nouvelles. Dorénavant, l'équipe allait suivre les traces de l'armée du Rhudaur, sans doute jusque chez elle, pour retrouver Tarcandil et essayer de le délivrer. Malgré le rapport de forces, malgré l'hiver et la neige, malgré la distance et les dangers... et malgré l'état d'Isis. Cette décision ne s'était pas faite toute seule, et plusieurs auraient sans doute préféré aller à Tharbad. Mais pas Geralt ou Isis, qui se savaient attendus, pas Narmegil non plus, et Vif ne préférait-elle pas la nature et les forêts à la ville ?

La route fut reprise, en direction non du sud-est mais du nord-est cette fois. Pelendur avait remis des vivres aux aventuriers, ce qui leur évita de devoir trouver leur pitance par eux-mêmes au début. D'autant que les contrées qu'ils traversèrent étaient quasiment toutes désertes : les Tyrn Hyarmen étaient déjà bien dépeuplées, et hors des principales voies il n'y avait personne, surtout à cette saison. Et au-delà, la grande plaine qui séparait le Cardolan du Rhudaur était un no man's land que seules des armées empruntaient.

L'équipe se trouva à refaire un chemin qu'elle avait emprunté de longs mois auparavant, quand il s'était agi d'aller non loin de Barad Eldanar. Mais la voie prise ici était plus au sud et à l'est, et par conséquent les cavaliers d'Angmar ou les orcs étaient moins nombreux. Le temps restait clément, sans neige, bien qu'il se refroidissait au fur et à mesure que l'équipe progressait vers le nord. Une petite rivière passée à gué rappela, par ses eaux glaciales, à quel point la région du Rhudaur était inhospitalière, particulièrement en cette saison.

Mais les choses se compliquèrent là où l'armée du Rhudaur avait franchi la rivière Mitheithel (Fontgrise). C'était bien plus au nord que l'emplacement du Dernier Pont, sur la Route de l'Est. Le courant était bien trop fort et les eaux bien trop froides pour pouvoir passer à gué, même au cœur de l'hiver, où les eaux étaient les plus basses. Les Hommes des Collines avaient sans doute bénéficié de l'aide d'un village de l'autre côté de la rivière, village qui comportait un petit port et quelques embarcations. Mais il fallait faire sans, car aucune barque ne reposait de ce côté de la rivière.

C'est Vif qui partit en premier, avec une corde pour tendre entre les rives, à la nuit tombante. Si la rivière n'était pas très large, une trentaine de mètres tout au plus, le courant était fort et les eaux glaciales : rester trop longtemps dans l'eau pouvait être mortel, même pour des elfes. Mais la femme des bois, plutôt bonne nageuse, s'en sortit sans problème, et la corde aida ses compagnons à traverser sans mal. Ils durent ensuite se déshabiller dans les bois et faire un feu, en masquant les flammes, pour se sécher, eux et leurs vêtements. Et Sîralassë utilisa sa magie pour guérir rhumes et engelures.

10 - Les Fourrés aux Trolls
A partir de là, suivre les traces devenait un peu plus difficile. Plus l'armée s'enfonçait dans le Rhudaur, et en particulier les bois appelés les Fourrés aux Trolls, et plus le nombre de villages augmentait. L'armée avait dû aller de village en village pour se restaurer, s'abriter voire se soigner. Et l'équipe devait donc faire de plus en plus de détours pour suivre le chemin. Sans parler de trouver de la nourriture, les aventuriers n'étant pas de purs esprits, et leur départ de Minas Malloth remontant à plus de deux semaines !

Le terrain n'était pas le même, et il laissait moins de traces. Après tout ce temps, suivre la route de l'armée n'était pas trop difficile pour quelqu'un comme Vif, par ailleurs enchantée de se retrouver en forêt. Mais ce n'était pas une sinécure pour autant. Les sentiers pris par l'armée étaient plus ou moins régulièrement fréquentés, et les traces se mélangeaient de plus en plus à d'autres plus récentes. Et si jamais la neige se remettait à tomber...

Mais les Fourrés aux Trolls méritaient bien leur nom. Une nuit, alors que l'équipe dormait, veillée par Isis, Vif entendit au loin quelque chose qui la tira du sommeil, en haut de son arbre. Elle avertit son amie, en bas, qui bientôt entendit elle aussi des bruits dans les bois : quelque chose de gros était en train d'arriver dans leur direction, plusieurs en fait, et pas très discrets... des trolls ! Vite, tout le monde fut debout et équipé, dans l'obscurité presque totale. Tous entendaient à présent plusieurs trolls arriver dans leur direction, et au bruit qu'ils faisaient, Vif devina qu'ils se dirigeaient à l'odeur.

Bientôt, ce furent cinq trolls qui apparurent, et pas vraiment animés de bonnes intentions : se remplir la panse avec du pâté d'elfe ou d'humain... Isis avait fait un sort sur la rôdeuse pour atténuer son odeur, et la femme des bois se glissa silencieusement sur le côté. Drilun aussi avait fait le même sort sur lui, mais un troll, qui l'avait peut-être déjà repéré visuellement, se dirigea quand même dans sa direction. Les autres firent de la lumière, soit par magie (aura elfique) soit en allumant une lanterne, plus efficace pour y voir au fond des bois par une nuit presque sans lune.

La charge des trolls fut aussi effrayante que bruyante. Mais l'équipe se surprit par son efficacité : frappant bien avant les trolls, avec des armes de qualité, souvent magiques, les aventuriers empêchèrent les brutes de porter des coups et ils les affaiblirent rapidement, quand ils ne les tuèrent pas parfois d'un coup ou d'une flèche bien placés. En moins d'une minute, les cinq trolls gisaient par terre et ils ne mangeraient plus personne.

Mais le combat, ponctué de nombreux cris, avait été tout sauf discret. Quant à masquer ce qui s'était passé, il valait mieux ne même pas y penser. Les branches cassées par les monstres formaient un vrai boulevard, et leur sang, leurs tripes et le reste se verraient sans doute encore bien longtemps : les travaux d'enfouissement n'étant pas à l'ordre du jour (ou de la nuit), il fallait peut-être trouver un nouvel endroit pour dormir. Ne serait-ce que pour l'odeur...
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 17:52, modifié 4 fois.
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Tharbad - 3ème partie : les Hommes des Collines

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1 - Le voyage se complique
Au grand désespoir de Geralt, il fallut lever le camp en pleine nuit afin de s'éloigner du lieu du combat. Le chemin que l'armée puis le groupe avaient suivi fut laissé en arrière, le plus discrètement possible, tandis que Vif effaçait les traces de passage de son mieux. Au bout d'une heure la distance fut jugée suffisante, et un nouveau camp fut dressé dans les bois. Tous se recouchèrent, hormis les elfes qui s'étaient suffisamment reposés. Par ailleurs, tous comptaient beaucoup sur l'ouïe extrêmement fine de la Femme des Bois, qui s'était à nouveau fait pousser des oreilles félines. Et le reste de la nuit se passa sans problème.

Le réveil n'en fut que plus dur pour certains, et en particulier Narmegil : une neige fine tombait et elle avait tout recouvert d'un voile blanc, ce qui lui remémorait de bien mauvais souvenirs... Mais également, la rôdeuse du groupe entendit bientôt des voix de l'endroit où ils avaient mené combat pendant la nuit. Selon toute vraisemblance, les Hommes des Collines les plus proches avaient entendu quelque chose pendant la nuit, et une forte patrouille était venue enquêter dès les premières lueurs de l'aube. Ils ne retrouvèrent pas leurs traces, mais il convenait d'être prudent et discret.

Les aventuriers firent donc un large détour, silencieusement, afin de retrouver le chemin qu'ils suivaient depuis un moment. Puis ils continuèrent leur route, en espérant que la neige recouvrirait bien vite leurs traces bien nettes dans le manteau poudreux. L'œil et les oreilles aux aguets, la matinée avança, mais bientôt certaines oreilles de chat entendirent la course de quelques personnes derrière eux : du petit monde arrivait, sans doute des messagers, ils étaient trop peu pour s'agir d'une patrouille. Rapidement, les traces furent effacées et les uns et les autres se cachèrent dans les bois alentours.

Ils virent bientôt trois Hommes des Collines avancer à petites foulées sur le chemin enneigé. Les hommes passèrent sans manifester aucun signe d'avoir vu quiconque, et les bruits diminuèrent petit à petit. Mais pas assez pour Vif : elle entendit qu'ils s'arrêtaient bientôt, à peut-être quelques centaines de mètres. En se concentrant, elle pouvait même imaginer la scène : les hommes se concertaient, puis ils évacuaient le chemin en se cachant dans les bois, pour attendre quelque chose qu'ils savaient être derrière eux... Ils avaient dû apercevoir quelque chose dans les bois, ou, plus vraisemblablement, ils avaient suivi les traces dans la neige peu auparavant, et s'étaient rendu compte qu'elles avaient été masquées. Mais ils avaient continué néanmoins... avant de se cacher.

Après un petit conciliabule, il fut décidé de tendre un piège, de forcer les hommes à découvert. Certains voulaient les tuer pour en être débarrassé, mais le Dúnadan était plus mesuré, et semblait compter plutôt sur la diplomatie : après tout, ils étaient censés discuter avec le "Targ-Arm" (Grand Chef) des Hommes des Collines, cela ne ferait pas bonne mesure s'ils arrivaient avec le sang de ses guerriers sur les mains. Dans tous les cas, on ne pouvait les laisser tendre une embuscade, il fallait les faire sortir. Narmegil s'avança alors tranquillement sur le chemin, lentement, tandis que ses amis suivaient à distance, dans les bois, discrètement.

2 - Contacts
Après un moment, deux des trois hommes finirent par sortir et ils interpelèrent Narmegil dans leur langue, le Blarm... auquel il ne comprenait rien. Seul Drilun, qui avait beaucoup écouté tant Niemal que les Hommes des Collines, la maîtrisait assez pour pouvoir tenir une conversation. Néanmoins, par signes, les hommes firent comprendre au noble Dúnadan que ses interlocuteurs voulaient qu'il abandonne ses armes, ce qu'il fit.

Mais au même moment, Vif entendait du monde arriver par le chemin, et en plus grand nombre. Une grosse patrouille arrivait, aussi les aventuriers se firent-ils plus discrets. Mais ils laissaient des traces dans la neige, qui pouvaient être facilement suivies, hormis la Femme des Bois, qui avait des bottes elfiques qui en laissaient très peu, même sur la neige. Par ailleurs, Isis et Sîralassë maîtrisaient maintenant la magie de la nature, qui leur permettait de rester à peu près invisibles tant qu'ils ne bougeaient pas...

Mais ce n'était pas le cas de Drilun, qui finit par se rendre et servir d'interprète. Isis arriva aussi, pour être avec son homme. Mais les guerriers qui les entouraient utilisèrent une autre méthode pour motiver les derniers à se rendre : ils firent s'agenouiller (non sans mal) puis allonger Narmegil dans la neige, et le piquèrent d'une lance dans le dos, menaçant d'appuyer plus si les derniers n'arrivaient pas. Le Dúnadan ne sentit pas grand chose grâce à sa cotte de mailles de mithril, mais en revanche le contact avec la neige l'indisposa énormément et il appela vite ses amis, qui finirent tous par le rejoindre.

Aucun des Hommes des Collines ne parlait le ouistrain ou une autre langue connue des aventuriers, aussi il fallut que Drilun traduise tout au fur et à mesure. Narmegil expliqua que ses amis étaient ses serviteurs et qu'il était chargé de négocier la rançon pour les prisonniers du Cardolan. Le Dunéen qui traduisait savait être convaincant, et ses interlocuteurs, s'ils se méfiaient, décidèrent de laisser leur chef décider quoi faire. Le fait d'avoir trouvé ces intrus loin à l'intérieur des Fourrés aux Trolls sans jamais avoir entendu parler de leur arrivée les interloquait tout de même...

Après avoir confisqué les armes et les sacs des membres du groupe, tous rebroussèrent chemin. Les aventuriers, escortés par les Hommes des Collines, marchèrent quelques petites heures avant d'arriver à un camp. Ce n'était pas un camp mobile fait de maisons légères et vites démontées, mais des demeures en dur, bois et pierre, sur un site semi-fortifié. Ce devait donc être un camp d'hiver sacré pour le groupe dont ils étaient les "invités".

3 - Preuves à faire
Drilun continua sa mission de traducteur auprès du Tark ("Chef") et de la Wegech, une espèce de matriarche, soigneuse et prêtresse à la fois. Là encore, malgré sa maîtrise relative du Blarm, il sut trouver les mots pour convaincre qu'ils n'étaient pas des ennemis et que le grand chef Broggha avait tout intérêt à les voir. Et donc qu'il valait mieux les laisser partir sans mal, voire les aider à rencontrer Broggha au plus vite.

Le chef était tout à fait d'accord, mais il fit vite entendre qu'il retiendrait les armes et équipements de ses invités comme "taxe de passage". Ce qui n'était pas du tout au goût des "invités" et en particulier Narmegil : il fit dire au traducteur du groupe qu'il avait respecté les droits de ses "hôtes", alors qu'il aurait pu utiliser la force pour passer. Ils avaient montré avec les trolls que la force ne marchait pas contre eux, et il était prêt à prouver qu'il était meilleur guerrier que n'importe qui de présent parmi ses hôtes - en visant le chef en particulier.

Ce dernier accepta le défi, mais à ses conditions : ce serait trois guerriers contre trois, et avec leurs armes ou armures à eux, y compris pour Narmegil et ses amis. Le Dúnadan, souhaitant conserver sa cotte de mailles de mithril sous ses vêtements, prétexta qu'il était frileux - et cela fut confirmé par ceux qui les avaient amenés, qui rapportèrent l'incident du Dúnadan rétif à se coucher dans la neige, ce qui fit bien rire. En échange, il proposait d'être seulement deux, Sîralassë et lui, contre les trois Hommes des Collines.

Le chef accepta, et tous se retrouvèrent dehors, où un cercle fut vite formé. Les armes étaient de lourdes lances , appelées "Creg", et les armures de simples tuniques de cuir. Narmegil fit face au chef et à un de ses guerriers, tandis que le troisième était géré par le soigneur du groupe, qui utilisait son Creg comme un bâton. Le combat s'arrêterait lorsque tous les membres d'un camp auraient été rendus inconscients ou trop faibles pour combattre, ou se seraient rendus. S'il y avait un mort parmi les Hommes des Collines, il y en aurait un parmi leurs "invités" : œil pour œil, dent pour dent !

Sîralassë n'avait pas pris la précaution de faire sa magie du combat à l'avance, aussi fut-il pris par surprise et se contenta de défendre, sans mal pour lui d'ailleurs. En revanche, Narmegil fit très forte impression en assommant rapidement ses deux adversaires, bien qu'il écopa d'une blessure sérieuse lui aussi. Mais moins sérieuse que l'un de ses deux adversaires, dans le coma et avec une blessure qui saignait bien. L'adversaire de Sîralassë, seul contre deux, comprit qu'il n'avait aucune chance et abandonna tout de suite.

Après quoi le soigneur fit merveille et il put soigner tous les blessés. Le plus grave aurait facilement pu mourir, mais il arriva à stabiliser la blessure et à faire en sorte, grâce à sa magie, qu'il puisse rapidement être sur pied. Néanmoins, si le chef fut très impressionné par Narmegil et s'il accepta sans mal de rendre leurs affaires à ses "invités", il tint néanmoins à attendre que son blessé soit déclaré sauvé avant de les laisser partir.

4 - Diplomatie et marchandage
Il fallut une journée entière - 24 heures - avant que l'homme ne se réveillât. Mais la Wegech confirma que l'homme guérissait vite et bien et qu'il était sorti d'affaire. Le groupe partit le lendemain - d'abord au pas de course, puis plus lentement pour ménager Isis entre autres - avec des guides chargés de les mener jusqu'au camp du Targ-Arm Broggha. Tout se passa bien tant que le territoire traversé restait celui des guides. Mais ces derniers prévinrent que sur le territoire d'une autre tribu, il faudrait convaincre ceux qu'ils rencontreraient.

Ce qui arriva immanquablement. Mais afin d'impressionner sans combattre, Narmegil et Geralt firent des passes d'armes de plus en plus complexes et dangereuses, et les Hommes des Collines comprirent vite qu'ils avaient en face d'eux de très bons guerriers qu'il valait mieux laisser en paix. Au bout de quatre jours, le camp d'hiver sacré de Broggha fut atteint, dont le nom pouvait se traduire par quelque chose ressemblant à "bosquet de pins sacré", en raison de fantômes d'Hommes des Collines (tués au cours d'une ancienne bataille) censés garder l'endroit.

L'endroit était situé sur le flanc d'une colline escarpée, et plusieurs ouvertures dans la roche marquaient les entrées de diverses cavernes. Une partie du camp était troglodyte, et si certaines cavernes étaient en fait des mines de cuivre, une des richesses du Rhudaur, d'autres devaient héberger les prisonniers et leurs hôtes. Tout cela semblant bien gardé, une expédition en catimini paraissait plutôt risquée.

Le groupe ne put rencontrer Broggha, qui ne voulait voir aucun étranger depuis son retour. Mais la Wegech du camp les accueillit, accompagnée par sa fille et apprentie Wegech. Après un moment, il apparut vite que la femme parlait très bien le ouistrain, et les échanges en furent simplifiés. Elle confirma que le grand-père de Narmegil était bien là et en bonne santé, mais l'équipe avait-elle de quoi payer une rançon qui intéressât les Hommes des Collines ? Ces derniers utilisant avant tout le troc, l'argent n'avait qu'une valeur limitée. L'acier - les armes en particulier - c'était autre chose, mais ils n'avaient pas ça sur eux...

Narmegil demanda s'il n'y avait pas un service qu'ils pourraient rendre, et en fin de compte son interlocutrice trouva quelque chose à lui proposer : loin à l'est, un géant posait problème à un camp des leurs. Si le Dúnadan et ses serviteurs arrivaient à les débarrasser du problème, Narmegil retrouverait son grand-père. Mais elle prévint aussi que le temps était compté : des gens de Tharbad étaient déjà passés au moins deux semaines auparavant, qui étaient très intéressés... Et ils étaient à cheval.

Le marché fut conclu, le groupe partirait le lendemain. Narmegil fit passer un message à son aïeul, payé par quelques pierres précieuses. Il eut une réponse le lendemain, dans un ouistrain plus ou moins bien reproduit par la Wegech, qui confirmait que le vieil homme allait bien et qu'il avait grand plaisir à savoir son petit-fils non loin. Enfin, ce fut le départ, là encore avec une demi-douzaine de guides pour les mener à bon port.

5 - Les limites de la diplomatie
Le trajet se passa sans problème particulier. Il fut long et ardu, car le campement en question se trouvait à l'extrémité orientale du Rhudaur, à une certaine hauteur dans les montagnes. Mais après une bonne semaine, l'équipe arriva, les pieds dans la neige, à un camp d'hiver sacré d'Hommes des Collines. Camp sacré qui expliquait pourquoi ses habitants ne voulaient pas partir malgré les difficultés à se nourrir ou les problèmes de voisinage : leurs ancêtres étaient enterrés là, et leur culte était très important.

Malgré un étonnement vite passé devant une telle équipe au service de Broggha, les gens collaborèrent de leur mieux. Ils expliquèrent comment le ou les géants étaient descendus des montagnes, avaient perturbé les rennes qui représentaient la base de l'alimentation des Hommes des Collines, et avaient tué une quinzaine de leurs guerriers. En fait, ils n'avaient jamais vu qu'un seul géant, mais ils avaient repéré des traces fraîches à deux endroits assez éloignés, et du coup ils ne pouvaient être sûrs s'il y en avait un ou deux.

Dès que le temps le permit, le groupe partit en montagne avec un guide. Ce dernier les mena, après une bonne heure de marche, jusqu'au dernier endroit où des traces avaient été repérées. Puis l'homme montra l'endroit probable où le ou les géants devaient habiter, et il quitta le groupe rapidement. Il ne restait plus qu'à fouiller le secteur jusqu'à trouver d'autres traces, et les remonter.

Trouver des traces ne posa aucun problème. Les remonter non plus, malgré un passage un peu difficile à franchir, mais l'équipe commençait à être rodée aux voyages en montagne. Enfin, le groupe arriva au pied d'une falaise, à l'entrée d'une caverne obstruée par un gros rocher que même Narmegil n'arrivait pas à faire bouger. Mais un espace, vers le haut, était suffisamment grand pour laisser passer Vif, véritable contorsionniste - un vrai chat. Un seul géant à l'intérieur, qui ronflait fort, et rien de bien intéressant sinon, à l'exception de nombreux ossements pas tous animaux.

Narmegil tenait à être d'abord diplomate, et il espérait pouvoir convaincre le géant d'aller voir ailleurs et de laisser tranquille les Hommes des Collines. Il frappa le rocher de sa lance elfique, afin de réveiller le géant et de pouvoir discuter avec lui. Il lui fallut de nombreux efforts pour y arriver, jusqu'à commencer à casser des morceaux de rocher avec sa lance. Le géant finit par venir, mais :
- il n'avait pas l'air content, tempêtant comme quelqu'un de (très) mal réveillé
- il ne semblait aucunement avoir envie de sortir, il paraissait plutôt nocturne
- personne ne comprenait un mot à ce qu'il disait, et inversement

En fin de compte, Narmegil jeta par un trou quelques pierres précieuses qu'il avait amenées, dans l'espoir d'intéresser le géant - avec succès. Ce dernier finit par comprendre que l'homme à l'extérieur de sa caverne - les autres membres de l'équipe étaient contre la falaise, à distance prudente pour certains - avait sur lui quelque chose qui l'intéressait. Sa réaction, après un court silence, ne se fit pas trop attendre : le rocher fut repoussé de manière à basculer sur Narmegil, qui l'évita d'un bond. De l'autre côté, le géant brandissait d'une main un rocher d'une centaine de livres peut-être, dans le but évident de tester la solidité des os de Narmegil. Le temps de la diplomatie s'achevait, la barrière de la langue (au moins) était demeurée la plus forte !

6 - Un combat efficace
Le Dúnadan parvint à esquiver le rocher envoyé dans sa direction, et le géant ne s'en tira pas si facilement : Geralt, près de l'entrée, porta un coup au monstre à l'aide de son épée. Malgré le cuir de la créature, l'attaque fit plus qu'une épine dans la peau épaisse : elle blessa réellement le géant, qui poussa un beuglement et recula dans sa caverne. Blessure légère cependant, qui ne risquait pas de beaucoup l'indisposer. Elle avait surtout permis de prendre l'initiative.

S'ensuivit une partie de chat et souris avec le géant. Ce dernier s'était réfugié dans l'une des pièces de sa caverne, là où il faisait un feu et rôtissait ses proies. Cette pièce comportait des rochers, du bois pour faire du feu, ainsi que diverses carcasses. Il avait entassé un mélange de tout cela à l'entrée de la pièce, afin de faire barrage aux opportuns, qu'il attendait un rocher à la main. La pièce possédant une ouverture - une fente - par où l'air et la fumée pouvaient entrer ou sortir, enfumer le géant ne paraissait pas faisable.

L'un après l'autre, divers membres de groupe entraient dans la caverne et s'abritaient contre une paroi, hors d'atteinte, et trop rapides pour le géant. Ensuite, l'archer dunéen préparait une flèche et s'apprêtait à tirer. La flèche, poussée par la magie de l'arc, grâce aux runes magiques que Drilun y avait inscrites lors de son passage à la forge de Maeglos, blessait sans mal la créature, et cette dernière était bien trop lente pour répliquer. Le géant, même si la blessure de la flèche n'était pas mortelle, reculait sous la douleur, permettant aux aventuriers de franchir le barrage s'ils faisaient assez vite. En revanche, l'archer ne pouvait tirer à ce moment-là, d'autant qu'il devait économiser ses flèches.

Geralt combattit le géant, mais il n'arrivait à faire que des estafilades, des blessures légères, heureusement suffisantes pour l'empêcher de répliquer. Narmegil put aussi s'attaquer directement au monstre, à l'aide de sa lance magique, secondé par les tirs de l'archer. Au deuxième de ses coups, il toucha le cœur de la créature, qui s'effondra sur la lance - le Dúnadan dut faire un bond pour éviter la chute du corps. Le géant passa de vie à trépas, et ne serait plus jamais une menace pour personne, rennes ou Hommes des Collines. Restait à trouver le moyen d'apporter une preuve à ces derniers que la tâche avait bien été effectuée. Et récupérer la lance fichée... mais ce ne fut pas un problème insurmontable.

En fin de compte, les oreilles furent découpées. Vif récupéra aussi les totems de cuivre qu'elle put trouver près des dépouilles des Hommes des Collines que le géant avait abattu. Dans leur croyance, ces pépites de cuivre, que chaque Homme des Collines portait dès la naissance, abritaient l'âme de leur porteur, et les rapporter serait bien vu de leurs hôtes. Le reste de la caverne fut fouillé, sans rien trouver d'intéressant. Mais le Dúnadan récupéra ses pierres précieuses. Enfin, le groupe redescendit jusqu'au camp des Hommes des Collines en suivant leurs traces dans la neige.

7 - Tempête de neige
Ce soir-là, ce fut la fête chez les Hommes des Collines, et les héros se virent chanter leurs louanges, même si Drilun était le seul à pouvoir comprendre. Il restait toujours la question d'un éventuel deuxième géant, des traces de combat ayant été repérées à une bonne distance. Néanmoins, il y avait déjà eu une première victoire, et avec de tels guerriers, tous les espoirs semblaient permis.

En revanche, les aventuriers remarquèrent que leurs hôtes avaient peu de choses à leur offrir même pour manger, et que les enfants entre autres étaient affaiblis par manque de nourriture. L'hiver avait été particulièrement rude, la neige empêchant souvent les guerriers d'aller chasser, et certains avaient participé au raid sur le Cardolan. Et la venue du géant, en plus de tuer de nombreux chasseurs, avait effarouché les rennes dont ils se nourrissaient.

C'est ce soir-là aussi que commença une fameuse tempête de neige. Au petit matin, les guides refusèrent de prendre la route, tellement la vue était faible et la progression difficile. Et cela dura plusieurs jours, pendant lesquels les rares restes de nourriture furent réservés aux enfants et à Isis. Mais les choses ne pouvaient plus durer : si elles ne mangeaient pas bientôt, de nombreuses personnes du camp étaient menacées, peut-être même le camp entier.

Vif décida de faire une sortie dès le lendemain : elle n'était pas gênée par l'épaisseur de neige comme les autres, grâce à ses bottes magiques qui lui permettaient de marcher sur la neige comme si elle ne pesait presque rien. Et les aventuriers avaient de toute manière prévu de vérifier qu'il n'y avait pas d'autre géant à proximité. Après s'être fait expliquer la direction par ses hôtes, elle leur demanda (toujours par l'intermédiaire de Drilun) de faire du bruit pour l'aider à revenir. Puis elle se glissa hors du camp, malgré les protestations des Hommes des Collines qui l'avaient bien mise en garde.

Après un long moment, les hommes rentrèrent s'abriter dans la pièce commune où se trouvaient les autres aventuriers. Ces derniers sortirent à leur tour - sauf peut-être Narmegil et Geralt - et firent grand bruit afin que la rôdeuse puisse les retrouver à l'oreille. Par un temps pareil, ils savaient qu'elle ne pourrait retrouver son chemin avec les seules traces. Et même ainsi, la neige étouffait les sons, et les chances de survie étaient bien minces si elle ne revenait pas...

Mais en fin de compte, la Femme des Bois finit par ressurgir, après plusieurs heures. Elle avait réussi à trouver l'origine des attaques : c'était un grand félin appelé ici chatmoig - un autre que ceux qu'ils avaient déjà vus - qui profitait du désarroi des rennes suite à la présence du géant qui les chassait. Il avait ainsi pu les approcher plus facilement, et se nourrir à moindre effort. Mais comme cela ne faisait pas non plus l'affaire des Hommes des Collines, Vif - qui pouvait communiquer avec tous les félins - avait dû le persuader d'aller chasser un peu plus loin, afin de ne pas déranger ses hôtes. L'énorme matou avait fini par acquiescer, la femme-féline lui paraissant sympathique.

8 - Chasse ultime
Après quelques jours, la tempête de neige ne faiblissant pas et les réserves étant toutes à sec, Vif décida qu'il fallait faire quelque chose. Elle se remit en route, seule dans la neige, en comptant sur le bruit que feraient ses amis pour revenir. Mais la montagne était d'un gris uniforme sous la neige qui tombait violemment, rien ne bougeait, les animaux se terraient en se serrant la ceinture et en attendant des jours meilleurs. Enfin, elle finit par trouver une harde de rennes qui s'abritaient contre un pan de falaise à l'abri du vent et un peu de la neige, tous serrés les uns contre les autres.

Après un retour possible seulement grâce à ses oreilles félines et une ouïe fantastique, elle essaya de persuader ses amis de l'aider à chasser le renne. Une seule personne lui suffisait, afin de tuer une bête et de ramener les morceaux. Un bon guerrier, en somme, voire un bon archer. Narmegil déclina l'offre, la neige le tuerait plus sûrement qu'un géant. Drilun se voyait mal approcher assez des rennes pour en tuer un, tellement ses sens étaient limités, surtout dans de telles conditions. Mais il était prêt à prêter son arc à quelqu'un... comme Geralt.

Ce dernier râla beaucoup, mais sa volonté devenant chaque jour plus forte avec toutes les épreuves qu'il subissait, il trouva la force d'accepter. C'était lui le plus perceptif du groupe après la femme des bois, et un bon guerrier également, et très discret. Il prit l'arc de l'archer dunéen, ses armes, ses vêtements chauds, et s'apprêta à suivre Vif, qui l'emmena dans la tourmente de neige. Et lui n'avait pas de bottes magiques pour l'aider.

Après plusieurs heures d'une pénible progression (pour l'homme aux cheveux blancs) dans une grande épaisseur de poudreuse, la femme des bois parvint à retrouver l'endroit où se trouvaient les rênes. Son compagnon, fatigué et déjà affaibli moralement, se prépara à la chasse. Ayant encoché une flèche, il approcha des rennes jusqu'à pouvoir commencer à les distinguer nettement. Mais à une trentaine de mètres, les rennes perçurent son odeur, malgré la neige, et ils commencèrent à s'agiter. L'assassin tira alors une flèche qui pénétra le flanc d'une bête.

Le troupeau s'élança péniblement dans la neige, le blessé en arrière. Vif et Geralt courraient derrière, mais heureusement, le renne blessé fit un faux mouvement et trébucha dans la neige. Le guerrier fut vite sur lui et il l'acheva. Cela faisait quelques dizaines de kilos de viande à récupérer, mais comment les transporter ? Ils n'avaient pas de traineau ou de quoi en fabriquer un, et dans un mètre de neige, Geralt ne pouvait avancer avec tout ce poids, il n'irait pas bien loin. Il fallait trouver de l'aide.

C'est ainsi que, une heure plus tard, les Hommes des Collines virent revenir à eux la femme des bois, toujours à leur très grand étonnement. Mais ils pouvaient aider, lorsqu'elle leur rapporta - merci Drilun - qu'un rêne avait été tué et que sa viande (et Geralt) n'attendait qu'eux... en plus des quelques morceaux qu'elle avait apportés. Ils prirent un traineau, et si eux n'avaient pas de bottes magiques, ils possédaient des raquettes qui leur permettaient d'avancer sur la neige sans s'enfoncer. Au grand intérêt des aventuriers, qui ne connaissaient pas la chose.

Après encore quelques heures, l'assassin aux cheveux blanc, qui avait trouvé refuge contre la carcasse tiède afin de se réchauffer, finit par entendre des voix et par retrouver son amie et ses hôtes. Il enfila des raquettes et apprit vite à s'en servir, mais il restait néanmoins en dernier et se faisait petit à petit distancer. Alors qu'il pensait qu'il était à nouveau seul, oublié des autres, et qu'il était prêt à s'assoir dans la neige et attendre la fin, il vit enfin les premières habitations. Il avait réussi à revenir, mais il s'en était fallu d'un cheveu pour qu'il abandonne et qu'il y laisse sa peau, à peut-être même pas cent mètres du camp...

9 - Paiement et mauvaises nouvelles
Après encore quelques jours d'un bien meilleur régime, le beau temps finit enfin par revenir. La couche de neige était bien trop épaisse pour pouvoir aller bien loin, mais avec des raquettes il était possible d'avancer, et la chaleur nouvelle faisait fondre la neige assez rapidement, surtout en descendant à des altitudes plus faibles. Les aventuriers et leurs guides purent ainsi revenir chez le Targ-Arm Broggha, après encore plus d'une semaine et des adieux sincères de ceux qu'ils avaient aidés. Ils étaient partis depuis presque un mois, et le ventre d'Isis continuait à s'arrondir !

Mais une mauvaise nouvelle les attendait : le grand-père n'était plus là. La Wegech avait prévenu, avant leur départ, que c'était "premier arrivé premier servi", et les aventuriers avaient été les derniers. Des hommes de Tharbad avaient amené un convoi d'armes en acier, et ils étaient repartis avec Tarcandil - sur mules et poneys - une semaine auparavant. Mais des cavaliers d'Angmar étaient aussi passés peu après, et ils étaient repartis sur la trace des gens de Tharbad, vers le sud, il y avait à peine quelques jours...

Néanmoins, au su de ce que les aventuriers avaient fait, la Wegech annonça que Narmegil et ses serviteurs seraient largement dédommagés de leurs efforts. Après s'être entretenue avec Broggha - qui ne voulait toujours recevoir personne - elle annonça au groupe qu'ils pourraient repartir avec une cinquantaine de prisonniers. Essentiellement les plus faibles, les femmes avec enfants et les personnes âgées - ceux qui avaient survécu au voyage aller.

Narmegil et ses amis repartirent donc à pied, sous bonne garde au début, avec de quoi nourrir ce beau monde le temps d'arriver à la Grande Route de l'Est. Puis les frontières du Rhudaur furent atteintes et les aventuriers et ex-prisonniers durent se débrouiller seuls. Les Hommes des Collines, après avoir fait passer la troupe hors d'atteinte des troupes du roi Ermegil de Rhudaur, laissèrent là leurs "invités", et retournèrent chez eux sans un regard en arrière.

Il ne restait plus au noble Dúnadan et à ses amis qu'à s'occuper des ex-prisonniers : les faire avancer, les soigner, les nourrir, les protéger... dans un no man's land occupé par des orcs et des cavaliers d'Angmar parfois. Et cette fois-ci, pas question d'y aller discrètement : ce n'était pas dans la mesure du possible pour une bonne part de ceux qu'ils reconduisaient chez eux. Quel chez eux d'ailleurs, il avait brûlé ?

10 - Dernière épreuve
Le moral des prisonniers, de très bas qu'il était au départ, remontait petit à petit alors que leur libération et retour au pays semblait devenir une réalité. Les encouragements de Sîralassë remontaient également les cœurs et les aidaient à progresser malgré la mauvaise saison. Et le soigneur faisait en sorte, par ses soins et sa magie, que tous demeurent en bonne forme pendant tout le voyage.

Côté nourriture, entre Vif et ses compétences et la magie des elfes, qui pouvaient maintenant appeler les animaux à l'aide, tous purent être nourris convenablement. Restait la question de la protection. Les cavaliers d'Angmar ne posèrent pas problème, et s'ils repérèrent leur troupe, ils durent estimer qu'il ne valait pas la peine - ou le risque - de s'en occuper de plus près. Quant aux orcs, par contre, ce fut une autre histoire...

Une nuit, dans la vaste plaine vide qui servait de no man's land entre le Rhudaur et ses voisins, Vif entendit une troupe d'orcs approcher. L'équipe se prépara à les accueillir, et finalement les créatures chargèrent. Narmegil et Geralt se portèrent à leur rencontre, tandis que les autres se préparaient au choc avec leurs armes. Sîralassë, à la demande de la Femme des Bois, utilisa néanmoins sa magie pour aider son amie à se transformer en quelque chose de plus apte au combat - une forme mi-humaine, mi-féline.

Tandis que les deux guerriers, dos à dos, recevaient les premiers orcs et taillaient membres et têtes, d'autres orcs poursuivaient leur course et se faisaient recevoir par flèches et griffes, et ensuite épées. Après un temps bref, les orcs se rendirent compte qu'en moins d'une minute ils étaient passés d'une soixantaine de guerriers à moins d'une trentaine de bras valides. Et ils n'avaient pas fait un seul blessé parmi les défenseurs, et il n'y avait eu aucun mouvement de panique. Les survivants décidèrent alors de sauver leur peau, et ils s'égayèrent dans toutes les directions.

Le reste de la route ne posa aucun problème, même si Vif était désormais regardée d'une manière un peu différente et distante. Après avoir passé Amon Sûl, la troupe poursuivit sur la Grande Route de l'Est, en direction de Bree. Mais elle bifurqua un peu avant de manière à arriver à Minas Malloth, où le baron de Tyrn Gorthad les accueillit tous à bras ouverts. Une cinquantaine de prisonniers avaient été récupérés, mais pas le grand-père de Narmegil. C'était le printemps, et Isis et son bébé n'avaient pas souffert du voyage dans le Rhudaur : le ventre était de plus en plus gros... et gênant.
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 10:06, modifié 1 fois.
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Tharbad - 4ème partie : boulet à la patte

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1 - Le sort des réfugiés
Après une nuit de repos à Minas Malloth, Pelendur aborda Narmegil et ses amis sur un sujet très concret : quel avenir proposer aux prisonniers ramenés du Rhudaur ? C'étaient tous des femmes et enfants ou vieillards, pour l'essentiel incapables de subvenir à leurs propres besoins. Et ils n'avaient plus aucun foyer, leur ville d'origine étant incendiée et impossible à rebâtir sans une aide conséquente. Et vu les autres problèmes du moment, dont l'invasion des spectres des Galgals, le baron de Tyrn Gorthad ne croyait guère revoir Andrath habitée un jour. Ou en tout cas pas avant des années.

Andrath appartenait à la principauté de Dol Tinarë, même si la ville était en limite de ses propres terres. Il ne voyait que trop bien les problèmes auxquels d'éventuels habitants et leurs dirigeants allaient être confrontés :
- proximité menaçante des Galgals et de leurs spectres
- menace toujours présente d'arrivée des armées d'Angmar ou du Rhudaur - la ville avait déjà été détruite en 1409
- zone sauvage exposée à de nombreux bandits voire orcs
- désintérêt ou incapacité des forces du Cardolan à assurer la sécurité de la zone

Pour Pelendur, qui voyait sa baronnie se dépeupler à allure régulière, le sort d'Andrath risquait fort d'être le même : ruines et désert. Il aurait volontiers accueilli tous ces gens sur ses terres, mais il doutait d'avoir les moyens d'assurer la subsistance de ces réfugiés bien longtemps. Il proposait donc plutôt de voir avec eux s'ils avaient des familles qui pouvaient les héberger durablement ou le temps de trouver une solution ou un nouveau départ. Ce qui fut fait, et qui donna le résultat suivant :
- une trentaine de personnes avaient de la famille dans le Cardolan ou plus au sud (Gondor)
- une dizaine de personnes souhaitaient aller en Arthedain
- une dizaine de personnes n'avaient nulle part où aller

Pelendur était prêt à accueillir définitivement les personnes sans famille pour les aider. Il pensait aussi pouvoir faire accompagner ceux qui souhaitaient se rendre en Arthedain par quelques gardes, la route étant à peu près sûre. Pour ceux devant se rendre aux quatre coins du Cardolan voire plus loin, par contre, il avouait son impuissance : le Cardolan était loin d'être sûr, et lui n'avait plus assez de gardes pour assurer la sécurité de ces réfugiés, en même temps qu'un semblant d'ordre (patrouilles...) par chez lui.

Narmegil et ses amis ne tenaient pas à s'encombrer de tous ces gens, et le noble Dúnadan était prêt à payer Pelendur pour l'aider à les prendre en charge. Mais il comprit que le problème n'était pas que financier : faute d'assez d'habitants et d'activité, il n'y avait tout simplement pas assez de réserves ou de bras pour nourrir durablement toutes ces bouches. Et les marchands ne s'arrêtant plus guère par ici, les ressources extérieures étaient limitées. Il valait mieux chercher un sort plus enviable et plus éloigné pour ces gens.

Lui-même proposa aux gens sans famille de les prendre sous sa protection, à Tumulus, ce qui fut accepté avec joie. Il fut convenu que les gardes de Pelendur partiraient avec tous ceux devant se rendre en Arthedain, que ce soit Tumulus ou Fornost Erain et au-delà. Narmegil et ses amis emmèneraient les autres à Metraith, la capitale de Dol Tinarë, où ils seraient remis à leur seigneur. Mais Pelendur prévint que le seigneur Hallas, vieillissant (163 ans), était quelqu'un de notablement avare et acariâtre, et la destruction d'Andrath n'avait pas dû l'améliorer. Même en le payant, il pensait que les choses ne seraient pas si simples...

2 - Préparatifs et départ
Le baron de Tyrn Gorthad avait besoin d'une journée pour s'organiser, aussi le départ fut fixé au lendemain matin. Ce qui laissait un peu de temps dont l'équipe souhaitait profiter pour s'organiser un peu et préparer leur arrivée à Tharbad. Les aventuriers voulaient ainsi prendre des vêtements et affaires peu voyantes, voire du matériel pour se grimer ou changer leur apparence. Pelendur les aida en piochant dans les affaires de sa sœur Pelenwen, actuellement à Tharbad. Il en profita pour donner les indications pour la joindre.

Geralt et Vif en particulier prirent des trousses de maquillage, ils se firent couper et teindre les cheveux avec l'aide de serviteurs du baron, et prirent de quoi refaire l'opération plus tard. Les équipements les plus voyants furent laissés à la bonne garde de Pelendur, comme pour les chevaux qui avaient maintenant l'habitude des écuries de Minas Malloth. Des armes - d'une certaine qualité - furent fournies pour remplacer celles qui étaient trop visibles, en particulier les arcs ou épées couverts de runes. Mais Narmegil conserva sa lance, juste emmitouflée dans des tissus.

L'équipe partirait avec une semaine de nourriture pour tous, et des couvertures furent remises aux réfugiés. La route jusqu'à Metraith était longue d'environ 140 miles (~ 225 km), il faudrait bien au moins une semaine pour y arriver. Il n'y avait pas d'autre ville sur le chemin, et les fermes étaient inexistantes sur le premier tiers. C'était le tout début du printemps, et il fallait compter avec des femmes et enfants en bas âge parfois, sans parler des vieillards... Et le secteur était exposé aux bandits de tout poil.

Le matin du départ arriva, et les deux groupes partirent ensemble sous un soleil radieux, un ciel très clair mais aussi très froid. Après quelques heures, arrivés à la Vieille Route du Nord, ou "Chemin Vert" (pour les alignements d'arbres qui le bordaient) au nord de Bree, ils se séparèrent : les douze gardes de Pelendur partirent vers le nord avec les réfugiés qui allaient s'installer en Arthedain ; et Narmegil et ses amis prirent le chemin du sud avec les femmes, enfants et vieillards dont les proches habitaient le Cardolan ou d'autres régions plus au sud.

3 - A l'ombre des Galgals
Les premières difficultés se firent vite sentir : si le temps était idéal pour marcher, il fallait faire de fréquentes pauses pour permettre aux réfugiés de se reposer. De plus, les vieillards, déjà fatigués par le retour du Rhudaur, ne pouvaient vraiment pas avoir une allure très soutenue, pas plus que certaines femmes accompagnées d'enfants en bas âge. Et les jeunes enfants qui marchaient, si leur capacité physique était suffisante, supportaient mal de ne pouvoir s'arrêter plus souvent pour jouer.

Sîralassë fut fortement mis à contribution pour alléger les souffrances physiques des uns et des autres, depuis les ampoules jusqu'aux petites maladies. Sa magie et celle d'Isis, par les chants elfiques qu'ils entonnèrent, permirent de donner de l'énergie à certains qui ne sentaient plus leur fatigue pour les écouter, et dont les pieds avançaient bien plus vite. Les dons magiques du soigneur permirent de faire oublier la lassitude aux corps fatigués, et les plus costauds du groupe portaient affaires voire enfants pour aller plus vite...

La première journée ne vit aucun problème particulier, mais il fallut tout l'encouragement du soigneur elfe pour faire avancer tout le groupe jusqu'à la nuit : une ville avait été repérée, en ruines, qui pouvait servir d'abri. Cette ville, Feagil, avait été mise à sac en 1409 et en partie reconstruite par la suite, mais sans jamais retrouver sa taille et sa beauté d'antan. Sa population diminuant, elle avait été désertée suite à la Peste et à l'arrivée des spectres dans les Galgals proches. Mais certains bâtiments étaient encore utilisables, et en particulier l'auberge, régulièrement occupée par les visiteurs de passage.

En revanche, dès la nuit tombée, le froid mordant se fit vite sentir. Les réserves de bois avaient depuis longtemps été épuisées par les voyageurs occasionnels, mais Vif et Isis trouvèrent des chutes de bois dans une menuiserie désertée. La nuit se passa sans incident, les enfants tombant comme des mouches dès qu'un lit leur était proposé. Et le lendemain, la route fut reprise.

La fin de la journée vit la fin des collines se profiler, mais aussi, pour les yeux exercés de certains, la ville d'Andrath, ou plutôt les ruines qui en restaient. Plutôt que de raviver des souvenirs douloureux, les aventuriers choisirent de trouver un autre abri dans la nature. Grâce à sa magie, Isis repéra une grotte dans une colline proche, et tous y arrivèrent bientôt. L'entrée était bloquée par des ronces et épineux, mais Narmegil et Sîralassë utilisèrent leur magie pour faire place nette. Pendant ce temps, Vif, passée en grimpant sur la falaise, explorait l'intérieur, juste occupé par des chauves-souris qui hivernaient.

4 - Dol Tinarë
Après une nuit sans incident, la route fut reprise dès le lendemain. Mais bientôt l'équipe arriva aux ruines d'Andrath, et la douleur des réfugiés ne put faire autrement que de s'exprimer. Après un petit moment à laisser les larmes couler, et voyant qu'ils risquaient de s'éterniser, Sîralassë utilisa à nouveau ses paroles les plus réconfortantes pour redonner de l'énergie et de l'espoir et permettre aux gens de s'arracher à leur chagrin.

Le groupe était maintenant sur les terres du baron de Dol Tinarë - baron qui se faisait appeler "prince" (Ernil), aux dires de Pelendur. La zone proche des Tyrn Gorthad - dont les Galgals - était très faiblement habitée, mais quelques fermes éparses, en petits hameaux, faisaient parfois leur apparition. Toujours grâce aux chants elfiques, aux paroles encourageantes de Sîralassë et aux bras des uns et des autres, un bon rythme put être maintenu.

Une caravane de marchands fut croisée et diverses nouvelles échangées. Ils venaient de Gondor, d'où ils amenaient des sacs de grain et de farine ainsi que divers tissus (soie notamment), entre autres choses. Ils étaient bien armés et ne souhaitaient pas s'éterniser dans le secteur, mais poursuivre vite en direction de Bree. Ils évoquèrent leur passage par Tharbad, où ils étaient régulièrement pris d'assaut par des bandes de mendiants et d'orphelins : leurs nombreuses mains lestes les dérobaient des moindres choses qu'ils avaient le malheur de laisser traîner un peu trop loin de leurs yeux...

A la fin du septième jour, sous une pluie froide et entêtante, le groupe arriva enfin à Metraith, capitale de la principauté. Les réserves étaient épuisées, les ventres vides avaient faim, et la nuit tombait. Les gardes demandèrent une taxe de passage, mais Narmegil expliqua qu'il s'agissait des gens d'Andrath, récupérés chez Broggha, le chef des Hommes des Collines du Rhudaur. Devant l'embarras du chef des gardes, il demanda à aller voir le seigneur Hallas de Dol Tinarë, dont la forteresse, Thalion, jouxtait la ville.

Pendant que Narmegil, Isis et Drilun montaient vers les fortifications, le reste du groupe fut mis à l'abri de la pluie. Les visiteurs arrivaient à un mauvais moment, celui du dîner, mais ils purent tout de même voir le fils du seigneur (et seul survivant) et gérant du château, Celedur. Qui parut lui aussi embêté par l'arrivée de ces réfugiés. Il les voyait surtout comme des bouches à nourrir, et les arguments de Narmegil vantant la reconnaissance des seigneurs voisins et l'aide qu'ils apporteraient plus tard semblaient glisser sans mal sur lui. Il n'avait aucune illusion sur la "reconnaissance" de ses voisins, et les vieillards et enfants ne risquaient pas d'être autre chose qu'une charge avant longtemps.

Néanmoins, quand le noble Dúnadan parla de payer, il parut plus intéressé et demanda un peu de temps pour que son père puisse les recevoir. Ils furent donc introduits devant lui, un vieillard au regard acéré qui gardait encore les signes d'un corps robuste et d'une volonté qui ne l'était pas moins. Mais l'homme était avare, agressif et désagréable, et il ignora royalement Drilun, Dunéen sans doute indigne de son attention. Son attitude fut telle qu'il mit Isis hors d'elle, et elle poussa Narmegil à prendre congé sans requérir son aide pour les réfugiés : ils se débrouilleraient sans le seigneur, ça vaudrait certainement mieux pour ces pauvres gens !

5 - Un assassin en maraude
Les trois "ambassadeurs" retrouvèrent le groupe et le mirent au courant de la mauvaise nouvelle. Il fallut donc payer une taxe pour tous, et ils se mirent en quête d'une auberge voire plusieurs. Celle qu'on leur avait indiquée ne pouvait pas héberger tout le monde dans les chambres, mais en mettant plusieurs enfants par lit, il y avait assez de place à l'intérieur pour tous les réfugiés. Narmegil et ses amis, eux, choisirent de dormir dans les écuries - après un bon repas, bien entendu.

Isis était tellement en colère après Hallas, le soi-disant "prince" de Dol Tinarë, qu'elle demanda à Geralt s'il ne pouvait pas lui régler son compte - ce serait sans doute une bénédiction pour tous. L'homme aux cheveux blancs, passablement étonné, se tourna vers Narmegil, son patron, et il fut encore plus abasourdi de voir ce dernier acquiescer ! Manifestement, le Dúnadan avait lui aussi été assez choqué de voir à quelle niveau la noblesse dúnadan du Cardolan avait pu tomber... Cela dit, certains se demandèrent si le fils valait bien mieux.

Après s'être renseigné, Geralt choisit de faire une reconnaissance dans une taverne fréquentée par les gardes du château. Offrant des tournées de bière à la cantonade, il se fit bien voir des gardes venus là, avec qui il commençait à parler et jouer. Lorsqu'il reconnut un assassin de sa guilde, à Tharbad ! Heureusement, ses cheveux étaient coupés et teints et Isis lui avait magiquement fourni un visage différent, et l'homme ne sembla pas le reconnaître. Il put même engager la conversation avec lui.

Broloc, c'était son nom, était arrivé à Metraith un an auparavant. Il avait été embauché parmi les gardes du château, en remplacement de nombreux autres qui étaient morts pendant la Grande Peste. Il se faisait appeler par un autre nom de ses collègues, et prétendait avoir été un simple mercenaire. Geralt eut l'impression que l'homme n'avait rien à voir avec lui, mais qu'il faisait partie d'un vaste réseau d'assassins que le chef de sa guilde rêvait de constituer pour servir de taupes et d'informateurs.

Après quoi, Geralt organisa un concours de beuverie, le prix étant la plus belle (et chère !) fille du meilleur bordel de la ville, La Maison d'Oget. L'ambiance fut bonne et le concours fut une réussite, mais il n'arriva pas vraiment à en profiter et à apprendre plus de choses. Il dut payer une somme faramineuse - une pièce d'argent - pour le vainqueur, un garde qui était tellement saoul qu'il risquait fort de ne pouvoir profiter de son prix. Et lui-même était tellement éméché qu'il ne put retrouver le chemin de l'auberge. Mais il arriva à repérer une patrouille qui put l'aider...

Au final, il renonça à tout assassinat. Non seulement le seigneur Hallas était bien gardé, et les risques étaient grands, mais cela risquait d'attirer l'attention sur eux. Et puis c'était sûrement trop fatigant ! Il dormit jusqu'à une heure avancée du jour, tandis que Narmegil marchandait avec l'aubergiste pour s'occuper convenablement des réfugiés pendant un mois - il lui donna trois pièces d'or pour cela. En conseillant de les aider à retrouver leur famille, ce qui lui ferait de la place et des bouches en moins à nourrir... Après un mois, voire avant, il serait de retour avec ses compagnons pour gérer ceux qui resteraient.

6 - Sur la route de Tharbad
Avant le départ, les réfugiés furent mis au courant. Mais aussi, en partie conseillé par ses amis, le noble Dúnadan remit deux pièces de bronze par personne : il leur dit que cet argent pouvait leur servir à retrouver leur famille si jamais l'occasion se présentait. Et à se faire mieux considérer de ladite famille, qui pourrait voir d'un mauvais œil ces bouches supplémentaires à nourrir. Drilun nota également les noms et adresses des familles de tous ces gens, pour pouvoir éventuellement vérifier ce qu'ils étaient devenus. Sa belle calligraphie surprit une nouvelle fois des personnes trop promptes à le juger sur sa seule apparence de Dunéen. Et des provisions furent achetées pour le reste du chemin jusqu'à Tharbad.

La route fut reprise, mais Tharbad n'était qu'à quatre jours de marche, et, aidée par les chants elfiques, la bande avançait vite. La première nuit, sous la pluie, fut l'occasion d'une petite altercation pour l'utilisation de la seule tente emportée. Finalement, une partie de l'équipe choisit d'aller trouver refuge dans une ferme proche, dont les habitants se montrèrent fort accueillants. Le lendemain, une fois le groupe réuni, la route fut reprise sans plus d'incident.

Au matin du quatrième jour, le groupe arriva en bordure d'un petit bois où les yeux exercés de Geralt lui permirent de voir une douzaine de silhouettes cachées derrière les fourrés et les troncs. L'équipe continua sans s'en inquiéter, jusqu'à l'apparition du chef des brigands, tout sourire, qui leur proposa la phrase rituelle pour une telle occasion. Epaulé par ses compagnons dont la moitié avait l'arc bandé, il rit au conseil d'Isis de déguerpir en vitesse. Mais il rit beaucoup moins quand son épée fut arrachée de ses mains, comme par magie...

Enfonçant le clou, Narmegil lui proposa d'essayer de le blesser, lui, alors qu'il n'essaierait même pas de se défendre ou d'esquiver. L'homme, méfiant, finit par récupérer son épée et il essaya deux fois de porter un coup, sans aucun succès. Puis il prit peur et s'enfuit à toutes jambes, avec le reste de son équipe, tandis que Narmegil lançait une pièce de bronze pour le dérangement. Pièce récupérée au passage par Drilun... Et l'équipe arriva enfin en vue de Tharbad, ancienne capitale économique du Cardolan, et plus grand port intérieur du nord-ouest de la Terre du Milieu.

La ville, à cheval sur le fleuve Gwathló ("Flot-Gris") et bordée de marais, en particulier au sud, était protégée par de grandes digues. Un bidonville de grande taille occupait une place importante près de la route, au nord de la ville, et un marché de produits frais se tenait non loin de la porte principale (du nord). Des gardes empêchaient de nombreux mendiants et autres de trop approcher, tant de la porte que du marché.

Les aventuriers décidèrent de se diviser en deux groupes. Vif, Drilun et Sîralassë iraient par le nord et essaieraient de rentrer en contournant les digues par les marais. Isis, Narmegil et Geralt passeraient au sud et tâcheraient de héler une barge pour entrer par le fleuve et le port. En profitant peut-être de l'occasion pour passer voir Dirhavel l'alchimiste dans le quartier (rive) sud. Tous devaient se retrouver chez Pelenwen, sœur du baron Pelendur : elle occupait une vaste maison, dans le quartier seigneurial du centre de l'île, le long de la route principale.
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 12:33, modifié 1 fois.
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Tharbad - 5ème partie : voleurs et sorciers

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1 - Altercation
Isis, Geralt et Narmegil firent un large détour pour éviter la ville et se rapprocher du fleuve Gwathló ("Flots Gris") par le sud-ouest. L'objectif était de pouvoir trouver une barque pour rejoindre Tharbad par voie fluviale. Après un moment ils rejoignirent une route qui longeait le fleuve. Ils remarquèrent que ce dernier était en crue, et ses rives étaient partiellement inondées. Le côté marécageux était parfois très prononcé, et la limite entre la terre et le fleuve était rien moins qu'incertaine.

Seuls sur la route, sans être suivis, ils remarquèrent une petite barque dans laquelle avaient pris place quatre personnes. Une femme dirigeait la barque vers l'aval du fleuve, transportant trois hommes qui devaient venir de Tharbad. Ils virent la femme commencer à manœuvrer pour se rapprocher d'un affluent et surtout d'une zone surélevée qui semblait propice à un débarquement, non loin de la route. Route qui se poursuivait en direction d'un village proche, où les aventuriers pensaient trouver un bateau. Mais voyant la barque prête à accoster, ils décidèrent de voir s'ils ne pourraient pas embarquer.

De loin, ils entendirent la femme et les trois hommes discuter, et le ton monter. Apparemment ils n'étaient pas d'accord sur les prix, et les voix devenaient agressives. Jusqu'au moment où un homme ceintura la femme, et il sembla qu'il n'était plus question de payer mais de se faire payer, et en nature... Mais la femme sortit une dague dont elle savait manifestement se servir, et elle se dégagea. Les trois hommes sortirent alors des armes et se firent plus menaçants.

Nos trois amis approchaient, et Isis héla les hommes, l'arc à la main et une flèche encochée. Un des hommes lui répondit vertement en conseillant à tous trois ou bien de passer leur chemin, ou bien d'attendre leur tour, mais surtout de se mêler de leurs affaires. Une petite blessure à la jambe plus tard, les hommes comprirent qu'ils avaient mieux à faire ailleurs et ils partirent sans demander leur reste, au soulagement de la femme à qui appartenait la barque.

Reconnaissante, cette dernière accepta sans mal d'emmener les aventuriers à Tharbad, et gratuitement, mais les futurs passagers insistèrent pour payer. Ils apprirent que celle qu'ils avaient aidée s'appelait Grani. D'après son apparence, elle devait être d'origine dunéenne, d'un âge moyen - entre 30 et 40 ans - et ne roulait pas sur l'or. Elle vivait de petits services grâce à sa barque, qu'elle complétait avec d'autres services plus intimes : une femme a toujours quelque chose à marchander...

2 - Un tour en bateau
Quand ils furent installés, Grani prit une perche qu'elle utilisa pour propulser la barque vers l'amont, le long de la berge nord du fleuve. Manifestement elle connaissait son métier et le fleuve à cet endroit, car la barque avança régulièrement et sans trop tanguer ou embarquer d'eau, malgré le fort courant. En même temps, elle discutait avec ses passagers de choses et d'autres concernant Tharbad, et en particulier leur destination.

Isis et ses deux compagnons souhaitaient aller chez Dirhavel l'alchimiste, qui habitait la rive sud. Aussi Grani finit-elle à un moment par échanger sa perche contre une rame. Elle fit traverser le fleuve à sa barque, qui dériva vers le sud-ouest avant d'arriver à la rive sud, mais la perche fut reprise et le fleuve fut remonté. La boutique de l'alchimiste était située vers le nord de la rive sud de la ville, aussi Grani amena-t-elle les aventuriers jusqu'au troisième et dernier embarcadère de ce côté du fleuve.

Une fois que la barque fut attachée, un homme approcha qui semblait être le maître du quai, et un collecteur de taxes. Mais Grani lui parla de manière délicate voire sensuelle, et Geralt pensa entendre quelque chose qui ressemblait à une promesse pour le soir. Puis elle revint vers les trois aventuriers en leur disant que l'homme les avait déjà oubliés. Elle avait parfaitement compris la demande de discrétion de ses passagers, et elle en profitait pour offrir un petit extra en plus des services rendus...

Elle se fit ensuite payer, et plus que ce qui avait été convenu, ce qui la fit protester. Mais il lui fut demandé, en échange, de rester dans les parages jusqu'au lendemain, au cas où ses services seraient à nouveau nécessaires. En effet, Isis et ses compagnons souhaitaient garder ce contact et cette aide possible à proximité, sans avoir à la chercher sur l'île, et en particulier dans le quartier des voleurs où elle résidait régulièrement.

3 - Contacts
Après un signe d'adieu le quai fut laissé en arrière, et les rues de Tharbad s'offrirent aux aventuriers. Qui furent bien vite la cible d'une bande de gamins aux mains baladeuses... vite repoussés par Narmegil, qui sut tout aussi vite montrer qu'il aimait le calme et qu'il savait se faire respecter ! Des mendiants plus ou moins éclopés vinrent aussi parler de leurs malheurs et quémander un petit quelque chose. Isis avait oublié à quel point cela pouvait retourner l'estomac de côtoyer ces gens, et elle distribua quelques pièces à ces malheureux, même si elle ne se faisait guère d'illusion : ils appartenaient certainement à la guilde des voleurs eux aussi.

La boutique de Dirhavel fut enfin là, et "l'alchimiste" était présent : c'était manifestement un Dúnadan de bonne ascendance, dont il avait tous les traits. Ses visiteurs se firent connaître et demandèrent à parler de manière confidentielle, aussi verrouilla-t-il la porte de son échoppe. On l'avait prévenu du passage possible de quelques invités, et il put mettre sans grand mal des noms sur ses visiteurs, même maquillés ou masqués magiquement.

Après quelques échanges de nouvelles, il proposa à l'équipe de repasser dans la nuit : un informateur serait présent qui connaissait bien mieux que lui les agissements de la guilde des voleurs et un éventuel lieu de détention du grand-père de Narmegil. Après des achats à bas prix de quelques herbes médicinales ou utiles, les trois amis quittèrent l'apothicaire pour se diriger vers les Maisons de Guérison. Ils venaient d'apprendre que Pelenwen, sœur jumelle du baron Pelendur, y officiait régulièrement.

Ils la trouvèrent effectivement, occupée à soigner des gens. Dirhavel avait parlé d'elle comme de la plus belle femme du Cardolan, et effectivement le titre était peut-être bien mérité. Elle possédait un charisme impressionnant, et elle arrivait à réconforter et calmer ses patients sans effort, par sa seule présence. Mais elle était très occupée, et proposa à ses interlocuteurs de se voir chez elle à la fin de la journée. N'ayant rien de mieux à faire, Narmegil se proposa pour aider bénévolement aux soins, tandis que ses deux compagnons attendaient à l'extérieur.

A la fin de la journée, Pelenwen partit avec deux gardes et proposa à Isis, Narmegil et Geralt de l'accompagner. Elle passa le pont vers l'île sans avoir à s'acquitter de taxes, grâce à un sauf-conduit qu'elle avait eu du Canotar Imlach, le représentant du Gondor à Tharbad. En effet, elle se rendait tous les jours aux Maisons de Guérison où elle était très appréciée. Elle fit profiter de son sauf-conduit les aventuriers, qui n'eurent pas non plus à payer ou expliquer les raisons de leur passage. Ils arrivèrent enfin à la maison de la baronnie de Tyrn Gorthad, dans laquelle ils entrèrent.

Le lieu ne respirait pas le luxe et l'aisance, il manquait d'entretien et manifestement il était resté inoccupé longtemps. Deux serviteurs s'affairèrent à préparer un repas simple, tandis que Pelenwen faisait plus ample connaissance avec ses invités et apprenait la manière dont ils avaient connu son frère. Ils discutèrent jusque tard de la situation de Tharbad, mais elle n'avait pas de nouvelle particulière à apporter, elle ne voyait guère que les Maisons de Guérison où elle se rendait quotidiennement, le reste l'intéressait peu.

4 - Les marais de Tharbad
Après avoir vu leurs compagnons s'éloigner vers le sud, Vif, Drilun et Sîralassë se tournèrent vers le nord de la ville, et les marais. A l'aide de la longue-vue du soigneur, ils inspectèrent les environs. Ils remarquèrent notamment que l'endroit était plat et visible de loin, sans nulle part où se cacher - sauf à faire un très large détour et patauger dans les marais sur peut-être un kilomètre ! Du coup, ils décidèrent d'attendre que le soir tombe avant de se mettre en route.

Plutôt que d'attendre sur une route fréquentée, ils firent demi-tour jusqu'au petit bois où avait eu lieu l'embuscade des brigands. Ils passèrent leur temps à se reposer ou à inspecter les abords de la ville à distance, toujours grâce à l'outil de Sîralassë. Ils remarquèrent entre autres que les portes secondaires étaient tenues non par des gardes mais plus souvent par des mercenaires, voire des gens du cru, et qu'elles étaient apparemment plus permissives que les portes principales. Egalement, les digues ne semblaient pas bien gardées et il aurait certainement été facile de les franchir sans se faire voir, de nuit...

Enfin, le soleil se coucha et les trois amis se dirigèrent au nord de la ville, jusqu'aux marais qui bordaient le fleuve. A deux trois cents mètres de la digue qui finissait aux abords du fleuve, ils pénétrèrent dans le marais, dans l'obscurité grandissante. Ce qui ne les aidait pas à voir où il fallait mettre les pieds, et le reste. Le terrain était traître, car il n'y avait pas toujours de végétaux sur lesquels marcher à pied sec. Et parfois, la boue était bien plus profonde qu'il n'y paraissait...

Ce ne fut pas un problème pour Vif, habituée à parcourir tous types de terrains naturels. De plus elle avait le pied léger et des bottes magiques qui rendaient son pas encore plus léger. Pour Sîralassë, ce fut plus long et compliqué, et plus fatigant aussi : il était plus lourd, moins à l'aise dans la nature, mais heureusement sa magie d'elfe était un plus. Quant à Drilun... ce fut une torture, malgré l'aide du bâton prêté par son ami soigneur. Il acheva son périple au bout d'une heure, trempé de sueur, tremblant de la tête aux pieds en raison des efforts qu'il avait fourni. Et sans un centimètre carré de vêtement qui ne fut pas sali par la boue...

Ayant contourné les digues, les trois amis se retrouvèrent dans l'ombre d'un grand hangar dont le fleuve - en crue - venait lécher le bord. Personne ne semblait les avoir remarqués, et le Dunéen profita de l'obscurité pour nettoyer ses vêtements. Il préférait arriver chez la sœur de Pelendur trempé comme une soupe, malgré la froideur de l'eau, que couvert de boue comme il l'était. Il fut enfin prêt, alors que la nuit était maintenant tombée, et ils se lancèrent dans les rues animées de Tharbad.

5 - La faune de Tharbad
Alors que Drilun se nettoyait, Vif avait pris ses marques et inspecté les environs. Elle visualisait assez bien leur situation, et d'après les indications données par Pelendur, baron de Tyrn Gorthad, le chemin n'était pas très compliqué pour arriver jusqu'à chez sa sœur. Ils étaient à présent sur la rive nord. Il fallait d'abord longer le fleuve jusqu'au pont qui traversait le Gwathló, et prendre l'ouvrage d'art. La route principale passait par le pont et elle était normalement bien gardée, d'après ce qu'avait dit Geralt. Elle les amènerait sur l'île, qu'ils traverseraient jusqu'à sa rive sud, où se trouvait la fameuse demeure, en bordure de la route principale - la dernière grande maison à droite.

Ils avaient choisi non pas de longer les quais ou les petites ruelles mal famées, mais plutôt de prendre une avenue plus large (et fréquentée) parallèle au fleuve. Ils espéraient ainsi éviter d'éventuelles embuscades et ennuis qui les feraient remarquer. Mais à peine avaient-ils commencé à franchir les quais, que Vif s'arrêta net. Sur le toit d'une bâtisse, elle venait de remarquer un félin - un lynx blanc - qui la dévisagea un moment avant de disparaître. Mais ce n'était pas la bizarrerie de sa présence qui l'avait choquée. Sans qu'elle puisse dire comment, elle était sûre d'une chose : il était de sa famille. Autrement dit, il y avait dans la ville un autre chat de Tevildo qu'elle. Et il les avait repérés.

Mais il fallait continuer, ils ne pouvaient rester là. Après avoir renseigné discrètement ses amis, Vif reprit le chemin, entre Drilun et Sîralassë. Une fois dans l'avenue qu'ils cherchaient, ils remarquèrent que beaucoup de gens se déplaçaient près des murs, d'où ils pouvaient plus facilement repousser les assauts des mendiants et surtout des bandes de jeunes. Ces derniers se faisaient parfois brutalement repousser, mais cela semblait être la seule chose qui les retenait de laisser traîner leurs mains trop près des choses de valeur...

Le trio en fit vite l'expérience : une fois repérés, un groupe de jeunes, enfants et adolescents, se précipita à leur rencontre, mains en avant. Drilun les repoussa avec agressivité, et évita ainsi tout contact. Ce que fit également son ami soigneur, mais avec moins de facilité. Mais pour Vif, en revanche, il en fut tout autrement. Tant sa carrure que son caractère ne la prédisposait pas aux rodomontades, et de plus son côté chat n'aimait pas vraiment le relationnel. Sa tentative de faire peur fut aussi ridicule qu'inefficace. Mais les mains qui se tendirent vers son corps et ses possessions apprirent à leurs dépends que la jeune femme avait l'œil vif (d'où non nom) et la main leste... Frustrés, les jeunes durent la laisser poursuivre son chemin sans rien avoir pu lui prendre !

Mais plus loin, ce furent les mendiants qui menèrent l'assaut, en montrant qui une plaie purulente, qui une méchante blessure, qui une difformité... S'ils n'obtinrent guère d'argent des trois compagnons, ces derniers, en revanche, ne trouvèrent pas le spectacle très ragoûtant. Cela ne fit pas grand chose au soigneur, habitué à bien pire, mais ses compagnons en furent affectés. En une autre occasion, sur le pont, une autre bande de jeunes réussit à déjouer l'attention des gardes présents. Mais à peine avaient-ils réussi à se précipiter vers les aventuriers, qu'ils reculèrent, apeurés, devant les mimiques violentes du Dunéen.

Le trio ne fut pas plus embêté, et il arriva enfin à destination. Les trois compagnons venaient de traverser la partie la plus huppée de la ville sans doute, même si le plus grand des bâtiments croisés semblait à l'abandon. La maison devant laquelle ils se trouvaient appartenait à la baronnie de Tyrn Gorthad, d'après les armoiries. Un peu de lumière attestait que l'endroit était habité, bien qu'il ne semblait pas y avoir grand monde malgré la taille de la bâtisse. Bâtisse qui avait certainement connu des jours meilleurs, et ne semblait pas très entretenue. Enfin, le heurtoir fut utilisé, et les aventuriers entendirent quelqu'un venir ouvrir la porte.

6 - Informations
Les nouveaux venus étaient attendus, et même en retard. Un serviteur s'occupa bien vite des affaires trempées du Dunéen, qui trouva vite le sommeil tant il était épuisé. Après avoir échangé des informations, les autres décidèrent de faire également un petit somme de quelques heures avant d'aller voir l'alchimiste. Sîralassë utilisa sa magie pour faire en sorte que leur sommeil soit le plus récupérateur possible. Ce qui n'empêcha pas Geralt de râler, lui qui appréciait peu les nuits de moins de dix heures et les départs en pleine nuit.

Le groupe descendit aux quais sur l'île et trouva sans mal un passeur pour leur faire franchir le fleuve dans une barque. Puis les six aventuriers se rendirent vite à la boutique de Dirhavel. Mais non sans être suivis : non seulement le lynx blanc déjà entraperçu rôdait sur les toits, après avoir vraisemblablement franchi le fleuve à la nage, mais divers individus louches avaient été entraperçus, qui commençaient à en appeler d'autres et à se regrouper autour de la boutique de l'alchimiste.

Ce dernier les fit monter à l'étage et leur présenta son informateur : c'était Silmarien, une grande femme d'âge moyen, et comme lui Dúnadan manifestement de bonne lignée. Après quelques présentations, où Narmegil et ses compagnons comprirent qu'elle savait faire de la magie et connaissait personnellement Gandalf le Gris (Mithrandir), elle parla de ce qu'elle savait. Car elle espionnait la guilde des voleurs avec efficacité, et elle paraissait très au fait de ce qui s'y passait. Apparemment, elle habitait le quartier des voleurs sous une identité d'emprunt.

Elle avait entendu parler de Tarcandil Eldanar, mais elle aurait été incapable de dire s'il était dans la ville ou ailleurs. En revanche, des cavaliers étaient venus du Rhudaur et plus probablement d'Angmar pour marchander avec les voleurs. Sans aucun doute, la possession du grand-père de Narmegil en était l'un des objets. Les tractations avaient pris fin la veille, ou plutôt l'avant-veille vu la nuit avancée. Mais elle ne savait que penser du résultat des échanges. Les hommes d'Angmar n'étaient plus dans le quartier des voleurs, mais ils pouvaient très bien avoir quitté la ville ou attendre dans une auberge, elle ne pouvait dire.

Mais elle avait appris bien d'autres choses. En particulier que trois des personnes présentes avaient un prix sur leur tête. Le prix de 1000 pièces d'or pour Geralt et Isis était déjà connu ; mais la somme de 10.000 PO pour une preuve de la mort de Vif était quelque chose de nouveau et d'assez incroyable. Les hommes d'Angmar - six personnes, dont probablement trois sorciers - semblaient en être à l'origine, et Silmarien avait cru comprendre qu'ils avaient même déjà versé une somme coquette. Ceci pour motiver les voleurs à rechercher Vif et pour les rassurer quant au sérieux de leur offre - le prix d'un château pour la mort d'une inconnue !

Tous les voleurs, assassins et mendiants avaient reçu la description détaillée des trois individus, qui passeraient peut-être prochainement à Tharbad. Mais par la suite, la guilde avait émis de nouvelles consignes : il ne fallait pas tuer les trois personnes dont la tête valait si cher, mais, si jamais elles étaient repérées, il fallait prévenir tous ceux disponibles afin qu'ils empêchent les intéressés de quitter la ville. Et même, il fallait les escorter jusqu'au quartier des voleurs et à leurs maîtres, qui souhaitaient leur parler.

7 - Coincés !
Si la volonté de dialogue de la guilde des voleurs était une bonne chose, en pratique elle pouvait prendre un côté un peu intrusif. Quelques observations aux fenêtres confirmèrent que la foule de voleurs et autres avait grossi tout autour de la boutique de l'alchimiste. D'une certaine manière, Narmegil et ses compagnons avaient été repérés malgré leurs déguisements. Restait à voir comment rejoindre l'île et la demeure de Pelenwen, sans se faire intercepter en chemin.

La porte principale comme la porte arrière semblaient surveillées, et les bruits indiquaient que du monde arrivait régulièrement pour grossir les rangs des voleurs à l'affût. Le passage par les toits fut envisagé, mais hormis pour Vif et Sîralassë qui y étaient très favorables, cela n'entraîna pas beaucoup d'enthousiasme et l'idée fut abandonnée. En fin de compte, Dirhavel émit l'idée d'attendre la fin de la nuit : à cette époque, avec le fleuve gonflé et la fraîcheur matinale, un brouillard enveloppait souvent les rues de Tharbad les dernières heures de la nuit et les premières du jour.

Les aventuriers s'armèrent donc de patience, discutant ou se reposant légèrement. Quand Silmarien sentit quelque chose d'à peine perceptible, quelque chose de magique. Quelque chose... qui empêchait le brouillard de se développer sur la ville, un petit vent qui empêchait l'humidité de se condenser en brume. Un sorcier était là qui manipulait le temps et les empêchait de partir à l'aide du brouillard. Tant pis alors, il fallait sortir pendant qu'il faisait encore nuit, le petit jour n'était plus loin. Plus le temps passerait et plus les voleurs seraient nombreux, et moins l'obscurité serait une aide pour Narmegil et ses compagnons.

Après que certains aient pris du trèfle de lune pour mieux voir dans l'obscurité, l'équipe sortit par la porte arrière. Ils avancèrent dans la ruelle étroite, mais ils se rendirent vite compte par les nombreux appels entendus qu'ils étaient suivis... voire précédés. Une foule les attendait, qui se tenait à une dizaine de mètres, et d'autres bloquaient la ruelle d'où ils étaient issus. D'une manière ou d'une autre, il fallait confronter les voleurs qui les prenaient en tenaille.

Drilun fit bien une tentative pour déstabiliser ces belles troupes, en parlant haut et fort des récompenses que seule une minorité toucherait, mais sans résultat visible. Narmegil prit ensuite la parole pour savoir ce qu'on leur réservait comme sort. Ce à quoi lui répondit un homme, qui invita le Dúnadan et ses compagnons à les suivre. N'ayant guère le choix, le groupe se laissa guider, jusqu'au petit port par lequel il était arrivé. Plusieurs barques attendaient là avec des rameurs, prêtes à embarquer, probablement jusqu'à l'île en face : le quartier des voleurs et le domaine où ils étaient rois.

Geralt repéra dans la foule un ancien compagnon d'armes, et il prévint ses amis de l'épargner si possible, au cas où l'homme pourrait leur servir. Le voleur qui avait précédemment parlé invita les aventuriers à prendre place dans l'une des barques, vers lesquelles Narmegil et ses compagnons avancèrent. Quand soudain l'atmosphère changea brusquement : plusieurs voix s'élevèrent pour dire que les règles avaient changé. Vif fut désignée et traitée de sorcière qu'il fallait immédiatement tuer. De nombreux voleurs avaient préparé une voire plusieurs pierres, et des bras nombreux se levèrent pour les lancer.

8 - Conflit général
Certains voleurs paraissaient complètement dépassés par ce qui se passait : manifestement, ce qui se préparait n'était pas le moins du monde prévu. Mais l'heure n'était plus à la réflexion : les aventuriers se précipitèrent vers les barques proches, sauf Vif qui jugea le danger trop pressant. Elle préféra sauter directement dans l'eau, suivie par une grêle de projectiles qui manqua son but de peu. Sur la berge, les voleurs qui cherchaient à modérer le cours des événements et qui protestaient étaient dépassés par l'engouement et le désir d'en découdre d'une majorité.

Sur les quais, les aventuriers commençaient à embarquer devant des rameurs médusés et incertains. Drilun rata son saut et goûta à nouveau à la fraîcheur du fleuve. Isis usa d'un charme magique pour persuader un homme de préparer la barque à partir, ce qu'il fit sur-le-champ, libérant la corde qui attachait la barque au ponton. Mais elle sentit autre chose, dans l'eau cette fois : une magie venait de se former, tel un monstre marin, qui fondait à présent sur la silhouette de Vif, qui s'éloignait sous la surface des flots. Un sorcier était à l'œuvre, quelque part dans la foule, qu'il fallait découvrir en vitesse !

Isis vit son amie attaquée par la créature magique et entraînée au fond de l'eau. Drilun, lui, vit un lynx blanc sauter du toit d'une maison et courir à une vitesse étonnante entre ou par-dessus les voleurs pour plonger à son tour à l'eau, sans qu'il ait rien pu faire. Il jeta néanmoins l'extrémité d'une corde dans la direction de Vif. Narmegil, suivi de Geralt et Sîralassë, fonça à travers la foule la lance à la main, dans la direction que lui indiquait Isis, là d'où elle sentait que provenait la magie. Un croc-en-jambe manqua de le faire tomber mais il se redressa de justesse. Et alors que Geralt se faisait menaçant, il reçut une flèche en plein dos.

L'assassin aux cheveux blancs était mortellement blessé, et son agresseur devait être un très bon tireur eu égard à la foule et à l'obscurité de la nuit finissante. Il fallait se replier et soigner Geralt au plus vite. Des voix s'élevèrent également alors que les aventuriers cherchaient à fuir, incitant les attaquants à changer de cible et à viser les amis de Vif. Narmegil, protégé par sa magie et son armure de mithril, s'interposa afin de couvrir la fuite de ses compagnons. Les pierres ne pouvaient lui faire grand mal, au contraire de son épouse et de ses amis. Quelques-unes frappèrent tout de même Isis et Sîralassë, mais sans faire de blessure.

Isis avait eu le temps de repérer le tireur, avant cela, et elle avait tenté de lui arracher son arc des mains magiquement. L'homme avait néanmoins résisté, mais il n'avait pas lancé de nouvelle flèche et il s'était reculé dans une ruelle, hors de vue. Mais cela avait permis de trouver le temps nécessaire pour embarquer. Le rameur et maître de l'embarcation obéit à une injonction d'Isis et il précipita la barque dans le cours du fleuve, tandis qu'une clameur s'élevait sur la berge et que des doigts se tendaient vers une forme non loin, à une vingtaine de mètres à la surface de l'eau : une silhouette de panthère à la robe fauve, la forme féline de Vif.

9 - Magie, mort et folie
Attaquée entre deux eaux par une créature magique totalement à l'aise dans son élément, la chatte-garou avait vite constaté son impuissance : son adversaire la tenait bien et elle allait vite suffoquer. Il ne lui restait qu'une solution : se transformer en un félin magique qui pourrait peut-être faire jeu égal avec le monstre d'eau magique. Elle avait donc commencé à se transformer, mais sa raison avait basculé pour laisser place au chat en elle. Alors qu'elle allait tenter de se dégager, elle avait senti les bras magiques la relâcher : la créature magique venait d'être attaquée par un petit félin blanc, qui découpait son adversaire en pièces. La panthère qu'était Vif se hâta de remonter à la surface pendant qu'elle le pouvait encore.

Mais le chat en elle ne sut quoi faire ensuite : la rive proche était bondée de gens à l'air menaçant, qui se mirent à lui lancer de nombreuses pierres, dont plusieurs l'atteignirent au visage, heureusement sans faire de blessure sérieuse. Quand tout à coup, une apparition juste au-dessus d'elle attira l'attention de tous : une tête de chat venait d'apparaître un ou deux mètres au-dessus de Vif, ou plutôt au-dessus du lynx blanc qui était maintenant à ses côtés. Une tête de chat imposante, redoutable et magnifique, devant laquelle la panthère Vif se sentit toute petite et en totale soumission. Et puis le petit lynx se mit à lécher ses blessures, qui disparurent comme si elles n'avaient pas eu lieu. Et Vif retrouva la raison et le contrôle de son corps.

Mais si Vif avait trouvé la tête de chat majestueuse, l'effet fut tout autre sur la foule assemblée sur la berge : les cœurs d'une majorité de gens cessèrent de battre, et des dizaines et des dizaines de personnes moururent immédiatement. Drilun et Geralt sentirent leur cœur s'arrêter aussi, et ils tombèrent dans la barque, inconscients et proches de la mort, comme leur rameur. Isis et Narmegil sentirent une douleur immense dans leur poitrine, mais ils y résistèrent... tout en adoptant une attitude des plus fantaisistes. Narmegil essayait soudain de couvrir son épouse de baisers, sans plus se préoccuper de ce qui se passait, tandis que cette dernière faisait des caresses au soigneur. Soigneur qui, seul, avait eu la volonté nécessaire pour résister à cette magie. Mais il avait aussi été protégé en grande partie par la sienne.

Il utilisa encore ses soins magiques sur Isis et Narmegil, et ils reprirent leurs sens, complètement déboussolés : ils ne se souvenaient aucunement de ce qui s'était passé, et seul un frisson leur venait lorsqu'ils tentaient de se remémorer les événements passés. Mais l'elfe noldo avait d'autres urgences que de les mettre au courant : Geralt et Drilun étaient comme morts, et il fallait faire redémarrer leur cœur au plus vite. Ses talents manuels comme magiques y suffirent aisément, malgré le temps limité dont il disposait pour sauver ses compagnons. Il lui fallut aussi retirer la flèche dans le dos de l'homme aux cheveux blancs, mais il y parvint sans mal. Les corps de ses deux amis revinrent à la vie, mais ce n'était pas tout...

Sur la berge, les trois quarts des gens gisaient à terre et ceux qui restaient fuyaient ou avaient des comportements bizarres. La folie qui s'était emparée d'eux menait certains à se suicider ou à attaquer violemment les personnes les plus proches, vivantes ou mortes. C'était le chaos. Seul Sîralassë se souviendrait de la vision d'horreur qu'il avait perçu, tous les témoins affectés par cette magie ne gardant de cette expérience que des cauchemars pendant un grand nombre de jours.

Sur la barque à la dérive, Geralt, une fois la vie revenue dans son corps, s'était mis à danser la gigue sans raison, tandis que l'archer dunéen se mettait à prononcer de grands discours enflammés dans sa langue, à l'attention d'un auditoire invisible. Il fallut encore de la magie pour les aider à reprendre leurs sens, non sans que l'assassin aux cheveux blancs soit retombé dans le coma, en rouvrant sa blessure avec ses danses.

10 - Réunis
Tandis que le félin qu'était Vif se rapprochait de la barque, Isis essayait de redresser cette dernière et de l'empêcher de dériver n'importe comment. Elle réussit à la maintenir dans une bonne position, au milieu du fleuve, sans pouvoir faire guère plus. La ville de Tharbad s'éloigna dans le petit matin, tandis que la panthère grimpait à bord. Mais comment s'arrêter ? Personne ne savait manier une telle embarcation, et les berges marécageuses et en partie inondées ne laissaient rien dépasser à quoi arrimer une corde.

Après un moment, la barque s'approcha d'un village en bordure du fleuve, avec quelques quais. L'elfe prépara une corde et un grappin, mais ses efforts pour rapprocher la barque du bord ne furent pas couronnés de succès. Vu la distance, et son état de faiblesse suite à l'épreuve qu'elle venait de vivre, elle n'arriva pas mieux à accrocher le grappin à l'un des pontons. Elle pensa à remettre le grappin au félin pour qu'il nage jusqu'à un point où l'accrocher, mais trop tard, et la ville passa comme le reste.

Une heure après, un saule émergé des flots fut l'occasion de recommencer, avec une meilleure préparation. Cette fois-ci la barque fut stoppée au niveau de la berge en partie inondée. Il fallut encore les efforts combinés de Vif et de Sîralassë pour amener leur embarcation jusqu'à un point plus élevé et sec. Non sans un problème de communication avec le félin, qui finit par rappeler à ses amis qu'ils connaissaient depuis peu une magie qui leur permettait de communiquer avec des animaux... comme elle.

Ce fut ensuite l'occasion d'une journée complète occupée à soigner et guérir. Et tout particulièrement Geralt et Drilun, qui étaient loin d'être tirés d'affaire, telle était leur faiblesse consécutive à cette épreuve. Des herbes achetées chez Dirhavel permirent néanmoins de fortifier leur corps à tous deux, et la magie du soigneur elfe servit encore de nombreuses fois. Même s'il fallut pour cela retourner au saule pour récupérer un peu de bois à brûler, afin de faire bouillir de l'eau nécessaire à une infusion d'athelas.

En fin de journée tout le monde allait mieux, malgré une grande faiblesse qui mettrait encore bien du temps à guérir complètement. Longtemps les cœurs resteraient douloureux suite aux violentes contractions qui les avaient fait, pour certains, s'arrêter. Vif reprit forme humaine et s'habilla avec quelques vêtements prêtés par Isis, qui gardait son armure de cuir. Malheureusement pour la femme-félin, tout son équipement était resté dans le fleuve au moment de sa transformation, dont ses bottes magiques auxquelles elle tenait beaucoup.

Le groupe vit en soirée une charrette s'arrêter sur une route proche, charrette menée par Dirhavel en personne. Ils se portèrent jusqu'à lui et échangèrent des informations pendant qu'il faisait demi-tour et repartait vers Tharbad. Silmarien, montée sur les toits, avait suivi de loin ce qui s'était passé, sans être affectée par la magie féline en dehors d'une frousse passagère. Mais la ville avait compté plus de cent morts, au moment du drame les chiens avaient hurlé dans la ville, tandis que les autres animaux fuyaient et que les nourrissons se réveillaient en pleurant. Et sans parler des nombreux cas de folie qui étaient traités aux Maisons de Guérison.

Quelle suite donner à tout cela ? Isis voulait jeter l'éponge et fuir Tharbad au plus vite, en pensant à la sécurité de son enfant à naître. D'autres estimaient que le moment était venu d'aller voir la guilde des voleurs : elle était sûrement diminuée avec plus d'une centaine de morts, et elle y regarderait à deux fois avant de les forcer à faire quelque chose. D'une certaine manière, ils étaient en position de force, même si c'était un coup de bluff. Quant aux sorciers présents dans la ville, s'ils avaient survécu, ils auraient peut-être bientôt à compter avec des gens comme Mithrandir, dont on imaginait assez facilement qu'il allait bientôt arriver.
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Psychopat
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Re: Terre du Milieu - Système J

Message non lu par Psychopat »

Alors que nous prenions place sur l’embarcation, que certains donnèrent des ordres au marin, que d’autres recherchèrent dans la pénombre notre amie Vif et que moi-même m’occupait de Geralt ayant reçu une très grave blessure d’un archer isolé, une chose de terrible se produisit ! Une forme jaillit de l’onde et s’était une panthère que tous reconnurent comme étant Vif transformée en félin pour sauver chèrement sa peau, le magicien et les nombreux voleurs ne l’avaient pas épargné elle aussi. Au dessus d’elle, une vision d’épouvante, une énorme tête de félin apparue subitement comme pour protéger l’aventurière. Toutes les personnes qui assistèrent à ce spectacle eurent une blessure mortelle, tant physique que psychique, car, s’ils réussirent à s’en sortir vivant, les témoins de la scène récurent pour toujours une blessure qui ne se refermera point et les hanterait à jamais…

Ma magie et peut être mon sang m’a permis d assister à la scène sans aucun traumatisme que celle d’avoir rencontré une apparition du seigneur des chats en personne. J’étais peut être désigné à rencontrer d’autres seigneurs de cette grandeur lors de mon inaccessible quête et les valar, a qui j’adresse toutes mes prières quand je dois retrouver force et courage, ont décidé que mon chemin ne se terminerait pas ici et que je devais une fois de plus aider mes amis.

Je garde en moi néanmoins ce souvenir impérissable et je pense qu’il faudra me taire à l’avenir pour ne pas rouvrir la terrible blessure de mes proches. Il faudra qu’ils restent le plus possible dans l’ignorance et que je ne leur remémore plus cette vision de cauchemar. Ce sera un point commun supplémentaire entre Vif et moi-même…
"Allez tous vous faire déchirer..."



Asako Moharu :
"Un rikugunshokan infaillible peut-il commettre une erreur Daïdoji-san ?"
Daïdoji Asami :
"Un rikugunshokan Grue ou un rikugunshokan Lion Asako-sama ?"
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Tharbad - 6ème partie : poker menteur

Message non lu par Niemal »

1 - Retour à Tharbad
Dans le soir tombant, une petite bourgade fut traversée - celle-là même que la barque avait longée lors du périple sur le fleuve Gwathló. Une courte pause fut faite afin d'acheter - cher - quelques vêtements pour Vif. Le marchand n'avait pas le temps de prendre ses mesures et de les confectionner, mais il put trouver certains qu'il avait en stock et qui ne nécessitaient pas d'ajustements. Et la route fut reprise en direction de Tharbad, alors que les premières étoiles commençaient à apparaître...

Malgré les protestations véhémentes d'Isis, le groupe avait en effet décidé de tenter le tout pour le tout : il allait retourner voir la guilde des voleurs pour une partie de poker menteur. Autrement dit, l'équipe allait mettre en avant ses "pouvoirs" qui avaient permis de tuer ou rendre fous plus d'une centaine de voleurs. De cette manière, elle espérait peser fort dans les marchandages pour récupérer le grand-père de Narmegil, Tarcandil. Restait à préparer les arguments et le meilleur angle d'approche.

Ainsi, certains souhaitaient passer aux Maisons de Guérison en premier, afin d'apprendre le plus de choses possible de la part des personnes affectées par la folie magique. Geralt (ainsi que d'autres) aurait voulu se reposer d'abord, et guérir un peu de ses blessures, comme la flèche dans le dos et la crise cardiaque. Les soins de Sîralassë furent à nouveau mis à contribution, et des couvertures furent enflammées avec de l'huile pour pouvoir faire une infusion d'athelas. Mais il fallait encore du temps pour que la guérison soit effective...

D'autres, comme Vif, préféraient aller directement voir les voleurs, dès leur entrée dans la ville. L'air de dire : "vous avez plus de cent morts, et nous, nous sommes frais comme des gardons, et vous ne pouvez rien contre nous". Bref, accentuer le coup de bluff le plus possible. Après discussion, c'est ce qui fut décidé, malgré Isis qui parlait de la sécurité de son enfant, malgré Geralt qui gémissait sur ses blessures et sa fatigue... et son moral en berne. Les plus fatigués se reposèrent dans la charrette, tandis que cette dernière progressait sur la route surélevée. En effet, le terrain était fréquemment inondé par la crue du fleuve, comme en ce moment, et l'eau clapotait sur les bords de la route, des deux côtés.

La nuit était tombée lorsqu'ils arrivèrent à la porte du Gwathló. Cette dernière, porte mineure de Tharbad, était fermée. Drilun, encore bien affecté par sa crise cardiaque, ne parvint pas à être très convaincant dans sa tentative de faire rouvrir la porte aux gardes. Mais Narmegil, très motivé, s'imposa en tant que seigneur dúnadan. Il obtint de rouvrir les portes et de pouvoir passer avec ses amis, et pour un prix modique en plus. Puis la charrette de Dirhavel parcourut la ville jusqu'au cœur de l'île de la cité : là, l'alchimiste déposa les aventuriers, au croisement d'une avenue qui amenait tout droit au quartier des voleurs...

2 - Le quartier et la citadelle des voleurs
Le groupe commença à progresser dans Rath Aran, la "Rue Royale", une grand-rue qui longeait l'ancien palais du roi du Cardolan. Les bandes de gamins qui vinrent se frotter à l'équipe dans l'espoir de pouvoir récupérer quelque chose en furent pour leurs frais : devant l'attitude résolue du grand Dúnadan, et ses menaces d'autant plus impressionnantes qu'il tenait sa lance elfique à la main, bien visible, ils comprirent vite qu'il valait mieux rester à l'écart.

Arrivèrent enfin les fortifications qui annonçaient le quartier des voleurs, petit bout de l'île et centre historique de Tharbad. Un portail restait ouvert mais était gardé par des voleurs, qui virent d'un œil inquiet approcher ces étrangers résolus. Lorsqu'ils furent assez près pour être reconnus à la lueur de torches et lanternes avoisinantes, un des gardes partit en courant prévenir ses supérieurs. Manifestement, ses compagnons l'enviaient plus qu'un peu, et ils paraissaient tentés de faire de même.

Respectant toujours le plan établi sur la route, Narmegil, en verve cette nuit-là, fit comprendre aux gardes qu'ils étaient venus parler aux maîtres de la guilde des voleurs, maintenant et pas plus tard, et qu'il valait mieux les aider que leur faire obstacle. Passés les premiers moments de surprise voire de panique des gardes, le groupe put entrer dans le quartier, accompagné par une foule grandissante - mais à distance respectable. Jusqu'à arriver à Ostinen Turambar, la citadelle à moitié en ruines qui servait de quartier général et place forte de la guilde.

De nouveau, les voleurs montrèrent qu'ils étaient pris au dépourvu. De nouveau, il y eut un flottement, le temps qu'un envoyé aille demander des ordres aux chefs. Enfin, les portes furent ouvertes, et les aventuriers entrèrent dans la cour. En passant, Geralt repéra un ancien compagnon d'armes, Eskel, avec qui il put échanger quelques mots. Mais manifestement, son ancien ami n'était pas prêt à parier un centime sur ses chances de survie. Puis ils furent tous conduits dans la citadelle en partie retapée. Ils montèrent des escaliers, et on les fit entrer dans une grande pièce occupée par une grande table, à laquelle siégeaient trois individus.

Les trois personnes représentaient les trois "têtes" de la guilde. Au centre, le maître de la guilde, et véritable chef des voleurs. A sa gauche, un prénommé Balt, responsable des assassins et autres missions les plus brutales de la guilde. De l'autre côté, une personne plus vieille et grasse, qui devait représenter la partie de la guilde consacrée aux enfants et aux mendiants. Suite à une invitation, les aventuriers prirent chacun un siège, Geralt face à Balt, Narmegil face au chef, et Sîralassë le plus loin de Geralt.

L'équipe avait une porte dans le dos, deux fenêtres en partie fermées par des volets intérieurs sur sa gauche, et une autre porte se trouvait derrière les maîtres de la guilde. De nombreuses personnes se tenaient dos au mur sur le pourtour de la pièce, dont une bonne part d'anciens collègues de Geralt ou autres voleurs parmi les plus costauds. Un geste, un ordre, la porte par laquelle les aventuriers étaient venus fut fermée. La réunion allait enfin commencer.

3 - Bluff, sang-froid et provocation
La réunion commença donc, avec des allures de partie de poker... menteur. En effet, le groupe, dont la moitié des membres avait sa tête mise à prix, ne devait sa "tranquillité" qu'au doute des voleurs sur les pouvoirs de l'équipe ; en particulier, sur sa capacité à faire table rase des vies dans un rayon de quelques dizaines de mètres, comme la nuit précédente. Et pour s'assurer que les voleurs le croient pour de bon, Narmegil et ses amis faisaient tout pour paraître sûrs d'eux et invulnérables.

En particulier Geralt, qui, face à son ancien patron et chef des assassins, Balt, avait remarqué la fureur à peine contenue de ce dernier à son égard. Il n'hésita pas à l'asticoter encore un peu, voire à le provoquer franchement, par exemple en étalant en pleine réunion les désirs d'indépendance de son ancien chef. Cela ne fit guère de vague auprès des autres voleurs, et notamment les deux autres chefs à la table, mais il y eut quand même un effet : à un moment, vif comme l'éclair, Balt sortit une dague et il la lança en direction de Geralt.

Ce dernier tenta d'esquiver, bien que d'être assis sur une chaise n'était pas la meilleure des positions pour ce faire. Heureusement, il fut aidé par son ami Drilun, qui put utiliser sa magie pour dévier légèrement la trajectoire de l'arme. Qui, du coup, ne fit que frôler sa cible, avec à peine une égratignure, pour finir sa course dans la cuisse d'un voleur qui se tenait non loin. Voleur qui se mit à pousser de grands cris, non seulement en raison de sa blessure, mais aussi parce que sa cuisse enflait et la douleur avec : la lame avait été enduite avec un poison puissant et rapide !

Mais le chef de la guilde calma tout le monde, et accepta la proposition de Sîralassë de soigner l'homme, ce qu'il fit avec son habituelle efficacité. Balt aussi finit par se calmer et ne plus répondre aux provocations de Geralt. De son côté, Vif arrivait, grâce à son ouïe extrêmement fine, à comprendre les échanges à voie basse entre les maîtres de la guilde : malgré l'état manifestement blessé de certains aventuriers, comme Geralt, les voleurs ne pouvaient avoir la certitude que leurs interlocuteurs ne bluffaient pas.

La réunion reprit, dans une ambiance toujours un peu tendue mais néanmoins plus calme. D'un côté, la position des voleurs était claire. Ils voulaient :
- 1000 pièces d'or pour Tarcandil, le grand-père de Narmegil
- 1000 pièces d'or pour Isis
- 1000 pièces d'or pour Geralt
- 10000 pièces d'or pour Vif !
Sans quoi ils caressaient la menace de ne jamais laisser les aventuriers partir... vivants.

De l'autre côté, Narmegil et ses amis avançaient d'autres arguments :
- ils étaient pressés de récupérer Tarcandil
- ils commençaient à douter que la guilde des voleurs ait encore le grand-père en sa possession
- ils n'étaient aucunement prêts à payer quoi que ce fût
- la guilde était manipulée par Angmar à son insu, comme lors de l'embuscade de la veille
- la guilde ferait mieux d'aider les aventuriers à lutter contre Angmar, ennemi commun
Tout en prétendant clairement posséder une magie qui les mettait à l'abri des menaces des voleurs.

4 - Nouveaux incidents et accords
La nuit avançait, mais les discussions, guère : les voleurs ne donnaient rien tant qu'ils n'avaient pas un peu de concret à se mettre sous la dent - si possible du concret sonnant et trébuchant. Ils admettaient des bizarreries dans l'attitude de certains des leurs, mais ne rejetaient pas systématiquement Angmar, dont ils avaient pu profiter. Et qui leur avait promis un jackpot encore jamais atteint avec la remise de la tête de Vif ! Néanmoins, ils n'étaient pas contre certaines mesures, en particulier concernant les soi-disant "prophètes" dont ils commençaient à mesurer l'influence... Mais là encore, ils ne voulaient pas bouger les premiers. Aux aventuriers de faire les premiers pas !

Mais les magiciens du groupe eurent bientôt un sentiment étrange, comme si de la magie avait été utilisée à la limite de leurs perceptions, et tout proche... Ils haussèrent le ton, en prévenant que des sorciers étaient peut-être à l'œuvre ici même. Vif demanda à ouvrir les volets pour pouvoir inspecter la cour, ce qui fut accepté. Mais alors qu'elle s'approchait des fenêtres, elle distingua que deux voleurs préparaient leurs armes. A peine eut-elle le temps de prévenir ses amis, que l'un d'eux fonçait sur elle, tandis que l'autre se précipitait dans le dos de Sîralassë.

Tandis que Geralt faisait un roulé-boulé maladroit sur la table (ses blessures se rappelaient trop à lui), Drilun empêchait un voleur de s'attaquer au dos du soigneur. Narmegil, lui, prenait sa lance, tandis que la femme féline esquivait l'attaque qui lui était destinée. Isis prépara un sort, mais elle n'eut pas le temps de le lancer, vu la brièveté du combat : le Dúnadan empala un voleur de sa lance, tandis que Geralt assommait l'autre avec une blessure à la tête qui aurait pu être fatale, sans l'intervention du soigneur.

Les autres voleurs, qui avaient commencé à prendre leurs armes, furent calmés par leurs chefs. Une fois de plus, les attitudes étranges de certains voleurs pourtant de confiance accréditaient les dires des aventuriers. L'un des agresseurs était mort, et l'autre ne serait pas conscient avant peut-être une journée. Néanmoins, l'elfe noldo et soigneur annonça qu'il sentait de la magie noire sur le survivant. Il utilisa sa magie et le déclara lavé de cette corruption, dont l'origine était évidente...

Ce qui entraîna l'adoption d'une trêve de la part des voleurs. Ils proposèrent à Narmegil et ses amis de s'occuper sur-le-champ des "prophètes" qui étaient peut-être à l'origine de cette magie, bien qu'il n'y ait aucune preuve. Mais cela arrangeait la guilde de ne plus les avoir dans les pattes. Des voleurs furent envoyés quadriller la ville pour repérer où étaient chacun des trois prophètes, tandis que l'équipe s'apprêtait à s'occuper de ces sorciers dès qu'elle pourrait leur mettre la main dessus. La chasse à l'homme fut ainsi lancée, dans la nuit.

5 - Chasse aux prophètes - un puissant inconnu
Deux voleurs furent chargés d'escorter les aventuriers, tant pour les guider et faire le lien avec le réseau de la guilde, que pour vérifier qu'ils menaient à bien ce à quoi ils s'étaient engagés. La nuit était calme, ponctuée par les cris des voleurs qui s'interpelaient et s'organisaient dans leur quartier, avant d'envahir le reste de Tharbad. Les gardes du Canotar, postés sur l'avenue principale qui allait de la porte nord à la porte sud, ne bougèrent pas. Peut-être avaient-ils l'habitude, ou tout simplement savaient-ils qu'ils n'avaient pas les moyens humains de faire une enquête sur ce qui se passait...

En progressant, néanmoins, les aventuriers furent témoins d'une chose étrange : un éclair proche sembla tomber sur la ville, sans bruit, alors que le ciel était clair et les étoiles bien visibles. Les magiciens du groupe suspectèrent de la magie à l'œuvre, sans pour autant en savoir plus. Sauf pour Sîralassë : lui avait bien senti quelque chose, sa perception magique ne pouvait le tromper. En revanche, cette magie, bien que puissante, était fort bien masquée. Sans doute l'œuvre d'un puissant magicien...

Des voleurs arrivèrent bientôt qui firent leur rapport : un prophète avait été repéré, dans un bâtiment à l'abandon qu'il occupait avec ses disciples et fanatiques. Mais il s'était passé quelque chose de bizarre : de nombreuses personnes étaient sorties du bâtiment en courant, comme pressées de s'enfuir. Il y avait bien eu quelques bruits à l'intérieur, comme des échanges verbaux, quelques cris... Puis un éclair était comme tombé sur le toit, et tout était ensuite resté silencieux. Bien entendu, tout le monde était resté à l'écart et s'était bien gardé d'entrer.

Ce que fit l'équipe, une fois arrivée. Le bâtiment était en piteux état, sans même une porte à l'entrée, et des traces récentes de présence humaine étaient bien en vue : feu, repas en cours, etc. Vu la hauteur, il comportait au moins un étage. Le silence intérieur n'était troublé par aucun son, aucun signe de présence humaine. Mais Isis utilisa sa magie afin de savoir, à partir des traces sur le sol, ce qui avait bien pu se passer. Elle utilisa son pouvoir à plus d'une occasion, au cours du périple dans la pauvre demeure, afin de reconstituer le cours des événements.

Il semblait qu'une personne était entrée, calmement, qu'elle avait parlé aux habitants, ce qui avait été suivi par la fuite des gens présents au rez-de-chaussée. La même chose s'était passée à l'étage, sauf pour un individu qui avait trouvé refuge sur le toit. Toit où ne restait plus qu'un corps sanguinolent et fumant, comme celui d'un homme qui a été frappé par un puissant éclair... Des traces montraient enfin une personne, toujours très calme, qui quittait tranquillement le bâtiment par une porte arrière. Sans laisser de signes visibles dans la rue, et sans s'être fait remarquer.

6 - Deuxième prophète : une rixe mortelle
Après avoir constaté que le corps était bien celui d'un prophète - d'après les restes de ses vêtements - la chasse reprit pour trouver ses deux autres compagnons. Bientôt des voleurs vinrent prévenir que l'un d'eux avait été retrouvé. Mais une rixe avait éclaté entre le prophète et ses disciples, et d'autres voleurs. Cela se passait sur les quais, il semblait que l'homme avait cherché à s'enfuir dans une barque. Mais son propriétaire - une femme nommée Grani, déjà rencontrée - n'avait pas été d'accord et avait rameuté d'autres voleurs ; dont certains qui savaient qu'un groupe devait venir s'occuper du prétendu prophète, qu'il fallait donc retarder.

Arrivés sur les lieux, les aventuriers ne purent que constater les dégâts. En effet, si la rixe avait bien encore lieu, elle ne dura plus très longtemps : dès que certains remarquèrent que des renforts étaient sur le point d'arriver, diverses personnes arrêtèrent le combat pour se jeter à l'eau. En laissant quelques corps sur le carreau, dont le fameux prophète... Sîralassë l'examina, mais l'homme était bien mort. La blessure qu'il avait reçue n'était pourtant pas mortelle, mais les traits déformés par la souffrance indiquaient plutôt l'utilisation d'un puissant poison...

Tout se passait comme si une personne s'évertuait à éliminer les indices juste avant que les aventuriers ne mettent la main dessus. Était-ce le troisième prophète qui faisait le ménage ? Quoi qu'il en fût, ce dernier restait introuvable. Les voleurs firent chou blanc, laissant entendre qu'ou bien il s'était enfui et n'était plus en ville, ou bien qu'il avait été tué d'une manière qui ne permettait pas de le retrouver.

Dans le reste du temps qui restait à attendre les éventuels renseignements apportés par les voleurs, l'équipe décida de passer aux Maisons de Guérison. Le groupe passa par le pont, où les soldats mirent en garde Narmegil concernant ses fréquentations, en voyant les deux voleurs qui l'accompagnaient. Le groupe arriva sans mal aux maisons de soins, où l'on finit par les faire tous entrer lorsqu'il fut question de soigner les personnes atteintes de folie lors de l'épisode magique de la veille.

La femme qui fit entrer les aventuriers expliqua que la dame Pelenwen avait déjà soigné une bonne part des fous grâce à ses dons. Ils étaient donc partis, mais il en restait encore certains dont elle n'avait fait qu'atténuer le mal. Sîralassë se fit alors connaître et déclara pouvoir user de ses dons à lui, et il prouva qu'il pouvait faire aussi bien sinon mieux que leur hôtesse et baronne de Tyrn Gorthad. Il arriva à soigner la moitié des personnes encore affectées, dont Lambert, un autre ancien compagnon de Geralt. Mais personne ne se souvenait de rien.

En fin de compte, les aventuriers retournèrent chez Pelenwen, tandis que les voleurs partaient de leur côté. La belle femme fut enchantée de les revoir, ayant craint pour leur vie après tout ce qui s'était passé, et qu'elle avait appris aux Maisons de Guérison, tôt la veille. Elle fut brièvement mise au courant, mais devant l'état d'épuisement et les blessures de certains, elle mit fin à la conversation pour permettre à tous d'aller se reposer.

7 - Troisième prophète : un rêve prémonitoire
En se réveillant en milieu de matinée, Geralt fit part à ses compagnons d'un rêve étrange qu'il avait fait. Il s'était retrouvé dans le Quartier des Voleurs, mais comme s'il n'était pas vraiment là. C'était la nuit, pourtant il voyait parfaitement un des prophètes, caché dans un coin sombre, non loin d'une intersection. Intersection comportant une grille dans le sol, grille à travers laquelle se déversaient les eaux usées, une lourde grille mais assez facile à lever depuis la rue. Une grille sous laquelle une échelle métallique permettait d'atteindre les égouts, quelques mètres plus bas.

Ce songe semblait tout sauf naturel, et il fleurait bon le piège également. Mais y avait-il le choix ? C'était une piste intéressante, quoi qu'elle puisse apporter. Aussi l'équipe fut-elle bientôt prête à repartir chez les voleurs. Après quelques petites consignes laissées aux serviteurs pour prévenir la dame Pelenwen partie aux Maisons de Guérison, les aventuriers se mirent en route. Ils se firent reconnaître au Quartier des Voleurs, et préparèrent une expédition dans les égouts sur le site même que Geralt avait vu en songe. Lorsque des voleurs arrivèrent pour les accompagner comme témoins, ils s'attachèrent entre eux, ainsi qu'avec deux voleurs. Puis ils descendirent.

La crue du fleuve avait envahi les égouts, dont l'essentiel était submergé. La taille des canalisations ne permettait même pas à Vif - pourtant la plus petite - de se tenir complètement debout. Et seule la tête dépassait du niveau de l'eau, animée d'un fort courant, entraînant des difficultés à avancer sans se cogner constamment la tête pour pouvoir respirer. Si l'on rajoutait une eau assez froide et une odeur pas vraiment engageante - mais il paraît que c'était bien pire l'été - cela ne donnait pas vraiment envie de rester très longtemps.

Les plus perceptifs finirent par entendre comme un cheminement au loin, dans une canalisation. Cheminement qui fut plus perceptible après un moment passé à évoluer dans le labyrinthe des égouts. En fin de compte, Sîralassë et Vif se détachèrent pour progresser plus vite et rejoindre le fuyard qui manifestement les avait entendus. Mais l'homme était sans doute épuisé et transi de froid, ayant cherché sans succès une issue. Car toutes les canalisations finissaient sous l'eau, et Geralt savait qu'elles se terminaient par des grilles, quoiqu'en mauvais état pour certaines, voire susceptibles de laisser passer quelqu'un... mais difficilement sous l'eau et avec ce courant.

L'homme plongea pour essayer d'échapper au grand elfe, mais il n'arriva pas à trouver la sortie et commença à se noyer. Ce faisant, il entraîna le soigneur sous l'eau en s'agrippant à lui, mais la Femme des Bois arriva à les sortir de là et à leur faire reprendre leur respiration. S'ensuivit une série de questions auxquelles le "prophète" se laissa soumettre de mauvaise grâce. C'était bien un sorcier d'Angmar, et il savait ce qu'il advenait à ceux qui échouaient : son sort était moins enviable que celui d'un porc qu'on égorge...

8 - Maigres informations
Mais les voleurs attendaient en grelottant que son compte fut réglé. Aussi, Narmegil prit-il une initiative : il fit comprendre au prophète ce qu'il allait faire, puis il fit mine de lui enfoncer sa lance dans le corps. L'homme joua le jeu et poussa un hurlement avant de sombrer, et les deux voleurs se dépêchèrent de remonter au sec et à l'air libre. L'homme émergea ensuite : il était étonné et parla plus facilement, voyant que peut-être sa mort n'était pas pour tout de suite...

Mais il ne savait pas grand chose : il ne faisait pas partie des sorciers venus pour acheter Tarcandil aux voleurs. Par contre, il savait que ces derniers avaient revu les gens d'Angmar pour d'ultimes tractations, la veille, suite à la magie qui avait causé tant de morts. Il ne savait pas non plus qui avait tué les autres prophètes. Il n'avait aucunement connaissance d'une personne d'Angmar capable de lancer des éclairs, mais par contre, tous utilisaient plus ou moins les poisons.

Enfin, il avait connaissance d'un autre sorcier venu spécifiquement pour tuer Vif, mais il ne l'avait jamais vu, ayant de ses nouvelles uniquement par des intermédiaires. Il avait participé de loin à l'embuscade de l'avant-veille, en poussant ses disciples à attaquer Vif dès que l'ordre serait donné. Mais il n'avait pas vu exactement ce qui s'était passé, et lorsque la magie de mort et de folie s'était déclenchée, il avait eu la peur de sa vie et n'avait pas demandé son reste. En revanche, tous ses disciples étaient morts, eux.

Narmegil, bien qu'il lui en coûtât, dit à l'homme qu'il était libre et lui conseilla de se faire oublier. Ses amis et lui ressortirent des égouts, tous trempés et certains écorchés voire légèrement blessés dans leur progression dans les canalisations. Hormis les elfes, la plupart grelottaient. Mais ils ne perdirent pas de temps à se sécher : ils se dirigèrent tout de suite vers la forteresse des voleurs, Ostinen Turambar. Ils avaient rempli leurs obligations, aux voleurs d'apporter quelque chose à présent. Les négociations allaient maintenant reprendre.
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 18:31, modifié 2 fois.
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Tharbad - 7ème partie : changement de tête

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1 - Inquiétude
Les voleurs suivaient le groupe ruisselant, qui ralentissait peu à peu. En fin de compte, face au pont qui menait à la forteresse des voleurs, l'équipe s'arrêta. La plupart de ses membres exprimaient le besoin d'aller se sécher et s'occuper un peu d'eux avant de reprendre les négociations. En fin de compte, les aventuriers firent demi-tour, et devant l'air décidé de Narmegil, nul ne chercha à les retenir. Le Dúnadan annonça juste que ses amis et lui reviendraient plus tard dans la journée, après s'être reposés et faits plus présentables...

La maison du baron de Tyrn Gorthad fut bientôt atteinte. Pelenwen n'était pas là - elle restait toute la journée aux Maisons de Guérison avec deux gardes - mais un serviteur s'empressa de s'occuper de ses invités. Des bains furent pris, des vêtements nettoyés et séchés, de la nourriture fut consommée, et plusieurs prirent un repos bien mérité. Geralt dormait encore, alors que le soir tombait, lorsque le groupe décida de retourner voir les voleurs - non sans une préalable infusion de bonneherbe (réussie comme jamais par le soigneur) pour les fortifier. L'assassin râla comme à son habitude, mais il suivit ses compagnons.

La figure imposante de Narmegil et son attitude menaçante envers les voleurs et mendiants qui s'approchaient trop firent comme d'habitude place nette : tous se tenaient à l'écart de sa lance et de sa personne, et l'ensemble du groupe pouvait ainsi progresser sans mal dans la ville et certaines rues bondées. Néanmoins, Isis distribua quelques pièces à ses ex-compatriotes : elle avait passé pas mal d'années à Tharbad, sous les traits d'une humaine, et elle avait appris beaucoup à la guilde des voleurs, et fait de nombreuses rencontres dont elle gardait maints souvenirs...

Et justement, en donnant une pièce à un individu qui lui fit un clin d'œil, elle reconnut une vieille connaissance. Un petit échange suivit, mais très bref, la personne ayant sans doute peur de possibles représailles. Elle donna quelques vagues nouvelles sur l'ancien maître d'Isis, Alucar, réfugié dans le Gondor. Mais surtout, elle dit que des nouvelles venues de l'extérieur étaient parvenues aux chefs de la guilde, qui attendaient à présent les aventuriers de pied ferme. Ils semblaient plus sûrs d'eux et déterminés, et dans leurs consignes l'équipe était considérée avec plus de fermeté et moins d'incertitude.

L'équipe progressa plus lentement, faisant diverses haltes pour discuter plus avant des dernières nouvelles. Certains, comme Geralt et Isis, trouvaient pure folie d'aller voir les voleurs chez eux, pour un coup de bluff déjà éventé. Mais Narmegil tenait à retrouver la piste de son grand-père, et personne ne put proposer d'alternative qui le satisfasse. Isis pointa du doigt le fait que son époux n'était nullement le chef du groupe. Mais si certains se sentaient libres de partir, la présence de près de deux cents voleurs tout autour, voire plus, fit beaucoup pour garder le groupe uni. La forteresse était là, et quand le vin est tiré, il faut le boire. Devant la porte ouverte et l'insistance des voleurs, ils entrèrent.

2 - Avancée et menaces
Le groupe traversa la cour et il fut mené jusqu'au bâtiment principal, puis à un escalier et une pièce qu'ils connaissaient déjà. A la table, trois silhouettes les attendaient, toujours les mêmes, comme si elles n'avaient pas bougé depuis la dernière fois. A peu de choses près, les aventuriers prirent les mêmes places, entourés de nombreux voleurs - dont beaucoup d'ex-collègues de Geralt - parmi les plus costauds. Contrairement à la fois précédente, nombreux étaient ceux qui portaient un arc et des flèches.

Après quelques menus préambules entre Narmegil et le chef des voleurs, ce dernier prit une attitude qui se voulait généreuse et magnanime - ou était-ce plutôt une attitude de moquerie ? Il parla de la mort des "prophètes" et du contrat que l'équipe avait menée à bien ; même si elle n'était pas responsable de deux des trois morts... En conséquence, il voulait bien céder sur un point : le grand-père de Narmegil. Mais Tarcandil avait en fait été vendu aux gens d'Angmar, qui étaient repartis avec lui la veille, en cours de matinée.

Le Dúnadan du groupe fulminait, mais il s'attendait trop à cette nouvelle pour laisser éclater sa colère. Le maître de la guilde continua en donnant quelques détails : les gens d'Angmar étaient six, dont trois serviteurs ou gardes du corps, tous en noir, et pas le genre qu'on intimide facilement - le contraire plutôt. Malgré leur âpreté au marchandage, ils avaient paru inquiets après l'éclat de magie qui avait tué une centaine de personnes. Du coup, ils avaient cédé aux voleurs, les avaient payés, et étaient partis le plus vite possible avec le noble aïeul.

Mais alors que Narmegil faisait mine de se lever, le chef de la guilde lui fit signe qu'il n'avait pas fini. Bien sûr, il pouvait partir, de même que son serviteur dunéen (Drilun) et son grand ami elfe (Sîralassë). Mais ni Geralt ni Isis, qui "appartenaient" à la guilde, et qui n'avaient pas eu l'heur de payer une certaine somme réclamée. Pas plus que Vif, pour laquelle un contrat mirifique courait, que la guilde ne tenait pas à laisser filer comme cela...

Les aventuriers se montrèrent intimidants quant à leurs pouvoirs magiques, et ils se moquèrent des voleurs qui croyaient si facilement qu'Angmar respecterait sa parole. Mais le chef de la guilde répondit qu'Angmar avait déjà été un bon client, et qu'un si gros contrat méritait bien quelques risques. Quant aux fameux pouvoirs des personnages, il ne semblait guère s'en inquiéter. Sur un claquement de doigts, des arcs se tendirent, flèches encochées... en direction d'Isis principalement. Le noble Dúnadan en face de lui n'allait pas mettre en danger la vie de son épouse et de l'enfant à naître ?

Et leur interlocuteur continua en disant qu'au cours de sa petite enquête, la guilde avait trouvé quelqu'un. Au lever du jour, la veille, il avait vu une barque, à un petit village sur le fleuve, en aval. Barque dans laquelle plusieurs personnes - mais pas Vif - gisaient, apparemment épuisées ou inconscientes, à tel point qu'elles n'avaient pu arrêter la barque et accoster sur les quais. La magie qui avait si durement affecté les voleurs ne venait pas des aventuriers, et elle leur avait même porté un rude coup, semblait-il...

3 - Duel
Les paroles de colère ou raison de Narmegil ne rencontrèrent aucun écho. La menace d'Angmar sur les peuples d'Eriador en général et de Tharbad en particulier était du domaine de l'avenir. Balt souriait en regardant Geralt en face de lui, comme jouissant de pensées particulièrement agréables à son égard. Mais l'homme aux cheveux blancs prit soudain une inspiration, et il se dressa : Geralt défiait son ancien supérieur, selon les lois des assassins. Balt était un incapable qui prenait les plus mauvaises des décisions, et il allait le montrer. Il demandait un duel avec lui. Immédiatement.

La perspective fit sourire le chef des assassins, dont l'œil s'écarquilla de plaisir anticipé. Narmegil proposa de faire également un duel, mais on l'écarta en lui disant qu'il ne faisait pas partie de la guilde. Par ailleurs, son épouse et son ami elfes ne devaient pas être témoins du duel, les voleurs n'ayant aucune confiance dans leurs pouvoirs. Narmegil et Vif choisirent de rester avec eux dans la pièce, mais Drilun préféra descendre et accompagner son ami dans la cour. Auparavant, le soigneur du groupe avait remis une petite noix dans la main de Geralt, en lui souhaitant bonne chance.

En bas, l'assassin flemmard entraperçut son ancien compagnon Eskel qui lui envoya un encouragement. Les voleurs faisaient un large cercle - une trentaine de mètres de diamètre - tandis que Balt et Geralt étaient emmenés à deux points opposés à l'extérieur du cercle. Le premier devait préparer ses poisons, mais le second mangeait la noix de l'écureuil remise par l'elfe. Enfin, le cercle s'ouvrit aux deux bouts, et les combattants entrèrent dans le cercle bien éclairé par des torches et lanternes - la nuit était désormais tombée.

Tandis que les deux assassins s'approchaient lentement l'un de l'autre en tournant, une épée levée, Balt énumérait la liste des blessures et sévices qu'il allait infliger à son adversaire... mais aussi tous ceux qu'il avait eu le bonheur de lui faire par le passé. Les mots étaient soigneusement choisis, et ils faisaient mouche, mettant mal à l'aise Geralt avec ces souvenirs douloureux. Sur un côté, Drilun ne cessait de se concentrer sur un sort, attendant la valse des lames pour gêner celle de Balt.

A cinq mètres l'un de l'autre, ce dernier lança brusquement une dague qu'il avait sortie et avec laquelle il jonglait depuis un moment. Bien entendu, la lumière jetait des reflets huileux sur la lame, preuve de la présence d'un poison probablement violent. Mais Geralt dévia la dague avec sa lame sans grand problème, et il fonça sur son adversaire. Les deux assassins étaient extrêmement rapides, et l'homme aux cheveux blancs sentait encore la douleur de l'arrêt de son cœur il y avait un jour et demi de cela. Mais entre la bonneherbe prise moins d'une heure auparavant, et la drogue fantastique qu'était la noix de l'écureuil, Geralt était gonflé à bloc et rapide comme jamais.

Les lames virevoltèrent dans un ballet incroyablement rapide et difficile à suivre. Le chef des assassins, prudent, choisit de parer la première attaque de Geralt, plus rapide, et sa contre-attaque resta prudente, l'homme restant sur la défensive. L'attaque fut donc facilement parée par Geralt, qui avait choisi de la bloquer entièrement. Mais il put à son tour contre-attaquer, perçant la défense de son adversaire. Balt s'écroula, le corps transpercé. Le combat avait duré une demi-douzaine de secondes seulement, pendant lesquelles trois passes d'armes avaient été effectuées... Le plus rapide l'avait emporté.

4 - Tractations et promesses
Des hourras s'élevèrent pour fêter ce nouveau chef des assassins. Eskel félicita son ancien collègue, en répétant plusieurs fois qu'il avait du mal à reconnaître le timide Geralt d'antan. Pour ne rien dire de sa prodigieuse rapidité. Elle était extraordinaire déjà auparavant, mais là... Suite à des questions sur la manière dont il avait appris à bouger aussi vite, Geralt se contenta de dire qu'il avait bénéficié de l'entraînement des elfes. Il promit aussi à certains qu'il pourrait éventuellement les entraîner.

Balt respirait encore, mais il saignait abondamment, sa vie n'était plus qu'une question de minutes. Geralt savait que Sîralassë pouvait le sauver, mais y tenait-il ? Le garder en vie risquait de poser des problèmes pour après, sans compter que les autres assassins pouvaient prendre cela comme un signe de faiblesse. Balt l'avait torturé, autant fermer définitivement cette période de sa vie. Il fit donc ce que les autres assassins attendaient de lui : il dépouilla son adversaire tombé. Il récupéra ainsi des dagues et une épée de bonne facture, des fioles de poison, et une bonne bourse contant près d'une pièce d'or en menue monnaie. Ainsi qu'une veste de cuir robuste et légère à la fois, qu'il ne serait pas dur de réparer.

Drilun et lui remontèrent ensuite dans la pièce où les deux autres chefs les attendaient. Geralt prit la place de Balt cette fois-ci, à la gauche du chef de la guilde. Chef qui l'accueillit - avec un air un peu forcé - en tant que nouveau chef des assassins. Le troisième larron, probablement le chef des mendiants, avait un air plutôt inquiet. Puisque Geralt était "rentré dans le rang", et prêt à diriger les assassins, sa tête n'était plus mise à prix. Mais pour Isis et Vif, les contrats courraient toujours.

Geralt demanda alors à parler sans la présence des aventuriers. Ces derniers sortirent et la porte fut refermée, bien que Vif arriva à saisir quelques mots à distance. Leur ami savait que Balt avait son propre butin personnel, même s'il n'avait aucune idée du lieu - quelque part dans la forteresse - ni de la quantité. Mais il offrit l'ensemble du butin contre le contrat sur la tête d'Isis. Cela ne couvrait peut-être pas toute la somme, mais le poids des assassins au sein de la guilde était un autre facteur que les deux autres chefs devaient prendre en compte...

En fin de compte, les aventuriers furent invités à revenir, et le chef de la guilde annonça la chose : avec générosité, la guilde épongeait la "dette" sur la tête d'Isis, qui était libre de partir - et de ne pas revenir. En revanche, la commande d'Angmar - 10.000 pièces d'or contre la tête de Vif - restait pleine et entière, et la femme des bois ne quitterait pas la pièce. Ni les menaces des aventuriers, ni la position de Geralt, ne firent fléchir le chef. Ce dernier tenait à savoir pourquoi Angmar avait mis un tel prix, mais la réponse des aventuriers - "des trucs de magie impossibles à expliquer" - ne put le contenter.

En fin de compte, l'assassin aux cheveux blancs fit une nouvelle annonce : il apporterait la somme, ou du moins une bonne partie, dès qu'il pourrait aller la chercher ou faire chercher. Il avait effectivement laissé nombre de bijoux, récupérés dans le trésor du dragon, chez maître Elrond. Il donna sa parole de chef des assassins qu'il tiendrait sa promesse, et arriva à persuader que ce trésor, même moindre que le prix donné par Angmar, comportait moins de risques et valait la peine d'être pris. Il put négocier un délai de trois mois pour accomplir cette tâche. Au-delà, sa tête comme celle de Vif ne tiendraient guère longtemps sur leurs épaules, l'ensemble des assassins y veilleraient.

5 - Organisation et préparatifs
La pièce se vida rapidement, tant des voleurs que des aventuriers. Geralt réunit les assassins et leur fit part de ses consignes. En son absence, il nommait Eskel comme second et demandait à tous de lui obéir comme à lui. Son autre ancien collègue, Lambert, fut élevé au rang de garde du corps d'Eskel. Il donna quelques autres consignes en vue de son départ, et annonça qu'à son retour, il pensait changer diverses choses concernant la politique des assassins. Il ordonna aussi de faire profil bas vis-à-vis des voleurs, tout en suggérant que les choses pourraient changer à l'avenir, une fois revenu. A Eskel, il recommanda de bien faire attention : en son absence, il y aurait sûrement des manœuvres pour lui reprendre le contrôle des assassins...

L'équipe repartit en ville, en direction de la maison de Pelenwen et de son frère, sans être nullement dérangée par les bandes de jeunes et les mendiants : Geralt avait donné des ordres en ce sens. La nouvelle du duel et du changement de chef des assassins s'était rapidement répandue en ville, et la rapidité et la "propreté" du combat feraient encore causer sans doute de nombreux jours durant. D'adversaire, la guilde était maintenant plus ou moins alliée. Pour trois mois tout au moins, ou au plus.

La dame Pelenwen fut ravie de revoir ses invités et d'entendre des nouvelles fraîches, mais elle fronça les sourcils en considérant qu'elle abritait le chef des assassins. Car ces derniers restaient un ennemi et la plaie de Tharbad, du Cardolan et d'Arthedain même. Geralt objecta que les choses changeraient et qu'il comptait peser de tout son poids pour faire changer cela, mais son hôtesse restait sceptique. Mais il y avait d'autres choses plus urgentes à considérer.

Narmegil annonça qu'ils avaient besoin de chevaux pour partir à la poursuite des ravisseurs de son aïeul. Il était prêt à acheter ceux de la dame Pelenwen, qui était venue avec six montures pour ses gardes, ses serviteurs et elle. Mais l'argent ne signifiait rien pour elle, même si sa maison n'était pas bien riche. Que Narmegil prenne ses chevaux, la vie de son grand-père et la lutte contre Angmar étaient plus importants que l'argent. Le Dúnadan insista néanmoins pour lui offrir une petite somme d'or, ne serait-ce que pour aider aux soins ou toute autre chose dont son hôtesse trouverait l'utilité.

Tandis que les membres humains de l'équipe se reposaient, les deux elfes sortirent de ville pour chercher des traces. Les voleurs avaient donné quelques indications - le groupe de cavaliers serait parti le long du fleuve, en direction de Fennas Drúnin - mais Isis voulait vérifier par elle-même. Il y avait trop de traces pour qu'elle puisse en tirer quelque chose à l'aide de sa magie, mais elle appela des animaux pour la renseigner. Le deuxième se rappela avoir vu un groupe semblable à celui qu'elle décrivait prendre la route en question.

6 - Voyage vers le nord-est
Après avoir dormi et pris quelques provisions, le groupe fut amené aux écuries par un des serviteurs avant même le lever du soleil. Malgré les protestations de Geralt, le groupe fut parti au petit matin. Le temps était clément, les chevaux bien reposés, mais les cavaliers n'étaient pas tous aussi compétents que le Dúnadan ou le Noldo. Drilun en particulier était mal à l'aise, mais si un autre cavalier dirigeait sa monture à l'aide d'une corde, il pouvait tenir en selle... d'ordinaire. Isis chevauchait avec son époux, mais ils devaient souvent changer de cheval, qui se fatiguait vite. L'allure ne fut donc pas très rapide, un petit trot là où Narmegil aurait voulu un grand galop.

En milieu de matinée, le groupe arriva à un gué sur un des affluents de la Mitheithel (Fontgrise), la rivière qu'ils remontaient. Mais c'était la saison des pluies et de la fonte des neiges, et le gué n'était pas facile à passer, même à cheval. Certains, comme Vif, étaient néanmoins plus à l'aise à pied que sur une selle, et préférèrent franchir le gué ainsi. Mais il fallut faire un feu pour se sécher ensuite. Néanmoins, tous arrivèrent à passer, avec plus ou moins de difficultés et de petites frayeurs.

La journée se déroula sans grand problème autre que la faible allure de leur cavalcade, plus quelques chutes. Drilun désespérait de faire un jour un bon cavalier. Peu avant la tombée de la nuit, un nouveau gué fut atteint, franchi avec autant de maladresse que le premier, voire plus. Mais franchi quand même. Vu l'avancée de la journée, il fut décidé de faire un camp et de se reposer. La Femme des Bois prépara un abri et recueillit de la nourriture aux alentours, tandis que le temps se faisait de plus en plus menaçant.

Isis en profita, avec l'aide de Vif, pour trouver des traces de passage récent et confirmer avec l'aide d'un sort que le groupe qu'ils poursuivaient était bien passé par là. Sa magie lui permit aussi de déterminer que deux bonnes journées les séparaient de Tarcandil et de ses ravisseurs. Les cavaliers qu'ils poursuivaient semblaient bien meilleurs qu'eux. Aussi Narmegil décida-t-il de poursuivre sa chevauchée seul, la nuit et le lendemain, en direction de Fennas Drúnin, au confluent de la Mitheithel et de la Bruinen (Sonoronne). Rendez-vous fut pris dans cette petite ville, et le cavalier dúnadan fut parti avec un cheval magiquement reposé grâce à Sîralassë.

Malheureusement, la pluie arriva au bout de quelques heures et se transforma vite en déluge. Si Narmegil avait pu avancer à une bonne allure à ses débuts, aidé par du trèfle de lune qui améliorait sa vision nocturne, il dut vite ralentir. Il poursuivit néanmoins sa chevauchée toute la nuit durant, au petit trot, en essayant de ménager sa monture le plus possible. Puis il continua sur le petit matin, un peu plus vite : il y voyait mieux et la pluie était moins forte. Il arriva enfin au confluent, et aperçut la ville de Fennas Drúnin de l'autre côté de la rivière.

De leur côté, les amis et épouse du Dúnadan avaient passé une nuit humide mais améliorée par la magie récupératrice de l'elfe noldo. Le départ au matin fut une autre paire de manches, et seules des cordes empêchèrent Drilun de chuter et trop ralentir le groupe. Il fit l'essentiel du voyage la tête en bas, alternant un côté, puis l'autre. Ce fut une bien triste journée, sans avoir vu personne, suivie par une nuit toute aussi triste et humide. Heureusement il restait la magie des soins de Sîralassë, une nouvelle fois, pour leur remonter le moral.

Le groupe repartit le lendemain, pour arriver au confluent en fin de matinée. Mais peu auparavant, alors qu'un sentier partait sur la gauche, Vif remarqua des traces de sabot miraculeusement épargnées par la pluie, sous un arbre. Traces sur lesquelles Isis fit un sort, qui confirma leurs doutes : les cavaliers qu'ils poursuivaient n'étaient pas passés par Fennas Drúnin, ils avaient poursuivi le long de la rivière, vers le nord. Il y avait trois jours de cela.

7 - Fennas Drúnin
Premier arrivé, Narmegil ne vit aucun moyen immédiat de franchir la rivière : il n'y avait aucun pont. En explorant les lieux à proximité de bâtiments vides, il découvrit une corde tendue entre la ville et là où il se tenait : manifestement, un bac devait faire régulièrement l'aller-retour, mais vu la pluie qui tombait, peut-être fallait-il s'attendre à du retard. Le bruit de la pluie sur l'eau de la rivière emporta ses cris lorsqu'il tenta de se faire remarquer. Au bout du compte, il lui fallut attendre une heure ou deux avant que des gens sortent de la ville. Ils le remarquèrent et amenèrent le bac pour lui faire franchir la rivière, à lui et son cheval - contre paiement.

Les hommes n'avaient pas vu de groupe de cavaliers noirs, ni son grand-père. Il laissa son cheval complètement fourbu à une bonne écurie, tenue par un certain Feagwin. Ce dernier lui apprit qu'il n'avait pas de chevaux disponibles, en raison de la guerre récente avec le Rhudaur, qui les accaparait tous. Puis le Dúnadan se sécha et se restaura à la meilleure et plus vieille auberge de la ville, "La chênaie", où on lui apprit qu'un autre seigneur dúnadan était passé quelques mois auparavant, un certain Taurgil. Ce qui rappela au grand cavalier des histoires sur un groupe d'aventuriers qui avait tué un dragon à Nothva Rhaglaw - le dénommé Taurgil en faisait partie.

Après quoi Narmegil se renseigna et essaya d'obtenir un entretien avec le chef de la ville, ou plutôt le chef du conseil qui dirigeait la ville, un certain Paetric. Il le reçut après quelques heures et lui confirma que personne n'avait vu son grand-père ni le groupe qu'il recherchait. Néanmoins, les cavaliers avaient pu continuer vers le nord en longeant la rivière, et la franchir au Dernier Pont, où passait la Grande Route de l'Est. Narmegil remercia, et en attendant ses amis et épouse, il alla traîner chez un vieil herboriste dúnadan, Andalyn, et lui acheta quelques herbes, dont un très rare don-de-vipère.

Il finit par retrouver ses compagnons le lendemain, après une nuit à l'auberge et une matinée à attendre. Tous partagèrent les informations qu'ils avaient recueillies, tout en laissant leurs montures à l'écurie et en allant se restaurer à l'auberge. Ils discutèrent de la route à prendre : Narmegil était tenté de couper à travers l'Angle, la région entre les rivières Mitheithel et Bruinen, mais c'était une terre de conflits entre le Cardolan et le Rhudaur. Plusieurs préféraient partir sur les traces des cavaliers, le long de la Mitheithel : la route était plus longue, mais ils ne perdraient pas la trace de Tarcandil.

Ce point ne fut pas tranché, mais il fut convenu de rester se reposer et de ne repartir que le lendemain - au grand plaisir de Geralt. Sîralassë en profita pour se faire connaître auprès de Paetric, chef du conseil de la ville, qui le reçut tout de suite. Il lui parla de sa sœur qui avait autrefois été emportée par les eaux, en amont. Cela rappela quelque chose à Paetric, qui parla d'une personne recueillie à la même période par un riche marchand de la ville, Amrill. Ce dernier avait ensuite déclaré qu'il l'avait envoyée en Gondor, mais la ville avait plus tard découvert que le marchand était en fait un agent d'Angmar, démasqué par Taurgil et ses amis.

L'identité de la personne recueillie et son emplacement actuel restaient donc inconnus. Aussi le soigneur décida-t-il d'écrire un message sur un parchemin, parchemin qu'il remit ensuite à Paetric avec une forte somme. Cinq pièces d'or à remettre à la personne, si jamais il la revoyait, plus une pièce d'or au chef du conseil de Fennas Drúnin pour sa peine. En espérant qu'il s'agissait bien de sa sœur, qu'elle était vivante... qu'elle repasserait peut-être... qu'elle aurait son message et son or... et qu'enfin ils pourraient se retrouver. Il en aurait, des choses à lui dire !
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Tharbad - 8ème partie : concours d'appâts

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1 - Un prisonnier peu docile
En fin de compte, Narmegil se rangea à l'avis de la majorité : ils partiraient tous sur les traces des ravisseurs, et ne chercheraient pas à prendre un hasardeux raccourci qui risquait de leur faire perdre la piste. Par contre, le temps jouait contre eux, et donc il fut accepté de partir tout de suite sans attendre le lendemain. Il fallut réveiller Geralt, qui prenait goût au lit de l'auberge, et payer les personnes chargées de gérer le bac qui permettait de franchir la rivière : Narmegil demanda un passage supplémentaire, il ne souhaitait pas attendre celui de fin de journée. Sîralassë s'était occupé des chevaux, et la magie qu'il leur avait insufflée leur avait fait oublier la fatigue. Et des vivres furent achetées avant le départ.

Après un peu moins de trois jours et une bonne averse, la piste était froide et difficile à suivre. Mais les talents de pisteuse de la Femme des Bois, associés à la magie du Dunéen et de la belle elfe, eurent raison - non sans mal - de cette difficulté. La piste fut suivie jusqu'aux ruines d'un village, en bord de rivière, où les ravisseurs avaient fait un camp. Comme la nuit tombait, ce fut l'occasion de préparer un camp aussi, d'économiser leurs vivres en allant se servir dans la nature, de se sécher - une petite pluie continuait à tomber - et de préparer le voyage du lendemain, car le sentier suivi jusque-là partait dans une direction inattendue.

Les talents combinés des uns et des autres permirent de savoir à quoi s'en tenir sur la route à suivre : il fallait bien suivre le sentier, même s'il partait vers le nord-ouest, s'éloignant de la rivière et du Rhudaur. Par ailleurs, une vision magique montra que Tarcandil était loin de se laisser faire, et il ne ratait pas une occasion de ralentir ses ravisseurs. Malgré son âge, et malgré les coups qu'il recevait sans doute, il menait la vie dure aux cavaliers d'Angmar. Ces derniers étaient meilleurs cavaliers qu'eux, et ils utilisaient leur magie pour améliorer les conditions météorologiques en leur faveur, mais le boulet qu'ils traînaient était tout sauf inerte. Chaque halte était pour lui l'occasion d'essayer de fausser compagnie aux sorciers et rôdeurs noirs d'Angmar.

Ils s'en rendirent à nouveau compte le lendemain : après avoir suivi le sentier, qui contournait un bois, ils parvinrent à l'ancienne haie d'épineux qui marquait la frontière entre le Cardolan et le Rhudaur. Les cavaliers d'Angmar l'avaient suivie vers l'est, jusqu'à trouver un passage pour passer de l'autre côté. Et là, les traces montraient clairement qu'un cheval était parti au galop dans une direction opposée, bientôt suivi par trois autres. La suite fut facile à reconstituer en suivant les traces : Tarcandil avait réussi à prendre la maîtrise de son cheval, mais après quelques miles il avait été rattrapé et maîtrisé - brutalement - par ses trois poursuivants. Mais cela avait encore fait perdre un peu de temps...

Un rapace appelé par magie confirma le chemin global pris par les cavaliers trois jours auparavant : ils avaient rejoint la rivière et l'avaient suivie vers le nord et le Dernier Pont sur la Grande Route de l'Est. Sachant cela, les aventuriers ne perdirent plus de temps à suivre les traces et ils galopèrent le plus vite possible dans cette direction. Au grand dam de Drilun, mauvais cavalier qu'il fallait attacher au cheval par des cordes : il passa une partie du trajet la tête en bas, tandis que Sîralassë ou Narmegil, meilleurs cavaliers du groupe, tiraient le cheval par la bride. Mais l'état d'Isis demandait aussi de fréquents arrêts pour se reposer : son état de femme enceinte supportait mal ce train d'enfer.

Vers la fin de la journée, des traces de camp furent atteintes, et la cavalcade s'arrêta là pour le groupe. En plus d'une occasion, des traces avaient montré que le grand-père de Narmegil n'avait pas hésité à se laisser tomber de cheval pour ralentir la progression des gens d'Angmar. Mais Isis était aussi une gêne, et les aventuriers ne pouvaient faire mieux que maintenir la distance entre les deux groupes, ils n'arrivaient pas à la réduire. Et ils n'étaient plus loin du Dernier Pont et des probables armées du Rhudaur.

2 - Scènes de famille
Le soir, en cherchant à manger, Vif eut un échange avec le lynx blanc qui les suivait toujours, et qui s'énervait de voir sa protégée continuer avec ses idiots d'amis dans une zone si dangereuse. Mais comme elle ne semblait pas vouloir céder, le lynx profita de la nuit pour faire fuir trois chevaux, dont deux seulement furent récupérés. Le dernier finit égorgé, malgré une flèche d'Isis qui pensait avoir touché le lynx. Il fallut appeler magiquement une monture sauvage, le lendemain, afin de compenser cette perte. Mais le petit félin blanc finit par bientôt disparaître, au grand soulagement de l'équipe.

Il ne fallut pas longtemps, le lendemain matin, pour arriver à la Grande Route de l'Est et au Dernier Pont sur la Mitheithel. Une auberge se tenait toute proche, sur la rive orientale, gérée par la famille Grumm, et quelques fermes avoisinantes complétaient le tableau. Les traces relevées permirent de montrer que les cavaliers d'Angmar avaient fait halte là un bref moment, sans doute pour qu'un des cavaliers puisse acheter des provisions, ce qui fut confirmé par les aubergistes, qui avaient bien remarqué le prisonnier maintenu à l'écart.

Mais là, Isis avoua son ras-le-bol et sa décision d'arrêter les frais : son état ne lui permettait plus de continuer, et de plus elle était un frein pour l'équipe. Elle ne continuerait pas avec Narmegil et ses amis, elle allait rentrer chez eux, dans la Comté. Ce à quoi le grand Dúnadan répondit qu'il comprenait parfaitement, mais qu'il ne pouvait la laisser seule dans ce territoire dangereux, où ils avaient rencontré des orcs à leur dernier passage. Il abandonnait donc la poursuite et choisissait d'assurer la sécurité de son épouse et de leur enfant.

La discussion escalada en un débat plus vif : l'elfe magicienne savait que la perte de son grand-père porterait un coup au moral de son époux, et elle le poussa à continuer la poursuite. Mais l'époux en question ne pouvait admettre de laisser son épouse seule ou même avec Geralt - qui ne demandait pas mieux que de revenir tranquillement à Tumulus - dans un lieu si dangereux. Un loup-garou rôdait pas loin, et l'assassin et la magicienne n'étaient pas de taille à l'affronter. Et pas question de laisser Isis à l'auberge une ou deux semaines, les risques étaient trop grands.

La scène de ménage dura un moment, chacun mettant l'intérêt de l'autre avant le sien, et aucun n'acceptant de céder à l'autre. Isis avait beau montrer à son époux qu'il perdait du temps et que les chances de retrouver le grand-père s'amincissaient à chaque minute, Narmegil ne pouvait admettre de lui faire prendre des risques : il resterait avec elle jusqu'à un endroit véritablement sûr. Éventuellement en perdant l'espoir de revoir son grand-père, qui à ses yeux était moins important que son épouse.

Mais une solution fut avancée par le reste de l'équipe : entre la vision d'un rapace qui avait confirmé que les cavaliers étaient partis vers l'est, et la connaissance que Drilun avait du Rhudaur, un compromis semblait possible. Les cavaliers d'Angmar avaient sans doute continué jusqu'à la route d'Angmar, à quelques dizaines de miles à l'est d'ici, avant de prendre au nord. Mais ce carrefour n'était pas très éloigné d'Imladris - peut-être une demi-journée à cheval à bonne allure. La proposition - qui fut acceptée - fut de déposer Isis à Fondcombe et de reprendre seulement ensuite la poursuite.

3 - Rencontres hostiles
Le groupe remonta en selle - sauf ceux qui montaient à cru - et partit au galop plein est. La route pavée était un régal de facilité pour l'équitation, malgré quelques endroits mal voire non entretenus. La vitesse était donc excellente, pour un confort équivalent à celui des jours précédents : le paysage défilait, fait de bois et de collines de plus en plus escarpées à mesure que les Monts Brumeux se rapprochaient dans le lointain. Il avait cessé de pleuvoir, et les six chevaux avançaient bien. D'autant qu'il fallait régulièrement s'arrêter pour faire souffler Isis, entre autres.

Mais une première patrouille de Dunéens du Rhudaur fut rencontrée. Une douzaine de fantassins à l'air méfiant, qui interpelèrent le groupe dans leur langue. Manifestement, les étrangers n'étaient pas les bienvenus ici, hormis les marchands réguliers et connus... et qui s'acquittaient des taxes. La conversation se passa sans trop de mal néanmoins, jusqu'au moment où Narmegil, à travers Drilun qui jouait au traducteur, demanda des nouvelles d'un groupe de cavaliers passé trois jours auparavant, et qu'ils recherchaient.

Manifestement, les Dunéens avaient eu des ordres de ces mêmes cavaliers, car ils prirent tout de suite leurs armes et marchèrent sur les aventuriers. Leur chef, en commandant à ses hommes de se préparer au combat, laissa entendre que Narmegil et ses amis étaient ceux qu'ils cherchaient. Mais nos amis n'avaient pas de temps à perdre, et les montures furent éperonnées. Subjugués par la présence magique et la détermination de Sîralassë et Narmegil, les hommes du Rhudaur s'écartèrent bien vite et laissèrent le groupe passer sans oser rien faire.

Plus tard dans la matinée, un autre groupe fut repéré sur la route, à un carrefour vers le sud. Mais là il s'agissait d'une plus grosse compagnie, plusieurs dizaines d'hommes d'armes, dont des cavaliers. Les aventuriers n'avaient pas été repérés, aussi fut-il décidé de faire un large détour pour éviter le groupe armé et reprendre la route un peu plus loin. Mais cela fit perdre du temps, même si l'allure avait été assez bonne jusque-là.

Dans le courant de l'après-midi, en revanche, les cavaliers arrivèrent en vue du carrefour avec la route d'Angmar, probablement prise par les gens qu'ils pourchassaient. Mais là, à distance, ils ne virent rien de moins qu'une petite armée campant autour du croisement, sur le site d'un ancien village en ruines. Le relief, escarpé, rendait tout contournement difficile et facilement repérable vers le nord, où les collines escarpées étaient dénudées et visibles de loin. Aussi le groupe préféra-t-il avancer sous le couvert des bois sur leur droite, au sud de la route.

Il fallut avancer au pas à travers les arbres, mais la progression arriva vite à un terme, lorsque la forêt fit place à la route menant au sud. L'équipe n'était qu'à quelques centaines de mètres au sud-ouest de l'armée en contrebas, au centre de la cuvette au fond de laquelle les routes se croisaient. Impossible de progresser au nord ou à l'est sans se faire repérer, il n'y avait plus de couvert boisé et protecteur au-delà de la position du groupe. Sauf de l'autre côté de l'armée et du croisement, au nord-est, mais il était impossible d'y arriver sauf en volant. Le groupe était bloqué.

4 - Rencontre amicale
Depuis un moment déjà, Vif avait repris certains traits félins, à savoir leurs yeux et oreilles. Aussi son ouïe était-elle assez fine pour percevoir bientôt qu'ils n'étaient pas seuls dans la forêt de ce côté-ci de la route : un groupe d'hommes du Rhudaur était sans doute occupé à ramasser du bois et de la nourriture, et il revenait à présent dans leur direction. Ils seraient bientôt là, et il était hors de question de les combattre, au risque de vite prévenir l'armée si proche.

L'équipe mit donc pied à terre pour s'écarter discrètement avec les chevaux, sauf Drilun qui était toujours attaché... et il ne restait plus assez de temps pour le détacher. Malheureusement, le mauvais cavalier qu'il était ne put rester bien longtemps en selle avec toutes les branches et le sol pentu qu'ils foulaient. Sa chute, retenue par les cordes, dérangea néanmoins sa monture qui poussa un petit hennissement. Mais les hommes, maintenant proches, ne l'entendirent pas ou n'y firent pas attention, le prenant peut-être pour celui d'un des chevaux de l'armée non loin.

Un peu plus loin, Drilun écouta magiquement le sol et perçut les présences des Dunéens aux alentours. Mais également d'autres présences, bien plus discrètes, sous le couvert des bois au nord-est. Vif monta alors dans un arbre avec la longue-vue de Sîralassë. Elle observa les alentours, et notamment la forêt de l'autre côté de l'armée, quand elle vit brusquement, en haut d'un arbre, la silhouette d'un elfe connu apparaître et faire un geste dans sa direction ! Niemal, déjà rencontré dans l'Arthedain, semblait l'avoir repérée malgré la distance. Il disparut peu après, et elle se dépêcha de redescendre prévenir ses amis.

Sîralassë décida alors d'appeler magiquement un rapace pour transmettre un message, comme il l'avait déjà fait quelques heures auparavant, mais sans savoir où d'éventuels elfes de Fondcombe pouvaient se trouver. Un épervier apparut bientôt, mais avant même de pouvoir lui dicter un message, l'oiseau en récita un que Niemal venait de lui transmettre : rendez-vous était donné pour la nuit, pendant laquelle les aventuriers devraient franchir l'espace les séparant.

Le reste de l'après-midi fut donc occupé à se reposer, jusqu'à la tombée de la nuit. Alors que le groupe discutait de la voie à prendre, une brume descendit sur les lieux qui obscurcit complètement la zone où l'armée était installée. Peu de temps après, Vif entendit quelqu'un approcher, seul, alors que les chevaux commençaient à se faire nerveux. Elle finit par reconnaître un ours, et suspecta un envoyé des elfes venu pour les guider, ce qui était le cas. Les chevaux furent maîtrisés sans grand mal, et l'ours, arrivé assez près, grogna comme s'il attendait qu'on le suive...

Ce que fit l'équipe. Le plantigrade semblait savoir où il allait, et surtout, il reniflait régulièrement l'air, identifiant la présence proche d'hommes du Rhudaur et modifiant sa route en conséquence. Narmegil et ses amis purent ainsi traverser sans mal la zone surveillée par l'armée, et arriver enfin aux bois de l'autre côté. Où ils retrouvèrent un groupe d'une bonne douzaine d'elfes, dont Niemal, groupe mené par Glorfindel de la maison d'Elrond, et Mithrandir, ces deux derniers à cheval. La rencontre fut chaleureuse et Narmegil oublia un moment son grand-père loin de lui. La sécurité d'Isis était assurée.

5 - Aide appréciable et appréciée
Effectivement, une demi-douzaine d'elfes allaient escorter Isis jusqu'à Imladris en prenant des chemins que bien peu pouvaient suivre. Elle ne risquait donc plus rien, a priori, et le reste du groupe était libre de poursuivre vers le nord pour rejoindre Tarcandil. Ce dernier ne s'était pas éloigné tant que ça : d'une part, le groupe de cavaliers avait été escorté par un groupe armé, plus lent, d'autant que les cavaliers avaient vite perdu leurs chevaux. Il faut dire qu'un autre groupe d'elfes les avait suivis et harassés tout du long avec leurs flèches, et ils avaient même pu faire en sorte que leur route croise celle de quelques trolls en maraude !

Et même si la route était bien gardée, les elfes pouvaient passer par des chemins secrets. Et leur magie permettait d'avancer rapidement et sans fatigue, et ils pouvaient en faire profiter les aventuriers. Certes, les ravisseurs de Tarcandil avaient été retardés, mais ils ne tarderaient pas à rejoindre Cameth Brin, la capitale du Rhudaur. Mais en ne prenant aucun repos, Narmegil et ses amis pourraient peut-être les rejoindre, ou en tout cas diminuer très fortement l'écart entre les deux groupes. De toute manière, y avait-il le choix ?

A une question des aventuriers, il fut répondu qu'il faudrait conserver les chevaux : les elfes pouvaient sans mal traverser les Fourrés aux Trolls, mais à partir de Cameth Brin le couvert boisé cédait la place aux Landes d'Etten. La discrétion des elfes n'était plus suffisante pour continuer aussi près de leurs ennemis. Le groupe serait à nouveau livré à lui-même, et les chevaux seraient certainement nécessaires pour rattraper les cavaliers d'Angmar. La rapidité risquait alors de primer sur la discrétion.

Glorfindel et Mithrandir ne prendraient pas part à l'expédition. Ils avaient un autre gibier à chasser, un gibier malin et plein de ressources : Tina, le véritable nom du lynx blanc qui suivait et protégeait Vif. Mais avant de se quitter, ils avaient quelques présents à remettre de la part d'Elrond et de sa maisonnée :
- une épée de Gondolin, épée de roi confiée à nouveau - provisoirement - au soigneur
- diverses herbes, dont de l'athelas et de la bonneherbe, remises par Niemal
- une veste légère de peau de dragon enfin apprêtée, grâce à l'insistance de Mithrandir auprès des elfes, portée par Drilun
- une terrible armure de cuir de dragon qui rendait son porteur intimidant, et que Geralt choisit de porter

Et pendant une journée et deux nuits, les aventuriers avancèrent au chant des elfes, dont Sîralassë. Un peu comme dans un rêve, ils traversèrent des miles et des miles de forêts sans rencontrer personne, sans sentir la fatigue, en menant les chevaux par la bride. Tous les Fourrés aux Trolls furent ainsi traversés. Ils rencontrèrent d'autres elfes qui donnèrent des nouvelles de ceux qu'ils poursuivaient. Ils avaient fait halte à l'ancien château de Minas Brethil, mais les nouveaux chevaux et troupes qu'ils y avaient trouvés avaient vite connu les mêmes difficultés qu'au début de la route d'Angmar...

A la fin de la deuxième nuit, ils arrivèrent tout au bout de la forêt. Cameth Brin n'était pas loin, derrière des collines à peut-être une quinzaine de miles de là. Tarcandil et ses ravisseurs n'y étaient parvenus que la veille, et dans la matinée il était probable qu'ils repartiraient jusqu'à un système de bac sur la rivière Mitheithel, un peu plus au nord. Après discussion, il fut décidé de jouer sur la vitesse : au matin, le groupe filerait vers le nord et renverserait tous les obstacles sur son chemin.

Mais près de 48 h s'étaient écoulés depuis le dernier véritable repos pris par les aventuriers. A présent que le chant des elfes s'était tu, tous aspiraient à un sommeil réparateur. Mais le jour n'était pas loin, et la poursuite allait vite reprendre. Comment la concilier avec un repos nécessaire ? Une halte de trois heures environ fut décidée. Tandis que Sîralassë méditait à la façon des elfes, ses quatre compagnons humains se voyaient attribuer une tisane de marchand de sable, un somnifère au fort pouvoir récupérateur. Après un peu plus de trois heures, tous étaient en pleine forme !

6 - Cavalcade et bain forcé
Lorsqu'ils furent tous prêts, Niemal leur apprit qu'un groupe de cavaliers avait quitté Cameth Brin une heure auparavant, avec un prisonnier qui était sans nul doute Tarcandil. Sans parler des crebain qui volaient au-dessus d'eux. En faisant vite, il était possible de les rattraper au niveau du bac sur la Mitheithel. Le passage des Rhudauriens prendrait sans doute du temps, mais ils seraient sûrement passés à l'arrivée de l'équipe. Des infusions de bonneherbe furent faites pour les cinq aventuriers, qui, remontés à bloc, montèrent à cheval et partirent au galop. Drilun avait tout de même été attaché à sa monture par des cordes, afin d'éviter de le laisser en arrière dans cette région hostile...

Des collines masquaient Cameth Brin aux yeux du groupe, qui en déduisit que les informations transmises par Niemal lui avaient été données par un quelconque observateur ailé. Narmegil et ses amis pénétraient une vaste zone agricole, où ils ne passèrent pas inaperçus longtemps. Mais la plupart des hommes du Rhudaur se contentaient de les laisser passer voire de s'écarter. Des appels de cor se firent néanmoins entendre, et une vingtaine de cavaliers apparurent bientôt sur la route qui longeait la rivière. Ils cherchèrent à empêcher les aventuriers de rejoindre la route, mais ces derniers furent les plus rapides.

Toujours au galop, suivis par ces guerriers à cheval, les cinq amis virent bientôt un groupe de fantassins se préparer à les arrêter, plus en amont sur la route. Une douzaine de guerriers, armés de lances, situés à un endroit où il était difficile de les contourner. Mais Narmegil et Sîralassë utilisèrent leur magie afin d'exprimer toute leur prestance royale. Même Drilun sut se montrer intimidant, bien que sa position pas franchement à la place attendue par un cavalier le desservait sans doute. Les douze Rhudauriens abandonnèrent bien vite leur position en courant, intimidés, et l'équipe passa sans problème.

La zone du bac fut enfin atteinte, mais Tarcandil et ses ravisseurs étaient déjà passés. Ils étaient en train de se remettre en selle, lorsque les cinq poursuivants arrivèrent de l'autre côté de la Mitheithel. Les hommes d'Angmar et du Rhudaur finirent par partir au galop, laissant derrière eux une petite dizaine d'hommes armés chargés de la gestion du bac. Vif fit un bref tour d'horizon, mais le quai d'où partait le bac - à présent de l'autre côté - était le meilleur endroit pour franchir la rivière. Poussant les chevaux, les cavaliers arrivèrent au bout du quai, et ils les firent sauter à l'eau, Narmegil en tête.

Faire sauter le cheval dans l'eau glaciale était une chose, arriver à tenir dessus au moment du choc en était une autre. Tous y arrivèrent plus ou moins bien, à l'exception notable de Drilun. Seules les cordes qui le liaient au cheval l'empêchèrent de voler dans une autre direction que sa monture. Mais lorsque cette dernière percuta les flots, il se retrouva à moitié sous elle, sous la surface, toujours attaché par les cordes. Heureusement, en l'air, il avait eu la présence d'esprit de retenir sa respiration. Au moins était-il à l'abri des flèches que les archers, sur l'autre rive, commençaient à tirer sur les cavaliers et surtout sur les chevaux.

7 - Bataille sur la rive
Sîralassë et Narmegil, les plus en avant, concentraient l'essentiel des tirs, d'autant que les trois autres cavaliers tâchaient de rester alignés derrière eux. Narmegil utilisa son bouclier pour protéger son cheval du mieux qu'il pouvait, et Geralt emprunta celui de Drilun pour faire de même. Le Dunéen arriva à passer la tête hors de l'eau, sans pour autant pouvoir remonter sur le cheval. Mais Vif et Geralt, à ses côtés, l'aidèrent et firent au moins en sorte que sa monture ne dérive pas trop loin.

Petit à petit, le groupe se rapprocha du rivage. Les archers parvenaient à blesser légèrement les chevaux, mais les bêtes furent malgré tout maîtrisées pour tenir bon et avancer encore. Au bout d'un moment, les archers s'enfuirent devant la fureur magique du Dúnadan, et l'équipe put enfin accoster. Juste à temps pour voir un nouveau péril fondre sur eux depuis une colline proche : seize grands loups les chargeaient de manière résolue et comme intelligente, ignorant complètement les hommes du Rhudaur à pied. Des wargs étaient de la partie.

Les bêtes magiques, dont le corps disparaissait une fois qu'elles étaient tuées, s'attaquèrent principalement aux chevaux. L'elfe et le Dúnadan, les plus lourdement chargés sous le nombre, tentèrent de passer au galop à travers les attaques des loups enchantés, mais la réussite ne fut que partielle. Certains réussirent à mordre les chevaux et à leur faire des blessures sérieuses qui les handicapèrent, et ils menacèrent de faire tomber leur cavalier en se cabrant sous la douleur. Derrière, la situation n'était guère meilleure, le plus petit nombre de loups ayant face à eux des cavaliers moins expérimentés.

Avant de partir, au petit matin, Vif avait pris une forme semi-animale. Lorsque sa monture trébucha sous la douleur, elle arriva sans mal à tomber et à vite se redresser, et elle attaqua ensuite ses agresseurs à coup de griffe : à chaque attaque elle en éventrait un, qui en général n'avait plus la force de combattre, même lorsqu'il restait vivant. Geralt faisait voler les têtes, à cheval puis bientôt au sol. Mais Drilun, handicapé par son manque de compétence et par les cordes qui le maintenaient toujours, ne put empêcher son cheval d'être bien blessé et de lui tomber dessus...

Plus loin, Narmegil et Sîralassë finissaient par mordre la poussière également, sans grand mal, et ils purent se débarrasser des derniers wargs. Mais un cheval était mort et l'autre ne valait pas beaucoup mieux. L'elfe se précipita ensuite vers le Dunéen, percevant qu'il était en danger de mort. La Femme des Bois et l'homme aux cheveux blancs avaient réussi à tuer les derniers assaillants, mais les chevaux étaient en piteux état, et surtout Drilun était coincé sous le corps de l'un d'eux, une jambe broyée.

Vif coupa les cordes qui le retenaient à sa monture et elle put faire se relever le cheval blessé et tremblant de peur et de douleur. De manière à ce que Sîralassë puisse stabiliser la blessure du Dunéen et l'empêcher de saigner davantage. Geralt, lui, prenait position en bordure de rive avec un arc que le Dunéen avait magiquement amélioré : le groupe de cavaliers du Rhudaur qui les avait poursuivis venait de se jeter à l'eau. Et Narmegil, après avoir fini le ménage parmi les loups et constaté la mort d'un cheval, arrivait en courant à petites foulées.

8 - Reprise de la poursuite
Geralt fit un massacre parmi les cavaliers qui approchaient, cible facile pour lui qui connaissait les points faibles des humains - il n'était pas assassin pour rien. Les autres se retirèrent de l'autre côté de la rivière et ils lui tirèrent dessus à l'aide d'arcs, mais sans résultat. En revanche, plusieurs chevaux privés de maître purent ainsi être récupérés. Si les premières montures de l'équipe furent soignées, pour celles qui vivaient encore, elles étaient trop faibles pour continuer la poursuite. Les chevaux capturés étaient donc un appréciable butin.

Restait le cas de Drilun, absolument intransportable dans son état. Mais le soigneur profita d'un feu allumé par les Rhudauriens qui géraient le bac. Il prépara de l'athelas et utilisa ensuite sa magie et une herbe miraculeuse, un don-de-vipère, afin de commencer à soigner son ami dunéen. La combinaison des deux fut suffisante, avec ses talents de soigneur, pour le remettre entièrement sur pied au bout d'une heure. Ébahi, il avait du mal à admettre qu'il remarchait déjà, si peu de temps après les multiples fractures ouvertes supportées par sa jambe.

Le groupe put ainsi repartir à la poursuite de Tarcandil, avec plus d'une heure de retard. La route défilait, et Drilun savait qu'ils devaient rattraper les cavaliers qu'ils poursuivaient avant qu'ils arrivent à une ville distante de quelques heures à cheval, à l'allure où ils allaient. Grâce à la longue-vue de Sîralassë, ils pouvaient distinguer leur objectif au loin, et ils virent que le grand-père de Narmegil faisait tout son possible pour ralentir ses ravisseurs, se laissant tomber de cheval à la moindre occasion - pour un temps du moins. L'écart entre les deux groupes n'arrêtait pas de diminuer.

Au bout de deux heures, la distance n'était plus que de deux miles (~ 3 km) environ. Tandis que les aventuriers passaient un gué, ils virent au loin sur la route les cavaliers d'Angmar et du Rhudaur disparaître dans des collines escarpées. Ils reprirent donc la poursuite, en espérant arriver à rattraper enfin le grand-père de Narmegil et les sorciers d'Angmar, dont on suivait maintenant la progression sans mal, même sans les voir, grâce aux crebain qui volaient toujours au-dessus d'eux.

Mais en montant dans les collines, Vif s'aperçut qu'ils n'étaient pas seuls. Non seulement les corneilles au service d'Angmar avaient changé de position et s'étaient placées au-dessus d'eux, croassant sans cesse et donnant leur position ; mais également, elle put distinguer de nombreux groupes armés qui se rapprochaient de leur position. Au passage d'une forêt, elle vit ainsi deux ou trois cents guerriers - Dunéens du Rhudaur - sortir des bois et prendre place sur la route derrière eux, après qu'ils soient passés. Et il y en avait d'autres, au loin, au sommet des collines. Collines propices à une embuscade.

9 - Inversion des rôles
Le groupe fit une halte pour permettre à Drilun de sonder les environs magiquement. Grâce aux vibrations du sol, il put déterminer la position de nombreuses personnes - probablement hostiles - derrière eux et sur les côtés. Rien de bien dangereux à court terme, mais la retraite par la route semblait coupée. Le groupe de cavaliers qu'ils poursuivaient n'était plus très loin, mais au-delà, à la limite de ses perceptions, quelque chose le troublait, une présence possible. Également, sur leur gauche, dans la forêt qu'ils longeaient plus ou moins, il avait aussi perçu des lourdes formes quadrupèdes, mais trop discrètes et rapides pour être des chevaux. Des chetmíg ?

Vif pensa qu'ils étaient en train de se jeter dans une embuscade, et qu'il n'était que trop temps de faire demi-tour ou du moins de trouver une issue à leur situation. Elle proposa d'essayer de retrouver les supposés grands félins qui n'étaient sûrement pas là par hasard. Ses compagnons acceptèrent, et ils quittèrent la route pour s'enfoncer dans les collines escarpées en direction de l'ouest, sur leur gauche. Plus question d'aller au galop par contre, vu le terrain accidenté : le pas était un maximum.

Après un moment, un affluent de la Mitheithel fut franchi à gué, et Drilun utilisa à nouveau sa magie pour reconnaître les positions de chacun. D'autant que Vif, avec ses oreilles à moitié félines et son sens du toucher exacerbé, commençait à sentir des vibrations nombreuses vers le nord. Quelque chose arrivait, comme un troupeau de rennes, qui faisait trembler le sol à distance. Mais lorsque le Dunéen se releva, il avait l'air grave : comme ils s'y attendaient tous, ce n'étaient pas des bêtes sauvages qui arrivaient de l'autre côté des collines. Rien moins qu'une armée d'un millier d'hommes environ.

Mais derrière eux et sur les côtés, toute retraite semblait coupée. Pendant qu'ils divaguaient dans les collines, les guerriers s'étaient partout rapprochés d'eux, rendant toute fuite à peu près impossible à présent. Et ce n'était pas tout : s'il n'y avait pas d'autres cavaliers qu'au nord, en revanche, au sud, d'autres formes animales faisaient penser à des grands loups - heureusement bien moins nombreux, une trentaine - menés par un très grand loup. Ou plutôt par un loup-garou, ils étaient prêts à le parier.

Les soi-disant - et espérés - chetmíg, quant à eux, avaient encore progressé vers le nord, et ils ne semblaient plus possible de les rattraper. Selon les perceptions magiques de l'archer magicien, ils étaient en train de contourner l'armée par l'ouest et le nord, par petits "bonds" successifs. Faute de mieux, les aventuriers décidèrent alors de poursuivre vers le nord. Ils ne tenaient pas à faire demi-tour pour retrouver la route, où ils étaient sans doute attendus. Ils préférèrent plutôt utiliser la rivière qu'ils venaient de franchir pour progresser à travers les collines.

Ils avancèrent ainsi, lentement. Un étrange brouillard était tombé peu auparavant qui leur masquait leur environnement, à l'exception des crebain : ces derniers continuaient à voler au-dessus d'eux, assez bas pour les percevoir, et ils continuaient à croasser bruyamment, révélant leur position à des centaines de mètres au moins. Tous percevaient maintenant sans mal les vibrations de nombreux pieds et sabots devant eux : sans même la voir, ils savaient qu'ils approchaient d'une armée trop nombreuse et puissante pour pouvoir espérer la battre par les armes ou la magie.

10 - Voie sans issue
Toujours en suivant le cours de la rivière, les aventuriers sentirent que le terrain changeait, les collines laissant plutôt la place à une plaine ou autre terrain plat. La présence d'une armée était facilement perceptible en face d'eux voire sur les côtés, et des hurlements de loup derrière eux confirmèrent que toute retraite était maintenant exclue. Pour parachever la chose, le brouillard se leva enfin, comme par magie, et les aventuriers purent contempler dans toute son étendue le piège dans lequel ils étaient venus se jeter.

A travers le bracelet des amoureux, Narmegil savait qu'Isis percevait son angoisse, et il sentait la sienne lui faire écho. Mais voilà, ils étaient là tous les cinq, dans le lit d'une rivière peu profonde, où ils avaient pied, entourés de toute part d'ennemis en nombre insurmontable. Rien que les trente wargs et le loup-garou derrière eux étaient un défi de taille. Même en comptant leur magie, même en comptant leur équipement, même en utilisant leurs dernières herbes - les quelques noix de l'écureuil restantes furent vite avalées - ils n'avaient aucune chance de s'en sortir seuls.

Leur objectif n'était pourtant pas très loin : les plus perceptifs pouvaient reconnaître des cavaliers en noir à l'autre bout de l'armée, auprès d'un cheval sur lequel une forme allongée et bâillonnée était attachée. Mais Vif était persuadée qu'en réalité, le grand-père de Narmegil n'avait fait que servir d'appât pour l'équipe, et en particulier pour elle. Angmar tenait à la voir morte, pour une raison qu'elle ne saisissait toujours pas, mais qui avait sans doute à voir avec sa "famille", à savoir le lynx blanc qui les avait suivis et qui l'avait protégée à Tharbad.

Lynx blanc sur lequel elle comptait maintenant plus que jamais. Avec l'aide de la longue-vue de l'elfe, elle avait bien repéré quelques Hommes des Collines au loin, mais en nombre trop insuffisant pour espérer changer quoi que ce soit au cours d'une pareille bataille contre Rhudaur et Angmar. En revanche, au-delà de l'armée, non loin des cavaliers d'Angmar et de Tarcandil prisonnier, il lui avait semblé percevoir la présence de formes félines, mais dont la silhouette semblait se confondre avec l'environnement, comme si elles étaient magiquement masquées. Et personne d'autre qu'elle ne paraissait les avoir repérées.

Mais rien ne se passait, et le cercle de guerriers dont ils étaient le centre se resserrait. En face et sur les côtés, les premiers combattants étaient distants de moins de cent mètres, et deux ou trois cents archers, en deuxième ligne, avaient une flèche encochée. Derrière eux, les wargs étaient distants d'une bonne centaine de mètres, avec le loup-garou présent encore un peu en arrière, sous forme demi-animale. Quelques centaines de guerriers du Rhudaur étaient présents un peu plus loin, à distance respectueuse des loups enchantés. C'est alors que le loup-garou se mit à rire.

11 - Ultimatum
La bête maléfique se moqua d'eux et exprima clairement sa satisfaction de voir les aventuriers cette fois-ci bien à sa merci. Il évoqua le plaisir qu'il aurait à se repaître de leurs chairs et à les voir morts avant peu. Mais sa prose avait en fait deux objectifs. Le premier était de démoraliser les aventuriers, ce qu'il réussissait assez bien. Le second était simplement de jouir de leur angoisse qu'il arrivait manifestement à percevoir et dont il se repaissait. Même sans utiliser sa magie, l'aura de cruauté et de terreur qui l'accompagnait avait de quoi faire reculer ses propres alliés...

Mais une autre voix se fit entendre, de l'autre côté : l'armée s'était un peu rapprochée encore, mettant les aventuriers à portée de flèche des archers rhudauriens. Un des cavaliers d'Angmar poursuivis jusque-là, probablement un sorcier, paraissait commander à l'armée. Après avoir réclamé le silence d'une voix menaçante, il ne proposait rien de moins qu'un ultimatum à Narmegil et ses compagnons : une reddition immédiate et sans condition leur permettrait de jouir de la vie un peu, voire beaucoup, plus longtemps. Sauf pour Vif : son destin était scellé, pour Angmar.

Mais quel avenir attendait ses quatre compagnons ? Dans leur tête, vivre un peu plus longtemps signifiait la torture et peut-être pire encore aux mains d'Angmar, perspective peu attrayante s'il en était. Mais le sorcier fit part d'autres possibilités, comme de servir Angmar à des postes d'importance. Sûrement l'assassin aux cheveux blancs pourrait trouver sa place au service du roi-sorcier ! Les opportunités n'étaient donc pas toutes les plus sombres à titre personnel. Encore fallait-il faire preuve de bonne volonté. Comme par exemple de tuer eux-mêmes Vif et d'apporter sa tête...

Tandis que wargs et guerriers s'approchaient petit à petit, les aventuriers essayèrent de gagner encore un peu de temps, dans l'espoir que quelque chose se passerait qui ne venait toujours pas. Entre eux, les aventuriers se félicitaient de s'être connus, et se congratulaient de tous les bons moments passés ensemble. Ils ne croyaient plus trop à une bonne étoile, mais semblaient déterminés à affronter leur destin quoi qu'il en résulterait. En faisant payer Angmar et ses sbires le plus chèrement possible.

En fin de compte, sa patience arrivant à son terme, le sorcier d'Angmar ordonna aux archers de se préparer à tirer, tandis que les wargs s'apprêtaient à s'élancer. Une dernière fois, il proposa aux aventuriers de déposer leurs armes voire de trancher la tête de Vif. Une fois... deux fois... trois fois. Les cinq amis étaient en cercle, à pied au milieu de la rivière peu profonde, derrière des chevaux qui tremblaient de peur en raison de la proximité des wargs sans doute. Et puis le sorcier donna le signal de l'attaque, et deux ou trois cents traits emplirent le ciel au-dessus des aventuriers.

12 - Le dernier combat
Les aventuriers s'étaient bien préparés à la pluie de flèches : ils plongèrent tous assez vite au fond de l'eau, utilisant leurs montures comme abri, et se protégeant les uns les autres comme ils pouvaient, avec des boucliers par exemple. Geralt apprécia particulièrement sa nouvelle armure, dans laquelle deux flèches se brisèrent sans arriver à la percer. Ils se relevèrent tous sans avoir reçu aucune blessure, mais prêts à recevoir le choc des premiers attaquants qui fondaient sur eux. Plus que quelques mètres avant les premières passes d'armes...

Mais là-bas, de l'autre côté de l'armée, à deux cents mètres peut-être, se passa un événement qui fit brusquement s'arrêter les combattants, à commencer par les wargs et loup-garou qui y faisaient face. De surprise, et sentant quelque chose se passer, tous les guerriers de l'armée tournèrent la tête dans la direction d'où provenaient de nombreux cris. Juste au-dessus des cavaliers d'Angmar et chefs de l'armée, venait d'apparaître une terrible apparition en forme de maléfique tête de chat. Les aventuriers tournèrent aussi la tête pour voir cela, sauf Drilun, mal placé et peu perceptif, et Sîralassë, qui se souvenait trop bien de ce qui s'était passé à Tharbad : il mit immédiatement un bras devant ses yeux.

A cinquante mètres de l'apparition, tous les observateurs perdirent conscience et tombèrent immédiatement au sol. Au-delà, certains s'enfuirent en hurlant ou bien ils étaient pris d'une conduite folle, les amenant à faire les choses les plus improbables allant de danser ou rire à s'attaquer aux autres ou à eux-mêmes. Mais le chaos fut encore plus exacerbé par l'attaque soudaine de grandes formes félines difficiles à percevoir. Des chetmíg à l'apparence comme floutée par une quelconque magie poursuivaient les survivants, et leurs griffes et leur férocité ne laissaient aucune issue à leurs adversaires paniqués.

En un instant, le cours de la bataille changea du tout au tout. Le loup-garou fut peut-être le plus rapide à réagir : s'il n'avait pas été affecté par l'apparition, car trop éloignée, il avait très bien perçu la puissance de la magie qu'elle recelait. Sous forme de grand loup, il prenait ses pattes à son cou, accompagné de ses fidèles wargs, en taillant au besoin à coup de crocs dans les rangs de ses alliés afin de se garantir une fuite plus rapide. Ailleurs, un mouvement de panique emporta le reste de l'armée, dont les chefs et commandants étaient morts ou manquaient tous à l'appel.

Les aventuriers qui avaient aperçu l'apparition étaient trop loin pour en être affectés, mais cela rappela à certains de sombres cauchemars. Plantés au milieu de la rivière, ils ne coururent aucun risque de se faire piétiner. Il leur suffisait d'éviter les corps ensanglantés qui dérivaient dans l'eau, comme ceux de leurs pauvres montures criblées de flèches. Au loin, les chetmíg ivres de carnage découpaient les chairs avec une rapidité et une force affolantes, tandis qu'une petite silhouette blanche et comme floue se tenait sur l'un d'eux.

Bientôt le champ de bataille fut vide de combattants : les hommes étaient tous morts, inconscients ou en fuite ; les chetmíg et le lynx blanc qui les commandait étaient partis en forêt, à la poursuite d'autres guerriers ou pour fuir eux-mêmes on ne savait quelle menace ; les aventuriers se précipitaient sur le lieu de l'apparition, à la recherche de Tarcandil ; et au loin, quelques Hommes des Collines médusés approchaient, accompagnés d'Elosian et de quelques chetmíg, ayant suivi de très loin ce qui s'était passé.

13 - Tout est bien qui finit mieux
Le corps de Tarcandil fut enfin retrouvé. S'il était bâillonné, il n'avait rien sur les yeux et il avait malheureusement été témoin de l'apparition maléfique. Son corps ne bougeait plus, son cœur ne battait plus, et Narmegil adressa une prière muette aux Valar... et à son ami Sîralassë. Qui utilisa tout son talent et sa magie pour faire revivre le corps inerte... qui respira soudain. Tarcandil était revenu à la vie ! Il était fou également, comme avant lui certains aventuriers à Tharbad, mais le soigneur n'aurait pas trop de mal à soigner cela avec un peu de temps.

Elosian et ses chetmíg, dont deux - déjà rencontrés - à l'apparence d'ombre fantomatique, les aidèrent à transporter le vieillard. Les Hommes des Collines, qui voyaient en Vif et ses amis les agents ou outils de leur divinité féline, firent main basse sur de nombreuses armes et hébergèrent les aventuriers dans des camps proches, le temps que Tarcandil se rétablisse à l'aide des soins de Sîralassë. D'alliés, les aventuriers passaient pratiquement au statut de héros, sans parler de Vif qui semblait l'incarnation même de leur dieu félin.

Plus tard, après deux semaines de repos ou de voyage sous bonne escorte, Narmegil et ses amis retrouvèrent une nouvelle fois le camp sacré de Broggha, Targ-Arm ("grand chef") des Hommes des Collines. Si ce dernier refusa toujours de les recevoir, il accepta néanmoins de les laisser repartir avec une cinquantaine de prisonniers du Cardolan, nombre porté à soixante grâce à l'insistance de Drilun. Non seulement le Dunéen savait se montrer très convaincant, mais il parlait de mieux en mieux le Blarm, la langue des Hommes des Collines.

Dans les Fourrés aux Trolls, ce furent les elfes qui se chargèrent de mener tout ce beau monde à bon port. Ils s'occuperaient des ex-prisonniers, de manière à ce que Narmegil et ses amis puissent retourner plus vite à Fondcombe, guidés par certains de ses habitants. Ainsi Isis retrouva-t-elle son époux en pleine forme, accompagné de son grand-père et de ses amis. La famille était enfin réunie, parmi les elfes leurs alliés. Enceinte de neuf mois et demi, la belle elfe ne devait pas accoucher avant un moment encore, mais le temps venait de décider du lieu où elle mettrait au monde son enfant : un dernier voyage était encore possible, mais il lui faudrait bientôt arrêter ses vagabondages et aventures aux côtés de ses époux et amis !

Geralt était satisfait également. Les Hommes des Collines avaient récupéré une bonne part de l'équipement de l'armée adverse sur les corps foudroyés par magie ou par les griffes des grands félins. Mais eux, ils avaient eu le temps de trouver mieux : le reste de la réserve d'or et de bijoux que les sorciers avaient utilisée pour acheter les voleurs de Tharbad. Il y en avait pour peut-être mille à deux mille pièces d'or. Entre cela et ce qu'ils avaient laissés chez Elrond du trésor du dragon, il avait peut-être de quoi remplir sa dette à l'égard de la guilde des voleurs de Tharbad. En insistant un peu...

Sîralassë rendit l'épée de Gondolin à maître Elrond. Elle avait bu du sang de nombreux wargs et avait bien servi. Drilun s'enquit des forgerons elfiques et du reste de la peau de dragon qu'ils n'avaient pas encore utilisée, en espérant pouvoir égaler leurs réalisations, un jour. Vif avait repris forme humaine pour entrer à Imladris, mais elle se demandait ce que sa "famille", Tina, devenait, et quels liens les unissaient. Tous faisaient divers projets d'avenir. Sans doute le début d'une nouvelle histoire...
Modifié en dernier par Niemal le 13 octobre 2010, 21:26, modifié 1 fois.
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Tarma - 1ère partie : tempête à l'horizon

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1 - Projets
L'ambiance enchanteresse d'Imladris ne fit pas oublier à Isis son état. Après la joie de retrouver son époux et ses amis, elle mit les choses au point : elle avait un chez-elle qui était Bar Edhelas dans la Comté, et c'est là qu'elle voulait accoucher. Point barre. De la maison d'Elrond à Bree, il y avait environ 360 miles (~ 580 km), et encore plus de 100 miles de plus jusqu'à Tumulus et le manoir qui était son foyer. Et il ne restait qu'un peu plus de deux mois avant la date prévue de l'heureux événement. Autrement dit, pas de quoi traîner beaucoup en route !

Le groupe ne resterait donc pas longtemps à Fondcombe. Le premier jour fut passé à se reposer, revoir de vieux amis comme Rob (qui avait grossi) et Frolic (tout le temps dans la bibliothèque), ou la famille (pour Sîralassë). Les époux profitèrent l'un de l'autre et du calme enfin retrouvé, mais ils usèrent moins leur lit que Geralt le sien. Même si ce dernier s'enquit auprès des elfes de la situation à Tharbad, et pensa à récupérer l'or et les bijoux qu'il avait laissés à son précédent passage. Drilun chercha à nouveau la compagnie des forgerons elfiques, malheureusement (pour lui) plus intéressés par leurs recherches sur des anneaux elfiques que sur du vulgaire cuir de dragon...

Niemal était revenu avec les ex-prisonniers de Broggha, mais il avait l'air soucieux, comme pressé de repartir. Il avertit que les choses bougeaient en Arthedain, et qu'il faudrait sans doute bientôt reprendre la route. Il parla un moment avec Geralt, qui cherchait des réponses à ses questions existentielles : devait-il fuir toute sa vie, ou devenir pour de bon le chef d'une guilde d'assassins, dont les buts étaient contraires à ses idéaux présents ? La réponse de l'elfe l'aida à faire son choix : il lui fallait prendre enfin son destin en main, ne plus être un simple pion, mais le joueur qui les manipule. Il lui faudrait payer la dette à la guilde des voleurs, et retourner à Tharbad prendre les choses en main et influencer la guilde pour aller dans la bonne direction. Vaste programme.

Ce qui voulait dire qu'il devait quitter l'équipe. Il aurait bien aimé qu'ils aillent tous ensemble à Tharbad pour laisser ensuite repartir ses amis, mais la route du sud qui était la sienne ne collait pas trop avec celle de l'ouest qui était la leur. Et puis il y avait les gens arrachés aux Hommes des Collines à raccompagner et escorter. Et Tarcandil, grand-père de Narmegil, à escorter aussi, sans parler d'Isis à protéger sur la route. Et Geralt ne se voyait pas trop descendre seul à Tharbad avec quelques milliers de pièces d'or en monnaie et bijoux sur lui... Bref, il resterait sans doute avec le groupe le temps de trouver le bon moment pour tirer sa révérence - et des amis ou gardes pour l'accompagner.

Les soixante prisonniers remis par Broggha à l'équipe étaient arrivés à Fondcombe, et leur gestion posait aussi problème. Leur ancien chez-eux n'existant plus, où les envoyer ? Après enquête, un tiers d'entre eux souhaitaient retrouver de la famille en Arthedain, un tiers en Cardolan, et les derniers n'avaient plus aucun point de chute. Tarcandil se proposa pour servir de guide à ceux qui voulaient aller vivre en Arthedain, et Narmegil pensa à prendre la vingtaine de sans-foyer chez lui, sur les terres des hobbits. Mais il ne pouvait pas escorter les vingt derniers dans les terres parfois tumultueuses du Cardolan. Pas dans l'immédiat.

2 - Conseil
Le deuxième jour après leur arrivée, les aventuriers et Tarcandil furent convoqués à un petit conseil avec Elrond et Niemal. Une autre personne devait passer, mais elle n'était pas encore là. Le maître des lieux commença par accueillir chacun et s'enquérir de son bien-être, puis il entama le premier point de ce conseil : la gestion des anciens prisonniers. Si l'aide des elfes était acquise, il précisa que la gestion des humains reviendrait à Narmegil et ses amis. D'ailleurs, il leur faudrait vite partir, car certains risquaient d'avoir du mal à quitter ce lieu avec le temps. Et ils étaient une charge dont les gens d'Elrond n'avaient pas besoin. Rob, Frolic, Maggy et Braig étaient déjà bien assez. Peut-être un jour certains devraient-ils partir, d'ailleurs...

Quant au deuxième point, il préférait laisser un autre que lui en parler. Et d'ailleurs, des bruits de bottes se firent bientôt entendre, et Mithrandir fit son apparition dans la pièce. Il avait l'air d'avoir bien voyagé et d'être venu directement après être descendu de cheval. Et c'était sans doute le cas. Après s'être excusé pour son retard et avoir remercié Elrond, il expliqua que la traque du lynx blanc - Tina - n'avait rien donné. Protégée par une petite armée de chetmíg, sur leur terrain (accidenté) qui plus était, Tina n'avait pas eu grand mal à leur échapper. Manifestement, l'hôte de Tevildo avait choisi le Rhudaur comme forteresse, et Angmar ou les peuples libres auraient à faire avec. Ce qui ne voulait pas dire qu'elle y resterait éternellement.

Mais Gandalf devait maintenant revenir en Arthedain. Et Isis, Narmegil et leurs amis également, et sans tarder. En effet, de funestes nuages commençaient à s'amonceler au-dessus du royaume dúnadan, et les présages n'étaient pas les meilleurs. Des voyants avaient ainsi vu une guerre éclater au niveau de la Comté, guerre qui voyait les hobbits chassés du quartier Nord par les forces des Tarmas. Bar Edhelas retournait également sous contrôle de la famille Tarma. Le tout avec de nombreux combats, des morts, et beaucoup de souffrance.

Mais tout cela allait bien au-delà de l'inimitié des Tarmas pour les hobbits. Ce qui s'annonçait était ni plus ni moins qu'une guerre civile au sein du royaume d'Arthedain. Non pas que les Tarmas souhaitaient la guerre, mais ils semblaient sur le point de mettre en œuvre des actions radicales qui entraîneraient très certainement cette guerre. Et pourtant, il était clair qu'ils restaient persuadés d'agir pour le bien du royaume ! Ils subissaient une influence mystérieuse qui les poussait à commettre ces actes de folie, actes que Gandalf ne voulut pas détailler. Si l'origine de cette influence était manifeste (Angmar), le mode opératoire restait à déterminer.

Et c'était ce que Gandalf demandait aux aventuriers : ils étaient les premiers concernés, car ils seraient directement touchés par les conflits. Le temps pressait, et toutes les bonnes volontés étaient nécessaires. Lui-même, Niemal et les elfes de Siragalë étaient prévenus, de même que le roi. Chacun savait ce qu'il devait faire. Mais Narmegil et ses amis, proches voisins des Tarmas, devaient ouvrir l'œil et essayer de trouver comment Angmar arrivait à priver de bon sens ces remuants voisins. Tout en restant discret, car révéler au grand jour ces projets risquerait d'entraîner l'Arthedain dans la tourmente, voire de déclencher la guerre civile que tous cherchaient à éviter - et sans doute les Tarmas eux-mêmes.

Gandalf précisa bien aussi que les Tarmas, ainsi que leurs alliés les Ekettas, n'étaient pas des ennemis. Ces deux familles nobles, les plus puissantes de l'Arthedain, étaient des piliers du royaume. Si ces piliers venaient à tomber, Angmar n'aurait plus grand mal à détruire le dernier royaume des Dúnedain du nord. Mais si Tarmas et Ekettas mettaient en œuvre leurs plans nocifs, le résultat serait à peu près le même : un grand affaiblissement du royaume, affaiblissement dont le roi-sorcier d'Angmar saurait certainement tirer le plus grand parti.

3 - Préparatifs de voyage
Tous s'accordèrent à dire qu'il fallait vite partir, au grand plaisir d'Isis qui remercia Mithrandir. Mais quand, au juste ? La date du lendemain fut avancée. Mais Niemal, rappelant qu'il y avait une soixantaine de personnes à accompagner, demanda à Elrond s'il pouvait réunir assez de ses gens pour aider au voyage. Une vingtaine d'elfes étaient nécessaires, en plus de la protection qu'ils apportaient, pour faire bénéficier à tous de leurs dons magiques, et rendre le trajet plus rapide et moins fatigant. Après réflexion, le maître des lieux répondit qu'il pensait pouvoir réunir assez de monde pour le surlendemain. Encore fallait-il savoir où aller.

Rapidement, les rêves de Geralt de détour par Tharbad s'envolèrent. De même, Drilun avait caressé l'espoir de retourner à Nothva Rhaglaw afin de récupérer de l'os du dragon qu'une précédente équipe d'aventuriers avait tué. Mais le détour était trop grand. En revanche, le manoir du seigneur Pelendur, qui avait hébergé l'équipe au début de l'année, était plus ou moins sur le chemin, non loin de Bree. La troupe se dirigerait là-bas, et demanderait ensuite l'aide du baron de Tyrn Gorthad. Les elfes s'en repartiraient de leur côté, Gandalf - qui participait à ce trajet - irait à Fornost, et Niemal poursuivrait en Siragalë.

Il fallut annoncer la nouvelle aux hommes tirés des geôles des Hommes des Collines, qui campaient dans la vallée cachée de Fondcombe. Si certains apprirent le prochain retour avec plaisir, nombreux étaient ceux qui avaient des objections, en particulier ceux qui n'avaient plus de point de chute ni de famille pour leur proposer un avenir. Tandis que l'endroit où ils se trouvaient avait des airs de paradis, paradis dont ils auraient bien voulu profiter encore. Mais Narmegil et ses amis firent comprendre que les elfes avaient déjà beaucoup donné, et que les perspectives existaient bien : il était prêt à accueillir à Tumulus les gens sans racines, à leur fournir des vivres, un toit, une occupation. Devant cette offre généreuse, et un peu ébahis d'apprendre ce que Narmegil était prêt à payer (ou avait déjà payé) pour leur bonheur, les hommes se dirent que la vie au service d'un tel seigneur était effectivement une perspective alléchante. Ils acceptèrent donc.

Le peu de temps qu'il restait avant le départ fut bien employé. Drilun se précipita à la bibliothèque, se faisant aider de Frolic ou des elfes, afin de recopier des parchemins sur des sujets qui l'intéressaient. Narmegil et Isis passèrent l'essentiel du temps ensemble, mais le premier rendit aussi visite aux nobles chevaux elfiques qu'Elrond hébergeait. Sîralassë le rejoignit aussi, en espérant un jour pouvoir chevaucher une telle monture. Tous refirent leur garde-robe avec des vêtements légers ou résistants, voire discrets. Et leur matériel profita aussi de la qualité des artisans d'Elrond, qu'il s'agisse de fil de couture, d'encres diverses, de bourses à herbes (et d'herbes), et bien d'autres choses.

La troupe fut enfin prête, le soir du surlendemain. Car le voyage se ferait de nuit, par des sentiers elfiques discrets et parallèles à la Grande Route de l'Est. Drilun s'arracha avec peine de la bibliothèque d'Imladris, sans avoir beaucoup dormi, contrairement à Geralt. Une bonne vingtaine d'elfes accompagneraient les humains du Cardolan et l'équipe, sans compter Tarcandil, Niemal, et Gandalf. Isis monterait sur le cheval de ce dernier, mais comme ceux de sa race, elle chanterait également - avec l'aide de l'instrument magique trouvé dans la montagne magique - afin d'aider les marcheurs avec sa magie elfique.

4 - Les chemins se séparent
Le voyage se déroula sans incident, et au bout de deux semaines, alors qu'Isis entamait son 11e mois de grossesse, tous arrivèrent au manoir du baron de Tyrn Gorthad, Pelendur. Ou presque tous : Gandalf s'était éclipsé lorsque la troupe avait approché Bree, après avoir repris son cheval. Des affaires pressantes l'attendaient ! Elfes et humains arrivèrent aux portes du manoir, devant des gardes éberlués de voir débarquer tant de monde, au petit matin, sans avoir été prévenus de quoi que ce fût. Les elfes s'en repartirent aussitôt, quelques-uns, avec Niemal, vers la Comté, et les autres vers l'est et Imladris. Non sans que Niemal ait souligné une dernière fois que le temps pressait...

Pelendur, bien que surpris, fit bon accueil à tous ces invités surprises. Il fut émerveillé que Narmegil et ses amis aient pu ramener encore une soixantaine de personnes autrefois prisonniers des Hommes des Collines du Rhudaur. Mais les aventuriers furent surpris à leur tour, car avec l'aide de Pelendur, ils se rendirent vite compte en fait que Broggha leur avait confié beaucoup de prisonniers dont la rançon avait été payée ! En bref, le chef des Hommes des Collines n'avait pas été si généreux que cela en confiant soixante ex-prisonniers à Narmegil : il s'était servi de lui et ses amis pour se débarrasser de beaucoup de gens qu'il devait libérer de toute manière et qui l'encombraient !

Mais tout le monde était fatigué de la longue marche, et la matinée fut occupée à dormir pour la plupart. Les choses sérieuses ne reprirent vraiment qu'en début d'après-midi, lorsque tous furent à peu près dispos. Narmegil évoqua le devenir de ces soixante personnes, et il demanda l'aide de Pelendur. Ce dernier, vu ses moyens limités, était un peu gêné, mais lorsque Narmegil offrit de payer généreusement pour l'entretien des gens et l'emploi de ses gardes, il ne fit plus aucune difficulté.

Il fut donc convenu de la chose suivante : Tarcandil partirait avec des gardes de Pelendur vers Fornost Erain, et la vingtaine d'hommes promis à l'Arthedain. Ensuite, l'aïeul de Narmegil se chargerait de retrouver les familles sur qui ces exilés pouvaient compter. Les gardes reviendraient alors s'occuper des personnes dont la famille occupait le Cardolan. Les aventuriers, de leur côté, escorteraient une vingtaine de personnes sans attaches désireuses de venir refaire leur vie à Tumulus, auprès du si généreux seigneur Narmegil Eldanar et de ses compagnons.

Mais le grand Dúnadan - et surtout Geralt - avaient une autre requête à adresser au baron Pelendur. Il s'agissait d'aller à Tharbad remettre à la guilde des commerçants une somme équivalant à quelques milliers de pièces d'or en or et bijoux. Après s'être assuré auprès de contacts comme Dirhavel l'alchimiste ou Silmarien que la structure mise en place par Geralt pour le remplacer comme chef des assassins fonctionnait encore, et que l'or réglerait bien la dette qu'il s'était engagé à payer pour s'assurer de la tranquillité de Vif et du reste du groupe.

Pelendur fut plus difficile à convaincre, car il n'avait pas assez de gardes pour une telle mission. D'autant qu'il participait à une campagne militaire contre le Seigneur de Guerre Ardagor, le chef d'une bande de trolls arrivée dans le Cardolan pendant la Peste. Mais Narmegil donna encore de l'or afin que le baron puisse embaucher de nouveaux mercenaires et qu'il puisse accomplir à bien le service demandé. Cela prendrait sans doute du temps, un mois peut-être, mais l'or devrait arriver aux voleurs de Tharbad avant la limite des trois mois depuis le départ de la guilde, comme convenu. Et au cas où, ces richesses furent entreposées dans un coffre marqué magiquement par Drilun.

5 - Retour à Tumulus
Le jour du départ fut fixé au lendemain matin. Mais entretemps, Pelendur mit un peu au courant les aventuriers de l'ambiance qui régnait dans la Comté, ce qui s'ajouta aux précédents dires de Niemal en cours de route depuis Fondcombe. La longue absence de Narmegil et l'arrivée d'humains à Tumulus - une partie des précédents prisonniers de Broggha - n'avaient pas été du goût des hobbits. Des troubles - légers - avaient repris sur les terres gérées par la famille Eldanar. Drilun ne serait sans doute pas le bienvenu, comme tous les Dunéens, mais certains l'avaient défendu, la manœuvre de crier son nom paraissant un peu grosse. Il garderait probablement le bénéfice du doute...

Narmegil décida de retourner à cheval à Bar Edhelas. En effet, lors de leur précédent passage, ses amis et lui avaient laissé leurs chevaux à la garde du baron. Au grand galop, il ne mettrait qu'une journée là où le groupe, à pied, prendrait sans doute près d'une semaine. Il espérait ainsi reprendre en main la gestion des terres qui lui avaient été confiées, et calmer un peu les esprits. Sans parler de préparer l'arrivée des autres, en particulier Drilun et les exilés. En parlant de gestion, son grand-père lui fit remarquer que les affaires familiales, à Fornost, étaient restées sans personne pour les gérer. Ce qui avait pu entraîner des dettes. Aussi demanda-t-il un peu d'or à son petit-fils pour régler ces probables difficultés.

Et ainsi, tous furent partis le lendemain matin. Narmegil montait un bon cheval, même s'il ne valait pas l'étalon noir qu'il avait pris à Aradan Marwen, mais qu'il avait laissé à son cousin Helvorn. Il couvrit sans difficulté les 120 miles (~ 193 km) qui le séparaient de Bar Edhelas, s'accordant le minimum de repos pour sa monture et lui. Au pont sur la rivière Brandevin, on le reconnut et il passa sans problème et sans payer aucune taxe. En arrivant sur les terres autour de Tumulus, deux gardes lui bloquèrent la route en voyant ce cavalier très pressé. Puis ils le reconnurent et s'excusèrent, mais il les félicita de faire leur travail avec zèle. Et il arriva enfin au manoir, fourbu mais satisfait.

La maisonnée l'accueillit avec plaisir, et son cousin Helvorn le premier. Il lui présenta d'abord l'état de la région, dont Narmegil avait déjà eu des échos. Il confirma ce qu'avait dit Pelendur entre autres, et ajouta que l'arrivée des ex-prisonniers de Broggha avait pu être mal interprétée par certains hobbits : ils avaient pu penser à une manière d'occuper le terrain pour freiner l'extension des leurs. De plus, ces humains récemment arrivés avaient du mal à considérer les hobbits comme propriétaires. Néanmoins, Helvorn gardait un très bon contact avec les hobbits, et l'intendante du manoir, par ses propres contacts, arrivait à faire prendre un peu de recul à la population hobbite.

Helvorn évoqua aussi son enquête sur le vol des chevaux. Après avoir remonté la piste jusqu'aux terres des Tarmas (les "Tarmaladen"), il avait apprit sans mal que les bandits avaient tous été tués, et les chevaux récupérés. Surveillé de près - ce qu'il avait perçu assez tôt - il n'avait pu aller plus loin dans ses recherches, et on lui avait fait comprendre qu'il n'était pas le bienvenu. Sans accès à aucun officiel Tarma, il avait dû plus ou moins vite rentrer à Bar Edhelas. Au final, il était très partagé sur une éventuelle implication des Tarmas, tant il y avait d'éléments pour et contre. Il n'arrivait pas à comprendre le sens de tout cela.

Mais dans l'immédiat, Narmegil avait d'autres priorités. Il passa les jours suivants à aller voir tous et toutes et à rappeler les règles de vie commune. Oui, les hobbits étaient bien propriétaires, non, les humains récemment installés - et ceux qui allaient venir - n'étaient pas là pour empêcher les hobbits de prendre leur place. Il expliqua ce que ses amis et lui avaient été occupés à faire pendant tous ces mois, mais qu'il était bien chez lui ici. Il prépara l'arrivée des exilés du Cardolan en faisant préparer des fermes encore désertées suite à la Peste, pour qu'ils puissent vite s'y installer. Et cinq jours après, son épouse et ses amis arrivèrent, accompagnant les vingt exilés du Cardolan.

6 - Apaisement et interrogations
Le soir même, Sîralassë fit sa tournée des fermes avoisinantes afin de soigner les maux qu'il pouvait. Y compris ceux qu'il sentait germer dans les têtes, celles des hobbits du moins. Percevant leurs sentiments tant de colère que de doute, il sut trouver les mots pour les rassurer et les apaiser. Le travail entrepris par Narmegil fut poursuivi : après la diplomatie, le réconfort et l'espoir en un avenir plus positif.

Ce travail fut encore approfondi par Drilun, qui se rendit seul, le soir, à la grange des hobbits et le centre de leur vie sociale, Oatbarton. Reçu fraîchement, il arriva à s'expliquer et à convaincre que sa participation au vol des chevaux et aux meurtres n'était qu'un coup monté, et que ses amis et lui feraient tout pour le prouver et châtier les coupables, maintenant qu'ils étaient revenus. S'il n'arriva pas totalement à rétablir la confiance qu'il avait connue avant ces événements troublés, il reçut assez d'assurance qu'on le jugerait sur des faits, même si une certaine méfiance demeurait entretemps. Mais les hobbits furent d'accord pour dire qu'il était le moins dunéen des Dunéens qu'ils connaissaient. Ce qui, venant d'eux, était un compliment. Même si cela faisait quand même un peu de peine à Drilun, qui aurait bien aimé être plus fier de la réputation des siens.

De son côté, Vif allait voir Gellain Oakwye et le chat de Frolic, à l'auberge de Tumulus. Tous deux l'accueillirent avec plaisir, et l'aubergiste lui rapporta les observations qu'il avait faites sur les deux probables informateurs des Tarmas qu'elle avait repérés. Ils venaient à peu près tous les soirs à son auberge, souvent les deux ensemble, mais parfois juste l'un des deux. L'un s'appelait Mintil, il fabriquait et vendait toutes sortes d'affaires en cuir à Tumulus, depuis des chaussures et vêtements jusqu'à des armures. Il semblait avoir de l'ascendance sur l'autre, qui était le quincailler du village. Ils étaient souvent en rapport avec Gridel, un marchand qui parcourait le sud de l'Arthedain, et passait donc souvent de la Comté aux Tarmaladen et inversement. Un messager des Tarmas ?

La question des Tarmas revint encore et encore, et les aventuriers étaient partagés sur la conduite à tenir. L'ampleur de la tâche les privait de moyens : comment enquêter sur les Tarmas, leurs ennemis... qui ne l'étaient pas vraiment ? Mais qui pouvaient néanmoins servir à précipiter l'Arthedain dans le chaos ? Fallait-il aller les voir ou enquêter plus ou moins ouvertement, au risque de faire précipiter certaines choses ? Était-il possible d'aller leur rendre visite de manière courtoise, comme de bons voisins, sans risquer une quelconque embuscade ? Étaient-ils eux aussi influencés par un nouveau Fercha, qui les pousserait à des actions extrêmes et regrettables ?

Narmegil alla à la ville de Champs Verts dans la journée, en quelques heures à cheval. Mais il y fut mal accueilli par les humains qui regrettaient le temps des Tarmas. Faute de suffisamment d'hommes du roi, les communautés humaines et hobbites s'évitaient et se géraient sans se mêler, mais les sources de friction étaient fréquentes, et les dégâts réels. Narmegil ayant participé à la débâcle et l'éviction du chevalier Tarma qui les dirigeait, Brandir Haranholir, il n'était pas le bienvenu. Il dut rentrer bredouille dans l'après-midi, et passa la soirée à fouiller dans la bibliothèque. Il trouva ainsi l'arbre généalogique des Tarmas, où il était indiqué que Mintil, artisan de Tumulus, avait des liens de parenté avec les Tarmas. Cela correspondait à ce qu'en avait dit l'intendante hobbite : l'homme semblait plus érudit qu'un simple artisan, il avait une comptabilité soignée de son activité. Sans parler de sa grande taille, même s'il portait la barbe.

Helvorn avait été convié à donner son avis, mais il ne savait que dire. Si les Tarmas étaient bien ceux qu'il avait côtoyés par le passé en tant que rôdeur dans l'armée royale, c'étaient des gens de confiance qu'on pouvait aller voir sans crainte, et la mort des voleurs de chevaux dunéens (et tueurs de hobbits) était sévère mais justifiée. Mais pourquoi ces voleurs allaient-ils sur les terres des Tarmas, où ils devaient savoir qu'ils n'étaient pas les bienvenus ? Et si les Tarmas s'étaient laissé influencer par quelque chose de sombre qui leur faisait perdre leur bon sens et la perception des intérêts de l'Arthedain, que ne pourraient-ils faire pour suivre leurs chimères ? Il fallait en savoir plus, mais le cousin de Narmegil ne savait pas par où s'y prendre.

7 - Espionnage
Certains évoquèrent la possibilité de chercher des renseignements auprès des informateurs des Tarmas, comme le fabriquant et vendeur d'objets en cuir, Mintil. Peut-être était-il possible d'aller les voir et de leur soutirer des renseignements ? Mais d'autres s'y opposèrent, estimant que cela risquait de mettre la puce à l'oreille des Tarmas, ou même de déclencher une réaction de ces derniers. Quelqu'un proposa de passer une commande au marchand de cuir, et de l'inviter à manger, de l'occuper. Ce qui laisserait la place libre... sauf pour l'épouse et les deux enfants qui l'aidaient à son travail. Finalement, l'idée fut abandonnée.

Pourtant, c'était une piste à creuser, une piste que Drilun essaya d'aborder avec finesse et subtilité. Il voulut approcher un peu le bonhomme. Pour cela, il alla dans sa boutique : il fut reçu par son épouse, qui faisait des travaux de couture, et expliqua qu'il aurait voulu des conseils voire un apprentissage. La dame lui répondit que son mari avait des engagements à respecter, mais devant l'insistance du Dunéen, elle alla parler à son mari, qui accepta de rencontrer Drilun après avoir fini un travail. L'archer-magicien du groupe s'éclipsa et revint ensuite à l'heure dite, pour trouver l'artisan prêt à le recevoir.

Drilun parla alors de son désir d'apprendre à travailler le cuir. Désir qui était réel en fait, le Dunéen avait besoin de savoir travailler divers matériaux pour aider à leur insuffler de la magie dedans. Il expliqua qu'il ne cherchait pas un véritable apprentissage, sur une longue durée, mais qu'il était pressé, et tout à fait prêt à payer pour le dérangement. L'homme, d'abord étonné et méfiant, commença alors à discuter les prix pour voir si l'affaire pouvait l'intéresser. Malheureusement, la confusion emplit la bouche du Dunéen, d'habitude adroit et habitué aux belles paroles. Accumulant gaffe sur maladresse, il rendit l'artisan persuadé qu'il se moquait de lui. Furieux, l'homme le chassa de sa boutique sans ménagement, et Drilun choisit de prendre la porte plutôt que quelque chose de plus dur et douloureux...

Mais tandis que le soir arrivait et que les uns après les autres baissaient les bras, à cours d'idées, Vif alla se poster à l'auberge. Elle savait que Mintil et son ami quincailler venaient d'ordinaire se rincer le gosier et écouter ce qui se disait, et c'est exactement ce qu'elle comptait faire. Avec une ouïe des plus fines, à en remontrer même aux elfes, elle espérait bien apprendre quelque chose d'un peu consistant. Les deux hommes arrivèrent comme la nuit tombait, et ils s'attablèrent non loin d'elle. Très doucement, mais pas assez pour empêcher la Femme des Bois de tout entendre, Mintil commença à décrire sa journée et l'incident que Drilun avait provoqué.

Les deux hommes évoquèrent les Tarmas et la méfiance voire le déplaisir que Narmegil et ses amis leur inspiraient. Manifestement, ils regrettaient Aradan Marwen et l'autorité des Tarmas sur le quartier Nord de la Comté. Mais à un moment, le compagnon de Mintil demanda à ce dernier s'il avait eu du nouveau concernant le message d'"œil de renard" apporté par le marchand Gridel, deux semaines auparavant. Ce à quoi Mintil répondit qu'il ne savait toujours pas quoi en faire, et qu'il le conservait en attendant des directives précises, comme annoncé. Le reste de la conversation n'apporta rien de plus, et les deux hommes finirent par partir alors que l'heure avançait.

8 - Cambriolage
Aussitôt, Vif revint au manoir avertir ses amis. Il semblait donc qu'il y avait un parchemin important chez Mintil. Peut-être cela valait-il la peine de prendre quelques risques et de faire une expédition ? Geralt était discret et perceptif, il pourrait bien faire quelque chose... Ce dernier n'était pas très chaud, mais les arguments qu'il pouvait opposer tombèrent les uns après les autres.

Il était nul en crochetage ? Mais avec la chaleur - le solstice d'été approchait - Mintil laissait les fenêtres et volets entrebâillés pour l'aération. Il n'y verrait rien pour fouiller ? Du trèfle de lune était déjà préparé, qui permettait de voir dans le noir aussi bien qu'un elfe. Il risquait de se faire surprendre ? Drilun lui dit que le bureau à fouiller n'était pas dans la chambre du maître de maison, et il était discret. Si on le voyait, la réaction des Tarmas risquait d'être terrible ? Isis lui ferait un sort pour le déguiser, et personne ne pourrait le reconnaître. Et puis il fallait bien se mouiller de temps en temps ! Et même se priver d'un peu de sommeil...

Le maître-assassin de Tharbad attendit donc que la nuit soit avancée pour aller voir de plus près la boutique de Mintil. Pour ne pas se faire voir en traversant la place, il sortit par une fenêtre à l'arrière du manoir. Très discret, d'autant qu'il portait le manteau de Drilun qui facilitait grandement tout camouflage, il approcha de la boutique sans être vu. Il repéra sans mal le bureau, et aux bruits de ronflement, les chambres étaient à l'étage, donc à une petite distance. Grâce à une fenêtre entrebâillée et à ses compétences, il arriva sans mal à pénétrer à l'intérieur de la pièce sans se faire voir ou entendre. A l'intérieur, deux portes, fermées mais non verrouillées, donnaient sur l'atelier ou sur les lieux de vie de la famille.

Le bureau était bien rangé, et l'homme eut peur d'être obligé de lire les livres ou parchemins, ce pour quoi il ne se sentait guère de compétence. Mais en regardant bien, il lui sembla percevoir comme un tiroir secret derrière un stock de plumes, d'encre et de parchemins vierges. Avec précaution, il débarrassa l'ensemble et tira sans mal un petit compartiment dans lequel un simple parchemin reposait. Après l'avoir ouvert et tenté de le lire, il n'eut plus aucun doute : c'était bien le parchemin en question. Et il fallait l'apporter aux autres qui arriveraient peut-être à déchiffrer ce qui était inscrit.

Il ressortit donc avec le parchemin et rejoignit toute l'équipe au manoir, toujours par la même voie, discrètement et sans se faire voir. Il fut accueilli avec grand plaisir, et tous furent bientôt réveillés malgré l'heure tardive, ou plutôt précoce. Drilun fit sur-le-champ un double du parchemin, et il demanda à son ami de remettre l'original à sa place, et faire en sorte que rien ne puisse trahir sa visite. Ce dont Geralt s'acquitta sans difficulté. Un peu plus tard, il lui fallut refaire la même chose afin de revenir en possession de l'original, jugé trop précieux comme pièce à conviction. Mais les aventuriers n'en étaient pas encore là.

9 - Déchiffrage
En effet, le message en question était un peu cryptique, pour ne pas dire plus. Et même sans aucun doute crypté. En introduction, une brève phrase annonçait effectivement "Fercha est la clé". Mais quant au reste... Il se composait de 145 lettres organisées en 9 lignes. Ce qui donnait :
TFQLFHTHJHTTFVNMT
SHMOQHMCQHFKFAFL
GKKHQNYFKHFVHRLF
BGHCQNBUHSNUONGS
NMSHTOGQHHMRNQHO
HUTHTQHLFGSGKSSN
MTLFMGOUKHSOFQPU
GHTRNLLHMTFVNUSC
HKHTQNUVHQHTVGTH

Les aventuriers se grattèrent la tête un moment. Sîralassë remarqua que le 'H' revenait souvent, cela devait correspondre à une lettre fréquente. Drilun trouva le premier que les 5 premières lettres composaient en fait le mot "Tarma". Et petit à petit, la transposition du reste de l'alphabet put être établie. En fait, le message donnait la solution dès le début : il fallait changer l'alphabet classique en prenant le même alphabet, mais où "FERCHA" composait les premières lettres. Ainsi :
ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ devenait :
FERCHABDGIJKLMNOPQSTUVWXYZ.

Le message devenait alors très clair : "Tarma et Eketta vont s'en prendre à la famille royale avec magie drogues ou poisons et pire encore peut-être mais ils sont manipulés par qui et comment à vous de le trouver et vite". En revanche, ce qui était moins clair, c'était de savoir par qui il avait été écrit, et à qui il était adressé. Brusquement, les aventuriers n'avaient plus sommeil. Le message leur était-il adressé ? Ou plutôt, devait-il être remis à "œil de renard" ? Qui était-il, et que savait-il ? Il fallait absolument lui mettre la main dessus !

En fin de compte, le parchemin original fut récupéré - et remplacé par un faux au message différent - et tous partirent se coucher en espérant que la nuit leur porterait conseil. Les jours à venir seraient rudes. Il faudrait prévenir le roi, retrouver cet "œil de renard", et espionner les Tarmas d'une manière ou d'une autre. Car on ne savait toujours pas comment ils étaient influencés. Et en plus, le délai restant avant le déclenchement de la guerre civile restait proche mais inconnu. Était-ce lors de la fête des moissons du jour médian de l'année, loëndë, comme Sîralassë commençait à croire ? Impossible à dire. Mais si c'était le cas, il restait moins de vingt jours pour trouver et assembler les dernières pièces du puzzle. Et peut-être même moins que ça.
Modifié en dernier par Niemal le 03 septembre 2012, 08:19, modifié 3 fois.
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Tarma - 2ème partie : espionnage et diplomatie

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1 - Préparatifs pour un dîner
Vu l'heure tardive à laquelle l'équipe s'était couchée, la plupart de ses membres ne redevinrent actifs qu'en fin de matinée. Mais au repas qui réunit tout le monde, Helvorn compris, la discussion se poursuivit. Que fallait-il faire dorénavant ? Après divers débats, le consensus se fit sur un point : il semblait qu'il y avait un allié des aventuriers chez les Tarmas. Et quelqu'un de bien informé, et qui faisait partie du réseau d'espions des Tarmas. Il fallait essayer d'en apprendre plus sur cette personne, et donc sur le réseau d'espions des Tarmas en général. Ce qui passait par la seule personne connue de ce réseau, l'artisan Mintil.

La première approche de Drilun n'ayant rien donné, et le Dunéen étant désormais grillé auprès de l'artisan, il fut question de l'inviter à manger au manoir. Le prétexte serait de faire faire des vêtements de cuir fin pour Isis, entre autres choses. Certains étaient sceptiques, voyant difficilement comment le sujet du fameux "œil de renard" pourrait être abordé. Mais Isis était confiante et comptait sur sa magie d'elfe pour rendre la personne plus volubile. Et donc un serviteur alla transmettre à l'artisan de Tumulus la proposition de venir dîner au manoir le soir même, pour affaires. Proposition qui fut acceptée.

Chacun vaqua ensuite à ses occupations, comme la gestion des terres de Tumulus ou une longue sieste pour prendre des forces. En fin de journée, Sîralassë, qui ne souhaitait pas participer au repas, partit faire sa tournée des chaumières pour soigner les petits voire gros bobos du peuple. Des serviteurs hobbits vinrent voir le seigneur Eldanar pour lui demander le genre de repas qu'il voulait qu'ils préparent. Helvorn parla alors d'un petit tonnelet de vin d'exception, cadeau qu'un marchand avait fait peu avant le retour de l'équipe. Ce vin semblait d'une qualité à réserver aux événements exceptionnels. Peut-être était-ce une bonne occasion ?

Narmegil se dit qu'il s'agissait d'une suggestion judicieuse, mais certains de ses amis se montrèrent méfiants. Ils voulurent en savoir plus, ce à quoi Helvorn répondit. Il expliqua que l'homme, un certain Gilluin, était d'après ce qu'on lui avait rapporté un marchand spécialisé dans les meilleurs vins du Cardolan, qu'il ne vendait qu'aux plus grandes familles du Cardolan ou de l'Arthedain, comme les Tarmas. Il avait fait ce cadeau pour remercier pour des proches ou amis qui avaient été faits prisonniers par Broggha, et que Narmegil et ses amis avaient secourus et ramenés.

Personne n'était motivé pour goûter le vin, craignant quelque traîtrise. Il fut décidé de le servir à la table, néanmoins, et les autres détails furent réglés. La présence de Drilun étant jugée inopportune, il serait magiquement maquillé en servante pour servir les mets et boissons. En dehors de Sîralassë, absent, tous les autres seraient là, de même qu'Helvorn. La réalisation des plats étant laissée aux soins des cuisiniers hobbits, personne ne doutait de leur qualité. Et ainsi le soir arriva, et tous furent prêts lorsque l'homme entra au manoir.

2 - Un dîner très spécial
Mintil arriva donc et se fit conduire jusqu'au salon privé de l'étage, où la table avait été mise. En plus de Drilun qui jouait la servante, la pièce était donc occupée par six personnes : Narmegil, Isis, Helvorn, Geralt, Vif et Mintil. Les cinq aventuriers et l'invité s'assirent, et le seigneur du lieu fit un petit discours. Il improvisa sur l'heureux événement prochain, et sa volonté de faire un cadeau de vêtements d'exception à son épouse.

L'artisan se déclara assez surpris, c'était la première fois qu'il se faisait inviter à un repas pour le travail. Il se serait plutôt attendu à un déplacement pour prendre des mesures et commencer à travailler. Et puis la discussion porta sur quelques banalités, mais aussi sur les sentiments de l'homme vis-à-vis des Tarmas ou des hobbits. Manifestement, Mintil regrettait feu Aradan Marwen et la présence Tarma, et il défendait les seigneurs Tarmas qui pour lui représentaient ce qui se faisait de mieux en termes de noblesse d'Arthedain. Il fut même choqué de percevoir certains sentiments négatifs de ses hôtes à leur égard.

Le moment de servir et goûter le vin fut de ceux qui posent problème. Si Isis et Vif refusèrent d'en prendre, les autres ne pouvaient pas en faire autant. Et ils durent bien en avaler un peu, ne fut-ce qu'une petite gorgée. Pour Mintil, Narmegil et Helvorn, le vin était fameux, même si les deux derniers lui trouvaient un petit arrière-goût de myrtille. Geralt sentit la chose, mais plus encore : il percevait une autre substance dans le vin, quelque chose susceptible de les affecter de manière très fine. Il évoqua cela dans une phrase vantant la qualité du vin mais aussi ce petit quelque chose qu'il n'arrivait pas à identifier...

Isis avait utilisé sa magie pour être plus charismatique, et elle commença à parler de manière de moins en moins voilée des Tarmas et de leurs espions. Mais l'homme restait impassible, même s'il commençait à apprécier de moins en moins le repas et à prendre de la distance. Il n'était plus du tout question de cuirs fins et de vêtements, et ni le bon repas, ni le vin, ni les formes et la magie d'Isis ne semblaient avoir beaucoup de prise sur Mintil. Les aventuriers ne savaient plus trop comment faire avancer la conversation.

Finalement, excédée, Isis mit les pieds dans le plat et interpela directement l'homme : elle lui dit qu'il savait de quoi elle parlait, qu'il avait chez lui un message des Tarmas. Mieux même, elle demanda à la servante d'aller chercher le message en question. Mais Drilun, que la démarche brutale de son amie gênait, choisit de s'éclipser sans rapporter le message codé. En fin de compte, Vif se leva et ramena le parchemin à sa place.

L'homme vit le parchemin mais ne réagit pas, sauf pour demander ce que cela voulait dire. Ses hôtes lui expliquèrent la méthode de chiffrement, Geralt parla de l'endroit où il avait trouvé le parchemin en question, et le dîner se transforma en tribunal : Mintil était maintenant sur le gril, comme un espion découvert. Il se contenta de se lever, comme furieux, et demanda à prendre congé avec quelques mots acides. Mais il vit rapidement les issues bloquées par ses hôtes : il était prisonnier.

3 - Parler franc
Le côté subtil n'avait pas été très efficace, le côté intimidant ne marchait guère mieux, mais Narmegil tenta de reprendre les choses en main. Il parla du message et de sa signification, que l'homme prétendait n'avoir jamais lu. Si Mintil admettait avoir un rapport avec les Tarmas, il prétendait avoir reçu le message mais sans l'avoir lu. Il devait juste suivre les consignes qu'il attendait pour savoir quoi en faire et à qui le remettre. Il lu donc le contenu décrypté qu'on lui donna, sans faire plus de commentaire.

Après quoi, le seigneur du manoir lui expliqua qu'ils cherchaient tous la même chose : le bien d'Arthedain, y compris celui des Tarmas. Il expliqua que de la même manière qu'Aradan Marwen avait été influencé et abusé, les Tarmas étaient aussi les victimes d'une sombre influence, et que ce message en était une preuve supplémentaire. Il leur fallait donc prendre contact avec la personne qui avait écrit le message, qui semblait en savoir long et pouvait les aider à progresser dans leur enquête.

Narmegil parlait avec toute la franchise et l'honnêteté dont il était capable, et sa sincérité et ses paroles arrivèrent à toucher Mintil. Ce dernier, même s'il réprouvait les moyens utilisés pour le "piéger" et même s'il n'était pas d'accord avec les aventuriers, accepta de leur prêter main-forte autant qu'il le pouvait. Pour l'instant, il était prêt à croire que quelque chose de louche se passait du côté des Tarmas, comme auparavant avec Aradan Marwen.

Mais il ne savait pas grand-chose. Il ne connaissait pas "œil de renard", et en dehors du quincailler de Tumulus qui était informateur comme lui, il n'avait de contact qu'avec une personne : un marchand nommé Gridel, qui voyageait dans le sud de l'Arthedain, surtout dans la Comté et sur les Tarmaladen, et jusqu'à Fornost Erain. Cela faisait un moment qu'il avait reçu le message et qu'il le conservait, et Gridel était reparti depuis au moins deux semaines. Il voulait bien prévenir l'équipe si ce dernier revenait, mais il ne voyait pas ce qu'il pouvait faire d'autre.

L'atmosphère s'était un peu détendue, et l'artisan demanda à prendre congé. Il posa la question de la commande de vêtements de cuir fin, mais cette dernière n'était pas juste un leurre et elle lui fut confirmée. Et il obtint une pièce d'or - le salaire de presque une année - pour commencer à y travailler. Il fut convenu que les mesures seraient prises le lendemain matin par son épouse, à l'atelier, Isis ayant fait part de son souhait de s'y rendre. Et l'homme fut parti.

4 - Un messager du roi
Après une nuit sans incident, la matinée passa vite, à gérer diverses affaires courantes comme d'aller à la boutique de Mintil pour Isis, et à préparer diverses actions. Mais en fin de matinée, l'ordre établi fut perturbé par l'arrivée imprévue de quelques cavaliers de Fornost Erain. Il s'agissait du "second interprète" du roi et de quelques gardes. L'homme, qui se nommait Esgaltur Lussiril, était en route pour le château de Sarn au sud de la Comté, et il demandait à pouvoir faire halte à Bar Edhelas avant de repartir. Ce qui fut bien évidemment accepté.

Tandis que les gardes s'occupaient de leurs chevaux et faisaient une pause avant le repas, le "second interprète", une espèce de traducteur, discuta de choses et d'autres avec Narmegil et ses amis en attendant de passer à table. Rapidement, il devint évident que l'homme en savait beaucoup : il avait parlé à Mithrandir et Niemal, ainsi qu'au roi, et connaissait la situation des aventuriers et la tâche qui leur était confiée. Narmegil livra les dernières trouvailles, et en particulier le message codé, qu'Esgaltur déchiffra rapidement comme s'il avait l'habitude de ce genre de travail...

Il semblait satisfait de la tournure que prenaient les choses, et partagea diverses informations qui pouvaient servir au groupe. Certaines étaient déjà connues, d'autres non. Par exemple :
- pour la fête du jour médian (loëndë), les Tarmas feront une importante parade de cavaliers
- une parade similaire devrait être conduite par les Ekettas
- le même jour, le roi doit voyager dans le royaume pour bénir au nom d'Eru
- Methilir Eketta passe beaucoup de temps avec les voyants, à Fornost Erain
- plusieurs voyants et capitaines de l'armée royale sont membres des familles Tarma et Eketta
- le chef de la garde royale, Halmir Eketta, est l'oncle de Methilir Eketta
- des espions en Angmar ont entendu parler d'un envoi récent de "jus de myrtille" dans le sud

De cela les aventuriers discutèrent, et tombèrent d'accord sur la signification de l'ensemble : le jour de loëndë, soit dans moins de trois semaines, les Tarmas et Ekettas utiliseraient leurs cavaleries combinées pour forcer le roi à abdiquer, voire pire. Une bonne partie de la famille royale serait en effet présente et vulnérable. Mais Esgaltur les prévint : la mort du roi et son remplacement par un tiers ne pourrait permettre de prendre les rênes du pays. En effet, le roi était le représentant d'Eru, et personne ne pouvait le remplacer hormis une autre personne de la lignée royale. Et après le roi il y avait les princes Arvegil et Minastir, ce dernier devant rester dans le sud. Et les deux jeunes enfants de la princesse Niréna, nés en 1634 et 1636. Et ensuite seulement, venait Marl Tarma, capitaine des rôdeurs...

Mais cette histoire de jus de myrtille fit repenser à l'arrière-goût du vin utilisé la veille. Vif, la plus perceptive, s'était forcée à goûter, mais elle n'avait rien perçu de mieux que Geralt. En revanche, cette fois Sîralassë essaya à son tour, et il arriva à mettre un nom sur ce goût. Lui qui connaissait bien les plantes se souvint d'une baie très proche de la myrtille qu'on appelait "Tue-l'Esprit". Elle avait pour effet de diminuer la volonté et la capacité de raisonnement... L'envoi de "jus de myrtille" était donc peut-être destiné au roi et à la famille royale, pour les faire abdiquer ?

Esgaltur paraissait de plus en plus intéressé et pressé de repartir annoncer tout cela à Minastir voire à d'autres personnes. Avant de s'en aller, il donna quand même son opinion sur divers sujets. Déjà, il avait entièrement confiance en Halmir Eketta, chef de la garde royale (et plus fine lame du royaume), bien qu'il soit un Eketta. Ensuite, il lui semblait le plus urgent d'aller voir et espionner les Tarmas pour en apprendre le plus possible. Car si la méthode des Tarmas paraissait claire, le but restait toujours d'éviter une confrontation entre le roi et eux. Et donc de trouver ce qui les poussait à de telles extrémités.

5 - En route pour Tarmabar
Une fois Esgaltur parti, la décision fut vite prise : l'équipe partait sur-le-champ pour Tarmabar, la demeure des Tarmas. Narmegil s'en excusa auprès d'Isis, vu son état, et cette dernière rappela que chaque fois qu'ils avaient entrepris un voyage, cela leur avait demandé bien plus de temps que ce qui était prévu. Le bébé était attendu pour dans un mois et demi seulement, et elle espérait bien que cette fois, les prévisions ne seraient pas dépassées quant à la durée de leur absence !

Mais comment aller jusque là-bas ? Il fallait compter une soixantaine de miles (~ 100 km) pour arriver à Tarmabar. Seuls quatre chevaux et un poney étaient disponibles, et Narmegil n'avait qu'une confiance très limitée dans la capacité des Tarmas à lui rendre son excellent cheval s'il venait avec. En revanche, Bar Edhelas disposait aussi d'une petite charrette, assez grande pour quatre personnes installées assez confortablement ou plus en se serrant.

D'habitude, le poney suffisait à tirer la charrette qui n'était jamais très chargée. Mais le Dúnadan fit modifier le harnais pour pouvoir y atteler deux chevaux. La charrette et ses occupants seraient ainsi tirés plus facilement et rapidement. Sîralassë n'aimait pas trop ce mode de voyage, et il choisit de faire la route à cheval, à côté de la charrette. Narmegil laisserait son propre cheval à Helvorn, pour d'éventuels besoins de rapidité. Il s'excusa aussi auprès de son cousin de lui laisser encore la charge de gérer Tumulus et les environs...

Après une heure, le harnais fut modifié et les deux chevaux attelés, tandis que Sîralassë prenait son cheval. Narmegil avait installé dans la charrette des couvertures et assez d'espace pour Isis pour qu'elle puisse s'allonger. Vif prit place aussi dans la charrette, avec Drilun et Geralt, ce dernier prenant les rênes. Et pour laisser la place de s'allonger à son épouse, le seigneur Eldanar choisit d'accompagner la charrette en courant. Il était endurant, l'allure serait tranquille et la route plate jusqu'à Champs Verts, à une trentaine de miles de là. Et ainsi fut-il fait.

La route jusqu'à Champs Verts prit cinq heures sans faire de pause, ni pour les chevaux ni pour le coureur, fatigué mais satisfait de sa performance. Il lui fallut un bon bain dans l'auberge de la ville après cela. Et même si ses faibles connaissances en magie des soins avaient suffi pour lui faire oublier fatigue et courbatures, Isis fit en sorte de lui faire oublier encore plus ce moment d'effort. Et tous deux prirent bien soin de mettre Vif dans la chambre la plus éloignée de la leur - son ouïe était bien trop fine à leur goût !

Le lendemain, Narmegil reprit les rênes : la route était plus étroite et non empierrée, et serpentait dans des collines et coteaux escarpés. La progression fut plus lente, et enfin l'obstacle fut franchi : l'équipe progressait désormais sur les Tarmaladen, les Terres des Tarmas. Les champs et cultures succédaient aux prairies et pâturages, le paysage était plus civilisé et moins sauvage que la Comté, et il n'y avait plus de hobbits. Enfin, le petit château de Tarmabar et son village attenant furent atteints en fin d'après-midi.

6 - Contact
Tarmabar était une espèce de petit château-fort, un donjon sans enceinte fortifiée, avec quatre tours carrées aux quatre coins du bâtiment. Mais l'une des tours, celle du sud-ouest, n'était pas orientée comme les autres. En effet, à l'origine, il s'agissait d'une simple tour d'observation utilisée par la famille. Puis, les Tarmas prenant de l'importance, un petit château avait été construit qui s'appuyait sur cette tour, mais avec une orientation globale différente : il était aligné sur les quatre points cardinaux, contrairement à la première tour.

Le château était construit sur une petite colline, au pied de laquelle un petit bourg avait fleuri. Plus grand que Tumulus, il n'était pas non plus fortifié. Les principaux commerces et artisans étaient présents, dont une auberge où l'équipe se rafraîchit et se changea, tout en prenant la température des hommes du coin, très attachés à leurs seigneurs. Tout au plus les trouvaient-ils affectés par la Peste et la mort d'Aradan Marwen et de Nimír Osprey, l'année précédente, et moins faciles à vivre. Deux bâtiments administratifs composaient également le village, dont une garnison.

Une fois prêts, les aventuriers montèrent au château en cheval et charrette. Le chemin arrivait au nord de Tarmabar, sur une petite place pavée en partie creusée dans le sommet de la colline, donc au niveau des caves du château. Divers bâtiments se trouvaient à la périphérie de la place, comme grenier, divers corps de métier (charpentier, forgeron, maçon...) et surtout de grandes écuries. Un puits occupait le centre de la place, régulièrement utilisé par des garçons d'écurie pour pouvoir abreuver les bêtes.

Un palefrenier vint à la rencontre de Narmegil et ses amis. Le Dúnadan se présenta et déclara vouloir rencontrer le seigneur Tarma. Un officier Tarma vint alors et donna des ordres pour que le seigneur soit prévenu et les bêtes de Narmegil nourries et logées dans les écuries. Quelques aventuriers regardaient les chevaux et poneys présents, essayant de reconnaître ceux qui leur avaient été volés. Puis un garde revint du château pour annoncer que Narmegil et ses amis étaient attendus.

Les six compagnons entrèrent donc dans Tarmabar. Pour cela, ils montèrent un escalier le long du mur nord, pour aboutir à un petit pont-levis. Il permettait d'entrer au rez-de-chaussée, dans une espèce d'antichambre avec meurtrières qui dénotait le caractère guerrier des lieux. Puis le groupe arriva dans l'entrée proprement dite, qui comportait deux gardes. Là, le groupe fut scindé en deux : Narmegil, Isis et Sîralassë étaient invités à l'étage pour manger avec les Tarmas, tandis que Drilun, Geralt et Vif étaient conviés à aller se restaurer dans le réfectoire des serviteurs du château.

7 - Diplomatie et manque de tact
Le Dúnadan et les deux elfes passèrent dans une autre pièce avant de prendre un escalier en colimaçon jusqu'au premier étage. Ils changèrent encore de pièce et montèrent une courte volée de marches avant d'entrer dans un grand salon avec une table pour une vingtaine de convives au moins. Assis à une extrémité, le vieux seigneur Finralin Tarma s'excusa de ne pas se lever pour accueillir ses invités en raison de son grand âge, autour de 180 ans. Son petit-fils et héritier Barfindil était également présent à table, mais aucun autre membre de la famille, comme Ferenariel ou Marl Tarma, occupés à Fornost ou sur la frontière avec Angmar. Ce qui correspondait à ce qu'Esgaltur leur avait dit.

Comme l'heure du repas était arrivée, des serviteurs amenèrent des plats, de même qu'un excellent vin que Narmegil et Sîralassë connaissaient déjà... La conversation porta très tôt sur les chevaux volés à Tumulus, et qui manquaient cruellement. Ce qu'avait bien noté Finralin, quand on lui avait rapporté la venue de ses voisins en charrette... Bien qu'avec un soupçon de mauvaise grâce ou d'agacement, le seigneur Tarma admit - non sans mal et après moult discussions - que Narmegil en était bien le propriétaire.

Mais ces montures servaient les Tarmas à présent, et ils ne pourraient les rendre facilement. Le vieil homme s'engagea à envoyer les prochaines naissances à Tumulus, du moins dans la mesure où les besoins de sa famille seraient satisfaits. Et en attendant, il dit qu'il remettrait une somme de quinze pièces d'or - une par cheval - à Narmegil, comme compensation pour le préjudice causé. En ajoutant qu'il valait mieux que ces montures restent sur les Tarmaladen, quand on voyait comment les hobbits ou les gardes de Tumulus les protégeaient.

Isis ne réagit pas, ayant sans doute choisi de ne rien dire pour éviter d'avoir à hurler après le vieil homme. Mais la somme ridicule et cette dernière réflexion firent tiquer Narmegil. Il défendit les qualités des hobbits et la politique qu'il menait, sans beaucoup d'aide (des Tarmas en tout cas) ou de moyens. Ce à quoi Finralin répliqua par des critiques de plus en plus acerbes sur les hobbits, avant de passer à l'entourage de Narmegil, comme Geralt l'assassin ou le voleur et Dunéen (dans sa bouche, cela allait ensemble) Drilun. Pour ne rien dire de la "paysanne" qu'était Vif, quoique maîtrisant une magie autant étrange qu'inquiétante...

Son invité eut beau défendre les succès et réalisations accomplis par ses amis, que le seigneur Tarma continuait à considérer comme des "serviteurs", Finralin interprétait tout de manière négative. Très bien renseigné assurément, il parla des nombreux morts de Tharbad et de l'armée d'Angmar par de la sorcellerie, et le terme d'allié invoqué par son jeune voisin ne trouva que mépris à ses yeux. Sa propre expérience était riche en mésaventures avec hobbits, Dunéens et voleurs de Tharbad ou d'ailleurs, et le côté rassembleur de Narmegil ne paraissait pour lui qu'une preuve de jeunesse et de faiblesse. Assez bonne pour un aventurier peut-être, sans doute pas pour un grand seigneur confronté quotidiennement à la menace d'Angmar, ce pour quoi sa famille avait payé déjà un lourd tribut en or et en vies humaines.

La morgue du seigneur Tarma arriva à faire sortir Sîralassë de sa réserve, qui rappela que les Dúnedain étaient loin d'être parfaits. Que les Dunéens qu'il décriait n'étaient pas si différents des hommes de l'Arthedain vu la difficulté que ces derniers avaient à s'entendre, et que les Tarmas feraient mieux de s'allier aux peuples présents que de prendre des mercenaires douteux pour leurs besognes. Même les elfes, qu'il critiquait pour leur absence, luttaient de leur côté et n'avaient pas de compte à lui rendre. Mais le seigneur Tarma mit fin à l'entretien en prétextant la fatigue, et il annonça que des chambres étaient prévues pour ses trois invités, et que leurs serviteurs pouvaient dormir aux écuries. Puis il leur donna congé.

8 - Oreilles qui traînent
Les trois "serviteurs", pendant ce temps-là, étaient un peu livrés à eux-mêmes, et les gardes du rez-de-chaussée leur indiquèrent la direction à prendre. Après être entrés dans la cuisine, ils obliquèrent à droite pour finir dans un petit réfectoire, au-delà duquel une porte donnait sur le dortoir des serviteurs. Si les cuisiniers et marmitons étaient encore bien affairés, d'autres serviteurs commençaient à manger, voire quelques gardes. Les nouveaux venus furent regardés avec une certaine méfiance, mais sans animosité.

Après s'être présentés, Geralt, Drilun et Vif commencèrent à manger dans leur coin. L'assassin et la rôdeuse laissaient leurs oreilles très fines traîner, ce qui leur permit d'entendre diverses questions ou commentaires à voix basse que le personnel de Tarmabar s'échangeait à leur sujet. Mais ils purent aussi distinguer quelques petits potins concernant le château, pour la plupart inintéressants. La prochaine fête de loëndë (jour médian de l'année) revenait souvent, avec la préparation de la parade de cavaliers ; mais aussi le caractère détestable d'un cuisinier, et qui semblait même empirer.

Petit à petit, les trois aventuriers s'essayèrent à discuter avec les serviteurs du château. Ils répondirent à diverses questions mais en posèrent bien plus. Manifestement, le personnel de Tarmabar n'aimait guère les hobbits ou la réputation de Narmegil et il appréciait les seigneurs Tarmas, même si depuis la Peste, ces derniers étaient plus sombres et moins agréables à côtoyer. La faute aux morts de la maladie, aux mauvaises nouvelles concernant Angmar, et sans doute à la perte des terres du Quartier Nord de la Comté, que les gens d'ici appelaient encore Siragalë. La mort d'Aradan Marwen et Nimír Osprey, et ce qu'ils avaient fait, étaient aussi cités.

Néanmoins, un des serviteurs posa une question digne d'intérêt, même s'il se fit vite rabrouer pour sa stupidité ou son imagination trop débordante : il se demandait parfois si les Tarmas n'étaient pas affectés par la même magie qui avait poussé Aradan Marwen et Nimír Osprey à leurs terribles actes. La preuve de la bêtise de la question, selon ses collègues, était l'exemple du cuisinier Beleg, dont l'irascibilité et l'irritabilité n'avaient cessé de croître depuis deux ans - depuis la mort de son fils dans la Peste. Mais il valait mieux en parler aux cuisiniers et marmitons qui arrivaient justement à leur tour... sauf le Beleg en question.

Autre information intéressante, il semblait que Finralin Tarma ne mettait plus - ou alors très exceptionnellement et pour peu de temps - une amulette de famille qu'autrefois il portait toujours sur lui. Tout le monde l'avait remarqué, en effet, mais les gens mettaient cela sur le compte des heures sombres qu'ils vivaient, ou de l'âge croissant du vieux seigneur. La plupart des serviteurs avaient fini de manger et ils partaient à présent, sauf les cuistots qui étaient arrivés plus tard. Drilun prit alors sa voix la plus mielleuse pour en apprendre plus sur le cuisinier Beleg.

9 - Le vin de la discorde
Quelques détails furent donnés sur l'individu en question, triste histoire d'un père privé de fils et qui sombre dans la dépression. D'une manière très particulière : il semblait de plus en plus dépourvu de bon sens, ayant des idées assez folles et blâmant ensuite les autres pour l'échec obtenu. Comme des plats nouveaux invraisemblables comportant des mélanges que le marmiton de base pouvait juger comme impossibles à aimer, du moins pour toute personne ayant un palais plus fin que celui d'un orc ! Mais l'homme semblait de plus en plus hermétique aux critiques de ses collègues, constructives ou non...

L'un des marmitons semblait mal à l'aise, comme quelqu'un qui brûle de confier un secret. Se déplaçant pour prendre un plat, il finit par s'installer à côté de Drilun qui l'avait vraiment impressionné par ses belles paroles. Et il lui dévoila son secret : le Beleg en question était si chargé de chagrin qu'il allait régulièrement le noyer au fût du meilleur vin du château, celui réservé aux seigneurs. Un vin vendu à prix d'or par le marchand Gilluin, qui ne fournissait que les meilleures familles de l'Arthedain, comme les Tarmas et les Ekettas...

Narmegil, son épouse et le soigneur arrivèrent peu après, et souhaitèrent faire un tour à l'extérieur avant d'aller se coucher. D'autant que la moitié de l'équipe devait aller aux écuries pour dormir. Les gardes les laissèrent donc sortir, et les informations furent échangées. Tout devenait très clair à présent : le vin apporté par Gilluin rendait peu à peu fou ou tout au moins très présomptueux ou audacieux ceux qui le buvaient, même si cela pouvait prendre des années. La famille Tarma en buvait, le cuisinier Beleg aussi, et les Ekettas - et son jeune seigneur Methilir - sans doute aussi. Autant de gens qui n'avaient plus tout à fait leur raison et qui ne savaient plus écouter d'autre avis que le leur...

La raison du problème des Tarmas était claire, restait à en éliminer la source. D'une manière ou d'une autre, il fallait se débarrasser de ce vin, le rendre imbuvable en y jetant une charogne ou tout autre moyen adapté. Ce qui déjà posait un premier problème. Le vin en question ne serait sans doute pas trop dur à trouver, les réserves ayant été repérées facilement : elles étaient de l'autre côté de la cuisine depuis le réfectoire, et le bruit de pas dans un escalier distant indiquait de manière assez sûre qu'on pouvait se rendre dans les caves en passant par là.

Mais d'une part il ne serait peut-être pas si facile que cela de repérer le ou les bons fûts, sans parler de trouver la bonne méthode pour gâter le vin. Également, priver les Tarmas de vin ne suffirait sans doute pas à les faire redevenir normaux. Comment les soigner du mal qui les rongeait ? La magie des soins suffirait-elle, ou fallait-il trouver un antidote ? Et comment leur administrer ces soins ou antidote ? Dans l'état où ils étaient, ils nieraient toute l'histoire en bloc et combattraient sans doute avec zèle ceux qui prétendraient les soigner. Et loëndë était dans seize jours...
Modifié en dernier par Niemal le 03 septembre 2012, 13:12, modifié 14 fois.
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Tarma - 3ème partie : nuit agitée

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1 - Rendez-vous
Tandis que le groupe discutait encore des mesures à prendre, Geralt commençait à s'intéresser de plus près à son repos nocturne. Les discussions ayant peu de chance d'aboutir immédiatement, il tira sa révérence et annonça qu'il allait se coucher. Il y avait encore un peu d'activité dans l'écurie, mais les chevaux n'avaient plus besoin de soins et les hommes partaient se coucher. En passant, l'assassin aux cheveux blancs repéra les lieux : les chevaux à gauche, des échelles pour monter au-dessus, là où la paille était stockée et où dormaient les garçons d'écurie ; à droite, une pièce - avec une lanterne allumée - et le matériel d'équitation, et le quartier des palefreniers au-delà ; et devant, un hangar à charrette et autres carrioles, dont leur véhicule.

Méfiant de nature, il pensa à vérifier que leurs affaires n'avaient pas été dérangées ou fouillées. Précisément, son œil exercé distingua que certaines choses avaient été déplacées. En regardant de plus près, il finit par repérer un morceau de parchemin replié et coincé entre deux planches, sous une couverture. Après avoir pris la couverture pour lui, et regardé le contenu du message, il chercha des yeux ses amis dont il entendait les pas : Drilun et Vif arrivaient, en effet, tandis que les autres étaient en train de rentrer au château. Geralt leur montra discrètement le bout de parchemin, où l'on pouvait lire :
OHTGT ENGS SUCHST VGKKFBH RHTTH MUGT CGSRQHTHLHMT

Drilun se rappelait parfaitement du cryptogramme qu'il avait déjà déchiffré à l'aide du code "FERCHA". Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver la signification exacte de ce message à l'aide du même code. Tout en préparant leurs affaires pour la nuit et en découvrant l'endroit où ils allaient coucher, il mit discrètement ses amis au courant. Discrètement, car les trois compagnons avaient l'impression très nette d'avoir toujours un œil posé sur eux et une oreille à leur écoute... bien que non désirés. Discrètement aussi, car la nature même du message le demandait. Il disait en effet, une fois déchiffré :
PETIT BOIS SUDEST VILLAGE CETTE NUIT DISCRETEMENT

Après en avoir discuté, ils décidèrent de prévenir le reste de l'équipe. Vif se précipita vers le château et demanda à faire passer diverses choses à Isis, choses oubliées par l'elfe mais nécessaires à sa condition de femme enceinte. Un garde baissa le pont-levis et accepta de transmettre le message et les affaires, et la Femme des Bois put retourner aux écuries discuter avec le Dunéen et l'assassin de la suite à donner. Après débat, ils convinrent d'attendre une heure ou deux que tout le monde dorme, pour prendre magiquement l'apparence de garçons d'écurie et se glisser dans la nuit sous un prétexte ou un autre. Mais après avoir bien discuté avec les personnes présentes, afin d'apprendre et de mémoriser leurs noms et occupations, ainsi que des détails de langage et de personnalité.

Dans le château, pendant ce temps, les deux elfes et le Dúnadan avaient été conduits au deuxième étage. Ils furent menés devant une porte à une extrémité du balcon donnant sur le grand hall du premier étage. Au-delà, s'ouvrait un petit couloir comportant trois portes : sur la droite, une chambre de taille moyenne avec fenêtre et lit à baldaquin pour le noble couple ; et sur la gauche, pour Sîralassë, une petite chambre sans fenêtre pour deux personnes modestes comme des serviteurs. Le Noldo prit cette moquerie de son statut sans broncher, montrant ainsi qu'il savait faire preuve d'humilité suite aux recommandations d'Elrond. A l'autre bout du couloir, on leur signala qu'une petite salle de garde était occupée et qu'il ne fallait pas hésiter à faire part aux gardes présents de toute requête.

2 - Un soigneur très actif
Lorsque les affaires remises par Vif arrivèrent à l'intéressée, Isis trouva sans mal le message codé. Drilun ayant inscrit le texte déchiffré, les deux elfes et le Dúnadan comprirent tout de suite ce qui se passait, même s'ils ne savaient pas comment les autres étaient arrivés en possession du document. Après réflexion, ils se mirent d'accord sur une manière de sortir du château tous les trois. Si certains côtés paraissaient un peu tirés par les cheveux, Sîralassë comptait sur son aura d'elfe noldo pour éviter les questions et ouvrir les portes.

Le soigneur appela donc un garde : il avait une requête, et il réclamait donc de l'aide. Pour la bonne santé d'Isis et de son enfant, il avait besoin de cueillir certaines herbes particulières pendant la nuit, au clair de lune. Il réclamait pour cela un vaste récipient comme un chaudron, et des serviteurs pour aider à transporter le chaudron ou pour l'aider à trouver les herbes. L'un des gardes l'amena alors en cuisine et il appela un marmiton pour aider. Sîralassë avait précisé qu'il prendrait l'un de ses propres serviteurs pour l'aider à ramasser les herbes, car ils en avaient l'habitude.

Pendant ce temps, Isis changeait magiquement l'apparence de son époux et d'elle-même. Elle devint une servante ordinaire, humaine et non enceinte, et lui un garde costaud du château. Ils sortirent alors sur le balcon du grand hall et furent vite interpelés par un garde - leurs quartiers semblaient bien surveillés, même de loin. Ils demandèrent où était passé le grand elfe qui avait demandé deux serviteurs. Le garde ne comprenait pas pourquoi ces deux personnes - qu'il ne reconnaissait pas - n'étaient pas allées dans la cuisine, mais le petit jeu de séductrice que lui fit Isis l'amena à penser à autre chose et en fin de compte il les laissa passer.

Dans la cuisine, Sîralassë choisissait le plus grand chaudron, au grand dam du marmiton qui avait été tiré du lit pour aider. Mais ce dernier fut fort soulagé lorsqu'un garde costaud et une servante arrivèrent pour lui prêter main-forte. En fin de compte, avec les deux nouveaux venus, le soigneur lui dit que sa présence n'était pas nécessaire, là encore à son grand soulagement. Le grand elfe et ses deux amis magiquement transformés se rendirent dans l'entrée, où ils arrivèrent à faire baisser le petit pont-levis et faire lever la herse. Là encore, les talents d'enjôleuse d'Isis permirent d'éviter certaines questions des gardes présents. Les trois amis furent bientôt dehors et ils se dirigèrent vers les écuries.

Ces dernières comportaient une lumière à l'intérieur, un palefrenier restant en éveil à surveiller Eru savait quoi - bien que les aventuriers se l'imaginaient très bien. Sîralassë fit mander Drilun tandis qu'Isis détournait l'attention du palefrenier et de questions gênantes. Le Dunéen arriva vite, mais il fit comprendre qu'il était nécessaire qu'il reste pour utiliser sa magie pour faire sortir Geralt et lui. Ce fut finalement Vif qui prit sa place, Drilun prétextant à haute voix un problème de fatigue ou de digestion. Il retourna se coucher, tandis que les quatre compagnons - Isis, Narmegil, Sîralassë et Vif - s'éloignaient sur la route en direction du village.

3 - Œil de renard
En s'approchant du village, les plus perceptifs virent bien le petit bois dont il était question au sud-ouest, à moins d'un kilomètre. Il semblait y avoir aussi quelques gardes qui veillaient en ville et faisaient des rondes, et qui pouvaient éventuellement les voir : la route était dégagée et la nuit était claire. Mais Vif repéra un endroit où ils étaient un peu masqués, et ils filèrent à travers champs. Après avoir laissé le chaudron derrière une ferme, avec des traces que la Femme des Bois pourrait facilement repérer, ils se dirigèrent discrètement vers les arbres.

Un homme grand, masqué, les y attendait. C'était "œil de renard", qui, suite à une question, répondit qu'il était le chef des espions des Tarmas. C'était bien lui qui avait écrit les messages codés, à leur attention. L'homme expliqua qu'il avait appris certains des projets de ses maîtres, projets qui l'inquiétaient fort et qui montraient une influence néfaste, inconnue et inexpliquée. Les aventuriers montrèrent au cours de la conversation qu'ils avaient deviné l'essentiel, et même plus : ils avaient trouvé que le vin était à l'origine du changement d'attitude des Tarmas depuis deux ans. Pourtant, œil de renard affirma avoir contrôlé systématiquement nourriture et boisson et origine des marchands, sans jamais rien trouver.

Cela s'appliquait à Gilluin, le marchand de vin : c'était un Dúnadan du Cardolan contre qui il n'avait rien à dire. En revanche, le vin si particulier qu'il vendait était réservé aux seules familles Tarma et Eketta. Si le problème venait bien du vin, ce qui lui paraissait possible, rien ne disait que le marchand était impliqué. Remonter la source aurait pu être une bonne chose, mais le temps manquait : Gilluin était quelque part dans le Cardolan, qui était vaste, et le coup d'état fomenté par les deux grandes familles nobles devait avoir lieu dans une quinzaine de jours...

Mais si les aventuriers avaient déjà deviné l'essentiel, certaines informations apportées par l'homme étaient nouvelles. Tout d'abord, le chef des espions avait entendu Finralin, chef du clan Tarma, et sa fille Ferenariel, parler d'une commande de "jus de myrtilles". Les aventuriers lui apprirent qu'il s'agissait sans doute d'une drogue qui affectait l'esprit - elle s'appelait d'ailleurs "Tue-l'Esprit" - et qui servirait contre le roi. Mais œil de renard leur apprit qu'il ne savait aucunement comment la commande avait été passée, ni auprès de qui. Ce n'était pas par lui, ce qui pouvait indiquer que ses maîtres ne lui faisaient plus complètement confiance. C'est aussi pour cela qu'il avait contacté les aventuriers de manière détournée.

Il confirma aussi que le chef des Tarmas ne mettait plus son amulette de famille. C'était un bijou très ancien qui était censé servir à des soigneurs, il avait un lien avec les herbes et les soins. Techniques fréquemment étudiées et employées par les Dúnedain d'Arthedain. L'homme savait néanmoins qu'une cachette secrète existait dans la chambre du chef des Tarmas, cachette dont Finralin portait la clé sur lui. Mais il ne savait pas plus de choses à ce sujet. Peut-être le "jus de myrtille" s'y trouvait-il, avec d'autres choses de valeur comme l'amulette. Mais ce n'étaient que des suppositions.

Geralt et Drilun arrivèrent enfin, tout d'abord repérés par Vif qui était montée dans un arbre pour surveiller les alentours. Ils avaient pris l'apparence - certains traits du moins - de deux garçons d'écurie qui dormaient non loin d'eux dans les écuries. L'assassin s'était teint les cheveux en noir pour faciliter la tâche de son ami magicien. Puis Drilun avait simulé un problème de digestion auprès du palefrenier, et la comédie jouée par les deux hommes avait eu l'air de prendre, et ils étaient sortis. Ils avaient suivi peu ou prou le même chemin que leurs amis, et ils étaient maintenant tous réunis.

4 - Autres informations et perspectives
Aux questions de Drilun et des autres, le chef des espions apporta encore nombre de renseignements qui n'avaient pas forcément de rapport avec le coup d'état. Oui, c'était bien lui qui avait mis sur pied le vol des chevaux avec l'aide de Dunéens. Bandits dunéens qui n'avaient pas respecté les consignes en tuant des hobbits. Ils l'avaient payé de leur vie, mais œil de renard avait tout de même fait verser une pièce d'argent à chaque famille des bandits. Par le passé, il avait aussi embauché d'autres personnes pour compliquer la vie des hobbits de la Comté, mais sans jamais réaliser de meurtre comme Aradan Marwen l'avait fait faire. Ce n'était pas pour autant qu'il avait obéi aux ordres avec gaieté de cœur.

Concernant les aventuriers eux-mêmes, il montra qu'il en savait beaucoup sur eux lorsque des sources existaient en Arthedain. Il avait ainsi obtenu des copies de divers rapports au roi les concernant. Pour ce qui était des nouvelles du Cardolan, c'était autre chose : il avait parfois des contacts avec la guilde des voleurs de Tharbad - contre paiement - mais pas de personne de confiance véritablement. Et d'autres renseignements provenaient des voyants des palantíri, du moins ceux de la famille Tarma, car il y en avait.

Mais pour revenir au projet des Tarmas, l'espion voyait plusieurs pistes possibles. Après avoir écarté la piste du vin, trop longue à mettre en œuvre, il parla d'éventuels messages perdus échangés par pigeon voyageur. Le pigeonnier était au sommet du château, et il arrivait que les pigeons n'arrivent pas, ou que le message ne soit pas présent. Cela amenait toujours à une fouille du pigeonnier, mais parfois sans résultat, certains messages restant introuvables. Opérer une nouvelle fouille était une piste qui ne donnerait probablement rien, mais savait-on jamais.

Autre piste d'importance, pour le chef des espions : les complicités à Fornost. Pour lui, il fallait très vite prévenir le roi pour qu'il fasse une enquête et isole les complices de ce projet dans la capitale. D'une part, les voyants de la famille devaient jouer un rôle, conscient ou non ; d'autre part, des informateurs militaires existaient certainement. Œil de renard soupçonnait entre autres Halmir Eketta, capitaine de la Garde Royale et plus fine lame du royaume. Sans parler de Marl Tarma, grand capitaine des rôdeurs et roi possible d'Arthedain, qui trempait manifestement dans la combine.

Réunir le maximum de preuves semblait pour lui une priorité. Le cuistot sous l'emprise du vin frelaté pouvait être une preuve, voire un témoin, à condition de pouvoir l'amener et/ou le guérir. Des échantillons du vin pourraient être expertisés par les herboristes et érudits d'Arthedain. D'éventuels écrits - messages perdus ou plans militaires restant à trouver - seraient fort utiles. Et si jamais il était possible de mettre la main sur ce "jus de myrtille", ce serait non seulement une preuve, mais cela gênerait peut-être dans la réalisation du plan.

L'homme mit en garde contre des actions en force ou imparfaitement préparées : la famille Tarma était sur ses gardes, et ses membres avaient de la ressource. Marl et Ferenariel devaient revenir d'ici une semaine. Il avait cru comprendre que la fille de Finralin était capable de faire de la magie et de changer son apparence pour ressembler à une elfe, par exemple. Sinon, il mit en garde contre tout espoir de récupérer les chevaux : les Tarmas en avaient trop besoin, ils ne les rendraient jamais.

5 - Passage secret
Autre information obtenue - non sans mal - du chef des espions : un passage secret permettait d'entrer et de sortir du château. Passage qui donnait dans les cryptes, à l'extrémité sud-ouest des caves, et qu'il prenait parfois. Mais l'homme ne donna pas plus d'indications quant à l'endroit où débouchait ce passage secret. Tiraillé par son devoir envers ses maîtres, il estimait qu'il en avait déjà beaucoup dit, voire même trop. Et il faisait confiance aux aventuriers pour trouver le reste par eux-mêmes. En revanche, il leur fit oralement une petite visite guidée des différents étages du château et des principaux escaliers et voies d'accès.

Isis était d'accord avec l'homme : elle n'avait pas besoin de connaître la destination exacte, elle comptait bien sur sa magie pour y arriver. Une fois œil de renard parti, elle sonda la terre aux alentours, consciente des grottes et autres galeries dans un rayon de plusieurs lieues. Elle en trouva bien trop, mais elle repéra néanmoins ce qui paraissait être une ouverture qui se prolongeait d'un passage souterrain en direction du château... L'entrée était à un peu plus d'un demi-mile (~1 km) au sud-ouest du château, soit de l'autre côté du village par rapport au bois où ils se trouvaient.

Ils contournèrent donc le village avec précaution. En chemin, une patrouille fut rencontrée, mais la moitié du groupe s'éclipsa, tandis que Sîralassë et ses deux "serviteurs" expliquèrent qu'ils ramassaient des herbes rares qui devaient être cueillies au clair de lune. L'aura charismatique du Noldo impressionna les gardes, qui ne remirent pas en question ce prétexte par ailleurs connu au château - les gardes furent invités à vérifier. Enfin, le groupe arriva à une petite cascade et un buisson de houx vigoureux. Selon Isis, l'entrée était par là. Mais aucune ouverture n'était visible.

Vif explora l'arrière des buissons de houx, occupé par divers épineux et de la ronce, non sans mal. Mais l'ouverture était bien là, complètement masquée par les houx et autres plantes. Il fut un peu malaisé de passer, mais tous y arrivèrent avec au plus quelques égratignures. L'endroit montrait des passages rares mais réguliers néanmoins. Derrière l'ouverture, un boyau d'un mètre de large et de deux de haut s'enfonçait en direction du château. Une lanterne avait été amenée, qui fut allumée, et le groupe entra dans le souterrain, Vif en tête.

Après une demi-heure de marche prudente, les aventuriers débouchèrent dans une petite pièce avec divers matériels comme armes et armures, sacs, nourriture séchée, outres, torches et lanternes (plus huile et briquet), etc. La présence d'une poignée sur un panneau de pierre, à une certaine hauteur sur un mur, indiquait la présence manifeste d'un passage possible. Néanmoins, tirer ou pousser sur la poignée ne donna rien. Mais Vif remarqua vite une pierre adjacente qui pouvait s'enfoncer et qui déverrouillait la plaque de pierre, qui put être tirée.

Le passage, un peu en hauteur, était étroit et demandait à avancer à quatre pattes. C'était un petit caveau qui n'attendait plus qu'un cercueil, avec une autre plaque de pierre à l'autre bout. Cette dernière pivotait pour déboucher dans la crypte du château. Tous passèrent les uns après les autres, mais la Femme des Bois, avant cela, eut la présence d'esprit de chercher - et trouver - le mécanisme d'ouverture du passage secret depuis la crypte. Mécanisme qui demandait à appuyer sur plusieurs pierres à la suite dans un ordre précis. Aidée par son ouïe très fine, il lui fallut tout de même quelques minutes pour y arriver. La suite lui montra que cette précaution pouvait être payante.

6 - Les caves de Tarmabar
La crypte comportait une vingtaine de caveaux, et une porte dans une cloison en bois. Après avoir réfréné les envies d'Isis qui voulait regarder à l'intérieur des cercueils présents - Narmegil dut être ferme à ce sujet - la porte fut ouverte. Elle donnait sur une pièce de stockage de biens divers, denrées et autres affaires stockées dans des caisses et tonneaux. Mais pas de vin. Un escalier plus loin permettait de monter dans les étages, tandis qu'une ouverture donnait sur une plus vaste pièce, elle aussi encombrée de caisses de toutes sortes.

Les sous-sols du château furent visités, sans bruit, sauf pour une porte fermée. Mais après un moment, dans ce qui devait correspondre à la partie nord-est des sous-sols, la cave à vin fut trouvée. De nombreux fûts étaient présent, et aucune indication ne permettait de déterminer quel était celui ou ceux qui contenaient le vin frelaté. Six d'entre eux étaient en perce et équipés d'une bonde, et sur les six, trois d'entre eux paraissaient d'une qualité supérieure aux autres. Les aventuriers se focalisèrent sur ces trois-là.

Isis était partisane de goûter une bonne rasade de tous les tonneaux percés : une table au centre de la pièce proposait divers ustensiles pour cela, comme des pots, verres et cruches de toutes tailles. Mais à son grand dam, la consommation fut plus limitée : Vif ne prit que quelques gouttes des trois tonneaux particuliers, afin de déterminer le bon. Le premier, et plus petit, ne contenait pas de vin mais une espèce d'eau-de-vie. Le second, plus gros, contenait du vin au très discret arrière-goût de myrtille - c'était ce vin-là ! Le troisième était du vin de qualité, mais qui n'avait rien à voir. Au final, il semblait qu'il n'y eût qu'un seul tonneau du vin qu'ils recherchaient. Vif en préleva un peu dans une outre pour servir de pièce à conviction.

Restait à trouver le moyen de rendre ce vin impropre à la consommation. L'elfe enceinte ayant remarqué un maillet, elle s'en empara avec l'idée bien arrêtée de casser la bonde et de laisser le vin s'écouler - elle avait essayé de tirer dessus sans succès. Mais ses amis s'interposèrent en disant qu'il valait mieux trouver quelque chose de plus discret. Isis essaya de passer outre, mais ses amis furent plus rapides qu'elle. Elle se contenta alors d'ouvrir la bonde à distance, magiquement, mais la Femme des Bois s'empressa de la fermer et peu de vin fut gaspillé par terre.

Tandis que certains se chamaillaient discrètement, l'assassin aux cheveux blancs organisait les ustensiles sur la table proche pour faire penser au passage d'un ou plusieurs ivrognes. Le Dunéen, dans le même esprit, suggéra diverses choses pour renforcer cette impression de visiteur éméché et maladroit. Mais soudain, Vif entendit par un escalier proche des pas discrets à l'étage au-dessus : quelqu'un semblait venir dans leur direction, et il commença effectivement à descendre les marches proches. Tous se cachèrent au plus vite dans des pièces adjacentes, derrière piliers, caisses ou autres, et la lanterne fut éteinte.

Les plus proches étaient Narmegil et Isis. Ils virent un homme descendre l'escalier et entrer dans la pièce, une bougie à la main. D'après ce qu'on leur en avait dit, cela pouvait fort bien être le cuistot dépressif et agressif qui passait ses chagrins au fond d'un verre de ce fabuleux vin. Le fût en question semblait effectivement sa destination. Mais il n'y arriva jamais. Tout d'abord, la belle elfe éteignit magiquement la bougie. Ensuite, elle lança à ses compagnons proches quelque chose comme "allez-y, chopez-le", suffisamment fort pour que tous l'entendent. Y compris l'intéressé, qui, pris de peur, se mit à crier fort et à appeler la garde. Et il était trop loin de tous pour le faire taire immédiatement.

L'obscurité étant totale, Isis s'entoura d'une aura elfique lumineuse pour arriver à se repérer. Voyant cette apparition fantomatique, l'homme hurla encore plus fort de peur et se précipita dans l'escalier, heurtant au passage un premier garde qui descendait avec une torche. En bas, les aventuriers refluèrent en pagaille vers la crypte, prenant de vitesse les gardes qui n'allaient pas manquer de fouiller les sous-sols. Isis prit tout de même le temps de donner un coup de maillet sur la bonde avant de partir, laissant le vin s'écouler par terre. Grâce au mécanisme repéré par Vif, tous se retrouvèrent vite dans le passage secret souterrain. En chemin, quelques propos acides furent échangés, en particulier entre Narmegil et son épouse. Mais pourquoi n'avoir pas attendu un peu que Geralt puisse s'approcher et assommer le bonhomme ? Isis avait une curieuse manière d'assurer la sécurité de son enfant ! Les hormones, diront certains...

7 - Retour au château
Le boyau fut vite parcouru jusqu'à l'ouverture et la cascade. Les épineux furent passés sans incident, et le groupe décida de se séparer : Drilun et Geralt, sensés jouer des garçons d'écurie, iraient au château par le nord, tandis que les autres devaient récupérer un certain chaudron de l'autre côté du village, à l'est. L'homme aux cheveux blancs et le Dunéen ne s'attardèrent pas, d'autant qu'ils étaient partis depuis plusieurs heures et que les sortilèges d'illusion lancés par Drilun n'allaient plus durer très longtemps.

Mais se balader en nature, la nuit - même claire - et à un endroit non connu n'était pas si facile que cela, sans parler du fait que ce n'était pas forcément la tasse de thé de la paire d'amis. Et il fallait rester discret pour ne pas attirer l'attention d'éventuels gardes. Assassin et archer perdirent du temps, et ils arrivèrent aux écuries alors que la magie lancée auparavant commençait à vaciller. De surcroît, ils interrompirent le palefrenier qui s'apprêtait justement à vérifier leur présence au-dessus des chevaux - il était temps ! Mais le baratin qu'ils lui présentèrent et la faible lumière semblèrent le convaincre, et il les laissa monter à sa place pour faire la vérification. Ils se réinstallèrent dans la paille pour finir une nuit qui ne durerait plus très longtemps. Mais au moins ils étaient revenus sans se faire repérer.

Les autres contournèrent le village par le sud, et ils retrouvèrent sans mal le chaudron camouflé près d'une ferme. Restait à le remplir un peu - un chaudron aussi haut et lourd qu'un hobbit ! - pour un minimum de crédibilité. Ils remplirent donc le fond avec quelques herbes à eux, plus des plantes diverses pour meubler un peu. Puis ils se présentèrent au château et demandèrent aux gardes d'ouvrir pont-levis et herse de l'entrée. Vif fut congédiée et elle put retrouver Drilun et Geralt aux écuries, sans anicroche aucune.

Une fois le passage libéré, Sîralassë, Narmegil et Isis entrèrent dans un château étonnamment agité et éclairé. Le second sous les traits d'un garde du château et la dernière avec l'apparence d'une servante séduisante et pas enceinte du tout. Le soigneur du groupe prétexta une infusion à faire et il se dirigea vers la cuisine du château. Mais pas ses deux compagnons : un garde les retint en disant qu'une personne du château souhaitait leur parler - l'autre garde partit chercher la personne en question. Un serviteur fut mandé pour aider l'elfe noldo à transporter chaudron et herbes.

Tandis que Sîralassë arrivait dans les cuisines et commençait à préparer une infusion, ses deux amis voyaient arriver une personne importante : rien moins que Barfindil Tarma, petit-fils et héritier du vieux Finralin. Il questionna le prétendu "garde" et la soi-disant "servante" pour savoir ce qu'ils avaient fait, et surtout qui ils étaient - il ne les reconnaissait aucunement. Si Isis arriva à s'en sortir en prétextant qu'elle était venue du village pour donner un coup de main au château, arrivant à faire douter d'autres serviteurs, le Dúnadan vit ses explications démontées les unes après les autres. En fin de compte, la "servante" fut invitée à aller se coucher avec les autres et le faux garde fut arrêté comme espion. Deux gardes l'escortèrent pour l'amener dans les geôles du sous-sol.

8 - Fuite et escalade
Narmegil fut conduit aux réserves, et il prit l'escalier qui menait à la cave à vin. Mais avant d'arriver, reconnaissant l'endroit, il utilisa sa magie pour brusquement apparaître comme un puissant seigneur intimidant. L'un des gardes se recula, effrayé par cette présence, et il arriva à esquiver l'autre - qui ne portait pas la torche - et à s'enfuir dans le sous-sol. Au passage, il vit que le fût avait été rebouché avec une nouvelle bonde. Il arriva à retrouver le chemin de la crypte, tandis que son poursuivant trébuchait sur des affaires, dans le noir. Alors qu'il parvenait au passage secret, il entendit le tumulte et les cris liés à son échappée : cette nuit était placée sous le signe du remue-ménage et d'un sommeil bien perturbé pour les occupants du château !

Il arriva à trouver de quoi faire de la lumière dans la petite pièce secrète, et il put ainsi parcourir une nouvelle fois le souterrain et revenir sans mal au château, discrètement. Arrivé sans bruit au pied de ce dernier, il se transforma en cambrioleur et attaqua le mur de la tour où il devinait la chambre d'amis qu'il s'était vu attribuer. C'était moins difficile que lorsqu'il avait fallu atteindre la vallée perdue avec dragon et forge magique, et il avait du matériel avec lui pour lui faciliter la tâche. Arrivé à la fenêtre de sa chambre, il agrippa les barreaux qui bloquaient l'accès et il arriva à frapper doucement aux volets intérieurs. Mais sans résultat notable, et après un nouvel essai et un peu d'attente, il finit par redescendre.

A l'intérieur, Isis était allée se coucher avec d'autres servantes. Elle avait ensuite profité d'un moment de confusion pour s'éclipser sans se faire remarquer - au début du moins. Ensuite, elle avait ôté l'illusion sur elle et elle avait repris son apparence normale. Rencontrant des gardes, elle se présenta comme celle qu'elle était et demanda quels étaient tout ce raffut et cette agitation. L'homme parla d'un voleur, mais il avait été attrapé et tout était rentré dans l'ordre. Elle finit par retrouver le soigneur qui était censé avoir fait une décoction pour son état de femme enceinte...

Après un moment, tous deux décidèrent de revenir à la chambre donnée à Isis et Narmegil, mais elle était vide de ce dernier. Prise d'une inspiration, Isis ouvrit les volets et arriva à distinguer une silhouette en bas de la tour, silhouette qu'elle siffla. Narmegil, qui venait de redescendre, vit de qui il s'agissait et reprit donc son escalade pour se retrouver face à sa belle. Mais il y avait les barreaux entre eux deux, et tout en discutant il sentait la fatigue venir. En fin de compte, il se rappela les indications données par œil de renard, et il choisit d'explorer le toit du château pour trouver un chemin pour rejoindre ses amis.

Au sommet, une passerelle de bois - qui servait de chemin de ronde - débordait d'un mètre l'ensemble du bâtiment et lui donna du fil à retordre, mais il arriva à l'escalader enfin. Les membres fatigués et douloureux, il utilisa la magie des soins qu'il avait réussi à utiliser pour la première fois dans la forge magique de Maglor pour sauver Sîralassë. Ce qui permit de soulager fatigue et douleurs. Il n'y avait pas de gardes au sommet, et il put sans mal trouver le pigeonnier et l'escalier proche qui permettait de descendre aux étages inférieurs. Il descendit au troisième étage, mais pas plus bas, se rappelant que l'escalier donnait sur la petite salle de garde qui jouxtait les chambres qui leur avaient été données.

Prenant un petit couloir, il perçut une respiration et vit bientôt un lit dans lequel dormait un serviteur. S'immobilisant, il fit le point. D'après ce qu'il voyait et ce qu'il se souvenait des indications d'œil de renard, il n'avait pas grand choix. Depuis la pièce - occupée - où il se trouvait, il ne voyait que trois méthodes pour descendre à l'étage en-dessous :
- reprendre l'escalier qu'il avait déjà pris, et passer par la salle de garde
- prendre à droite où il était, et parvenir à la chambre de Finralin, et l'escalier qui y donnait
- prendre tout droit, et après un couloir traverser une chambre de serviteurs avec un escalier qui descendait aux cuisines, réserves et caves

Sans être ridicule question discrétion, il n'était pas aussi doué que Geralt ou Vif. Il se voyait mal continuer dans l'une des voies qui s'offraient à lui. Il se concentra alors sur son bracelet des amoureux, percevant son aimée un étage en dessous, presque à sa verticale. Elle perçut sa peur et son emplacement non loin au-dessus d'elle, mais elle ne sut que faire. Ils étaient si proches, et pourtant les obstacles ne permettaient pas de les réunir facilement, ou en tout cas sans danger. Et le matin n'allait plus tarder.
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Niemal
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Tarma - 4ème partie : des pompiers en prison

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1 - Exploration
Et si quelqu'un arrivait à l'improviste ? Le cambrioleur malgré lui chercha une cachette possible, et il avisa le lit occupé. La pièce était dans l'obscurité, d'autant que la seule fenêtre comportait un volet fermé. Mais il lui sembla distinguer un coffre, sous le lit, du genre de ceux dans lesquels on dispose son linge et autres affaires - plutôt une malle à la vérité. Lui-même était grand et costaud, donc il aurait du mal à se cacher là. Pas la cachette idéale dans laquelle attendre le petit jour, il lui fallait trouver autre chose.

Après un moment à attendre sans bruit, Narmegil se décida enfin à bouger. L'escalier par où il était venu menait au toit du château (haut), qui ne l'intéressait guère, et à une salle de garde (bas) juste à côté de la chambre où se trouvait Isis. Cette issue était donc bloquée ou délicate à gérer. Mais l'espion des Tarmas, "œil de renard", s'il avait parlé des pièces et voies d'accès, avait pu omettre certains détails, ou lui-même avait pu oublier certains de ces détails. Il se décida donc à explorer un peu l'étage, en espérant trouver une issue ou quelque chose d'intéressant.

La porte en face de lui devait donner sur un salon privé, celle de droite sur la chambre du seigneur Tarma. Justement, en la regardant bien, par-dessus le lit occupé et le serviteur endormi, il remarqua qu'un peu de lumière filtrait sous la porte. Le vieux Finralin semblait éveillé, et aux très faibles bruits de voix, il ne semblait pas seul. Mieux valait oublier l'endroit, et se concentrer sur la porte en face. Tout doucement, sans bruit, le Dúnadan s'avança dans la pièce jusqu'à la porte du salon. Après l'avoir ouverte, il se glissa dans la grande pièce.

Une grande fenêtre ouverte - mais avec des barreaux - laissait entrer la lumière des étoiles de cette fin de printemps. La lune était invisible, la fenêtre donnant au nord. Et puis c'était pratiquement la nouvelle lune de toute façon. Mais Narmegil parvint à distinguer trois portes sur le mur en face, et une à sa gauche, toute proche. Il s'en approcha sans bruit, vérifia qu'elle était ouverte, et se glissa à l'intérieur après avoir estimé qu'il n'y avait personne. Effectivement, c'était une chambre présentement vide d'occupant, même si le mobilier montrait qu'elle était occupée à l'occasion, et par quelqu'un d'important. Sans doute un membre de la famille retenu au loin. Ferenariel Tarma, fille aînée de Finralin, peut-être ?

Une fouille sommaire n'apporta rien de particulier, si ce n'est quelques cachettes possibles. En revanche, Narmegil pouvait sentir, grâce au bracelet des amoureux qu'il portait au poignet, qu'il se tenait juste au-dessus de sa belle : ils n'étaient séparés que d'un étage, quelques malheureux mètres, mais impossible de se retrouver ou même de communiquer - autrement que par des sentiments au moyen des bracelets. La fenêtre au nord comportait elle aussi des barreaux, impossible de passer par là. Sans casser quelque chose, bien entendu. Il était vraiment coincé, même s'il avait peu de chances de voir quelqu'un arriver - pour le moment. Mais les coqs n'allaient peut-être pas tarder à chanter...

2 - Pyromane
En bas, Sîralassë avait rejoint Isis dans sa chambre. La belle elfe avait pu suivre les tribulations et les émotions de son époux grâce à son bracelet des amoureux, mais ni elle ni le soigneur ne pouvaient trouver de solution au problème. La fenêtre du mur nord avait toujours les mêmes barreaux, bien trop étroits pour Narmegil. Si elle avait envisagé de rejoindre son amoureux en passant au travers, son état de femme enceinte - et au terme proche - lui rappela que la chose n'était pas vraiment possible dans l'immédiat.

Mais alors que son homme se tenait sur le plancher juste au-dessus d'elle, comme elle pouvait le sentir à l'aide du bracelet, elle eut une idée. Ayant passé la soirée avec le vieux seigneur Tarma, elle avait à peu près mémorisé son visage. Elle essaya alors de modifier les traits de Narmegil - visuellement seulement - malgré le plancher et la distance qui les séparaient. Le visage voire l'allure générale, son époux étant bien plus costaud que le vieux seigneur. Elle lança donc son sortilège d'illusion, mais sans pouvoir vérifier s'il avait bien fonctionné... et sans pouvoir en parler à son homme ! Mais cela pourrait lui être utile néanmoins.

Elle sentit qu'il se déplaçait, donc peut-être avait-il repéré le changement ? Mais il restait à l'étage et ne descendait pas. Elle se demanda alors comment faire diversion, de manière à écarter les gardes et lui permettre de la rejoindre plus facilement. Par la fenêtre, elle pouvait voir les bâtiments de la cour en bas, et notamment les écuries, le plus proche. Il avait un toit d'ardoises, mais la charpente et les murs étaient en bois. C'était à la limite de la portée de sa magie, mais en se collant contre les barreaux de la fenêtre et en tendant le bras vers le bas, elle arriva à lancer son sort : l'extrémité du toit des écuries s'enflamma brusquement.

Il n'y eut aucune réaction au premier abord. Petit à petit, les flammes gagnèrent du terrain, et la fumée réveilla certains chevaux, qui se mirent à hennir. Bientôt, des voix humaines se firent entendre dans les écuries et donnèrent l'alerte. Le bruit et la confusion augmentèrent très vite, d'autant que les chevaux commençaient à paniquer et cherchaient à tout prix à sortir. L'alarme fut donnée dans tout le château, et des gardes et serviteurs en sortirent pour prêter main-forte à ceux qui s'évertuaient à éteindre l'incendie, encore limité.

Après avoir entendu du bruit dans le couloir sur lequel donnait la porte de la chambre, l'elfe attendit un peu avant de sortir. Mais elle se trouva nez à nez avec deux gardes, qui expliquèrent qu'un incendie s'était déclaré à l'extérieur. La situation était sous contrôle, mais on les avait mis là pour s'assurer de leur sécurité, d'autant qu'une personne d'origine incertaine pouvait encore rôder dans la nuit. Et il ne fallait pas sortir pour éviter de gêner les secours. Isis referma la porte en réprimant un juron. Elle sentit que son homme descendait à l'étage par l'escalier qui donnait sur la salle de garde proche. Il devait être dans cette même pièce, à une extrémité du couloir. Mais comment allait-il faire pour passer ? Son sortilège d'illusion suffirait-il ?

3 - Retrouvailles
Narmegil avait tout de suite vu par la fenêtre l'incendie se déclarer, et il avait deviné ce qui l'avait causé. Aussi, il était vite revenu à l'escalier par lequel il était arrivé, toujours sans bruit - à force d'entraînement, il n'était pas si mauvais que ça. Ensuite, il laissa passer un peu de temps pour que les gens aient le temps de sortir afin d'aller lutter contre l'incendie des écuries. Du bruit chez le seigneur Tarma, et dans la pièce à côté (son serviteur sans doute), chez les gardes plus bas... Puis le silence se fit dans le château, les principaux bruits venant de l'extérieur.

Il descendit alors l'escalier jusqu'à l'étage en dessous, avec précaution. La salle de garde était ouverte sur une chambre - de gardes probablement - mais elle était bien vide. En revanche, la porte qui menait au couloir donnant sur la chambre de sa belle et lui laissait filtrer un peu de lumière ; des bruits de pas et de voix laissaient supposer que deux gardes restaient en faction dans le couloir. Voilà qui ne facilitait pas la tâche ! Si près et encore bloqué...

Narmegil et Isis étaient si proches et leurs émotions si fortes qu'ils pouvaient lire dans le cœur l'un de l'autre comme si c'étaient des livres ouverts en plein soleil de midi. Devant la frustration et l'interrogation de son époux, la belle elfe lui envoya confiance et volonté de rapprochement. Elle était persuadée que son sortilège d'illusion lui permettrait de passer sans mal. Le Dúnadan, n'ayant aucunement perçu la modification magique de son apparence, avait bien du mal à comprendre quelle était la source de cette confiance qu'on lui envoyait. Il l'entendit alors chanter, un chant connu mais légèrement modifié, où là encore il était question de confiance et de rapprochement, et il se décida.

Il ouvrit donc la porte et s'avança sans hésitation ni précipitation. Une torche, dans sa torchère, jetait une faible lumière qui aida à tromper les deux gardes. Après un moment d'hésitation, ils accueillirent le nouveau venu avec déférence, l'appelant "seigneur". Aussi Narmegil, qui se doutait de quelque chose dans le genre, comprit-il que sa moitié avait utilisé sa magie sur lui, même s'il ne savait pas bien comment. Il parla aux hommes d'une voix ferme, disant qu'il souhaitait parler à ses invités, et il entra sans attendre une quelconque réaction. Il lui parut bien percevoir une certaine hésitation chez les deux gardes, d'autant que ces derniers avaient eu du mal à reconnaître leur vieux seigneur dans un corps aussi musclé et dynamique ! S'il n'y avait pas eu le visage...

Après la joie des retrouvailles, Isis expliqua brièvement à son homme la situation, et elle lui demanda d'envoyer les gardes aider plus bas. Ainsi ils penseraient peut-être à autre chose qu'aux doutes qui risquaient de germer dans leur tête, et eux-mêmes auraient les coudées franches s'il fallait se déplacer. Et en plus, personne ne serait témoin que le seigneur Finralin Tarma n'avait jamais quitté la pièce ! Narmegil sortit donc brièvement en imitant très bien la voix du vieux Dúnadan, et il ordonna aux hommes de descendre aider. Ils protestèrent, mais il se fit plus ferme et dit qu'il allait en appeler d'autres, et ils partirent sans discuter.

4 - Incendie
En haut des écuries, au-dessus des box où reposaient les chevaux, tout était calme et les garçons d'écurie dormaient tranquillement, de même que leurs invités. La première, Vif fut réveillée par des bruits que son ouïe très fine venait de percevoir : les chevaux semblaient éveillés et nerveux, à l'extrémité des écuries. Cela finit par réveiller Geralt également, tandis que Drilun dormait du sommeil du juste qui a du retard à rattraper. Mais les chevaux commençaient à hennir et leur inquiétude finissait par gagner toute l'écurie. Alors que Vif et Geralt descendaient voir ce qui se passait, les garçons d'écurie commencèrent à se réveiller sous les hennissements de peur de plus en plus forts.

L'odeur de brûlé et la lumière du feu à l'extrémité du bâtiment furent bientôt perçus, et la Femme des Bois donna l'alerte, tandis que les chevaux les plus proches du début d'incendie commençaient à paniquer. L'assassin et elle se mirent à ouvrir les portes des stalles pour permettre aux pauvres bêtes de s'enfuir, ce dont elles ne se privèrent pas. Elles leur foncèrent même dessus, prenant la voie la plus directe vers la sortie proche - les doubles portes que les garçons d'écurie commençaient à ouvrir. Geralt esquiva un cheval, tandis que Vif préféra sauter à l'encolure d'un autre, qui l'emporta sans mal et hors de tout danger de piétinement.

Le mur sud, où l'incendie avait débuté, commençait à bien brûler, et une chaîne humaine se fit très vite entre le puits et l'incendie. Des échelles furent amenées au plus près des flammes, et des seaux d'eau furent jetés pour essayer de ralentir voire d'éteindre le feu. Feu qui progressait très lentement, et dont les flammes restaient plutôt petites. Il faut dire que Drilun y consacrait toute sa concentration magique, gagnant là une certaine fatigue. Mais les gens autour de lui avaient du mal à comprendre pourquoi il réagissait si lentement et ne mettait pas plus d'énergie à transporter les seaux...

Le mur sud fut bientôt éteint, mais l'incendie du toit continuait à progresser, il fallait monter dessus pour attaquer les flammes qui passaient à travers les ardoises, alors que l'intérieur était trop chargé de fumée pour pouvoir entrer. La rôdeuse montra ses talents de gymnaste en grimpant sans mal sur le toit, tandis que Geralt la suivait un peu plus lentement, avec l'aide d'une échelle. Après avoir réalisé un nouveau sort pour assainir l'air et empêcher que les fumées les étouffent, le Dunéen grimpa également pour voir les flammes et les attaquer magiquement elles aussi.

Diminuées magiquement et attaquées par des seaux d'eau, les flammes finirent par reculer petit à petit et l'incendie put être maîtrisé après peut-être une demi-heure d'efforts. Les trois invités avaient été la cheville ouvrière de ce sauvetage, tous les trois aux premières loges. Drilun avait un mal de crâne carabiné et des douleurs dans tout le corps suite à sa concentration et à ses efforts, et ses amis avaient bien sué également, bien que de manière bien moindre. Çà et là, quelques personnes avaient souffert de petites brûlures ou de blessures données par les chevaux paniqués qu'il avait fallu maîtriser, mais rien de grave. Et les écuries pourraient sans doute être vite réparées. Mais pour l'instant il n'était plus question d'y dormir, au grand dam de l'assassin aux cheveux blancs.

5 - Repos et sécurité
Même peu blessées, les quelques personnes souffrantes réclamaient des soins, et c'est tout naturellement qu'une personne du château alla s'enquérir du soigneur elfe. Celui-ci n'étant pas dans sa chambre, la personne frappa en face, à la chambre de Narmegil et d'Isis. Où se trouvait également Sîralassë, qui avait décidé de se reposer depuis un moment déjà : il était dans les bras de Morphée, sous l'effet d'un profond sommeil magique et récupérateur, mais d'où il était bien plus difficile de le tirer qu'un simple endormissement.

Devant la demande de soins, le Dúnadan - qui avait repris son apparence normale - déclara que le soigneur ne pouvait être dérangé mais qu'il pouvait le remplacer pour les petites blessures. Il descendit donc avec l'homme et passa un bon moment à calmer les douleurs et à rassurer. Ce qui ne remplaçait pas la nécessité de se reposer pour que les soins agissent : Drilun, faute de meilleure place et complètement épuisé, trouva un coin au calme où il put se pelotonner et s'endormir, contre un mur, entre deux bâtiments. Geralt, lui, en grand manque de sommeil, monta une tente non loin et s'endormit derechef. Mais Vif resta attentive et prête à aider.

Alors que son rôle était terminé et qu'il pensait rentrer, Narmegil vit venir à lui quelques gardes. Le chef d'entre eux lui apprit que son épouse la réclamait, et qu'il venait pour l'amener à elle. En effet, suite aux troubles de la nuit qui laissaient supposer un attentat, et vu qu'une personne non identifiée courait toujours, le seigneur Tarma avait pris soin de changer Isis de chambre. Elle avait donc été placée en un autre lieu plus facile à surveiller et à protéger, pour son bien. Lieu vers lequel le garde allait emmener le grand Dúnadan.

Ce dernier objecta que son épouse avait besoin de certaines affaires que la Femme des Bois allait apporter, et cette dernière en profita pour prendre diverses choses. Puis elle suivit son ami, avec un certain pressentiment. D'après ce qu'elle avait pu voir ou apprendre, Sîralassë, Drilun et Geralt dormaient, chacun dans un coin, et Isis était on ne savait où. Et il s'était passé pas mal de choses louches pendant la nuit. Et les Tarmas étaient en position de force, et chez eux. La lumière du jour commençait à éclairer le château, mais le petit pont-levis était resté levé, "par mesure de sécurité". Hum...

Après avoir baissé le pont-levis, les gardes laissèrent entrer les deux amis, qui découvrirent bientôt de nombreux gardes dans l'entrée. Barfindil Tarma, petit-fils et héritier du vieux seigneur Finralin, était là pour parler encore de sécurité. Narmegil et Vif furent conduits au sous-sol, qu'ils connaissaient déjà un peu, accompagnés par une vingtaine de gardes. Ils allèrent jusqu'à une porte qu'ils n'avaient pas ouverte dans leur expédition de la nuit. Porte qui menait à des petites pièces bien gardées et qui faisaient furieusement penser à des cellules de prison. On demanda - fermement - au Dúnadan d'entrer dans une de ces pièces, mais Vif voulut rester auprès de son ami. Puis il leur fut dit que la dame Isis allait être amenée.

La porte fut ensuite fermée et verrouillée, les deux amis restant dans cette petite cellule de moins de deux mètres sur trois. Elle comportait un lit, une petite table et un tabouret. Elle était juste éclairée par une bougie sur la table, à côté d'un peu de boisson et de nourriture. La Femme des Bois renifla le vin et la nourriture avec méfiance. Si l'alcool ne sentait rien de spécial, en revanche, la nourriture avait une nette odeur de "marchand de sable", un puissant somnifère. D'ailleurs, en faisant attention, il semblait à Vif qu'elle entendait une personne dormir paisiblement dans la pièce à côté de la leur...

6 - Prison
Il s'agissait bien d'Isis. Peu de temps auparavant, pendant que son époux soignait au pied du château, Barfindil Tarma était venu frapper à sa porte avec plusieurs gardes. Avait-il eu vent du départ des gardes et de la supercherie du faux Finralin ? Il n'en toucha mot, mais parla juste de sécurité et du nécessaire déménagement dans un autre quartier du château. Et il avait été suffisamment clair et ferme pour que la belle elfe comprenne qu'elle n'avait pas le choix. Elle avait bien protesté et demandé à ce que son époux la rejoigne au plus vite, ce qui lui fut garanti. Puis elle avait suivi l'héritier Tarma et les gardes jusqu'à une petite cellule de la prison.

Comme celle de Narmegil, la cellule avait été récemment nettoyée et équipée - c'était une cellule de luxe, pour invités de marque ! Mais cela restait une prison... De la nourriture et du vin se trouvaient sur la table, mais Isis était méfiante : elle laissa le vin de côté, mais se laissa tenter par la nourriture. Bientôt, elle dormait profondément, sans pouvoir percevoir l'arrivée proche de son homme ni celle de ses autres amis. Son époux la rejoignit bientôt au pays des songes, car il estima qu'il n'avait rien de mieux à faire que de dormir. Aussi mangea-t-il lui aussi, et le somnifère fit bientôt son effet.

Profondément endormi, Sîralassë fut le suivant sur la liste. Lui aussi bénéficiait d'une cellule de marque, à côté de celle d'Isis. Mais il ne la découvrit que deux heures plus tard, lorsqu'il s'éveilla, surpris, sur ce nouveau lit. Mais il fut vite renseigné par Vif, qui ne dormait pas, d'autant que les gardes les laissaient échanger entre eux voire répondaient eux-mêmes aux questions. L'elfe noldo, furieux, exigea de pouvoir parler aux seigneurs Tarmas, et il promit pis que pendre à ces derniers, et le courroux des elfes sur leur maison.

Si Drilun, sous l'effet lui aussi d'un sommeil magique, fut facile à transporter en prison, Geralt était plus perceptif et il arriva à vaincre le sommeil magique que son ami lui avait fait pour mieux récupérer. Il s'éveilla bien assez tôt pour comprendre de quoi il retournait, mais il vit qu'il n'avait pas vraiment le choix, et dut se résigner à suivre les gardes. Non sans avoir au préalable réussi à cacher une dague sur lui. De toute manière, les Tarmas ne les avaient pas fait fouiller, et Narmegil, qui avait emmené sa lance elfique avec lui même pour faire des soins, avait pu l'emporter dans sa cellule.

L'archer-magicien et l'assassin aux cheveux blancs étaient installés dans une cellule un peu à part. Plus grande, elle était moins confortable, sans lumière ni eau ou nourriture, avec juste trois paillasses et les habituels pots de chambre présents également dans les autres cellules. La pièce avait sans doute aussi été prévue pour Vif - cela correspondait aux trois "serviteurs" - mais comme cette dernière n'avait pas voulu se séparer de Narmegil en arrivant... Ce qui fit jaser certains gardes par la suite : à défaut d'épouse, le Dúnadan avait tout de même réussi à obtenir un "lot de consolation" !

7 - Discussions et réflexions
A divers moments, qu'il soit appelé ou de manière spontanée, Barfindil Tarma vint répondre aux questions et accusations. Son discours restait toujours le même : les aventuriers étaient enfermés "pour leur bien", afin de garantir leur sécurité. Face aux accusations de violation des lois et aux menaces de châtiment lorsque le roi serait au courant, il répondit qu'il espérait bien que le roi serait informé le moment venu et qu'il trancherait. Ce qui fit craindre à certains que le roi soit amené à Tarmabar pour tomber dans un guet-apens. Plusieurs pensèrent aussi que si le roi changeait et devenait l'un des Tarmas, la sentence était courue d'avance...

Le seigneur Tarma mettait aussi en avant le bien des peuples libres et la lutte contre Angmar. Il se disait persuadé que l'histoire lui donnerait raison, et que la chute d'Angmar était à leur portée et valait bien qu'on casse quelques œufs - les œufs de ceux qui ne comprenaient pas où était le salut du royaume. Et il dit aussi que ses "invités" étaient loin d'être tout blanc également : il laissa clairement entendre que leurs manigances n'étaient pas vraiment passées inaperçues. Oui, le roi aurait bien des éléments pour assoir son jugement, et trahir la confiance de ses hôtes n'était pas une petite histoire... En attendant, les prisonniers pouvaient profiter de la situation : ils avaient dormi, eux !

Narmegil employa aussi son temps libre, une fois réveillé et reposé, à parler avec les gardes. Ce n'étaient pas de simples gardes, mais plutôt des chevaliers Tarmas : une petite noblesse de guerriers plutôt aguerris, bien éduqués, et fidèles aux Tarmas, comme autrefois Aradan Marwen. Ils parlaient le sindarin et l'un d'eux au moins comprenait le quenya, et sans doute la plupart des langues parlées par les prisonniers - du moins les langues qu'ils étaient plusieurs à partager. Dans ces conditions, il était difficile d'échanger entre prisonniers sans avertir leurs geôliers. Geôliers qui étaient très corrects et les laissaient discuter ou chanter, ou subvenaient à leurs besoins.

Le noble Dúnadan parla ainsi de choses et d'autres avec les chevaliers. Il remarqua que ces derniers étaient relevés assez fréquemment, mais c'étaient toujours les mêmes qui revenaient. Ils ne devaient pas être si nombreux à être dans la confidence, mais quelques dizaines cela faisait quand même du monde. Également, malgré la confiance affichée, il sentit que les hommes étaient tout de même étonnés voire troublés par les décisions de leurs seigneurs. Ce devait être la première fois que les geôles du château servaient pour des elfes...

Mais le temps passait, et laisser le champ libre aux Tarmas n'était pas dans les projets de Narmegil ou ses amis. Si Isis et Sîralassë étaient isolés, les autres pouvaient échanger discrètement à deux, et les époux pouvaient s'envoyer des émotions grâce à leurs bracelets. Et par leur magie ou leurs compétences, ils savaient tous bien que ce ne seraient pas quelques malheureuses portes de prison qui les arrêteraient. En revanche, les chevaliers Tarmas qui veillaient sur eux étaient un autre problème : ce n'étaient que des exécutants, à leur manière innocents. Si certains, comme Vif, ne se sentaient aucunement tenus de les ménager, il n'en était pas de même pour tous. Les Tarmas étaient des alliés, et tout ce qui leur nuirait ferait l'affaire d'Angmar.

8 - Evasion
Mais la tension grandissait, et tous sentirent que l'instant était proche. Chacun prépara qui sa magie, qui ses sens, ses outils ou ses compétences. Ce devait être la nuit sans doute, bien qu'il était difficile d'en juger sauf par les conversations des gardes. Les prisonniers avaient eu le temps de se reposer, et certains avaient même pu bénéficier des soins de Sîralassë : ils avaient été transférés dans sa cellule sous bonne escorte à chaque fois. A défaut d'un moral extraordinaire, ils étaient plutôt en forme. Et tout d'un coup, toutes les lumières des torches ou lanternes s'éteignirent d'un coup dans le couloir de la prison - voire ailleurs.

C'était la conséquence d'un sort d'Isis. Suffisamment prévenu, son époux avait préparé sa magie pour aider à briser sa porte de cellule d'un coup de lance elfique. De leur côté, Isis et Drilun utilisaient leur magie pour déverrouiller leur porte. Les trois cellules "haut de gamme", sans doute parce que les occupants étaient considérés comme les plus dangereux, étaient également bloquées par une barre métallique, mais celle où reposaient l'assassin et l'archer-magicien n'en comportait pas. Elle fut la première à s'ouvrir, dans le noir, mais elle fut vite repoussée par des gardes. L'elfe magicienne, de son côté, faisait glisser magiquement la barre de son emplacement. Pendant ce temps, les gardes donnaient l'alerte à tue-tête.

La suite fut plus confuse : tandis que Narmegil sortait dans le couloir et utilisait le bâton de sa lance pour faire place nette, dans le noir le plus complet, son épouse enflammait les habits de son gardien. Le pauvre homme hurla et consacra toute son attention, avec l'aide d'un autre garde, à éteindre les flammes. Drilun, tenté d'en faire autant, ne put s'y résigner : il se dit que passer cette frontière un jour c'était aussi prendre goût au pouvoir, et du coup il hésita et ne fit rien de tel. Qui sont les alliés, qui sont les ennemis, peut-on justifier des sacrifices pour tenter de contrer un complot ? Pas facile de conserver ses valeurs dans un pareil contexte, surtout quand il semble plus facile de faire place nette par la force, ou la magie, tellement addictive.

Mais Isis profitait de la confusion et arrivait à se faufiler dans le couloir et à ouvrir la porte de Sîralassë. Ce dernier, en lutte contre un des gardes lorsqu'il voulut sortir, dans l'obscurité revenue, donna un coup de tabouret sur la mauvaise personne - Isis - heureusement sans grand mal. De son côté, Geralt avait réussi à repousser les gardes grâce à un coup du pommeau de sa dague à travers le judas de la porte. Après quoi il put se glisser dans le couloir en direction de la porte de la prison. Il planta même sa dague dans un pied à sa portée, et les hurlements grandissants de l'homme lui rappelèrent que l'ancien propriétaire de l'arme l'avait empoisonnée, avec une substance mortelle et très rapide dont il avait failli faire les frais, autrefois...

Quant à Vif, elle s'était transformée en un demi-félin, plus à même de se débrouiller dans un tel environnement. Ses sens exacerbés lui permettaient de se repérer assez facilement et surtout de repérer les personnes présentes et leur identité. Elle escalada un mur pour éviter toute l'agitation et se rapprocher de la sortie. Sortie qui était bien fermée, mais que son ami dúnadan transperça de sa lance quand il sentit qu'il y était arrivé. Quant aux gardes, après une grande confusion au début, ils se tenaient contre les murs ou dans les coins, sur la défensive, silencieux. Sauf celui qui hurlait de plus en plus fort, comme promis à une mort proche si rien n'était fait.

Du coup, une conversation fut entamée, et Isis fit une aura lumineuse autour d'elle pour apporter un petit remède à la cécité ambiante. Le soigneur se précipita pour soigner le blessé et arrêter le poison qui courrait dans ses veines. Les gardes et les aventuriers se tenaient non loin les uns des autres, méfiants, et personne ne voulut baisser les armes. Aucun des gardes ne croyait à une évasion possible : selon eux, la porte de la prison était bloquée de l'autre côté par des meubles et autres affaires, il ne serait pas possible de sortir comme cela. Et l'issue était gardée par une dizaine de personnes, et sans doute bien plus dans très peu de temps, si ce n'était pas déjà le cas...
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Niemal
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Tarma - 5ème partie : fuite et complot

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1 - Un allié chez les Tarmas
Le blessé une fois soigné, la situation n'avança pas d'un pouce : les gardes se tenaient prêts à une dernière offensive, et leur honneur semblait plus important que leur vie. Et eux avaient des armes, alors que les aventuriers n'en avaient récupéré que quelques-unes - lance ou épée courte (eket) - sans compter la lance de Narmegil ou les griffes de Vif. Et c'étaient des guerriers plutôt endurcis à affronter, pas de simples orcs. Armé d'une seule épée courte, Geralt, qui surveillait les gardes et se tenait le plus près d'eux, ne se sentait pas vraiment rassuré. Il avait beau être très rapide et connaître les points faibles des humains, l'issue d'un combat était loin d'être certaine. Et en plus ces gens-là ne faisaient que leur boulot, ils avaient tous un ennemi commun qui se délecterait des blessures qu'ils s'affligeraient les uns les autres...

A l'aide d'un sort, Isis chercha à déterminer ce qui les attendait de l'autre côté de la porte de la prison. Elle eut la surprise de sentir la présence de onze personnes... essentiellement en position allongée ! En fait, une seule personne était debout et se déplaçait, tandis que dix autres semblaient dormir. Ce qui fut bientôt confirmé par Vif : elle entendit puis vit qu'une personne déblayait les obstacles devant la porte - en fait des caisses pleines de tissu ou autres - tandis que dix autres gardes ronflaient par terre à côté de restes de boisson ou de nourriture. Peut-être était-ce un piège, mais tout portait à croire que quelqu'un avait drogué les Tarmas et était en train de leur prêter main-forte...

Une fois la voie dégagée, et alors que l'assassin aux cheveux blancs voyait les muscles des gardes se tendre, prêts à passer à l'action, une voix se fit entendre. Elle ressemblait à la voix de Barfindil Tarma, pourtant la demi-féline voyait bien qu'il s'agissait du garde qui avait déblayé la voie. L'homme déclara d'une voix assez forte pour que tous entendent que Narmegil et ses compagnons n'avaient aucune chance de s'évader et que nombreux étaient les gardes à les attendre. Il leur ordonnait donc de sortir l'un après l'autre, tout en recommandant aux gardes de la prison de patienter et de se tenir à l'écart. Ces derniers firent comme il leur était demandé, d'autant que la faible lumière et la distance ne leur permettaient pas de voir ce qui se passait réellement.

Les aventuriers firent donc comme demandé : ils sortirent l'un après l'autre, après quoi le même homme ordonna aux gardes restés dans la prison de patienter un peu, le temps d'accompagner les prisonniers dans un autre endroit. Ces derniers, toujours dans l'obscurité, d'autant que l'aura lumineuse des elfes ne les éclairait plus, ne virent pas que les caisses étaient remises discrètement en place par le garde et les soi-disant prisonniers... Puis le faux garde, qui se révéla être le chef des espions, "œil de renard", emmena le groupe en direction du passage secret de la crypte. Tout en recommandant à tous d'être les plus discrets possible : ils passaient près d'un escalier avec un dortoir de gardes à l'étage juste au-dessus. Mais tout se passa bien.

La Femme des Bois fit tout de même un crochet par les caves non loin, avec une gourde récupérée dans les entrepôts. En effet, elle n'oubliait pas qu'il fallait récupérer le vin frelaté comme preuve possible du mal qui affectait les Tarmas. Puis, après être passés dans le faux caveau, tous se retrouvèrent dans l'antichambre du tunnel qui menait hors du château. Avec le matériel de première nécessité qui se trouvait là - armes, armures, nourriture... - les personnages se rééquipèrent. Ils laissaient en effet derrière eux toutes leurs possessions, certaines de très grande valeur, comme les armures de peau de dragon. Mais ils n'avaient guère le choix, d'autant qu'ils avaient entendu les gardes s'impatienter et pousser des cris alors qu'ils fermaient la porte du caveau.

2 - Fuite et décision
En chemin, le chef des espions apprit à ses obligés qu'il avait eu vent de leurs mésaventures dans la journée, en venant au château. Mais c'est un elfe, venu chez lui en soirée, qui l'avait convaincu de venir les aider. Un certain Niemal, qui lui avait dit qu'il savait qui il était - grâce à l'espionnage d'une chouette - et qui l'avait convaincu d'agir pour le bien du royaume. Après s'être déguisé en garde, œil de renard avait pu endormir ceux qui attendaient devant la prison, grâce à du somnifère donné par le même elfe. Il avait été surpris de la tentative d'évasion en cours - il comptait droguer aussi les gardes de la prison - mais finalement cela ne s'était pas mal passé. Sauf que dorénavant le château devait être au courant. Des poursuites auraient certainement lieu bientôt, il fallait que les aventuriers partent le plus vite possible, et oublier toute recherche ou diplomatie sur les terres des Tarmas.

La sortie gardée par des épineux vigoureux fut négociée sans grand mal, et tous se retrouvèrent dehors... face à Niemal, qui les attendait, un ours à ses côtés. Les plus perceptifs sentirent également une odeur d'ail. L'elfe s'était effectivement couvert d'ail des ours et il en fournit à tous, précisant que des chiens auraient plus de mal à remonter leur piste ainsi. Et l'ours les accompagnerait, marchant sur leurs traces, pour garantir que les chiens prendraient d'autres routes. Déjà, des lumières et cris venant de la direction de Tarmabar montraient que la poursuite avait commencé. Mais avant de partir, les personnages discutèrent avec Niemal de ce qu'ils avaient appris et de ce qu'il convenait de faire à présent.

L'elfe fit un rapide bilan : en fait, les Tarmas ignoraient encore la portée exacte de ce que les aventuriers avaient trouvé. D'ailleurs, ces derniers n'avaient pas vraiment de preuve, en dehors des messages du chef des espions. Tarmas et Ekettas n'avaient donc aucune raison de modifier leurs plans... à condition que Narmegil et ses amis disparaissent un moment de la circulation, et surtout ne se montrent pas en compagnie du roi. Mithrandir avait un plan pour soigner les Tarmas et Ekettas, mais pour cela il fallait les faire sortir de chez eux. Et donc les laisser réaliser leur coup d'État !

La famille royale était prévenue et semblait d'accord avec cette proposition. Néanmoins, si les mains du roi étaient celles d'un guérisseur, le magicien comptait plutôt sur les talents bien plus développés de Sîralassë pour vaincre le mal dont les nobles Dúnedain étaient affectés. Restait aussi à savoir exactement où les événements auraient lieu, afin de permettre au soigneur noldo et à ses compagnons de préparer une embuscade, là même où les Tarmas et Ekettas comptaient tendre un piège au roi Argeleb et à sa famille. Mais cette information n'avait pas été découverte. Le soigneur de l'équipe suggéra de demander aux voyants d'Arthedain - du moins ceux qui étaient fiables - afin d'en savoir plus. Ce qui fut jugé une bonne idée par Niemal.

Les bruits s'approchaient, le temps était compté. L'ami des aventuriers leur conseilla de prendre plein nord : la frontière des terres des Tarmas n'était qu'à une bonne heure de marche, alors que les gardes et leurs maîtres chercheraient plutôt à l'est ou au sud, en direction de la Comté ou de Fornost. Cela faisait faire un large détour par le nord du Lac du Crépuscule (Nenuial) pour retrouver une route qui amènerait aux environs de Fornost, mais en deux semaines, cela semblait jouable. Niemal, lui, restait sur place : Ferenariel Tarma, avait-il appris, devait arriver dans la journée, et il espérait pouvoir la surprendre et lire dans son esprit, ou ceux d'autres personnes, quelques précieux renseignements.

Avant de se quitter, l'elfe leur recommanda d'aller voir Narathiel Bethgond, chef de la famille Noirin. Elle avait déjà aidé Narmegil et ses amis par le passé, et Niemal leur apprit également que cette puissante femme était aussi une confidente de la reine et que c'était une personne de confiance. Son château, Dol Noirin, était à deux-trois jours de marche plein nord, au sommet d'une colline, mais Narmegil saurait sans doute la trouver. Enfin, ils se séparèrent tous, après avoir convenu d'un rendez-vous trois jours avant loëndë - soit dans onze jours - au nord de Fornost Erain. Et Niemal emmena avec lui l'outre de vin pour l'analyser.

3 - Terres d'Arthedain - vers le nord
La traversée des terres des Tarmas, de nuit, ne posa aucun problème, malgré les chiens et les compagnies de gardes et villageois lancés à leur poursuite. D'une part, ces derniers cherchaient plus à l'est et au sud, d'autre part, les chiens sentaient surtout l'odeur d'un ours et ils n'amenèrent donc personne à chercher dans leur direction. De plus, c'était la nouvelle lune, et il ne fallut pas une grande discrétion pour passer inaperçu. Et c'était tant mieux pour Isis, que son gros ventre gênait de plus en plus et empêchait d'être aussi discrète qu'elle l'aurait voulu.

Après une bonne heure environ, l'ours appelé par Niemal quitta brusquement l'équipe, tandis que les bruits et lumières des recherches s'éloignaient de plus en plus. Le groupe était sans doute entré sur les terres de la famille Hyarr, la plus riche des grandes maisons nobles de l'Arthedain. Le chef de famille, Caramir Glossarn, avait la réputation d'être l'homme le plus riche du royaume. Il n'appréciait pas particulièrement les Tarmas ou Ekettas et s'opposait à eux en conseil, mais l'homme n'était pas forcément aussi fiable que sa voisine du nord et chef de la famille Noirin.

Afin de passer le plus possible inaperçu, l'équipe décida de ne voyager que de nuit, et dans les zones les plus désertes - collines et landes plutôt que plaines et vallées. Le groupe avait emporté des biscuits de voyage trouvés dans l'antichambre du passage secret de Tarmabar, mais ils ne servirent guère : le milieu était assez riche et la période - fin du printemps - idéale. De plus, la Femme des Bois, sous sa forme demi-féline, était particulièrement douée pour trouver des plantes comestibles et pour chasser des oiseaux et rongeurs de toutes sortes. Il ne fallait pas faire de feu pour les consommer, ce qui ne la gênait aucunement ; mais sa manière de croquer goulûment ses proies tièdes et saignantes dérangea certains de ses compagnons, qui se contentèrent de fruits et racines le plus souvent.

Guidés par Vif pour son aisance dans la nature - en particulier de nuit - et par Narmegil pour sa connaissance de la région, les aventuriers remontèrent une chaîne de collines, puis une autre, sans être aucunement inquiétés ou semble-t-il repérés. Après les terres de la famille Hyarr, ils arrivèrent sur celles de la famille Noirin et poursuivirent leur progression vers le nord. Enfin, après trois nuits à progresser ainsi, ils arrivèrent dans les environs de Dol Noirin vers la fin de la nuit. Le château, sorte de petit donjon, se tenait au sommet d'une colline, au bas de laquelle un village était niché.

Restait à contacter Narathiel en étant vu du moins de monde possible. Grâce aux sorts des deux magiciens du groupe, Isis et Drilun, deux émissaires maquillés ou magiquement grimés allèrent frapper à la porte du château. Ils réussirent à convaincre le gardien de prévenir sa maîtresse malgré l'heure avancée, maîtresse qui accepta de les recevoir. La vieille dame les accueillit sans montrer de peur ou de méfiance et accepta d'aider, et de manière à ce que le minimum de gens soient au courant de leur présence. Bientôt tout le groupe fut installé à Dol Noirin et put se laver, manger et se reposer dans des draps propres.

4 - Terres d'Arthedain - vers l'est
La vieille Dúnadan se montra une hôtesse très attentionnée, sans doute un peu flattée d'être mise dans la confidence. Elle fit son maximum pour aider le groupe : jugeant que la distance qui restait à parcourir était plus que conséquente pour le temps restant, elle fournit, en plus d'équipement divers, des chevaux à ceux qui le désiraient. Elle posa la question de la participation d'Isis à cette aventure, vu son état, mais cette dernière refusa de rester en arrière. En revanche, chevaucher lui était de plus en plus difficile, mais se tenir en croupe d'un autre cavalier lui paraissait plus facile. L'équipe reprit donc le chemin dès la nuit suivante avec cinq montures.

La route restante était effectivement fort longue : il fallait aller à l'est et légèrement au nord, entre autres à travers les terres des Ekettas près du lac Nenuial ; puis franchir la rivière au nord qui se jetait dans le lac. Il ne restait plus ensuite qu'à aller plein est vers les Hauts du Nord (Tyrn Formen), cette chaîne de collines qui hébergeait Fornost Erain, la capitale, à son extrémité sud. Il n'y avait qu'une vaste plaine entre Nenuial et Tyrn Formen, plaine facile à traverser mais où il était facile de se faire repérer également. De plus, les nuits étaient maintenant très courtes, le solstice d'été approchant, ce qui limitait la durée du voyage effectif - au grand bonheur de Geralt.

Le voyage reprit donc, mais à cheval cette fois-ci. Il n'était pas évident de chevaucher de nuit, hors de tout chemin, dans des zones en partie escarpées. Aussi Drilun passa-t-il une bonne partie de son temps la tête en bas, attaché à son cheval, faute de savoir rester dessus assez longtemps sans tomber. A un moment le temps se gâta un peu, ce qui facilita en fait la progression : plutôt que de rester en haut des collines, le groupe descendit sur les rives du lac et prit les chemins qui allaient d'un hameau à l'autre. En effet, le temps les masquait suffisamment pour ne pas craindre de se faire repérer, de nuit.

La rivière au nord du lac fut franchie à la nage, sur les chevaux - l'occasion pour le Dunéen de s'entraîner à retenir sa respiration. Le reste du trajet vers l'est - et un peu vers le sud - ne posa guère de problème tant qu'il était nocturne. C'était en effet l'époque des moissons, et les fermiers ne quittaient les champs qu'à la nuit tombée. Sans doute les six amis laissaient-ils quelques traces, mais ils ne furent pas inquiétés pour cela et ils ne pensèrent pas avoir été repérés et encore moins identifiés.

L'équipe arriva donc aux Tyrn Formen (les Hauts du Nord) et se rapprocha de Fornost qui était plus au sud. Jusqu'à trouver un endroit approprié, une grotte dans les collines, assez grande pour les héberger tous et les masquer à la vue de tous. Niemal leur avait annoncé qu'il les retrouverait s'ils chevauchaient ouvertement de nuit, et effectivement Vif avait repéré un hibou qui les avait suivis un moment avant de repartir vers le sud, une fois leur campement établi. La nuit suivante, le même oiseau refit un passage bref avant de s'éclipser, annonçant probablement une visite prochaine.

5 - Plan d'action
Et la visite ne mit pas longtemps à arriver : comme prévu, Niemal fut là peu après, accompagné de deux elfes et d'un Dúnadan, membre de la garde royale. Sans s'embarrasser de courtoisies et longues présentations, l'elfe de la maison d'Elrond annonça que le chef des voyants, Tullam, avait pu déterminer où la tentative de coup d'État aurait lieu. Ce serait sur la route de Fornost à Annúminas, non loin de la ville de Rood, au niveau d'une auberge-relais adaptée aux caravanes et gros équipages. Un endroit idéal pour faire faire une pause à des troupes de cavaliers, comme prévu dans les déplacements du roi et de sa famille.

De leur côté, Mithrandir et Niemal avaient expertisé le vin des Tarmas. Il contenait bien une faible dose de Tue-l'Esprit, cette drogue qui amoindrissait les capacités intellectuelles et la volonté, mais trop peu pour affecter beaucoup, sauf peut-être à très long terme. En revanche, la boisson comportait également la marque de la magie, et le magicien soupçonnait que la drogue n'était là que pour rendre la personne affectée plus sensible à cette magie et à ses suggestions probables... Quoi qu'il en fût, Gandalf était en train de fouiller le Cardolan à la recherche du marchand Gilluin, seul pourvoyeur de ce vin.

Le roi était d'accord pour servir d'appât et tendre une embuscade aux comploteurs, afin de pouvoir les guérir grâce à la puissante magie de Sîralassë. Mais s'il jouerait le jeu jusqu'au bout, il tenait à bien préciser une chose : l'usage de la force ne servirait qu'en dernier recours, si d'autres méthodes ne marchaient pas, et en particulier la diplomatie. Tout devait inciter les nobles à se sentir sûrs d'eux, et Narmegil et ses amis ne devaient intervenir qu'au dernier moment, afin de prouver aux Tarmas et Ekettas que le roi n'avait rien contre eux mais qu'ils étaient les jouets d'Angmar. Et qu'Argeleb aurait pu les faire arrêter à tout moment.

En dehors de cela, les aventuriers avaient carte blanche : à eux de préparer le terrain, sachant que la date d'arrivée exacte des parades Tarma et Eketta n'était pas connue avec précision. Peut-être seraient-ils là un peu avant le roi et sa suite, peut-être arriveraient-ils plus ou moins en même temps, ou peut-être occuperaient-ils le terrain dès la veille au soir... impossible d'être sûr. Niemal viendrait avec eux, et les consignes les plus précises possibles devaient être données au garde présent, qui les transmettrait à qui de droit.

Il fut décidé d'aller occuper le terrain aussitôt que possible, d'anticiper les mouvements des Tarmas et Ekettas, et de se cacher là-bas pour attendre le bon moment pour intervenir. Niemal avait apporté une missive avec le sceau et la signature du roi, désignant Narmegil et ses amis comme chargés de mission pour la couronne. Tout citoyen d'Arthedain se devait de les aider et de faciliter leur tâche du mieux possible et sans poser de question. Ainsi, les aubergistes ne devraient pas être un obstacle et pourraient même s'avérer une aide précieuse.

Le Dúnadan et les deux elfes partirent bientôt avec quelques informations pour le roi, tandis que Niemal et les aventuriers se mettaient en chemin. La nuit était déjà bien avancée, mais ils arrivèrent à sortir des Hauts du Nord à la fin de la nuit. Après une longue et chaude journée à se reposer et à discuter, tous repartirent bientôt lorsque le crépuscule fut tombé. Niemal avançait à pied, mais il gardait la même allure que ses compagnons à cheval grâce à une chanson de marche elfique qui stimulait son corps et l'empêchait de se fatiguer. A la fin de la nuit, l'auberge-relais et le petit hameau attenant furent en vue.

6 - Préparatifs
Le groupe se camoufla derrière les arbres et fourrés qui bordaient une rivière proche. Par précaution, le plan qui fut appliqué commença par modifier les traits de Niemal pour qu'il passe pour un voyageur ordinaire et qu'il aille sonder magiquement les esprits des personnes de l'auberge. Ainsi il pourrait vérifier qu'aucun agent des Tarmas ou Ekettas n'était pas déjà présent. Ce qui fonctionna sans problème, et l'elfe de la maison d'Elrond revint en cours de matinée pour confirmer que les aventuriers étaient bien les premiers, et que tout semblait normal.

Le reste de la journée, tous restèrent cachés, afin de ne pas se faire remarquer par les nombreux paysans qui travaillaient les champs jusqu'au coucher du soleil. La fête des moissons approchait à grand pas, le temps était idéal, et il fallait achever toutes les récoltes dans le jour qui restait. Demain serait le début de la fête, qui durait trois jours, loëndë en étant le milieu. Le roi et sa suite devaient arriver peu avant le midi de loëndë, grande journée dédiée à Eru, au cours de laquelle le roi bénissait ses sujets. Mais les gens ne savaient pas par où il passait, et cela changeait chaque année.

Peu après la nuit tombée, alors que les lumières s'éteignaient vite au hameau, l'équipe alla frapper à la porte de l'auberge. C'était un bâtiment à trois ailes en forme de U dont le "fond" était au nord et comportait cellier, cuisines et pièce centrale, ainsi que les chambres des aubergistes à l'étage. L'aile ouest, la plus près du hameau, abritait des écuries ainsi que les latrines et une salle de bains ; l'aile est comportait les chambres pour les voyageurs, ainsi qu'une grande salle au rez-de-chaussée qui pouvait servir de salon privé, de salle de vente, de mariage, ou bien d'autres utilisations. C'était sans doute là que les Tarmas et Ekettas voudraient s'isoler pour parler au roi et à sa famille. A l'extérieur, des barrières délimitaient divers espaces où parquer des chevaux et charriots.

L'aubergiste fut surpris de voir ce groupe hétéroclite arriver, et encore plus lorsque l'ordre de mission royal lui fut présenté. Mais il ne fit aucune difficulté et montra beaucoup de bonne volonté face à toutes les demandes de l'équipe, qui fut hébergée dans les trois chambres du rez-de-chaussée juste à côté du salon privé de l'aile est. Le lendemain, devant les questions et les rapports à la discrétion et à la sécurité montrés par les aventuriers, il eut le pressentiment que le roi allait venir prochainement les bénir et que l'équipe présente était chargée de préparer sa venue et d'assurer sa sécurité ! Il se montra d'autant plus motivé à servir Narmegil et ses amis.

En plus de repérer les lieux et les cachettes et passages possibles, Sîralassë et Niemal utilisèrent une partie des cuisines afin de préparer une grande quantité de "marchand de sable". Ce puissant somnifère, dont l'équipe avait fait une abondante moisson auparavant, pourrait peut-être servir à endormir les Tarmas et Ekettas. S'ils étaient inconscients, la guérison ne poserait aucun problème. Et Niemal, expert dans l'art de préparer les herbes, saurait peut-être masquer le goût du somnifère aussi bien que Rob ou Coulemelle l'auraient fait...

Le roi avait décidé que sa suite ne participerait d'aucune manière aux échanges avec les Tarmas et Ekettas. Le chef de la garde royale était lui-même un Eketta, et si beaucoup de gens - mais pas tous - avaient confiance en lui, ils ne savaient pas très bien comment il pourrait réagir s'il devait prendre les armes contre sa propre famille. Il resterait donc avec quelques officiers dans la salle principale de l'auberge, et serait chargé seulement de veiller à ce que personne n'intervienne dans les tractations avec les comploteurs.

Les échanges comporteraient donc Barfindil, Ferenariel et Marl Tarma - le vieux Finralin ne devait pas participer au voyage - ainsi que Methilir Eketta, plus peut-être quelques chevaliers (fils ou neveux/cousins) des familles, d'une part ; le roi Argeleb et la reine Liriel, leur fils aîné Arvegil et leur fille Nírena, ainsi que le mari et les jeunes enfants de cette dernière, d'autre part ; et les aventuriers pour couronner le tout. Seuls le roi et son fils seraient armés, mais dans la mesure du possible les armes ne devaient pas chanter. De plus, le roi était quelqu'un de très capable, il savait se défendre selon Niemal. L'objectif restait de soigner les Tarmas et Ekettas sans verser une goutte de sang, et si possible discrètement.
Modifié en dernier par Niemal le 30 septembre 2012, 20:07, modifié 6 fois.
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Tarma - 6ème partie : surprise et guérison

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1 - Une scène sans coulisses
Si la bonne volonté de l'aubergiste et le calme de son établissement - aucun visiteur - faisaient de l'investissement de l'auberge une simple formalité, le bâtiment posait néanmoins problème. Selon toute vraisemblance, les Tarmas et Ekettas auraient besoin de s'isoler pour "convaincre" le roi d'abdiquer de manière discrète. Le salon privé, à l'extrémité sud de l'aile est, semblait la seule solution possible pour répondre à ce besoin. Grande pièce isolée, facile à verrouiller et à garder, un endroit difficile à espionner ou dans lequel intervenir rapidement... un peu trop difficile.

La pièce était un rectangle d'environ vingt pieds sur trente (six mètres sur neuf). Elle comportait une cheminée au centre du mur sud, mur occupé également par une porte vers l'extérieur et deux fenêtres. Le mur nord était contigu à une chambre où Narmegil et Isis s'étaient installés, et il comportait aussi une porte donnant sur le couloir qui provenait de la salle commune. Les murs est et ouest portaient deux fenêtres chacun. Les fenêtres étaient toutes équipées de volets extérieurs (ouverts) et de rideaux intérieurs. Les murs intérieurs étaient en pisé, de bonne épaisseur, et recouverts de lambris à l'intérieur. Toutes les fenêtres étaient vitrées, signe de richesse - et de qualité - de l'établissement.

Le roi voulait laisser les maisons nobles aller jusqu'au bout de leur projet de coup d'État : Narmegil et ses amis ne devaient intervenir qu'au dernier moment, lorsque les discussions seraient dans une impasse et que l'usage de la force deviendrait nécessaire. Mais d'une part, comment savoir que le moment était le bon, et comment intervenir assez vite pour assurer la sécurité du roi et de sa famille ? L'isolation du mur était trop épaisse pour entendre assez bien, sauf peut-être pour Vif... qui était la seule à ne pas comprendre le sindarin, langue dans laquelle les propos se tiendraient certainement !

Au-dessus du salon, en revanche, une suite royale inoccupée pouvait peut-être abriter quelques indiscrets. Si l'épais plancher couvert de tapis rendait l'écoute encore malaisée, une petite cheminée, elle, ouvrait quelques perspectives. Son conduit se branchait sur celui de la cheminée du salon. Si le passage était trop étroit pour toute personne hormis la plus mince et souple, en revanche, le son circulait plus facilement : une fois les plaques de fermeture des cheminées en position ouverte, il devenait assez facile d'écouter les conversations d'une pièce à l'autre.

Mais comment intervenir ? S'il fallait se cacher dans la suite royale à l'étage, il fallait ensuite, pour arriver au salon privé : parcourir tout l'étage jusqu'à l'escalier menant à la salle principale, et là, prendre le couloir qui menait au salon. Sans compter que du monde pourrait occuper la salle commune et éventuellement s'interposer. Bref, un chemin long, avec des embûches possibles. Et il était hors de question de faire des travaux dans un mur ou le plafond du salon : sans parler du problème de compétences nécessaires ou de temps, cela ne pouvait qu'attirer l'attention. Et l'extérieur serait sans doute plein de cavaliers divers, ce qui rendrait le passage par les fenêtres peu discret et facile à bloquer.

2 - Des figurants difficiles à cacher
A cette première difficulté, il fallait en ajouter une autre, et de taille. Comme le signala Isis, appuyée par Niemal, les Tarmas et Ekettas allaient tout de même prendre un minimum de précautions : même si la confusion née de la drogue qui les affectait pouvait les pousser à faire de nombreuses erreurs, il valait mieux compter sur un côté paranoïaque qui les pousserait à vérifier les lieux avant leur coup d'État. D'autant qu'ils devaient se demander où les aventuriers étaient passés, après les événements de Tarmabar qui s'étaient si mal soldés.

La présence de Narmegil et de ses amis à l'auberge, lors de l'arrivée des membres des maisons nobles, fut donc étudiée : où pouvait-on se cacher ? Diverses solutions furent proposées, mais elles étaient limitées, car les cachettes n'abondaient pas. Par exemple dans la petite cave, mais cette dernière n'avait pas beaucoup de tonneaux vides et assez grands pour abriter du monde - une personne au plus. Cacher la présence de cette cave aurait été plus facile, mais en sortir n'aurait pas été aisé et posait la question de savoir quand en sortir, d'autant que c'était loin du probable lieu de la confrontation...

Les autres parties de l'auberge n'offraient guère de possibilité : chambres et combles étaient assez nus, et seule la scène de la salle commune comportait un espace, sous les planches, assez vaste pour abriter plusieurs personnes sans mal. Mais là encore, en sortir au bon moment et sans susciter de réaction posait problème. A la rigueur, le conduit de cheminée du salon privé où la réunion allait se dérouler aurait pu abriter une personne : vu l'étroitesse de l'endroit, seule Vif avait une chance de pouvoir s'y glisser. Mais c'était loin d'être idéal, et n'enchantait guère la Femme des Bois.

Restait la possibilité d'intégrer le personnel de l'auberge. Il n'était pas possible de masquer magiquement les apparences de toute l'équipe : d'une part cela représentait un effort magique considérable pour Isis et Drilun, d'autre part cela avait toutes les chances d'être repéré par Ferenariel Tarma, qui était censée manipuler la magie et la percevoir. Mais Geralt savait grimer de manière très correcte et il avait une trousse de maquillage de bonne qualité. Cela ne suffisait pas forcément pour simuler une autre personne néanmoins, et restait la question des habits.

L'assassin aux cheveux blancs avait l'habitude de jouer divers personnages, donc il pourrait passer pour un serviteur du lieu, pourvu qu'on puisse lui trouver des vêtements appropriés. Mais il paraissait impensable de masquer des traits aussi distinctifs que la taille ou la carrure de gens comme Sîralassë ou Narmegil. Sans parler du gros ventre d'Isis, ou des traits félins de Vif, sous sa forme actuelle demi-animale. Elle la cachait derrière de nombreux vêtements, malgré la chaleur de cette époque de l'année - le solstice d'été était pour le lendemain ! Mais son accoutrement avait toutes les chances d'attirer l'attention, et le pot-aux-roses serait vite trouvé dès que les premiers vêtements seraient retirés...

3 - Décisions
Au bout du compte, le groupe finit par arrêter sa décision : les aventuriers ne resteraient pas à l'auberge. Ils iraient dans le village, le temps que les Tarmas et Ekettas arrivent, et resteraient discrètement dans un coin. Ils laisseraient quelques affaires innocentes dans leurs chambres, et l'aubergiste parlerait de proches des villageois qui faisaient la fête avec eux mais qui avaient préféré loger à l'auberge, ou quelque chose comme ça. Par la suite, après discussion avec Niemal et l'aubergiste, il apparaissait qu'ils pourraient facilement revenir à l'auberge : une fois que le roi et sa suite seraient arrivés, les gens afflueraient en masse pour recevoir la bénédiction du roi.

Niemal et Geralt, pour leur part, resteraient à l'auberge : comme cuisinier, pour le premier, ou serviteur, pour le second. Bien grimés, ils pourraient vite réagir en cas d'imprévu, et vite arriver sur le lieu de la confrontation. L'elfe soigneur annonça tout de même qu'il devait s'éclipser dans la nuit pour aller au-devant du roi et le prévenir du bon déroulement des opérations, mais il serait de retour en fin de matinée. Ce qui obligeait Geralt à se lever tôt pour le grimer, mais ce dernier préféra faire cette opération avant d'aller se coucher : Niemal ne se couchant pas pour dormir, il ne risquait pas de mettre à mal son déguisement. Et Geralt put faire une nuit plus longue et tranquille...

Drilun alla au village, en pleins préparatifs pour la fête. A l'aide de l'aubergiste qui lui avait signalé la bonne personne, et l'ajout de quelques pièces, ses amis et lui arrivèrent à obtenir tout ce qui était nécessaire : vêtements divers pour passer inaperçus, voire la confection d'un costume de saltimbanque pour que Vif puisse passer pour une acrobate déguisée. Mais le Dunéen arriva aussi à louer les services de quelques paysans pour faire un petit orchestre qui se produirait sur la scène de l'auberge, aux côtés de l'acrobate et de lui-même comme chanteur.

En parallèle, les aventuriers prirent des exemplaires des différentes clés de l'auberge afin de pouvoir occuper les différentes pièces après l'arrivée des Tarmas et Ekettas et du roi. Certains tâcheraient de suivre la conversation depuis la suite royale au-dessus du salon privé, et d'autres se tiendraient dans la chambre du bas la plus proche, prêts à intervenir. Cela laissait diverses questions en suspens, mais beaucoup comptaient sur la confusion et la foule pour arriver à se glisser au bon endroit au bon moment. Et Niemal et Geralt, grâce au somnifère préparé, le "marchand de sable", pourraient peut-être endormir divers gardes pour aider à dégager le passage...

L'archer-magicien demanda également à l'aubergiste de préparer deux rouleaux de corde sous deux fenêtres de la chambre royale, sur les murs ouest et sud. Fenêtres qui donnaient directement au-dessus de certaines fenêtres du salon privé. Ce ne serait peut-être pas discret, mais ce serait une voie d'entrée possible dans le salon. Les cordes devaient être préparées après l'inspection des maisons nobles, et attachées pour pouvoir être rapidement utilisées : jetées dans le vide, elles permettraient de descendre et d'arriver à passer par les fenêtres du bas... à condition de faire assez vite.

4 - Nouvel arrivant
Le reste de la journée fut occupé à peaufiner les préparatifs, et le soir, très calme, arriva vite. Le temps promettait d'être magnifique pour le lendemain, sans un nuage, chaud mais pas trop. Les villageois jouaient de la musique et dansaient, mais les véritables festivités ne commenceraient véritablement que le lendemain en fin de matinée. Tous se couchèrent tôt et se reposèrent bien. En fin de nuit, Niemal s'éclipsa et partit vers l'est, non sans avoir fait part d'un petit souci à Sîralassë concernant un petit élément imprévu au programme qui risquait de perturber un peu leurs beaux plans...

Le soleil se leva, magnifique, et les aventuriers allèrent au village, dans une grange louée pour quelques heures. Le costume pour Vif fut récupéré et mis, et elle s'amusa à faire des échauffements gymniques sous l'œil intéressé de quelques paysans. Le soigneur de l'équipe avait préparé de quoi faire des infusions de bonneherbe, qui les aiderait à les stimuler pour les épreuves qui les attendaient. Il glissa tout de même quelques mots à l'autre elfe du groupe : Isis en parut surprise, et loin d'avoir ressenti les prémisses de ce qui allait arriver. Mais l'avenir proche lui montra que Niemal avait vu juste.

En effet, en milieu de matinée, elle ressentit de manière nette les premières contractions sérieuses, alors qu'elle avait complètement ignoré les premiers signes avant-coureurs de la naissance de son enfant. Mais là, elle dut admettre l'évidence : il arrivait bien, avec un mois d'avance, et il semblait diablement pressé ! Alors que Vif repérait au loin l'arrivée d'une imposante cavalerie par l'ouest, sans doute les Tarmas et Ekettas, la poche des eaux se rompit. Il fallut rapidement chercher des draps et autres, soi-disant pour la préparation d'un spectacle, tandis que le soigneur préparait le terrain et faisait chauffer de l'eau.

Isis fut installée en haut de la grange, tandis que le feu restait en bas. Les cavaliers Tarmas et Ekettas passèrent sans incident, et ils s'installèrent à l'auberge. Une bonne centaine de personnes, parmi lesquelles on pouvait reconnaître Ferenariel, Barfindil et Marl Tarma, ainsi que Methilir Eketta. Mais Isis ne voyait pas tout cela, trop occupée à son travail à elle. Une heure avant midi, elle profita d'une infusion de bonneherbe, tandis les autres membres de l'équipe - à l'exception de Geralt, occupé à l'auberge - en prenaient une également. Le travail de la magicienne s'en trouva facilité, d'autant que la rapidité de cette arrivée semblait inhabituelle.

Le travail se poursuivit sans problème, comme c'était toujours le cas chez les elfes, et grâce à la présence et aux bons soins de Sîralassë. Vif repéra une autre colonne de cavaliers qui arrivait de l'est, et un personnage qui arrivait discrètement de cette même direction, et qui obliqua vers elle lorsqu'il la remarqua : Niemal, car c'était bien lui, rapporta que le roi était prévenu et que tout se passait comme prévu, ils arriveraient très bientôt. Après diverses consignes de dernière minute et une petite vérification du bon déroulement de l'accouchement, il fila vers l'auberge pour "renforcer l'équipe de serviteurs" suite à l'arrivée imprévue de tant de monde...

Le roi parvint effectivement à l'auberge, et les cavaliers des deux troupes se mélangèrent joyeusement. Intrigués par ces nouveaux arrivés, les bruits commençaient à circuler parmi les villageois que le roi était venu et qu'il allait les bénir pour le jour d'Eru. Alors que le soleil était au plus haut, soit midi pile, Isis accoucha enfin d'une petite fille comme prévu. Narmegil prit le bébé dans les bras, avant de le mettre au sein de sa mère, qui, fatiguée mais radieuse, récupérait de ses émotions. Les parents décidèrent de l'appeler Míriel, "dame joyau" en quenya.

5 - Bénédiction
Non loin de là, Geralt avait commencé par voir arriver les Tarmas et Ekettas, et en particulier leurs maîtres, qui avaient inspecté toute l'auberge. Le maître des lieux l'avait présenté comme un extra embauché récemment, et il dut inventer un nom dans l'urgence, ne trouvant que "Tom". Mais son déguisement trompa les chefs des maisons nobles et il ne fut pas plus inquiété. Il vit les chevaliers dúnedain rester à l'extérieur pour la plupart, à s'occuper des chevaux et faire des petits combats amicaux, dans une ambiance détendue, festive et bon enfant.

Tandis que la matinée avançait et qu'il avait servi quelques chevaliers, il vit arriver Niemal déguisé, soi-disant un aide appelé en renfort vu l'affluence exceptionnelle. Il ne fut pas inquiété et s'installa en cuisine, tout en inspectant les émotions et pensées des personnes présentes dans l'auberge. Mais il ne fit pas de remarque particulière : à ses sens magiques, les chefs des maisons nobles restaient tendus mais pas particulièrement inquiets. Et même très motivés et persuadés de la justesse de leur action et de son proche succès.

Le roi arriva enfin avec toute sa famille et la garde royale. Ils furent tous bien accueillis par les chevaliers présents, ce qui entraîna un tumulte chaleureux et festif. Nobles et famille royale se saluèrent courtoisement, mais ils n'eurent guère l'occasion d'échanger : le roi se devait à ses devoirs, et les villageois commençaient à approcher. Argeleb, en tant que représentant d'Eru sur la Terre du Milieu, bénit tour à tour les chevaliers, les chefs des maisons nobles, l'aubergiste et sa famille, et les premiers villageois qui arrivaient.

Drilun, tandis qu'Isis accouchait, avait amorcé le mouvement et poussé les villageois à se rendre sur place. Il en avait profité pour repérer ses musiciens, et avec Vif et eux ils avaient composé une petite troupe qui s'était rendue à l'auberge, jusque dans la salle commune. Isis avait dû attendre la sortie du placenta, et elle s'était enfin mise en route, parmi les derniers, après avoir pris la précaution de modifier son apparence. Le maquillage réalisé par Geralt n'avait bien entendu pas supporté l'accouchement, mais elle prit bien soin de masquer sa magie pour la rendre aussi difficile à repérer que possible. Aux yeux de tous, elle était une simple humaine, rousse de surcroît, qui venait d'accoucher.

Tandis que Narmegil et Sîralassë se mêlaient à la foule et tâchaient de passer inaperçus - le soigneur avait repris sa démarche voûtée d'autrefois - l'elfe déguisée s'approcha du roi pour recevoir sa bénédiction pour sa fille et elle. Les chefs des nobles, dans un coin, ne semblèrent pas manifester d'intérêt, en particulier Ferenariel Tarma qui aurait peut-être pu repérer quelque chose. Le roi, quant à lui, eut un sourire énigmatique lorsqu'il bénit Míriel et Isis. Cette dernière se sentit ragaillardie par la bénédiction du roi, et le nourrisson fit même un sourire...

6 - Prise de position
Tandis que la petite équipe de saltimbanques prenait position sur la scène de l'auberge, le roi terminait ses dernières bénédictions. Il fut ensuite accosté par les chefs des maisons nobles et invité, lui et sa famille, à un petit entretien ou repas dans le salon privé de l'auberge. Ils s'y enfermèrent avec une demi-douzaine des chevaliers les plus proches des deux maisons, cousins ou autres membres des familles un peu éloignés et qui étaient peut-être en partie au courant de ce qui se tramait. Dans la salle commune, une bonne vingtaine de gardes de tous bords se restauraient et profitaient du spectacle de musique, de chant et d'acrobatie.

Sîralassë était monté à l'étage, jusque dans la suite royale, sans être inquiété d'aucune sorte. De leur côté, Narmegil, Isis et leur fille s'étaient dirigés vers le petit couloir qui menait aux trois chambres du bas et au petit salon privé. Ils avaient été suivis des yeux voire approchés par des chevaliers Tarmas ou Ekettas, mais ces derniers les avaient ignorés lorsqu'ils s'étaient rendu compte qu'ils pénétraient dans la chambre qui devait être la leur et ne s'occupaient guère du salon. La présence du nourrisson fut sans doute un élément important pour apaiser d'éventuelles craintes.

Vif et Drilun, après avoir bien fait des acrobaties et chanté, finirent par faire montre de fatigue et s'esquivèrent en direction de l'étage. Le Dunéen demanda aux musiciens de continuer sans eux, et ils se retrouvèrent sans mal dans la suite royale de l'étage. Ils filèrent à la cheminée pour entendre ce qui se disait. Le conduit de la cheminée du bas avait dû être refermé, car le son passait plus faiblement que lorsque tout était ouvert. Cela ne faisait aucune différence pour Vif, qui entendait tout parfaitement... mais tout se déroulait en sindarin, dont elle ne connaissait que des bribes. Heureusement, ses amis purent suivre la conversation sans difficulté eux aussi, et ils lui firent une traduction simultanée.

Geralt n'ayant pu s'approcher du salon faute de trop d'intérêt de certains chevaliers, il proposa une tournée spéciale, pour laquelle il requit les services de Niemal. Ce dernier mélangea à la bière du marchand de sable et quelques épices pour en masquer le goût. La mixture fut trouvée excellente et demandée par tous... sauf le capitaine de la garde royale, Halmir Eketta, dont Vif se méfiait beaucoup. Le capitaine ne buvait ni ne mangeait rien, et il semblait très occupé à observer les allées et venues des uns et des autres.

Tandis que les chevaliers et gardes de tous bords s'endormaient les uns après les autres, le capitaine de la garde se mit à froncer les sourcils. Puis il appela des gens à l'extérieur, l'air furieux, pour qu'ils sortent les "assoiffés trop occupés à cuver leur vin" dans la cour. Mais en même temps, il ne quittait pas des yeux Geralt, au grand dam de celui-ci qui aurait voulu tenter de l'assommer. Devant la mine soupçonneuse du capitaine, son équipement splendide et ses allures de puissant félin, l'assassin aux cheveux blancs préféra rejoindre la cuisine et Niemal. Mais la porte se rouvrit bientôt, laissant place à Halmir Eketta, qui l'avait suivi.

Tandis que Geralt craignait le pire, le capitaine de la garde royale s'adressa à lui en lui conseillant d'aller rejoindre ses amis. Interloqué, l'homme aux cheveux blancs ne réagit pas, jusqu'au moment où Niemal lui dit sur un ton enjoué que certainement, les personnes de la chambre du bas avaient sûrement besoin d'un coup... à boire. L'assassin comprit alors que la capitaine était certainement du même côté qu'eux, et bien renseigné. Il fila dans le couloir qui menait au salon, où il retrouva Narmegil qui écoutait à la porte, tandis qu'Isis se tenait sur le pas de la porte de leur chambre. Dans la salle commune de l'auberge il ne restait presque plus personne, hormis les musiciens, l'aubergiste et son personnel, ainsi que Niemal et Halmir Eketta qui commençaient à discuter ensemble.

7 - Les masques tombent
De manière plus ou moins différée et plus ou moins nette, les aventuriers purent donc suivre ce qui se passait dans le salon privé. Après un petit intermède de proposition de vin, refusé par le roi et ses proches, Ferenariel se lança dans une longue diatribe concernant l'avenir de l'Arthedain et la lutte contre Angmar. Même influencée par le vin aux arrière-goûts de magie noire et de drogue, il fallait reconnaître que la dame des Tarmas savait parler et elle était plus que convaincante. Bien que de manière moins éblouissante, les autres chefs des deux maisons nobles y allèrent aussi de leur couplet.

La teneur de leurs propos était connue : il fallait attaquer Angmar au plus vite, l'occasion était inespérée de pouvoir s'en débarrasser. Avec des chefs charismatiques comme Marl Tarma chez les rôdeurs et Methilir Eketta comme éventuel chef d'armée, et l'appui garanti des elfes et du Gondor, le royaume du roi-sorcier ne pouvait que tomber, d'autant qu'il était affaibli par les récents coups durs qu'il avait subis grâce aux rôdeurs. Les aventuriers les plus perceptifs sentirent bien que leur rôle était présent entre les lignes, mais pas vraiment mis en valeur...

Mais après ces belles tirades, le roi prit la parole. Il démonta leurs arguments les uns après les autres, et montra à quel point les Tarmas et Ekettas pêchaient par optimisme, pour ne pas dire plus. Enfonçant le bouchon un peu plus loin, il n'hésita pas à dire que ces erreurs de jugement étaient la preuve manifeste que les nobles étaient influencés de la plus mauvaise manière : leurs sources les trompaient, et même bien au-delà de ce qu'ils s'imaginaient. Les belles paroles du marchand Gilluin, et son vin, venaient tout droit du Rhudaur voire plus au nord ! Et il mit carrément les pieds dans le plat en parlant de leurs sombres projets voués à l'échec. Néanmoins, il restait confiant en eux et dans le fait qu'ils sauraient, d'une manière ou d'une autre, reconnaître leurs erreurs et rester soudés à lui, leur roi.

Le bruit d'épées que l'on tire et les cris effrayés des petits-enfants du roi indiquèrent clairement que le moment était venu d'intervenir. Tandis qu'Isis déverrouillait magiquement la porte du salon, Sîralassë et Drilun ouvraient les fenêtres et balançaient les cordes, tandis que Vif allait à une autre fenêtre du couloir, à l'est. Narmegil, sans arme, entra dans la pièce à la grande surprise des chevaliers Tarmas et Ekettas qui se trouvaient derrière. Il était suivi par Geralt et Isis, qui avait laissé Míriel dormir sur le lit de la chambre.

Les six chevaliers Tarmas et Ekettas, qui avaient pris leurs armes et se trouvaient le plus près des intrus, dans la partie ouest de la pièce, furent bientôt surpris par deux fenêtres proches qui volèrent en éclats, tandis que le Dunéen et l'elfe noldo les franchissaient vite. D'autant plus que les chevaliers et gardes dans la cour les avaient repérés et se précipitaient vers eux en poussant des cris. Les chefs des maisons nobles, faisant face au roi et à sa famille dans l'autre partie de la pièce, furent eux surpris par l'arrivée imprévue de Vif par une autre fenêtre : sous sa forme demi-animale, elle n'avait eu aucun mal à descendre toute seule et à franchir la fenêtre.

La Femme des Bois, face aux quatre personnes en partie armées, esquiva ses adversaires en grimpant au mur lambrissé grâce à ses griffes. Après un saut acrobatique, elle se retrouva du côté de la famille royale, protégeant les petits-enfants du roi telle une chatte ses petits. Argeleb et son fils Arvegil, d'une voie ferme et autoritaire, calmèrent l'ardeur des guerriers qui se précipitaient vers les fenêtres, à l'extérieur, expliquant que tout allait bien. Tous se regardaient plus ou moins en chien de fusil, certains concentrés pour faire de la magie, tels Ferenariel ou divers membres de la famille royale ou des aventuriers.

8 - Persuasion
Le roi s'adressa aux chefs Tarmas et Ekettas, leur montrant qu'il n'ignorait rien de leurs plans secrets. Mais que tout cela était l'œuvre d'Angmar qui s'était joué d'eux de manière insidieuse grâce à ce qu'il maîtrisait le mieux : magie et tromperie. Il les invita à écouter Narmegil et ses amis qui allaient pouvoir leur expliquer les tenants et les aboutissants de l'affaire, et proposer une solution à leurs problèmes. Subjugués par ce retournement du sort, mais tendus, aucun n'osa bouger ou protester. Les chevaliers Tarmas et Ekettas semblaient un peu perdus et mal à l'aise, mais ils ne bronchèrent pas non plus.

Le chef de la maison Eldanar parla alors de ce que ses amis et lui avaient découvert, et qui tournait autour du vin frelaté, dont Niemal, qui avait été appelé, produit un échantillon avec une analyse des érudits de Fornost Erain. Il invita Ferenariel Tarma à examiner ce vin de manière attentive, ce qu'elle fit, ébranlée, mais sans rien percevoir d'anormal, malgré les assertions de Niemal et le parchemin. Elle s'emporta alors verbalement, les traitant de pions d'Angmar ou de cambrioleurs, et promit à Sîralassë de se pencher de plus près sur son passé qu'elle devinait plus qu'intéressant... Pendant ce temps, le regard de Barfindil se faisait de plus en plus dur, alors que Marl et Methilir semblaient pris de doute...

Mais Drilun prit la parole à son tour et assena diverses vérités au visage de Ferenariel. Il lui précisa entre autres que l'un des cuisiniers de Tarmabar prenait lui aussi du vin en cachette, et que personne n'ignorait qu'il était de plus en plus impossible à vivre, comme les Tarmas eux-mêmes... De plus, Geralt et Vif avaient remarqué que la dame des Tarmas semblait gênée par quelque chose qui la démangeait au niveau de la poitrine, et que la rôdeuse identifia comme un bijou dont elle percevait la chaîne autour du cou de la dame. Sans doute l'amulette de famille dont on leur avait parlé... et que les Tarmas - le vieux chef Finralin du moins - ne portaient plus jamais.

Vif prit alors la parole et parla de cette fameuse amulette et du désagrément qu'elle semblait apporter, signe de changement dans le mauvais sens du terme. Elle ne savait pas parler et son propos resta sans suite, mais ses amis comprirent ce qui se passait et Drilun notamment attaqua à nouveau la confidence des chefs des maisons avec ce nouvel élément. Cette fois, il fut si persuasif que même la dame Ferenariel se troubla, et elle reprit la petite outre de vin frelaté apportée par Niemal. Cette fois-ci elle se concentra de manière plus intense, et ses yeux s'écarquillèrent : elle avait réussi à percevoir la magie, et reconnu sans doute possible de la magie noire telle que la pratiquaient les sorciers d'Angmar.

Narmegil avait exposé la solution qui consistait à se laisser soigner par la magie de Sîralassë, magie à laquelle au départ elle ne faisait aucune confiance, tout comme Barfindil. Néanmoins, devant l'énormité de ce qu'elle venait de comprendre, elle annonça qu'elle était prête à lui faire confiance et à se faire soigner. Mais son neveu Barfindil, lui, ne l'entendit pas de cette oreille. Pour lui, tout devenait évident : les aventuriers étaient des espions et sorciers à la solde d'Angmar, et à l'aide de leur sorcellerie ils avaient pris tout le monde sous leur coupe. Le regard enflammé, il leva son épée et se précipita vers Narmegil.

9 - Guérison
Toujours sans arme, mais protégé par sa magie, le Dúnadan lui fit face. Isis et Drilun utilisèrent aussi leur magie pour arracher l'arme des mains de l'héritier des Tarmas, mais sa volonté était encore trop forte et il résista. Son coup fut néanmoins dévié par le pouvoir de Narmegil, et il n'aboutit à rien. Sautant au secours de son ami, Sîralassë se précipita vers eux en passant sur la table, renversant au passage le vin que Ferenariel avait préparé pour le roi avec la drogue de "Tue-l'Esprit". Le voyant arriver, Barfindil se tourna vers le Noldo et l'attaqua à son tour.

Mais non seulement l'elfe était lui-même protégé par sa magie, mais Isis et Drilun continuaient à vouloir lui arracher magiquement son arme. Enfin vaincu, l'épée s'arracha à son bras et Narmegil profita de sa bonne situation pour ceinturer l'homme devenu comme fou. Tandis que le roi et le prince calmaient les ardeurs de la garde ou des autres chevaliers accourant au bruit des cris, le soigneur noldo se tourna vers les chefs des Tarmas et Ekettas. Choqués par ce qu'ils venaient de voir, leur volonté de se soumettre à sa magie des soins s'était encore renforcée.

Marl et Methilir semblant moins affectés - ils avaient consommé moins de vin frelaté - il fut décidé de commencer par eux. Niemal alla préparer de l'eau chaude et des infusions d'athelas, dont l'odeur calma un peu les tensions. Sîralassë, encore bien stimulé par l'infusion de bonneherbe prise un peu plus d'une heure auparavant, utilisa sa magie de manière puissante et efficace. Les deux hommes semblèrent se réveiller d'un cauchemar dont ils avaient du mal à croire qu'ils avaient été les acteurs. Confus, ils apprécièrent vivement de ne pas être jugés mais même réconfortés par le roi et Narmegil.

Pour Ferenariel, plus affectée, le soigneur utilisa aussi ses ressources au maximum. Mais il y rajouta une partie de la puissance d'un anneau magique pris autrefois à un elfe de la Comté, elfe qui avait été influencé par Fercha et qui avait tué... et été tué. Là encore, l'imposition des mains nettoya le corps et l'esprit de Ferenariel de l'influence magique qui l'avait corrompue. La même recette fut appliquée à Barfindil, qui lui aussi retrouva ses esprits et se mit à pleurer. La guérison des Tarmas et Ekettas avait été un succès. Le roi Argeleb conclut en disant que les tromperies et sombres plans d'Angmar avaient été mis en échec.

10 - Fête et retour
Il fallut donner une explication sommaire aux gardes et chevaliers, ce dont s'occupa le roi. Pendant ce temps, aventuriers, Tarmas et Ekettas conversaient et montraient leur respect ou leur gratitude. Les Tarmas notamment ne pouvaient que constater des différences d'opinion, en particulier en ce qui concernait la Comté "prise" à leurs terres et le soutien aux hobbits. Mais Narmegil et ses amis leur avaient prouvé que malgré toute leur inexpérience et leur jeunesse, ou peut-être grâce à elles, ils avaient réussi à ne pas tomber dans le piège d'Angmar sur lequel Tarmas et Ekettas avaient trébuché. Ils se virent assurés que les Tarmas, avec qui ils repartiraient, sauraient payer leurs dettes de manière très concrète, dès que les choses seraient définitivement réglées à Tarmabar.

Le roi était le premier bénéficiaire de ce sentiment d'union retrouvée. Après avoir félicité la jeune famille Eldanar au complet et leurs amis, il offrit sa bénédiction à tous, et tous s'en trouvèrent vivifiés et revigorés. Puis, après avoir mangé un morceau, il décida de s'offrir un moment de détente et il emmena la reine Liriel danser au village et partager un peu la joie des habitants du cru. Drilun renvoya aussi sa petite troupe de quelques musiciens, qui ne voulaient pas rater les réjouissances, avec des remerciements.

Le roi et sa famille repartirent avec la garde royale une heure après. Ils avaient encore un large circuit à effectuer pour bénir les habitants d'autres villes et villages, avant de rentrer à la capitale, Fornost Erain. Niemal les accompagnait également, lui qui avait passé un certain temps à réveiller par ses soins les gardes royaux endormis, en raison de la drogue contenue dans la bière qu'ils avaient ingérée... Pour les chevaliers Tarmas et Ekettas, qui ne repartiraient que le lendemain matin, il était plus simple de les laisser dormir, ils se réveilleraient bien tous seuls.

Míriel, petit bout de fille solide et, de l'avis de tous, déjà précoce et très mignonne, fit l'émerveillement de nombreuses personnes, mais surtout de ses parents. Une nouvelle vie s'ouvrait devant eux, et pourtant elle n'était pas sans souci : le vieux Finralin Tarma devait être soigné à son tour, et lui était encore plus "atteint" par le sinistre vin d'Angmar que Ferenariel ou Barfindil. Et en cas de désaccord, ses gens auraient le réflexe de lui obéir à lui plutôt qu'à ses descendants. Mais il serait peut-être possible de l'endormir pour le soigner sans bruit ni heurt... si cela était possible. Mais après cela, Isis fut claire et personne ne la contredit : direction Bar Edhelas, "chez eux", pour profiter les uns des autres.

Niemal avait néanmoins averti que la piste du marchand Gilluin et de son vin, que suivait Mithrandir, demanderait peut-être à nouveau leur participation. Angmar ne laissait pas de vacances aux gens d'Arthedain et autres peuples libres. Au contraire même, il savait jouer de leurs faiblesses et de leurs attachements, et il était bien capable de frapper là où cela faisait le plus mal, comme au sein des familles par exemple. Le futur était loin d'être rose, d'autant que Míriel semblait prédestinée à un brillant avenir, et ses descendants, si elle en avait, verraient la fin d'Angmar. Le roi-sorcier en serait certainement averti tôt ou tard, et il risquait de prendre des mesures en conséquence...
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Niemal
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Tarma - 7ème partie : achèvement

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1 - Faux-semblants
Tandis que les chevaliers endormis cuvaient leur somnifère, nobles et aventuriers discutaient de la suite à donner. Et en premier lieu, des précautions à prendre pour ne pas éveiller la méfiance de Finralin Tarma, qui restait à guérir. C'était lui l'âme du complot, et aussi celui qui avait le plus consommé de vin magiquement souillé. Mais son état touchait à la paranoïa, et Ferenariel prévint que malgré un physique amoindri par les ans, son esprit était encore fier et tranchant. Et en cas de doute le personnel du château serait de son côté.

En premier lieu, il convenait de faire comme si tout s'était passé comme prévu. Car si le vieillard soupçonnait un échec, il risquait de préparer le grand jeu pour accueillir ceux qui viendraient le juger et l'exécuter, dans son esprit torturé. Et justement, il attendait un message par pigeon voyageur qui lui donnerait des nouvelles fraîches. Après la "domination" du roi par les Tarmas et Ekettas, les groupes de cavaliers devaient en effet rentrer en toute hâte à Fornost Erain, la capitale, pour annoncer officiellement l'abdication au profit de Marl Tarma. Et le lendemain matin, un oiseau devait partir de Fornost pour prévenir le vieux baron, tandis qu'une bonne partie des cavaliers rentreraient chez eux.

L'oiseau mettrait moins d'une journée pour arriver à destination, il fallait donc faire quelque chose avant le lendemain soir. Mais Tarmabar était à deux jours à cheval, et le soir approchait déjà. Sauf à galoper à bride abattue, il était difficile d'imaginer arriver avant l'oiseau. Et Isis n'imagina même pas faire subir cela à sa fille et elle, et Narmegil non plus. Il fallait donc envoyer un faux message, mais comment ? Il fut envisagé un moment d'appeler magiquement une tourterelle pour lui faire porter un message écrit à l'auberge, mais c'était loin et cela demanderait une magie trop puissante.

En fin de compte, il fut décidé qu'une personne irait à Fornost dans le soir et la nuit pour pouvoir envoyer le message comme convenu. Marl Tarma se dévoua : il était censé être le nouveau roi, son absence de la troupe qui rentrerait paraîtrait normale. Il partit donc dans la soirée avec une petite garde, laissant aux autres le soin de voir les détails pratiques de la guérison. Que faudrait-il dire au vieux Finralin Tarma une fois de retour ? Et en particulier, qu'inventer à propos des aventuriers, disparus sans laisser de trace ? Il valait mieux ne pas laisser leur rôle en suspens, et inventer quelque chose pour donner l'impression que leur capacité à mettre des bâtons dans les roues était nulle.

Après discussion, le groupe arriva à une fable à peu près réaliste : Ferenariel et Barfindil devraient raconter à leur père ou grand-père que Narmegil et ses amis étaient intervenus pour empêcher le coup d'État, mais qu'ils avaient échoué et avaient été faits prisonniers. Resterait à enrober cela de détails convaincants, ce qui ne serait peut-être pas facile : le vieillard était soupçonneux et loin d'être bête, même si l'influence du vin pouvait faire avaler de grosses couleuvres. Mais Ferenariel était loin d'être une débutante dans la maîtrise du bon langage...

2 - Voyage
Le lendemain matin, le départ fut donné. Narmegil et ses amis laissaient derrière eux bien des souvenirs, pour leurs hôtes, pour leurs compagnons, mais aussi pour eux. La naissance d'une demi-elfe n'est pas quelque chose de si commun que cela, et il en resterait des traces encore un moment. Non seulement dans les mémoires, mais aussi sur le sol de l'étage de la grange où Míriel était née. Les runes que Drilun avaient tracées là resteraient encore un moment, mais elles ne serviraient sans doute plus : les propriétaires ne risquaient guère de savoir que les naissances à cet endroit précis s'en trouvaient facilitées...

Tous chevauchaient au pas, au grand soulagement de Geralt qui avait moins d'efforts à faire, mais aussi de Drilun, à qui le rythme convenait : il arriva à rester en selle sans grande difficulté, ce qui aurait été plus problématique à une allure plus soutenue. Mais il n'y avait aucune hâte à apporter, d'autant que la troupe était censée partir de Fornost : elle avait donc quelques heures d'avance sur l'horaire prévu. Míriel passait des bras de son père à ceux de sa mère quand le besoin s'en faisait sentir, et les haltes étaient fréquentes.

En soirée, les cavaliers firent halte près des ruines d'Annúminas, l'ancienne capitale d'Arthedain. Elle avait été envahie par les forces d'Angmar en 1409, et incendiée. Le salut du royaume n'avait été possible que grâce à la résistance héroïque des défenseurs, à Fornost, et à l'arrivée inopinée des elfes de Lindon et d'Imladris, qui avaient renversé le cours de la bataille. Depuis, faute de l'énergie et surtout des habitants nécessaires, Annúminas était restée en ruines et la capitale avait été transférée à Fornost Erain. Le lieu était silencieux et les eaux du lac étaient fraîches, ce qui était agréable pour cette période de l'année.

Le lendemain, la troupe de Methilir Eketta repartit vers le nord et les terres familiales, avec son seigneur à sa tête, tandis que Tarmas et aventuriers allaient vers le sud et l'ouest. La troupe progressa tranquillement, comme la veille, dans une ambiance estivale et détendue. La fête du mitan, qui durait trois jours, était maintenant achevée, et les paysans reprenaient le chemin des champs, tranquillement, sans doute autant à cause de la chaleur qu'en raison d'une probable gueule de bois suite aux nombreuses chopes d'alcool ingérées !

Vers la fin de l'après-midi, Ferenariel avertit que Tarmabar n'était plus qu'à une dizaine de miles. Mais le château était une ancienne tour d'observation et son père risquait d'utiliser une longue-vue pour guetter leur arrivée. Il convenait donc de se séparer là. Narmegil et ses amis rentreraient à pied, une fois la nuit tombée, tandis que Finralin serait endormi par sa fille grâce au somnifère fourni par Sîralassë. Les aventuriers se présenteraient à l'entrée du château, on les mènerait au vieillard endormi et le soigneur utiliserait sa magie pour le guérir. C'est ainsi que les choses étaient prévues.

3 - Oiseaux noirs
Les dernières heures de la soirée furent occupées à se reposer en attendant la nuit. L'endroit était plutôt boisé, sauvage, sans ferme proche ou passage de voyageurs. Vif remarqua tout de même une bande de corneilles venues croasser non loin d'eux avant de repartir un peu plus au nord, mais rien de plus notable. Le ciel était parfaitement dégagé, l'air était chaud, mais le soleil finit par se coucher et il fut temps de reprendre la route. Les sacs - et Míriel - furent repris, et le voyage put se poursuivre. Il fallait compter trois à quatre heures de marche avant d'arriver à Tarmabar.

Mais alors que la route traversait une forêt plus touffue que les précédentes, les oreilles de Vif l'alertèrent : elle entendait des grognements de chiens ou de loups à proximité. Elle prévint ses amis, qui préparèrent leurs armes ou leurs sorts, juste avant que six grosses formes canines sortent du sous-bois, trois de chaque côté de la route. Toutes filèrent droit vers la Femme des Bois, qui se trouvait au milieu du groupe. Mais elles n'étaient pas seules : des hommes habillés de noir et bien cachés derrière les arbres les visaient avec arcs et flèches.

Geralt, plus perceptif et rapide, vit un archer de chaque côté viser dans sa direction. Il choisit de plonger en avant pour esquiver les tirs, et une flèche passa effectivement juste à l'endroit où il se tenait une seconde auparavant. L'autre flèche était destinée au soigneur, mais elle fut déviée par la magie avec laquelle il s'était protégé. De la même manière, les flèches destinées à Narmegil, Drilun ou Isis furent déviées par la magie voire bloquées par l'armure du Dúnadan. Seule Vif fut légèrement blessée par la morsure d'un canidé, alors qu'elle était concentrée à changer une de ses mains en patte griffue comme celle d'une panthère.

Il y avait donc six humains vêtus de noir et six loups ou gros chiens. Mais Geralt, en se relevant, entendit une voix mielleuse provenir d'un peu plus loin dans la forêt. Une voix qui lui suggérait que Sîralassë n'était pas celui qu'il croyait être, mais qu'il s'agissait d'un ennemi qui avait pris son apparence. D'ailleurs, n'était-il pas menaçant avec son épée brandie ? L'assassin aux cheveux blancs trouva la suggestion très convaincante, mais par un effort de volonté il repoussa la suggestion et se dirigea en direction de la voix : ils n'étaient pas six mais sept adversaires, et un sorcier faisait partie du lot.

4 - Un combat vite expédié
Narmegil utilisa sa magie pour faire peur à leurs adversaires, mais il fut surpris du résultat : si les chiens ou loups survivants s'enfuirent tous, non sans avoir eu le temps de faire une nouvelle petite blessure à la rôdeuse, aucun des humains ne fut affecté. De son côté, Isis tentait d'arracher magiquement les arcs des tireurs, mais sans succès non plus. Manifestement, ces assaillants étaient des combattants aguerris, costauds, discrets, bien organisés... Plusieurs pensèrent spontanément aux rôdeurs noirs d'Angmar, qu'ils avaient déjà eu l'occasion de côtoyer. Mais que faisaient-ils ici, si loin à l'intérieur de l'Arthedain ?

Mais malgré leurs qualités, ils n'avaient aucune chance. Ils avaient sans doute cru l'occasion trop belle, et peut-être que cela aurait été le cas s'ils n'avaient pas été perçus à temps. Mais leurs chiens-loups n'avaient pas pu être totalement maîtrisés quand ils avaient senti l'odeur de Vif à proximité. A présent, il fallait en payer le prix, et le combat tourna rapidement à leur désavantage. Il ne serait sûrement pas très long.

Déjà, avant même qu'ils puissent fuir, deux chiens-loups furent abattus par une flèche de Drilun ou par la lance de Narmegil. Sous le feu des archers, la Femme des Bois se jeta sur le sol et incita Isis à en faire autant, leur épargnant une blessure à chacune - les rôdeurs noirs étaient loin de faire de mauvais archers. L'archer-magicien dunéen, dont la principale difficulté était de voir ses cibles, traversa d'une flèche la gorge de l'un d'eux lorsqu'il l'eut enfin repéré. Le noble Dúnadan chargea deux ennemis et les fit fuir, mais l'un d'eux n'arriva nulle part en dehors des cavernes de Mandos. Sîralassë expédia un autre rôdeur noir.

Geralt eut plus de mal : il fut l'objet d'une peur panique qui lui noua les tripes en entendant l'homme qu'il poursuivait lui promettre mille morts dans d'abominables souffrances. Mais il résista et finit par coincer le sorcier, réfugié derrière un arbre. Il tentait de lui faire peur avec sa magie, mais à ce stade de la confrontation, ses chances étaient quasi-inexistantes, et l'homme aux cheveux blancs s'était bien endurci après tant d'aventures. Il finit par l'assommer d'un violent revers d'épée, puis il revint vers les autres, assommant au passage un rôdeur noir déjà blessé, tandis que le dernier prenait la fuite.

Le bilan fut fait : côté ennemi, deux prisonniers blessés - soignés par Sîralassë pour pouvoir les interroger - et trois morts, sans compter deux loups abattus. Plus quatre loups et deux rôdeurs noirs en maraude. Et de leur côté, pas grand-chose : Vif fut soignée par l'elfe noldo, si bien que ses blessures furent complètement guéries le lendemain. Les corps, une fois fouillés, amenèrent une récolte limitée : en plus d'armes et armures diverses, et quelques pièces de cuivre ou de bronze, les aventuriers récupérèrent des fioles de poison - heureusement les premières flèches avaient toutes manqué leur but - et du somnifère non préparé.

Restait à comprendre le pourquoi du comment. Les hommes blessés étaient inconscients, mais il fut décidé d'interroger le sorcier : il serait sans doute à même d'apporter le plus d'informations. Grâce à ses soins, Sîralassë parvint à réveiller l'homme, et il le prévint : il le tuerait sans hésiter à la moindre tentative d'utiliser la magie. L'homme, très faible, répondit à quelques questions, confirmant qu'ils venaient bien tous d'Angmar. Mais il essaya bientôt d'envoûter Narmegil et ses compagnons à l'aide d'un sort, ce que l'elfe perçut immédiatement. Il appliqua alors sans hésiter la sentence dont il avait menacé l'homme.

5 - Tarmabar
L'interrogatoire avait tourné court, et les aventuriers n'espéraient rien de mieux avec le rôdeur noir inconscient. L'autre prisonnier ne se réveilla jamais, les cadavres furent enlevés de la route et cachés dans les sous-bois, et la route fut reprise. Bien que bref et sans grande conséquence, ce petit intermède avait été fatigant et source de retard. Or le temps était compté, car le chemin restait long et le somnifère que Finralin Tarma était censé avoir ingéré ne durerait pas éternellement. Heureusement, après trois-quatre heures de route sans interruption, Tarmabar fut enfin en vue sous la pâle lumière de la lune.

L'équipe monta au château, où le petit pont-levis de l'entrée était baissé, mais la herse également. Un appel fit venir un garde qui la remonta, tandis qu'un autre allait chercher les maîtres du château, et plus précisément Ferenariel et Barfindil, fille et petit-fils de Finralin. Ils arrivèrent bien vite et complètement habillés, preuve qu'ils n'avaient pas dû dormir mais rester à l'affût de l'arrivée de Narmegil et de ses amis. Ils avaient tout de même pris le temps de se changer et de se rafraîchir, ce dont leurs invités ne pouvaient se vanter.

Tout en guidant les aventuriers dans les couloirs et escaliers du château, Ferenariel leur apprit que la soirée s'était bien passée et qu'elle avait pu sans mal faire avaler le somnifère à son père. En revanche, l'effet de la drogue arriverait sans doute bientôt à sa fin. Également, si globalement Finralin avait paru satisfait du récit rapporté par ses proches, elle l'avait quand même trouvé un peu méfiant. De plus, l'effet du "marchand de sable" était très rapide, et les gens en gardaient souvent le souvenir d'un endormissement anormalement rapide. Bref, elle nourrissait quelques inquiétudes. Et il était hors de question de lui redonner une dose de somnifère, qui était toxique en cas de deuxième ingestion trop rapprochée. Son père était vieux et commençait à devenir fragile, et elle tenait à lui.

Tandis que le groupe montait les marches amenant à la chambre du vieillard, les dernières consignes et directives furent données. La fille et le petit-fils de Finralin ne se voyaient pas intervenir si jamais leur père ou aïeul se réveillait : ils se contenteraient de tenir la lanterne et de bloquer les portes, et de tenter de calmer l'ardeur des serviteurs si certains étaient alertés. Par contre, ils étaient également conscients qu'il faudrait peut-être maintenir le vieillard sur son lit par la force, si jamais il se réveillait. Il était convenu qu'ils se garderaient d'intervenir là aussi. Enfin, Ferenariel s'éclipsa un moment pour aller préparer une infusion d'athelas, dont la douce fragrance les calma tous un peu, lorsqu'elle fut revenue.

Ils arrivèrent enfin sur un seuil, devant la porte de la chambre de Finralin. Et à présent, quelle suite donner ? Si l'effet du somnifère arrivait à son terme, il valait peut-être mieux être discret. Ce qui n'était pas vraiment la première des qualités auxquelles s'exerçaient les Tarmas. Ils proposèrent donc que les aventuriers entrent en premier. Geralt demanda qu'on lui ouvre : il allait faire un petit tour dans la chambre du vieux Dúnadan pour s'assurer que tout se passerait bien et qu'il n'y aurait pas de surprise. Une fois la porte entrebâillée, il se glissa sans bruit à l'intérieur.

6 - Guérison musclée
La grande chambre qui occupait tout l'étage de la tour était plongée dans l'obscurité. Heureusement, par cette nuit d'été, seuls des rideaux couvraient les trois fenêtres ouvertes. Une seule autre porte, toute proche de celle par laquelle l'homme aux cheveux blancs était rentré, permettait de sortir de la pièce. Et le grand lit était pratiquement à l'opposé de ces issues. Geralt s'approcha doucement de l'endroit où Finralin était censé dormir profondément. Habitué à bien répartir son poids sur plusieurs appuis, aucune latte de plancher ne craqua à son passage. Le vieux noble était tout proche, sa respiration était parfaitement audible...

Mais justement, sa respiration ne collait pas. Elle était retenue, pas du tout paisible et légère. Et Geralt semblait percevoir comme une tension dans le vieil homme, et il devinait comme un objet long, bâton ou autre, à moitié dissimulé sous les draps, sur la droite de Finralin. Manifestement, il était réveillé, alerte, et il écoutait. Il se tenait prêt à l'action ! Ferenariel avait eu raison de parler de paranoïa et de se méfier... Tout doucement, le chef des assassins de Tharbad rejoignit la porte pour mettre au courant ses amis et ses hôtes, une fois sorti.

Tant pis, la confrontation était nécessaire, il fallait soigner le patriarche des Tarmas. Míriel avait été confiée à une nourrice, toute l'équipe était prête. Narmegil et Geralt maîtriseraient le vieil homme, et ils prirent du "trèfle de lune", un liquide à mettre dans les yeux qui permettait de mieux voir dans l'obscurité. Doucement, ils entrèrent et prirent position, tandis que les autres se tenaient prêts à intervenir. L'assassin avait été très discret, mais le noble Dúnadan, plus lourd et moins entraîné, peut-être un peu moins. Brusquement, alors qu'ils se tenaient au bord du lit, de chaque côté, tout accéléra.

Finralin fit un mouvement brusque, mais heureusement il était trop lent pour les deux amis, qui arrivèrent à le maintenir couché. Mais l'objet long que le vieillard tenait à la main droite était une épée particulièrement tranchante qui fendit les draps. Par réflexe de sécurité, Geralt se jeta hors de portée. Finralin, bien que maintenu allongé par Narmegil, arriva à lui porter un coup. Malgré sa position difficile et la différence de force, malgré la cotte de mailles de mithril du guerrier, il arriva tout de même à lui faire une blessure légère. Et dans le même temps, il ameuta tout le château pour qu'on vienne à sa rescousse.

Tous entrèrent, Ferenariel et Barfindil bloquant les portes et faisant de la lumière. Le petit-fils de Finralin essaya de calmer le personnel du château de sa voix forte, mais il n'arriva pas à rassurer les serviteurs qui arrivaient vite et qui voulurent enfoncer la porte. Mais ils n'en eurent pas le temps : si Finralin résista à la tentative magique d'Isis de lui arracher son arme des mains, Geralt la lui fit voler au loin avec sa propre lame. Vif se jeta sur lui pour le maintenir, et Sîralassë put approcher avec l'infusion d'athelas. Il utilisa toute sa magie pour soigner le vieil homme qui hurlait des insanités haineuses, mais il finit par se calmer un peu. La magie avait-elle pu vaincre la drogue et la magie noire du vin de Gilluin ?

7 - Nouvelles relations
Le soigneur avait été efficace, l'effet du vin avait été éliminé. Finralin Tarma continua à pester et à hurler, mais sa paranoïa avait disparu. Il pesta après ceux qui le maintenaient immobile sur le lit, il hurla après ses descendants qui lui devaient des explications, il incendia ses serviteurs et gardes qui n'auraient pas pu empêcher qu'on le massacre une dizaine de fois au moins... Sa raison, son bon sens et sa capacité d'écoute étaient revenus, mais son caractère n'avait pas changé. Les serviteurs et gardes, à tout le moins, furent rassurés.

Il ne fut pas facile à convaincre de ce qui s'était réellement passé, mais le contact avec l'amulette familiale, redevenu neutre, l'ébranla. Le cuisinier qui noyait son chagrin dans le même vin fut convoqué et guéri, et devant l'accès de paranoïa qui le prit et son changement après sa guérison, le seigneur n'eut plus aucun doute. Il n'oublia pas ses devoirs d'hôte, néanmoins : percevant la fatigue de certains, il ordonna à ses serviteurs de fournir des chambres à toute l'équipe, y compris aux "serviteurs" qu'étaient Vif, Drilun et Geralt. Tous furent bientôt occupés à regagner leurs forces dans un lit moelleux, tandis que Ferenariel et Barfindil, eux, passaient une nuit blanche à expliquer tout ce qui s'était passé et à préparer des choses pour le lendemain.

Le seigneur de Tarmabar restait un hôte exigeant : ses invités ne purent dormir trop longtemps, et ils furent vite réveillés alors que la matinée n'était pas trop avancée. En effet, ils étaient conviés à... un bain. Sans doute la manière délicate de Finralin de leur faire comprendre qu'ils en avaient besoin. Mais les aventuriers devinèrent qu'ils n'étaient pas les plus à plaindre : en plus des yeux fatigués de Ferenariel et Barfindil, ils virent que les serviteurs n'avaient pas chômé. En effet, des habits propres et neufs à leur taille leur étaient fournis pour la journée à Tarmabar...

Le seigneur Tarma les accueillit tous à sa table pour le repas du midi. Il leur montra beaucoup de respect, sans pour autant cacher les divergences qui l'empêchaient de partager une réelle amitié : les terres de la Comté qu'il convoitait et que Narmegil et ses amis avaient mis au-delà de sa portée, par exemple. Malgré cela, il montra de la reconnaissance pour les soins apportés à sa famille qui n'avait pas su éviter le piège tendu par Angmar. Narmegil et ses amis récupérèrent l'ensemble des chevaux volés par des bandits dunéens, plus trois autres - de bonne qualité - en cadeau, et une bourse de dix pièces d'or pour chacun.

Plus encore, lors d'une petite cérémonie publique, il confirma à l'ensemble du personnel du château et d'une partie du village proche que Narmegil, ses proches et ses amis, étaient bien les amis des Tarmas. Et comme preuve du lien qui les unissait, il leur remettait l'amulette familiale que tous connaissaient de vue. Cette amulette magique portait les armes de la famille, et son porteur et tous ceux qui l'accompagnaient devaient être traités comme s'ils faisaient partie de la famille Tarma. En privé, Finralin assura à ses invités qu'il essaierait de corriger tout le mal qui avait été fait par sa famille aux Eldanar et à ses serviteurs ou amis. Mais il avoua, en regardant tout particulièrement Drilun, que les ragots ne s'éteignaient pas toujours facilement.

8 - Retour à Bar Edhelas
Narmegil et ses amis repartirent dès le lendemain. D'une part, ils avaient hâte d'être revenus chez eux, et Isis tout particulièrement ; d'autre part, malgré tout le respect mutuel qu'ils tenaient les uns pour les autres, Tarmas et aventuriers n'étaient pas franchement à l'aise en compagnie les uns des autres. Sans parler de la honte des Tarmas pour ce qu'ils avaient fait, ou à l'idée que des jeunots inexpérimentés aient réussi là où eux-mêmes avaient échoué. L'éloignement et le bon voisinage étaient à l'ordre du jour, ni plus ni moins.

Aidés par des serviteurs divers pour s'occuper des chevaux qu'ils ramenaient ou d'eux-mêmes, le groupe fit un agréable voyage. Helvorn, cousin de Narmegil et gérant du manoir en son absence, fut enchanté de les retrouver tous, sans parler de l'émerveillement à la découverte de Míriel. Les hobbits furent eux aussi ravis de retrouver leur petit seigneur et sa famille, mais leurs sentiments étaient d'une toute autre nature face aux serviteurs des Tarmas, ou au Dunéen de l'équipe. Il fallait vite mettre les choses au point, tant pour éviter des incidents possibles que pour que Drilun ne soit plus considéré comme un bandit.

L'intéressé prit l'initiative de lui-même, en donnant sa bourse d'or, remise par les Tarmas, aux hobbits dont les familles avaient souffert, afin qu'ils soient eux aussi dédommagés pour leurs malheurs. Modeste et grand conciliateur, néanmoins, il dit que l'initiative venait des Tarmas... Et le soir même, à l'auberge Plaquebois, Sîralassë dépensa une partie de son argent pour narrer leurs aventures en offrant mets et boissons à la cantonade. Le Dunéen en profita pour expliquer aux hobbits présents qu'il n'était pour rien dans le vol de chevaux et les morts que les bandits avaient causés. Ce qui fut appuyé dès le lendemain par une annonce officielle de Narmegil avec tout ce qu'il fallait pour attirer les semi-hommes, à savoir un banquet et une période de liesse.

Ainsi, avec des allures de vacances et de fêtes, nos amis se posèrent un peu et goûtèrent au repos du voyageur doublé de la satisfaction du devoir accompli. Sans parler de la découverte du métier de parent. La fatigue fut bien vite oubliée, et devant les nombreux signes positifs de reconnaissance tant humains que hobbits, le moral monta en flèche. Angmar avait été mis en échec, un coup d'État et une grande menace pour l'Arthedain avaient été évités, et l'avenir montra que les Tarmas respectaient désormais leurs voisins et même les semi-hommes de la Comté - bien qu'avec froideur et distance.

Mais certains ne goûtaient pas complètement à ces vacances voire se faisaient du souci. Drilun aurait bien voulu d'un voyage à Imladris pour apprendre auprès des forgerons elfiques, appuyé par Sîralassë pour des raisons similaires. Vif, lassée de la ville, projeta de se construire une cabane pour elle-même dans un arbre de la forêt proche. Mais surtout, Geralt voyait ses responsabilités le rattraper. En effet, Helvorn avait reçu un message pour lui de la part d'Eskel, qui lui demandait de vite revenir à la tête des assassins de Tharbad pour traiter une affaire importante, qu'il ne détaillait aucunement. Par ailleurs, le groupe allait bientôt recevoir une importante visite au cours de l'été...
Modifié en dernier par Niemal le 03 septembre 2012, 14:51, modifié 7 fois.
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Warlord - 1ère partie : Geralt, chef des assassins

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1 - Départ
L'urgence que Geralt ressentait dans le message d'Eskel le poussa à prendre sa décision : son second avait besoin de lui pour traiter une affaire importante pour les assassins de la guilde des voleurs de Tharbad. Il se rappelait encore la conversation qu'il avait eue avec Niemal au sujet des responsabilités de chacun : il ne servait à rien de les fuir, il fallait y faire face, et le plus tôt était le mieux. Il donna des consignes et en particulier un message à faire passer à Niemal si possible, réclamant son aide à Tharbad, et il prépara ses affaires. Le surlendemain de leur retour à Bar Edhelas, il quitta le manoir discrètement, avant même le lever du soleil, avec son poney. Direction : Tharbad, via Bree et Metraith.

Une fois sorti du village, il poussa sa monture au galop. Mais à la limite des territoires contrôlés par Narmegil, il tomba sur trois de ses gardes qui patrouillaient la route à l'endroit où elle s'enfonçait dans la forêt. Devant l'air pressé et louche de ce cavalier de l'aube couvert de noir et encapuchonné, les hommes prirent les armes et l'interpellèrent, bloquant le passage. L'assassin aurait préféré un départ plus discret, mais il ne pouvait reprocher aux gardes de faire leur boulot. Il enleva son capuchon et se fit reconnaître, et les hommes s'excusèrent et le laissèrent passer en lui souhaitant bon voyage. C'était sûr, avant le soir, tout le monde discuterait de son départ : le capitaine des gardes de Narmegil, ce flemmard qui ne se levait jamais avant midi, partir avant l'aube ? Ça devait être rudement important !

Malgré le soleil et la chaleur, Geralt mena sa monture à bon train toute la (longue) journée. Après avoir traversé la forêt, il arriva à la Grande Route de l'Est et traversa la vallée de l'Eau jusqu'au Pont des Arbalètes, frontière de la Comté. Ensuite il laissa la Vieille Forêt puis les Galgals sur sa droite, au sud, et arriva enfin à Bree en fin de journée. Dans la salle commune, les deux-trois individus louches repérés l'incitèrent à ne pas céder à son penchant pour les grasses matinées, et il repartit très tôt le lendemain matin.

Prenant la Vieille Route du Sud en direction de Tharbad, il obliqua vite vers l'est pour rejoindre Minas Malloth, demeure du baron des Tyrn Gorthad. Pelendur les avait aidés par le passé, et il comptait lui demander conseil voire de l'aide. Une fois arrivé, les gardes du noble Dúnadan prévinrent leur maître, qu'il put rencontrer peu après. Tout d'abord, il prit des nouvelles du convoi d'or qu'il avait fait amener à la guilde par des gardes de Pelendur : tout s'était-il bien passé ? Car si l'or n'était pas arrivé à destination, Geralt courait au suicide ! Mais il fut rassuré par son interlocuteur, qui lui dit qu'il n'y avait eu aucun problème de vraiment notable.

Mis en confiance par la grande noblesse d'âme de son interlocuteur, il lui dévoila l'objet de sa mission : reprendre en mains le groupe des assassins de la guilde des voleurs de Tharbad. Comment faire le bien à la tête d'un pareil ramassis de hors-la-loi ? Quoiqu'il fût difficile de parler de hors-la-loi à Tharbad, où les principales lois qui prévalaient étaient celles du plus fort et de l'argent... Comment diriger ces assassins, comment concilier la paix et la sécurité des peuples libres en dirigeant la lie de la société du Cardolan ? Comment traiter cette histoire de "contrat", qui visait sans doute quelqu'un d'important ?

Le grand Dúnadan sourit et demanda son avis à haute voix à quelqu'un d'invisible. Une porte du petit salon privé s'ouvrit alors : quelqu'un avait écouté leur conversation, malgré la demande d'isolement de l'homme aux cheveux blancs ! Il s'agissait de Pelenwen, sœur jumelle de Pelendur, qui félicita Geralt pour sa motivation et son courage. Ce dernier fut rassuré en la reconnaissant et réconforté par ses paroles, et la conversation se poursuivit à trois. Malgré ses origines et son passé troubles, Geralt ne sentait pas de distance avec ses hôtes, et même de l'encouragement.

2 - Premières nouvelles et perspectives
Pelenwen expliqua qu'elle était récemment revenue de Tharbad, et qu'elle n'allait pas y retourner avant plusieurs semaines. Le magicien Mithrandir et le soigneur elfe Niemal étaient récemment passés par ici en direction d'Imladris, et ils comptaient revenir ensuite pour continuer, avec eux, jusqu'à Bar Edhelas. L'occasion d'aller voir Míriel, ses parents, et leurs amis. Mais cela voulait dire que le soigneur elfe ne risquait pas de se trouver à Tharbad pour aider l'assassin. Il laissa néanmoins un message, au cas où. Puis il écouta avec attention les paroles de Pelendur qui réagissait au "contrat" qu'Eskel avait évoqué à Geralt dans son court message.

En effet, l'homme aux cheveux blancs apprit que le Cardolan était le siège d'une intense activité diplomatique ces derniers temps : le prince Hallas de Dol Tinarë, dont les aventuriers avaient déjà goûté le caractère avare et égoïste à leur voyage vers Tharbad, recherchait des alliés pour une aventure militaire de taille. Il s'agissait de l'élimination d'Ardagor, connu aussi sous le surnom de Seigneur de Guerre. Arrivé pendant la Peste - venu d'Angmar d'après certaines sources - à la tête d'une troupe de trolls et d'hommes, il avait envahi des collines du centre du Cardolan, collines infestées d'orcs. Les prenant sous sa coupe, il avait peu à peu conquis les terres avoisinantes et s'était taillé un domaine comparable, bien que plus petit, à celui des princes et barons. Les humains étaient tenus en servage voire esclavage et travaillaient pour lui, et des compagnies de mercenaires étaient payées pour garder le domaine et ses habitants, en plus des trolls voire des orcs.

A une question de Geralt, Pelendur répondit qu'il voyait effectivement un lien possible entre ce "contrat" et cette campagne militaire en cours de préparation. En effet, Hallas pourrait très bien être l'objet du contrat. Mais le donneur d'ordre n'était pas forcément le Seigneur de Guerre, même si cela correspondait à son style. A la lueur de colère qui traversa les yeux du Dúnadan, Geralt compris que Pelendur pensait que d'autres personnes en étaient sûrement capables, dont au moins une pour laquelle il ne portait aucun amour, voire même peut-être une haine féroce...

Devant ces nouvelles, Geralt hésita et demanda s'il pouvait rester jusqu'au lendemain. Ses hôtes accueillirent sa demande avec joie et passèrent l'essentiel de la journée à discuter avec lui des événements passés et présents et des choix à faire. Après avoir hésité à revenir à Bar Edhelas, l'assassin choisit de poursuivre sur Tharbad. Mais il se rendit compte également qu'une vaste zone désertée l'attendait et qu'il n'avait même pas prévu de tente, sans parler de sa difficulté à veiller. Ses hôtes le rassurèrent et lui fournirent tout ce dont il avait besoin, et leur sollicitude le toucha.

Ils firent même plus : le lendemain matin, Geralt découvrit qu'ils seraient trois à partir. Ses hôtes avaient demandé à deux gardes plutôt âgés de l'accompagner jusqu'à Tharbad. Devant son regard gêné, Pelendur expliqua à son invité que ses hommes avaient de toute manière des choses à faire et des ordres et affaires à donner aux gardes et serviteurs restés là-bas pour tenir la maison. Geralt repartit donc avec le cœur bien plus léger que son aversion pour les efforts et les responsabilités n'aurait laissé supposer.

3 - Premiers contacts
Le trajet vers Tharbad se déroula sans incident, au trot voire au galop. Le trio ne rencontra que des ruines le premier jour, et Geralt put dormir sous une tente tandis que ses deux compagnons se relayaient pour monter la garde. Le second jour vit davantage de présence humaine, et la ville de Metraith, capitale de la principauté de Dol Tinarë, fut franchie. Le vieux seigneur Hallas devait demeurer à Thalion, le château qui jouxtait la ville. Une taxe fut payée par l'assassin, trop élevée à son goût, puis la route fut poursuivie. Le lendemain enfin, la ville de Tharbad fut atteinte. La chaleur de l'été rappela à Geralt l'odeur de la ville : puanteur des ateliers de traitement du cuir et des nombreuses immondices jetées dans le fleuve ou un peu partout en ville.

Après avoir payé une nouvelle taxe et avoir laissé son poney à une écurie près de la grande porte nord, l'assassin décida de répondre favorablement à l'invitation des deux gardes : il irait loger dans la maison du baron, sur l'île de la cité. Il y déposa ses affaires et repartit en ville pour aller voir Dirhavel l'alchimiste dans le quartier rive sud. Ayant remarqué les regards qu'il avait attirés en arrivant - certains l'avaient reconnu voire salué de loin pour certains - il quitta la maison en catimini et en prenant bien soin de ne se faire ni suivre ni reconnaître. Mais il était assez doué pour cela et pensa avoir réussi à arriver incognito.

L'herboriste dúnadan fut content de le revoir, et fut intéressé par les nouvelles qu'il apportait. Il avait effectivement entendu parler d'une campagne militaire en préparation contre Ardagor, mais le "contrat" était un élément nouveau. Geralt venait le voir pour pouvoir profiter de l'aide éventuelle de Silmarien, qui leur avait déjà rendu service lors du précédent passage des aventuriers dans la ville. Il expliqua qu'il allait avoir à traiter avec les assassins et que les risques étaient loin d'être nuls. Dirhavel l'assura que son amie ne serait sans doute pas loin. Puis, après réflexion, l'homme aux cheveux blancs décida d'aller se reposer. Le lendemain serait une rude journée.

Il passa une nuit tranquille, même si certaines personnes semblaient surveiller la maison. Un petit mot d'Eskel apporté à la maison de ses hôtes lui apprit qu'il se réjouissait de son arrivée et l'invitait à venir le voir pour causer. Prenant son courage à deux mains, il prit tout son matériel, et en particulier son armure en peau de dragon, assez terrifiante à voir. Il sortit et se dirigea d'un pas franc en direction du quartier des voleurs, la tête haute et l'air décidé, en montrant bien tout son équipement. Devant cet homme si intimidant, même les mendiants n'osaient l'approcher et la foule s'ouvrait devant lui toute seule. Aux fortifications du quartier des voleurs, il fut tout de suite reconnu et un voleur fila vers le château et quartier général, tandis que les autres le laissaient passer.

Il entra sans mal dans le château fortifié en partie en ruines et on le conduisit jusqu'aux quartiers du chef des assassins, occupés par Eskel. Son second l'accueillit avec joie et lui fit un rapide résumé de la situation : son absence avait entraîné un relâchement des assassins qui prenaient beaucoup de libertés vis-à-vis du fonctionnement de la guilde. Du travail moins bien fait, de l'argent qui ne rentrait pas, des rumeurs à son égard... Le principal opposant à Geralt était un "petit chef" - une espèce de lieutenant qui commandait entre une demi-douzaine et une douzaine d'hommes - qui s'appelait Breog, quelqu'un de très rapide. Récemment, il avait eu des contacts mystérieux et on lui avait remis en au moins une occasion un paquet...

Par ailleurs, le contrat d'assassinat pour lequel Eskel avait demandé l'aide de son chef portait sur nul autre que le prince Hallas de Dol Tinarë. Un contrat difficile mais sans doute faisable, d'autant qu'il y avait un homme à eux là-bas. Et le donneur d'ordre n'était pas connu. Devant la remarque de Geralt concernant une campagne militaire menée par Hallas, Eskel répondit qu'il avait vaguement entendu parler de cela mais qu'il n'était pas très au courant de la politique. En revanche, cela lui semblait possible qu'il y ait un lien, et cela était sans doute probable, même.

4 - Refroidissement
Geralt décida de reprendre en mains les assassins au cours d'une réunion le soir même : il ordonna à Eskel de rameuter tous les assassins possibles pour pouvoir leur parler au château une fois la nuit tombée. Concernant le "contrat", il temporisa. Il n'était pas d'accord pour l'accepter, mais il devait réfléchir à la manière de présenter les choses et se renseigner plus sur le commanditaire. Après avoir réglé d'autres détails avec Eskel et s'être mieux imprégné du quotidien de ses hommes, il quitta Eskel et demanda à voir le maître de la guilde, dont les quartiers étaient un étage plus haut.

Ce dernier l'accueillit sans le faire attendre, et demanda à ce qu'on ne les dérange pas. Puis il prit la parole, qu'il garda un moment : avec un certain paternalisme, il démolit les certitudes de Geralt et la confiance qu'il pouvait avoir en lui. Il pointa l'inexpérience du maître assassin, son manque de professionnalisme dans la tenue de ses troupes, et ses idéaux en contradiction flagrante avec le concret de la guilde et la réalité de la politique. Sans parler d'enfoncer le clou en rappelant l'amour de Geralt pour le confort et la tranquillité...

Ce discours ne manquait pas d'une certaine franchise ; calculée ou réelle, l'homme aux cheveux blancs n'aurait su le dire. Ainsi, le maître apprit à Geralt que suite à des aménagements effectués par un de ses prédécesseurs, il avait pu suivre toute la conversation entre Eskel et Geralt. Mais surtout, il abattit sans vergogne certaines des certitudes de Geralt sur un certain ordre des valeurs : le mal était bien plus près qu'il ne le pensait et prenait souvent la forme de Dúnedain du Cardolan, dont certains se voyaient bien comme roi du Cardolan voire d'Arthedain... Angmar n'aurait jamais pu avoir autant de succès s'il n'avait pas eu à sa disposition un terreau si fertile dans lequel planter des graines de conflit, de chaos et de guerre...

Ainsi, le contrat annoncé par Eskel. Ce dernier n'avait pas tout dit, peut-être parce qu'il se méfiait des murs du château, et avec raison. D'une part, il y avait en fait deux contrats sur Hallas, et l'un d'eux était parfaitement connu : nul autre que Faradil Tielagal, le petit-fils de Hallas ! Il n'en était pas à son coup d'essai d'ailleurs, ayant déjà essayé de tuer son oncle Celedur, héritier de la principauté avant lui. C'est pour cela qu'il habitait Tharbad et ne mettait jamais les pieds à Dol Tinarë - il n'en ressortirait pas vivant. D'ailleurs, le contrat semblait englober l'oncle en question. D'autre part, le contrat était appuyé par une autre personne, non identifiée celle-là, qui avait augmenté la prime en cas de succès. Faradil voyait certainement d'un mauvais œil son grand-père dilapider le trésor de la maison dans une campagne militaire à l'issue incertaine... et son oncle Celedur aussi, sans doute. Mais ils n'étaient pas les seuls à envisager la mort du vieil homme.

Et le maître de continuer sur la désorganisation des assassins, dont l'un d'eux, Breog, avait des appuis internes comme externes et sans doute la ferme idée de remplacer Geralt au cours d'un duel, le soir même. Tandis que Geralt sentait une sueur glacée lui couler dans le dos, le maître lui dit qu'il avait quand même parié sur lui, Geralt : d'une part, il le manipulait facilement, il lui était utile ; et d'autre part, le maître croyait assez en la capacité des amis du chef des assassins pour le protéger à distance. Mais Geralt n'en était pas si sûr que ça... Le maître enfonça encore le couteau dans la plaie en montrant que les assassins ne pouvaient être tenus avec Geralt à leur tête, et la guilde fonctionner dans son ensemble, qu'en ramenant de l'argent et des appuis. Libre à Geralt de refuser un contrat, même si bien payé. Mais il fallait qu'il en trouve d'autres...

Après avoir asséné quelques dernières vérités à un homme aux cheveux blancs qui avait du mal à répondre quoi que ce fût, le maître le laissa digérer un peu. Geralt finit par gloser d'une voix un peu moqueuse sur les grands talents d'orateur du maître et ses illusions concernant l'impact réel d'Angmar et la nature d'Ardagor. Il finit par le quitter après lui avoir proposé de faire rentrer de l'argent autrement, d'autant que c'était le seul objectif de la guilde et du maître : l'enrichissement. Mais il ne parvenait pas à oublier le sourire de ce dernier lorsqu'il lui souhaita bonne chance pour le soir...

5 - Renseignements et préparatifs
L'assassin en chef retourna voir Eskel et lui demanda qu'il les emmène dans une de ses planques pour pouvoir discuter tranquillement. Là-bas, il l'informa de sa discussion avec le maître et de la quasi-certitude d'un duel le soir avec Breog, duel sûrement doublé de coups fourrés divers. Malheureusement, Eskel lui confirma qu'il ne pourrait sans doute pas faire grand-chose faute d'assez d'assassins vraiment fiables sous ses ordres : il pouvait compter sur une dizaine d'entre eux, alors qu'il pensait qu'ils étaient deux fois plus nombreux à souhaiter un changement de chef. Les autres se rangeraient du côté du vainqueur.

Côté contrat sur la tête de Hallas, Eskel lui apporta des précisions, car il ne lui avait pas tout dit en effet. Le contact qui avait parlé le premier du contrat proposait en fait 300 pièces d'or (PO) pour la tête du vieux prince. Mais le contrat était deux fois double : une fois Hallas supprimé, et seulement s'il était supprimé, 300 PO supplémentaires étaient donnés pour Celedur, cinquième et dernier fils survivant de Hallas, et son héritier. A côté de ça, un autre contact avait eu lieu avec une personne mystérieuse qui avait offert d'appuyer de 200 PO supplémentaires chaque contrat. Autrement dit, la mort de Hallas rapporterait 500 PO - et il était question d'une avance - et celle de Celedur autant, dans la mesure où son père était éliminé d'abord.

Eskel expliqua aussi à Geralt que le maître de la guilde concentrait toutes les informations et que les principaux espions n'étaient pas chez les assassins mais chez les voleurs. Les premiers étaient les muscles des seconds quand il le fallait, et les seconds avaient bien plus développé le commerce des renseignements et du chantage que les premiers. Le maître avait ainsi pu filer et reconnaître l'origine du contrat de départ. Que ce soit le petit-fils de Hallas paraissait tout à fait plausible aux yeux d'Eskel, qui connaissait assez les frasques de la famille pour faire moins confiance à Faradil qu'à Breog...

Après quelques derniers échanges et directives en vue de la soirée, Geralt décida de se reposer un peu. Puis il retourna discrètement voir Dirhavel, dans l'après-midi, et rapporta ses échanges au sein de la guilde. L'herboriste confirma certaines choses concernant Faradil, et il lui garantit que Silmarien veillerait autant que possible sur lui et les assassins. Il lui proposa également de venir le trouver le soir, une heure environ avant sa réunion, pour un petit cadeau qui pourrait lui être utile. Ne voyant rien à faire d'utile à sa portée, l'après-midi traîna en longueur pour Geralt, qui retrouva enfin l'alchimiste.

Ce dernier, qui fermait boutique, l'emmena à l'intérieur. Il prépara des graines, les écrasant d'abord avec mortier et pilon avant de les faire infuser : c'était de la bonneherbe, qui, une fois bue, donna à Geralt plein d'énergie et de confiance en lui. Ayant récupéré ses affaires et plus menaçant que jamais, il se dirigea d'un pas royal et qui ne souffrait aucune obstruction, en direction de la guilde. Là encore, tous s'écartèrent devant lui. Il arriva au château, dans une salle du rez-de-chaussée où les assassins s'étaient assemblés. Après un moment et quelques derniers arrivants, les portes furent fermées. Mais il avait déjà pu remarquer certaines choses et prendre quelques précautions.

6 - Duel dans le noir
Tout d'abord, Eskel l'avait aidé à repérer Breog et ses hommes. L'assassin qui allait probablement le défier paraissait très confiant, trop même... Il portait - accoutrement inhabituel - une cotte de mailles sous ses vêtements. Mais surtout, l'homme aux cheveux blancs avait pu distinguer comme un reflet particulier, humide, dans ses yeux. Cela, plus le fait que les hommes de Breog étaient disséminés un peu partout et en particulier près des sources de lumière, entraîna un déclic : son adversaire avait pris du trèfle de lune et il avait sûrement donné l'ordre de tout éteindre au début du combat. Geralt mit Eskel au courant et se dépêcha de mettre lui aussi du trèfle de lune dans ses yeux - son second, nyctalope, n'en avait pas besoin - tout en s'étonnant de ne pas voir Lambert, toujours pas revenu.

Parmi les différents assassins qu'Eskel avait nommés, Geralt avait aussi remarqué que l'un d'eux avait quelque chose de particulier, une démarche ou une manière de se tenir différente et de tout observer... Et il restait à part et ne se mêlait pas aux autres, et son regard était particulier. Le nom de Silmarien lui vint à l'esprit, ce qui le stimula un peu plus. Tandis que son second allumait une lanterne dans son coin, et regrettant toujours l'absence de son ami Lambert, il demanda le silence et commença à parler aux assassins d'une voix ferme et autoritaire, en affichant bien son armure menaçante.

Cela ne dura pas longtemps. Très rapidement, l'assassin Breog s'opposa à lui et contesta ses décisions et son autorité. Devant la menace du recours ultime - le duel d'assassins - l'homme ne flancha pas mais saisit la balle au bond : il demanda le règlement immédiat de leur différend, il voulait prendre la place de Geralt et il aurait sa tête. Tous deux s'écartèrent alors pour se préparer, mais même de loin, Geralt vit clairement ce qu'il faisait : il enduisait sa lame de poison, il prenait quelque chose dans la main gauche, et il mangeait une noix avant de prendre son arme. Puis, s'avançant dans le cercle avec des gestes de plus en plus vifs, il annonça qu'il était prêt. Il avait sans doute mangé une noix de l'écureuil, et il était à présent certainement plus rapide que Geralt.

Comme prévu, lorsque le départ fut donné, les hommes ou alliés de Breog éteignirent toutes les sources de lumière, y compris la lanterne d'Eskel, qu'il ne put garder longtemps allumée. Des protestations s'élevèrent parmi les assassins, mais certains hurlèrent que l'obscurité était la même pour tous, et ils tentèrent de suivre par le bruit le ballet des lames qui volaient avec la plus extrême des rapidités. Mais elles furent précédées par un vif mouvement de la main de Breog en direction du visage de Geralt. Il faillit recevoir une poudre dans les yeux mais l'évita au tout dernier moment, arrivant juste à sentir quelque chose de très piquant. Puis il subit deux premières attaques de l'assassin en face de lui.

Les deux duellistes étaient très bons, et, sur la défensive, aucun ne pouvait toucher l'autre. D'autant que Breog avait montré plus ouvertement sa nouvelle armure, qui semblait de très bonne qualité, comme son chef put bientôt en juger. Chacun prenant parfois des risques, ils arrivaient à se toucher très légèrement mais sans faire de réelle blessure, sauf une fois, où Geralt perça la défense de son adversaire pour lui occasionner une blessure plus que minime. Néanmoins, il se sentait en difficulté. Et puis, tout d'un coup, Breog se mit à luire très faiblement mais assez pour permettre de mieux distinguer ses mouvements dans l'obscurité, ce qui aida bien son chef. Dans la salle, un murmure montra que les assassins avaient remarqué la chose, mais pas Breog.

Par contre, vers le début du duel, il fit une attaque foudroyante que Geralt ne put parer. Ou du moins Breog essaya de porter cette attaque éclair. Car son casque lui tomba sur les yeux à ce moment précis : il perdit l'occasion de porter un coup mortel pour relever son couvre-chef avec un juron. Il semblait pourtant bien attaché... Cela arriva une nouvelle fois ensuite, et, un peu plus tard, alors que le combat s'éternisait, un bout de bois vint rouler juste sous le pied de Breog, comme s'il bougeait tout seul. L'homme fut déséquilibré et arriva de justesse à ne pas tomber, mais ce fut l'ouverture que Geralt attendait : profitant de l'occasion, il porta un terrible coup qui fit voler la tête de son adversaire loin de son corps.

7 - Soupçons
Les lumières furent rallumées pour que tous contemplent vainqueur et vaincu, et les hourras commencèrent à l'élever, petit à petit plus nombreux. Brusquement, les assassins venaient de comprendre qui était leur véritable chef, et même ceux qui n'étaient pas très motivés se mirent à filer doux. Mais pas les hommes de Breog, qui voulaient s'éclipser mais furent amenés devant Geralt. Il demanda où était son ami Lambert, et devant les regards gênés de cinq des assassins qui se tenaient devant lui, il comprit, et Eskel également, dont la main blanchit sur la poignée de son épée. Alors Geralt prit une des lames empoisonnées de Balt, qu'il portait sur lui, et d'un geste vif il taillada le bras d'un des hommes. Celui-ci se mit à hurler de douleur, tandis que le chef des assassins leur ordonnait d'aller aux maisons de guérison. Arrivé, porté par ses compagnons, à la limite du quartier des voleurs, l'homme ne bougeait déjà plus. Arrivé au pont, il était mort. Mais ses collègues se souviendraient longtemps de ses cris.

Geralt se rendit compte par la suite que le maître de la guilde avait gagné pas mal d'argent ce soir-là, ainsi que d'autres - peu d'assassins ou voleurs avaient parié sur l'homme aux cheveux blancs. Mais l'exemple avait porté ses fruits, et Geralt, après ce duel, n'eut plus de problème d'autorité : les assassins furent vite disciplinés et obéissants, et l'argent se mit à rentrer d'un coup les jours qui suivirent... Le maître de la guilde, après avoir félicité son collègue, lui apprit également quelques petites choses concernant les contrats sur la tête de Hallas. Le contact de Faradil avec la guilde, un serviteur originaire du coin, mais aussi d'autres intermédiaires.

Il y avait au moins deux personnes qui gravitaient autour de cette affaire. La première était connue, il s'agissait de Goldang, un marchand qui faisait le commerce d'herbes de toutes sortes - y compris drogues et poisons - avec le Rhudaur. En fait, c'était à présent la seule source à Tharbad de Tue-l'Esprit, cette drogue qui affaiblissait la volonté et les capacités intellectuelles. Auparavant, Vesemir, père adoptif de Geralt et maître des herbes et poisons à la guilde, savait en récolter et en préparer, mais il avait disparu au printemps lors d'un voyage dans le Rhudaur, et personne ne savait ce qu'il était devenu.

Le maître apprit ainsi à Geralt que le marchand Gilluin, dont il avait entendu dire qu'il avait fourni du Tue-l'Esprit en Arthedain, n'était jamais passé par la guilde des voleurs et n'avait pu se fournir qu'auprès de Goldang. Mais ce dernier avait eu également un autre rôle : c'est lui qui avait fourni la cotte de mailles à Breog - cotte que Geralt avait donnée à Eskel, avec le reste de ses affaires. C'était une veste de mailles exceptionnelle, légère et très résistante, que seuls les nains de la Moria ou les forgerons d'Arthedain - voire les elfes - pouvaient fabriquer. Elle lui avait été cédée pour la modique somme de 100 PO, d'après les compagnons de Breog (qui s'en était vanté), ce qui était vraiment un prix d'ami pour une pareille armure...

Mais il y avait aussi une (au moins) autre personne, mystérieuse, qui avait contacté Breog auparavant et d'autres assassins. Pour pousser Breog à défier Geralt d'une part, mais aussi pour annoncer qu'elle apporterait un bonus à la prime sur les contrats de la famille Tinarë - Hallas et Celedur. Cette personne n'avait pu être identifiée ou suivie en aucune occasion, et les rapports divergeaient sur son apparence, bien que similaire - peut-être y avait-il plus d'une personne en fait. Concernant l'avance qu'elle avait promise pour le contrat sur la tête de Hallas, personne ne savait comment la contacter. Apparemment, c'était cette mystérieuse personne qui recontacterait elle-même la guilde.

8 - Enquête
Geralt devait savoir qui était derrière ces contrats et toute cette affaire. La piste de Faradil Tielagal laissait peu d'espoir : l'homme était méfiant et bien gardé, il recevait uniquement chez lui et ne sortait quasiment jamais, ou bien gardé et de jour. Seul son serviteur était parfois envoyé à la guilde, de nuit. Geralt envisagea d'aller le voir et d'essayer de le tromper, mais Eskel ou Dirhavel entamèrent sa motivation : il pourrait facilement nier, et quelle preuve en retirer, pour quel risque ? Éventuellement, il devait être possible de demander des détails ou autres par le biais de son serviteur, mais le chef des assassins manquait d'idées.

Quant à l'homme mystérieux qui avait augmenté la prime du prince de Dol Tinarë et de son héritier, impossible de le retrouver. Geralt répandit tout de même la nouvelle de ce contrat auprès des petits chefs des assassins - beaucoup n'en avaient jamais entendu parler - en ajoutant qu'il avait été accepté et que l'avance et des précisons étaient attendues. Il eut des retours comme quoi la nouvelle allait sans doute finir par se savoir dans tout Tharbad voire le Cardolan, et il eut des regrets, mais la chose était faite.

Enfin, seule piste un peu fiable, il se renseigna sur le marchand Goldang. Se faisant passer pour un marchand lui-même - il dut acheter un écusson de la guilde pour éviter de se faire agresser par bandits et mendiants - il obtint quelques informations auprès de la guilde des marchands. Dirhavel lui-même avait parlé de rumeurs comme quoi l'homme venait du Gondor où il avait fui quelque chose ou quelqu'un. Pour remonter la piste et aller voir divers clients du Goldang en question, il graissa les pattes d'un ou deux marchands (et du maître de la guilde) jusqu'à trouver quelqu'un qui avait l'information qu'il recherchait, que Goldang avait laissé échapper un soir où il avait trop bu : il avait fait une erreur d'herbes auprès d'un riche client, et la personne avait mis sa tête à prix dans le sud...

Par ailleurs, le Goldang en question devait probablement bientôt repasser par Tharbad, car il était parti voilà un moment déjà pour le Rhudaur, et il revenait régulièrement. Geralt donna des ordres pour être prévenu dès que l'homme serait revenu et identifié, car il comptait bien l'interroger. Néanmoins, d'après ce que ses contacts - dont Dirhavel - lui avaient rapporté, il faisait plus penser à un intermédiaire qu'à un décideur. C'était un marchand pas trop scrupuleux - il traitait de tout avec tous - mais il était relativement honnête et ne semblait pas particulièrement fortuné. Il dépensait rapidement ses gains en petits plaisirs divers, et n'avait la plupart du temps pas de quoi se payer des gardes pour l'escorter.

Mais cela rendait encore plus mystérieuse l'origine du Tue-l'Esprit et surtout de la cotte de mailles qu'il avait refilée à Breog. Et d'après ce qu'il avait apprit, Goldang n'avait pas utilisé cent pièces d'or en plaisirs divers, ni investi cette vaste somme en quelque chose de profitable, à la manière du maître de la guilde des voleurs. Ce dernier avait en effet utilisé une bonne partie de l'or amené par les gardes de Pelendur, à la demande de Geralt, pour lancer une grosse affaire de culture et de préparation (et ensuite, de vente) de drogue.

9 - Entretien à la pointe d'une dague
Ce fut donc l'attente, mais elle ne dura pas longtemps. En effet, deux jours plus tard, le marchand Goldang fut repéré qui revenait du Rhudaur avec son poney, et il paraissait chargé d'herbes. Après avoir laissé sa monture à l'une des écuries, il commença à faire le tour des herboristes de la ville, de jour, sans se rendre au quartier des voleurs. Geralt, une fois prévenu, entraîna avec lui Eskel ainsi qu'un assassin un peu plus doué que les autres pour jouer la comédie. Il le déguisa en marchand et ils se postèrent non loin de chez Dirhavel, chez qui Goldang faisait toujours un tour.

Ce qui arriva. Geralt envoya alors son assassin avec pour ordre de marchander avec lui et de l'amener à l'écart. Mais Goldang voulait rester dans des endroits fréquentés, et il proposa plutôt une taverne proche. Un peu pris de court, l'assassin grimé en marchand ne comprit pas les gestes que Geralt lui faisait de loin, et la conversation prit fin, le marchand s'éloignant. En fait, méfiant, il se dépêcha de filer tandis que le chef des assassins donnait de nouveaux ordres à ses subalternes : il allait s'occuper de la chose lui-même.

L'assassin aux cheveux blancs, dans une tenue discrète, finit par repérer le marchand et par le suivre le long de son périple, jusqu'à une auberge où il prit une chambre. Après un moment l'homme finit par descendre manger, avant de remonter. Patient, Geralt attendit encore jusqu'à ce qu'enfin l'homme, sous une apparence différente et plus discrète, sorte de l'auberge et se dirige vers le quartier des voleurs à la nuit tombée. Geralt le suivit sans problème, et, une fois à l'intérieur du quartier, il s'arrangea pour le coincer discrètement dans un coin. Un geste rapide et l'homme sentit la pointe d'une dague sur sa pomme d'Adam. Tout de suite disposé à coopérer, il se laissa emmener dans un coin plus discret pour discuter.

Geralt le baratina avec une histoire de client du sud qui avait mis 50 PO sur sa tête, ce qui fit trembler l'homme. Il reprit un peu espoir quand l'assassin lui dit qu'il pourrait sauver sa tête en échange de quelques renseignements, que l'homme s'empressa de donner, et il ne semblait pas mentir. Manifestement, ce n'était pas une grosse pointure, juste un intermédiaire. Mais ce qu'il avait à dire était tout de même intéressant. Ce n'était qu'un marchand d'herbes ou de petits services, et il était censé ne pas parler de ses contacts. Mais là, il était plutôt motivé...

Il connaissait le marchand Gilluin, mais il n'avait jamais eu affaire à lui concernant le Tue-l'Esprit. La drogue lui était fournie par un homme de Cameth Brin qui lui disait de la remettre à un contact à Tharbad, contact qui s'avérait être une personne mystérieuse dont il n'arrivait pas à se souvenir des traits. Sauf qu'il était grand et imposant, avec une voix autoritaire, et sans barbe, ce qui lui faisait penser à un Dúnadan. Il avait remis plusieurs flacons de la drogue à l'automne 1637, puis l'automne suivant (1638), et un unique flacon au printemps de cette année (1639). Il était payé pour ce service, mais pas pour l'herbe elle-même - il servait juste de messager en quelque sorte. Il connaissait Vesemir et l'avait même vu dans le Rhudaur au printemps dernier, mais il n'avait plus entendu parler de lui et n'en savait pas plus.

Quant à la cotte de mailles, c'était un peu la même chose, il avait juste servi de passeur : une personne mystérieuse l'avait contacté, un peu la même, mais elle semblait moins imposante et la voix était différente - cela lui faisait plus penser à un homme nordique. On lui avait donc remis le paquet et il avait joué le jeu du marchand qui se laisse avoir au marché noir. Lui-même n'avait jamais vu à Tharbad une pareille armure se vendre, et il en aurait volontiers donné plus. Mais ce n'était pas sa spécialité.

10 - Rendez-vous
Geralt mit fin à l'entretien en disant à l'homme qu'il n'était plus maintenant qu'un mort en sursis : Angmar chercherait sûrement à le faire taire maintenant qu'il avait parlé. Il lui proposa de rester à Tharbad où il ferait en sorte qu'il soit protégé, tant qu'il resterait disponible et obéissant. L'homme protesta qu'il était un marchand et qu'il devait bien vivre de quelque chose, mais l'assassin lui répondit qu'il ne garantissait rien en dehors de Tharbad. Vu le genre de commerce qu'il faisait, ça ne devait pas l'étonner : c'étaient les risques du métier, il n'avait à s'en prendre qu'à lui-même...

Après quoi, Geralt donna des ordres pour faire suivre et protéger Goldang, et il mit au courant tant Eskel que Dirhavel. Mais le premier le prévint deux jours après qu'il avait eu un autre contact d'une personne mystérieuse qui faisait penser aux précédentes descriptions : l'homme donnait rendez-vous à l'extérieur de Tharbad, à la lisère de la petite forêt au nord de la ville, à une bonne heure de marche. Il attendrait au crépuscule pendant une heure, et Geralt devait venir seul, au plus accompagné d'une personne. Eskel n'était pas très chaud, cela pouvait être quelqu'un de prudent ou une bête embuscade, mais son chef décida d'y aller. Il lui proposa de l'accompagner, ce qu'Eskel accepta sans hésitation.

Dirhavel fut encore plus circonspect qu'Eskel quand il apprit le rendez-vous pour le soir même. Et il n'avait pas de bonneherbe à préparer, cette fois. Par ailleurs, au crépuscule Silmarien ne serait pas prévenue et même ainsi, elle ne pourrait se libérer assez vite pour être là-bas. Bref, c'était extrêmement risqué et Geralt y allait sans filet de sécurité. Mais comme l'homme aux cheveux blancs semblait décidé, il lui souhaita bonne chance. Avant son départ, il lui remit un cataplasme de soin dans une enveloppe de feuilles, en espérant qu'il n'en aurait pas besoin...

A la tombée du jour, les deux hommes se présentèrent à la porte nord et sortirent sur la Vieille Route du Nord, suivis par les regards étonnés des gardes. Ils longèrent la forêt tandis que le soleil se couchait derrière et que les ombres s'épaississaient. Du coup, eux-mêmes étaient bien visibles tandis que la lisière de la forêt était complètement dans l'obscurité. Quelqu'un dans les fourrés qui savait un minimum se cacher était totalement invisible, et seul un chien pourrait le détecter, selon Eskel, peu rassuré. Mais Geralt était confiant dans ses capacités, et ils poursuivirent sur la route.

Jusqu'à un endroit qui pouvait être le point de rendez-vous. Et justement, Geralt perçut une bonne demi-douzaine de guerriers à peu près cachés dans les bois, mais pas assez bien pour lui. Ils faisaient penser à des brigands très ordinaires. Il fit remarquer la chose à Eskel, et les deux hommes s'arrêtèrent. Par ailleurs, il remarqua aussi que loin derrière eux sur la route, à plusieurs centaines de mètres, deux cavaliers - des guerriers pensait-il - se dirigeaient tranquillement dans leur direction. Mais arrivés à peut-être trois cents mètres, ils s'arrêtèrent. Leur silhouette et leurs habits disaient quelque chose à l'assassin mais dans cette pénombre il ne voyait pas assez bien.

En revanche, du côté des brigands, Geralt distinguait des signes d'impatience. Il finit par héler les hommes, qui sortirent après un moment, tout en restant près de la lisière, méfiants. Deux étaient armés d'arcs, flèche encochée mais corde non tendue. Petit à petit, les deux groupes s'approchèrent jusqu'à être à une vingtaine de mètres les uns des autres. Le chef des brigands accepta de s'approcher encore pour remettre une bourse, qu'il montra, à Geralt. Les deux hommes s'approchèrent encore tandis que les autres attendaient. Puis l'homme lança la bourse à Geralt, qui ne fit pas mine de l'attraper mais la laissa tomber à terre. Et sur un "taïaut", l'homme sortit son épée et lui fonça dessus, tandis que ses comparses en faisaient autant, à l'exception des archers qui tendirent la corde de leur arc.

11- La flèche
Geralt hurla à Eskel de se mettre dos à dos avec lui, mais pour l'instant il était seul. La flèche qui lui arriva dessus ne lui fit qu'une égratignure, grâce à son armure, et il ne la sentit même pas. Il chercha à assommer le chef des brigands qui l'attaquait mais son crâne s'ouvrit sous le coup d'épée, même du plat de la lame, et il fut remplacé par deux autres. Il en assomma un autre avec un peu plus de délicatesse, et alors qu'il allait faire de même avec le suivant, qui se mettait sur la défensive, il sentit une violente douleur à la jambe : une flèche tirée de derrière lui venait de lui traverser la cuisse...

Eskel, de son côté, s'en sortait bien et les brigands n'avaient plus grand monde ou compétence à leur opposer. Profitant de la blessure de Geralt, le brigand face à lui l'attaqua, mais sans conséquence, et Geralt revenu de sa douleur lui fit sauter la tête des épaules. Mais alors il sentit la jambe lui brûler atrocement : la flèche était empoisonnée, et le poison était puissant et rapide. Il eut tout de même le temps de voir les derniers brigands s'enfuir en forêt et les deux cavaliers arriver, l'un directement vers eux et l'autre en direction de l'endroit d'où était partie la flèche. Il les reconnut : c'étaient les deux gardes de Pelendur avec qui il avait fait le voyage. Eskel fut prévenu et les laissa s'approcher.

Geralt sortit le cataplasme donné par Dirhavel de son sac, mais l'homme qui venait vers lui avait aussi une préparation, bien que différente. Il lui dit qu'ils étaient là à la demande de Dirhavel, qui avait fourni un puissant contrepoison. Mais il devait d'abord retirer la flèche avant de pouvoir appliquer le remède. Le temps de faire cela, l'assassin aux cheveux blancs avait souffert mille morts avant de finir par s'évanouir. Après coup, le garde lui dirait qu'il avait fait erreur, il aurait dû enlever rapidement la flèche pour traiter rapidement le poison, au risque d'aggraver la blessure, mais il ne pensait pas que le poison était si rapide.

Geralt se réveilla plus tard, tout le corps douloureux, avec comme principale idée l'envie d'en finir. Il apprit qu'il avait été à la limite de la mort et il était resté inconscient pendant trois jours. Firiel elle-même, chef des maisons de guérison, était venue prêter main-forte et son aide n'avait pas été de trop, non plus que d'autres herbes fournies par Dirhavel. Il restait d'ailleurs une bonne dose de marchand de sable et de l'athelas pour l'aider à récupérer, mais il n'était pas encore sorti d'affaire, même si son état allait mieux. Reprenant espoir en respirant l'odeur de l'athelas, la douleur l'envahit à nouveau et il retomba dans le coma.

Il lui fallut plusieurs jours pour retrouver sa santé, ce qui était déjà en soi miraculeux vu son état, et qui contraria de nombreux assassins qui avaient parié sur sa mort. Mais les herbes et la magie des soins de Firiel - car elle en disposait - firent bon effet, sans parler des soins permanents des serviteurs de Pelendur et en particulier du garde le plus âgé qui l'avait secouru - ce semblait être un bon soigneur lui aussi. Heureusement Geralt n'avait pas reçu de blessure mortelle à la jambe, seul le poison l'avait vraiment mis en péril. Et maintenant il était éliminé, seul son état de grande faiblesse l'avait obligé à garder le lit. Il boitait, mais cela ne resterait pas bien longtemps.

12 - Retour
Eskel le mit au courant de la suite, après son évanouissement. L'homme embusqué en forêt, derrière lui, s'était vite échappé, il n'avait pas insisté - sans doute pensait-il que le compte de Geralt était bon. Il avait un cheval non loin dans les bois et les gardes ou Eskel n'avaient pas trouvé prudent d'aller voir, d'autant qu'ils avaient le corps de Geralt à ramener en urgence. Plus tard, son second était revenu avec des renforts et ils avaient fouillé le secteur. Ils avaient retrouvé les brigands, qui ne faisaient pas partie de la guilde, même si certains les connaissaient. Tous morts : quelqu'un s'était occupé d'eux après leur départ.

Dans les bois, les traces montraient qu'une autre personne, avec un autre cheval, s'était tenue en observation à distance, puis qu'elle était partie elle aussi, après avoir liquidé les derniers brigands - à la dague et au poison. Les traces des deux chevaux se réunissaient, et quittaient la forêt un peu plus loin pour se diriger vers l'ouest. La bourse lancée par le chef des brigands était restée sur place : elle contenait des cailloux. Les jours qui suivirent, aucun contact ne fut repris avec voleurs ou assassins. Par contre, la mésaventure de Geralt avait un peu entamé la confiance des assassins envers leur chef... Dernière nouvelle enfin : Goldang avait pris un bateau pour le sud, qu'il avait dû trouver moins dangereux que la proximité d'Angmar.

Dès qu'il fut en état de marcher, Geralt, très démoralisé, s'entretint avec Dirhavel à qui il demanda conseil. Il se sentait impuissant, dépassé, et avait un sentiment d'échec sur toute la ligne. Le Dúnadan le réconforta un peu en lui rappelant ce qu'il avait fait et les renseignements qu'il avait obtenus, mais il ajouta qu'il avait été trop présomptueux. Il avait cru pouvoir tout mener seul, il n'avait pas réussi. Il lui fallait donc de l'aide puisqu'il constatait qu'il n'y arrivait pas. En bref, il devait retourner auprès de ses amis et voir avec eux. Geralt aurait bien aimé abandonner la gestion des assassins, mais son second lui avait rappelé à une occasion que la seule manière de quitter cette position, c'était les pieds devant.

Un goût amer dans la bouche, l'assassin aux cheveux blancs parla de son départ à Eskel, qui acquiesça. Le départ du chef ne serait pas une bonne chose pour les assassins, d'autant que Geralt avait dit qu'il resterait. Mais la situation était bloquée. Néanmoins, avant de partir, Geralt eut une dernière idée : via le serviteur de Faradil, il dit à son maître que le contrat était refusé, sauf peut-être s'il apprenait qui était la personne qui avait augmenté les primes. Le matin du départ vers le nord, alors qu'il sellait son poney, Eskel arriva pour dire qu'ils avaient eu une réponse qui disait : "c'est un agent de Girithlin".

Abattu et démoralisé, même s'il était maintenant entièrement guéri, Geralt repartit avec les deux mêmes gardes qu'à l'aller, au trot ou au galop - près de la forêt au nord de Tharbad en particulier. Le voyage se déroula sans incident, jusqu'à Minas Malloth où attendaient Pelendur et Pelenwen, qui félicitèrent les gardes fidèles et expérimentés qu'ils avaient envoyés. Geralt les gratifia de quelques pièces d'or également, en plus de celles qu'il leur avait offertes à l'aller. Et il en donna vingt à Pelendur en le priant de les accepter pour toute l'aide qu'ils lui avaient apportée, et autant pour Pelenwen à l'attention des maisons de guérison de Tharbad.

L'homme le remercia et lui dit qu'elles seraient bien employées, car il avait du mal à trouver des mercenaires compétents et fiables pour la campagne contre Ardagor, et sa sœur le remercia également par un compliment. Le lendemain, Geralt reprit son petit cheval et fit toute la route jusqu'à Bar Edhelas au galop. Il en avait soupé du Cardolan et de leurs intrigues tordues, d'Angmar et des ses agents, des assassins et de leurs règles à la noix, et de tous les efforts qu'il avait dû faire, pour rien ! Mais pas complètement quand même, et il devait une fière chandelle à Pelenwen et Pelendur, leurs gardes, et Dirhavel et Silmarien. Et il avait montré qu'il était un vrai assassin, mais aussi plus que ça.
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Warlord - 2ème partie : visites et politique

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1 - Projets
Alors que Geralt chevauchait en direction de Tharbad, trois semaines plus tôt, que se passait-il à Bar Edhelas, manoir de la famille Eldanar, à Tumulus, dans le Quartier Nord de la Comté ? L'intendante hobbite et Helvorn, cousin de Narmegil, s'occupaient des principales tâches de gestion. Cela laissait bien du temps à nos amis pour s'occuper d'eux-mêmes ou de choses qui les motivaient. Drilun, parrain officiel de la petite Míriel depuis peu, pensait à assurer la meilleure protection à sa filleule. Vif, marraine officielle, se disait que si elle devait rester par ici, il lui fallait une demeure à ses goûts, dans les bois. Isis, tout en pouponnant, pensait à ces enfants qui n'avaient pas le bonheur d'avoir des parents. Entre autres choses.

Tandis que Sîralassë, entre deux visites de soin dans le voisinage, envisageait de cultiver des plantes médicinales avec l'aide des hobbits, Narmegil s'occupait de la requête de Geralt : dans un message informant son grand-père Tarcandil de leurs dernières aventures et de la naissance de Míriel, il lui faisait part de la demande de l'assassin aux cheveux blancs - une demande d'aide auprès de Niemal, soigneur itinérant de la maison d'Elrond, qui savait lire les sentiments voire les pensées. Un marchand dont la tournée devait l'amener à Fornost fut rémunéré pour servir de facteur, et le Dúnadan retourna à la gestion du domaine, ainsi qu'à la lecture de livres divers de sa bibliothèque : un seigneur doit faire face à de multiples besoins et connaître bien d'autres choses que savoir manier une épée ou monter à cheval.

De son côté, Vif parcourait les bois alentours, au-delà des fermes qui s'étendaient autour de Tumulus. Elle finit par trouver un gros chêne magnifique, à la large et haute frondaison, mais sans branche basse grâce à l'élagage naturel opéré par ses proches voisins. Tout à fait le genre d'arbre dans lequel construire une maison comme par chez elle, parmi les Hommes des Bois de la Forêt Sombre. Elle se mit alors en quête de quelqu'un de compétent pour l'aider à construire cette maison, un charpentier capable de travailler dans les arbres. Mais ni chez les hobbits, ni chez les humains encore présents, elle ne put trouver quelqu'un de satisfaisant. En revanche, elle avait remarqué la présence d'elfes dans les environs, et elle se rappelait les maisons dans les arbres présentes dans leurs villages ou "clairières"...

Drilun avait récupéré à Imladris un certain nombre de chutes de peau de dragon, issues de la fabrication des armures de cuir pour Geralt et lui. La peau elle-même provenait du dragon qu'ils avaient rencontré dans les Monts Brumeux, peau que les elfes de la maison d'Elrond avaient travaillée sur l'insistance de Gandalf, qu'ils appelaient Mithrandir. Le Dunéen pensait faire un collier de cuir magique avec l'aide de ce matériau enchanté. Mais s'il avait les outils adéquats pour travailler un cuir pareil, il n'en avait nullement la compétence - il n'avait jamais été un grand maroquinier ! Lui non plus ne trouva pas dans la petite bourgade le maître compétent dans le travail de cuir de dragon : ce ne devait pas être un métier de grand avenir...

De son côté, Isis commença à faire des plans et à passer à la réalisation concrète de son projet de construction d'un orphelinat. Le dragon n'avait pas servi qu'à fournir du cuir pour des armures ou autres babioles : il avait amassé une sacrée fortune dans laquelle les aventuriers s'étaient bien servis, et il en restait. Elle commença donc à lancer des appels dans la région pour des maçons et des charpentiers. La pierre viendrait des carrières de Scary, non loin dans le Quartier Nord, et le bois ne manquait pas aux alentours. Elle tablait sur une construction d'un an, ce qui était rapide pour le grand bâtiment qu'elle projetait. Il faudrait pas mal de travailleurs, mais ils ne manqueraient pas de nourriture, les récoltes étaient bonnes jusqu'à présent... une bonne année.

2 - Le talan de Vif
La Femme des Bois savait que les elfes construisaient le genre de maison qu'elle voulait. Mais elle savait aussi qu'ils n'étaient pas très intéressés par les affaires humaines, et qu'en plus elle-même était tout sauf douée pour demander quelque chose à quelqu'un - à l'exception des félins. Mais elle avait une amie prête à l'écouter et à l'aider, et donc elle alla voir Isis. Cette dernière accepta bien entendu d'aider la rôdeuse et d'aller voir les elfes qui les surveillaient. Elle emmena Míriel avec elle pour une balade en forêt, à plus d'une heure de marche de Bar Edhelas. Dès que Vif, toujours aussi perceptive, eut repéré quelques elfes qui les surveillaient, elle les salua et s'adressa à eux.

Les elfes étaient trois, et ils avaient reçu l'ordre, comme d'autres elfes de la Comté et au-delà, de surveiller particulièrement les abords de Bar Edhelas. Ils cherchaient surtout d'éventuelles incursions d'orcs, de rôdeurs noirs ou d'autres voyageurs peu fréquentables. Mais ils se tenaient aussi prêts à intervenir en cas d'appel à l'aide. Ils furent enchantés de faire la connaissance de la petite demi-elfe, et répondirent sans mal à la question d'Isis concernant des charpentiers chez eux : oui, certains d'entre eux - restés dans leur clairière du nord de la Comté - pourraient fabriquer une maison dans les bois. Dans leur langue, ils appelaient cela un "talan", que les humains traduisaient en général par "flet".

Après les avoir quittés et être revenus à Bar Edhelas, les deux femmes envisagèrent un voyage dans la clairière du nord où le groupe était déjà passé. Ce qui fut adopté : ce serait l'occasion de présenter Míriel à la communauté elfe la plus proche, et de demander quelques services ou renseignements. Le groupe se prépara alors pour un voyage de quelques jours dans la forêt, à pied. Ils furent guidés jusque là-bas par quelques-uns des elfes qui surveillaient les routes et les abords de la bourgade. Deux jours plus tard, tous étaient arrivés sans inconvénient aucun.

Ils furent bien accueillis, et la fille de Narmegil et Isis eut beaucoup de succès. Les enfants sont rares chez les elfes, et toujours tenus comme extrêmement précieux et très chéris de tous. Et même si les elfes sentaient bien que les aventuriers avaient quelque chose à demander, ils appréciaient néanmoins la petite attention. Une joyeuse fête eut lieu sous les étoiles, et les échanges furent nombreux. Avec Drilun entre autres, qui apprit que personne ici ne savait travailler le cuir de dragon, mais qu'un artisan de la principale clairière de la Comté - celle d'où venait Isis - avait cette compétence. Et le charpentier en chef de la clairière fut également abordé.

L'elfe était d'accord pour aider, à la manière des elfes : quand il aurait le temps et la motivation. Était-ce dans un mois, un an ou plus ? Personne n'aurait pu le dire, pas même lui. Mais Isis et Narmegil suggérèrent, après diverses palabres, que cela permettrait de mieux veiller sur leur fille. L'artisan elfe, après réflexion, accepta alors de s'occuper de la construction immédiate d'un talan. Mais à la condition que Míriel serait chaque jour amenée sur le chantier, et que par la suite, les elfes pourraient se servir du talan pour eux-mêmes, en plus de Vif et de ses amis. Dès le lendemain, les aventuriers repartirent avec un groupe d'elfes bâtisseurs, et le trajet du retour se passa aussi bien qu'à l'aller.

L'emplacement pour la maison, déjà trouvé par la principale intéressée, fut confirmé par les elfes. Le chantier de construction du talan commença de suite, et il fut rapidement mené à bien. Isis venait tous les jours sur le chantier avec Míriel, et Vif aidait comme elle pouvait, montant et descendant de l'arbre avec facilité, faisant jeu égal avec certains des elfes présents. Parfois quelques outils et planches venus de Bar Edhelas étaient utilisés, mais sinon les elfes préféraient rester travailler entre eux, à l'exception de la Femme des Bois. Deux bonnes semaines furent nécessaires pour construire le talan. Le bois jouerait encore un moment, le temps de sécher et de s'ajuster, mais tout était prévu et les elfes présents se chargeraient du suivi. Sîralassë s'y installa également, et il le meubla en payant (très cher !) un artisan du coin.

3 - Magie et cuir de dragon
Mais entretemps, Drilun n'était pas resté les bras croisés. Prenant avec lui un garde de Narmegil, il partit pour les Collines Vertes, au centre de la Comté, un endroit aux bois touffus où il était déjà venu avec Isis et ses amis. Mais il n'était pas aussi doué que Vif, qui avait autrefois repéré le sentier elfique menant à la plus grande clairière elfique de la Comté, avant même celle qui en était originaire ! Non, si le Dunéen devenait progressivement plus perceptif avec l'expérience, il ne restait qu'un humain ordinaire. En bref, la première journée, il se perdit, et son compagnon de route n'arriva pas à mieux. Heureusement, le second jour, il fut bien inspiré et retrouva les abords de la clairière grâce entre autres à un sort d'écoute. Son compagnon et lui furent accueillis par Sûlarin, chef de la communauté, et un des plus vieux elfes de la Comté.

L'artisan que recherchait Drilun était bien là également, qui avait déjà travaillé du cuir de dragon par le passé, au second âge du monde. Restait à le convaincre de bien vouloir aider le magicien dunéen, ce qui était loin d'être simple. Là encore, l'intérêt pour le bien-être de Míriel fut le principal argument de poids, et l'elfe finit par accepter d'apporter ses compétences à Drilun, et immédiatement. Ce dernier avait aussi d'autres projets pour utiliser toutes les chutes de peau qu'il avait ramenées, mais le maître maroquinier lui répondit que ce serait ultérieurement... un jour prochain de la vie de Drilun. Mais quant à dire s'il était proche ou non, cela ne voulait pas dire grand chose à l'elfe.

Le garde de Narmegil fut remercié et retourna à Bar Edhelas rapporter les nouvelles, et artisan et magicien se mirent à l'œuvre. Les elfes étaient aussi curieux de voir en action ce fils des hommes si jeune, mais qui utilisait une technique ancienne que des elfes lui avaient apprise. Elfes qui partaient progressivement à l'ouest et dont il restait de moins en moins de représentants. Oui, les elfes étaient fascinés par cet enfant qui parlait leur langue et maîtrisait un art dont bien peu parmi eux étaient adeptes.

Et le Dunéen fit honneur à sa réputation : non seulement il accomplit sans faille l'entrelac de runes magiques sur le cuir de dragon, mais encore fit-il un véritable chef-d'œuvre : bien que peu versé dans la maroquinerie, il inscrivit ses signes magiques de manière si parfaite qu'ils y resteraient sans doute aussi longtemps que l'objet durerait. Le résultat était un collier de peau de dragon finement travaillé, qui avait le pouvoir de protéger magiquement son possesseur des attaques et autres agressions de toute sorte. Très utile contre les moustiques et autres insectes, par exemple, mais aussi pour aider Míriel à échapper aux noirs nuages qui semblaient s'amonceler au-dessus du nourrisson.

4 - Retour
Après avoir réalisé ce si bel ouvrage qui avait pris deux bonnes semaines, le Dunéen s'en revint l'offrir à sa filleule à Bar Edhelas. Le talan venait d'être achevé, tous les travaux en cours étaient réalisés à l'exception de l'orphelinat, et le groupe discutait autour d'un bon repas, quand la quiétude de cette soirée d'été fut perturbée. Un cavalier venait d'arriver, son poney et lui étaient fourbus après un long galop, mais ce n'était rien à côté de sa fatigue nerveuse. C'était Geralt, qui venait de rentrer après une absence de trois semaines, et il n'avait pas l'air dans son assiette. Déjà, pour le voir galoper, il en fallait, mais là ça semblait vraiment sérieux.

L'assassin aux cheveux blancs n'avait pas trop le moral, en effet, même s'il avait physiquement l'air en forme. Il expliqua qu'il ne devait cette forme - et d'être là, encore vivant - qu'à l'assistance de diverses personnes, et il fit le récit complet de ses aventures à Tharbad : voyage, aide de Pelendur et Pelenwen, duel à la guilde, intrigues politiques du Cardolan, embuscade avec poison - ce qui allait pousser le soigneur à faire faire par la suite des cultures d'herbes médicinales par des hobbits - et enfin, sa guérison et son retour. Plus le détail de tout ce que cela lui avait coûté en achat d'informations diverses et en aide aux maisons de guérison, au baron et à sa sœur ou à leurs gardes. Pour un résultat qui lui paraissait décevant voire inquiétant.

Inquiétant à plus d'un titre : d'abord parce qu'il se rendait compte qu'il avait choisi des responsabilités un peu grosses pour lui tout seul. Il aurait bien aimé abandonner la guilde, mais la mort seule permettait cet abandon. Si un nouveau chef des assassins était nommé, sa première mission serait de supprimer Geralt, ce qui mettrait en même temps ses amis en danger. Mais gérer les assassins n'était pas simple : comment faire rentrer de l'argent à la guilde sans trahir ses convictions ? Et pour quelle utilisation ? Ainsi, l'argent que l'assassin avait versé comme compensation pour l'ancien contrat sur la tête de Vif avait servi au maître à développer la culture et le commerce de drogues à plus grande échelle...

Et l'importance de la guilde des voleurs et des contrats d'assassinat était aussi politique : tuer le vieil Hallas, prince de Dol Tinarë, ne ferait que précipiter la déchéance du Cardolan et renforcer Angmar à travers le Seigneur de Guerre Ardagor. Et en même temps cela n'était peut-être pas la demande d'Angmar au départ... Mais dans tous les cas, les changements politiques du Cardolan pouvaient les affecter tous, à terme, Arthedain compris. Et à un niveau plus personnel, s'il refusait de pareils contrats, il devait en trouver d'autres, ou alors sa tête devait tomber. Comment occuper les assassins de manière constructive et trouver de l'argent ?

Bref, Geralt demandait l'aide de ses amis : que devait-il faire, avaient-ils une idée ? Il annonça aussi qu'une visite prochaine aurait lieu, Niemal et Mithrandir ayant prévu de passer les voir avec Pelenwen et Pelendur. Fallait-il les attendre pour en savoir plus, sachant que cela pouvait être le lendemain ou dans un mois ? Narmegil, après divers débats qui durèrent jusqu'au lendemain, proposa alors une chose : au matin suivant, il partirait pour Fornost avec Geralt. Il mettrait la famille royale au courant et demanderait l'aide des voyants. L'assassin soupira, il avait à peine eu le temps de se reposer ! Mais le lendemain, ils étaient partis tous les deux.

5 - Nouvelles de la capitale
A l'aide des meilleurs chevaux, le trajet pour Fornost prit à peine deux jours. Le soir de leur arrivée, le Dúnadan faisait remettre à la citadelle une demande d'entretien avec le roi. Tandis qu'il donnait à son grand-père Tarcandil des nouvelles fraîches de Míriel et de son épouse, il reçut une convocation pour le soir même pour Geralt et lui. Ils eurent juste le temps de se rendre présentables avant d'aller partager un repas avec la famille royale, composée ce soir-là du roi Argeleb II, de la reine Liriel et du prince héritier Arvegil. Tous se connaissaient déjà, s'étant déjà rencontrés lors d'un conseil royal ou au cours du coup d'État raté des Tarmas.

L'ambiance fut très amicale et décontractée, et la famille royale mit les deux amis à l'aise en les remerciant une fois encore pour leur rôle avec les Tarmas déjà cités ainsi que les Ekettas. Ils posèrent aussi des questions sur la petite Míriel, sa mère et les amis restés à Bar Edhelas. Puis ils les laissèrent expliquer la raison de leur venue et leur demande présente. Entre autres choses, Geralt informa la famille royale de ce qui s'était passé à Tharbad, tandis que Narmegil demanda à ce que les voyants d'Arthedain puissent sonder les palantíri, afin de les aider à prendre des décisions.

Le roi confirma les informations apportées par Geralt, et même il les précisa : la campagne contre Ardagor était en cours de préparation et l'Arthedain allait participer, les fils du roi en tête. Les voyants avaient déjà été mis à contribution, et Tullam, leur chef, avait déjà remis son analyse. En gros, laisser Ardagor se développer dans le Cardolan était à plus ou moins court terme la fin du Cardolan et ensuite de l'Arthedain, et le début de la domination d'Eriador par Angmar. Si par contre Ardagor était éliminé, la menace d'Angmar serait écartée... un temps. Les préparatifs avaient donc déjà commencé, mais ils mettraient encore des mois avant que les choses ne démarrent vraiment - au printemps 1640 vraisemblablement.

D'ici là, une intense campagne diplomatique avait lieu, à laquelle le magicien Mithrandir participait. Car il fallait le concours de tous pour faire tomber Ardagor, qui lui-même tâchait de se trouver des appuis parmi les chefs du Cardolan. Si Pelendur et Hallas étaient fiables, seul le second avait des ressources suffisantes pour mener cette opération. Les Cantons de Fëotar n'avaient ni les moyens ni la volonté de participer. La position de Girithlin, Dol Calantir et Saralainn était inconnue et sujette à changement dans un sens ou l'autre. Les elfes apporteraient leur contribution également, mais elle était limitée, tant par leur nombre que par d'autres affaires qui les occupaient ailleurs.

Narmegil et Geralt prirent congé du roi et de sa famille en les remerciant pour leur confiance. Le premier assura ses interlocuteurs qu'il comptait bien participer à l'effort de guerre, tant de manière diplomatique que financière, voire même directement. Après une nuit de repos - trop courte aux yeux du chef assassin - ils repartirent au galop pour Bar Edhelas, qu'ils atteignirent au bout de deux jours. Après embrassades et les habituelles mondanités, toute l'équipe fut bientôt mise au courant, et soumise à nouveau débat. A présent, que fallait-il faire ? Il n'y avait eu encore aucune visite pendant l'aller-retour à Fornost Erain.

6 - Visiteurs
Après débat qui dura jusqu'au lendemain, il fut convenu, dans un premier temps, d'attendre cette éventuelle visite annoncée depuis un moment. Et elle ne tarda pas : deux jours plus tard, en soirée, un garde excité vint annoncer l'arrivée de plusieurs visiteurs importants, dont quelques elfes. Et importants ils l'étaient, assurément. Ils étaient au nombre de sept : Gandalf et Niemal étaient attendus, de même que Pelendur et sa sœur Pelewen. La sœur d'Isis, Fondrielle, faisait également partie du voyage, mais aussi Elladan et Elrohir, les fils d'Elrond semi-elfe. La réunion fut joyeuse et dura fort tard, mais personne ne ressentit de fatigue pour le temps qu'elle dura.

Le début fut consacré à Míriel, devant laquelle tous s'extasièrent. Les fils d'Elrond avaient notamment amené quelques cadeaux de la part de leur père : jouets divers en bois ou tissus, finement travaillés, ainsi qu'un tableau magique. Il représentait une scène semi-champêtre où figuraient des individus de toutes races ou cultures et divers animaux et plantes. Lorsqu'on les effleurait, chacun émettait un son : le bruit du vent dans les branches, un gazouillis d'oiseau, une phrase en ouistrain, sindarin, dunael ou autre, voire une série de jurons orcs, heureusement incompréhensibles sauf des rares érudits qui parlaient ce jargon !

Les choses plus sérieuses ne furent pas oubliées. La situation du Cardolan et les aventures de Geralt furent l'occasion de récits et débats divers. Le baron de Girithlin - ou plutôt son régent Eärnil - fut l'objet de certaines conversations, et les aventuriers apprirent que cette famille, proche des elfes à une lointaine époque, avait peu à peu pris une attitude détestable et que Glorfindel avait prédit une fin funeste à ses descendants. Depuis l'incident qui avait causé la prophétie, les elfes n'étaient pas les bienvenus et évitaient la région. Certainement Narmegil pourrait y passer et éventuellement obtenir des accords ou des informations, mais il lui fallait se méfier.

Les autres domaines du Cardolan furent passés en revue, ce qui permit au père de Míriel de préparer en pensée un petit tour du Cardolan accompagné de Geralt. Les fils d'Elrond devant bientôt s'en retourner à Imladris, Sîralassë se décida à les accompagner pour s'entretenir avec son père, tandis que Drilun hésitait sur la possibilité d'entreprendre ce voyage en compagnie de son ami. Quant à Vif, elle s'isolerait un peu plus tard avec Niemal et Gandalf pour parler d'un projet personnel allant dans le sens de la recherche d'aide contre Ardagor. Seule Isis était étrangère à la politique dont il était question : sa fille passait très loin avant tout le reste.

Il fut aussi question des assassins de Tharbad. Niemal réconforta un peu leur chef en mettant en avant les choses positives qu'il avait acquises pendant son voyage. Et il lui suggéra une occupation possible des assassins, et tout à fait légale et constructive : ils pourraient éventuellement former un groupe spécial de mercenaires contre le Seigneur de Guerre. Car le conflit à venir était tout sauf classique : les forces d'Ardagor, une fois réduites au cœur de son domaine, étaient mal connues et pratiquaient avant tout la guérilla et l'embuscade nocturne. Choses que les assassins maîtrisaient mieux qu'aucun groupe armé constitué. Encore fallait-il les motiver, les tenir, et les faire accepter, tant du maître de la guilde que des autres participants à ce conflit...

Gandalf devait repartir au matin pour Fornost et d'autres destinations ensuite, même s'il aurait bien voulu s'attarder un peu parmi les hobbits, dont il semblait beaucoup goûter la compagnie. Les fils d'Elrond, ainsi que Pelenwen et Pelendur, repartiraient plus tard, mais ils n'étaient pas fixés : ce serait le soir prochain ou le matin suivant. Quant à Niemal et Fondrielle, ils avaient été persuadés de rester au moins quelques jours dans le talan de Vif pour surveiller les environs et en particulier Míriel. Et Isis comptait bien avoir une petite conversation en tête-à-tête avec sa sœur. Elles ne s'étaient pas quittées sur une note très positive, la dernière fois, mais cette fois-ci elle espérait mieux.
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Niemal
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Warlord - 3ème partie : politique et coups fourrés

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1 - Apartés
Tandis que Narmegil continuait à parler politique avec les fils d'Elrond ou le baron des Tyrn Gorthad et sa sœur, Isis s'isolait dans un coin avec Fondrielle, sa sœur. Si cette dernière avait jusqu'à présent vu d'un assez mauvais œil le caractère très "humain" de la première, elle en voyait à présent un avantage : la vie intense d'Isis, à la mode des humains, lui avait apporté une enfant, chose rare chez les elfes et éminemment chérie. Et encore plus chez les soigneurs, ce qu'était la sœur d'Isis. Elle était donc ravie de voir la famille s'agrandir, tandis que peu auparavant elle tenait Isis pour responsable du contraire, à savoir le départ de leurs parents pour le lointain ouest. Míriel les rapprochait donc toutes deux et leur permettait de vivre leur lien familial de manière positive. Cela n'empêchait pas les divergences de vue entre elles, mais elles avaient désormais suffisamment d'intérêts communs pour souhaiter se revoir régulièrement.

De son côté, Drilun prit à part Mithrandir avant qu'il ne parte se coucher, car il devait repartir tôt et le matin n'était plus si loin. Le Dunéen était troublé par l'utilisation de la magie que son amie Isis ou lui-même étaient tentés de faire. Avec l'aide des nombreux sorts dont ils disposaient à présent, comme il paraissait facile de juger de l'utilité et surtout de la mort d'une voire de plusieurs personnes, et de dispenser la sentence de manière prompte et définitive... La tentation était grande de cataloguer les gens en "amis" ou "ennemis", et il se rappelait avoir jugé bien vite les Tarmas et avoir été tenté de raccourcir la vie de plus d'un. Ce qu'il aurait regretté par la suite, car cela n'aurait fait que servir Angmar.

Le magicien le félicita pour ses doutes et interrogations, qui étaient les premiers pas vers la clé permettant d'y répondre : le pouvoir impliquait des responsabilités et demandait de se remettre en question. En bref, il fallait compenser toute puissance - qu'elle soit magique, commerciale ou politique - par de la sagesse et une remise en question perpétuelle. Sans quoi on devenait l'instrument du pouvoir et non l'inverse. Une bonne manière de ne pas avoir la tête qui enfle trop (sans parler des chevilles) était de ne pas oublier les liens d'amour et d'amitié. Ce qui rappela à l'archer-magicien comme il avait été touché lorsque les elfes de la clairière de Sûlarin l'avaient surnommé Elendil, "ami des elfes". Ils avaient en effet beaucoup apprécié, au-delà de sa maîtrise de divers arts elfiques, ses manières et sa bonne volonté, toujours prêt à repayer ce qu'on lui donnait.

Au bout du compte, Drilun décida de partir avec son ami Sîralassë jusqu'à Imladris. Il accompagnerait donc Pelendur et Pelenwen jusque chez eux avec les fils d'Elrond, et le moment du départ fut fixé : ce serait la matinée du jour suivant, et la petite troupe commencerait par adopter un rythme à la mesure des humains. Au-delà du manoir de la baronnie, où le baron et sa sœur resteraient, le rythme serait plus elfique et le trajet plutôt nocturne. Avec un bon cheval, Drilun espérait faire le trajet en une semaine. Là-bas, il pensait discuter avec les artisans présents et apprendre de nouvelles compétences, comme celles du tatouage. Il espérait ainsi pouvoir tracer des runes directement sur le corps des gens, leur apportant ainsi une magie toujours disponible et durable.

De son côté, après en avoir discuté, Vif s'isola avec les elfes - dont Niemal - dans le talan au nord du village. Elle se transforma en félin, ce qu'elle arrivait bien à maîtriser à présent, et profita de la magie du soigneur pour récupérer de cet effort pendant son sommeil. Elle avait en effet appris par le chat de Frolic, qui depuis leur arrivée tournait beaucoup autour de Míriel, que la petite était surveillée. Tevildo, à travers le corps du lynx blanc qu'était devenu Tina, gardait un œil sur sa filleule pour des raisons qui restaient à éclaircir. Et la Femme des Bois ayant découvert où le/la contacter, elle comptait lui rendre visite pour lui demander sa participation à l'effort de guerre, entre autres choses.

2 - Départs
Le premier à partir, une fois le soleil levé et une visite aux cuisines (et aux hobbits cuisiniers) effectuée, fut Mithrandir. Le magicien devait voir rapidement le roi, semblait-il, et d'autres personnes certainement. De toute manière, ces derniers temps, il ressemblait à un vrai courant d'air : Arthedain, Rhudaur, Cardolan... Il voyait des elfes et des humains de toute condition, et Niemal raconta qu'il avait beaucoup d'amis, peut-être plus chez les gens du peuple que parmi les dirigeants. En tout cas parmi les humains. Il prenait toujours grand soin d'aller voir chacun quand il le pouvait et passait pas loin, pour prendre des nouvelles, donner un bon mot ici et là, voire plus, et en tirer ses conclusions. Il savait souvent mieux ce qui se passait que les rois, princes et autres !

La seconde à partir fut Vif. Après s'être bien reposée, elle quitta discrètement les lieux, en restant sous le couvert des arbres. Elle avait une bonne trotte à faire puisqu'elle comptait se rendre au-delà des frontières de la Comté. Et elle ne voulait pas attirer l'attention sur elle ou inquiéter hobbits ou autres. Mais sa forme se prêtait très bien à cela : très discrète et extraordinairement perceptive, seuls quelques animaux sauvages sentirent sa présence. De plus, elle était plus rapide qu'un cheval, bien que bien moins endurante. Seule la traversée de la rivière Baranduin à la nage lui présenta une petite difficulté, surtout due à la présence inopportune d'un pêcheur. Mais les félins étant aussi de bons nageurs, l'homme ne s'aperçut pas du drôle de poisson qui faisait fuir les petits...

Troisièmes à partir, le lendemain du jour où le magicien Mithrandir les avait quittés : Elladan, Elrohir, Pelenwen, Pelendur, Drilun et Sîralassë s'en allèrent à cheval, au pas, sur les routes de la Comté. Arrivés à la Grande Route de l'Est, les badauds regardèrent passer avec étonnement et respect ce noble équipage : trois elfes dont un particulièrement grand, deux nobles Dúnedain... et un Dunéen qui faisait un peu déplacé dans ce groupe. Sûrement ce devait être quelqu'un d'important pour chevaucher en telle compagnie ! Mais Drilun ne fit pas attention aux regards étonnés qui se posaient sur lui : il était trop occupé à se concentrer sur son cheval, l'équitation étant un art qu'il maîtrisait encore mal, même s'il s'améliorait. Et le début du voyage se passa sans problème. Après une journée, le groupe avait franchi le Pont des Arbalètes et il campa à la lisière de la Vieille Forêt.

Les quatrièmes à partir étaient Narmegil et Geralt : ils avaient prévu un petit tour du Cardolan et de leurs dirigeants, entre autres : Cormac et sa bande, Tharbad et ses voleurs et assassins, la princesse de Dol Calantir, le roi de Saralainn, le baron - ou plutôt son régent - de Girithlin... Ils allaient faire un long voyage. Mais d'abord, le Dúnadan voulait attendre le retour de Vif : ses talents seraient utiles pour veiller sur son épouse et sa fille, il ne voulait pas la laisser seule, même si son cousin Helvorn était présent. Lorsque la femme féline fut revenue, quatre jours après son départ, les deux hommes firent les derniers préparatifs. Puis, deux jours après, ils prirent les meilleurs chevaux et partirent au galop après quelques adieux, non sans avoir mis au courant Helvorn concernant leurs projets... et Vif.

Cette dernière était revenue quelque peu mécontente de son entretien avec Tina. Elle avait été prévenue d'une menace dans des termes vagues et imprécis. Néanmoins, elle se sentait à présent assez expérimentée pour oser une dernière transformation que jamais elle n'avait essayée. En forêt, entourée de ses amis et de Niemal, elle appela à elle sa magie pour se transformer en un félin encore plus gros, plus puissant, plus redoutable. Cette transformation était impossible sans une parfaite maîtrise de soi. Et pour la première fois, elle y arriva. Le félin qu'elle était tripla de volume, devenant ainsi beaucoup plus fort et menaçant. En même temps, c'était devenu un animal magique que les armes normales avaient beaucoup de mal à toucher. Capable d'entendre d'éventuels ennuis arriver à grande distance, c'était un garde parfait. Il lui fallait seulement quelques kilos de viande à consommer chaque jour... mais il pouvait se fournir lui-même avec la plus grande des facilités.

Cinquièmes et derniers à partir : Niemal et Fondrielle. Ils étaient restés pour veiller un peu sur Míriel, mais ils avaient d'autres choses à faire ailleurs. Après avoir assisté Vif et l'avoir aidé à récupérer après son épuisante transformation, ils étaient également partis de leur côté. Auparavant, aux côtés d'autres elfes, ils avaient accompagné l'énorme félin au village, au grand jour. Helvorn avait eu un peu de mal à encaisser la forme féline de Vif, et les gens de Tumulus n'étaient pas préparés comme lui. Officiellement, le gros félin était une aide que les elfes avaient appelée pour garder Míriel et sa mère, et il ne présentait aucun risque pour quiconque de bien intentionné. Ce qui n'empêchait pas les gens d'en douter...

3 - Attente et soupçons
A Tumulus, la vie poursuivait son cours, entre le talan la nuit et Bar Edhelas le jour. Vif aurait préféré que Míriel reste tout le temps dans la forêt, au talan qui était sa maison, sous bonne protection - celle des elfes et la sienne. Son échange avec Tina, qui s'était déroulé dans la Vieille Forêt, lui laissait supposer que le lynx blanc avait eu vent d'une action prochaine de la part des forces d'Angmar. Tina lui avait même signalé qu'en cas de besoin, elle connaissait un soigneur plus puissant que celui du groupe... Sa "famille" n'avait pas voulu être plus précise ni l'aider plus. Vif avait tout de même réussi à obtenir une promesse de participation à la lutte contre Ardagor, mais dans des conditions qui semblaient douteuses et pleines de contreparties.

Isis devait néanmoins être présente au manoir en journée, en particulier pour gérer le chantier de l'orphelinat qu'elle faisait construire. Car de nombreuses personnes arrivaient pour participer, surtout des humains de la Comté qui devaient de toute manière céder leur place aux hobbits, avec plus ou moins de heurts. L'afflux de personnes impliquait aussi une nouvelle organisation des gardes, une demande accrue de divers biens et services (nourriture, abri...), etc. Bref, beaucoup plus de travail. Isis était aidée par Helvorn, et bientôt par un architecte venu de Fornost, mais il y avait de quoi faire pour tous.

La jeune maman elfe avait bien essayé de trouver une nourrice pour la petite, voire de lui donner du lait animal. Mais sa fille rejetait tout autre lait que le sien, et elle semblait douée d'une faculté magique pour repérer la présence de sa mère à proximité et la réclamer. Bref, c'était un véritable boulet avec lequel il fallait composer. Néanmoins, elle appréciait bien la présence du gros félin qu'était Vif, avec qui elle jouait avec plaisir. Ce qui faisait frémir les quelques témoins éventuels, humains ou hobbits, qui pouvaient passer à proximité.

De toute manière, la forme féline de Vif avait de quoi impressionner, et elle prenait bien soin de jouer de la chose voire d'accentuer cette aura. A peine plus petite qu'un chatmoig, ses déplacements souples et silencieux ou ses bonds puissants ne laissaient aucun doute à ceux qui l'observaient : elle avait toutes les capacités pour surprendre voire tuer n'importe qui, même le meilleur des gardes - et elle avait l'appétit qui allait avec ! En fait, lorsque l'épouse de Narmegil venait sur le chantier, avec Vif et la petite, le rythme de travail s'accélérait sensiblement, ce qui amusait beaucoup le félin. Mais moins Helvorn, pour qui la présence trop fréquente de Vif pouvait rimer avec départ précoce des gens les plus impressionnables.

Le chantier attirait de plus en plus de monde et de tous les horizons, malgré ce gros chat menaçant. Et lorsque Míriel dormait tranquillement à proximité, Vif surveillait de près les environs. Comme les gens la considéraient comme un animal, sans se douter de sa nature ni de son ouïe exceptionnelle, elle eut vite fait de repérer quelques curieux qui posaient beaucoup trop de questions à son goût. Curieux qui s'éclipsèrent après quelques jours sur le chantier. Il ne faisait guère de doutes que des gens suivaient à distance ce qui se passait à Tumulus. Et si les elfes empêchaient toute action néfaste venue des bois alentours, ils ne pouvaient guère empêcher marchands et travailleurs de prendre les routes qui menaient au village.

4 - Diplomatie et marchandage
Et de leur côté, que faisaient Geralt et Narmegil ? Avec les bons chevaux qu'ils avaient, ils avaient pu faire la première partie du voyage à toute allure : Bree fut atteint le soir même de leur départ. Mais ce rythme accéléré était très pénible psychologiquement pour l'assassin, grand flemmard devant l'éternel. Même avec l'aide de la magie de son ami, il ne se sentait pas de faire toute leur équipée à la même allure. Bien sûr, le Dúnadan était pressé de retrouver sa famille qui lui manquait déjà, mais il lui faudrait s'armer de patience, tout ne se ferait pas en un clin d'œil !

Après Bree, l'allure descendit au pas. En fait, leur premier objectif était tout proche, il s'agissait d'aller voir la bande de Cormac, non loin de Bree. Ils avaient déjà été en contact avec les bandits par le passé, et cela s'était plutôt bien passé. En fait, Cormac et sa bande assuraient même un certain rôle de sécurité sur la région, limitant l'arrivée ou le passage d'autres bandits voire d'orcs. Ils ne tuaient jamais aucun marchand et leur laissaient toujours une partie de leurs affaires, donc leur impact sur le commerce était-il limité. Narmegil espérait pouvoir les embaucher comme éclaireurs voire guerriers contre Ardagor et ses troupes.

Le camp ne fut pas difficile à retrouver. Non seulement le Dúnadan se rappelait à peu près l'endroit, mais les sens très exercés de l'assassin eurent tôt fait de repérer quelques-uns des bandits qui se croyaient bien cachés non loin de la Vieille Route du Nord. A leur grand dam, les deux cavaliers les interpelèrent et demandèrent à parler à leur chef. Il fallut un moment avant que les bandits ne se rappellent de leurs interlocuteurs, mais en fin de compte, après une petite attente, ils furent emmenés - à nouveau - jusqu'au camp des bandits. Cormac les y attendait, et il les traita de manière respectueuse, comme des invités.

Le projet de Narmegil ne le tentait guère. Passer du côté "officiel", c'était retrouver des chaînes qu'il ne regrettait aucunement. Il avait été mercenaire dans le Cardolan, aux ordres de différents patrons, il ne tenait pas trop à se retrouver dans la même position. Surtout face à Ardagor et à ses orcs ou trolls. Les bruits qui couraient à leur propos donnaient à toute manœuvre armée contre eux un côté incertain et risqué. Devant les offres sonnantes et trébuchantes qui lui furent faites, et les beaux discours sur l'arrivée prochaine d'Angmar si Ardagor n'était pas éliminé, il fit une réponse mi-figue mi-raisin : il en parlerait à ses hommes, et ceux qui seraient volontaires pourraient éventuellement, sous les ordres de son second, venir prêter main-forte. Mais il fallait revenir d'ici quelques temps pour avoir une réponse, d'autant que la campagne ne commencerait pas avant l'année prochaine.

Après quoi les deux amis reprirent la route et firent un crochet par Minas Malloth, manoir des Tyrn Gorthad, tout proche. Ils y retrouvèrent Pelendur et Pelenwen, cette dernière s'apprêtant à partir pour Tharbad. Narmegil parla de l'entretien qu'il avait eu avec Cormac, et demanda au baron s'il était éventuellement prêt à donner des terres aux bandits s'ils participaient à la guerre contre Ardagor. Mais Pelendur n'était pas très chaud à cette idée. S'il voyait les côtés positifs de la présence de Cormac et ses bandits, il n'était pas pour autant prêt à officialiser leur existence, surtout sur ses terres, donc sous sa bannière. Les marchands et autres n'apprécieraient sûrement pas de se faire détrousser, même s'ils parlaient de "taxes", par des gens qui se réclameraient d'un accord avec lui - bref, des vassaux. Tout au plus certains accords informels étaient-ils envisageables.

Pelenwen, puisqu'ils devaient tous se rendre au même endroit, proposa ensuite de patienter jusqu'au lendemain pour faire le trajet ensemble. Elle serait accompagnée par un vieux garde dont Geralt se souvenait bien, puisqu'il lui avait sauvé la vie à Tharbad. L'assassin et son compagnon acceptèrent, et le reste du voyage jusqu'à Tharbad se fit vite et bien. A Metraith, capitale de Dol Tinarë, Geralt retrouva le contact des assassins de Tharbad qui lui fit un rapport sur les événements en cours et la campagne militaire en préparation. Il lui donna ensuite des consignes très strictes visant à empêcher quiconque de tuer le seigneur Hallas. Enfin, deux jours après avoir quitté Minas Malloth, les deux hommes, accompagnés de Pelenwen et de son garde, arrivèrent à Tharbad.

5 - Discussions avec des elfes
De leur côté, Drilun et Sîralassë avaient bien avancé. Après une nuit dans l'ombre étouffante de la Vieille Forêt, ils étaient repartis avec leurs compagnons et avaient atteint Bree, puis Minas Malloth, demeure de Pelendur et Pelenwen. Après une journée complète de repos, ils étaient repartis le soir, à cheval, à quatre : les trois elfes et le Dunéen. Elladan et Elrohir avaient alors mené les deux amis sur des sentiers elfiques connus des seuls initiés, essentiellement de nuit. L'obscurité ajoutait une difficulté supplémentaire pour l'archer-magicien, même si elle était en partie atténuée par les auras elfiques que faisaient ses compagnons. Et les chants elfiques qu'ils entonnaient lui donnaient de l'énergie, ainsi qu'aux chevaux. Au bout d'une semaine, ils parvinrent enfin à Imladris, sans avoir été inquiétés par quiconque, orc ou autre.

Il y eut de nombreuses occasions de discuter avec Elladan et Elrohir, du Cardolan en particulier. Et plus tard leur père ne fit que confirmer ou préciser les informations données par ses fils. Mais globalement, Elrond, ses fils et leurs amis, étaient très critiques : peut-être que si Ardagor se maintenait, c'était le début de la fin pour Eriador, mais les elfes n'y pouvaient pas grand-chose. Les humains avaient largement de quoi s'occuper de lui... à condition de tous le vouloir et de ne pas avoir d'objectifs contraires et secrets. Concernant Saralainn et Girithlin, la chose était peut-être exagérée à affirmer !

En effet, les elfes étaient très réservés envers les hommes du Cardolan. Si quelqu'un comme Pelendur était reconnu et respecté, c'était bien le seul, et il représentait une goutte d'eau comparé aux autres domaines. Le vieil Hallas de Dol Tinarë semblait digne de confiance sur ce projet de campagne militaire, mais on ne pouvait pas en dire autant de sa famille en général - une surprise était toujours possible. Les cantons de Fëotar ne paraissaient pas être source de problème, quant à eux, mais pas non plus une source d'aide possible. Et les autres... au mieux incertains, au pire sans fiabilité aucune à attendre.

Concernant Ardagor, on ne savait pas grand-chose sur lui ou sur ses origines, si ce n'est qu'il venait d'Angmar. Fin stratège et bon tacticien, c'était aussi un diplomate rusé qui jouait avec les dirigeants du Cardolan. La plupart intriguant les uns contre les autres, Ardagor avait beau jeu de faire en sorte de ne jamais avoir de front uni contre lui. Divers espions étaient à son service, ainsi que des sorciers mais de moindre envergure, à une exception près peut-être : une petite jeune femme pourrait avoir trouvé refuge chez lui lorsque Mithrandir l'avait prise en chasse, après qu'elle eut manipulé la foule à Tharbad pour attaquer le groupe, et Vif en particulier. Et elle possèderait un artefact du second âge, un anneau elfique puissant qui lui avait permis d'attaquer la Femme des Bois avec de l'eau vivante. Autre exception : Ardagor lui-même serait un sorcier correct, d'autant qu'il utiliserait ses pouvoirs discrètement et avec parcimonie.

Ardagor semblait commander à une petite troupe de trolls bien maîtrisée. Cela faisait dire à certains, avec sa prétendue grande taille, qu'il avait lui-même du sang troll dans les veines. Il commandait aussi à de nombreux orcs de Creb Durga, orcs qui avaient toujours été là par le passé : les cavernes de Creb Durga semblent avoir des ramifications très profondes et lointaines, par où ils finissent toujours par arriver. Mais les orcs n'étaient guère plus pour Ardagor que de la chair à canon qu'il sacrifiait sans état d'âme, donc leur soutien n'était acquis que tant qu'ils sentaient que le rapport des forces était du côté du Seigneur de Guerre. Enfin, ce dernier avait de l'or pour s'acheter les services de mercenaires peu regardants. Mais si le seigneur de guerre avait des problèmes, de ravitaillement par exemple, ils risquaient de regretter leur position, voire de devoir en changer, et peut-être vite...

Au final, les elfes de la maison d'Elrond n'interviendraient pas de manière directe. Ils avaient déjà suffisamment à faire pour surveiller et minimiser les risques liés aux troupes du Rhudaur et à celles d'Angmar, orcs ou humains. Avec Arthedain, ils feraient en sorte qu'il n'y ait pas d'attaque surprise venue d'ailleurs. Les elfes de Lindon et Siragalë, de leur côté, aideraient leur allié de toujours, l'Arthedain, en contrôlant ses arrières et en lui faisant parvenir des vivres jusqu'à un certain point. Mais hormis peut-être de rares individus comme Niemal, aucun ne prendrait directement part au conflit sur le lieu même de Creb Durga, où siégeait Ardagor, et où les orcs avaient leurs cavernes pour se réfugier de jour.

6 - Nouvelles et cris
Au sud d'Imladris, à Tharbad, pour être précis, Narmegil et Geralt venaient d'arriver et ils acceptaient avec plaisir l'offre de Pelenwen de les héberger chez elle. Après avoir déposé quelques affaires, ils se rendirent ensuite chez Dirhavel par des chemins séparés. Le noble Dúnadan était bien assez imposant et menaçant quand il le voulait pour éviter d'être incommodé par les mendiants et petits voleurs ; et l'assassin était chez lui, et il savait se faire discret. Ils trouvèrent l'alchimiste à son échoppe, qui les accueillit avec plaisir et leur donna diverses nouvelles ou en reçut. Mais surtout, Geralt passa commande d'un grand nombre de doses de "trèfle de lune" préparé, qui permettait de voir la nuit comme un elfe ; et d'un maximum de contrepoisons comme celui dont il avait pu bénéficier...

Le lendemain, les deux amis portèrent leur attention sur la guilde des voleurs. Ils se rendirent ouvertement au quartier des voleurs et à Ostinen Turambar, le château à moitié en ruines qui servait de quartier général à la guilde. Et en particulier à son maître, qu'ils arrivèrent à rencontrer assez vite. L'objectif était double : obtenir des informations de sa part concernant diverses personnes ou domaines du Cardolan, et envisager la participation des assassins à la campagne contre Ardagor. L'homme réagit en bon marchand : il fit payer - cher - quelques nouvelles passées ou à venir, en particulier celles que son contact de Girithlin pourrait donner à ses interlocuteurs. Pour ce qui était de l'occupation des assassins, il prévint que l'essentiel était d'obtenir leur adhésion à se projet, par la force ou l'appât du gain... pour autant qu'il pouvait y en avoir, surtout face aux risques.

Peu après, guerrier et assassin quittaient le château en compagnie d'Eskel pour s'entretenir en privé, en un endroit sans oreilles indiscrètes à proximité - pour autant que cela existe à Tharbad. Là, le second des assassins apprit à son chef qu'un nouveau contrat important avait été proposé à la guilde : 300 pièces d'or pour la tête de Forak, chef d'une compagnie de mercenaires au nom barbare, les "violateurs". Le terme en disait long, car il pouvait tout aussi bien signifier violeur de personne que violeur de loi. On racontait que Forak était un déserteur venu d'Angmar, comme pas mal de ses hommes, et on disait qu'il avait du sang orc dans les veines.

Oui mais... d'après le maître de la guilde, les violateurs de Forak étaient l'une des deux compagnies de mercenaires que le prince Hallas était en train d'acheter pour sa campagne, à côté d'une autre compagnie de cavaliers dúnedain de la petite noblesse du Cardolan. Un mélange curieux ? Pas vraiment, quand on savait que les mercenaires commandés par Forak étaient la seule compagnie du Cardolan qui disposait d'armes de siège... Et, bien entendu, la source du contrat d'assassinat laissait très clairement supposer qu'Angmar était derrière. Encore quelque chose qui ne faisait pas l'affaire de Geralt et de ses amis... Après quoi, le chef des assassins parla de ses projets à son second : faire la guerre à Ardagor. Il était un peu dubitatif quant à l'accueil que les assassins feraient à cette nouvelle orientation de leur activité, mais il se débrouillerait pour rameuter le plus de monde pour une réunion le lendemain soir.

La réunion eut lieu en présence de Narmegil, et de nombreux assassins crièrent ou murmurèrent leur désapprobation quand ils apprirent le projet de leur chef. Jouer les gros bras et les tueurs était une chose sur un terrain qu'on connaissait, qu'on maîtrisait, face à des marchands humains plus ou moins bien gardés. C'en était une toute autre que d'aller affronter des orcs et des trolls dans la nature, dans une région qu'on ne connaissait pas ! Sans parler de l'accueil que risquaient de réserver les autres armées à leur attention. Jouer aux éclaireurs était peut-être possible pour en apprendre plus sur l'ennemi, mais les risques étaient tout de même énormes, surtout face à des ennemis qui pouvaient les détecter grâce à leur nez !

Geralt eut beau expliquer qu'il avait des appuis sûrs et qu'ils ne seraient pas seuls, cela grognait ferme dans les rangs. Narmegil donna de la voix pour montrer que les "appuis" n'étaient pas des paroles en l'air. Pour bien montrer cela, il se laissa défier par un assassin plus contestataire que les autres. Avec l'épée de Geralt, il commença par parer tranquillement tous ses coups, puis il fit plusieurs blessures sérieuses à son adversaire qui comprit vite qu'il n'avait aucune chance. Les assassins virent ainsi qu'ils auraient de puissants guerriers à leurs côtés, mais Geralt comprit aussi qu'il ne pourrait motiver qu'une partie de ses troupes, et en les payant cher ! Oui, la guerre n'était pas faite pour les pauvres...

7 - Visite officielle
A Bar Edhelas, un jour, Helvorn fut prévenu de l'arrivée d'un chevalier et de deux écuyers des troupes du prince Minastir installées au château de Sarn, au sud de la Comté. Tandis qu'il faisait prévenir Isis, qui prit la précaution de mettre Míriel en sécurité, il rencontra ses visiteurs. Le chevalier s'appelait Giladan Brethil, et c'était manifestement un Dúnadan qui connaissait le château de Sarn. En fait, dans une discussion qui suivit, Helvorn se rappela un autre membre de la famille Brethil qui était soigneur au château, et dont Giladan donna quelques nouvelles.

L'homme avait pour mission, disait-il, d'apporter deux choses au seigneur Eldanar ou à son épouse : un message personnel, ainsi qu'un cadeau pour la petite Míriel. Par ailleurs, il avait beaucoup entendu parler d'elle et il posa beaucoup de questions à son sujet. En arrivant, on lui avait parlé aussi d'un "gros chat" qui la gardait, et il était surpris et curieux : comment un chat, même s'il était de la taille d'un gros lynx, pouvait-il assurer une quelconque garde du nourrisson ? Helvorn, et Isis qui finit par arriver, étaient méfiants mais ne savaient trop quoi penser : curiosité normale ou informateur déguisé ? En tout cas, si c'était le cas, l'homme jouait son rôle à la perfection.

Faute du mari, Giladan donna le message à l'épouse, en présence d'Helvorn : d'après le prince Minastir, la princesse Finduilas de Dol Calantir - que Narmegil était censé voir bientôt - aurait fait un voyage secret en Angmar plusieurs années auparavant. L'information avait été vérifiée et semblait fiable. L'homme demanda à ce que le message puisse être transmis au plus vite à Narmegil, car d'après le prince Minastir, l'information pourrait lui servir. Isis ne voyait pas très bien comment le prévenir, mais elle dit qu'elle ferait son possible. Puis arriva le tour du cadeau à sa fille.

Le cadeau en question était une gourmette en cuir et or, finement travaillée. Mais l'homme ajouta que le prince Minastir lui avait dit qu'elle était magique, bien qu'il ne sût pas ce qu'elle faisait. On lui avait dit qu'elle devait être mise au poignet de la petite, et qu'au besoin il fallait serrer la gourmette et le poignet ensemble, et que la magie se déclencherait. Mais quant à savoir si cela marchait une fois ou plusieurs, il n'en savait pas plus. Devant son insistance, on finit par amener Míriel... et le "gros chat" qui la veillait ! L'homme eut un mouvement de surprise, et il comprit mieux la nature de la garde que le "chat" assurait... prétendument avec l'aide de la magie des elfes. Mais rapidement il tomba en extase devant la petite, comme quelqu'un qui ne rêve que de cela...

Helvorn invita l'homme et ses deux gardes au manoir pour la nuit, mais Isis, sa fille et Vif se retirèrent pour aller la passer au talan. Là, les elfes regardèrent l'objet sous toutes ses coutures mais ne trouvèrent rien de particulier. Isis mit même le bracelet, mais rien ne se produisit. Au bout du compte, elle mit le cadeau dans sa poche et n'y pensa plus. Le lendemain matin, les trois filles revinrent à Bar Edhelas pour une journée habituelle, ainsi que pour assister au départ des envoyés du prince Minastir, qui se préparaient. Mais Giladan semblait obnubilé par la petite Míriel et il retardait sans cesse son départ, si bien que ses deux gardes commençaient à montrer des signes d'impatience.

Au bout du compte, il ne résista pas et demanda la permission de prendre la petite pour un bref instant. Isis se laissa convaincre, malgré un "gros chat" qui devenait nerveux à ses côtés. L'homme prit donc Míriel dans les mains, et tout d'un coup la fille d'Isis se mit à crier et pleurer. Giladan la remit alors à sa mère et se mit à sourire, ainsi que ses gardes. Il déclara alors que Míriel venait d'être empoisonnée grâce à un dard caché dans sa manche. Le poison était lent, mais trop violent pour qu'aucun soigneur ne puisse la guérir. Le seigneur Elrond, peut-être... mais il était loin. Elle serait morte avant un jour. Sauf si Isis lui remettait la petite : Giladan savait où trouver un contrepoison à moins d'un jour à cheval. Il ne l'avait pas sur lui, et si jamais ses hommes et lui étaient tués, la petite était perdue.

8 - Sauvetage
Les trois hommes, comme le disait Giladan, semblaient prêts à mourir pour leur mission. En cas d'échec, de toute manière, leur sort aurait été le même. Bien entendu, ils travaillaient pour Angmar ou l'un de ses serviteurs. Plus tard, au cours de recherches qu'il ferait, Helvorn trouverait que Giladan était bien l'homme qu'il prétendait être. Il avait vraiment été chevalier au château de Sarn, et cousin du soigneur qui y officiait. Mais il avait été expulsé suite à des contacts avec des gens trop louches. Par la suite, il avait disparu quelque temps, prétendument pour faire du commerce dans le Gondor, avant de réapparaître sous de beaux atours, la langue bien pendue et la bourse pleine...

Isis, froide mais contenue, commença par demander à Vif de supprimer les deux gardes. Ce qu'elle fit, en un éclair. Les deux hommes avaient beau avoir leurs armes prêtes, et manifestement empoisonnées, ils ne purent rien faire. L'un finit éventré, l'autre eut la tête arrachée - un coup de patte pour chacun. Les serviteurs de Bar Edhelas crièrent devant ce spectacle, Giladan pâlit et se prépara à un sort similaire, mais il ne céda pas à la menace. Magiquement, Isis conversa avec le félin qu'était Vif, qui lui dit qu'elle savait où trouver un soigneur assez puissant, même s'il y aurait sûrement une contrepartie. Un geste, un mot d'Isis, et le sang de Giladan courut sur les pierres de la cour du manoir.

Vite, un couffin fut installé, attaché serré entre les pattes avant du gros félin. Vif bondit ensuite sur la route, sans se soucier de l'émoi qu'elle y semait. Moins endurante qu'un cheval mais plus rapide, elle fila à bonne allure tandis que Helvorn et Isis suivaient, plus lentement, à cheval. Lorsqu'ils arrivèrent sur la Grande Route de l'Est, ils purent suivre à la trace le passage du gros félin qui avait fait peur à plus d'un mais en évitant toujours les tentatives futiles de le blesser ou de l'arrêter. Sur le Pont des Arbalètes, à l'entrée de la Comté, il avait grimpé à la tour de garde comme un écureuil, puis descendu de même, et la flèche qu'il avait reçue ne semblait lui avoir fait aucun mal. Quelques miles plus loin sur la route, le félin les attendait en bordure de la Vieille Forêt. Il les mena ensuite sous les oppressantes frondaisons.

Isis et Helvorn découvrirent une scène de massacre. Une demi-douzaine d'hommes étaient morts depuis peu, lacérés par de nombreux coups de griffe. Ce n'était pas Vif qui en était l'auteur, mais une armada de nombreux lynx de la forêt, parmi lesquels trônait un lynx blanc. C'est-à-dire Tina, la "famille" de Vif. Tina qui avait fait mourir les aides de Giladan et détruit le contrepoison qu'ils semblaient avoir apporté. Selon la Femme des Bois, leur interlocutrice se disait capable de soigner la petite, mais elle désirait quelque chose en échange : pouvoir faire la même chose chaque année pendant dix ans. Elle ne disait pas exactement pourquoi, mais pour Vif la chose était évidente : elle gagnerait une ascendance certaine sur Míriel.

Isis refusa : plutôt voir sa fille morte que le jouet de forces maléfiques ! Elle chercha à partir, mais les félins rassemblés se mirent à feuler et lui bloquèrent le passage. Dans un premier temps, le lynx blanc avait pensé jouer avec l'elfe et attendre qu'elle voie sa fille proche de la mort, pour voir si sa volonté tiendrait tout ce temps. Mais Vif eut une autre idée. Elle proposa un contrat au lynx blanc, un service à venir qu'elle accomplirait pour lui - sans mettre ses amis en danger - en échange de la vie de la petite. Après réflexion et tractations diverses, Tina réfléchit... puis elle s'approcha de Míriel qui reposait à terre, geignant et pleurant de peur et de douleur.

Tina commença par griffer et faire saigner la petite, qui hurla de plus belle. Puis elle la lécha, tandis que tous les spectateurs sentaient qu'une puissante magie était à l'œuvre. Et rapidement, les blessures disparurent, tandis que le sang et la salive du félin blanc se mêlaient. Manifestement, le poison qui courait dans les veines de la fille d'Isis était en train de connaître le même sort. En voyant cela, Vif se rappela ce que les voyants d'Arthedain avaient prédit à son sujet à elle : qu'elle pourrait un jour être le destin de Míriel, qu'elle pourrait faire en sorte de la tuer ou de la sauver. Cette prédiction s'était donc réalisée. Mais à quel prix ?
Modifié en dernier par Niemal le 30 août 2012, 22:13, modifié 4 fois.
Hamfast

Lettre à l'attention d'Isis

Message non lu par Hamfast »

Un cavalier arrive, donc, blessé, apporter une lettre à Isis de la part de Narmegil.
Le cavalier en provenance de Metraith, ville où habite le seigneur Hallas, apporte un message cacheté qui dit ceci, en Sindarin :
Ma chère Isis, je profite d'un passage chez le seigneur de Dol Tinarë pour te faire envoyer une petite missive, en espérant que tu sois toujours au manoir pour lire ceci.
Tu peux bien sûr parler de tout ça aux autres.

Par où commencer ? Eh bien, de plutôt bonnes nouvelles. J'ai obtenu plusieurs choses, avec Geralt. Déjà on est allés voir la bande à Cormac, et on aura peut-être l'aide de quelques personnes de chez eux dont son second, mais ça coûte cher, et on n'a pas beaucoup de garanties. Mais c'est toujours ça de pris.
Ensuite, à Tharbad on pense avoir le soutien d'une trentaine d'assassins, les plus fidèles à Geralt, mais on y retournera pour augmenter les prix peut-être, et essayer d'avoir un peu plus de monde.
Passons à la suite : la princesse Finduilas avait engagé les nains, mais elle m'a permis de les engager pour la guerre. J'ai réussi à négocier avec les nains d'une manière particulière, en basant mes arguments sur leur haine des orcs, et au final ils nous soutiendront pour la somme de 10 PO / semaine pour une trentaine de nains au lieu de leur tarif habituel de 30PO / semaine !!! Une chance incroyable...
Mais il m'est arrivé quelque chose de particulier chez Finduilas (ah, j'oubliais : elle voudrait te rencontrer pour discuter magie, c'est quelqu'un de très intelligent et sympathique, je suis sûr qu'elle te plaira, donc si l'occasion nous est donnée, on pourra lui rendre visite avec la petite), alors que j'ai senti grâce au bracelet que tu n'allais pas bien - et j'espère que la petite et toi êtes en sécurité, et avez eu plus de peur que de mal ? - je suis sorti faire un petit tour, et un agent d'angmar se faisant passer pour une serveuse m'a donné de l'eau empoisonnée...
Heureusement, à l'aide de la magie que j'ai apprise en sauvant Sîralassë, ô précieux don des Valar, mon organisme a éliminé le poison...
C'est en partie grâce à ça que Finduilas a accepté de nous aider, en plus de l'aide des nains.
Donc pas de problème pour moi, tout va bien.
Enfin on est allés voir Bemakinda, général des armées à la retraite, dans les cantons de Feotar.
Je voulais obtenir de lui qu'il fasse en sorte que les cantons fournissent le ravitaillement pour les armées, du moins en partie, moyennant finances, bien sûr. Mais ce n'est à priori pas un problème. De plus, il m'a dit que si nous revenions le voir le jour donné, il serait prêt à nous accompagner pour nous aider, étant donné sa grande expérience du terrain, ce sera un atout non négligeable !
Voilà, ensuite nous sommes allés donner ces bonnes nouvelles à Hallas.
J'en ai profité pour en apprendre plus quant à sa motivation : il a l'air sincère en disant qu'il se fait vieux et qu'il veut faire une dernière bonne action avant d'aller rendre des comptes dans les cavernes de Mandos.
Son âme de grand seigneur se révèle enfin, en somme.

Il nous reste à présent à retourner rapidement à Tharbad essayer d'obtenir de meilleures conditions, et plus de monde, puis aller voir le "roi" Lanaigh, et enfin aller voir Earnil.
J'espère principalement obtenir de ces deux derniers qu'ils ne nous mettent pas de bâtons dans les roues.
Espérons que tout aille pour le mieux, j'ai hâte d'être rentré, vous me manquez terriblement !
Embrasse la petite de ma part. Je suis sûr qu'elle aura bien grandi.
Je suis désolé de n'être pas un bon père...
Merci de ta patience, puissent les Valar nous réunir sous peu.

Narmegil Eldanar
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